Le Sénat
Motion tendant à exhorter le gouvernement à imposer des sanctions contre les autorités chinoises et celles de Hong Kong relativement à la violation des droits de la personne--Suite du débat
3 novembre 2020
En tant que sénatrice indépendante du Manitoba, je reconnais que je vis sur les territoires du Traité no 1, les territoires traditionnels des Anishnabeg, des Cris, des Oji-Cris, des Dakotas et des Dénés et de la patrie de la nation métisse, et que nous sommes réunis ici aujourd’hui sur les territoires non cédés des peuples algonquins anishnabeg.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer l’application de sanctions en vertu de la loi de Magnitski dans les cas où nous avons des preuves de violations des droits de la personne reconnus à l’échelle internationale.
J’aimerais prendre un instant pour souligner que je suis heureuse de savoir que ma collègue la sénatrice McCallum a pu poursuivre son discours sans problème, mais j’aimerais demander à mes collègues d’en face de cesser leurs conversations à voix basse pendant mon allocution. Je demanderais également à mes collègues de bien vouloir désactiver les avertissements sonores de leurs téléphones cellulaires.
Depuis quelques mois, la Chine tente d’enlever aux résidants de Hong Kong les droits démocratiques qui leur avaient été promis; nous avons pu le voir et avons entendu des personnes en témoigner. Les manifestants en faveur de la démocratie à Hong Kong sont victimes de brutalité policière. Certains disparaissent. Plus d’un million d’Ouïghours et de membres d’autres minorités musulmanes sont détenus contre leur gré dans des camps en Chine continentale; les preuves sont irréfutables.
Je remercie le sénateur Housakos d’avoir présenté cette motion. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés pendant que le gouvernement de la Chine détruit la démocratie et les droits civiques et politiques. Nous avons le pouvoir de réagir à un tel mépris des droits de la personne et nous devons joindre nos efforts à ceux de nos alliés pour prendre ensemble position contre un usage aussi cruel du pouvoir de l’État.
La loi de Magnitski a été adoptée dans le but de promouvoir la justice internationale et le respect des droits de la personne. Il est temps que notre gouvernement utilise les outils dont il dispose pour défendre les droits de la personne et empêcher des acteurs étatiques de propager leur mépris pour les êtres humains et la corruption des valeurs démocratiques à l’intérieur et à l’extérieur de leurs frontières.
Le Canada est un pays qui a toujours défendu la liberté et la démocratie. Nous n’avons jamais reculé pour ce qui est de protéger les libertés fondamentales, les droits de la personne et la primauté du droit. Chers collègues, le moment est venu d’agir selon ce principe et de dénoncer un régime qui sévit impitoyablement contre la dissidence et refuse la liberté de parole. La Chine a rompu sa promesse au monde de maintenir le principe constitutionnel « un pays, deux systèmes » à Hong Kong. Malgré la Déclaration conjointe sino-britannique de 1997, la dirigeante de Hong Kong, Carrie Lam, a ouvertement déclaré qu’il n’y avait pas de séparation des pouvoirs.
La situation a empiré depuis l’adoption de la loi chinoise draconienne sur la sécurité nationale, qui a mis en danger la vie et les libertés des militants pro‑démocratie et de leurs partisans. Les personnes qui vivent à Hong Kong, y compris les quelque 300 000 Canadiens et les membres de leur famille, se dirigent vers un sombre avenir. Nous savons que leur sécurité est menacée, car l’ambassadeur de Chine au Canada a ouvertement et publiquement proféré des menaces et a averti le Canada de ne pas accepter de réfugiés de Hong Kong.
La menace est réelle, chers collègues, et elle est à notre porte. La Chine veut que nous bafouions de manière flagrante les droits de la personne et la primauté du droit et elle utilise la vie des Canadiens comme monnaie d’échange. Nous ne pouvons pas continuer à tolérer cette situation.
La loi de Magnitski du Canada prévoit des mesures qui peuvent être prises contre les ressortissants étrangers qui ont commis de graves violations des droits de la personne. Cette loi permet au gouvernement d’imposer des restrictions financières, de geler des avoirs et d’interdire les transactions financières des personnes reconnues pour avoir violé des droits de la personne.
À quoi cela sert-il? Imaginez qu’il puisse y avoir des conséquences concrètes et opportunes pour les auteurs de violations des droits de la personne. Les sanctions empêchent les agents nommés de posséder de l’immobilier ou d’investir au Canada ou de faire des affaires avec des entités canadiennes opérant partout dans le monde. La loi de Magnitski porte un coup décisif à la sécurité financière des auteurs d’abus et de leurs associés pour avoir choisi d’utiliser leur position de pouvoir et de privilège afin de violer les droits de la personne.
Le Canada a déjà utilisé cette loi pour sanctionner les auteurs de violations des droits de la personne en Russie et au Venezuela, en les empêchant d’utiliser le système bancaire canadien. En novembre 2018, le Canada a sanctionné 17 ressortissants saoudiens qui étaient responsables ou complices de la torture et du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi.
La loi renforce le soutien du Canada aux droits de la personne en imposant des sanctions Magnitski contre les États et les ressortissants étrangers. Elle nous permet de mieux protéger les défenseurs des droits de la personne.
Non seulement nous avons le pouvoir de nous opposer à la tyrannie, mais il nous incombe de prendre une position ferme envers la Chine et de nous joindre à nos alliés pour protéger les libertés fondamentales et la dignité humaine. Selon certains rapports, le gouvernement chinois s’efforce systématiquement de réduire le taux de natalité des Ouïghours, notamment en soumettant les femmes à des contrôles de grossesse, en leur installant de force des dispositifs intra-utérins, en les stérilisant et en leur faisant subir un avortement.
Chers collègues, nous ne pouvons pas rester assis à regarder avec horreur la torture des minorités musulmanes et la destruction de leur religion, de leur langue et de leur culture dans les camps de détention chinois. Nous ne devons pas simplement plier l’échine devant la Chine en lui permettant de continuer à mettre en œuvre sa loi draconienne sur la sécurité qui prive les citoyens de Hong Kong de leurs libertés et de leurs droits fondamentaux.
N’oublions pas, chers collègues que cette loi sur la sécurité s’applique aussi aux résidents non permanents, y compris les étrangers. Les Chinois détiennent déjà Michael Kovrig et Michael Spavor dans des conditions sordides et les accusent arbitrairement d’espionnage. Qu’est-ce qui les empêchera d’arrêter d’autres Canadiens innocents qui vivent ou qui séjournent à Hong Kong?
La Chine a abusé de notre bonne foi. L’amitié que nous avons cultivée pendant 50 ans a été rejetée, et des Canadiens ici et à Hong Kong sont exposés aux agressions chinoises. À maintes reprises, la Chine a fait preuve de mépris à l’égard des droits de la personne et des conventions internationales.
Que voyons-nous? Sommes-nous témoins de la transformation d’un des États les plus puissants en un régime voyou qui s’attaque à tous les droits imaginables? Le Canada doit intervenir, et ce, dès maintenant.
Les autorités chinoises ont soulevé des doutes quant à la survie de Taïwan et elles ont réprimé les libertés religieuses et culturelles au Tibet. Des témoins sont venus nous parler de la manière éhontée dont les droits fondamentaux des détenus ouïghours sont bafoués dans les camps de concentration. Aujourd’hui, le gouvernement central envisage de priver les citoyens de Hong Kong de leurs libertés et de leurs droits fondamentaux. Il est temps que nous dénoncions haut et fort la tyrannie du régime chinois et la manière dont il méprise les droits de la personne et la primauté du droit. Pressons le gouvernement de commencer à appliquer les sanctions prévues dans la loi de Magnitski contre les représentants des autorités chinoises et hongkongaises qui ont contribué à des violations flagrantes des droits de la personne.
Honorables collègues, je tiens à vous rappeler que la loi de Magnitski n’est qu’un des outils qui s’offre à nous. Il y en a d’autres. Plusieurs stratégies permettraient au gouvernement d’arriver au même but. Il pourrait par exemple traiter en priorité les demandes d’asile des militants hongkongais des droits de la personne, autoriser le parrainage des membres de la famille immédiate et accueillir davantage d’étudiants collégiaux et universitaires en provenance de Hong Kong.
Veuillez vous joindre à moi pour demander au gouvernement de prendre position, car il est plus que temps qu’il le fasse. Nous devons joindre notre voix à celle de nos alliés et montrer aux oppresseurs et ceux qui bafouent les droits de la personne que le Canada ne restera pas les bras croisés.
Comme l’a dit l’une des doyennes chéries du Sénat, l’honorable Raynell Andreychuk, à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi qu’elle a présenté et qui est devenu la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, ou loi de Magnitski : « Le Canada doit continuer de défendre la justice, la primauté du droit et le respect des droits de la personne. »
Chers collègues, profitons de l’occasion que nous offre cette motion pour faire front commun en faveur de la liberté et de la démocratie et pour montrer que les parlementaires que nous sommes sont prêts à passer de la parole aux actes et à protéger concrètement les droits de la personne. Merci. Meegwetch.