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Le Sénat

Étude du rôle du gouvernement dans le combat contre le racisme en comité plénier

25 juin 2020


La présidente [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier afin d’étudier le rôle du gouvernement du Canada dans le combat contre le racisme envers les Noirs et les Autochtones, et pour mettre fin au racisme systémique.

Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises. Cependant, tel qu’ordonné plus tôt cette semaine, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur. Comme l’a ordonné le Sénat, le comité accueillera la ministre de la Diversité, de l’Inclusion et de la Jeunesse, le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Je les invite maintenant à entrer, accompagnés de leurs fonctionnaires.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable Bardish Chagger, l’honorable Ahmed Hussen et l’honorable Bill Blair et les fonctionnaires qui les accompagnent prennent place dans la salle du Sénat.)

La présidente [ - ]

Madame et messieurs les ministres, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter vos fonctionnaires et à faire vos observations préliminaires d’au plus cinq minutes.

L’honorable Bardish Chagger, c.p., députée, ministre de la Diversité, de l’Inclusion et de la Jeunesse [ - ]

Honorables sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé des Algonquins afin d’unir nos efforts pour aider notre pays à accepter la diversité et à la célébrer pour qu’ensemble nous éradiquions le racisme systémique, que ce soit envers les Noirs, les Autochtones ou les Asiatiques. C’est à la fois important et essentiel.

Je suis accompagnée de mes collègues l’honorable Bill Blair, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, et l’honorable Ahmed Hussen, ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social.

Par ailleurs, je suis accompagnée de Gina Wilson, sous-ministre déléguée principale de la Diversité, de l’Inclusion et de la Jeunesse, de Graham Flack, sous-ministre d’Emploi et Développement social Canada, et de Rob Stewart, sous-ministre de Sécurité publique Canada.

Nous avons vu récemment à quel point les Canadiens et les Canadiennes sont préoccupés par le racisme envers les Noirs, les Autochtones et les personnes d’origine asiatique. Partout au Canada, nous sommes des milliers à avoir mis le genou par terre pour demander des changements et pour réclamer que l’on mette fin au racisme systémique.

Nous avons des enregistrements vidéo et des milliers de témoignages d’Autochtones, de Canadiens noirs, de personnes racialisées et de minorités religieuses qui sont victimes d’actes racistes à répétition. La réalité est incontournable : le racisme et la discrimination systémiques sont des problèmes au Canada. Ils sont présents dans ces couloirs, dans nos institutions et dans nos organismes.

Comme l’a dit le premier ministre, le racisme systémique se manifeste dans tous les coins du pays. Il faut que chacun réfléchisse au Canada que nous voulons et s’engage à prendre des mesures et à obtenir des résultats; je tiens à vous assurer que c’est ce que je fais. Pour construire un Canada véritablement inclusif, chacun d’entre nous doit faire le nécessaire pour rendre les lieux de travail, les collectivités et les espaces publics plus sûrs et plus inclusifs.

Madame la présidente, je veux citer et souligner le conseil précieux que le sénateur Brian Francis a donné à chaque Canadien, soit que la solidarité est un voyage continu d’apprentissage, de compréhension et d’action. Nous devons tous accomplir le travail qui nous attend, aussi pénible et décourageant qu’il puisse être. L’inaction n’est plus une option.

Ma lettre de mandat est publique. Mes responsabilités consistent notamment à collaborer avec chaque ministère, agence et ministre du gouvernement fédéral, y compris la fonction publique du Canada, pour veiller à ce que chaque décision soit prise en tenant compte de la diversité et de l’inclusion. Nous améliorons les politiques, les initiatives et les pratiques dans nos institutions fédérales, mais ces efforts doivent être accélérés et, au minimum, s’appuyer sur des expériences vécues.

Nous avons dévoilé la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme en juin 2019. En octobre, le Secrétariat de lutte contre le racisme a été créé et Peter Flegel a été nommé directeur.

Le secrétariat collabore avec tous les ordres de gouvernement, la société civile, les peuples Autochtones et les diverses communautés, et il travaille notamment sur le racisme contre les Noirs, les Autochtones et les Asiatiques, ainsi que sur l’antisémitisme et l’islamophobie. Son objectif est de cerner les obstacles systémiques et les lacunes des politiques, des programmes et des services fédéraux, de lancer de nouvelles initiatives et de définir d’autres secteurs d’intervention.

La COVID-19 a eu des conséquences sur tous les segments de la société. Nous savons également que la pandémie a rendu les groupes racialisés plus vulnérables. Pour remédier à la situation, le secrétariat a mis en place un groupe de travail interministériel sur les collectivités revendiquant l’équité au temps de la COVID-19 pour que la réponse fédérale à la pandémie soit adaptée aux besoins des collectivités revendiquant l’équité.

Notre gouvernement reconnaît que, pour combattre efficacement le racisme systémique, nous devons le faire systématiquement. Nous devons nous attaquer au problème dans son intégralité en minimisant les angles morts. C’est pourquoi je travaille avec tous mes collègues, y compris les ministres Blair et Hussen, qui sont ici aujourd’hui, et qui sont tout aussi déterminés à éliminer le racisme.

Un des aspects de la lutte contre le racisme systémique est l’amélioration des données probantes. L’absence de données désagrégées détaillées et le manque d’uniformité dans la collecte, la mesure, la communication et l’analyse des données ont été cités comme des facteurs sous-jacents contribuant au racisme.

Le ministère du Patrimoine canadien, Statistique Canada, le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Justice collaborent afin de mieux se servir des données pour comprendre et combattre le racisme systémique. Le gouvernement fédéral est en train de jeter les fondements d’un changement durable en faisant preuve de leadership, en donnant aux collectivités les moyens d’agir, en sensibilisant les gens et en changeant les attitudes. Ces mesures sont énoncées dans la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme.

Il y a encore beaucoup à faire, et nous sommes déterminés à accomplir le travail, comme alliés et partenaires des collectivités. Combattre le racisme systémique fera du Canada un meilleur pays, plus sûr et plus solide, pour tous. Point final.

Madame la présidente, honorables sénateurs, ensemble, comme leaders et comme Canadiens, nous devons persévérer pour arriver au jour où, idéalement, cette conversation n’aura plus sa raison d’être.

Je vous remercie de nous avoir convoqués. Je vous remercie de votre attention, de votre leadership et de votre détermination. Je serais heureuse de répondre à vos questions. Je m’excuse auprès de tous ceux à qui je ne fais pas face.

La présidente [ - ]

Merci, madame la ministre. À titre d’information, nous avons des périodes de 10 minutes pour les questions et réponses.

Le sénateur Plett [ - ]

Chers ministres, je doute fort que la COVID-19 soit à l’origine du racisme qui sévit au Canada ou ailleurs. Il existait avant la pandémie et, malheureusement, il continuera probablement à sévir bien après cette dernière.

Comme vous le savez, chers ministres, le comité plénier a été formé pour examiner le rôle du gouvernement dans la lutte contre le racisme anti-Noirs et anti-Autochtones. Je trouve très troublant — oui, vraiment très troublant — qu’aucun des deux ministres responsables des affaires autochtones ne se soit donné la peine de se présenter ici aujourd’hui, alors que nous savons de source sûre qu’ils sont à Ottawa. Or, ils ne sont pas au Sénat. Il s’agit d’un bien triste reflet de leur responsabilité envers ce problème très grave. Je vais poser mes questions au ministre de la Sécurité publique.

Monsieur Blair, il y a un mois aujourd’hui, à Minneapolis, George Floyd est mort après qu’un policier, qui l’avait appréhendé, eut appuyé son genou contre son cou pendant près de neuf minutes, ce qui a déclenché des manifestations partout dans le monde contre la brutalité policière et le racisme anti-Noirs. Ces événements nous ont amenés, à l’instar d’autres pays, à remettre en question certaines de nos politiques, tant actuelles que passées, pour voir comment nos systèmes touchent de façon disproportionnée les populations noires et autochtones.

Monsieur le ministre, plus tôt cette semaine, vous avez dit ceci :

Je définis le racisme systémique comme des lacunes dans le système qui donnent lieu à différentes issues pour divers groupes raciaux.

Le fichage est largement dénoncé comme une pratique raciste et discriminatoire, pratique que vous avez vous-même instaurée à Toronto lorsque vous étiez chef de police, monsieur le ministre. Au cours des dernières semaines, on vous a demandé à de multiples reprises de vous excuser d’avoir instauré cette pratique, mais vous avez refusé de le faire.

Monsieur le ministre, présenterez-vous des excuses à la communauté noire aujourd’hui? Sinon, comment les Canadiens pourront-ils avoir la conviction que le gouvernement libéral saura lutter contre le racisme systémique, si le ministre de la Sécurité publique ne reconnaît même pas l’existence de ce problème?

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [ - ]

Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Je souhaite apporter une précision : quand j’ai décrit le racisme systémique, et non le racisme, j’ai parlé des failles d’un vaste système qui ont pour effet de toucher d’une manière particulière et disproportionnée des communautés racialisées et autochtones, particulièrement les jeunes hommes noirs.

Pour ce qui est du fichage, j’inviterais le sénateur à lire, pour bien comprendre cet enjeu, le rapport très fouillé sur les contrôles de routine qu’a produit le juge Michael Tulloch pour la province de l’Ontario. Il y définit clairement le fichage comme une activité arbitraire qui n’est pas fondée sur des preuves ni sur les lois, mais faite de façon arbitraire.

Je peux vous affirmer que pendant toute la période où j’étais chef de police à Toronto, les contrôles que faisaient les policiers dans la rue — une pratique qui existe dans toutes les régions du Canada — devaient être fondés sur des preuves et sur les lois. Je peux affirmer de façon catégorique qu’il est odieux, inacceptable et illégal de faire un contrôle de routine inspiré par des préjugés ou par le racisme sous toutes ses formes. Un tel geste contrevient à l’article 5 de la Charte canadienne des droits et libertés et à l’article 15 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il est donc inacceptable.

Je peux également vous parler — peut-être si nous avons plus de temps, sénateur — du nombre de mesures qui ont été prises dans mon service de police et dans ma ville, dans notre travail au sein et auprès des communautés racialisées pendant presque 40 ans, d’un certain nombre de mesures très importantes pour servir cette communauté dans le respect et la dignité et voir à ce que le racisme ne soit jamais une chose acceptable dans mon service de police.

Donc, franchement, en ce qui concerne votre allusion au fichage, ce qui n’est pas ce que nous faisions, une meilleure connaissance de ce que sont les contrôles de routine et les règles qui y sont liées pourrait être utile. Encore une fois, je pense que le rapport du juge Tulloch pourrait vous éclairer.

Le sénateur Plett [ - ]

Je serai heureux de prendre connaissance de ce rapport. À mon avis, le fichage est inacceptable, peu importe les raisons ou les excuses que l’on donne pour le justifier.

J’aimerais seulement faire une observation. Le premier ministre a miné l’autorité de la commissaire de la GRC, Brenda Lucki, la policière la plus haut gradée du pays, après qu’elle a affirmé avoir de la difficulté à définir le racisme systémique, avant de reconnaître son existence dans son organisation. Lorsque son propre ministre, Pablo Rodriguez, a nié l’existence même du racisme systémique, le premier ministre n’a fait aucun commentaire. De même, quand le ministre de la Sécurité publique ne peut pas reconnaître son propre rôle dans la perpétuation du racisme systémique dans la plus grande ville du Canada, le premier ministre reste muet.

Cette semaine, madame la ministre, messieurs les ministres, Jody Wilson-Raybould, la toute première Autochtone ayant été ministre de la Justice au Canada, qui a été renvoyée parce qu’elle a osé contester le comportement honteux et contraire à l’éthique du premier ministre, a raconté ce qu’elle a vécu avec le gouvernement. Elle a affirmé que ses propositions concernant la réforme de la justice pénale ont été rejetées de manière paternaliste. Malgré sa grande expérience, il est devenu clair qu’elle était perçue d’abord et avant tout comme une femme autochtone.

Je suggérerais fortement au premier ministre de cesser de se féliciter d’être un féministe, car il a clairement démontré qu’il s’oppose aux femmes qui sont puissantes et accomplies. Je vous demanderais, chers ministres, de transmettre ce message au premier ministre et aux membres du gouvernement.

Cela dit, madame la présidente, je cède le temps de parole qu’il me reste au sénateur Housakos.

Le sénateur Housakos [ - ]

Je vous remercie. Monsieur le ministre Blair, j’aimerais revenir sur la question du fichage.

Pendant l’étude des projets de loi sur la conduite avec facultés affaiblies et la volonté du gouvernement de légaliser la marijuana, la sénatrice Batters a fait adopter un amendement par le Sénat qui aurait interdit la pratique du fichage, qui encourage le racisme systémique, mais le gouvernement l’a rejeté, ouvrant du coup tout grand la porte au retour de cette pratique raciste par les corps de police.

Pourquoi avoir fait ce choix, monsieur le ministre? Qui a décidé de rejeter cet amendement? Est-ce vous, monsieur le ministre?

M. Blair [ - ]

Merci beaucoup, sénateur. Pour répondre à votre question, je répète que le fichage — qui consiste à intercepter une personne de manière arbitraire, c’est-à-dire sans raison juridique et sans preuve, bref sans motif valable — est inacceptable. J’irais même jusqu’à dire qu’elle est illégale au Canada. Tous les policiers l’apprennent pendant leur formation, et je peux vous dire qu’au sein du service que je dirigeais, tout le monde était parfaitement au courant des circonstances dans lesquelles une personne pouvait être interceptée.

En plus d’avoir clairement indiqué à mes policiers — à tous les policiers, en fait — qu’ils ne peuvent en aucun temps laisser les préjugés guider leurs décisions et leurs actions, nous avons offert de la formation sur le sujet afin que les policiers comprennent mieux en quoi les préjugés peuvent influencer leurs décisions. Les policiers ont suivi une formation complète là-dessus, car nous tenions à ce qu’ils aient cette information.

Avant de laisser entendre que nous devrions rendre illégale une chose qui l’est déjà, sénateur, j’aimerais simplement vous rappeler que les policiers qui laissent le racisme et les préjugés guider leurs décisions enfreignent déjà la Charte des droits et libertés et la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le sénateur Housakos [ - ]

Justement, monsieur le ministre. Il y a lieu de demander qui, au sein du Cabinet, a rejeté l’amendement. Étiez-vous en faveur de l’amendement qu’a proposé le Sénat concernant le fichage, oui ou non?

M. Blair [ - ]

Je ne faisais pas partie du Cabinet à l’époque de cette décision, donc j’ignore comment elle a été prise. Je sais par expérience que nous examinons toujours attentivement et à fond les amendements présentés par le Sénat, par respect pour le rôle de cette Chambre.

Le sénateur Housakos [ - ]

Ma prochaine question s’adresse au ministre Hussen. Monsieur le ministre, le Caucus des parlementaires noirs a publié la semaine dernière une déclaration importante, où il demande à tous les ordres de gouvernement de s’attaquer au racisme systémique. Si on m’en avait donné l’occasion, je n’aurais pas hésité à signer cette déclaration, qui réclame et propose des mesures exhaustives et concrètes que le gouvernement pourrait prendre.

Monsieur le ministre, quelle est la position du gouvernement par rapport à cette liste de recommandations? Si vous êtes en mesure de le faire, je vous prie de faire référence à des recommandations précises et de nous dire ce que le gouvernement compte faire à leur sujet.

Ahmed Hussen, C.P., député, ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social [ - ]

Sénateur, merci beaucoup de cette...

La présidente [ - ]

Je regrette, mais la période de 10 minutes est écoulée. Nous passons maintenant à la deuxième période de 10 minutes.

La sénatrice Mégie [ - ]

Merci, madame la ministre et messieurs les ministres, d’être parmi nous cet après-midi pour participer à l’étude du comité plénier. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Ma première question s’adresse au ministre Blair. Lors des discussions sur le projet de loi C-46, qui a été adopté, il a été mentionné que le gouvernement est tenu, dans les trois ans, d’effectuer un examen approfondi de la mise en œuvre et de l’application des dispositions édictées par la loi, examen qui comprend une évaluation du traitement différent de tout groupe de personnes fondé sur un motif de distinction illicite. À quelle étape est rendu le rapport qui doit être déposé au Parlement d’ici un an, soit avant le 21 juin 2021, et comment le gouvernement peut-il effectuer une telle évaluation sans que ses agents compilent des données désagrégées?

M. Blair [ - ]

Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre question que je trouve importante. La collecte de données fondées sur la race est un enjeu qui suscite la controverse au Canada depuis quelque temps. Je me rappelle très bien que, à la fin des années 1980, de telles données ont été mal utilisées à plusieurs reprises pour stigmatiser des groupes minoritaires et racialisés. Par conséquent, à l’époque, on a imposé des restrictions très importantes à leur collecte.

L’absence de telles données a causé énormément de difficultés, car elle empêche les gens de comprendre que les membres des groupes minoritaires et racialisés sont traités différemment par le système de justice, le système de santé, le système d’éducation et le milieu du logement, entre autres. Honnêtement, cette information est précieuse, et elle est essentielle pour prendre de bonnes décisions.

Je reconnais que la collecte de données fondées sur la race présente des défis. Je pense que le Canada doit à tout prix améliorer la façon dont il recueille ces données. Il doit le faire de manière réfléchie et procéder avec prudence pour qu’elles ne soient pas utilisées à mauvais escient, mais qu’elles nous aident plutôt à prendre des décisions éclairées.

Il existe divers ensembles de données qui peuvent nous aider dans la collecte d’information concernant les violations relatives aux motifs de distinction illicites, dont la plupart découlent de l’activité policière ou judiciaire, et d’autres, de plaintes au sein des forces de l’ordre. Cependant, ces renseignements ne sont pas aussi utiles qu’ils le seraient si une collecte plus exhaustive de données non regroupées fondées sur la race était effectuée pour éclairer la prise de décisions.

Je suis désolé, mais je n’ai pas de détails sur l’état d’avancement de ce rapport. Nous savons qu’il doit nous être présenté d’ici un an. Je pense par ailleurs qu’il est fort utile de procéder à un tel examen lorsqu’une nouvelle loi entre en vigueur, en particulier une mesure telle que le projet de loi C-46, qui prévoit de nouveaux pouvoirs législatifs très importants pour nous aider à contrôler la conduite avec facultés affaiblies sur les routes afin de sauver des vies. Cet examen est primordial.

Je veillerai à ce que cette information, ainsi que tous les détails qu’il nous sera possible de fournir, soit préparée adéquatement et présentée au Sénat en temps opportun.

La sénatrice Mégie [ - ]

Merci, monsieur le ministre.

Ma deuxième question s’adresse à la ministre Chagger et concerne la possibilité de créer un comité mixte spécial parce que, comme vous le savez, la notion de racisme systémique fait écho dans les deux Chambres. À votre avis, devrions-nous créer, au moyen d’une motion adoptée par les deux Chambres, un comité mixte spécial pour mettre en œuvre les recommandations visant l’élimination du racisme systémique au Canada?

Mme Chagger [ - ]

Merci beaucoup de votre question. Premièrement, je tiens à vous remercier de votre travail et de tous les efforts que vous déployez afin de faire avancer les discussions dans cette Chambre. J’étais l’une des personnes qui ont assisté aux débats. Je sais que c’est une autre étape. Selon moi, il est possible de créer un comité spécial. D’ailleurs, mon mandat prévoit la responsabilité de travailler de concert avec les ministères et les agences. À mon avis, on ne peut attendre l’adoption de projets de loi. On doit proposer des actions maintenant. Chacun d’entre nous peut faire les choses un peu différemment si on veut un pays vraiment inclusif. Pour ma part, ce travail a commencé à un jeune âge, et notre gouvernement a déjà mené des actions en ce sens pendant les quatre premières années de son mandat. Il s’agit maintenant pour moi d’une occasion de faire progresser ce dossier, et je suis très fière de collaborer avec vous. La création d’un autre comité est une décision qui relève de cette Chambre et de l’autre endroit. Je veux travailler avec toutes les personnes qui veulent faire une différence et je vais continuer à prendre part aux discussions. Mes efforts sont maintenant axés sur les actions qui nous permettront d’obtenir les résultats dont nous avons besoin.

La sénatrice Mégie [ - ]

Mon autre question s’adresse au ministre Blair et concerne les logiciels de reconnaissance faciale. Ces logiciels feraient moins de 1 % d’erreur pour les hommes blancs, mais le taux d’erreur est de 35 à 38 % dans le cas des femmes de couleur. Allons-nous continuer d’utiliser cette technologie raciste et sexiste au Canada? Où sont entreposées les données à l’heure actuelle? Allons-nous partager ces données avec d’autres pays?

M. Blair [ - ]

Merci. En ce qui concerne les technologies comme la reconnaissance faciale, il est important de concevoir des cadres de réglementation pour baliser leur utilisation de façon très rigoureuse en tenant compte des limites technologiques ainsi que des préoccupations des Canadiens et des lois canadiennes en ce qui concerne les questions liées à la protection de la vie privée. Certaines questions très importantes doivent être réglées. Au sein de la GRC, on s’emploie actuellement à mettre au point les mesures de contrôle réglementaires nécessaires pour encadrer l’utilisation des données en question, mais ce processus est mené en étroite collaboration avec les intervenants fédéraux et provinciaux chargés de la protection de la vie privée, car c’est important.

Par ailleurs, l’échange de données à l’échelle internationale est rigoureusement contrôlé, lui aussi. En toute franchise, je dirais que les lois canadiennes en matière de protection de la vie privée sont plus rigoureuses que celles des pays avec lesquels nous échangeons généralement des renseignements relatifs à la criminalité et à la sécurité nationale. Nous allons veiller à prendre ce genre de décisions en respectant toujours les lois canadiennes. Il y a beaucoup à faire pour voir à ce que l’on utilise les nouvelles technologies en temps opportun, de manière responsable et en toute conscience de leurs limites et de leur degré de précision, surtout en ce qui concerne différents groupes racialisés.

La sénatrice Mégie [ - ]

Merci. J’ai une autre question pour vous. Étant donné que les caméras corporelles sont très dispendieuses, soit de l’ordre d’environ 100 $ par mois pour archiver les vidéos d’une caméra et de près de 1 000 $ pour l’achat d’une caméra, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si ces millions de dollars d’investissement proviendront directement des budgets actuels de la GRC, qui s’établissent à environ 3,7 milliards de dollars?

M. Blair [ - ]

Oui, sénatrice. Permettez-moi d’abord de parler de la technologie. Elle a passablement évolué. J’ai collaboré à différents projets pilotes au sein de services de police municipaux concernant l’utilisation de cette technologie. À Calgary, par exemple, on se sert beaucoup de ces caméras. Cependant, la technologie continue d’évoluer, en particulier en ce qui concerne le stockage.

Lors des projets pilotes menés par la GRC, il y avait un problème étant donné le coût du stockage des données produites par cette technologie, car les données doivent être conservées pendant une période prescrite. Certaines technologies émergentes, comme l’infonuagique, ont permis de réduire de façon significative le coût de stockage. Nous sommes conscients de la question des coûts. À l’heure actuelle, aucune demande budgétaire n’a été faite pour le déploiement de caméras, mais nous avons pris un engagement. Nous savons qu’elles ont une utilité réelle.

J’ai eu des conversations fort utiles avec des leaders autochtones et des communautés autochtones. Ils souhaitent vraiment qu’il y ait plus de responsabilisation et qu’on se serve des caméras d’intervention dans leur région, alors nous y travaillons avec conviction.

Je ne veux pas gaspiller les deniers publics et je veux assurer que chaque investissement réalisé ait une valeur pour le public et une utilité pour la sécurité publique, alors nous prendrons soin de bien réfléchir à la façon de déployer ces mesures.

La sénatrice Mégie [ - ]

Monsieur Blair, des politiques ont été mises en œuvre aux États-Unis, comme la campagne 8 Can’t Wait, pour contrer les comportements inappropriés des forces policières. Notre gouvernement peut-il nous dire s’il y a eu des mises à jour dans les politiques liées à notre notion de la force raisonnable utilisée par les policiers? Comment cette force raisonnable est-elle définie?

M. Blair [ - ]

Je crois qu’il y a également eu une évolution à ce sujet dans la façon de faire des forces policières au Canada. Les exigences relatives à la formation sur le recours à la force et les modèles sur le recours à la force au Canada reflètent très bien les valeurs canadiennes, les attentes de la population canadienne et le droit canadien.

Ce qui est très important, à mon avis, c’est que tous les modèles sur le recours à la force devraient commencer par...

La présidente [ - ]

Monsieur le ministre, je suis désolée, mais les dix minutes sont écoulées. Nous devons passer à un autre intervenant.

La sénatrice McCallum [ - ]

Je vais poser ma première question au nom de la sénatrice Boyer :

Les actes intentionnels de racisme constituent clairement une violation des droits de la personne et sont considérés comme ignobles par toute personne décente, même si le Sénat aussi a connu son lot de difficultés.

Les protestations en réponse au récent meurtre de George Floyd ne sont pas les premières à secouer les États-Unis. Quant au Canada, nous avons documenté les pratiques racistes licites de l’État canadien envers les peuples indigènes. Nous savons également que ce racisme délibéré continue de toucher les peuples autochtones, comme le montrent les conclusions qui se trouve dans Le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées , entre autres.

Ma question porte sur un problème un peu plus nébuleux. En 1993, une décision sur les droits de la personne rendue en Ontario a statué que, contrairement à la discrimination délibérée, la discrimination involontaire peut être plus difficile à détecter. Elle consiste souvent, pour une personne donnée, à agir selon des préjugés intériorisés dont elle n’est pas nécessairement consciente.

Comment s’y prendra le gouvernement pour créer un cadre permettant de lutter contre le racisme envers les peuples autochtones et les hommes et les femmes noirs de ce pays — qu’il a en partie entretenu — tout en éradiquant toute forme de discrimination, qu’elle soit délibérée ou pas?

M. Blair [ - ]

Je ferai de mon mieux pour répondre à votre question. J’ai moi-même travaillé dans des quartiers très racialisées pendant la majeure partie de ma vie adulte comme policier. Au Canada, la majorité des gens n’ont pas tendance à être racistes ouvertement parce que c’est simplement inacceptable dans notre société. Toutefois, le racisme peut se manifester de manière implicite et même inconsciente, et les conséquences sont tout aussi dévastatrices pour les personnes qui en sont victimes. Il faut le reconnaître.

Les préjugés involontaires peuvent influencer la prise de décisions au sein de nombreux systèmes, notamment ceux de santé, de logement, d’emploi, d’éducation et de justice. Nous devons davantage reconnaître la présence du racisme et arrêter de l’accepter.

En tant que population, la toute première étape est de reconnaître et de considérer les expériences vécues par les Canadiens autochtones, les Canadiens racialisés et les jeunes hommes noirs qui, au cours de leur vie, ont été victimes de discrimination, de préjugés et de racisme. Nous devons écouter attentivement ce que ces personnes ont à dire, reconnaître la légitimité de leur expérience et avouer que nous avons des choses à améliorer.

Il y a parfois des cas d’inconduite, dans les services de police, par exemple. Il existe des systèmes pour identifier ceux-ci et poursuivre et punir les personnes en cause. Or, en toute franchise, le fait de gérer ces cas individuellement, alors qu’il s’agit d’un enjeu systémique beaucoup plus vaste, ne fait que perpétuer le problème. Nous en avons eu la preuve.

Ainsi, je pense que notre société doit prendre le temps de réfléchir au racisme systémique et à la discrimination beaucoup plus vastes qui l’affligent et commencer à s’attaquer à ceux-ci.

La sénatrice McCallum [ - ]

Ma seconde question s’adresse au ministre Blair. Je pose cette question au nom du chef régional Ghislain Picard, chargé du dossier de la justice à l’Assemblée des Premières Nations.

Le chef Picard émet d’abord l’opinion suivante : « En ce qui concerne la Gendarmerie royale du Canada, un leadership fédéral fort s’impose pour entreprendre les réformes essentielles, notamment sur le plan de la culture, pour faire disparaître le racisme flagrant et systémique. La peur et la méfiance sont palpables et croissantes au sein des Premières Nations. La mise en place d’un nouveau cadre législatif élaboré conjointement et reconnaissant les services de police des Premières Nations comme un service essentiel constitue une première étape nécessaire, mais il reste encore beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne les réformes au sein de la GRC. »

Puis, il pose la question suivante : « Monsieur le ministre, vous engagez-vous à effectuer un examen et à modifier la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada afin d’établir un mécanisme de surveillance civile plus solide et plus rigoureux qui traite les plaintes en temps opportun; à établir des politiques de tolérance zéro à l’égard du recours à une force excessive; à imposer une formation obligatoire sur la façon de désamorcer les situations explosives et de déboulonner les préjugés inconscients; à mettre en place des normes de recrutement plus élevées pour les agents; à offrir un meilleur soutien en matière de santé mentale et de toxicomanie, notamment aux jeunes; à envisager la création d’un conseil consultatif des aînés; à recueillir et à partager des données non regroupées fondées sur la race; à recruter des candidats des Premières Nations et à promouvoir leur avancement au sein de la GRC; et à rendre obligatoire l’utilisation de caméras corporelles pour les agents?

Les représentants des Premières Nations souhaitent une réponse écrite, et nous vous fournirons les coordonnées des vice-chefs auxquels vous devrez répondre, mais ils souhaitent également que vous fassiez des observations verbales.

M. Blair [ - ]

Certainement. Merci de la question.

Je peux vous dire que j’ai récemment discuté avec le chef régional Picard et le chef régional Teegee, qui s’occupent tous les deux du dossier de la justice au sein de l’Assemblée des Premières Nations. Bien entendu, j’ai aussi discuté avec le chef national et tous les chefs régionaux de manières bilatérale et collective à ce sujet. Je leur ai demandé de nous aider à corédiger un nouveau cadre législatif concernant les services de police autochtones, qui sont considérés comme des services essentiels. Les services de police autochtones peuvent être composés de divers éléments, dont la GRC. Ils peuvent aussi être dirigés par les Premières Nations. Ils peuvent comprendre des agents de sécurité communautaires, des constables spéciaux; bref, ils peuvent avoir plusieurs volets.

Je crois qu’il est important que les nations et leurs dirigeants définissent les services de police qu’ils veulent et dont ils ont besoin dans leurs communautés.

Je suis d’accord avec tout ce que vous m’avez lu de la part du chef Picard. Toutes ces mesures sont nécessaires. Ma réponse est oui, je m’engage définitivement à me pencher sur toutes ces mesures. Plus important encore, je m’engage envers le chef Picard et vous à ne pas travailler en vase clos. Nous allons travailler avec les dirigeants autochtones du pays d’une manière qui reconnaît et respecte leurs compétences, et qui en tient compte.

Je pense qu’un maintien de l’ordre efficace suppose une gouvernance efficace, ce qui implique de donner aux nations et à leurs dirigeants les moyens d’assurer cette gouvernance, d’avoir leur mot à dire sur comment le maintien de l’ordre s’exercera et qui s’en chargera, et de veiller à ce que les policiers dans ces communautés soient bien informés, compétents sur le plan culturel et respectueux des personnes qu’ils sont là pour servir. Pour ce faire, vous devez veiller à recruter avec soin, mais aussi à former, à superviser et à demander des comptes aux personnes qui commettent des fautes. Les fautes doivent entraîner des conséquences certaines et lourdes.

Le maintien de l’ordre est une activité vitale dans chaque communauté, et chaque communauté mérite des services de police professionnels, respectueux et compétents.

Je pense que nous pouvons améliorer le modèle actuel. C’est pourquoi nous nous sommes engagés à élaborer un nouveau cadre législatif pour les services de police autochtones dans ce pays, car cela commence par la loi. Nous allons le faire en partenariat, en collaboration et en consultation avec les dirigeants autochtones du pays.

La sénatrice McCallum [ - ]

Merci.

Le sénateur White [ - ]

Merci beaucoup.

Merci aux trois ministres, et notamment aux ministres Chagger et Hussen, d’être ici aujourd’hui. Je sais que c’est une période difficile pour le gouvernement et je reconnais certainement le travail acharné de ce dernier, mais surtout celui de la fonction publique fédérale qui continue à répondre aux besoins des Canadiens.

Pouvez-vous indiquer si votre lettre de mandat du premier ministre a été modifiée? Je pense que l’un d’entre vous a fait référence à la modification de votre lettre de mandat pour répondre aux défis uniques auxquels sont actuellement confrontés les membres des communautés noires et autochtones du Canada. S’il y a eu des changements, pouvez-vous nous dire lesquels? Sinon, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la voie à suivre pour essayer de régler certains problèmes auxquels ces communautés sont confrontées? Je pense notamment à l’importance de fournir aux jeunes de ces communautés les ressources nécessaires en matière de santé et d’éducation.

M. Hussen [ - ]

Je vous remercie de cette question importante. Ce n’est pas une coïncidence si Mme Chagger et moi sommes ici devant vous en tant que ministres dont les lettres de mandat contiennent l’engagement de poursuivre l’objectif du gouvernement visant à répondre aux exigences de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, qui a été proclamée par les Nations unies et que le premier ministre a signée au nom du Canada.

La portée de votre question est à la fois vaste et étroite. Vous avez parlé de plus de possibilités pour les jeunes Noirs. C’est précisément la raison pour laquelle nous avons mis en place un fonds de 9 millions de dollars pour les jeunes Noirs. Ce fonds permettra de créer plus de débouchés pour les jeunes Afro-Canadiens. Il s’agit d’une approche à plusieurs volets.

Nous devons veiller à ce que les mesures de soutien pour les entreprises englobent les Canadiens noirs et les membres des autres communautés racialisées, surtout les communautés autochtones. Nous devons accroître la capacité des organismes des communautés noires à fournir des services conçus par des Noirs et destinés à des Noirs. C’est ce que nous allons faire avec un fonds de 25 millions de dollars destiné à renforcer les capacités des Noirs et à bâtir des infrastructures. Nous sommes allés de l’avant avec l’Institut canadien pour les personnes d’ascendance africaine. Monsieur le sénateur, ma lettre de mandat n’a pas changé : elle tenait déjà compte de la volonté du gouvernement d’adopter toutes ces mesures pour lutter contre le racisme systémique et pour inclure davantage les Canadiens noirs dans nos programmes.

Mme Chagger [ - ]

Je vous remercie de la question. Je vais compléter les observations du ministre Hussen.

Tant que la table de décision ne changera pas et tant que les institutions canadiennes ne seront pas transformées ou du moins modifiées sous l’éclairage des expériences vécues, les résultats resteront les mêmes. Le problème a été soulevé, mais il est présent depuis bien longtemps. Je pense que c’est en partie grâce à la transformation du Sénat au cours des dernières années que nous avons été invités ici et que cette conversation a lieu pendant des séances prolongées. Il y a urgence. Il faut avoir cette conversation, mais l’adoption d’une loi ne sera pas suffisante : il faudra un changement d’attitude. Encore aujourd’hui, des personnes des quatre coins du pays ne comprennent toujours pas que le racisme systémique et la discrimination sont de véritables problèmes. C’est pourtant le cas. Ce n’est plus matière à débat, c’est un fait.

Ma lettre de mandat n’a pas changé, mais nous allons faire fond sur les éléments qu’elle contient. Cette lettre a été renforcée par la volonté des Canadiens d’un océan à l’autre de déclarer que la situation a assez duré. Nous exigerons des changements. C’est pourquoi je me suis concentrée sur les mesures et les résultats en évaluant ce qui se passe et en veillant à obtenir une meilleure information fondée sur des données probantes, dans l’objectif d’offrir des programmes qui sont réellement efficaces pour les personnes que nous servons.

Le sénateur White [ - ]

Ma question s’adresse à l’un ou l’autre d’entre vous. Quand j’étais chef de police ici, à Ottawa, l’une des plus grandes difficultés touchant les nouveaux Canadiens ou les réfugiés était le manque de services de soutien pour les enfants offerts aux familles après qu’elles eurent fui des situations très difficiles. Souvent, elles se trouvaient sur des listes d’attentes dans le système provincial de soins de santé pour accéder à des services de soutien, notamment en santé mentale.

Au lieu de les reléguer au système provincial de soins de santé à leur arrivée au Canada, le gouvernement envisage-t-il d’établir un système en vertu duquel les nouveaux arrivants ont immédiatement ou rapidement accès à des soins de santé mentale ou à d’autres soins de santé qui s’écartent peut-être de la norme, du moins à court terme?

M. Hussen [ - ]

Je vous remercie, monsieur le sénateur, de cette question très pertinente sur l’intégration des réfugiés. En plus d’être, pour une deuxième année consécutive, un chef de file mondial de l’hémisphère occidental en ce qui concerne la réinstallation du plus grand nombre de réfugiés, le Canada excelle dans l’intégration des réfugiés et des nouveaux arrivants en général. Cette réussite s’explique en partie par les investissements du gouvernement fédéral dans les organismes locaux de réinstallation. Les programmes qui touchent à la langue, à la formation, aux services de santé mentale et à beaucoup d’autres aspects de l’intégration ne sont pas offerts par le gouvernement. Ils relèvent d’organismes communautaires qui sont dignes de confiance, locaux et compétents. Cette approche nous sert bien.

Au cours des dernières années, on a souligné la nécessité d’améliorer les services de santé mentale dans le cadre de la réinstallation des réfugiés. C’est sans aucun doute un besoin qui a été exprimé, et le gouvernement a multiplié les efforts pour accroître la capacité communautaire dans ce domaine. C’est particulièrement important pour certains groupes de réfugiés qui ont traversé des traumatismes inimaginables, comme les réfugiés yézidis du Nord de l’Irak qui ont fui le génocide. Ces efforts comprennent la création de réseaux communautaires à l’appui des professionnels de la santé mentale, des interprètes et d’autres réseaux pour assurer l’établissement progressif de ces réfugiés et une offre complète de services de soutien psychosocial. C’est toujours possible. À mon avis, les collectivités réclameront toujours que le gouvernement fédéral joue un rôle prépondérant dans ce domaine.

Le sénateur White [ - ]

Merci, monsieur le ministre. Avec tout le respect que je vous dois, je peux dire que les collectivités ont encore l’impression qu’on n’en fait pas assez.

J’ai une question pour le ministre Blair. Les forces policières de toute l’Amérique du Nord et, surtout, de tout le Canada ont essayé divers outils de reconnaissance faciale. De sérieuses réserves ont été exprimées au chapitre de la protection de la vie privée, et je crois savoir que la GRC rédige, en collaboration avec le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, des lignes directrices pour encadrer le recours à ces outils. Quand ce travail devrait-il s’achever? Plus important encore, le gouvernement prévoit-il ou devrait-il prévoir une loi pour réglementer ou surveiller l’utilisation de tels outils par les forces policières au Canada?

M. Blair [ - ]

Merci beaucoup de la question, sénateur. Comme nous le savons, la reconnaissance faciale, ainsi qu’un certain nombre d’autres technologies émergentes notables, est utilisée dans d’autres parties du monde. La GRC et les services de police du pays peuvent s’appuyer sur une approche réglementaire solide lorsqu’ils y recourent. Nous avons des lois rigoureuses en matière de protection de la vie privée, et c’est entre autres pour cette raison que nous collaborons d’aussi près avec les commissaires à la protection de la vie privée, tant à l’échelle fédérale que provinciale, pour nous doter d’un cadre réglementaire solide qui tient compte des considérations de protection de la vie privée qu’implique l’utilisation de ces technologies. Il est approprié et nécessaire de guider ainsi les forces de l’ordre afin de garantir que toutes ces technologies sont strictement utilisées, le cas échéant, dans l’intérêt public ainsi que dans le respect absolu du droit canadien et de la vie privée des Canadiens.

Le sénateur Tannas [ - ]

Madame Chagger, vous avez parlé d’actions et de résultats, et je me réjouis de vous l’entendre dire. Le Sénat est la Chambre de second examen objectif. Si nous vous convions de nouveau ici dans un an — et j’espère que nous le ferons —, quelles seront vos deux réalisations pour lesquelles vous pourriez nous présenter des données quantifiables? Tenez compte du fait que nous pourrions vous relire votre déclaration dans un an.

Mme Chagger [ - ]

Merci, sénateur, pour votre question.

Je vous reviendrai avec bien plus que deux réalisations, et je vous affirme que nous aurons besoin d’une approche pangouvernementale et d’une approche pancanadienne pour y arriver. Nous avons été témoins de la volonté des Canadiens de se tenir debout et d’exiger que nous fassions mieux, et c’est ce que nous allons faire. J’aimerais porter votre attention sur certains des programmes que nous avons mis en œuvre.

En ce qui concerne l’enveloppe de 9 millions de dollars destinée à l’entraide communautaire au sein des collectivités, cet argent a été réparti dans 56 projets et organismes. Au cours des deux prochaines années, nous serons en mesure de constater les résultats de ces investissements et nous pourrons voir si cette initiative est efficace ou si elle doit être ajustée. Nous avons consenti 10 millions de dollars pour financer des mesures adaptées aux particularités culturelles pour améliorer la santé mentale au sein des communautés noires. De ce montant, une tranche de 5,3 millions de dollars a été distribuée.

Sénateur Tannas, je vous prie de m’inviter à nouveau quand bon vous semblera.

La sénatrice Anderson [ - ]

Honorables sénateurs, ma première question s’adresse au ministre Blair, et je la pose au nom de la sénatrice Simons, qui représente l’Alberta.

Monsieur le ministre, partout au Canada, dans les dernières semaines, nous avons lu des nouvelles tragiques sur des Canadiens autochtones, noirs et sud-asiatiques en pleine crise de santé mentale qui ont été tués lorsque la police est intervenue pour voir comment ils allaient. Depuis plus d’une dizaine d’années, à Edmonton, le service de police affecte des policiers à la clinique de santé mentale d’un hôpital du centre-ville. Chaque policier travaille à temps plein avec un partenaire qui est psychologue, infirmier psychiatrique ou travailleur social et qui est formé pour composer avec les personnes atteintes d’une maladie mentale. Ensemble, ces huit équipes composées de policiers et de spécialistes de l’intervention de crise se déplacent dans des voitures banalisées et ils interviennent lorsqu’on leur demande de vérifier le bien-être d’une personne ou de répondre à une situation de crise liée à la santé mentale ou à la toxicomanie. Ces intervenants sont capables de désamorcer de telles situations de façon sécuritaire. Ils répondent à 700 appels par mois, et les incidents violents sont rares.

Plus récemment, à Edmonton, les services de santé de l’Alberta ont aussi commencé à collaborer avec deux agents de la GRC, de la Division K, pour mettre en œuvre d’un modèle similaire.

Étant donné le risque d’une issue violente et fatale lorsque les policiers répondent seuls à une demande d’intervention impliquant un problème de santé mentale, particulièrement lorsque la personne concernée est autochtone ou issue d’une minorité visible, pourriez-vous envisager d’encourager la GRC à adopter un modèle d’intervention intégrée semblable partout au pays?

M. Blair [ - ]

Merci beaucoup, sénatrice.

Je vous informe que, en 2002, j’ai mis sur pied les premières équipes d’intervention en cas de crise médicale au Canada, plus précisément à Toronto. En tant que chef de police de la ville, j’ai jumelé 36 policiers avec des infirmiers en santé mentale. Je peux vous dire que cela donne d’excellents résultats pour les personnes en situation de crise que nous aidons.

Malheureusement, à Toronto — j’utilise seulement cette ville comme exemple parce que c’est celle dont je connais le mieux les données —, une trentaine d’équipes — et cela semble beaucoup — doit répondre à environ 30 000 appels par année pour aider des personnes souvent désignées comme « instables » et qui, dans bien des cas, traversent une crise de santé mentale ou souffrent de troubles émotionnels. Dans 99,9 % des cas, ces situations sont réglées grâce à la désescalade et à des interventions appropriées. Le recours à des équipes d’intervention en cas de crise médicale a donné les meilleurs résultats.

Malheureusement, les équipes ont commencé à recevoir des appels à propos de personnes armées de couteaux, par exemple. Or, il est dangereux d’envoyer du personnel non formé, par exemple des membres du personnel infirmier, dans une telle situation.

La police intervient de diverses façons. Je reconnais que parfois, et pas seulement récemment, des interventions se sont soldées par des tragédies. Il est donc essentiel que les policiers reçoivent la formation nécessaire.

J’approuve entièrement le recours à de telles équipes intégrées. Partout dans le monde, et certainement en Amérique du Nord, y compris au Canada, on parle de supprimer le financement de la police, entre autres choses. Je crois que les gens veulent surtout trouver de meilleurs moyens d’intervenir dans ce genre de situations critiques où les policiers, malgré toute la formation et tous les outils à leur disposition, ne constituent peut-être pas la solution appropriée, mais plutôt la seule solution disponible. S’ils sont les seuls, à trois heures du matin, à répondre à de tels appels, ils arrivent sur place avec leur formation, leurs outils et leurs limites.

La formation, un équipement approprié et d’autres moyens nous permettront de continuer à intervenir de façon plus sécuritaire dans de telles situations critiques.

J’ajouterais à l’intention de la sénatrice qu’après une situation tragique semblable, où un jeune homme a été abattu par la police dans ma ville, j’ai communiqué avec Frank Iacobucci, qui était juge à la retraite de la Cour suprême, pour lui demander d’entreprendre un examen en règle de la manière dont les policiers réagissent devant des personnes en état de crise. Il m’a remis un rapport remarquable énumérant diverses mesures qui peuvent et devraient être prises. Il a présenté quelque 74 recommandations, si je me souviens bien, au Service de police de Toronto alors que j’en étais le chef, et nous les avons toutes mises en œuvre. J’ai transmis ce rapport à la direction nationale de la GRC, de même qu’à tous les autres services de police du pays, car je crois qu’il est pertinent. Il y a des leçons à tirer, et nous devons faire mieux.

La sénatrice Anderson [ - ]

Honorables sénateurs, ma seconde question s’adresse à la ministre Chagger et je la pose au nom du sénateur Deacon, qui représente la Nouvelle-Écosse.

Les minorités visibles représentent plus de 22 % de la population canadienne, et les peuples autochtones près de 5 %. Pourtant, l’Enquête de 2017 sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises révèle que seulement 12 % des petites entreprises sont détenues en majorité par des personnes appartenant à des minorités visibles et seulement 1 % par des Autochtones. Il a été établi que faire progresser l’esprit d’entreprise dans les communautés autochtones et racialisées est une façon de créer des possibilités, des emplois et une prospérité durables là où il est généralement difficile de le faire.

Les membres des minorités visibles et des peuples autochtones sont confrontés à des obstacles systémiques dus à l’écart qui les séparent des riches d’une génération à l’autre, à leur sous-représentation dans les réseaux d’affaires, ainsi qu’à des préjugés systémiques et même à des distorsions algorithmiques.

Madame la ministre, dans votre rôle actuel et en tant qu’ancienne ministre de la Petite Entreprise, pouvez-vous dire ce que votre gouvernement fera pour faire avancer les programmes d’entrepreneuriat et favoriser la réussite dans les communautés marginalisées?

Mme Chagger [ - ]

Je vous remercie de cette question très importante. C’est exactement pour cela que les discussions devront avoir lieu à l’échelle pangouvernementale et sur plusieurs fronts. Notre système présente des iniquités.

En réponse à la COVID-19, le Secrétariat de lutte contre le racisme a créé le groupe de travail sur les collectivités en quête d’équité, dont j’ai fait mention au début de mon intervention. La ministre Ng et moi avons travaillé en étroite collaboration en ce qui concerne les possibilités dont vous parlez. Nous nous penchons non seulement sur le cas des petites entreprises, mais aussi sur les mesures prises en réaction à la COVID-19 pour déterminer qui en a bénéficié. Voici les questions que j’ai posées et pour lesquelles j’attends des réponses — et je pense que je les obtiendrai. Qui présentait une demande, qui était admissible et qui a vu sa demande acceptée? Cela concerne les nominations, dans nos systèmes, ou les subventions et contributions. À chaque niveau, il faut voir qui fait une demande, qui voit sa demande prise en considération et qui reçoit ces subventions et contributions, ou les prêts pour les petites entreprises.

Je suis convaincue que les statistiques que vous avez présentées sont justes. Il faudra adopter une approche axée sur les petites entreprises pour nous assurer d’aider les gens.

À titre de ministre responsable de la Petite entreprise, j’ai notamment mis en place la Stratégie pour les femmes en entrepreneuriat. Nous connaissions les statistiques en la matière. Nous savions que les entreprises appartenant à des femmes représentaient 9 % de toutes les entreprises au Canada, et que 15,7 % d’entre elles exportaient. Nous avons mis l’accent sur ce point. Nous avons également encouragé l’approvisionnement public. Tout dernièrement, nous avons annoncé une stratégie de passation de marchés pour les entreprises appartenant à des Autochtones, et il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas aller plus loin dans cette voie.

C’est une question d’équité et de solidarité. Comme il y a aussi des injustices économiques dans ce pays, je peux vous garantir que l’engagement que j’ai pris dans la lettre de mandat, à savoir de collaborer avec tous les ministères et organismes, m’habite depuis mon réveil jusqu’à l’heure de me coucher.

Donc, oui, le travail est en cours dans le domaine auquel vous faites allusion.

Je précise que nous collaborons avec les communautés et que nous nous inspirons de leurs besoins. C’est pourquoi — même en ce qui concerne le fonds de 25 millions de dollars dont le ministre Hussen a parlé — ce seront des organisations gérées par des Noirs qui distribueront cet argent pour s’assurer qu’il est versé aux organismes communautaires qui sauront en faire le meilleur usage.

La sénatrice Anderson [ - ]

Je vous remercie. Je cède le reste de mon temps de parole à un autre sénateur.

Le sénateur Forest [ - ]

Merci beaucoup aux trois ministres d’être parmi nous pour entendre nos préoccupations fort importantes sur cette question fondamentale pour notre société. Je me fais le porte-parole de ma collègue la sénatrice Keating. Ma question s’adresse au ministre Blair.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré, au début de juin, que vous ne toléreriez aucune inconduite potentielle de la part des policiers, quelles que soient les circonstances. C’est une chose de dénoncer les comportements inappropriés de certaines personnes, c’en est une autre d’admettre que le racisme systémique s’est infiltré dans les relations entre les peuples autochtones et la Gendarmerie royale du Canada.

À la lumière des évènements qui se sont déroulés récemment — et qui sont trop nombreux, d’ailleurs —, reconnaissez-vous que la structure de la GRC n’est pas impartiale? Êtes-vous prêt à effectuer une refonte de l’organisation, qui comprendrait la mise en place d’un mécanisme d’examen entièrement indépendant, et qui n’aurait pas été proposée par l’organisation qui fait l’objet d’une telle vérification?

M. Blair [ - ]

Merci, sénatrice. Votre question soulève des enjeux majeurs. Je vais essayer d’y répondre rapidement.

Tout d’abord, je veux être très clair : ni moi, ni la commissaire de la GRC, ni ses dirigeants ne tolérons le racisme ou la mauvaise conduite. Je pense que c’est une valeur fortement ancrée dans la GRC. Ses membres sont des fonctionnaires qui sont là pour servir et protéger. Leur plus grand devoir est de préserver la vie et de servir les communautés avec respect et professionnalisme.

Cela ne les empêche pas de reconnaître que des individus peuvent mal se conduire. La commissaire l’a reconnu. Il est toujours possible de faire mieux, mais ce sont là les valeurs que respecte la GRC et sur lesquelles je suis d’accord.

Vous soulevez également la question très importante du racisme systémique. Le racisme systémique est un problème distinct. Cela reste un problème, mais un problème distinct des cas individuels d’inconduite de la part de policiers membres de la GRC ou d’autres corps de police. Il s’agit dans ce cas des circonstances qui entraînent des résultats disproportionnés et différents pour les Autochtones, par exemple.

Si je peux me permettre un exemple, des décisions sont prises quant à la libération, sur engagement ou sous caution, des personnes qui sont arrêtées. Parmi les facteurs systémiques qui sont pris en compte pour déterminer si une personne peut être relâchée peuvent figurer sa situation en matière de logement — on regarde si elle a un logement —, sa situation d’emploi, ses racines et ses liens dans la collectivité, son accès aux services et aux mesures de soutien dont elle a peut-être besoin. Dans notre société, dans le cas de bien des Autochtones, nous savons que les conditions sociales qui peuvent être des facteurs contribuant à leur arrestation au départ peuvent aussi être les facteurs qui feront en sorte que, contrairement à une personne dans une situation différente, ils ne peuvent pas obtenir une libération sous caution ou sur engagement. D’un point de vue systémique, on en arrive ainsi à un nombre disproportionné d’Autochtones qui sont incarcérés avant d’être reconnus coupables et à une situation où ils ont plus de difficulté à obtenir une libération sous caution.

Il s’agit de problèmes systémiques que nous devons examiner de plus près. Il est nécessaire au sein du système d’assurer la sécurité de tous, mais, en même temps, si cela a des effets disparates sur les communautés racialisées et les populations autochtones, nous devons revenir en arrière et effectuer un examen approfondi du système. Y a-t-il des moyens de le modifier pour obtenir des résultats plus équitables, plus justes et plus appropriés pour l’ensemble de la population canadienne?

Cela diffère des problèmes liés à la conduite individuelle, qui ne sont jamais acceptables. Si une personne adopte des comportements racistes et inappropriés, celle-ci doit en répondre. Ceux qui se conduisent de la sorte doivent être sévèrement punis. Mais nous devons aussi faire des efforts supplémentaires pour veiller à ce que le système de justice pénale au sens large, dont les forces de l’ordre sont un élément important, ne prenne pas de décisions et n’encourage pas de comportements qui entraînent des résultats inéquitables pour une partie de notre population, notamment envers les communautés racialisées et autochtones.

Le sénateur Forest [ - ]

Merci. Ma deuxième question vient de la sénatrice Dupuis, une collègue qui a une longue expérience dans la défense des droits de la personne. Elle interpelle les trois ministres d’une façon toute personnelle sur leurs valeurs et leur engagement. Vous avez mentionné un peu plus tôt l’article 15 de la Loi constitutionnelle de 1982. On ne peut pas avoir une loi plus forte ni plus robuste, car elle reconnaît que tous ont droit à la même protection et aux mêmes avantages et que tous doivent également être à l’abri de toute forme de discrimination. Or, l’article 15 établit des mécanismes clairs pour contrer la discrimination directe et systémique qui s’exerce plus particulièrement contre les personnes faisant partie de groupes racisés. Le gouvernement et le Parlement ont donc les outils législatifs requis pour faire des interventions importantes dans le but de lutter contre ce fléau. D’un point de vue personnel, êtes-vous prêts à vous engager à faire adopter, par votre gouvernement et par le Parlement, des lois, des programmes, des activités, qui seraient tous destinés à améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur ou de leur sexe, comme le prévoit l’article 15(2) de la Charte canadienne des droits et libertés? La question s’adresse aux trois ministres. Madame la ministre, peut-être par politesse, voulez-vous commencer?

Mme Chagger [ - ]

Je veux dire rapidement que nous avons un plan, soit la stratégie canadienne de lutte contre le racisme. Ce plan a été créé par les Canadiens pour assurer que notre gouvernement peut créer une base pour faire les changements nécessaires. Oui, c’est vrai que la Charte des droits et libertés protège tout le monde, mais on peut constater aujourd’hui que ce n’est pas vraiment le cas. Nous avons donc beaucoup de travail à faire. Je pense qu’il faut écouter et entendre les histoires des personnes. Il n’est pas nécessaire de voir les vidéos pour savoir que les histoires que les gens partagent sont réelles. Je pense que tout cela doit être validé, que ces personnes ont partagé leurs histoires, et il faut examiner comment on peut améliorer nos systèmes et décider ce qui peut nous aider à faire mieux. En effet, si les personnes qui prennent les décisions ne changent pas, les résultats ne changeront pas non plus. Je vais m’efforcer de changer les voix qui sont entendues et qui sont représentées.

M. Hussen [ - ]

Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur.

Vous soulignez un point très important. Le Canada doit se conformer aux valeurs inscrites dans la Charte et à l’esprit de cet article, qui précise que tous ont droit non seulement au même traitement, mais aussi aux mêmes résultats.

C’est l’objectif que nous devons atteindre. Il s’agit d’un objectif ambitieux. Ce n’est pas la réalité que vivent un nombre beaucoup trop élevé de Canadiens autochtones, noirs ou racialisés. Dans leur cas, cet objectif ambitieux n’a pas été réalisé. La réponse complète que je pourrais vous donner, c’est que, évidemment, il faut adopter des lois, des politiques et des règlements. Il faut faire preuve d’un leadership ferme et délibéré pour mettre en œuvre les mesures proposées. Il faut affecter les ressources nécessaires à cet effet. Il faut tenir compte des données probantes. Il faut faire comprendre aux personnes qui occupent des postes de responsabilité, que ce soit dans les secteurs de l’application de la loi, de la santé, de l’éducation ou ailleurs, que le racisme systémique est préjudiciable à beaucoup trop de Canadiens. Nous devons nous montrer dignes de nos valeurs et faire disparaître cette réalité en éliminant le racisme systémique tel qu’il se manifeste dans divers aspects de notre société.

Je souscris aux commentaires de ma collègue la ministre Chagger, qui a dit qu’il fait admettre que la réalité vécue par beaucoup trop de Canadiens est très différente de celle exprimée à l’article 15 de la Charte.

M. Blair [ - ]

Il y a quelques années, je me suis présenté devant le Sénat pour parler de la Loi sur le cannabis. Nous avions déterminé que l’application des lois sur le cannabis au Canada avait une incidence considérable et disproportionnée sur les Canadiens racialisés. À cause de l’application de ces lois, ces personnes étaient beaucoup plus susceptibles de faire l’objet d’accusations ou de subir des conséquences beaucoup plus graves.

En modifiant la loi et la façon dont ses règlements étaient appliqués, nous avons changé la disparité systémique, ou le racisme systémique, qui existait dans la façon dont les lois sur le cannabis étaient appliquées au Canada. En modifiant ces lois, nous avons changé les circonstances et en avons créé de meilleures, tout en améliorant le sort des Canadiens racialisés.

Le sénateur Forest [ - ]

On dit souvent que les derniers seront les premiers, donc je vais céder les deux minutes qu’il me reste au sénateur Loffreda.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Merci. Ma question s’adresse à la ministre Chagger. Je vais parler brièvement d’un sujet dont nous n’avons pas discuté, soit les entreprises dans le milieu des affaires canadien. Madame la ministre, pouvez-vous nous dire les mesures concrètes que vous prenez pour diversifier le milieu des affaires canadien? Le gouvernement a-t-il envisagé de créer un nouveau ministère de la diversité au sein de la fonction publique pour encourager les entreprises canadiennes à créer des milieux de travail plus inclusifs?

Mme Chagger [ - ]

Monsieur le sénateur, le gouvernement n’écarte aucune idée sans l’avoir examinée. L’ancien leader du gouvernement au Sénat connaît bien mon bilan en ce qui concerne les amendements. Nous débattons certainement de beaucoup de choses; je prends tout le temps qu’il faut pour étudier les nouvelles idées. Une mesure dont je peux parler est le processus de nomination ouvert, transparent et axé sur le mérite pour les nominations par le gouverneur en conseil. On peut constater un changement dans le type de personnes nommées.

Je répète que lorsque les dirigeants sont choisis de manière à refléter la diversité du Canada, le travail accompli et les résultats obtenus n’en sont que meilleurs.

En ce qui a trait à la Banque de développement du Canada et aux autres organismes du genre, nous faisons effectivement en sorte que l’équipe de direction soit plus diversifiée. Nous posons les bonnes questions : quelles personnes posent leur candidature? Qui devrions-nous envisager de nommer? Où recrutons-nous? À quels endroits annonçons-nous les programmes et les services disponibles? Nous comprenons que si nous nous en tenons aux vieilles habitudes, rien ne changera. Je ne serai pas toujours ministre, alors j’aimerais m’assurer de laisser ma marque, de prendre des mesures et d’obtenir des résultats concrets pour les Canadiens. Ils l’exigent et ils le méritent.

M. Hussen [ - ]

J’ajouterais un dernier point concernant la fonction publique pendant mon mandat et avant celui-ci.

J’ai remarqué les progrès accomplis grâce aux efforts déployés pour que la fonction publique canadienne — laquelle est un chef de file mondial — soit représentative du Canada.

Certes, un certain progrès a été accompli dans l’atteinte de cet idéal, mais, assurément, il nous reste encore beaucoup de pain sur la planche pour améliorer la diversité au sein de la fonction publique canadienne — qui est la meilleure au monde — et que celle-ci reflète vraiment le Canada et les Canadiens qu’elle sert.

La présidente [ - ]

Le sénateur Munson a la parole pour les 10 prochaines minutes.

Le sénateur Munson [ - ]

Je remercie les ministres de leur présence.

Nous avons le privilège d’assister à la présente séance en personne, mais, tandis que je regarde autour de la salle, je ne peux m’empêcher de penser à tous ceux qui sont absents de la Chambre et qui souhaiteraient participer au débat, qui est très important.

Plus tôt cette semaine, vous m’avez entendu présenter les propos et les questions de mes collègues, les sénatrices Lovelace Nicholas et Lillian Dyck. Je vais faire la même chose aujourd’hui. Il y a un préambule, mais il me semble important. La question s’adresse au ministre Blair. Elle provient de la sénatrice Dyck et s’accompagne d’une question complémentaire. Je cite la sénatrice Dyck:

Récemment, en mars, le chef Allan Adam, de la Première Nation des Chipewyans d’Athabasca a été arrêté par la police à Fort McMurray, en compagnie de son épouse. L’étiquette d’immatriculation de son camion était expirée. Ce qui aurait dû être une vérification de routine s’est transformé en un incident violent pour le chef Adam.

La vidéo enregistrée par la caméra de tableau de bord de la GRC montre un policier s’attaquer au chef Adam sans avertissement, lui assener des coups de poing à la tête et avoir recours à la technique d’étranglement par la région carotidienne. Après l’incident, une photo du visage ravagé du chef Adam a choqué et ébranlé la nation. Le chef Adam a déclaré : « Chaque fois qu’un des nôtres commet une faute, [la GRC ] semble toujours avoir recours à une force excessive. Il faut que cela cesse. »

Ce qui est arrivé au chef Adam est un exemple de racisme systémique de la part de la GRC.

Malheureusement, tout comme les femmes autochtones, les hommes autochtones risquent davantage de subir de la violence.

Selon Statistique Canada, en 2018, par exemple, le taux d’homicides chez les hommes autochtones était cinq fois plus élevé que chez les hommes non autochtones.

Ces données prouvent que les hommes autochtones sont victimes de racisme systémique.

On rapporte que 62 % des personnes tuées par la police en Saskatchewan étaient des Autochtones. Pourtant, comme vous le savez, les Autochtones représentent seulement 15 % environ de la population de la province. Ces données prouvent elles aussi que les Autochtones sont victimes de racisme systémique.

Monsieur Blair, on a beaucoup discuté du racisme systémique au cours des deux dernières semaines, surtout après que la commissaire Lucki a eu du mal à dire si ce problème existait au sein de la GRC, puis a affirmé le lendemain que c’était bel et bien le cas. Il était donc vraiment surprenant qu’elle n’ait pas été en mesure de donner un bon exemple de racisme systémique quand elle a comparu il y a deux jours devant le Comité de la sécurité publique de la Chambre des communes lors de la séance sur ce sujet.

En tant que femme autochtone, j’ai été stupéfaite par son manque de perspicacité et de connaissances. Elle a parlé du rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Elle aurait très bien pu dire que le refus de la GRC, pendant des années, de reconnaître la tragédie des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées était un exemple de racisme systémique. Et elle aurait pu dire que c’était du passé, que la GRC reconnaissait maintenant que les femmes autochtones sont plus susceptibles d’être assassinées et portées disparues que les autres et que la GRC collecte désormais des données sur l’identité autochtone et le sexe des victimes d’homicide, qu’elle transmet ensuite à Statistique Canada. Mais elle ne l’a pas fait.

Et quand elle a déclaré qu’à la GRC, on n’a recours à la force mortelle que dans 0,073 % des cas, elle aurait pu affirmer que la surreprésentation des Noirs, des Autochtones et d’autres minorités racialisées parmi les victimes de corrections absurdes ou mortelles de la part de membres de la GRC était un exemple de racisme systémique. Mais, elle ne l’a pas fait.

En tant que citoyenne canadienne, j’ai été gênée de voir que notre commissaire n’était pas en mesure de fournir un exemple de racisme systémique dans la GRC, alors que tout le pays n’a parlé que de cela, ces deux dernières semaines.

Elle n’est tout simplement pas à la hauteur.

Comme vous le savez, j’ai demandé que la commissaire Lucki démissionne ou soit remplacée.

Monsieur le ministre, c’est à vous qu’il revient de demander des comptes à la commissaire Lucki et c’est aussi à vous de trouver une solution à ce qui ne fonctionne pas au sein de la GRC.

La question de la sénatrice Dyck, à laquelle les Canadiens partout au pays méritent d’avoir une réponse, comporte deux volets.

Il est encore plus évident maintenant que la commissaire Lucki ne comprend pas ce qu’est le racisme systémique. Monsieur le ministre, comment peut-elle l’éliminer alors qu’elle ne sait même pas ce que c’est?

M. Blair [ - ]

Merci beaucoup de la question, monsieur le sénateur.

Lorsque la sénatrice Dyck a exprimé ses craintes initiales, j’ai communiqué avec elle sans tarder. Je lui ai téléphoné, et nous avons parlé pendant un bon moment. Je respecte beaucoup son point de vue et ses préoccupations.

J’ai rencontré la commissaire Lucki pour discuter de ces préoccupations le lendemain de son témoignage difficile au comité. Je ne lui donne pas de directives en ce qui a trait aux décisions opérationnelles, mais nous avons longuement parlé de la GRC, de ses responsabilités et des miennes. Je suis d’accord avec vous, monsieur le sénateur : la commissaire dirige la GRC, mais je suis chargé de veiller à ce que l’organisation assume ses responsabilités législatives et que la commissaire fasse son travail.

J’ai donc parlé avec elle plusieurs fois. Je dois vous dire, monsieur le sénateur, que je suis respectueusement en désaccord avec vous sur un autre aspect : je pense que la commissaire Lucki comprend bel et bien ce qu’est le racisme systémique. Nous avons discuté à plusieurs reprises. Je ne cherche pas à excuser qui que ce soit, mais j’ai participé à ces échanges sur les relations raciales et les services de police, ainsi que sur les tensions qui existent parfois entre la police et les communautés racialisées et autochtones à l’échelle du pays. La commissaire Lucki n’est pas la première ni la seule à avoir de la difficulté à utiliser les bons mots. C’est pourquoi je tiens aussi compte des intentions d’une personne et de ce qu’elle essaie de faire.

Quand nous avons embauché la commissaire Lucki et que nous l’avons nommée à ce poste il y a deux ans, nous lui avons confié une tâche considérable, celle de réformer plusieurs aspects cruciaux de la culture, des politiques, des procédures et de la formation en place à la GRC. Elle travaille avec diligence sur ces enjeux. J’ai travaillé à ses côtés, et j’ai pu voir toute l’ardeur qu’elle met à la tâche. J’ai eu des rencontres avec elle et avec son équipe de cadres supérieurs.

Je crois qu’ils ont à cœur de tenter de poser les bons gestes. La sénatrice Dyck a toutefois raison de dire qu’il faut faire plus. Nous devrions tous être jugés en fonction non seulement de nos paroles, mais aussi de nos actions.

Je crois — je le dis en ayant pleinement conscience de mes responsabilités, monsieur le sénateur — qu’il faut voir à ce que les gestes posés par la GRC, et surtout par la commissaire, nous permettent de servir tous les Canadiens de façon équitable et avec la dignité et le respect auxquels tout le monde a droit.

Nous sommes tout à fait résolus à continuer ce travail. La commissaire aurait pu donner plusieurs exemples, je crois. Je dois dire, en toute honnêteté, qu’en gagnant de l’expérience, je gagne un peu d’aisance pour parler de ces questions. J’ai parlé avec la commissaire de ma propre expérience.

Au cours de notre discussion sur le racisme systémique dans le maintien de l’ordre et dans les collectivités desservies par la GRC, sur le racisme systémique dans le système de justice pénale et dans la société en général, pas seulement dans les activités policières de la GRC, je peux vous assurer que la commissaire a fait preuve d’une excellente compréhension de ces enjeux et, plus important encore, qu’elle a exprimé un engagement ferme à accomplir le travail nécessaire pour changer les choses.

Encore une fois, sénateur, je voudrais que nous soyons évalués sur le fondement des gestes que nous posons. Nous sommes prêts à agir et à faire le nécessaire pour corriger la situation et pas seulement pour répondre aux mauvais agissements individuels — la sénatrice Dyck a fait référence au chef Adam. J’ai communiqué avec le chef régional de l’Alberta, ainsi qu’avec les leaders nationaux. Il est évident que nous avons du pain sur la planche. Nous sommes prêts à nous retrousser les manches.

Le sénateur Munson [ - ]

Merci, monsieur le ministre. Je crois que vous savez déjà quelle est la deuxième question de la sénatrice Dyck, mais je vais quand même la poser, en son nom :

Que faites-vous présentement — présentement — pour demander des comptes à la commissaire Lucki au sujet de son manque de connaissance concernant le racisme systémique? Quelles mesures avez-vous entreprises, quelles directives administratives ou ministérielles ont été communiquées à la commissaire?

M. Blair [ - ]

Je parlerais de quelques éléments pertinents à mon avis. Nous avons eu plusieurs discussions. Nous avons témoigné devant un comité, mais nous nous sommes également rencontrés à quelques reprises pour discuter des solutions pour l’avenir et d’une réponse appropriée.

Des enquêtes sont présentement menées concernant diverses allégations. J’ai également communiqué avec la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, parce que je crois qu’elle représente un pan très important de la surveillance indépendante du processus de plainte.

J’ai écouté très attentivement les Canadiens d’un bout à l’autre du pays qui ont exprimé leurs préoccupations au sujet des enquêtes et, en particulier, au sujet de la lenteur des réponses. Lorsque les gens déposent une plainte, je pense qu’ils ont besoin qu’elle soit traitée rapidement. Ils doivent être tenus informés de l’enquête et des mesures qui seront prises. Je pense que la législation actuelle concernant la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC et la GRC ne fournit pas de directives claires concernant les délais.

Je travaille avec les fonctionnaires de mon ministère, la GRC et la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC pour préciser les délais, afin que la GRC et la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC soient tenues de traiter les plaintes dans les meilleurs délais. Actuellement, on le fait dès que c’est possible. Ce n’est pas acceptable. Nous devons être clairs avec les Canadiens. J’ai rencontré certaines des familles. J’ai notamment rencontré la famille de Colten Boushie ...

La présidente [ - ]

Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup. Nous devons passer au prochain bloc de 10 minutes.

Mes premières questions proviennent de la sénatrice Moodie et elles s’adressent à la ministre Chagger.

Le racisme systémique fait partie du quotidien de millions de Canadiens. En 2019, le gouvernement libéral a annoncé le lancement de la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme dans le cadre de l’initiative de 45 millions de dollars visant à lutter contre le racisme systémique et la discrimination dans les institutions fédérales, donner des moyens d’agir aux communautés racialisées, aux minorités religieuses et aux peuples autochtones et mieux faire connaître les origines historiques du racisme et de la discrimination.

Si le but de cette initiative ambitieuse est louable, un certain nombre de points me préoccupent :

D’abord, l’existence et la portée des activités du Secrétariat de lutte contre le racisme semblent mal connues.

Ensuite, le montant de 45 millions de dollars me semble bien peu élevé pour s’attaquer à une question aussi importante que la lutte contre le racisme systémique et la discrimination dans les institutions fédérales, sans parler de la concrétisation de tous les autres objectifs du Secrétariat de lutte contre le racisme.

Ma question pour vous, madame la ministre, est en deux parties : quel genre de travail le Secrétariat de lutte contre le racisme a-t-il effectué depuis sa création, et pourriez-vous nous en donner des exemples concrets?

Mme Chagger [ - ]

Merci, sénatrice. J’aimerais d’abord féliciter la sénatrice Moodie de son leadership et de son excellent travail. La sénatrice Moodie est l’une de ces personnes qui sont devenues à l’aise avec le malaise parce que des changements s’imposent. Je tiens donc à dire publiquement que nous la remercions de son leadership. Du moins, pour ma part, je l’en remercie.

Nous savons que le racisme systémique est réel et répandu, même au Canada. Le gouvernement est résolu à lutter contre le racisme, y compris le racisme et la discrimination systémiques. Dans le budget de 2018, nous avons consacré 9 millions de dollars au soutien destiné aux jeunes Canadiens noirs. Nous avons ainsi soutenu 56 projets aidant les jeunes Canadiens noirs à faire face aux défis uniques qu’ils doivent surmonter.

Nous allons investir 25 millions de dollars pour des projets et un appui financier destinés aux communautés canadiennes noires. Le mois dernier, nous avons annoncé les intermédiaires qui distribueront les fonds : Tropicana Community Services, Black Business Initiative et le Groupe 3737. Les demandes seront acceptées à compter de vendredi.

Le Secrétariat de lutte contre le racisme travaille sans relâche depuis sa création, en octobre 2019. Il organise régulièrement des consultations formelles et informelles, des groupes de discussion et des tables rondes avec des groupes qui revendiquent l’équité pour faire en sorte que leur voix soit entendue.

Dans le cadre de sa réponse à la COVID-19, le Secrétariat de lutte contre le racisme copréside le groupe de travail interministériel pour les collectivités revendiquant l’équité en temps de COVID-19. Le groupe de travail offre une tribune aux institutions fédérales et aux organismes communautaires afin qu’ils puissent échanger de l’information, cerner des lacunes et cibler nos efforts de lutte contre la COVID-19 de manière à ce que les communautés racialisées soient prises en compte dans les prises de décisions, et que ces dernières se fondent sur des données ventilées.

Peter Flegel est le directeur du Secrétariat de lutte contre le racisme. Souvent, lorsqu’on me demande de prononcer un discours, j’invite Peter Flegel à titre de personne-ressource. Je comprends que ce n’est pas tout le monde qui sait ce qui se passe. Nous allons veiller à ce que les gens le sachent. J’ai décidé que j’allais commencer à répéter la même chose sans arrêt, parce que cette technique fonctionne. On peut compter sur moi.

En ce qui concerne l’observation au sujet des 45 millions de dollars, je tiens à dire que oui, il faut de l’argent, mais que cela ne suffira pas à remédier au racisme systémique. C’est pour cette raison que la stratégie de lutte contre le racisme est axée sur le leadership fédéral. Nous avons un rôle à jouer. Le premier ministre collabore avec les premiers ministres des provinces et des territoires, et je pense qu’ils ont même publié une déclaration commune aujourd’hui. Voilà une preuve d’engagement. Maintenant, nous devons exiger qu’ils rendent des comptes pour garantir que des mesures soient prises et que des résultats s’ensuivent.

Donc oui, il faut de l’argent, et oui, nous continuerons de nous battre pour en obtenir plus. Nous veillerons à ce que les ministères et les organismes fédéraux aient l’argent nécessaire pour prendre les décisions qui s’imposent à la suite des recommandations du Secrétariat de lutte contre le racisme. C’est l’une de mes priorités. Ensemble, nous pouvons garantir la réalisation de cet objectif.

Voici l’autre question de la sénatrice Moodie :

Nous avons tous des préjugés inconscients, des préjugés qui se font une place dans nos institutions allant des écoles au système de justice pénale. Heureusement, des études démontrent que la sensibilisation et la formation permettent de venir à bout de ces préjugés.

Un peu plus tôt cette année, le gouvernement libéral a présenté le projet de loi C-5, aux termes duquel les nouveaux juges seraient tenus de suivre des cours sur le droit relatif aux agressions sexuelles et de s’engager à « suivre une formation continue portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social ».

Vous êtes la ministre responsable de la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme du gouvernement. Si je comprends bien, un des principaux objectifs de cette stratégie consiste à lutter contre le racisme systémique et la discrimination dans les institutions fédérales.

Madame la ministre, j’aimerais savoir si vous pensez qu’une formation sur les préjugés inconscients pourrait être utile aux juges fédéraux et si vous avez l’intention de travailler, ou travaillez déjà, avec le ministre de la Justice pour intégrer cette formation importante aux cours qu’ils doivent suivre.

Mme Chagger [ - ]

Je tiens à vous remercier de cette question pertinente. Je commence tout d’abord par reconnaître que j’ai des préjugés inconscients. J’ai encore beaucoup à apprendre et je ne sais pas ce que je ne sais pas. Nous avons tous nos propres préjugés inconscients, qui teintent souvent les interactions quotidiennes que nous avons avec les gens dans notre entourage immédiat, que ce soit des amis ou des collègues. À mon avis, reconnaître que nous avons tous du pain sur la planche fait partie de la discussion difficile que nous avons. Nous nous efforçons tous de devenir des êtres humains parfaits, mais je suis convaincue qu’une telle chose n’existe pas parce qu’il est toujours possible d’apprendre de nouvelles choses et de s’améliorer.

Selon moi, c’est pourquoi tout le monde, y compris moi ainsi que les institutions et les organismes fédéraux, peut bénéficier de cours de sensibilisation aux préjugés, car on ne se rend parfois pas compte qu’on en a. Le gouvernement est déterminé à prendre des décisions fondées sur des données probantes qui tiennent compte de l’effet des politiques sur tous les Canadiens, y compris les communautés racialisées. Le premier ministre m’a confié le mandat d’examiner l’ensemble de l’appareil gouvernemental et de collaborer avec mes collègues du cabinet afin que l’élément « plus » de l’analyse comparative entre les sexes plus cible la diversité et l’inclusion dans toutes les décisions que nous prenons. Par conséquent, oui, nous poursuivrons ce travail.

Je tiens à signaler que le projet de loi C-5 mentionne des cours de sensibilisation aux réalités culturelles. Une porte a été ouverte pour que nous puissions cerner nos attentes en tant que société. J’ai hâte que la Chambre étudie le projet de loi. J’ai hâte à l’étape de l’étude en comité et je réclamerai qu’on améliore le projet de loi parce qu’il est toujours possible de faire mieux.

Je vous remercie. Les prochaines questions proviennent de la sénatrice Omidvar. Il se peut qu’elles portent sur des sujets que vous avez déjà abordés et que vous ayez déjà répondu à quelques-unes.

Pendant la dernière législature, le gouvernement a décidé de soumettre l’ensemble de l’appareil gouvernemental, et notamment les mémoires au Cabinet, à une analyse comparative entre les sexes plus. La sénatrice Omidvar appuyait cette décision et elle l’appuie toujours, même si elle aimerait que les résultats nous soient communiqués.

Elle en a toutefois contre la méthode choisie. L’appellation elle-même laisse entendre que certains sujets l’emportent sur d’autres. Le plus passe après le reste. Or, il y a maintenant trop longtemps que les disparités raciales passent en deuxième, si tant est qu’on prenne le temps de s’y attarder. Il est grand temps que le gouvernement soumette l’ensemble des mesures législatives à une analyse rigoureuse et distincte en fonction de la race. À la lumière des circonstances actuelles, le gouvernement s’engagera-t-il à procéder à une telle analyse?

Mme Chagger [ - ]

Je remercie la sénatrice Omidvar de ses observations. Nous avons déjà pu discuter, elle et moi, et je dois dire que la conversation fut très intéressante, car il existe une multitude de perspectives et d’expériences. Tous ceux qui fréquentent les corridors de la Cité parlementaire savent qu’à mes yeux, le plus de l’analyse comparative entre les sexes plus n’a jamais passé en deuxième. Je dirais même qu’il s’agira dorénavant de ma priorité. Je crois que le Cabinet a beaucoup insisté sur l’importance de mon rôle, et mes collègues tiennent à ce que j’accorde de l’attention au plus.

Cela dit, je ne veux pas m’enfermer dans des considérations terminologiques. Je préfère de loin faire le nécessaire pour que le Secrétariat de lutte contre le racisme ait un droit de regard sur la totalité des politiques et des décisions de l’ensemble des ministères et organismes gouvernementaux.

Selon moi, c’est quand le racisme et la discrimination systémiques touchent des gens près de soi qu’on prend conscience de son existence. Voilà pourquoi, je crois, la vidéo de George Floyd... J’en ai vu toute ma vie, des choses comme celle-là. Je n’ai jamais été victime de racisme anti-Noirs ou anti-Autochtones, mais je peux m’ouvrir l’esprit et sensibiliser les gens au problème.

Les gens ont pu se reconnaître dans ce visage. J’y voyais mes amis, j’y voyais les enfants de mes amis, et j’en ai été touchée comme je ne l’avais jamais été.

Il est important de s’intéresser à la réalité des gens et de faire ce travail. Ma façon de procéder, c’est de remettre en question notre processus de nomination, nos ministères et agences, de vérifier attentivement d’où ils obtiennent des renseignements, qui ils invitent à la table.

Lorsque j’étais ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme, la première chose que faisais, chaque fois que j’allais à une table, c’était de demander qui se sentait représenté afin de m’assurer qu’au moins la moitié des voix étaient des voix nouvelles. C’est ce que je compte continuer à réclamer. Je vais veiller à ce que le « plus » ne soit pas qu’une considération secondaire. Je vais faire en sorte qu’il s’agisse d’une priorité.

Je vous remercie. Mon temps est écoulé. J’en suis désolée, car j’ai d’autres questions à vous poser.

Mme Chagger [ - ]

Vos questions étaient très pertinentes.

J’en ai encore d’autres.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Bienvenue à tous les ministres qui se sont joints à nous, et merci d’avoir pris le temps de venir livrer votre témoignage.

Je suis très honorée de pouvoir vous poser les questions de la sénatrice Jaffer avant d’en arriver à mes propres questions. Mon intervention fait suite à certaines des questions que la sénatrice Moncion vient de poser au nom de collègues.

Je vais lire le commentaire de la sénatrice Mobina Jaffer. Il s’adresse en premier lieu à vous, madame la ministre Chagger :

En tant que ministre de la Diversité et de l’Inclusion, je suis certaine que travailler sur des politiques visant à garantir l’inclusion est une priorité absolue pour vous. Au vu des récents événements et de la reconnaissance par le premier ministre Trudeau que le racisme systémique est un problème au Canada, nous avons tous encore plus de travail à faire. Ma question est la suivante : serez-vous la principale ministre chargée de veiller à ce que des politiques visant à éradiquer le racisme systémique soient mises en place et appliquées au sein de différents ministères? Par ailleurs, quel est votre plan d’action immédiat? Enfin, envisageriez-vous d’adopter une analyse fondée sur la race, qui s’ajouterait à l’analyse comparative entre les sexes plus dont nous disposons actuellement?

Monsieur le ministre Hussen, je m’adresserai ensuite à vous.

Mme Chagger [ - ]

Je serai brève, car je suis consciente que le temps file.

C’est un outil de plus dans notre coffre à outils. Je ne veux nous priver d’aucun outil pour l’instant. Je m’efforce de collaborer avec tous les ministères, tous les organismes, tous les ministres et tous les Canadiens qui veulent contribuer pour déconstruire nos systèmes et examiner ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, peut-être même ce qui est infesté de moisissures et dont nous devons nous départir. Pour moi, c’est comme un projet de rénovation. Grâce à la COVID-19, l’occasion est propice à reconstruire sur de meilleures fondations et de façon plus inclusive.

Je crois que les chemins n’auraient pas pu se croiser à un meilleur moment. Nous devons redéfinir ce qu’est la normalité, alors pourquoi ne pas créer une nouvelle normalité qui est plus inclusive, plus efficace pour le plus grand nombre de Canadiens possible, et pourquoi pas pour tous les Canadiens? Si cet outil nous aidera à y parvenir, oui.

À cette étape-ci, je demande des paramètres concrets, et j’essaie de savoir qui accède au gouvernement, qui postule, quelles sont les candidatures envisagées. De cette manière, je peux voir qui manque à l’appel et qui doit grossir les rangs.

Au fur et à mesure que nous développerons de nouveaux systèmes, je vais m’assurer qu’ils correspondent à la diversité canadienne et à l’expérience de la population canadienne. Chaque fois, je dis : « Quel bon programme, quelle bonne idée! Quelle en est l’origine? » Je vais mettre de la pression.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Je vous remercie, madame la ministre. J’ai une question complémentaire, qui vaudra aussi pour la réponse du ministre Hussen. Généralement, les résultats des analyses comparatives entre les sexes plus et des analyses en fonction de la race sont gardés secrets et considérés comme des documents confidentiels du Cabinet. Vous engagerez-vous à rendre ces renseignements plus facilement accessibles, ce qui aiderait le gouvernement à rendre des comptes sur les moyens qu’il prend pour contrer l’important problème du racisme systémique?

M. Hussen [ - ]

Je vous remercie, sénatrice. Il s’agit d’une question fort importante, et c’est entre autres pour cette raison que nous avons décidé de créer le Secrétariat de lutte contre le racisme. Nous tenions à ce qu’une seule entité coordonne toutes les mesures prises dans l’appareil gouvernemental pour lutter contre le racisme et la discrimination systémiques et demande des comptes aux ministères.

Les événements des dernières semaines nous ont rappelé que nous devons tous améliorer nos façons de faire. Comme le disait la ministre Chagger, nous devons déconstruire les systèmes et voir là où on peut les améliorer. Doit-on changer la manière dont les données sont recueillies et dont les ministères rendent des comptes? Doit-on voir plus grand, ou mieux écouter les jeunes qui nous demandent de remédier aux torts du passé? C’est à voir.

Je suis d’accord avec la ministre Chagger. L’après-COVID doit être l’occasion pour tous de rebâtir, oui, mais en plus solide. Ne visons pas qu’un simple retour à la normale, parce que c’était justement une partie du problème. Réimaginons plutôt la société afin qu’elle soit plus inclusive, ce qui commence par prendre conscience de la dure réalité de trop nombreux Canadiens, qui ne s’en tirent pas aussi bien dans la vie que nous le souhaiterions, que ce soit parce qu’ils ont maille à partir avec la justice ou qu’ils n’ont pas accès à tous les services et programmes des différents gouvernements.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Que répondez-vous à la partie de ma question qui portait sur le secret, madame et messieurs les ministres?

Mme Chagger [ - ]

J’ai des antécédents en science. Puisque tout le monde parle de données non regroupées, je dirais que cette discussion pose problème, car je me demande ce qu’on entend par là, au juste, et ce qu’on cherche exactement. Nous devons nous pencher de près sur les attentes que nous avons.

Par le passé, des données ont aussi été utilisées à mauvais escient. Je veux m’assurer qu’elles sont utilisées à bon escient et pour atteindre un objectif. Premièrement, je pense que cette discussion concernant les données non regroupées devrait porter notamment sur les modalités d’utilisation de ces données et sur la façon de les rendre accessibles pour les Canadiens.

Avec le recul, je dirais que le Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19 qui a été mis sur pied travaille avec les provinces, les territoires et les différents ministères des divers ordres de gouvernement pour recueillir des données non regroupées afin que nous ayons un aperçu de la situation. Nous avons l’occasion d’établir certains paramètres pour encadrer la façon dont ces données sont utilisées et isolées. Je ne peux pas parler pour d’autres, mais, au gouvernement fédéral, l’un des problèmes est la façon d’isoler l’information. Si je demandais une liste de tout ce que le gouvernement a fait depuis son arrivée au pouvoir, en 2015, cette information serait très difficile à obtenir.

Je salue la sous-ministre déléguée principale Gina Wilson, qui travaille avec l’ensemble des ministères afin de rendre ces informations disponibles. Elle voit à ce que le Secrétariat de lutte contre le racisme soit une ressource et, lorsque ce n’est pas une ressource — vous savez, les femmes peuvent changer le monde —, nous le signalons, non pas à la table, mais durant la mise en œuvre du système. Si cela signifie qu’il faut faire avorter une discussion parce qu’on ne prend pas les moyens nécessaires que nous prévoyons pour arriver à de meilleurs résultats et à de meilleures interventions, c’est ce que nous ferons. Nous sommes résolus à accomplir ce travail ensemble.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Ma prochaine question s’adresse au ministre Blair. Les instances dirigeantes de la GRC ont omis de divulguer que l’un des policiers que l’on voit dans la vidéo enregistrée par une caméra de tableau de bord de la GRC et qui montre des policiers de la GRC traiter brutalement le chef Allan Adam de la nation Athabasca Chipewyan et procéder à une arrestation manifestement violente, où ils lui assènent des coups de poing à la tête et le prennent à la gorge, et ce, pour des plaques d’immatriculation expirées, eh bien, que ce policier était toujours en service alors qu’il fait face à des accusations d’agression depuis l’an dernier.

Monsieur le ministre, vous n’êtes peut-être pas du même avis, mais, à votre place, je serais gênée du fait que la commissaire Lucki a montré publiquement, à plus d’une reprise, qu’elle n’a pas la moindre idée de ce qu’est le racisme systémique. Monsieur le ministre, ses propos sont des actions. Je la juge pour ses actions et ses paroles sont des actions.

Il s’agit d’une crise. Les récents meurtres et incidents de violence incontrôlée de la part de la GRC et de la police montrent que le militarisme dans la GRC et les services de police est réel et bien ancré.

Ministre Blair, dans cette crise, les dirigeants ne peuvent pas se permettre d’être complaisants et de se réfugier derrière leur blanche ignorance et leur blanche fragilité. En tant que ministre responsable, faites-vous quelque chose de plus que ce que vous nous avez déjà dit?

M. Blair [ - ]

Oui, madame la sénatrice. D’abord, je comprends les préoccupations qui sont exprimées et je partage une bonne partie d’entre elles. À mon avis, il est très important que les services de police fassent preuve de transparence et rendent des comptes. Pour être efficaces, les forces de l’ordre doivent absolument avoir la confiance de la population qu’elles servent. La population doit avoir l’assurance que les policiers seront guidés par la primauté du droit et qu’ils agiront dans l’intérêt public, et qu’en cas d’inconduite, ils devront répondre de leurs actes.

En tant que ministre, il m’incombe de veiller à ce qu’il en soit bel et bien ainsi, et je m’acquitterai de cette responsabilité. Par ailleurs, certains aspects systémiques doivent être corrigés, et nous les examinons. Par exemple, j’ai déjà abordé la question du délai de réponse aux enquêtes sur les plaintes. Encore une fois, le processus doit être objectif, complet et rapide. Ce n’est pas le cas en ce moment. Beaucoup de gens m’en ont parlé.

Je tiens également à préciser que les mots comptent aussi. Je le pense sincèrement. C’est important. Je ne cherche pas à trouver des excuses à quiconque, mais je me souviens du jour où je suis devenu chef de police. On m’a tout de suite demandé si je pensais que le profilage racial existait. J’ai répondu que oui. À l’époque, je crois que j’étais le tout premier chef de police en Amérique du Nord à l’affirmer. On m’a dit : « Vous l’admettez. » J’ai alors répondu : « Je le reconnais. Autrement, comment peut-on faire quoi que ce soit pour y remédier? » En toute honnêteté, mon monde s’est mis à changer très rapidement à partir de ce moment-là.

La présidente [ - ]

Merci, monsieur le ministre. Nous passons à la prochaine période de 10 minutes. Le sénateur Patterson a la parole.

Le sénateur Patterson [ - ]

J’ai une question pour le ministre Blair.

Plus tôt ce mois-ci, j’ai tenu une table ronde sur l’utilisation potentielle des caméras d’intervention par la GRC au Nunavut. Après des discussions musclées avec 34 représentants du gouvernement du Canada, du gouvernement du Nunavut, de la Nunavut Tunngavik Incorporated et de la GRC — des représentants nationaux et d’autres de la Division V —, avec quelques sénateurs, des collègues qui ont un bagage impressionnant en matière de maintien de l’ordre, ainsi qu’avec différentes parties intéressées, comme le capitaine Mercier, de la police régionale de Kativik, dans la région voisine du Nunavik, qui a rapporté que le projet pilote de caméra d’intervention mené là-bas avait été bien reçu et qu’il a permis de réduire le nombre de plaintes contre les policiers, un consensus clair est ressorti : la responsabilisation et la transparence que favorisent l’utilisation des caméras d’intervention constitueraient un pas dans la bonne direction pour rebâtir la confiance entre les habitants du Nunavut et la GRC.

On a également convenu que le Nunavut serait l’endroit idéal où mener un projet pilote au pays en raison du pourcentage élevé de membres des communautés autochtones qu’on y trouve, le plus élevé au pays, et malheureusement, comme vous le savez, du fait qu’il y a neuf fois plus de décès liés aux interventions policières au Nunavut qu’en Ontario, dont un survenu récemment à Clyde River, en mai. Cependant, le déploiement de caméras d’intervention sur l’ensemble du territoire est impossible sans un engagement financier important du fédéral.

Monsieur le ministre, compte tenu de l’engagement pris par le premier ministre, engagement qu’il a d’ailleurs réitéré plus d’une fois, je crois, concernant le déploiement de caméras d’intervention au sein de la GRC, pouvez-vous confirmer qu’il y aura un financement pour le déploiement de ces caméras au Nunavut pour les membres de la Division V de la GRC? Je n’ai pas besoin d’une réponse détaillée.

M. Blair [ - ]

Oui, monsieur.

Le sénateur Patterson [ - ]

D’accord, super. Merci. Je suis heureux de l’entendre. C’est avec un vif enthousiasme que je continuerai à m’intéresser à ce dossier.

Madame la ministre Chagger, en décembre 2017, les Cercles interministériels sur la représentation des Autochtones — dirigés par Gina Wilson, sous-ministre championne des employés fédéraux autochtones, que je suis ravie de voir ici aujourd’hui —, ont publié un rapport selon lequel les exigences en matière de bilinguisme pour accéder aux postes de direction au gouvernement — je pense qu’il s’agit de la catégorie EX-1 à EX-5 — continuent d’être un obstacle à la représentation des Autochtones aux échelons supérieurs de la fonction publique fédérale. Vous avez dit que vous travaillez à ce dossier.

Quelles mesures concrètes le gouvernement a-t-il prises en vue d’éliminer les obstacles à la représentation autochtone parmi les cadres de la fonction publique? Votre ministère peut-il nous fournir des données à jour en guise de suivi au rapport de 2017?

Mme Chagger [ - ]

Monsieur le sénateur, accepteriez-vous que la sous-ministre Wilson réponde à votre question par l’entremise de la présidence?

Le sénateur Patterson [ - ]

Oui.

Gina Wilson, sous-ministre déléguée principale de la Diversité, de l’Inclusion et de la Jeunesse, Patrimoine canadien [ - ]

Honorables sénateurs, je vous remercie de cette extraordinaire occasion. Je suis bien heureuse de m’adresser à vous à ce sujet.

Les progrès au sein de la fonction publique fédérale se font lentement et progressivement. Cela dit, des progrès ont été réalisés au chapitre de l’équité et de la diversité en matière d’emploi. J’ai préparé le rapport Unis dans la diversité il y a deux ans et il traite de ce dont parle le sénateur. Il s’agit d’un excellent document, fruit de la consultation la plus exhaustive des fonctionnaires jamais réalisée au pays.

L’an dernier, nous avons publié des indicateurs de référence sur les progrès effectués par chacun des ministères. Nous nous apprêtons à publier un rapport mesurant les données de la première année. Ainsi, en ce qui me concerne, la solution consiste à mesurer la reddition de comptes et le rendement et à confier cette responsabilité aux ministères.

Au-delà de 2020 est une initiative qui plaît bien à la fonction publique. On y parle d’être agile, vif d’esprit et outillé. Or, un important pilier pour y parvenir est la diversité. Je sens donc un engagement. Je vois dans la salle beaucoup de mes collègues qui souhaitent sincèrement accroître la représentation, car plus on gravit les échelons de la fonction publique, plus les Autochtones se font rares. Nous sommes très peu nombreux. D’ailleurs, à mon niveau, je suis la seule. Tout cela pour dire que je constate un engagement à ce chapitre au sein de la fonction publique. Merci.

Mme Chagger [ - ]

J’ai constaté notamment que ce qui est fait pour accélérer les changements que l’on tente d’apporter à la fonction publique ne fonctionne pas. Je demande donc qu’on me donne une description détaillée des mesures en cours. Omar Alghabra, le secrétaire parlementaire du premier ministre, est lui aussi chargé d’évaluer et de déterminer ce qui est en train d’être fait.

Quant aux exigences linguistiques dont vous avez parlé, elles font également l’objet d’une révision. Dans le cadre du processus de nomination transparent et fondé sur le mérite, nous examinons aussi le travail accompli pour aider les régions à trouver des employés dont les compétences répondent à leurs besoins.

Le sénateur Patterson [ - ]

Merci. Sauf le respect que je dois aux trois ministres présents ici aujourd’hui, je suis préoccupé par l’absence des ministres dont les mandats se rapportent exclusivement aux questions autochtones, à savoir les ministres Miller et Bennett. Par ailleurs, le débat sur le racisme systémique ne devrait évidemment pas se limiter exclusivement aux récents incidents avec la police, loin de là.

Avec l’indulgence du Sénat, j’aimerais faire ce que j’ai fait mardi, en l’absence du ministre Morneau, et consigner au compte rendu plusieurs questions que je soumettrais aux ministres responsables, auxquels je demanderais des réponses écrites.

La présidente [ - ]

Sénateur Patterson, je vous rappelle qu’il vous reste quatre minutes.

Le sénateur Patterson [ - ]

Je sais.

Voici la première question : le 28 mai 2020, la Nunavut Tunngavik Incorporated a déposé une plainte auprès du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Dans sa lettre, le président de la NTI affirme que, aux termes des instruments internationaux dont le Canada est signataire, le Canada n’a pas respecté ses obligations internationales et continue à ne pas le faire en ce qui concerne les Inuits en tant que minorité ethnique et linguistique.

Lors de l’étude du projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones, le ministre de la Culture et du Patrimoine du Nunavut a déploré que les Nunavummiuts, en particulier les aînés parlant l’inuktitut, ne puissent bénéficier des services fédéraux dans leur langue comme les autres Canadiens qui tiennent pour acquis la prestation de services en anglais ou en français.

La commissaire aux langues, Helen Klengenberg, a également témoigné devant le Sénat au sujet de ce projet de loi et a présenté un avis juridique indiquant que le gouvernement fédéral est tenu de se conformer à la Loi sur la protection de la langue inuite du Nunavut, qui exige que les organisations fournissent de l’affichage, des services personnels et des services de réception en inuktitut, ainsi que des services de correspondance, de traduction et d’interprétation aux Inuits lorsqu’ils en font la demande.

Le gouvernement va-t-il agir et fournir des services fédéraux en inuktitut aux Inuits dans l’Inuit Nunangat?

Enfin, des décisions récentes comme l’annonce de la création de refuges pour les femmes autochtones ont, à mon avis, révélé un manque de considération pour l’apport des Autochtones. En dépit des demandes répétées de Pauktuutit, l’association nationale des femmes inuites, et des réunions individuelles avec les ministres responsables, ainsi que de l’appel à la justice qui figure dans le rapport final de l’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, aucun refuge spécialement conçu pour les populations inuites n’a été annoncé.

Comment le gouvernement s’assure-t-il que ses décisions reflètent l’apport des Autochtones? Comment les décideurs tiennent-ils compte des commentaires des dirigeants, des membres des communautés et des organismes autochtones?

Madame la présidente, je serais reconnaissant de recevoir des réponses écrites à ces questions.

La sénatrice M. Deacon [ - ]

Je vous remercie tous d’être ici aujourd’hui. Je vais tenter d’aller aussi vite que possible pour poser des questions au nom de mes collègues les sénatrices Bernard et Busson.

Ma première question fait suite à la question du sénateur Patterson sur l’utilisation de caméras corporelles. Vous vous êtes engagé à répondre à sa question. Avec tout le respect que je vous dois, j’ajouterais qu’il devrait s’agir d’un engagement national qui ne se limite pas à ce secteur. Allez-vous vous engager à améliorer la confiance et le respect mutuel dans toutes les collectivités du pays?

M. Blair [ - ]

Je vous remercie de votre question. J’ai eu des discussions avec le gouvernement du Nunavut, la GRC et des organisations communautaires du Nunavut. C’est pourquoi je peux dire avec confiance que, oui, nous sommes prêts à aller de l’avant.

En passant, sénateur Patterson, vous avez joué un rôle clé en mobilisant les gens et en obtenant un consensus quant à l’utilité de cette méthode.

Dans toutes les administrations, je rappellerai à tous que nous travaillons en étroite collaboration avec les provinces et les territoires. Dans la plupart des régions du pays, le maintien de l’ordre est assuré par la GRC dans le cadre d’un contrat conclu avec le gouvernement provincial. Nous devons continuer de collaborer avec nos partenaires provinciaux et territoriaux pour que les services de police qui y travaillent en vertu d’un contrat utilisent de telles technologies.

Je m’engage auprès du Sénat à faire ce travail, parce que, selon moi, il faut faire preuve d’une plus grande transparence et d’une plus grande responsabilité, et cette technologie peut y contribuer. En même temps, je veux reconnaître que, au sein d’une confédération coopérative, nous devons travailler avec nos partenaires provinciaux et territoriaux.

La sénatrice M. Deacon [ - ]

Merci. Nous avons de l’espoir.

Madame Chagger, je vous remercie d’être ici aujourd’hui. J’aimerais aborder la question d’une éventuelle direction de lutte contre le racisme au nom de la sénatrice Bernard.

Il y a deux semaines, comme tout le monde le sait, je pense, le Caucus des parlementaires noirs a publié une lettre dans laquelle il suggérait la création d’une direction de lutte contre le racisme anti-Noirs au sein du Bureau du Conseil privé pour surveiller les programmes et coordonner les activités interministérielles. Vous en avez parlé un peu aujourd’hui.

Nous sommes actuellement au cœur d’un mouvement pour la défense des droits civiques avec le mouvement Black Lives Matter et les appels à la reddition de comptes en matière de droits autochtones, et pourtant, Patrimoine canadien n’a pas mis à jour sa page Web Construire une fondation pour le changement : La stratégie canadienne de lutte contre le racisme 2019-2022 depuis le 17 juillet 2019.

Le premier ministre s’est engagé à changer les choses pour les Canadiens noirs et les peuples autochtones, mais quel travail au juste a été fait avec les ministres du gouvernement dans l’esprit de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine des Nations unies? Quelles recommandations le gouvernement du Canada a-t-il l’intention d’adopter pour agir contre le racisme qui persiste au Canada?

Mme Chagger [ - ]

La Stratégie de lutte contre le racisme a été présentée en juin 2019. Le Secrétariat de lutte contre le racisme a quant à lui été créé en octobre, et Peter Flegel a été nommé à sa tête peu après. Oui, il y a eu la COVID-19. La pandémie ne nous a pas empêchés de faire notre travail, mais il est important que M. Flegel et son équipe puissent établir certains paramètres pour l’avenir, car le processus décisionnel doit tenir compte de la réalité canadienne.

À titre de ministre responsable de ce secrétariat, je dois pouvoir accorder certains pouvoirs à M. Flegel et à son équipe afin de leur permettre d’accomplir leur travail, car je veux qu’on obtienne de meilleurs résultats. Je crois qu’il s’agit d’une étape importante.

J’admets que cette stratégie est associée au ministre Rodriguez, qui en était responsable au moment de sa création. Nous allons donc collaborer avec M. Flegel afin de veiller à ce qu’elle soit adaptée à la réalité. La sénatrice Bernard a été assez aimable pour porter cette question à mon attention. Nous allons donc veiller à ce que la stratégie soit le reflet de notre travail et des occasions qui se présenteront.

En ce qui concerne la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, le gouvernement l’avait reconnue en 2018. Elle prendra fin en 2024. Elle représente une occasion de souligner et de célébrer les importantes contributions des personnes d’ascendance africaine à la société canadienne.

Cette initiative vient avec un plan d’action avec lequel nous travaillons pour nous assurer qu’il tient compte des besoins de la communauté, et les progrès sont en conséquence. Certains des engagements que nous avons pris — notamment les 9 millions de dollars pour les communautés noires et les 10 millions de dollars pour la santé mentale — visent à promouvoir ces engagements. J’étudie déjà la manière dont nous allons procéder au cours de la prochaine décennie, car il restera peut-être encore du travail à faire. Je vais essayer, mais en même temps, il s’agit de jeter les bases de l’avenir de notre pays. Je vous promets que la volonté d’aller de l’avant est bien là.

La sénatrice M. Deacon [ - ]

Monsieur Hussen, j’aimerais entendre une réponse complète à la question qu’a posée le sénateur Housakos tout à l’heure, concernant les cinq domaines et l’ensemble des recommandations. Je vais m’attarder à l’une d’entre elles, au sujet de l’appui aux organismes qui œuvrent auprès des communautés noires.

Comme on le sait, les organismes qui appuient les communautés noires étaient déjà vulnérables et la COVID-19 a eu des répercussions sur eux. La sénatrice Bernard a été contactée par le CEE Centre for Young Black Professionals, un organisme qui offre de l’aide aux jeunes Noirs, où tous les employés ont accepté une diminution de leur salaire afin de pouvoir continuer à servir leur clientèle. Comme ils travaillaient déjà dans des conditions précaires, ils ne devraient pas être obligés de choisir entre leur propre subsistance et les services à leur collectivité. En tant que ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, quelles initiatives avez-vous prises au juste pour assurer la santé mentale et l’appui aux jeunes Noirs?

M. Hussen [ - ]

Merci beaucoup. Outre les 9 millions de dollars mentionnés par la ministre Chagger pour les jeunes Noirs et les 10 millions de dollars destinés à financer des mesures adaptées aux particularités culturelles pour améliorer la santé mentale au sein de la communauté noire, ce fonds de 25 millions de dollars destiné à soutenir les organismes de la communauté noire servira en partie à financer les programmes à l’intention des jeunes. Toutefois, il s’agit de renforcer les capacités de ces organismes afin qu’ils puissent servir encore mieux la communauté.

Deuxièmement, le travail a déjà commencé en ce qui concerne l’Institut canadien pour les personnes d’ascendance africaine, qui bénéficie de ce financement.

En outre, le Fonds d’urgence pour l’appui communautaire qui relève de mon ministère et que nous avons annoncé le 20 mai sera distribué en fonction des besoins de toutes les populations vulnérables, y compris les Canadiens noirs. Dans le cadre de la réponse du gouvernement aux organisations communautaires victimes de la COVID-19, nous avons demandé aux trois agences nationales de confiance qui nous aident à répartir les fonds de nous fournir des données désagrégées et des rapports périodiques afin d’être au fait des secteurs où des lacunes pourraient apparaître. Nous pourrons alors les combler. Nous sommes très sensibles à la nécessité de bien faire les choses et de prendre en considération non seulement la diversité géographique du Canada, mais aussi sa diversité démographique.

La sénatrice M. Deacon [ - ]

Merci. Monsieur le ministre Blair, merci beaucoup. Le domaine de la sécurité publique comprend une question qui nous préoccupe tous, soit les contrôles de bien-être qui ont entraîné le décès de la personne en détresse. Nous savons tous que quatre personnes sont mortes au Canada pendant des contrôles de bien-être effectués par des policiers. C’étaient des Autochtones, des Noirs ou des personnes racialisées qui étaient aux prises avec des problèmes de santé mentale. Maintes fois, nous avons dû constater qu’au Canada, la vie des personnes de race noire et des Autochtones qui traversent une crise de santé mentale est menacée par le système qui devrait les aider lui-même.

Quelles mesures prendrez-vous pour empêcher l’utilisation d’une force excessive par les policiers lorsqu’ils sont appelés à intervenir auprès d’Autochtones ou de personnes de race noire? Avez-vous songé à réduire le financement des services de police pour augmenter les ressources et les services destinés aux personnes de race noire et aux Autochtones, notamment les services de logement, de santé et de santé mentale?

M. Blair [ - ]

Merci beaucoup, madame la sénatrice. Tout d’abord, permettez-moi de déclarer sans équivoque que l’utilisation d’une force excessive n’est jamais acceptable. C’est un crime, et les personnes qui le commettent doivent en être tenues responsables.

Je tiens à souligner que les problèmes de santé mentale peuvent être très difficiles pour les policiers et les premiers intervenants, tout comme pour le reste de la société. Nous savons qu’il existe beaucoup d’exemples d’interventions appropriées pour aider les gens qui sont en crise, notamment dans les situations où elles risquent de se blesser ou de blesser les autres. Il faut développer et financer ce type d’interventions.

Il serait possible d’obtenir de meilleurs résultats avec des modèles différents. Je suis très favorable à un examen exhaustif de tous les moyens qui permettraient d’améliorer le système de santé mentale dans notre pays. À l’heure actuelle, dans la plupart des provinces et territoires, les policiers sont les seuls répondants à 3 heures du matin, ce qui, comme il a été dit, peut s’avérer un défi colossal. Nous devons faire d’autres investissements en tant que société. Certains proviendront du budget fédéral, d’autres des coffres des municipalités ou des provinces. Il y a beaucoup de travail à faire, et nous regardons toujours comment nous pouvons améliorer la formation.

L’une des notions fondamentales, et le premier principe en matière de réponse, est que la responsabilité principale de la police est de préserver toute vie. Les corps policiers doivent avoir accès à de la formation de haut niveau. En ce qui concerne la désescalade et l’utilisation minimale de la force, je sais que cette formation existe au sein de la Gendarmerie royale du Canada, et qu’elle est accessible aux corps policiers à l’échelle du pays...

La présidente [ - ]

Merci, monsieur le ministre. Je ne vous ciblais pas personnellement. La situation est ce qu’elle est.

La sénatrice Forest-Niesing [ - ]

Merci à vous tous d’avoir accepté l’invitation de comparaître devant nous. Bien que je me réjouisse de votre présence à tous les trois, mes questions s’adressent au ministre Blair. Monsieur le ministre Blair, j’aimerais vous poser la question suivante au nom de mon collègue le sénateur Sinclair :

La Chambre des communes est actuellement saisie du projet de loi C-3, qui propose de renforcer la surveillance de la GRC et des services frontaliers. La professeure Stephanie Carvin de l’Université Carleton a souligné que le projet de loi pourrait être étoffé pour s’attaquer au racisme systémique. Par exemple, à l’heure actuelle, la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC ne signale pas si la race a été un facteur dans une inconduite présumée et elle ne consigne pas non plus l’origine ethnique des plaignants. La commission pourrait aussi fournir plus de détails au sujet des allégations formulées et des résultats des enquêtes.

Le gouvernement serait-il ouvert aux amendements du Sénat destinés à renforcer le projet de loi, et serait-il favorable à ce que le Sénat se penche rapidement sur le projet de loi, par exemple par l’entremise du comité spécial sur le racisme systémique proposé au Sénat par la sénatrice Lankin?

M. Blair [ - ]

Merci. Ce sont des questions essentielles, puisqu’il est essentiel d’avoir un mécanisme de surveillance civile indépendant et objectif qui assure une bonne transparence. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons proposé, dès que nous en avons eu la chance — dans le projet de loi C-3 — un nouvel organisme de surveillance à l’endroit des agents des services frontaliers. Comme vous l’avez dit, cet organisme permet aussi d’améliorer la surveillance des plaintes du public concernant la police.

Par ailleurs, je tiens à vous dire que j’attache beaucoup d’importance au travail du Sénat et des comités sénatoriaux. J’ai pu constater que le travail réfléchi de cette Chambre avait permis d’améliorer plusieurs mesures législatives. Je tiens à ce que ce projet de loi serve au mieux les intérêts des Canadiens, et je suis très ouvert à toutes les idées qui vont dans ce sens.

Il s’agit d’un projet de loi prioritaire pour le gouvernement. Nous l’avons d’ailleurs présenté très tôt, mais les circonstances actuelles ont probablement retardé son adoption à la Chambre. Je suis impatient qu’il soit soumis au Sénat et aux comités de la Chambre des communes, pour que ce travail important puisse avancer. Je suis ouvert aux idées qui nous permettront de produire la meilleure mesure législative qui soit, celle qui servira au mieux les Canadiens. Elle servira aussi aux agents des services frontaliers et aux policiers puisqu’ils ne peuvent pas faire leur travail s’ils n’ont pas la confiance du public. Les mécanismes et la mesure législative proposés pourront les aider à mériter la confiance des Canadiens.

La sénatrice Forest-Niesing [ - ]

Merci, monsieur le ministre. Personnellement, j’ai très hâte de collaborer avec vous sur ce dossier.

Monsieur Blair, j’ai une question à vous poser au nom d’une autre collègue, la sénatrice Boniface. La question est la suivante :

Au départ, le Programme des services de police des Premières Nations pour les services policiers de première ligne obtenait uniquement son financement dans le cadre d’un processus tripartite. Au fil des ans, les gouvernements qui se sont succédé ont accordé à ce programme un financement intermittent et insuffisant.

Le gouvernement s’engagera-t-il finalement à mettre en place un service holistique axé sur le bien-être communautaire, comprenant notamment les travailleurs sociaux, les travailleurs de la santé et les policiers? Le gouvernement ira-t-il au-delà des ententes à court terme pour assurer la viabilité et le succès à long terme des communautés et des services qui leur sont offerts?

M. Blair [ - ]

Je remercie la sénatrice de la question, d’autant plus qu’elle vient de la sénatrice Boniface, car je sais qu’elle fait partie des spécialistes les plus chevronnés et les plus compétents de ce domaine. J’ai travaillé avec elle pendant un certain nombre d’années.

J’ai dit que nous allons mettre en place un nouveau cadre législatif pour les services de police autochtones. Il faut d’abord reconnaître que c’est un service essentiel. Ce programme est en place depuis près d’une quarantaine d’années et il a bénéficié d’un financement. Nombre des lacunes découlent directement du fait qu’il n’y a pas de cadre législatif en bonne et due forme, de structures de gouvernance convenables ni de reconnaissance de l’importance de ces éléments.

Nous nous sommes penchés sur la situation dans certains territoires. Par exemple, au Yukon, la police autochtone s’est avérée efficace pour ce qui est de faire appel à des agents auxiliaires, à des agents de sécurité communautaire, à des agents spéciaux et à un certain nombre d’intervenants communautaires qui emploient différentes méthodes d’intervention pour assurer la sécurité de la collectivité. Le cadre législatif en question doit faciliter la mise en œuvre de ces modèles globaux. C’est pourquoi nous nous sommes engagés à concevoir ce cadre législatif en collaboration avec les dirigeants autochtones et les gouvernements territoriaux et provinciaux, car ils ont tous un rôle à jouer. Il nous faut des services de police adaptés à ces collectivités, et la seule façon d’y arriver, c’est de travailler avec ces collectivités. Nous sommes tout à fait déterminés à mener ce dossier à bien. Il me tarde de recevoir l’appui et les recommandations de cette Chambre afin que nous puissions parfaire notre approche.

La sénatrice Forest-Niesing [ - ]

Merci, monsieur le ministre.

C’est avec plaisir que je céderai le reste de mon temps de parole au prochain sénateur.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Merci, madame et messieurs les ministres, d’être parmi nous aujourd’hui.

La première question est au nom de la sénatrice Nancy Hartling du Nouveau-Brunswick.

Depuis le début de la pandémie, on observe une préoccupation croissante à l’égard des problèmes de santé mentale liés au climat actuel et une plus grande sensibilisation au racisme systémique. Existe-t-il des stratégies portant sur les effets du racisme et de l’intimidation en vue de contrer ceux-ci? Quelles sont les ressources disponibles? Nous sommes particulièrement préoccupés par les conséquences qu’a sur les enfants et les jeunes l’intimidation sur les médias sociaux. Ils sont vulnérables aux problèmes de santé mentale et au suicide. Quelles mesures allez-vous prendre pour les protéger?

La question s’adresse au ministre Hussen.

M. Hussen [ - ]

Merci beaucoup pour de cette grande question. L’approche visant à renforcer la cohésion sociale peut et doit être menée par le gouvernement, mais il s’agit d’une approche pansociétale.

En fait, l’un des meilleurs programmes en vigueur que j’ai vus est un programme en Saskatchewan, où le conseil scolaire du district de Saskatoon et la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan ont collaboré pour mettre sur pied un programme destiné aux enfants dès l’âge de 6 ans, qui dure tout le primaire, afin de leur apprendre l’importance de connaître d’autres cultures et religions, de valoriser et d’accepter les différences et de renforcer la cohésion sociale.

Des programmes comme celui-là sont essentiels pour renforcer les mécanismes du système scolaire qui vise à protéger les jeunes qui sont victimes de discrimination, qu’elle soit individuelle ou systémique. Nous devons permettre à la société d’améliorer les recours pour les victimes de discrimination, qu’elle soit fondée sur la race, l’orientation sexuelle ou les handicaps.

Pour de nombreux Canadiens, ces établissements sont les seuls endroits vers lesquels les ils peuvent se tourner lorsqu’ils sont victimes de discrimination institutionnelle fondée sur leur handicap, leur race ou leur religion. Nous devons faire un bon travail pour améliorer ces institutions, et nous devons montrer l’exemple.

Je dis toujours qu’un gouvernement fédéral qui exerce un leadership à l’image du Canada ne peut qu’améliorer notre pays. Notre fonction publique en est un bon exemple, tout comme notre magistrature, nos corps policiers, nos responsables de l’application de la loi et nos systèmes scolaires. Nous devons aspirer à devenir meilleurs, et le Canada est sur la bonne voie pour y parvenir. Le Canada a la possibilité de montrer l’exemple aux autres pays, car notre nation fait constamment des efforts pour améliorer les choses et être plus inclusive. C’est une aspiration très puissante et un exemple pour la planète où, sur de nombreux aspects, les gens n’arrivent pas à s’entendre en raison de leurs différences. Au Canada, nous avons démontré que nous pouvons non seulement unir nos forces malgré nos différences, mais aussi travailler ensemble pour bâtir une grande société. Cependant, on peut toujours faire mieux et nous avons encore du pain sur la planche.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

J’ai une deuxième question à poser à la ministre Chagger. Les fonctionnaires de première ligne, les employés de l’État qui servent directement les citoyens, sont le visage de l’État canadien. Plusieurs études ont montré les bienfaits et l’importance d’avoir des employés qui sont issus de la diversité culturelle afin d’intervenir auprès des citoyens. Sachant cela, comment expliquez-vous qu’encore aujourd’hui certaines institutions publiques, comme les Forces armées canadiennes, ne font pas connaître ou n’ont pas de cibles en matière de diversité, tant en matière d’embauche qu’en matière de rétention?

Mme Chagger [ - ]

Merci, sénateur. Je m’exprime plus facilement en anglais. C’est une conversation que nous aurions dû avoir depuis longtemps. Quand le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir en 2015, nous avons amorcé la discussion sur l’égalité hommes-femmes. Pour ce qui est de représenter la diversité de notre pays, comme l’a mentionné Mme Wilson, des progrès ont été accomplis dans la fonction publique.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

En général, les institutions publiques.

Mme Chagger [ - ]

Oui, excusez-moi.

Des progrès ont été accomplis dans la fonction publique. Je veux maintenant parler de nos organismes, notamment les forces armées. Le ministre Sajjan a décidé que, dans leurs rapports, il n’y aurait aucune désignation du sexe ou description de la personne. Cette décision empêcherait les préjugés inconscients qui auraient découlé de tels renseignements. M. Sajjan examine ce qui se passe au sein des forces armées. Des mesures sont en cours. Il y a quelques jours, nous avons tous les deux discuté de l’approche coordonnée que nous adopterons parmi les ministres pour déterminer l’orientation à prendre, ainsi que les mesures de soutien et les ressources nécessaires, pour que ce changement se concrétise. Je pense que nous avons fait des progrès en ce qui a trait au premier échelon, mais il reste du travail à faire aux échelons supérieurs.

Cette situation fait partie du problème. Parmi les personnes qui sont recrutées dans nos forces armées — peu importe les données utilisées —, il y a beaucoup de départs. C’est un problème. Nos institutions ne sont donc pas inclusives, et les gens n’ont pas l’impression d’y avoir leur place. Ils n’osent pas signaler les problèmes, entre autres choses. C’est pourquoi il est important de parler d’expérience personnelle. C’est pourquoi je commence par considérer ma situation et par affirmer que je peux faire mieux. Je veux faire mieux. Si je peux, à titre de dirigeante d’un ministère, faire une telle affirmation, je pense qu’il est important que d’autres personnes reconnaissent que les questions de santé mentale sont bien réelles.

Les fonctionnaires ne peuvent pas expliquer qu’ils ne détiennent pas toutes les réponses parce qu’ils sont obligés d’en trouver. La situation est similaire dans tous les ministères et organismes. C’est un aspect de la discrimination qui existe. Je dois contribuer à mieux la saisir et j’ai besoin de partenaires motivés. Je peux vous assurer que les ministres, sous la direction du premier ministre, sont prêts à avoir cette conversation. Ils ont déjà commencé, mais il faut aussi un changement de culture qui permettra les conversations ouvertes. J’ai la chance de pouvoir compter sur une sous-ministre qui veut avoir ces discussions.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Merci. Je voudrais poser une dernière question, si je le puis. Dans la fonction publique fédérale, il existe des politiques de discrimination positive — vous en avez d’ailleurs parlé — pour favoriser l’embauche des personnes qui font partie de minorités visibles ou qui font l’objet de discrimination systémique. Est-ce que l’atteinte de cibles en matière d’embauche fait partie de l’évaluation de la performance des gestionnaires? En d’autres mots, est-ce qu’on lie les bonis ou la performance à l’atteinte de cibles en ce qui a trait à l’embauche de membres des minorités visibles?

Mme Chagger [ - ]

Je milite pour qu’on vise l’équité au lieu de l’égalité; c’est là où j’en suis. Il y a eu de la surreprésentation. Nous l’avons fait pour les femmes. Entre deux candidats compétents qui avaient été retenus en fonction du mérite, il était important de choisir la femme. C’est le genre d’approche qu’il faut adopter pour favoriser la diversité en tant que pays. Des occasions existent, mais laissez-vous entendre qu’on donne un coup de pouce aux gens?

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Non. Je vous demande si, dans le cadre de l’évaluation de la performance des gestionnaires, vous vérifiez si l’objectif en matière d’embauche des minorités visibles est atteint.

Mme Chagger [ - ]

Il n’y a pas d’objectif de ce genre.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Même à la fonction publique?

Mme Chagger [ - ]

Non, je ne pense pas, même si ce sont des objectifs que nous pourrions établir. Nous devons avoir cette conversation. C’est un changement nécessaire, et il est en cours. Il y a toujours, actuellement, des réflexes de protection de son espace personnel. C’est difficile pour quelqu’un de jauger sa situation et de tendre la main à quelqu’un d’autre. Il y a de la compétition à l’interne. Si on entre dans une pièce et qu’on y voit une certaine diversité, on se dit que l’objectif est atteint; c’est fascinant. Je vois bien les pièces dans lesquelles je me trouve. Je suis consciente de la manière dont on me parle par rapport à d’autres. Il y a une attitude et un ton bien particuliers : c’est vrai, cela existe et c’est bien réel. Il y a beaucoup de travail à faire.

J’ai le cran qu’il faut pour me battre. C’est pour cela que je suis vraiment contente d’être ici. On a bien eu ce genre de conversations avant, mais je n’ai jamais vu un mouvement comme celui dont nous sommes témoins en ce moment qui part d’une véritable volonté de faire quelque chose. Des programmes comme celui-ci ont été mis en place et d’autres gouvernements sont arrivés au pouvoir et les ont supprimés. J’ai entendu de tels commentaires ici même, sur le parquet du Sénat.

Le sénateur Cormier [ - ]

Ma première question est pour le ministre Blair. Je la pose au nom du sénateur Kutcher, de Nouvelle-Écosse.

Vous engagez-vous à mettre en œuvre une enquête conjointe fédérale-provinciale sur le massacre qui a eu lieu en Nouvelle-Écosse qui soit constituée de manière adéquate et qui ait un mandat suffisamment large pour pouvoir aborder les questions sociales et structurelles complexes et les questions relatives aux pratiques policières soulevées par l’incident?

M. Blair [ - ]

La réponse courte est oui, monsieur le sénateur. Je travaille en très étroite collaboration avec le procureur général de la Nouvelle-Écosse, avec qui j’ai discuté pas plus tard que ce matin. Nous avons établi les paramètres d’une enquête très approfondie qui comporte certains éléments clés, mais qui met aussi beaucoup l’accent sur les mesures réparatrices, le travail auprès des victimes, des membres de leur famille et de leur communauté, ainsi que sur le fait de fournir aux Néo-Écossais les réponses qu’ils attendent.

J’ai bon espoir que cette initiative sera annoncée de façon plus officielle dans les prochains jours, mais nous sommes vraiment déterminés à ce qu’elle ait lieu. Nous comprenons qu’il est absolument essentiel que les Néo-Écossais, les Canadiens, mais surtout les familles des victimes de cette terrible tragédie obtiennent des réponses à leurs questions. Si certaines personnes doivent répondre de leurs actes, elles le feront.

Enfin, je crois qu’il y a des leçons importantes à tirer de tout cela, leçons qu’il faudra mettre en pratique. Nous nous y engageons. Nous tenons à agir en tenant compte des familles des victimes et de toutes les personnes directement touchées par cette tragédie. Nous tenons à ce que cette enquête se penche sur les moindres aspects de ce dossier afin que les Néo-Écossais connaissent toute la vérité.

Le sénateur Cormier [ - ]

Merci pour votre réponse, monsieur le ministre.

Ma deuxième question s’adresse à vous, monsieur le ministre Blair, ainsi qu’à vous, madame la ministre Chagger. Tout récemment, dans ma province, le Nouveau-Brunswick, un médecin de descendance africaine a été victime de racisme dans les médias sociaux. Les propos haineux étaient tels qu’aujourd’hui ce médecin craint pour sa sécurité et, selon les propos rapportés par son avocat, il serait sous la protection de la police parce qu’il a reçu des menaces.

Votre lettre de mandat rappelle que vous avez le devoir de lutter contre les discours haineux en ligne. De plus, la stratégie canadienne de lutte contre le racisme précise que le gouvernement fédéral poursuivra ses efforts bilatéraux et multilatéraux en collaboration avec les acteurs de l’industrie numérique, y compris les réseaux sociaux, afin de lutter contre la haine en ligne et contre l’utilisation d’Internet à des fins extrémistes.

Depuis l’adoption de la Charte canadienne du numérique, en 2019, quels sont les progrès concrets qui ont été réalisés, et quels sont les pourparlers en cours avec les géants du Web, comme Facebook et Twitter, dont les politiques me semblent très laxistes, pour contrer les discours haineux au Canada sur toutes les plateformes de réseaux sociaux?

M. Blair [ - ]

Merci beaucoup. Je tiens à assurer au sénateur et à cette assemblée que beaucoup de travail est en cours. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai rencontré tous les partenaires du Groupe des cinq. Le Canada et ses alliés sont parfaitement d’accord pour s’attaquer à la propagande haineuse sur Internet et à la propagation de ce genre de messages sur ces tribunes, et pour collaborer avec les fournisseurs de service Internet et les responsables des médias sociaux afin d’empêcher ce genre d’activités.

Nous collaborons également avec les autorités policières. Nous avons pu repérer un certain nombre d’organisations et de groupes. Nous avons par exemple récemment dressé la liste d’un certain nombre d’organisations terroristes dont la haine était motivée par des considérations idéologiques. Je peux également vous dire que, d’un point de vue policier, il peut être extrêmement difficile d’intenter des poursuites contre les auteurs de crimes haineux, mais cela ne signifie pas qu’il faille les tolérer.

Nous nous attaquons au problème et nous nous intéressons particulièrement aux personnes et au financement qui sous-tendent ces activités. Les autorités concernées font énormément de travail et maintiendront le cap. Nous examinons un certain nombre de mesures législatives afin que les organisations qui facilitent cette haine en ligne se conforment à la loi.

Le sénateur Cormier [ - ]

La sensibilisation est un élément important. Qu’en est-il de vos échanges en ce moment avec les gouvernements provinciaux et territoriaux à cet égard?

M. Blair [ - ]

Je peux vous dire que cela a également fait l’objet de nombreuses discussions entre les fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux, non seulement du ministère de la Justice et de la Sécurité publique, mais aussi d’autres. L’ensemble du gouvernement et tous les ordres de gouvernement sont concernés.

La sensibilisation du public est un élément très important, car il est essentiel que les jeunes, en particulier, et les personnes vulnérables aient l’information dont ils ont besoin pour se protéger. Les autorités doivent aussi s’assurer que ces plateformes ne contribuent pas à la diffusion des discours haineux et n’incitent pas à la violence. Et...

La présidente [ - ]

Merci, monsieur le ministre.

Le sénateur Cormier [ - ]

Merci.

La sénatrice Martin [ - ]

Je tiens à saluer la sénatrice Mégie, qui a inspiré les travaux de cet important comité plénier. Je pense également à certains de mes collègues qui sont aujourd’hui absents, mais qui ont été de véritables champions de ces causes, je veux parler de la sénatrice Ataullahjan, et des sénateurs Oh et Ngo.

Monsieur le ministre, je reviens sur la phrase que vous avez prononcée — mais en laissant de côté la longue formulation — sur les actions, les résultats et ce à quoi nous pouvons nous attendre. Mes questions s’adresseront au ministre Blair, que je remercie pour ses paroles et pour son énergie, qui est inégalée. Je pense que vous avez plus d’énergie que nous tous réunis. Merci à vous tous d’être ici.

Monsieur le ministre, la ministre Chagger a mentionné les propos désobligeants tenus à l’encontre des Noirs, des Autochtones, des Asiatiques, ainsi que le sectarisme à l’égard des groupes racialisés. La situation nous inquiète. Depuis la crise causée par la pandémie de COVID-19, nous constatons une recrudescence des sentiments anti-asiatiques. Il y a eu un rapport, le rapport Angus Reid, qui contient des chiffres très inquiétants.

Tout d’abord, quelles mesures allez-vous prendre et quels résultats attendez-vous en réponse à ce rapport et à ce que vivent les Canadiens d’origine asiatique? Il y a de nombreux exemples plutôt inquiétants. S’ils ne concernent pas Vancouver — où je vis — et sa région, ils n’en sont pas moins réels.

Deuxièmement et pour toutes sortes de raisons, le taux de signalement de ces incidents aux forces de l’ordre est plus faible. Encore une fois, que ferez-vous pour éliminer certains des obstacles systémiques susceptibles d’empêcher les gens de signaler ces incidents et pour remédier au fait que, dans certains cas, les auteurs de ces incidents s’en sortent simplement avec des avertissements? Y aura-t-il des changements à cet égard?

M. Blair [ - ]

Ce sont des questions très importantes. Le racisme est inacceptable quel que soit le groupe visé. Cette pandémie et certaines fausses informations qui circulent ont entraîné des actes de racisme et des propos haineux envers les Asiatiques. Cette situation a été constatée et documentée, et même soulevée par des députés ministériels et des membres du Cabinet.

Des mesures sont prises. La police surveille la situation de près. Je dois dire que les limites de nos lois en matière de propos haineux ne facilitent pas les poursuites dans ce domaine. Cela peut en outre faire hésiter les gens à signaler ces cas. Cela dit, une des choses les plus importantes à faire — et c’est ce qu’a fait la ministre Chagger — est de s’exprimer très clairement sur la question, de dire que ces propos sont inacceptables et que tenir de tels propos peut être considéré comme un crime.

La situation est suivie de près. Je pense en outre qu’il y a une responsabilité, comme je l’ai mentionné en réponse à une autre question, de la part des fournisseurs de médias qui facilitent la propagation de ces propos. Il faut mieux encadrer cet environnement.

La sénatrice Martin [ - ]

Monsieur le ministre, il ne s’agit pas seulement de propos haineux; divers gestes sont aussi posés. Ce sont des agressions physiques assez violentes. Un homme a battu un adolescent de 15 ans après l’avoir fait tomber de sa bicyclette. Il s’agit de cas très précis.

Nous savons qu’il y a des avertissements verbaux, mais aucune accusation n’est portée. Ce qui nous inquiète, c’est que le système ne sanctionne pas les agresseurs en fonction de la gravité de leurs gestes; la justice n’est pas rendue.

M. Blair [ - ]

Oui. Il incombe au service de police compétent de mener une enquête pour recueillir les preuves pertinentes et pour déposer des accusations si ces preuves le justifient. Puis, il incombe au système de justice pénale de gérer le cas de ces personnes.

Nous avons des lois au pays. Vous avez évoqué une agression, mais si on prouve que ce geste est motivé par la haine, on est aussi en présence d’un crime haineux. C’est une affaire très grave. Toutefois, il faut que la police s’occupe de ces affaires au sein de l’administration visée. Habituellement, il faut que les victimes de tels crimes ou que les personnes en possession de preuves à cet égard se manifestent pour faciliter les enquêtes.

Notre système de justice pénale prend ces cas au sérieux. Cependant, je reconnais aussi qu’il peut être difficile pour une personne de porter plainte ou de présenter le témoignage nécessaire pour que des poursuites puissent être intentées.

Le sénateur R. Black [ - ]

J’ai quelques questions pour la ministre Chagger et, si j’ai le temps, une question pour le ministre Blair.

Madame Chagger, les Noirs et les Autochtones sont gravement surreprésentés au sein du système de justice pénale au Canada. Comparativement aux autres jeunes, les Noirs et les Autochtones ont un taux de décrochage plus élevé à l’école secondaire, ils sont surreprésentés dans les services d’aide à l’enfance et ils risquent davantage de vivre dans la pauvreté. Il y a également une corrélation entre le revenu et la criminalité, entre le fait d’être jeune et d’être impliqué dans un acte criminel, et entre le sentiment d’exclusion chez les jeunes et la probabilité qu’ils se joignent à un gang.

Que fait le gouvernement pour remédier aux conditions très difficiles dans lesquelles vivent de nombreux jeunes Noirs et Autochtones au Canada, et comment le gouvernement envisage-t-il d’aider ces nombreux jeunes Noirs et Autochtones à se sentir moins exclus?

Mme Chagger [ - ]

Je vous remercie de poser cette question très importante, monsieur le sénateur. Je ne répéterai pas la prémisse de votre question. J’ajouterai simplement que, dans l’optique d’améliorer cette situation, Justice Canada met en place un processus de mobilisation auprès de jeunes Noirs qui ont eu des démêlés avec la justice, ainsi qu’avec d’autres intervenants. Ce processus nous aidera à mieux comprendre les défis auxquels sont confrontés les jeunes Noirs qui se retrouvent dans le système de justice, ce qui comprend le racisme envers les Noirs.

Je dis parfois, à propos du système de justice, que si on arrive à éviter qu’un jeune ne se retrouve pas dans le système de justice, on pourra en faire un leader, plutôt qu’un criminel. Il faut examiner des approches fondées sur la justice réparatrice et travailler dans une perspective pangouvernementale.

Dans une perspective pangouvernementale, nous voyons à ce que des ressources comme la Stratégie nationale sur le logement soient en place. Ces ressources doivent être disponibles, et les gens doivent avoir un endroit convenable où habiter. Nous devons nous assurer d’avoir aidé les personnes les plus vulnérables de la société.

Je passe maintenant la parole à M. Hussen.

M. Hussen [ - ]

Je vous remercie, car il s’agit d’une question extrêmement importante. C’est aussi une question de priorités. Certaines des solutions permettant d’éviter que les jeunes aient affaire à la justice se trouvent parmi les groupes marginalisés eux-mêmes. Ces programmes fonctionnent. Paradoxalement, même si leurs taux de succès sont très élevés, ils manquent de ressources.

L’une des choses que nous devrons faire lorsque nous passerons l’ensemble de l’appareil de justice en revue, c’est de miser sur les mécanismes communautaires de soutien et les programmes de déjudiciarisation et de justice communautaire, car ils aident concrètement les jeunes à se tenir loin des tribunaux. C’est mieux pour eux, c’est mieux pour la sécurité publique, mais c’est aussi mieux pour l’appareil de justice et les tribunaux eux-mêmes. S’il y a une chose dont on entend parler dès qu’il est question de la refonte des tribunaux, c’est de l’ampleur de l’arriéré. Eh bien vous savez quoi? Si nous pouvions empêcher davantage de jeunes de se retrouver devant un juge — je pense par exemple à ceux qui ont commis des crimes non violents, ou plutôt qui en sont accusés —, alors le nombre de causes en retard serait beaucoup moins élevé. Ces jeunes pourraient continuer à vivre leur vie et à acquérir les compétences et les outils qu’il leur faut.

Je m’étonne toujours de constater, quand j’écoute les gens et que je réponds à leurs questions, que bon nombre de solutions n’ont rien de nouveau. Les solutions, les cibles, les statistiques, les aspirations, tout cela, c’est connu depuis des dizaines d’années.

Je me rappelle qu’en Ontario, au début des années 1990, quelqu’un a publié un rapport très complet sur l’équité en emploi, la marginalisation, la justice et l’inclusion des jeunes Noirs dans la société. Nous les connaissons, les solutions; il suffit que les politiciens se décident à les appliquer, mais pour cela, il faut du leadership.

Les Canadiens, en particulier ceux de la jeune génération, nous ont dit haut et fort qu’il est temps d’agir. Ils veulent une société plus juste et plus égalitaire. Ils souhaitent que nous éliminions les barrières qui empêchent beaucoup trop de gens au Canada de réaliser leurs rêves et de s’intégrer véritablement à la société canadienne.

C’est la tâche de tous : le fédéral, les provinces, les municipalités, le secteur privé, le secteur sans but lucratif, les partenaires autochtones, et tous les autres. En tant que parlementaires, nous pouvons apporter notre contribution du côté fédéral.

Le sénateur R. Black [ - ]

Je tiens à remercier les ministres.

L’éminent économiste américain Larry Summers a récemment déclaré qu’il se sentait comme s’il était en train de vivre la pandémie de grippe espagnole de 1919, le krach boursier de 1929 et l’été houleux de 1968 aux États-Unis, tous en même temps.

C’est une période difficile pour ceux qui font partie du gouvernement, monsieur Blair. Nous sommes reconnaissants de l’excellent travail effectué par vos bureaux et la fonction publique tandis que nous tâchons de surmonter les nombreuses épreuves qui se présentent à nous. En cette période difficile, croyez-vous vraiment que vous serez en mesure de faire de véritables progrès par rapport aux défis qu’affrontent en particulier les communautés noires et autochtones du Canada, notamment en ce qui a trait à leurs rapports avec les organismes d’application de la loi et le système de justice pénale?

M. Blair [ - ]

Oui, monsieur. Je suis persuadé que nous pouvons et que nous devons changer les choses. J’aimerais avoir l’occasion d’expliquer tous les moyens que nous prenons en ce sens.

La sénatrice Pate [ - ]

Je remercie les trois ministres. Je remercie le gouvernement du travail exceptionnel qu’il a réalisé pendant cette période difficile. Je vais poser une question au nom de la sénatrice Bernard et du sénateur Cotter. Je serai heureuse de soumettre ma question par écrit plus tard.

Je précise que nombre d’entre nous ont été très heureux de voir les deux tiers du Cabinet réaffirmer leur volonté de se pencher sur les peines minimales obligatoires et de répondre à ceux qui réclament un filet de sécurité économique, sanitaire et sociale rigoureux et complet. Je suis sûre que nous souhaitons tous participer à ce processus. Merci.

Les deux questions de mes collègues s’adressent au ministre Blair. La première question, qui vient de la sénatrice Bernard, est la suivante :

Lorsque la COVID-19 a frappé, vous avez demandé au Service correctionnel du Canada et à la Commission des libérations conditionnelles de concevoir des stratégies pour réduire le nombre de personnes dans les prisons afin de limiter la propagation du virus. Or, selon les chiffres du mois de mars, environ 626 prisonniers ont été libérés, ce qui correspond à peu près au nombre moyen de prisonniers qui sont libérés tous les mois, et cela comprend les personnes libérées en raison des exigences relatives à la libération d’office.

Le 9 juin, vous avez déclaré que le nombre net de prisonniers dans les prisons fédérales avait diminué de 700 personnes en mars et en avril, ce qui est louable, mais il semble que c’est parce que moins de personnes ont reçu une peine d’incarcération dans un établissement fédéral, et non parce que le Service correctionnel du Canada a suivi votre directive concernant la conception de stratégies de libération.

Pire encore, la majorité des prisons fédérales ont imposé des semaines de confinement, obligeant les prisonniers à rester enfermés dans leur cellule dans des conditions s’apparentant à l’isolement cellulaire. Les Autochtones et les Noirs ont été assujettis de manière disproportionnée à cette forme de torture, qui est interdite en vertu des lois canadiennes et internationales.

Le projet de loi C-83 visait à éliminer l’isolement cellulaire, mais il ne prévoyait pas de mesures de reddition de comptes suffisantes pour empêcher le service correctionnel de continuer à y recourir.

Premièrement, allez-vous maintenant envisager de procéder à la surveillance judiciaire du recours aux unités d’intervention structurée en cas d’isolement, comme le Sénat l’avait proposé dans ses amendements au projet de loi C-83? Dans la négative, comment prévoyez-vous assurer la surveillance et les interventions vitales dont la nécessité est si évidente? Deuxièmement, compte tenu de l’augmentation de l’incarcération massive des personnes racialisées et des craintes de réponses inadéquates de la part du Service correctionnel du Canada, vous engagerez-vous à ordonner à ce dernier de réduire le nombre de détenus noirs et autochtones d’au moins 5 % par an, de même qu’à effectuer une surveillance judiciaire de l’administration des peines?

Ces deux recommandations ont été faites par Louise Arbour il y a plus de 20 ans. Je me joins à la sénatrice Bernard pour demander respectueusement que nous y donnions suite.

M. Blair [ - ]

Je remercie la sénatrice de ces questions très importantes. Bien entendu, la population carcérale dans les établissements fédéraux constitue une population vulnérable, particulièrement pendant la pandémie de COVID-19, et il est de notre devoir de veiller sur elle.

Un certain nombre de mesures très importantes ont été prises. Comme vous l’avez mentionné, la population globale dans les établissements fédéraux a été réduite considérablement. Si je ne m’abuse, on parle d’une diminution nette d’environ 740 personnes.

En outre, nous avons dû prendre d’importantes mesures afin de protéger la population de détenus au sein des établissements fédéraux. Comme vous le dites, nous appliquons, autant que possible, la distanciation sociale. De surcroît, nous collaborons étroitement avec l’Agence de la santé publique du Canada, les agences de santé publique des provinces et même les agences de santé régionales. Toutes les prisons ont fait l’objet d’une vérification pour confirmer que des vérifications en matière de santé et de sécurité au travail ont été effectuées et que des mesures de prévention des infections ont été prises. Toutes les personnes au sein du système carcéral, tant les détenus que les membres du personnel, reçoivent l’équipement de protection individuelle nécessaire.

Les mesures prises sont très efficaces. Je suis heureux de signaler que, hormis les cinq éclosions importantes déclarées, aucun nouveau cas n’a été dépisté dans nos 43 établissements fédéraux. Ces cinq éclosions sont maintenant maîtrisées grâce aux mesures énergiques qui ont été prises pour protéger la population de détenus.

Malheureusement — et c’est tragique — deux détenus sont décédés au cours de la pandémie. Toutefois, toutes les autres personnes qui avaient contracté le virus sont maintenant rétablies. C’est, en quelque sorte, un point positif.

Pendant tout ce temps, j’ai collaboré très étroitement avec la direction de Service correctionnel Canada et la commissaire Kelly. Nous sommes très conscients des répercussions du confinement. Les mesures d’isolement social qu’on a dû mettre en place pour assurer la sécurité de la population ont eu une incidence. La commissaire a pris un certain nombre d’autres mesures nécessaires et très appropriées pour fournir de l’aide supplémentaire à ces personnes.

Enfin, en réponse, je’admets que certaines personnes sont en nombre complètement disproportionné au sein du système correctionnel et qu’il y subsiste de grandes disparités. La surreprésentation des Autochtones et des personnes racialisées, surtout des hommes noirs, y est énorme.

Il importe de reconnaître que le problème ne réside pas seulement dans le Service correctionnel. C’est la police qui a envoyé ces personnes devant les tribunaux. Ce sont les tribunaux qui leur ont imposé des peines d’emprisonnement. Quand on examine les déterminants sociaux qui ont donné lieu à la disparité que l’on connaît, on constate qu’ils vont bien au-delà du système carcéral.

Madame la sénatrice, nous devons tous chercher résolument à réduire, à éliminer l’injustice sociale. Nous parlons de taux de criminalité et de victimisation distincts entre les communautés racialisées et autochtones et le reste de la population au Canada, mais les facteurs en cause relèvent plutôt de l’injustice sociale : le chômage, la pauvreté, le manque d’accès à un logement et à des services décents, les piètres résultats à l’école, voire dans le système de santé.

Il nous incombe d’en faire nettement davantage pour réduire la disparité et la représentation disproportionnée des Autochtones et des personnes racialisées au sein du système carcéral canadien. Selon moi, nos efforts doivent aller au-delà du Service correctionnel. Nous avons besoin, pour corriger les disproportions, d’une solution pansociétale axée sur l’élimination ou, à tout le moins, la réduction des injustices sociales qui se manifestent un peu partout au pays et qui alimentent les inégalités.

En toute franchise, c’est pour cette raison que nous parlons du racisme systémique au sein du système de justice pénale plutôt que de nous concentrer sur les composantes individuelles. Il est primordial que nous nous penchions sur l’entièreté du système et que nous éliminions tous les facteurs qui concourent à mettre les gens à ces situations injustes.

La sénatrice Pate [ - ]

Merci de cette réponse. Je suis tentée d’intervenir. Ce n’est pas que je ne suis pas d’accord avec vous, mais il y a assurément de nombreux éléments au sein du Service correctionnel qui mériteraient une refonte, comme le processus discriminatoire d’évaluation de la classification, l’utilisation limitée de mesures qui figurent dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour la libération des individus. Je vous invite à mettre en place des cibles pour inciter le service correctionnel à faire encore mieux. Je vous en remercie.

La question du sénateur Cotter est la suivante :

Monsieur le ministre Blair,

La plus récente mise en évidence de l’importance de la discussion sur le racisme systémique est venue de l’administration de la justice et particulièrement des activités de maintien de l’ordre, c’est-à-dire le comportement très grave de certains policiers. D’après moi, vous avez la possibilité de prendre des mesures immédiates et concrètes pour rebâtir la confiance envers les services de police et pour leur permettre de mieux répondre aux besoins des communautés minoritaires. Ces mesures, que vous avez l’autorité de mettre en place concernant la GRC, pourraient comprendre des modifications aux politiques des services de police et, en ce qui a trait à la conduite des agents de police, devraient à tout le moins comprendre les engagements suivants :

Que, conformément aux politiques de la GRC, quiconque occupe la fonction d’agent de la GRC au Canada soit assujettie aux conditions suivantes :

- A. Le recours excessif à la force n’est aucunement toléré;

- B. Les évaluations concernant le recours à la force par l’agent peuvent SEULEMENT être menées en collaboration avec des civils indépendants membres d’un comité sur l’usage de la force;

- C. La conduite de l’agent DOIT être assujettie à une surveillance civile indépendante en matière d’enquêtes là où l’agent travaille au Canada, c’est-à-dire que tout incident ou toute plainte fera l’objet d’une ENQUÊTE, ET NON SEULEMENT D’UN EXAMEN, par un organisme civil indépendant, que ce soit la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada, qu’on doterait de plus de pouvoirs et de ressources en matière d’enquête, un organisme civil provincial de surveillance ou un organisme d’enquête indépendant sur les incidents graves.

Que ces approches et mesures de surveillance s’appliquent, comme le demande la GRC, peu importe où l’agent travaille au Canada.

Vous avez le pouvoir d’exiger la mise en œuvre de ces mesures et de bien d’autres encore concernant la GRC. Allez-vous déployer un premier effort immédiat pour mettre en place ces mesures dans le but de remédier à la baisse de la confiance du public envers la GRC, surtout la méfiance qui prévaut au sein des communautés racialisées au Canada?

M. Blair [ - ]

Merci beaucoup, sénatrice. Si vous me le permettez, j’aimerais d’abord affirmer que je crois qu’on ne devrait jamais tolérer une utilisation abusive de la force ou tout comportement raciste de la part d’un policier, y compris, évidemment, d’un membre de la GRC, peu importe la province ou le territoire. C’est inacceptable. C’est contraire à la loi et cela ne respecte pas les valeurs ni la raison d’être des services de police. Les policiers font le serment de servir et protéger la population.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, j’estime qu’un système de plaintes objectif et complet doit être rapide, juste et objectif en plus d’avoir la confiance du public. Nous avons un volet de révision des plaintes civiles, et je pense qu’il pourrait être amélioré. Nous avons abordé certaines des améliorations possibles dans le cadre des discussions entourant le projet de loi C-3 et je suis disposé à les examiner plus attentivement.

Nous collaborons avec des personnes de toutes les régions du pays. Je pense qu’il est aussi important de reconnaître, comme j’y ai fait allusion plus tôt, que la vaste majorité des agents de la GRC en service aux quatre coins du pays sont sous contrat provincial et ils relèvent des procureurs généraux des provinces ou des territoires. Nous devons donc travailler de concert avec eux à même les structures existantes.

La présidente [ - ]

Honorables sénateurs, le comité siège depuis maintenant 155 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat plus tôt aujourd’hui, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.

Madame et messieurs les ministres, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joints à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux. Je tiens également à remercier les fonctionnaires qui vous ont accompagnés.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que les témoins ont été entendus?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

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