Le Sénat
Motion tendant à demander au gouvernement du Canada d'imposer des sanctions contre les responsables chinois et/ou ceux de Hong Kong--Suite du débat
23 juin 2020
Honorables sénateurs, je veux prendre officiellement la parole au sujet de la motion du sénateur Housakos.
Il y a quelques mois, j’ai pris la parole dans le cadre de ma propre interpellation au sujet des violations des droits de la personne commises par les forces policières hongkongaises, soutenues par le régime de Pékin, à l’endroit des manifestants prodémocratie à Hong Kong. À ce moment-là, je ne croyais pas que j’aurais de nouveau à prendre la parole à ce sujet, mais les temps ont changé.
Sénateurs, comme vous, je crois à la diplomatie posée et au dialogue constructif entre les pays au sujet de dossiers et d’enjeux communs. Aujourd’hui, je prends la parole pour appuyer la motion de mon collègue et j’ajoute ma voix aux appels à une réaction plus musclée du Canada à la destruction méthodique de la démocratie menée par la Chine à Hong Kong et au manque total d’égard de ce pays pour les droits de la personne et la vie humaine partout sur son territoire, en particulier en ce qui a trait à la minorité musulmane, les Ouïghours. J’ai fait des reportages sur la situation des Ouïghours vers la fin des années 1980 et dans les années 1990. Je me suis rendu dans la province où ils vivent, et on pouvait constater l’approche systémique adoptée par le gouvernement de Pékin relativement à la minorité musulmane dans cette région de la Chine.
La motion du sénateur Housakos propose que le Sénat demande au gouvernement du Canada d’imposer des sanctions contre les responsables chinois ou ceux de Hong Kong, conformément à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, aussi appelée loi de Sergueï Magnitski, à la lumière de la violation des droits de la personne, des principes de justice fondamentale et de l’état de droit à l’égard des manifestations en cours à Hong Kong et à la persécution systématique de minorités musulmanes en Chine.
J’aimerais expliquer ce qui me dérange dans les gestes et les abus de la Chine uniquement au cours des dernières semaines. Plus tôt ce mois-ci, la Chine a interdit la vigile organisée en l’honneur des victimes du massacre de la place Tiananmen, survenu en juin 1989. Les autorités gouvernementales chinoises ont interdit cette activité commémorative pacifique sous prétexte de l’application par la force policière de Hong Kong des lois visant à assurer la sécurité dans le contexte de la pandémie de coronavirus. Néanmoins, à la grandeur de Hong Kong, des milliers de Hongkongais courageux ont défié l’interdiction en allumant des bougies pour tenir une vigile à la mémoire des événements de la place Tiananmen. Ces personnes ont le droit de faire cela, et j’espère sincèrement qu’elles auront le droit de le faire dans les années à venir.
Comme nous le savons, la Chine — c’est une honte — n’a jamais reconnu les victimes du massacre ne serait-ce qu’une seule fois en 31 ans. Tandis que les autres pays sont, naturellement, distraits par les problèmes de santé sur leur propre territoire, la Chine profite de la pandémie pour étendre ses tentacules encore plus loin dans l’administration de Hong Kong. La Chine fait fi, sans le moindre état d’âme, de l’entente internationale à l’égard du cadre « un pays, deux systèmes ».
J’ai récemment participé à un webinaire avec le sénateur Ngo, le sénateur Housakos, l’honorable David Kilgour et de jeunes dirigeants du mouvement démocratique Hong Kong Watch afin de souligner le premier anniversaire du début des manifestations organisées à Hong Kong visant à dénoncer une loi sur l’extradition illégale. Cette mesure législative aurait permis l’extradition de citoyens vers la Chine continentale, où les tribunaux sont contrôlés par le régime communiste au lieu d’un système plus démocratique, comme celui de Hong Kong.
Même si cette loi — qui a attiré énormément d’attention sur la scène internationale et qui a suscité un tollé de manifestations ayant duré des mois — a été révoquée à contrecœur, elle n’a certainement pas permis un retour à la stabilité. Les Hongkongais sont maintenant aux prises avec des règles de sécurité nationale draconiennes. Pendant tout ce temps, comme nous l’avons vu à la télévision et lu dans la presse, des centaines d’innocents, surtout des jeunes, ont été battus et arrêtés. Certains d’entre eux sont toujours dans une prison à sécurité maximale pour avoir participé à des manifestations prodémocratie. D’ailleurs, au cours des derniers mois, comme je l’ai mentionné dans mes observations concernant la vigile à l’occasion de l’anniversaire des événements de la place Tiananmen, Pékin a renforcé les restrictions concernant les déplacements et les rassemblements sous le couvert des mesures de santé liées à la COVID-19.
Les Hongkongais sont des gens qui, comme vous et moi, croient en la démocratie. Ils ne devraient pas avoir à vivre dans la peur et dans la souffrance, ou même perdre la vie, parce qu’ils veulent habiter dans un pays où règnent la paix, la démocratie et les droits et libertés de la personne. Personne ne devrait subir cela.
Les abus commis par la Chine ne s’arrêtent pas là. Je sais que nous sommes tous horrifiés par l’étendue des violations des droits de la personne commises par le gouvernement chinois envers la minorité ouïghoure, qui vit dans la province chinoise du Xinjiang. Les membres de cette minorité sont constamment victimes d’abus, harcelés et arrêtés de façon arbitraire. Ils ne peuvent pratiquer leur religion ou leurs coutumes librement, leurs déplacements et leurs appels téléphoniques sont surveillés et les membres de leur famille sont menacés. Et ce n’est pas tout : parmi les Ouïghours arrêtés, plus d’un million se trouvent dans des camps d’internement dans le Xinjiang. Ces soi-disant camps de rééducation représentent une tentative du régime de contrôler chaque citoyen de son pays. On essaie d’éliminer une culture, une religion et les personnes qui les pratiquent dans le nord-ouest de la Chine.
Nous avons été mis au courant de ces actes inhumains par des Ouïghours qui ont pu fuir la Chine, bien qu’il me semble qu’ils ne seront jamais vraiment complètement libres. Voici une déclaration d’Amnistie internationale :
Les autorités chinoises trouvent le moyen de harceler et d’intimider les Ouïghours installés à l’étranger. Près de 400 personnes nous ont raconté leur histoire et nous ont parlé de surveillance intrusive, d’appels d’intimidation et, même, de menaces de mort. On s’en prend à leurs proches qui vivent toujours en Chine pour étouffer leur militantisme à l’étranger.
Cette façon d’agir de la part du gouvernement de Pékin nous préoccupe grandement. À mon avis, elle fournit une raison impérieuse d’invoquer la loi Magnitski. Cette loi permet au gouvernement canadien de saisir des biens au Canada appartenant à des particuliers qui ont commis de graves violations des droits de la personne ou qui se sont livrés à des actes de corruption, d’empêcher ces particuliers d’entrer au pays et d’interdire aux Canadiens de faire affaire avec eux.
Je veux citer brièvement deux éminents juristes canadiens, qui sont tous les deux experts, bien sûr, en droit de la personne.
L’un d’entre eux est Errol Mendes, professeur de droit à l’Université d’Ottawa et spécialiste des droits de la personne. Il soutient qu’invoquer la loi Magnitski est le moins que nous puissions faire parce qu’il estime que le traitement que la Chine inflige aux Ouïghours sur son territoire constitue un énorme crime contre l’humanité. Il comprend, comme nous tous, je pense, que :
La Chine nous fera sans doute subir des conséquences encore plus lourdes si nous invoquons cette loi, mais si nous croyons ce que nous soutenons depuis la Seconde Guerre mondiale, à savoir que nous ne devons jamais permettre un nouveau génocide, c’est un prix que nous devons payer.
Nous avons vu les propos tenus récemment par Irwin Cotler, un ancien collègue de l’autre endroit et, bien sûr, un avocat spécialiste des questions internationales relatives aux droits de la personne qui s’est porté à la défense de Nelson Mandela et de bien d’autres personnes qui croient aux droits de la personne en Russie. Évidemment, il a dit que nous devrions invoquer la loi de Sergueï Magnitski lorsqu’il est question de la Chine et de ses tentatives de camouflage à l’égard du coronavirus. C’est très grave. C’est ce qu’il croit et c’est ce qu’il a dit. C’est une question de principe, car pendant cinq ou six jours, le monde ne savait pas ce qui se passait en Chine.
M. Cotler a dit ceci :
Si les dirigeants de la Chine refusent de rendre des comptes [...] le Canada devrait au moins imposer des mesures telles que la révocation de visas et la saisie de biens.
J’ai vécu en Chine, j’ai travaillé au gouvernement, j’ai compris certaines choses qui se sont produites en coulisses, je pense aux deux Michael ce soir, et j’ai écouté les propos convaincants que l’épouse de Michael Kovrig a tenus, hier soir, sur les ondes de CBC. Je sais que la Chine n’est pas un interlocuteur comme les autres.
Je crois toutefois qu’à un moment donné, il ne suffit plus de se dire très déçu. J’ai beaucoup de respect envers le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Comme j’ai déjà été au service du gouvernement, je peux comprendre la situation dans laquelle il se trouve. Or, il faut, à un moment donné, faire face à l’intimidateur. À mon avis, il est temps d’agir et de prendre différentes mesures ou, à tout le moins, d’envisager leur utilisation et d’en parler publiquement. On ne peut plus se défiler.
Au Sénat, nous avons un rôle important à jouer par rapport à ce qui se passe à nos frontières, par rapport à la situation des deux Michael et à celle de l’étudiant avec qui j’ai parlé. Il est maintenant dans une prison de Hong Kong. Il a rencontré d’autres sénateurs. Il s’appelle Edward Leung. Après s’être exprimé sur la liberté et les droits de la personne, où s’est-il retrouvé? Dans une prison de Hong Kong.
Je pense que nous avons le droit de parler de ces personnes et des causes qu’elles défendent. Je peux dire tout ce que je veux, que je me trouve au Sénat ou ailleurs. Personne ne viendra me chercher en me disant : « Je vais vous jeter en prison à cause de vos convictions. »
Si nous n’agissons pas, qui dénoncera ce qui se passe en Chine et qui se portera à la défense des Ouïghours, des Tibétains, des habitants de Hong Kong et des jeunes étudiants qui se battent pour une bonne cause? Selon moi, le moment est venu pour les sénateurs de discuter de la loi de Sergueï Magnitski et de l’étudier en détail. Il s’agit d’un levier dont peut se servir le Canada. Il a été utilisé contre des dirigeants en Russie, au Venezuela, au Soudan du Sud et ailleurs dans le monde.
Comme je l’ai dit, je sais que le gouvernement soulève la question des droits de la personne chaque fois qu’il en a l’occasion, mais en vain, semble-t-il. Manifestement, la Chine ne veut pas entendre raison ou écouter ses alliés. Elle se joue de la vie précieuse des gens et de leurs libertés. Il faut obliger Pékin à rendre des comptes pour les mauvais traitements qu’elle inflige en toute connaissance de cause à des innocents. Nous en avons assez vu et entendu; fait encore plus important, nous en savons suffisamment pour exiger que ces mauvais traitements cessent, faute de quoi le Canada passera aux actes.
J’ai l’habitude de dire que je ne représente qu’une seule voix à la Chambre, mais j’ai de l’expérience. Je me souviens d’un dirigeant en Chine qui m’a dit un jour que mes reportages étaient blessants pour le peuple chinois. J’ai rétorqué : « J’adore le peuple chinois. C’est votre gouvernement et sa façon de traiter son propre peuple qui me posent problème. »
Je souhaite depuis longtemps avoir un débat avec l’ambassadeur de Chine et d’autres personnes sur la façon dont nous nous exprimons ici. Un jour où j’étais invité à un repas à titre de sénateur, j’ai dit ceci : « Pourrais-je retourner en Chine et être invité à la chaîne China Central Television, CCTV, l’équivalent de la chaîne CTV au Canada? Pourrais-je, pendant un de vos programmes de télévision, parler de ce que j’ai vu à la place Tiananmen en 1989? » C’est un sujet dont nous parlons ici. J’ai eu des discussions à ce sujet à l’ambassade de Chine au Canada. Laissez-moi en parler à la télévision chinoise, et je serai alors convaincu que la Chine est un pays libre et ouvert, où les gens peuvent se faire entendre et dire ce qu’ils veulent sans craindre les représailles.
En conclusion, je sais que certains sénateurs hésitent à appuyer la motion du sénateur Housakos, mais il s’agit selon moi d’un autre moyen de pression dont le Canada pourrait se servir et devrait peut-être se servir. Je remercie le sénateur Housakos d’avoir présenté cette motion au Sénat, et j’espère que d’autres sénateurs envisageront de l’appuyer. Merci.
Honorables sénateurs, comme nous l’a rappelé le sénateur Munson, Hong Kong est le théâtre de manifestations depuis juin 2019, date à laquelle plus d’un million de personnes se sont ralliées contre un projet de loi qui aurait permis l’extradition de prévenus vers d’autres territoires, vraisemblablement la Chine.
Le gouvernement de Hong Kong a peut-être retiré temporairement le texte litigieux, mais l’État chinois continue de violer les libertés fondamentales et les droits de la personne sur le territoire hongkongais. Même si les manifestants ont été quelque peu apaisés par le retrait du projet de loi, quatre de leurs principales doléances n’ont toujours pas été satisfaites.
Premièrement, ils requièrent une enquête sur ce qu’ils qualifient de brutalité et de mauvaise conduite de la part des policiers; deuxièmement, ils demandent que tous ceux qui ont été arrêtés pendant les manifestations soient relâchés; troisièmement, ils somment les autorités de cesser de qualifier les manifestations d’émeutes; quatrièmement, ils réclament le suffrage universel.
Il y a quelques mois, le département d’État des États-Unis a révoqué le statut spécial qui avait été conféré à Hong Kong par la United States-Hong Kong Policy Act of 1992, au motif que le gouvernement de Hong Kong avait failli à son obligation de respecter les droits de la personne et la primauté du droit.
Les violations des droits des manifestants hongkongais ont pris de multiples formes, comme l’indique un rapport que je me permets de citer : « brutalité policière contre les manifestants et les détenus, arrestations arbitraires, violations substantielles de la liberté de réunion pacifique et de la liberté d’association et restriction de la participation à la vie politique ». Malgré tout, le gouvernement de Hong Kong a refusé d’accéder à la demande de tous ceux qui ont réclamé une enquête spéciale sur les allégations de brutalité policière, dont le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.
Les actes de violence contre les manifestants se sont poursuivis, et la police s’en est prise aux têtes dirigeantes du mouvement prodémocratie sous prétexte qu’il s’agissait d’« assemblées illégales ». Plus de 8 000 manifestants ont été arrêtés depuis un an.
La Chine a aussi les observateurs des droits de la personne dans son collimateur. En novembre 2019 et en janvier 2020, cinq d’entre eux ont été arrêtés pendant qu’ils assistaient à des assemblées organisées sur le territoire hongkongais. Les observateurs ont été dévêtus, tous leurs effets personnels ont été confisqués ainsi que leurs cartes d’identité et leurs appareils d’enregistrement. Au moment de leur arrestation, ces cinq observateurs portaient les vêtements et les cartes d’identité qui identifient clairement leur rôle et l’organisation pour laquelle ils travaillent respectivement. Ils exerçaient tous leurs fonctions de façon impartiale et indépendante. En aucun temps, ils n’ont entravé le travail des policiers.
De plus, au cours de ces deux incidents distincts, les cinq observateurs ont été victimes de violence verbale de la part des policiers, surtout à propos de leur rôle d’observateurs des droits de la personne.
La Chine démontre maintenant qu’elle enfreint de manière éhontée les normes internationales en vigueur qui ont été négociées et entérinées dans le cadre d’accords qui reposent sur les principes fondamentaux du droit, car elle veut instaurer unilatéralement une loi oppressive sur la sécurité nationale à Hong Kong qui ferait en sorte que tout exercice de nombreuses libertés fondamentales serait perçu comme de la subversion.
Les habitants de Hong Kong devront dorénavant vivre avec le risque de se faire arrêter et de subir des peines sévères s’ils manifestent, s’expriment, se portent candidats à des élections et se prévalent d’autres libertés dont ils jouissaient auparavant et qu’ils protégeaient pacifiquement.
En vertu de cette loi, la Chine pourra établir sa présence à Hong Kong par l’entremise de ses organisations responsables de la sécurité nationale et du renseignement.
La chef de l’exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, a déjà manifesté son intention de pleinement coopérer avec la Chine, malgré les répercussions qu’aura cette loi sur l’autonomie hongkongaise, qui est censée être protégée par la loi fondamentale et le cadre juridique « un pays, deux systèmes ».
Honorables sénateurs, il y a sept ans, j’ai eu l’honneur de rencontrer Bill Browder lors d’une conférence à Berlin. Nous avons discuté de la loi de Sergueï Magnitski qu’il cherchait à faire adopter, et qui était alors à l’étude devant le Parlement européen. Lorsque je suis arrivée au Sénat, j’ai été remplie de fierté quand la sénatrice Raynell Andreychuk, qui est aujourd’hui à la retraite, a présenté la loi de Sergueï Magnitski dans cette enceinte ce qui nous a permis, en tant que sénateurs, de contribuer à la version canadienne de ce moyen de lutter contre les violations des droits de la personne.
Permettez-moi de vous parler un peu de Sergueï Magnitski. Il était l’avocat de Bill Browder en Russie. On l’a emprisonné après qu’il a découvert un vaste stratagème de fraude fiscale auquel participaient de nombreux fonctionnaires russes. En 2008, M. Magnitski a été emprisonné. On lui a refusé des soins médicaux dont il avait besoin. Au début du mois de novembre 2009, M. Magnitski fut battu si violemment qu’il en est mort. Il avait déposé plus de 400 plaintes auprès de la prison où il était détenu, qui constituaient un dossier imposant sur les mauvais traitements qu’il avait subis. Malgré le dossier, aucun des fonctionnaires responsables de ses mauvais traitements et de sa mort n’a dû rendre de comptes en Russie. Après sa mort, son collègue, client et ami Bill Browder a travaillé très fort jusqu’à ce que les États-Unis adoptent la Sergei Magnitsky Rule of Law Accountability Act en 2012.
Au Canada, la loi de Sergueï Magnitski a été présentée au Sénat en octobre 2016 par la sénatrice Raynell Andreychuk. Tous les partis ont voté en faveur de son adoption à la Chambre des communes et elle est entrée en vigueur un peu moins d’un an après sa première lecture au Sénat — un processus rapide que de nombreuses personnes parmi nous espèrent toujours voir. Cette loi permet au gouvernement du Canada de bloquer l’accès aux biens canadiens appartenant à des citoyens ou à des entités d’autres pays qui commettent des violations flagrantes de droits de la personne reconnus à l’échelle internationale ou sont complices de telles violations. La loi de Sergueï Magnitski donne à notre gouvernement le pouvoir d’interdire à ces acteurs de faire toute transaction financière au Canada, limitant ainsi leur capacité de se servir de notre pays pour accumuler et cacher leur richesse, qui provient en partie de la violation des droits d’autrui.
Voici quelques exemples de l’utilisation qui a été faite de cette loi au Canada. Au début de novembre 2017, seulement deux semaines après l’entrée en vigueur de la loi, le Canada a adopté des sanctions contre 52 auteurs de violations des droits de la personne de Russie et du Venezuela et les a empêchés de se servir des systèmes bancaire et immobilier canadiens. En novembre 2018, il a pris des sanctions contre 17 ressortissants saoudiens responsables ou complices de la torture et de la mort brutale du journaliste Jamal Khashoggi. Je suis d’accord avec les sénateurs Munson, Housakos et Ngo : il est temps de braquer les projecteurs sur les violations des droits de la personne innommables que commet la Chine, à l’insu du monde, envers des millions de personnes qui sont sans défense contre une violence et un recours à la force sanctionnés par l’État.
L’organisme Human Rights Watch estime que, depuis 2015, plus d’un million de personnes appartenant à la minorité musulmane ont été détenues dans plus de 85 camps situés en Chine. Le gouvernement chinois a d’abord nié l’existence de ces camps, mais après que des photos de leur construction aient été exposées, il a prétendu qu’il s’agissait simplement de centres de rééducation.
Au début du mois de mars dernier, je me suis rendue à Calgary à l’invitation de la Dre Fozia Alvi, bien connue pour son travail dans les camps rohingyas, au Bangladesh. La Dre Alvi avait invité les familles de Ouïghours détenus — qui ont maintenant acquis la citoyenneté canadienne — à tirer la sonnette d’alarme au sujet de la propagation de la COVID-19 dans les camps et les prisons en Chine. J’ai animé leur conférence de presse. Des organisations de défense des droits, des membres de familles et six médecins de Calgary y ont assisté, particulièrement inquiets de ce qui allait se passer en contexte de pandémie dans les camps et les prisons chinoises, déjà surpeuplés.
Selon un rapport présenté récemment par l’Australian Strategic Policy Institute, plus de 80 000 membres de la minorité musulmane en Chine ont été déplacés dans diverses régions du pays pour effectuer du « travail forcé » dans des usines qui fabriquent des produits pour des entreprises comme Nike, Samsung et Apple, entre autres.
Qui plus est, le China Tribunal, un organisme indépendant d’enquête judiciaire en Angleterre, a effectué des recherches approfondies sur la greffe d’organes forcée en Chine. Bon, arrêtez-vous un instant pour écouter ce que je m’apprête à dire. Il est question d’organes que l’on retire de force, au moyen d’une intervention chirurgicale, du corps de prisonniers d’opinion vivants. Voilà de quoi je parle. Alors, déposez votre téléphone et autres choses semblables, et réfléchissez-y, s’il vous plaît.
Le tribunal a récemment présenté ces conclusions au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Il a été très clair : il s’agit de crimes contre l’humanité commis à l’endroit d’adeptes chinois du Falun Gong — une autre minorité en Chine —, et certains indices donnent à penser que des détenus ouïghours sont maintenant victimes de cette horrible violation des droits fondamentaux de la personne.
En conclusion, à titre de sénatrice indépendante, je tiens à dire que je regrette que les leaders de tous les groupes politiques du Sénat aient conclu une entente pour ne pas autoriser que les motions comme celle-ci soient mises aux voix.
Je tiens à remercier les sénateurs Housakos et Ngo de l’initiative dont ils ont fait preuve pour présenter cette motion et de la lettre qu’ils ont rédigée et que les sénateurs peuvent signer, étant donné que nous ne pouvons pas voter. Je tiens aussi à faire savoir aux défenseurs des droits de la personne qui réclament la démocratie pour Hong Kong et la liberté pour les minorités musulmanes et les adeptes du Falun Dafa, qui sont persécutés par la Chine, que je suis vraiment désolée que tout ce que nous puissions faire cette semaine, ce soit parler de la motion, et non la mettre aux voix.
Merci. Meegwetch.