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Recours au Règlement

Report de la décision de la présidence

3 décembre 2024


Honorables sénateurs, j’aimerais invoquer le Règlement, si vous le permettez.

Comme je vous l’ai indiqué précédemment, j’invoque respectueusement le Règlement concernant les événements qui se sont produits juste avant l’ajournement du Sénat la semaine dernière, le jeudi 28 novembre 2024. Plus précisément, je cherche à savoir si le Règlement du Sénat — en particulier les articles 9-1, 9-2(1) et 9-3 — a été respecté lors du vote sur la motion d’ajournement du Sénat. Je ne cherche pas à faire appel de votre décision concernant le vote d’ajournement, mais je cherche à obtenir des éclaircissements sur la procédure que vous avez employée et des indications sur la manière dont ce processus sera appliqué régulièrement à l’avenir, s’il y a lieu.

Pour améliorer notre compréhension collective de mon rappel au Règlement, je précise que cette demande de clarification est fondée sur une pratique habituelle en matière d’ajournement et sur le Règlement du Sénat, notamment :

9-1. Toute décision du Sénat est prise à la majorité des voix, le Président ayant toujours droit de vote; en cas d’égalité des voix, la décision est négative.

Le Règlement se poursuit ainsi :

9-2. (1) Le Président met une question aux voix en demandant qui dit oui et qui dit non; il décide ensuite si la question est adoptée ou rejetée.

Plus loin, on peut lire :

9-3. Le Président ouvre un vote par appel nominal lorsqu’au moins deux sénateurs en font la demande après le vote de vive voix, à condition que le Sénat n’ait pas encore abordé une autre question.

Les sénateurs se souviendront que, plus tôt dans la journée du jeudi 28 novembre, une motion d’ajournement a été proposée au cours du débat sur le 16e rapport du Comité des banques sur le projet de loi C-280. Les sénateurs ont exprimé des avis partagés sur cette motion.

Consciente de l’absence de consensus, et conformément à l’article 9-2(1), vous avez appelé les sénateurs à dire oui ou non à tour de rôle, puis vous avez indiqué que, selon vous, les non l’emportaient. Par la suite, certains sénateurs se sont levés pour demander un vote, conformément à l’article 9-3. Je note toutefois qu’ils n’ont exercé ce droit qu’après que vous eûtes d’abord procédé au vote par oui ou non et donné votre avis sur le résultat de ce vote.

Votre Honneur, c’est la procédure habituelle qui m’est familière et, si je puis me permettre, qui est familière à tous les sénateurs dans ce genre de situation. Cela n’a pas considérablement changé l’ordre ou la substance de nos travaux parlementaires, comme en témoignent le compte rendu de la journée et les sénateurs qui sont venus le 28 novembre pour s’exprimer et s’écouter les uns les autres sur toute une série de projets de loi, de motions et d’interpellations. Nombre de ces sénateurs avaient sans doute bien vu le peu de temps qu’il nous restait dans cette enceinte pour faire notre travail alors que le mois de novembre touchait à sa fin.

Cependant, mon rappel au Règlement se fonde sur l’examen du compte rendu et de l’enregistrement vidéo de la séance du 28 novembre, qui révèlent que, plus tard, lorsque le sénateur Plett a proposé l’ajournement du Sénat pendant le débat sur un projet de loi, vous semblez avoir suivi un processus différent. Lorsque la motion d’ajournement du sénateur Plett a été mise aux voix, la sénatrice McCallum et moi avons dit non. D’autres sénateurs ont porté cela à l’attention du Sénat, et cet après-midi-là, après l’ajournement, bon nombre de sénateurs ont confirmé nous avoir entendues dire non. J’ai passé en revue l’enregistrement des délibérations, et nos « non » sont bien audibles. À ce moment-là, la caméra était braquée sur vous et, à l’écran, on vous voit marquer une pause et regarder dans notre direction.

En tout respect, Votre Honneur, je ne prétends pas pouvoir lire dans vos pensées, mais, de mon point de vue, c’est signe que vous aviez entendu des voix dissidentes. Il n’y avait pas unanimité pour adopter la motion. Par conséquent, je m’attendais à ce que vous procédiez comme vous l’aviez fait pour la motion d’ajournement précédente, conformément à l’article 9-2(1), en demandant un vote par oui ou non pour ensuite indiquer quelles voix l’emportaient à votre avis.

Cependant, ce n’est pas ce qui s’est produit. Faisant fi de l’article 9-2(1), vous avez immédiatement déclaré la motion adoptée et levé la séance, mettant ainsi fin aux travaux que nous devions mener et que nous ne pouvons accomplir que dans cette enceinte.

Votre Honneur, lorsque vous avez quitté le Sénat après l’ajournement, vous vous êtes adressée à moi et m’avez fait signe que j’aurais dû me lever. En fait, lorsqu’il m’est apparu évident que nos « non » n’avaient pas été pris en compte, je me suis levée. J’ai même agité les bras pour essayer d’attirer votre attention. Alors que votre cortège quittait le Sénat, la caméra était toujours braquée sur vous, de sorte que votre geste à mon égard se voit clairement sur l’enregistrement du Sénat.

Ceci est donc la première occasion que j’ai de demander des précisions sous forme d’un recours au Règlement, car je crois comprendre qu’un sénateur n’a pas besoin de se lever pour exprimer un « non », et que le processus qui consiste à se lever pour demander un vote par appel nominal en bonne et due forme est censé suivre une décision de la présidence découlant d’un vote de vive voix.

Conformément à l’article 9-3 du Règlement, les sénateurs peuvent demander un vote par appel nominal, mais seulement « après le vote de vive voix ».

Dans ce cas-ci, il n’y a pas eu de vote de vive voix. L’article 9-2(1) du Règlement stipule :

Le Président met une question aux voix en demandant qui dit oui et qui dit non; il décide ensuite si la question est adoptée ou rejetée.

De toute évidence, la motion n’avait pas obtenu le consentement unanime du Sénat, mais vous n’avez pas appliqué la procédure de vote de vive voix décrite à l’article 9-2(1). Si un vote de vive voix avait eu lieu, comme c’est le cas habituellement, j’aurais certainement eu l’intention de demander un vote par appel nominal.

En l’occurrence, certains sénateurs jugeront peut-être insignifiants les motifs qui me poussent à exprimer ma préoccupation. Certains sont peut-être même soulagés que la présidence n’ait pas compté les non, puisque la perspective d’un autre vote sur une motion d’ajournement a pu leur paraître indésirable. Certains ont peut-être considéré que cela aurait été une perte de temps, puisque les voix dissidentes étaient audibles, mais peu nombreuses.

Toutefois, ce n’est pas la question que je soulève. La vérité, c’est que de nombreux sénateurs sont venus au Sénat le 28 novembre pour mener à bien des travaux qui ne peuvent être réalisés que dans cette enceinte. Nous sommes venus au Sénat le 28 novembre, et nous y sommes venus aujourd’hui, pour travailler pour la population du Canada qui, collectivement, paie nos salaires. Bon nombre d’entre nous trouvaient qu’ajourner le Sénat avant que le travail qui nous attendait soit terminé n’était pas plus souhaitable. De nombreux sénateurs avaient travaillé fort pour arriver ici préparés à parler des autres articles à l’ordre du jour. Autrement dit, nous sommes arrivés préparés, prêts à contribuer aux affaires parlementaires inscrites à l’ordre du jour et disposés à abattre l’ensemble de la besogne qui était au programme ce jour-là.

Honnêtement, je suis déçue de voir à quel point le Sénat s’ajourne dernièrement simplement parce que les leaders des groupes parlementaires se disputent entre eux au motif qu’un tel ou une telle n’a pas respecté les marchés de coulisses qu’ils avaient conclus. J’imagine que l’on pourrait y avoir une manifestation de dépit, un peu comme un gamin qui s’enfuit de la cour d’école en emportant le ballon, mais comme je ne fais pas partie de la « classe dirigeante » du Sénat, je ne suis pas au courant de toutes les tractations qui ont lieu. Je dois donc me contenter de vous faire part de mes observations, d’en tirer les conclusions que je peux et de vous demander conseil.

Le vrai problème, celui qui touche l’ensemble des sénateurs, c’est qu’on ait visiblement ignoré ceux et celles qui ont exprimé leur dissension ce jour-là en appliquant un peu n’importe comment les articles 9-1 à 9-3 du Règlement.

Dans le même ordre d’idées, je rappelle à Son Honneur que, le 20 mars 2024, j’ai invoqué le Règlement pour attirer son attention sur un autre cas où ma voix n’a pas été entendue à deux reprises lors d’un vote. Il est incontestable que plusieurs sénateurs, en particulier ceux d’entre nous relégués à des places où la vue est obstruée, loin du fauteuil de la présidence, ont exprimé à plusieurs reprises des préoccupations parce qu’ils ne sont ni vus ni entendus — autrement dit, ils sont ignorés — quand ils essaient de faire usage de leur droit de parole.

Il est évident qu’il peut être difficile d’entendre et de voir les sénateurs qui siègent loin du fauteuil de la présidence et de la table des greffiers. Je sais que d’autres sénateurs, dont le sénateur Tannas et la sénatrice Patterson, qui ont passé du temps dans ces coins du Sénat, ont également exprimé périodiquement des préoccupations parce que l’emplacement, la distance et la mauvaise acoustique ont eu des répercussions négatives sur leur capacité de se faire entendre, et parfois de se faire voir, par la présidence. Cela montre une tendance à l’exclusion à laquelle on ne semble pas remédier de manière efficace. Je ne parle pas de l’intention, mais du vécu et du résultat.

Par conséquent, j’aimerais que la Présidente clarifie la procédure liée aux articles 9-1 à 9-3 du Règlement. Dans votre examen de ce recours au Règlement, je vous demanderais également de vous laisser guider par le principe que l’on vante si souvent voulant que tous les sénateurs soient égaux. Enfin, je vous demanderais, en vous laissant guider par ce principe, d’examiner la question de la mauvaise qualité du son et de la reconnaissance visuelle de certains sénateurs dans la salle du Sénat afin d’en faire rapport au Sénat et de lui fournir une solution viable de sorte que tous les sénateurs puissent être vus et entendus, peu importe l’emplacement de leur siège.

Sincèrement, en tout respect, je crois qu’il est plus que temps d’améliorer cet aspect de notre travail et que le Sénat a le pouvoir et la capacité de le faire. Merci, meegwetch.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Y a-t-il d’autres sénateurs qui aimeraient intervenir?

Je remercie la sénatrice McPhedran d’avoir soulevé ces préoccupations et je prendrai la question en délibéré.

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