La Loi de l'impôt sur le revenu
Rejet de la motion d'amendement
22 juin 2021
Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi C-208 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 2 :
a) à la page 1, par substitution, aux lignes 24 à 29, de ce qui suit :
« eux aucun lien de dépendance si, à la fois :
(i) l’acheteur est contrôlé par un ou plusieurs enfants ou petits-enfants du contribuable alors que ceux-ci sont âgés de dix-huit ans ou plus,
(ii) au cours de la période de soixante mois suivant l’achat, l’acheteur ne dispose pas des actions concernées,
(iii) les conditions prévues par règlement sont remplies. »;
b) à la page 3, par adjonction, après la ligne 15, de ce qui suit :
« (3) Les paragraphes (1) et (2) s’appliquent relativement aux dispositions effectuées après le 1er janvier 2022.
(4) Le ministre des Finances établit un rapport sur les répercussions de la présente loi sur l’intégrité du régime fiscal.
(5) Le ministre des Finances fait déposer le rapport devant chaque chambre du Parlement dans la première année qui suit la date de sanction de la présente loi ou, si la chambre ne siège pas, dans les quinze premiers jours de séance ultérieurs. ».
Honorables sénateurs, j’ai écouté avec intérêt le débat sur le projet de loi C-208 et je remercie les sénateurs de l’attention qu’ils lui accordent. En ce qui concerne l’amendement proposé par le sénateur Harder, je voudrais souligner quelques points. Au cours du débat, on s’est interrogé sur le bien-fondé de faire étudier le projet de loi par le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.
Honorables sénateurs, si seuls les comités des banques et des finances pouvaient étudier les projets de loi, je crois que nous aurions un problème de taille. En effet, ces comités sont déjà pleinement occupés par l’examen de mesures législatives et pourraient difficilement accepter d’augmenter leur charge de travail. Sommes-nous vraiment en train de laisser entendre que les comités comme le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans et le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles ne sont pas suffisamment outillés pour étudier des projets de loi importants, y compris sur des questions financières? J’espère bien que non. Cette enceinte regorge de sénateurs compétents qui peuvent étudier les projets de loi, écouter les témoins experts, poser des questions et faire des recommandations rationnelles.
Le gouvernement a déterminé que l’agriculture est un secteur névralgique pour la croissance économique dans les années à venir. Par conséquent, il est tout naturel que les préoccupations des agriculteurs soient prises en compte lorsque nous étudions des mesures législatives qui les touchent. De plus, la motion renvoyant le projet de loi au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts pouvait faire l’objet d’un débat et d’amendements, et le Sénat l’a adoptée.
Je précise que le projet de loi a été étudié par le Comité permanent des finances à l’autre endroit. Je pense qu’étudier la question sous l’angle financier dans une Chambre et sous l’angle des ressources naturelles dans l’autre Chambre est une bonne idée.
J’ai entendu certains collègues dire que nous aurions dû entendre plus de témoins qui s’opposent au projet de loi. J’en ai même parlé au président du Comité des finances de la Chambre des communes. Le sénateur Deacon m’a dit à plusieurs reprises qu’il voulait entendre tous les points de vue à ce sujet, en particulier celui des personnes qui s’opposent au projet de loi. Nous avons essayé d’en trouver, sans succès. Comme vous le savez, les intervenants concernés peuvent joindre le greffier du comité et demander à comparaître ou à soumettre des mémoires. Personne ne l’a fait, et aucun des témoins qui auraient pu être défavorables au projet de loi n’a demandé à comparaître devant le comité de la Chambre des communes.
Nous avons aussi entendu dire que les fonctionnaires auraient dû avoir plus de temps pour présenter leurs arguments. Je peux vous assurer que le comité n’a pas ménagé les efforts pour répondre aux besoins des témoins du gouvernement. Des fonctionnaires du ministère des Finances ont été invités à participer à des réunions plus tôt, mais aucun d’entre eux n’a été mis à notre disposition avant le 10 juin. Lors de cette réunion, nous avons fait témoigner les fonctionnaires plus longtemps pour qu’ils puissent répondre aux questions des sénateurs.
En passant, vous aurez entendu dire à maintes reprises que le comité a été bousculé, mais ce n’est pas la seule fois ce mois-ci que cela arrive à un comité. Nous sommes en juin. Tout le monde fait preuve de bonne volonté lors de l’étude des projets de loi, étant donné le peu de temps et de ressources disponibles, que ce soit au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts ou dans d’autres comités.
Je rejette l’idée que le ministère des Finances n’a pas eu le temps de se préparer au projet de loi. Emmanuel Dubourg a présenté une version de ce projet de loi le 11 juin 2015. Plusieurs projets de loi semblables ont été présentés depuis. Le ministère des Finances a donc eu de multiples occasions de proposer des amendements durant ces années, mais il a choisi de ne pas le faire.
Honorables sénateurs, c’est l’une des premières fois depuis la mise en place du nouveau processus de nomination des sénateurs indépendants que nous recevons un projet de loi de la Chambre des communes dans de telles circonstances. Comme vous le savez, il y a des tensions entre le gouvernement et la Chambre des communes élue en ce qui a trait à ce projet de loi.
Gardons à l’esprit que le gouvernement a décidé que le vote serait soumis à la discipline de parti. Malgré cela, 19 députés libéraux ont défié le whip et voté en faveur du projet de loi, y compris le président du Comité des finances de la Chambre des communes, Wayne Easter.
Je veux aussi aborder un enjeu plus personnel soulevé aujourd’hui. J’avais prévu de céder ma place en tant que présidente du comité quand son plus ancien membre m’a dit que je n’avais pas à le faire, me citant des cas semblables. Par exemple, l’ancien sénateur Oliver a présidé le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et était le parrain du projet de loi C-2, la Loi fédérale sur la responsabilité, en 2006.
Comme vous le savez, en acceptant cet amendement, nous entérinons de facto la mort du projet de loi, car il mourra au Feuilleton. Je vous invite à voter, comme moi, contre cet amendement pour laisser le projet de loi initial aller de l’avant pour le vote final. Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour m’opposer à cet amendement et pour exprimer mon appui ferme au projet de loi C-208 dans sa forme actuelle. Cet important projet de loi règle enfin le problème de la disposition anti-évitement dans la Loi de l’impôt sur le revenu qui — presque tout le monde s’accorde à le dire — génère un fardeau fiscal important et inéquitable pour ceux qui veulent véritablement transférer une entreprise familiale, une exploitation agricole ou une société de pêche à la génération suivante. Le projet de loi C-208 nous donne la possibilité d’éradiquer cette pénible réalité qui existe depuis trop longtemps.
Avant de répondre aux préoccupations du sénateur Harder et d’autres intervenants au Sénat, je commencerai par livrer un témoignage personnel pour justifier l’importance de ce projet de loi.
Comme vous pouvez l’imaginer, j’aborde ce problème du point de vue d’un exploitant de petite entreprise. Lorsque j’ai accepté la responsabilité de devenir sénateur, c’était la première fois en 40 ans de carrière que je n’étais pas entièrement responsable de chaque dollar qui m’était versé. C’est la première fois que j’avais un régime d’avantages sociaux ou accès à un régime de retraite. En outre, pendant 20 ans, j’ai été le PDG d’une jeune entreprise où j’étais non seulement responsable de gagner mon salaire, mais aussi de payer les employés qui m’aidaient à faire tourner cette entreprise. Si les revenus de l’entreprise étaient un peu justes pour payer les salariés, ma femme et mes enfants le savaient, car je ne me versais pas de salaire.
À cette époque, je me réveillais un nombre incalculable de fois, complètement paniqué à 3 h du matin, me demandant si j’allais être en mesure de payer les salaires ou de surmonter le nouvel obstacle qui se présentait sur ma route. Toute personne qui a une famille passe par ces hauts et ces bas.
Pour la première fois de ma vie, j’ai aujourd’hui un emploi et un revenu sûrs. Pourtant, je n’arrive pas à me détendre. Le sentiment d’urgence et la peur de l’échec ne s’en vont tout simplement pas.
Contrairement aux employés d’une entreprise, d’une université ou d’un gouvernement, les agriculteurs, les pêcheurs et les entrepreneurs n’ont aucune sécurité d’emploi, aucune sécurité de revenu, aucune prestation sociale et aucune pension. S’ils commettent une erreur, n’emportent pas une vente ou un contrat importants, ils en sont les premières victimes. Il n’y a absolument aucun filet de sécurité. Trop souvent, vous n’avez aucune marge de manœuvre ni dans votre entreprise ni dans vos finances personnelles. Votre entreprise est votre gagne-pain et votre fonds de pension.
Imaginez le choix angoissant que le ministère des Finances du Canada vous impose en ce moment si vos enfants ont la passion et le talent nécessaires pour reprendre les rênes de l’entreprise familiale que vous voulez leur transmettre. Soit vous payez jusqu’à 27 % de plus en impôts supplémentaires, ce qui porte un coup fatal au travail et aux économies de toute une vie, soit vous vendez l’entreprise à un étranger afin de pouvoir mieux financer votre retraite durement gagnée. C’est un choix déchirant.
Je vais maintenant répondre aux critiques dont fait l’objet le projet de loi. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui, comme le sénateur Woo la semaine dernière, soutiennent aujourd’hui que la portée du projet de loi C-208 est trop large, parce que, en plus des entreprises de pêche et des exploitations agricoles, elle inclut les petites entreprises. Le Canada a besoin de plus d’entrepreneurs et l’une des meilleures façons d’avoir plus d’entrepreneurs est de les former, notamment au moyen des transferts intergénérationnels.
J’ai la ferme conviction que la présence de petites entreprises diverses et dynamiques est au cœur de la vie des collectivités. Les petites entreprises donnent de la vitalité et de la personnalité aux villes, aux quartiers et aux villages. Sans elles, il n’y a que des structures sans âme.
Lorsque le Comité de l’agriculture et des forêts a étudié le projet de loi, il a pu profiter de l’avis réfléchi d’un représentant de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, entre autres. Selon les expériences personnelles qui nous ont été racontées, une des choses les plus difficiles pour les propriétaires d’une petite entreprise spécialisée est de trouver un acheteur. Plus l’entreprise est spécialisée, plus c’est difficile. C’est probablement pour cette raison que, selon un sondage récent de la fédération, 25 % des propriétaires espéraient pouvoir transférer leur entreprise à un membre de leur famille.
On a en outre fait valoir que le projet de loi C-208 crée une incohérence qui minerait l’intégrité du code fiscal. Personnellement, je ne crois pas que beaucoup de Canadiens considèrent que le code fiscal du pays soit bien cohérent. À mon avis, l’apparence d’une discrimination arbitraire semble beaucoup plus problématique.
Fait important, le haut fonctionnaire de la Direction de la politique de l’impôt de Finances Canada ne considère pas que cette incohérence est problématique. En réponse à l’une des questions que je lui ai posées au Comité de l’agriculture et des forêts, il a dit que d’un point de vue politique, l’essence du projet de loi C-208 se justifie pour des motifs de neutralité et que cette situation nécessite une exemption à l’application des règles touchant le dépouillement des surplus. Cela veut dire que Finances Canada comprend que la réduction estimée des recettes fiscales que ce projet de loi risque d’entraîner est uniquement attribuable à une iniquité qui existe à l’heure actuelle dans notre régime fiscal.
Le sénateur Woo et d’autres nous ont dit que, s’il est adopté, le projet de loi C-208 donnera lieu à une vague d’évitement fiscal par la voie du dépouillement des surplus. Le but de ce projet de loi consiste à cesser de désavantager de manière aussi incroyablement préjudiciable la vente de véritables entreprises intergénérationnelles, et non de créer des échappatoires ou des occasions d’évitement fiscal. Loin de moi l’idée de faire quoi que ce soit qui puisse favoriser l’évitement fiscal au Canada, et je suis prêt à parier que cela vaut pour tous les sénateurs.
C’est par crainte d’abus possibles que le Comité de l’agriculture et des forêts a cherché à trouver des experts autres que les deux fonctionnaires du ministère des Finances qui ont témoigné devant le Comité des finances de la Chambre. Nous voulions déterminer si les protections actuelles du projet de loi, qui exigent que des évaluations indépendantes soient effectuées et que l’acheteur possède l’entreprise pendant au moins cinq ans, étaient suffisantes. Ni le comité directeur, ni notre greffière, ni même le président du Comité des finances de la Chambre des communes n’ont pu trouver d’autres témoins pour contester le bien-fondé du projet de loi C-208.
En réponse à des questions très directes des membres du Comité des finances de la Chambre, les fonctionnaires du ministère des Finances ont simplement réitéré leur crainte que le projet de loi puisse éventuellement permettre des transferts intergénérationnels en nom seulement afin d’éviter les impôts. Ils ont déclaré qu’ils pensaient que le problème pouvait être résolu, mais n’ont fourni aucune précision sur la manière de le faire et n’ont proposé aucune modification au projet de loi. Ils n’ont même pas recommandé de retarder l’entrée en vigueur du projet de loi ou d’ajouter la capacité de créer des pouvoirs réglementaires spéciaux.
Si le projet de loi est tellement imparfait et les craintes d’abus potentiels sont vraiment justifiées, pourquoi les meilleurs experts en politiques fiscales de notre pays n’ont-ils pas aidé le président et les membres du Comité des finances de la Chambre à cerner et à débattre des amendements précis? J’ai trouvé cela étrange, car tous les experts fiscaux que j’ai rencontrés se complaisent à fournir des détails méticuleux. Pas un seul amendement n’a été présenté au comité ou à l’étape de la troisième lecture à l’autre endroit.
Au comité sénatorial, nous avons demandé aux mêmes fonctionnaires responsables de la politique fiscale s’il était possible d’inclure d’autres mesures de sauvegarde contre l’évitement fiscal. Cette fois-ci, ils ont parlé de la réglementation adoptée en 2016 au Québec et ils ont laissé entendre que le projet de loi pouvait maintenant être amendé, au Sénat, en juin, afin d’y inclure une disposition permettant au ministère des Finances Canada d’adopter des règlements.
Étant donné qu’on leur avait posé la même question à maintes reprises au Comité des finances de la Chambre des communes et qu’ils n’avaient offert aucune suggestion, nous leur avons demandé depuis quand ils connaissaient la réglementation du Québec. Après un long silence, ils ont répondu qu’ils la connaissaient depuis les consultations menées par le ministère auprès des petites entreprises en 2017. Soit dit en passant, c’est cette année-là que le Comité sénatorial des finances nationales a présenté le rapport intitulé Un régime fiscal équitable, simple et concurrentiel : La voie à suivre pour le Canada.
Dans leur rapport, les membres du comité ont indiqué ceci :
Le gouvernement a indiqué qu’il travaillera avec les entreprises familiales, notamment les entreprises agricoles et de pêche, afin de rendre plus efficient et moins difficile le transfert d’entreprises à la prochaine génération.
De plus, le rapport de 2017 ajoute que les règles déjà utilisées par le gouvernement du Québec devraient être adoptées afin de faciliter les transferts intergénérationnels.
Chers collègues, ni la solution ni le problème ne sont nouveaux pour le ministère des Finances, et le problème remonte à plusieurs décennies. Les gouvernements tant conservateurs que libéraux ne l’ont pas réglé. Avant aujourd’hui, personne n’avait rien fait pour abolir cette pénalité fiscale injuste, qui, je le répète, laisse un choix totalement injuste, inutile et douloureux aux propriétaires qui veulent transférer leur entreprise à leur enfant compétent.
On affirme que, en adoptant le projet de loi, le Sénat fera du transfert intergénérationnel de propriété une priorité de politique publique, et ce, de façon arbitraire, mais ce n’est pas le cas. Le projet de loi C-208 ne fait que corriger un déséquilibre injustifiable dans le régime fiscal actuel.
Cela dit, si des problèmes d’évitement fiscal surviennent après l’adoption du projet de loi, de nombreux recours sont à la disposition du gouvernement. Les fonctionnaires du ministère des Finances ont dit au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts que le gouvernement pourrait bientôt ajouter d’autres mesures de protection en vertu de son pouvoir de réglementation. Le ministère des Finances du Canada et le gouvernement pourraient proposer des corrections rapidement par l’entremise d’une motion de voies et moyens. Cette suggestion a aussi été faite par le très estimé président du Comité permanent des finances de la Chambre des Communes, Wayne Easter, un ancien ministre possédant 28 ans d’expérience parlementaire qui a été élu huit fois. Au cours de son discours à l’étape de la troisième lecture, il a rappelé à ses collègues que les agriculteurs, les pêcheurs et les petits entrepreneurs attendent sur la touche depuis des années.
Pour ce qui est des options supplémentaires envisageables pour éviter les abus potentiels, plusieurs fiscalistes m’ont prévenu que l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu donnait des pouvoirs extraordinaires à l’Agence du revenu du Canada sous la forme de la règle générale anti-évitement. Cette dernière permet à l’ARC d’imposer des conséquences fiscales néfastes et de refuser tout avantage fiscal résultant directement ou indirectement d’une opération d’évitement. On m’a aussi fait remarquer que les futures modifications apportées au régime fiscal visant à combler des lacunes pourraient être appliquées rétroactivement, ce qui n’est pas problématique si c’est effectué au cours du même exercice fiscal.
Nous avons également entendu l’affirmation que les modifications proposées par le projet de loi C-208 sont, en quelque sorte, régressives. Les données de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante montrent clairement que la vaste majorité des propriétaires de petite entreprise du Canada ne sont pas riches. Les deux tiers gagnent moins de 73 000 $ par année et ont quatre employés ou moins, et près du tiers de ces propriétaires d’entreprise gagnent environ 15 $ l’heure ou moins — et ces données sont antérieures à la pandémie de COVID-19. Je soutiens qu’inclure toutes les petites entreprises ne permettra pas aux riches de s’enrichir, comme certains le prétendent. Les dispositions du projet de loi C-208 offrent une solution de rechange très abordable à la grande majorité des propriétaires de petite entreprise, en particulier si l’on compare cela au coût énorme associé à la situation actuelle.
En conclusion, permettez-moi de résumer les raisons pour lesquelles je vous demande d’adopter ce projet de loi sans amendement.
Premièrement, Finances Canada et les gouvernements libéraux et conservateurs qui se succèdent ne font rien. Ils avaient promis de remédier à cette iniquité en 2017, alors qu’ils étaient parfaitement au fait de la réglementation du Québec. Depuis, trois cycles budgétaires distincts se sont écoulés sans la moindre proposition de solution complète.
Deuxièmement, le projet de loi C-208 vise à remédier à une iniquité profondément injuste et problématique qui existe depuis longtemps dans la Loi de l’impôt sur le revenu et qu’on refuse de rectifier depuis trop longtemps. Le projet de loi C-208 est le produit d’un projet de loi d’initiative parlementaire qui remonte au début 2015. Il n’est pas apparu soudainement tel un projet de loi populiste juste avant une élection, comme certains le prétendent.
Quatre parlementaires de trois partis — le Parti libéral, le NPD et le Parti conservateur — lors de trois législatures différentes ont essayé de corriger cette inégalité. Le projet de loi a été renvoyé au Sénat avec l’appui de députés des cinq partis, dont 19 libéraux parmi lesquels seulement 2 avaient appuyé le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture.
Enfin, si le Sénat adopte le projet de loi et que des abus surviennent par la suite, il y a de nombreuses façons de régler ces problèmes. Ces solutions comprennent la modification de la loi — par exemple dans le cadre d’une motion de voies et moyens qui accorderaient davantage de pouvoirs réglementaires —, le recours à la disposition générale anti-évitement aux termes de l’article 245 et l’application des changements nécessaires de façon rétroactive.
Chers collègues, juste avant que j’accepte l’immense honneur et la responsabilité de ma nomination, le premier ministre Trudeau m’a fait une demande cruciale. Il m’a demandé, à titre de sénateur, de pousser le gouvernement à se dépasser. Je sais qu’il a eu la même conversation avec certains d’entre vous. J’ai répondu : « Absolument, monsieur le premier ministre, c’est pour cette raison que j’ai posé ma candidature. » Depuis, j’ai travaillé de façon collégiale et constructive autant que j’ai pu pour y arriver.
Les petites entreprises, les exploitations agricoles et les entreprises de pêche sont les moteurs d’un nombre incalculable de collectivités. Le transfert des entreprises de génération en génération contribue au patrimoine et à la personnalité de bien des collectivités au pays. Il faut donner aux propriétaires l’occasion de garder leur entreprise au sein de la famille. Nous pouvons maintenant régler ce problème pour de bon. Si vous n’appuyez pas le projet de loi — c’est votre droit le plus strict —, je vous demande de ne pas le torpiller en appuyant l’amendement. Votez simplement contre le projet de loi en tant que tel. Nous savons tous que l’adoption par le Sénat d’un amendement à ce moment-ci de la législature signifie la fin de ce projet de loi.
J’espère sincèrement que vous ferez comme moi et que vous rejetterez l’amendement avant d’appuyer l’adoption du projet de loi C-208 sans amendement. Beaucoup de familles comptent sur nous. Faisons-le pour elles. Merci, chers collègues.
Sénateur Downe, avez-vous une question? Il nous reste une minute.
Dans ce cas, reprenons le débat, Votre Honneur.
Sénateur Loffreda, vous avez 45 secondes pour poser une question.
Sénateur Deacon, merci de votre discours. Il était très instructif. Dans quelle mesure le comité a-t-il discuté de la grande difficulté qu’ont actuellement les membres d’une famille à acheter l’entreprise de leurs parents? Le revenu net est imposé comme un salaire à un taux de 53,31 %, alors que, dans le cas d’une société, il est possible de procéder en fonction des gains futurs...
Posez votre question.
Merci de votre question, sénateur Loffreda. Je dirais que, l’un des plus grands problèmes, c’est que bien des entreprises ne peuvent pas profiter des 10 années auxquelles elles ont actuellement droit. Les parents doivent obtenir les ressources dès le départ; alors, ils sont placés devant cet horrible choix. La situation actuelle est profondément injuste. À l’étape du comité où nous avons entendu les différentes histoires...
Je suis désolée, sénateur Deacon, mais votre temps de parole est écoulé.
Honorables sénateurs, je viens d’écouter les commentaires et les discours de mes collègues et j’irai tout de suite à ma conclusion. Je ne parlerai pas de toutes les règles fiscales qu’on a présentées ou énumérées ici. J’aimerais toutefois faire comprendre une chose à mes collègues, et je commencerai avec un commentaire que le sénateur Dalphond a fait. On a présenté l’historique des travaux qui ont été réalisés dans ce dossier. Des projets de loi ont été déposés à la Chambre des communes à trois reprises et aucun ne s’est rendu en comité.
En 2020, donc tout récemment, le projet de loi C-208 a été présenté à la Chambre des communes et y a été étudié pour la première fois. Même si on discute de ce projet de loi depuis 10 ans, ce n’est que depuis quelques mois qu’il est à l’étude.
Le projet de loi a été renvoyé au Sénat le 25 mai, et, le 3 juin, il a été renvoyé au comité pour étude. Il traite de lois fiscales importantes. Le Comité de l’agriculture n’a tenu que deux réunions. On nous dit pourtant que le sujet traîne depuis des années.
Nous n’avons pas examiné ce projet de loi adéquatement. En tant que sénatrice, je suis déçue et frustrée d’entendre de tels commentaires. On tente de passer au-dessus de moi pour me demander de voter sur un projet de loi qui a été mal étudié. Allons-nous accepter de voter sur un projet de loi qui a été mal présenté? Je trouve tout à fait perturbant que l’on agisse ainsi, surtout lorsqu’il est question d’impôts.
Les arguments qui ont été présentés par tout le monde sont excellents. Le Sénat est la Chambre de second examen objectif, et vous ne me ferez pas croire que nous avons examiné objectivement ce projet de loi. Je regrette, mais je ne puis aller aussi loin, et pourtant, j’ai essayé.
Avant que le sénateur Woo nous dise, la semaine dernière, qu’il y a des problèmes réels en ce qui concerne ce projet de loi, tout le monde passait outre comme si nous étions devant un fait accompli. C’est ce genre de « fait accompli » qui me frustre comme sénatrice. On ne devrait pas accepter d’étudier des projets de loi pendant deux réunions, pour ensuite refuser de voter sur un élément ou accepter de voter sur un amendement. Ce n’est pas juste envers les fermiers, ni les pêcheurs, ni les PME; ce n’est pas juste envers les Canadiens.
Je regrette, chers collègues, mais je ne voterai pas en faveur de ce projet de loi. Je suis extrêmement déçue de voir que nous tenons un débat à ce sujet. Je trouve cela tout à fait insensé. J’ai l’impression qu’on essaie de faire passer quelque chose en vitesse sous notre nez, et je trouve cela vraiment problématique.
Vers la fin des années 1960 et au début des années 1970, l’honorable sénateur Salter Hayden siégeait dans cette Chambre.
Le sénateur Hayden a été le fer de lance du comité sénatorial qui a étudié les propositions de réforme fiscale. La refonte complète du système fiscal qui s'est effectuée à l’époque a été une belle réussite pour le Sénat. Peut-être serait-il temps que le Sénat refasse l’exercice et règle le problème. Au lieu d’un code fiscal à la carte constitué de corrections ponctuelles, nous pourrions avoir un code fiscal actualisé et adapté aux besoins de notre temps.
Je pense que c’est très important que nous nous penchions sur la question avant de partir pour l’été. Je vais m’arrêter là. J’ai beaucoup d’autres arguments, mais je pense en avoir dit assez, et j’espère que vous voterez contre l’amendement et contre le projet de loi, car cette mesure devrait mourir au Feuilleton. Je vous remercie, chers collègues.
Avez-vous une question à poser, sénateur Forest?
La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
Allez-y, mais vous voyez mon humeur.
Je vais vous donner le temps de vous calmer un peu. Effectivement, il y a longtemps que les choses traînent, mais nous n’avons pas dit que les choses traînaient depuis longtemps au Sénat. Il y a quand même eu trois tentatives auparavant.
Lorsque vous parlez d’une réponse fiscale, il est fort pertinent de l’évaluer. La première valeur que doit porter une fiscalité, c’est son équité; il faut être équitable dans tout ce qui concerne l’effort fiscal de l’ensemble des contribuables. Qu’il s’agisse d’impôt foncier, d’impôt provincial ou d’impôt fédéral, l’effort fiscal équitable est nécessaire. Nous reconnaissons tous foncièrement que ce projet de loi, en ce qui a trait aux transferts des commerces apparentés, est inéquitable. Il pourrait y avoir une évaluation fiscale à la hauteur de 279 millions de dollars parce qu’on irait chercher l’argent dans les poches des Canadiens et des Canadiennes dans le cadre d’une transaction apparentée qui est inéquitable. Ce serait encore plus gênant que de craindre de déséquilibrer la fiscalité fédérale si ce projet de loi était adopté, parce que je crois d’abord et avant tout à l’équité dans notre système fiscal; pourtant, dans ce cas-ci, le système est inéquitable. Est-ce que vous partagez cet avis?
Comme je l’ai dit dans mon discours, la complexité et le temps qui nous a été alloué pour étudier le projet de loi ne me permettent pas d’en arriver à cette conclusion, sénateur Forest. Je suis persuadée qu’il y a des échappatoires et toutes sortes d’injustices dans le code. Nous n’avons pas fait cette étude. On nous demande de voter sur un projet de loi que nous n’avons pas eu le temps d’étudier comme il se doit.
J’ai travaillé avec des gens de tous les secteurs, sauf le secteur de la pêche. Dans une entreprise où j’ai travaillé, depuis 2010, on évaluait le nombre de transferts intergénérationnels qui auraient lieu. Les problèmes existent depuis longtemps. Mon problème ici, aujourd’hui, relève de la complexité associée à toutes ces règles et a trait au fait que l’étude du projet de loi s’est faite en deux réunions seulement.
En fait, le gouvernement nous demande de prendre des décisions sur un seul petit projet de loi, le projet de loi C-208. Cette frustration que je ressens à l’égard du projet de loi C-208, je la ressens également à l’égard du projet de loi C-218. C’est exactement la même chose. On nous glisse des choses sous le nez parce que nous sommes à la fin de la session, on nous demande de voter, de rendre des décisions et d’adopter des projets de loi pour qu’ils obtiennent la sanction royale. Cette façon de procéder ne fonctionne pas, sénateur Forest. Ce n’est pas le projet de loi lui-même qui est en cause. J’aimerais avoir l’occasion de l’étudier dans sa totalité et de proposer de vraies solutions adaptées aux PME, au secteur des pêches et au secteur agricole, après avoir entendu des témoins et avoir compris les vrais enjeux que doivent gérer ces entreprises, qu’il s’agisse de transfert d’entreprise, d’emprunts ou de planification.
Si je tiens compte de votre logique, pour être équitables, nous devrions bloquer le projet de loi C-208 et tous les projets de loi dont nous avons été saisis à la dernière minute?
Ce n’est pas ce que je dis, sénateur Forest. Si nous voulons être équitables, nous devons faire le travail comme il faut, et pour ce faire, il faudra tenir plus de deux réunions et il faudra entendre d’autres témoins, en plus des comptables ou des experts en chiffres qui ne nous parlent qu’en faveur du projet de loi, pour être en mesure d’en faire une étude approfondie, et pas seulement un travail à la pièce pour être en mesure de corriger un seul petit problème qui en occasionnera peut-être cinq ou six autres.
Sénatrice Bellemare, vous avez une question à poser?
Est-ce que la sénatrice Moncion accepterait de répondre à une autre question?
Oui, et je vais essayer de me calmer.
Je veux tout d’abord vous féliciter pour la passion avec laquelle vous avez traité cette question. Comme je le disais récemment à quelqu’un qui suivait les travaux du Sénat, nous nous trouvons dans une espèce d’orgie de projets de loi que nous devons adopter à toute vitesse.
J’ai également de gros problèmes avec cette façon de procéder. Lorsque nous devons adopter des projets de loi d’intérêt public du Sénat ou de la Chambre des communes, nous savons bien que ces projets de loi n’ont pas été étudiés avec la même rigueur.
Sénatrice Moncion, seriez-vous d’accord pour dire que nous devrions instaurer une façon de procéder qui nous permettrait de travailler avec rigueur à toutes les étapes qui doivent être franchies pour adopter un projet de loi? Dans cette optique, je suis d’accord avec vous pour dire que la procédure a peut-être été un peu négligée. Êtes-vous d’accord avec moi?
Je suis tout à fait d’accord avec vous. Votre question a réussi à me calmer.
Sénateur Loffreda, avez-vous une question à poser?
Est-ce que la sénatrice Moncion accepterait de répondre à une autre question?
Oui, sénateur Loffreda.
Étant donné que vous êtes plus calme, je vais en profiter pour vous poser une question. Beaucoup d’études ont déjà été faites par des firmes comptables et des chambres de commerce. Plusieurs sont en faveur de ce projet de loi. Qu’est-ce qui nous empêche, comme sénateurs, de lire ces projets de loi et de mener des études? Je lis au sujet de ce projet de loi depuis quelques jours. Je n’ai pas prononcé de discours, parce que le sénateur Deacon a fait un discours exceptionnel et que je voulais contribuer d’une autre façon.
Qu’est-ce qui nous empêche de faire ces lectures et ces recherches sans que ce travail soit nécessairement toujours entrepris dans un comité? Avec votre expérience, vous pourrez peut-être répondre à ma question. Merci.
Je vous remercie de cette question, sénateur. Les sénateurs ont des champs d’expertise très diversifiés. Certains étudient les questions fiscales, alors que d’autres étudient les questions financières ou sont, comme la sénatrice Galvez, des sommités dans leur domaine ou des experts de la Loi constitutionnelle. Lorsque l’on pense au travail que doit effectuer un sénateur, on constate qu’il ne s’agit pas d’un, deux ou trois sénateurs, mais bien d’un travail collectif. La beauté d’être au Sénat, c’est d’avoir accès à l’expertise de nos collègues au moment où nous en avons besoin. Nous l’avons vu au cours des dernières semaines.
J’ai lu sur ce projet de loi, mais je suis en train d’en préparer un autre. Je n’ai pas pu consacrer autant de temps que je l’aurais souhaité à celui-ci. J’en arrive même à me dire qu’en fin de compte, nous n’avons peut-être pas assez de temps pour arriver à ces conclusions. Si nous faisions un travail plus exhaustif, peut-être en arriverions-nous aux mêmes solutions ou à d’autres solutions mieux adaptées aux besoins de nos pêcheurs, de nos agriculteurs et de nos PME.
Il faut essayer. Quelqu’un m’a demandé comment ce projet de loi fonctionnait. Je lui ai répondu que, lorsque j’examinais la Loi de l’impôt sur le revenu, je voyais un vieux bateau qu’on est en train de colmater avec des morceaux, et qu’il y a bien longtemps que l’on essaie de réparer un bateau qui prend l’eau. Le bateau doit être reconstruit au complet pour que nous ayons un code des impôts adapté et beaucoup plus flexible que celui que nous avons maintenant.
Sénatrice Moncion, si je comprends bien, ce n’est pas que vous êtes en désaccord avec les firmes comptables, les experts, les études et les recherches ni que vous ne leur faites pas confiance. Ce que vous voulez, c’est plus de temps. Beaucoup d’études et de recherches vont dans le même sens que le projet de loi et bien des experts estiment qu’il faut corriger cette iniquité. Ai-je bien compris?
C’est exactement cela. Je ne mettrai pas en doute l’expertise des comptables. Par contre, je m’attends à ce que le Sénat puisse mener des études objectives, étant donné son rôle de Chambre de second examen objectif, responsable d’étudier tous les projets de loi qui sont présentés, qu’ils viennent du Sénat ou de la Chambre des communes.
Honorables sénateurs, il ne reste que 15 secondes au temps de parole de la sénatrice Moncion. Il y a trois autres sénateurs qui veulent poser des questions.
Chers collègues, j’avais l’intention de poser une question au sénateur C. Deacon à propos de son excellent discours, mais nous avons manqué de temps. J’aimerais par contre faire quelques observations sur cette mesure législative.
Le problème majeur concernant ce projet de loi réside dans le fait que le gouvernement s’y oppose, point final. Ce projet de loi est à l’étude depuis des années. Il ne suscite absolument aucune inquiétude sur les plans de l’évitement fiscal, de la répartition des recettes fiscales ou de la fraude fiscale. Comme le sénateur C. Deacon l’a correctement souligné dans son discours, l’Agence du revenu du Canada peut facilement remédier à ces problèmes au moyen de directives ou de règles comptables et des avis d’interprétation de ces dernières. L’Agence a tous les outils nécessaires.
Chers collègues, que le gouvernement s’inquiète soudainement de l’évasion fiscale est risible. À ce chapitre, nous avons été témoins de ce qu’il a fait — et de ce qu’il n’a pas fait — au fil des années. J’attire votre attention sur un article du National Newswatch où il est question de l’échec — qui se répète — du gouvernement à intenter des poursuites et à condamner les plus riches.
Ce projet de loi touche les agriculteurs et les pêcheurs. Ceux-ci ont désespérément besoin de notre aide, et ce, dès maintenant. Je suis d’accord avec le commentaire qui a été formulé : le régime fiscal devrait être revu. Le temps que ce processus soit complété, j’aurai toutefois pris ma retraite du Sénat. Or, l’aide est attendue maintenant, dès aujourd’hui.
J’ai pensé que la sénatrice Griffin a soulevé un point essentiel. Le gouvernement était tellement opposé au projet de loi qu’il a forcé un vote de parti. Je sais que la plupart des sénateurs comprennent ce que cela signifie, mais pour ceux qui l’ignorent, laissez-moi vous dire le prix que vous payez lorsque vous allez à l’encontre de la consigne du whip. Scott Simms est un député de Terre-Neuve-et-Labrador. Il a voté contre le gouvernement lors d’un vote de parti il y a quelques années et il a immédiatement perdu la présidence du Comité des pêches. On punit ceux qui votent contre la volonté du whip. Les députés sont forcés de voter de cette façon. Le fait que 19 libéraux aient voté sans tenir compte de la consigne du whip et du chef du parti est donc très révélateur. Ils savent que le projet de loi est nécessaire et c’est pourquoi ils ont voté contre la volonté du whip.
Le sénateur Deacon a également mentionné le président du Comité des finances, un président de longue date, l’ancien ministre Wayne Easter, qui a non seulement voté en faveur du projet de loi, mais qui l’appuie et qui essaie, par tous les moyens, de le faire adopter depuis des années.
Chers collègues, il existe toutes sortes de raisons d’appuyer le projet de loi, mais l’évitement fiscal et l’argument fiscal n’en font pas partie. En effet, rien n’indique du côté du gouvernement que les riches Canadiens qui utilisent des stratagèmes d’évitement fiscal sont punis alors que le gouvernement s’en prend soudainement aux agriculteurs et aux pêcheurs. Ce serait certainement la première fois que nous verrions de la part du gouvernement un intérêt à percevoir les impôts dus par des Canadiens. Le projet de loi est important pour une foule de raisons et j’ai l’intention de l’appuyer.
Je tiens à dire que je suis un partisan, un contributeur financier et un électeur de longue date du Parti libéral du Canada, mais cela ne signifie pas que le gouvernement libéral a toujours raison. Nous ne parlons pas ici de la Corée du Nord où il faut se prosterner devant le leader. Le gouvernement commet des erreurs. C’est l’une d’entre elles. Les libéraux auraient dû appuyer le projet de loi.
J’ai l’intention d’appuyer ce projet de loi, et par la même occasion les agriculteurs et les pêcheurs. Je n’appuie pas les représentants de Finances Canada qui sont venus témoigner et qui, découvrant soudainement ce qui se passe, s’opposent à cette mesure. Si je dois choisir entre les fonctionnaires du ministère des Finances et les agriculteurs, les pêcheurs et leur famille — qui tirent le diable par la queue pour toutes les raisons que le sénateur Deacon a énumérées au sujet de leurs maigres revenus et des luttes qu’ils mènent pour nourrir la population et contribuer à l’économie rurale —, le choix est facile à faire. J’espère que vous ferez comme moi et que vous appuierez ce projet de loi. Merci, chers collègues.
Sénateur Downe, j’ai déjà écouté vos discours et je respecte votre expérience en ce qui concerne l’évitement fiscal et la capacité — ou l’incapacité — du gouvernement, selon le point de vue, de s’attaquer à ce problème.
Je ne suis pas une experte dans ce genre de projet de loi, mais je ne crois pas avoir entendu parler dans ce débat du fait que le transfert intergénérationnel d’une entreprise est imposé à hauteur de 48 %, que celui d’une entreprise à une société canadienne est imposé à hauteur de 26 %, et que ce même transfert à un étranger est imposé à hauteur de 13 %.
Au Yukon, on parle souvent des entreprises d’exploitation des placers comme s’il s’agissait de fermes familiales. Si je comprends bien, si une exploitation de placers était vendue à une entité étrangère, la transaction serait imposée à un taux beaucoup moins élevé que si était vendue ou transférée à un membre de la famille. Je me demande si, lors de toutes les discussions qui ont eu lieu au sujet de ce projet de loi, quelqu’un a calculé le nombre de transferts à des entités étrangères et à des entités canadiennes, ainsi que le nombre de transferts intergénérationnels.
C’est une excellente question, sénatrice Duncan, et vous avez bien souligné les désavantages que le régime fiscal fait subir aux agriculteurs et aux pêcheurs. Je ne peux pas répondre à la question en détail, mais je crois que vous avez bien indiqué les divers taux d’imposition qui s’appliquent aux Canadiens et aux non-résidents, et les désavantages que subissent actuellement les pêcheurs et les agriculteurs en milieu rural ainsi que leur famille.
Je remercie le sénateur Downe de sa réponse franche. J’invite les autres sénateurs qui pourraient avoir de l’information à m’en faire part. Sénateur Downe, êtes-vous favorable à ce que le Comité des finances nationales se penche sur le régime fiscal? Je félicite sincèrement la sénatrice Moncion d’avoir défendu cette idée avec ardeur.
Je pense que c’est une excellente proposition. Ma seule crainte ou réserve, c’est que cela puisse faire dérailler complètement l’étude de ce projet de loi et que les agriculteurs et les pêcheurs soient alors obligés d’attendre des années.
Comme le sénateur C. Deacon l’a indiqué, à juste titre, toute erreur ou lacune dans ce projet de loi pourrait être rapidement cernée par l’Agence du revenu du Canada et le ministère des Finances, et elle peut être corrigée très rapidement de différentes façons.
Pour ce qui est d’examiner le régime fiscal, se pencher sur les grandes questions d’ensemble est exactement le genre de travail que le Sénat devrait faire régulièrement. Nous ne devrions pas essayer de faire concurrence au travail des députés. L’étude des politiques d’ensemble est le genre de travail que le Sénat devrait être en mesure d’entreprendre avec brio.
Merci, sénateur Downe. Je suis complètement d’accord avec vous.
Sénateur C. Deacon, avez-vous une question à poser?
Oui. Sénateur Downe, accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Oui, bien sûr.
Je veux dire à quel point je souscris à vos propos, aux réflexions de la sénatrice Duncan et aux propositions faites par la sénatrice Moncion.
Depuis combien d’années vous penchez-vous, dans cette enceinte, sur les questions d’évitement fiscal et d’évasion fiscale à l’étranger? Quand avez-vous commencé ce travail? À mon avis, ce n’est pas un problème pour lequel on peut blâmer un gouvernement en particulier. Ils ont tous leur part du blâme. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.
Vous avez raison. C’est un problème qui dure depuis au moins une décennie. Comme je l’ai dit récemment au Sénat, grâce à l’intervention personnelle de la ministre des Finances, il y a enfin des nouvelles importantes pour la lutte contre l’évasion fiscale, soit l’établissement d’un registre de la propriété effective. Le seul hic, c’est qu’il sera prêt dans quatre ans.
Le sénateur Gold se renseigne pour savoir pourquoi cela prendra tant de temps et comment l’argent sera dépensé. Il a dit au Sénat qu’il reviendrait avec une réponse à ma question. L’établissement de ce registre prendrait toutefois quatre ans. Une telle initiative est néanmoins un bon début, et tout le mérite revient à la ministre des Finances. Diverses personnes à Ottawa m’ont dit qu’elle est intervenue personnellement. En fait, dans un article publié dans La Presse au cours des deux dernières semaines, on peut lire une entrevue avec l’actuelle ministre du Revenu où elle blâme essentiellement l’ancien ministre des Finances de n’avoir rien fait dans le dossier de l’évasion fiscale, ce que j’ai trouvé plutôt intéressant. Cela dit, la ministre Freeland mérite toutes nos félicitations.
Je vous remercie, sénateur Downe. Je suis tout à fait d’accord à propos des efforts de la ministre des Finances Freeland à cet égard. C’est un premier pas tout à fait fantastique.
Honorables sénateurs, je suis convaincu que le sénateur Plett est ravi de me voir prendre la parole pour faire un autre discours. J’avais préparé un long discours de 15 minutes, mais je ne vais pas le prononcer. Je vais plutôt me contenter d’une version abrégée. Je crois cependant que les réflexions que j’ai entendues durant ce débat intéressant méritent que je fasse quelques observations.
Si nous acceptons que le gouvernement corrige plus tard les lacunes du projet de loi, pourquoi accepterions-nous d’adopter un projet de loi truffé de lacunes, alors que nous savons que le gouvernement ne siégera pas avant l’automne? Le gouvernement n’a qu’à s’en occuper.
Des lacunes ont été soulevées et trois options ont été envisagées. Certains sénateurs suggèrent que le projet de loi soit amendé par le gouvernement, mais soyons réalistes : ce projet de loi ne contient aucune disposition d’entrée en vigueur. Autrement dit, à moins que l’amendement proposé par le sénateur Harder soit adopté, le projet de loi entrera en vigueur dès qu’il obtiendra la sanction royale. Cela pourrait se produire demain ou vendredi. Si c’est le cas, à partir de ce jour, les Canadiens pourront se prévaloir de la nouvelle option fiscale qui leur est offerte. Comme on nous l’a dit, de nombreuses personnes envisagent de prendre leur retraite. Cela constituerait donc une bonne occasion de le faire et d’établir sa planification fiscale en conséquence. Même si le gouvernement s’y oppose, nous savons qu’il existe une possibilité. C’est la première chose qu’il faut comprendre.
Le projet de loi entrerait en vigueur le jour où il recevra la sanction royale et, s’il faut l’amender pour le corriger, cela ne se produira pas avant la fin de cette semaine. Nous savons que cela se produira en quelques mois si nous reprenons nos travaux cet automne, ou après les élections, si elles ont lieu. L’échappatoire fiscale sera pleinement ouverte pendant quelques mois et n’importe qui pourra en profiter, avec les bons conseils d’un comptable.
Deuxièmement, certaines personnes affirment que l’on pourrait régler le problème en prenant règlement. Encore une fois, c’est possible si la loi permet au gouvernement d’adopter des règlements pour compléter la mesure législative. Il en a été ainsi avec les projets de loi spéciaux qui ont été adoptés durant la pandémie. L’un d’entre eux proposait de donner au gouvernement le pouvoir de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu et nous nous y sommes tous opposés. L’autre endroit n’était pas d’accord non plus. Pour mettre en place des restrictions et offrir une période appropriée pour détenir des actions avant de pouvoir les transférer à une autre partie, il faut être autorisé à compléter la loi en vertu d’une disposition de la loi indiquant que le gouverneur en conseil peut prendre règlement pour définir cela.
Un autre moyen de remédier aux lacunes a été suggéré. De nombreux sénateurs semblent reconnaître qu’il y a des lacunes. Ils disent que l’Agence du revenu du Canada peut régler la situation; elle peut adopter des directives ou publier un bulletin d’interprétation. Je répète toutefois que ce n’est pas ce que le texte de loi prévoit. Si la loi stipule qu’il est permis de le faire d’une certaine façon, l’Agence du revenu du Canada ne peut pas publier un bulletin d’interprétation ou adopter des méthodes internes qui contrediraient ce que le Parlement a décidé.
S’il est possible de le faire de cette façon et qu’il n’est pas nécessaire d’être à la tête de l’entreprise, la personne peut procéder à l’achat. Un étudiant installé à Vancouver pourrait acheter des parts de la société agricole de son père au Québec et prétendre qu’il ne l’utilise pas et qu’il n’exploite pas la ferme. L’Agence du revenu du Canada ne pourrait rien n’y faire. Elle n’a pas le pouvoir de modifier ces conditions. La loi s’applique et elle doit être interprétée telle qu’elle est rédigée. Les juges de la Cour de l’impôt réprimanderont l’Agence du revenu du Canada si elle ose modifier la loi que nous avons adoptée.
En toute honnêteté, si vous êtes d’avis que le projet de loi contient des lacunes, il est impossible de l’adopter sans l’amendement proposé par le sénateur Harder. C’est très important. C’est tout ce que je voulais dire.
Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.
Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.
À mon avis, les non l’emportent. Je vois deux sénateurs se lever.
Quinze minutes.
Y a-t-il entente pour une sonnerie de 15 minutes?
Je vais reposer la question. Tout le monde est-il d’accord pour une sonnerie de 15 minutes?
J’ai entendu un non. Alors ce sera une sonnerie d’une heure. Le vote aura lieu à 18 h 27. Convoquez les sénateurs.
Honorables sénateurs, comme il est 18 heures passées, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et aux ordres adoptés le 27 octobre 2020 et le 17 décembre 2020, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive. Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».
La séance est suspendue jusqu’à 19 heures.