Projet de loi visant l'égalité réelle entre les langues officielles du Canada
Projet de loi modificatif--Troisième lecture
15 juin 2023
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
Nous voici maintenant à l’étape de la troisième lecture. Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a entendu cinq heures et demie de témoignages à propos de la version actuelle du projet de loi, laquelle comprend plus de 50 amendements adoptés à l’autre endroit. Le comité a procédé à l’étude article par article immédiatement après avoir entendu les témoignages qui étaient peut-être les plus complexes, ceux des juristes et des constitutionnalistes.
Le comité n’a pas eu le temps de réfléchir à ces témoignages ni de rédiger de possibles amendements inspirés par ce qu’il avait entendu avant l’examen article par article. Le processus d’examen en comité a été pour le moins rapide.
Le comité a entendu le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge. Je lui ai demandé s’il craignait encore, comme la communauté anglophone du Québec, que l’ajout de composantes asymétriques à la loi mine l’égalité de statut du français et de l’anglais en droit. J’ai aussi soulevé la question des mentions de la Charte de la langue française du Québec. Voici ce qu’il a répondu au comité :
Il y a beaucoup d’hypothèses par rapport à ce qui pourrait arriver dans l’avenir. Je ne peux vraiment pas m’avancer là‑dessus. Certains constitutionnalistes donneront leur avis à ce sujet. Je vais les laisser se prononcer. Je conviens que c’est quelque chose de nouveau. On mentionne également d’autres régimes, mais pas nécessairement de cette façon [...]
— il faisait allusion à la Charte de la langue française —
[...] Le Nouveau-Brunswick a sa propre Loi sur les langues officielles. Dans ma province, le Manitoba, il y a l’article 23 de la Loi sur le Manitoba.
Honorables collègues, encore une fois, ni les dispositions législatives en matière de langues officielles du Nouveau-Brunswick ni celles du Manitoba ne sont mentionnées dans le projet de loi C-13 de la même manière que la loi linguistique du Québec. Le commissaire a dit qu’il allait appliquer toute loi promulguée par le Parlement, et il a fait les observations suivantes :
C’est ce qui est en place en ce moment, et nous devrons évaluer les effets de ces mesures.
Je pense qu’il sera important d’évaluer les effets de la Loi sur les langues officielles sur les collectivités, et nous devrons le faire dès le début.
J’ai questionné la ministre des Langues officielles, l’honorable Ginette Petitpas Taylor, sur les mentions de la Charte de la langue française, qui a été modifiée récemment. Voici sa réponse à ma question :
Oui, nous avons fait référence à la Charte de la langue française dans notre projet de loi, mais c’est seulement à titre descriptif, encore une fois, pour dire que c’est le régime qui s’applique au Québec. On ne dit pas qu’on est d’accord ou non. C’est la loi qui existe au Québec maintenant. Je ne suis pas constitutionnaliste ni avocate. Toutefois, pour répondre à votre question, j’ai bien entendu consulté des avocats du ministère de la Justice [...] Ils nous ont indiqué qu’ils ne pensaient pas qu’il y avait des risques — ou qu’il y avait un risque minimum — dans ce dossier. En ce qui concerne la raison pour laquelle nous sommes allés de l’avant, il s’agit de définir ce qu’est la loi [...]
En revanche, de nombreux juges et avocats qui ont témoigné devant le Comité des langues officielles ne partagent pas l’évaluation du ministère de la Justice.
L’honorable Michel Bastarache, ancien juge de la Cour suprême du Canada, a dit au Comité des langues officielles lors de la récente étude préalable du projet de loi C-13, avant même que des amendements aient été apportés par la Chambre :
Je suis personnellement opposé à la référence à une loi provinciale dans la loi fédérale. Je crois que le régime linguistique fédéral est très différent de celui du provincial.
De plus, Robert Leckey, doyen de la Faculté de droit de l’Université McGill a déclaré :
Le projet de loi C-13 ajouterait à la Loi sur les langues officielles des mentions de la Charte de la langue française. Ces mentions viendraient approuver celle-ci, car elles présupposent que les objectifs et les moyens favorisés par la loi provinciale sont compatibles avec ceux de la loi fédérale et les responsabilités constitutionnelles du gouvernement du Canada. Toutefois, cette prémisse n’est pas solide.
Par ailleurs, dans une lettre adressée au président du Comité des langues officielles de la Chambre des communes, et dans le cadre de son témoignage devant le Comité sénatorial des langues officielles, Mme Janice Naymark, qui a pratiqué le droit commercial et corporatif au Canada depuis plus de 25 ans, a dit très clairement qu’elle était :
[…] troublée par la référence à la Charte de la langue française du Québec dans une loi fédérale quasi constitutionnelle. [...] En intégrant des références à la Charte de la langue française dans la Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral appuie la loi 96 et la rend légitime de manière implicite [...]
Comme vous pouvez le constater, chers collègues, il n’y a guère de consensus au sein de la communauté juridique concernant les références à la Charte de la langue française. Alors, pourquoi compliquer la mesure législative et créer un risque, si minime soit-il, pour les Québécois anglophones?
En tant que communauté de langue officielle en situation minoritaire, la communauté anglophone de cette province s’est toujours tournée vers le gouvernement fédéral pour obtenir protection et soutien, mais comme l’a fait remarquer Eva Ludvig, présidente du Réseau des groupes communautaires du Québec :
Nous vivons dans une province où la communauté anglophone, particulièrement récemment, est, disons-le, prise d’assaut par son propre gouvernement provincial. Nous avons toujours compté sur le gouvernement fédéral et le Parlement canadien pour appuyer la communauté anglophone. Nous sommes maintenant inquiets. Nous sentons que ce soutien est maintenant en péril.
Chers collègues, comme je l’ai souligné dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, s’il est vrai que, parmi la population d’anglophones de plus de 1 million de locuteurs au Québec, plus de 600 000 d’entre eux vivent à Montréal, des dizaines de milliers d’autres se trouvent dans de petites communautés à l’échelle de la province. Je vous exhorte à prendre en compte les communautés de langues officielles en situation minoritaire dans le reste du Québec. Compte tenu de la masse critique d’anglophones à Montréal, les services pourraient bien y rester accessibles, mais nous ne pouvons pas tenir pour acquis qu’il sera de même dans les petites communautés.
Les communautés anglophones au Québec doivent maintenant s’en remettre à la promesse du commissaire aux langues officielles de surveiller les répercussions de la mise en œuvre du projet de loi C-13. Comme il l’a écrit dans une lettre remise au comité sénatorial le 7 juin :
Il est crucial de surveiller étroitement la mise en œuvre de la Loi afin de bien évaluer les retombées de celle-ci et de cerner les problèmes rencontrés lors de son application. Le gouvernement doit se doter d’un mécanisme de surveillance et d’indicateurs clairs pour pouvoir saisir les effets de la Loi sur les communautés et de données probantes. Cette façon de faire permettra d’exploiter pleinement le potentiel de l’examen périodique et d’apporter les changements nécessaires à l’évolution continue de la Loi.
Si le commissaire conclut que les craintes des communautés anglophones du Québec se concrétisent, j’espère que le Sénat interviendra pour y remédier avec le même empressement que celui dont il a fait preuve pour adopter le projet de loi C-13.
Honorables collègues, comme nous en sommes tous conscients, les sénateurs ont la responsabilité de donner une voix à ceux qui n’en ont pas et de représenter les minorités de nos régions. Je comprends pleinement l’importance, pour les communautés francophones en situation minoritaire au Canada, de moderniser la Loi sur les langues officielles et j’appuie entièrement la protection et la promotion des droits linguistiques de la minorité francophone au pays.
Je comprends tout à fait l’importance d’assurer la survie et la vitalité du français pour le Québec et les Québécois. Toutefois, la mention de la Charte de la langue française du Québec dans le projet de loi, pour laquelle on a récemment inscrit dans la loi l’utilisation préventive de la disposition de dérogation, ne fait rien pour aider à protéger le français; cela ne fait qu’exposer inutilement à des risques l’autre communauté de langue officielle en situation minoritaire, c’est-à-dire les plus de 1 million d’anglophones du Québec.
Par conséquent, chers collègues, je vais voter contre ce projet de loi. Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-13, un important projet de loi d’initiative ministérielle qui vise à protéger et à promouvoir le français au Canada.
Je fais également remarquer que le projet de loi C-13 remplit une promesse électorale du gouvernement. En cette ère de Sénat indépendant, c’est toujours un point que la Chambre nommée doit prendre en considération comme l’ont souligné à maintes reprises les sénateurs Harder et Dalphond et d’autres sénateurs.
Après une étude préalable approfondie, nous avons reçu le projet de loi C-13 en mai. Je parlerai de certaines de mes préoccupations à l’égard du projet de loi concernant les aéroports de l’Ouest canadien dans le contexte de la Saskatchewan, tout en appuyant pleinement l’objectif du projet de loi C-13 qui consiste à protéger et à promouvoir les droits linguistiques des francophones et des minorités au Canada.
Je vais commencer par une vue d’ensemble. Le français est l’une des langues officielles du Canada et c’est une source de fierté pour notre fédération et pour moi personnellement, y compris dans le cadre de ma lignée en raison de mes sextaïeuls, quinquisaïeuls et quadrisaïeuls nés au Québec. Notre identité internationale, notre histoire commune et de nombreuses particularités culturelles canadiennes reflètent notre place au sein de la francophonie. Il est essentiel de protéger le français, une langue qui est menacée d’érosion dans une Amérique du Nord essentiellement anglophone, et qui fait partie intégrante de l’identité des Québécois, des Acadiens et des autres Canadiens français, sans oublier les Cajuns en Louisiane que les Britanniques ont chassés d’Acadie au XVIIIe siècle.
Les Métis et de nombreuses Premières Nations ont appris à parler le français et l’anglais quand les nations traitaient d’égal à égal. Les Métis maîtrisaient le français, l’anglais et les langues autochtones, ce qui en faisait des personnes très recherchés par ceux s’occupaient du système commercial de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Ils servaient souvent d’interprètes, de négociateurs commerciaux, de commis et de guides pour les voyageurs et les explorateurs. Sans eux, les Européens n’auraient pas pu naviguer dans ce vaste pays aux réseaux hydrographiques complexes et aux cols traversant les chaînes de montagnes escarpées.
Cependant, les deux langues officielles du Canada font abstraction de la présence de nombreuses langues autochtones parlées par des peuples qui sont ici depuis des temps immémoriaux.
Le succès de Samuel de Champlain dans la fondation de la Nouvelle-France repose sur l’établissement d’alliances et de relations respectueuses avec les Premières Nations. En 1603, le chef innu Anadabijou accueille Champlain lors d’un festin qui permettra de fixer les conditions de la grande alliance pour la présence française dans le pays. De nombreux spécialistes soutiennent que cette rencontre entre nations, à Tadoussac, là où la rivière Saguenay rencontre le Saint-Laurent, marque le véritable début du Québec, voire du Canada.
Même si les politiques coloniales ultérieures leur ont porté un rude coup, les langues autochtones sont cruciales pour les nations de notre pays. L’article 22 de la Charte stipule clairement que les droits relatifs aux langues officielles n’abrogent pas les droits relatifs aux langues autochtones et n’y dérogent pas. En ce qui concerne l’avenir linguistique du Canada, nous avons encore beaucoup à faire pour redonner aux langues autochtones la place qui leur revient dans notre société.
Nous devons mieux promouvoir et protéger ces langues, dont un grand nombre est menacé de disparition. Le Parlement a agi en adoptant le projet de loi C-91 sur les langues autochtones en 2019. Les anciens sénateurs Joyal et Sinclair ont travaillé ensemble sur les droits linguistiques. Ce faisant, ils ont mis la table pour le projet de loi C-91 grâce au travail accompli par le sénateur Joyal avec le projet de loi S-212 sur les langues autochtones. Voilà un exemple inspirant de la solidarité des minorités linguistiques du Canada.
Le sénateur Sinclair avait déclaré ceci au sujet du projet de loi S-212 :
« Qui êtes-vous? » Je ne demande pas cela pour la forme. Je vous invite à réfléchir à la question fondamentale de votre identité et de votre caractère. Pour pouvoir répondre à cette question, vous devez savoir d’où vos ancêtres et vous venez. Vous devez aussi connaître vos valeurs, votre histoire personnelle et collective, vos influences, vos ambitions et votre but dans la vie.
La langue et la culture sont des éléments clés de l’identité personnelle. L’identité personnelle est essentielle à la confiance en soi, tandis que le bien-être spirituel et mental dépend de l’estime de soi d’une personne.
J’aimerais que les jeunes Autochtones parlent couramment leur langue maternelle. Un jour, j’aimerais que les discussions avec les Canadiens non autochtones se déroulent dans ces langues. Je note que le ministre Miller a entrepris d’apprendre la langue mohawk.
En ce qui concerne le français, nous savons que la promulgation de la Loi sur les langues officielles en 1969 a été une étape décisive. Comme elle reconnaissait et protégeait la dualité linguistique prédominante de la population canadienne, elle tranchait nettement avec le rapport Durham de 1839, qui proposait l’assimilation des francophones du Bas-Canada.
Le projet de loi C-13 constitue la première mise à jour substantielle de la Loi sur les langues officielles depuis de nombreuses années. J’appuie les objectifs de ce projet de loi en matière de protection et de promotion du français, ainsi que les éléments qui visent à soutenir les communautés linguistiques minoritaires.
Si j’ai une mise en garde ou une préoccupation au sujet de ce projet de loi, c’est que le travail que nous faisons pour rendre le pays davantage bilingue doit s’appuyer sur une bonne compréhension du niveau actuel de maîtrise des langues officielles par la plupart des Canadiens. À cet égard, je mets mon chapeau de Saskatchewanais, et je me concentre sur les aspects pratiques du bilinguisme et les obligations à cet égard dans les aéroports de l’Ouest canadien.
Dans la plupart des villes, villages et localités du Canada, il y a une langue prédominante qui est parlée par la plupart des habitants. La plupart des citoyens n’ont qu’une connaissance limitée de l’autre langue officielle, qu’il s’agisse du français ou de l’anglais. Il y a bien sûr des exceptions, comme en témoignent des communautés du Québec, du Nouveau-Brunswick, du Manitoba, de l’Ontario et d’autres provinces. Dans l’ensemble, toutefois, la plupart des Canadiens maîtrisent soit l’anglais, soit le français, mais pas ces deux langues.
Le projet de loi C-13 vise à changer la situation et j’appuie entièrement cet objectif. Parallèlement, si l’on demande aux entreprises et aux secteurs de compétence fédérale de satisfaire à de nouvelles exigences en matière de bilinguisme, alors nous devons être réalistes et faire preuve de compréhension à l’égard du fait que la langue maternelle d’une majorité de Canadiens n’est pas une langue officielle.
La partie 2 du projet de loi porte sur les régions à forte présence francophone, définition à l’appui, et les attentes envers les entreprises de compétence fédérale. Comment le projet de loi s’appliquera-t-il aux communautés et à la main-d’œuvre de compétence fédérale dans les régions où il y a une représentation francophone minimale ou faible?
Prenons l’exemple de la Saskatchewan, ma province. En 2020, le Commissariat aux langues officielles a souligné que le français est la langue maternelle d’environ 1,5 % de la population. C’est très faible comme représentation au sein de la population de la province. Il ne fait aucun doute que les Saskatchewanais francophones doivent avoir le soutien nécessaire pour protéger leurs droits linguistiques, surtout lorsqu’ils ont recours aux services de compétence fédérale. Toutefois, nous devons garder à l’esprit qu’il faudra du temps et des actions concrètes, surtout là où les francophones sont en minorité comme en Saskatchewan, pour faire la transition vers un bilinguisme plus répandu. Cela dit, en Saskatchewan, une province d’au moins 1,2 million d’habitants, je sais qu’il y a au moins cinq communautés francophones. Il y a des programmes scolaires d’immersion en français et une population florissante et grandissante de Fransaskois dans les grandes villes de la province.
Cependant, pour beaucoup de jeunes, surtout ceux qui vivent dans la pauvreté pendant leur enfance, il est très difficile d’apprendre une deuxième langue, même s’ils en ont la possibilité.
Le Parlement a entendu beaucoup de gens se prononcer pour et contre le projet de loi. Ceux qui y sont favorables invoquent son appui à la promotion du français et à la protection des communautés linguistiques minoritaires. Ceux qui sont contre se disent préoccupés par son impact potentiel sur les Québécois anglophones et ont soulevé des questions sur la mise en œuvre des dispositions du projet de loi.
Pour parler d’une de mes préoccupations, je vais me servir d’un exemple qui a été mis en évidence dans le rapport annuel présenté récemment par Raymond Théberge, le commissaire aux langues officielles.
Dans une partie de son rapport, le commissaire souligne que beaucoup de Canadiens ont toujours de la difficulté à obtenir des services dans la langue officielle de leur choix dans les grands aéroports.
C’est une préoccupation pour de nombreux voyageurs canadiens qui souhaitent parler la langue de leur choix, voire la seule qu’ils maîtrisent, au cours de leurs déplacements. Je comprends cette préoccupation. Les grands aéroports ont déjà des obligations au titre de la partie IV de la Loi sur les langues officielles. Lorsque ces obligations ne sont pas respectées, cela peut être frustrant, en particulier pour les francophones.
Dans son rapport, le commissaire indique qu’il a travaillé avec les aéroports pour assurer un meilleur respect de la loi et qu’il pense que les nouveaux pouvoirs que lui confère le projet de loi C-13 l’aideront à atteindre cet objectif.
En même temps, certaines organisations de l’industrie du voyage, telles que les autorités aéroportuaires, ont exprimé leur inquiétude quant aux pouvoirs supplémentaires qui seraient accordés au commissaire. Le projet de loi confère au commissaire des pouvoirs supplémentaires pour conclure des accords de conformité, émettre des ordonnances et imposer des sanctions administratives pécuniaires dans le secteur du voyage. Il peut s’agir d’une mesure importante pour rendre le Canada plus bilingue. Toutefois, si des organisations, telles que les autorités aéroportuaires dans des endroits comme Regina et Saskatoon, ont du mal à respecter les ordonnances parce qu’elles ont de la difficulté à recruter du personnel parlant français, il s’agit d’une dynamique qui doit être gérée avec beaucoup de soin.
Je souligne que le Comité sénatorial des langues officielles a ajouté une observation dans son rapport, indiquant une incohérence dans le régime des droits linguistiques pour les voyageurs canadiens. Il recommande au gouvernement fédéral de :
[...] mettre sur pied un régime de droits linguistiques cohérent et clair pour le public voyageur [...]
C’est une bonne idée. Je pense qu’il nous faut plus de clarté dans ce domaine pour que les administrations aéroportuaires, les compagnies aériennes, le gouvernement et les Canadiens puissent évoluer en ayant une compréhension commune de la situation.
Honorables sénateurs, nous devons veiller à ne pas imposer accidentellement aux entreprises et aux organisations qui mènent des activités dans des régions largement unilingues des obligations linguistiques de bilinguisme qu’elles ne seront pas en mesure d’honorer. Il est difficile de trouver des francophones en Saskatchewan, tout simplement parce qu’ils sont sous-représentés.
En Saskatchewan, le taux de chômage est de 4,4 % et nous cherchons des employés. Nous construisons davantage de maisons et de logements locatifs si des professionnels et des travailleurs qualifiés bilingues souhaitent venir vivre, travailler et se divertir dans notre belle province.
Les différences régionales et la représentation francophone varient d’une région à l’autre du Canada. Avec ce projet de loi, je crois qu’il n’y a pas de solution unique qui fonctionnera. Dans des endroits comme Regina ou Saskatoon, où les francophones sont relativement peu nombreux, augmenter les services bilingues, c’est plus facile à dire qu’à faire. C’est une réalité dont nous devons tenir compte. En même temps, nous voulons respecter et soutenir cette caractéristique unique de notre identité à l’échelle internationale tout en veillant à ne pas placer les Canadiens de l’Ouest en marge des valeurs linguistiques de notre fédération.
Je m’attends à ce que tous les sénateurs appuient l’idée d’aider davantage de Canadiens à devenir bilingues et à recevoir des services dans la langue de leur choix, mais nous devons travailler à l’atteinte de cet objectif en tenant compte des réalités d’un pays où la plupart des gens ne parlent actuellement qu’une seule langue. C’est pourquoi je m’attends à ce que le Sénat continue à jouer un rôle de surveillance et de reddition de comptes dans l’application du projet de loi C-13, y compris en fournissant une évaluation essentielle et des recommandations qui pourraient s’avérer nécessaires, tout en jouant ce rôle dans le respect du français, de l’anglais et des langues autochtones.
Je voterai en faveur du projet de loi C-13 et je vous invite à faire de même. Je demande également au Sénat de protéger les intérêts légitimes des aéroports de l’Ouest du Canada et de s’assurer que nous offrons des solutions pratiques alors que nous nous dirigeons vers un pays de plus en plus bilingue. Merci, hiy kitatamihin.
Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-13, dont le titre abrégé est la Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada.
J’appuie ce projet de loi, bien que j’estime qu’il s’agit de petits pas et qu’il aurait pu aller plus loin.
Dans ce discours, je vous donnerai quelques exemples de mesures importantes qui, à mon avis, manquent à ce projet de loi. Je crois qu’elles auraient permis de mieux protéger et promouvoir le respect des deux langues officielles du Canada, qui sont le français et l’anglais.
Le 8 février 2022, j’ai prononcé un discours au Sénat sur cet enjeu relatif aux langues officielles. Dans ce discours, j’exprimais mon appui à la motion adoptée à l’unanimité au Sénat le 29 mars 2022, qui demandait au gouvernement fédéral de corriger une situation inacceptable qui perdure depuis des décennies. Encore aujourd’hui, 41 ans après l’adoption de Loi constitutionnelle de 1982, de larges pans des textes de la Constitution canadienne sont rédigés en anglais seulement.
Quelle occasion manquée par le gouvernement fédéral de ne pas avoir intégré au projet de loi C-13 la mesure réclamée par le Sénat dans sa motion!
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles partage ma déception.
Dans le rapport sur le projet de loi C-13 qu’il a déposé avant-hier, le comité rappelle le contenu de la motion. Elle demandait simplement ceci au gouvernement :
[...] considérer, dans le contexte de la révision de la Loi sur les langues officielles, l’ajout d’une exigence voulant qu’un rapport soit soumis aux 12 mois détaillant les efforts déployés pour assurer le respect de l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Le sénateur Dalphond, qui était parrain de la motion, a posé une question au ministre Lametti le 13 décembre 2022, alors que celui‑ci témoignait devant un comité sénatorial sur un autre projet de loi que le projet de loi C-13. Le sénateur lui a rappelé la triste évidence : depuis maintenant 41 ans que la Loi constitutionnelle de 1982 a été adoptée, rien n’a été fait pour faire adopter le texte français de la Constitution.
Le ministre a reconnu que cette situation était inacceptable, mais qu’il continuait à réfléchir aux moyens de faire adopter les textes français des lois constitutionnelles, qui sont les lois les plus importantes au Canada.
Le sénateur Dalphond a rappelé, comme je l’ai aussi rappelé dans mon discours du 8 février 2022 sur sa motion, qu’il y a plusieurs des textes en français de la Constitution que le gouvernement fédéral aurait pu faire adopter au moyen d’une procédure qui n’exige pas d’obtenir l’accord des provinces. Au sujet des textes qui exigent l’accord de certaines ou de toutes les provinces pour qu’on les adopte en français, le ministre Lametti a donné une réponse au sénateur Dalphond qui montre bien l’absence de détermination et d’actions de la part du gouvernement pour ce qui est de faire adopter les textes en français. Voici la question qu’avait posée le sénateur Dalphond : « Pourquoi le gouvernement ne s’engage-t-il pas à faire des efforts afin de terminer cette partie du travail constitutionnel de 1982? »
Le ministre lui a répondu de manière vague et sans faire aucun engagement. Il a dit ce qui suit, et je cite :
Je partage votre opinion. J’aimerais voir une Constitution bilingue et officielle. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il faut parfois miser sur l’évolution. Donc, j’espère que, dans un proche avenir et au moment opportun, on pourra le faire.
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a noté, dans le rapport qu’elle a présenté 13 juin 2023, que j’ai mentionné précédemment, d’autres lacunes importantes dans le projet de loi C-13.
Le comité a la même préoccupation que moi relativement au manque de données précises sur le nombre d’enfants des ayants droit qui peuvent recevoir un enseignement dans la langue officielle minoritaire. Je suis d’avis que le gouvernement fédéral aurait pu remédier à ce problème s’il avait apporté un amendement au projet de loi C-13 pour exiger que ces enfants soient dénombrés périodiquement.
En fait, le comité note, à juste titre, que la version actuelle du projet de loi ne prévoit pas l’obligation de dénombrer ces enfants, mais prévoit uniquement l’obligation d’estimer leur nombre. Dans un passage de son rapport, le comité sénatorial souligne l’urgence et la gravité du problème en disant ce qui suit, je cite :
Dans le contexte inquiétant du déclin du français au Canada, plusieurs parties prenantes ont toutefois fait valoir l’importance de dénombrer, plutôt que d’estimer le nombre d’enfants des ayants droit, étant donné les répercussions dommageables et les pressions assimilatrices engendrées par une sous-estimation systémique et historique. […]
À la lumière des témoignages et des mémoires reçus, votre comité note que le dénombrement périodique des enfants des ayants droit est vital à la survie et à l’épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire […].
Avec un constat si préoccupant, et qui est bien connu, je trouve très décevant le résultat d’un vote qui s’est déroulé le 17 février 2023 au Comité de langues officielles de la Chambre des communes. Dans un vote serré, 6 des 11 membres du comité ont rejeté le texte original de l’amendement du député Joël Godin. S’il avait été adopté, cet amendement aurait obligé le gouvernement fédéral à s’engager à dénombrer périodiquement les enfants des ayants droit en vertu de l’article 23 de la Charte.
Les six membres du Parti libéral et du Nouveau Parti démocratique du comité ont voté en faveur d’un sous-amendement qui a complètement édulcoré l’amendement du député conservateur. En effet, leur sous-amendement a remplacé l’exigence de dénombrer, qui était proposée par M. Godin, par une simple obligation d’estimer le nombre d’enfants.
Autre occasion ratée : le projet de loi n’a pas intégré une proposition importante que contenait le livre blanc de 2021 de la ministre des Langues officielles de l’époque, l’honorable Mélanie Joly. Cette dernière proposait d’élargir les pouvoirs conférés au Conseil du Trésor afin qu’il puisse surveiller le respect des dispositions de la partie VII de la Loi sur les langues officielles par les institutions fédérales. Il faut savoir que cette partie de la loi est très importante, puisqu’elle vise à assurer la progression vers l’égalité le statut de l’usage du français et de l’anglais.
Les obligations du Conseil du Trésor proposées actuellement dans le projet de loi C-13 n’incluent pas l’ensemble des éléments de la partie VII. Malgré les occasions ratées qu’il comporte, je vais quand même appuyer le projet de loi C-13. Dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, la sénatrice Poirier, porte-parole du projet de loi, a dit ce qui suit :
Le projet de loi représente un pas en avant pour les droits linguistiques au pays.
Grâce à certains amendements apportés par le Comité des langues officielles de la Chambre des communes, la modernisation de la Loi sur les langues officielles répond davantage aux besoins des communautés en situation minoritaire.
Je suis d’accord avec elle, et nous ne sommes pas les seuls à le penser : 104 députés conservateurs ont voté en faveur du projet de loi à l’étape de la troisième lecture. Seul un député, d’un autre parti, a voté contre.
En fait, je pourrais vous énumérer plusieurs mesures méritoires du projet de loi C-13, mais mon temps de parole étant limité, je vais en choisir deux.
La première porte sur l’adoption d’une politique fédérale en matière d’immigration. Elle est particulièrement importante en cette journée où nous avons atteint le cap des 40 millions d’habitants. La version originale du projet de loi C-13 prescrivait l’adoption de cette politique.
Or, les amendements qui ont été apportés au projet de loi ont renforcé et précisé les objectifs de cette politique. C’est ce qu’a expliqué au comité sénatorial Mme Liane Roy, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, lors de son témoignage du 5 juin dernier. Je la cite :
[...] il était important pour nous que cette politique ait comme objectif explicite le rétablissement du poids démographique de nos communautés.
Les députés de la Chambre des communes ont fixé à 6,1 % le seuil visé, soit la proportion que formaient nos communautés en 1971.
Cela met la table pour une cible fédérale d’immigration francophone beaucoup plus élevée et pour des mesures en immigration faites spécifiquement en fonction des réalités de nos communautés.
Cette cible de 6,1 % dont parle Mme Roy se trouvera inscrite à la Loi sur les langues officielles, grâce au paragraphe 6(2) du projet de loi C-13.
Mon second exemple de mesure intéressante du projet de loi C-13 touche le bilinguisme de la Cour suprême du Canada. Le projet de loi prévoit une obligation de bilinguisme institutionnel à la Cour suprême, sans toutefois imposer que chacun des neuf juges de la cour soit bilingue.
Sur cette question, je suis d’accord avec l’interprétation du leader du gouvernement au Sénat. Au cours d’un échange qu’il a eu le 30 mai 2023, il a confirmé comme suit que cette obligation prévue dans le projet de loi C-13 :
[...] ne signifie pas que tous les juges nommés à la Cour suprême ou à toute autre cour supérieure doivent être bilingues ou parler couramment les deux langues. Ce n’est pas ce que le projet de loi exige. Il s’agit d’une obligation applicable à la Cour en tant qu’institution […]
Or, il faut savoir que l’audition d’un appel à la Cour suprême se fait devant un quorum d’au moins cinq juges. Ainsi, l’obligation prévue dans le projet de loi C-13 fait en sorte que la cour devra avoir minimalement cinq juges bilingues pour qu’elle puisse toujours avoir un quorum de juges bilingues capable de comprendre les témoignages et les plaidoiries, qu’ils soient en anglais ou en français, et ce, sans l’aide d’un interprète.
Conséquemment, le projet de loi C-13 ne privera pas des juristes au talent exceptionnel, mais qui ne seraient pas parfaitement bilingues, d’une possibilité de présenter leur candidature pour être nommés à la Cour suprême.
Si le projet de loi C-13 avait prévu une obligation de bilinguisme individuel, c’est-à-dire d’imposer à tous les neuf juges de la Cour suprême d’être parfaitement bilingues, cela aurait été, selon moi, susceptible de contrevenir à l’article 16 de la Charte canadienne des droits et libertés et à l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Je l’ai déjà affirmé dans un discours au Sénat le 11 mai 2010 en m’exprimant comme suit :
L’article 16 crée l’obligation pour l’institution judiciaire de veiller à ce que le juge qui entend l’affaire comprenne la langue de la partie. Il ne l’oblige pas à être bilingue. Il n’existe aucune condition préalable à une magistrature bilingue, puisque cela violerait les droits des juges, garantis par l’article 133 [...].
Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter en faveur du projet de loi. Le commissaire aux langues officielles s’est exprimé comme suit le 7 juin 2023 au Comité sénatorial permanent des langues officielles :
Bien que le projet ne soit pas parfait, je suis d’avis qu’il contient la base nécessaire pour aller de l’avant.
Il est crucial de surveiller étroitement la mise en œuvre de la Loi afin de bien évaluer les retombées de celle-ci et de cerner les problèmes rencontrés lors de son application.
Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire non cédé de la Nation algonquine anishinabe, à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-13, Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada.
Encore une fois, je me dois, dans le cadre de ce discours, de reconnaître le caractère colonial des langues officielles et de souligner l’importance d’appuyer les peuples autochtones dans l’exercice de la réappropriation, de la revitalisation et du renforcement des langues autochtones au Canada.
Nous savons que l’échéance de la révision de la Loi sur les langues autochtones arrive à grands pas. Je me permets de rappeler dans cette enceinte, comme nous le faisons d’ailleurs dans le rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles, que cette loi prévoit un examen indépendant cinq ans après son entrée en vigueur, en date du 21 juin 2019.
Il sera de notre devoir d’exercer une surveillance et une vigilance pour que ce travail soit fait conformément aux exigences conférées dans cette loi, et surtout, dans le respect des principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Plus précisément, notre rapport indique que ce travail doit se faire de la façon suivante :
Dans un esprit de réconciliation et de décolonisation, votre comité s’attend à ce que le gouvernement fédéral se conforme à ses obligations et même qu’il dépasse les attentes juridiques minimales dans le respect des droits de gouvernance et d’autodétermination des peuples autochtones du Canada.
La décolonisation du régime des droits linguistiques du Canada, que préconise le rapport du Comité des langues officielles, ne peut pas se faire dans le cadre restrictif de la Loi sur les langues officielles. Ce travail exige suffisamment de temps et d’espace, comme l’a expliqué dans son discours mon collègue le sénateur Cormier, le parrain du projet de loi, en parlant de Warren Newman, avocat général principal, Section du droit international, administratif et constitutionnel du ministère de la Justice Canada, lors de sa comparution devant le comité.
Dans le contexte de l’élaboration de lois liées à l’identité, M. Newman nous a dit que nous devons respecter les différents champs d’application et la raison d’être de chaque loi, qui sera interprétée de manière harmonieuse et complémentaire.
Ces principes de l’interprétation des lois me permettent d’être optimiste à l’égard de l’avenir des langues autochtones. Les communautés de langue officielle en situation minoritaire seront des alliées de la cause, car ils connaissent pertinemment le rôle de la langue dans la construction — ou même la reconstruction — de l’identité. Nous sommes et nous demeurons solidaires des peuples autochtones du Canada.
Cela m’amène à vous parler du déclin du français au Canada et d’une asymétrie qui s’avère justifiée. Cette baisse constante du poids démographique des francophones au pays a mené le gouvernement à proposer une approche asymétrique à son projet de réforme.
Bien que ce principe soit depuis longtemps reconnu dans la jurisprudence, on pourrait dire qu’il a toujours été théorique ou même fantaisiste dans sa mise en œuvre.
Une simple lecture de cette jurisprudence volumineuse saura rendre compte des rapports inégalitaires systémiques entre les minorités de langue officielle et la majorité dans une province donnée. Les inégalités s’accentuent lorsque la langue minoritaire est le français.
Au côté du caractère réparateur et de l’interprétation large et libérale qu’il convient de donner aux droits linguistiques, le principe d’égalité réelle figure parmi les principes clés d’interprétation des dispositions du projet de loi C-13.
En proposant l’asymétrie, le gouvernement tente de donner un sens au principe d’égalité réelle entre les langues officielles, sachant que la vulnérabilité et la fragilité de la langue française au Canada et en Amérique du Nord légitiment et justifient cette approche.
Me François Larocque, titulaire de la Chaire de recherche, Droits et enjeux linguistiques de l’Université d’Ottawa, cité dans un article paru aujourd’hui dans le journal Francopresse, nous l’explique ainsi :
Pour réaliser l’égalité réelle, et non formelle, il faut en faire davantage pour la partie la plus vulnérable.
Ce dernier est convaincu de ce qui suit :
[...] la référence générique à la Charte n’effacera pas plus de 40 ans de jurisprudence […]. Des principes d’interprétation ont été établis et ne disparaitront pas [à cause de la mention].
Cette asymétrie est particulièrement troublante pour les anglophones du Québec, qui ont de nombreuses craintes et des points de vue diamétralement opposés à ceux de leur gouvernement provincial. Je comprends leurs craintes, car je suis membre d’une communauté de langue officielle en situation minoritaire. La politique provinciale peut effectivement être dévastatrice pour les minorités de langue officielle. C’est pourquoi nous devons rester vigilants.
Lors de l’étude préalable, notre comité a reçu des témoignages et des mémoires contradictoires sur l’opportunité d’inclure une mention de la Charte de la langue française dans la Loi sur les langues officielles et dans la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale. Comment, vous demandez-vous, avons-nous fait pour démêler ces positions? En réalité, c’est l’autre endroit qui a tranché la question.
Les doléances des deux communautés de langue officielle au Québec ont accaparé la majorité des travaux de l’autre endroit, ce qui a retardé l’arrivée du projet de loi au Sénat. L’adoption du projet de loi C-13 à la Chambre des communes a été très incertaine pendant quelques semaines, mais une entente — contenant 11 amendements — entre le gouvernement du Québec et le gouvernement libéral a permis de faire débloquer le projet de loi.
Je respecte la légitimité, la vivacité et l’importance d’étudier et de débattre de ces questions. Cependant, l’ampleur du débat sur la situation au Québec a, sans contredit, restreint la capacité du législateur de porter une attention équivalente aux droits linguistiques des minorités de langue officielle ailleurs au pays.
Nous étudions ce dossier depuis très longtemps au Sénat et nous le comprenons très bien. Heureusement, sans quoi il aurait été impossible pour nous de nous prononcer sur un tel projet de loi, qui a fait l’objet de nombreux amendements par l’autre endroit, en moins de huit heures d’étude en comité.
Vous comprendrez, chers collègues, que je suis satisfaite du projet de loi C-13 avec ses amendements. J’en ai fait état lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture. Cependant, vu l’importance que j’accorde à la francophonie et aux droits linguistiques des minorités, je me dois d’exprimer ma déception et mon mécontentement face à l’imposition d’un calendrier très restrictif pour étudier le projet de loi au Sénat.
Nous le savons tous : la fin de la session approche, et plusieurs projets de loi doivent franchir la ligne d’arrivée avant l’ajournement du Sénat pour la saison estivale. J’éprouve donc un malaise à étudier de cette façon un projet de loi qui aura un impact aussi important sur les minorités de langue officielle et sur la survie d’une langue, d’une culture et d’une identité, aussi plurielle, diversifiée et colorée soit-elle.
En qualité de contrepoids à la Chambre des communes, la Chambre haute a pour mandat de veiller aux droits et aux intérêts des minorités et des régions, dans l’exercice du second examen objectif. Ce travail est complémentaire à celui de la Chambre basse, formée d’élus, et où règne la partisanerie.
Les discussions au sein du comité de l’autre endroit ont parfois donné l’impression que la compréhension du bilinguisme canadien n’est pas plus avancée aujourd’hui qu’elle ne l’était en 1945, année où Hugh MacLennan a écrit Deux solitudes. J’espère que cette notion est désormais désuète et que nous aspirons à une vision moins divisée de la société canadienne. En nous écoutant les uns les autres, en comprenant les doléances de chacun et en faisant preuve d’empathie à l’égard des groupes les plus vulnérables, nous pouvons contrer ces tendances aux politiques identitaires et linguistiques qui sèment la discorde.
Malgré ce mécontentement à l’égard du processus, je tiens à exprimer mon appui ferme au projet de loi, car son adoption est vitale pour la survie de nos communautés.
En 1997, la juge L’Heureux-Dubé, dans l’arrêt Lifchus de la Cour suprême du Canada, a fait une éloquente métaphore au sujet du bilinguisme et des droits des minorités, en offrant une vision plus rassembleuse que celle des deux solitudes de MacLennan.
Elle a dit ceci, et je cite :
Le bilinguisme et les droits des minorités linguistiques sont pour toujours intimement liés l’un à l’autre, comme Roméo et Juliette ou Oberon et Titania, et ils doivent être présentés comme formant un tout.
Comme j’ai tenté de le faire valoir à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi C-13 est d’une importance capitale pour la survie des communautés francophones en situation minoritaire. Le bilinguisme canadien est porteur des droits de ses minorités linguistiques.
Dans un esprit plus optimiste, j’aimerais vous faire part d’une autre observation qui figure dans le rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles et qui concerne la vigie de la Loi sur les langues officielles.
Celle-ci atténue les inquiétudes dont je viens de vous parler et s’avère particulièrement pertinente pour la suite des choses. Comme nous l’a bien rappelé le commissaire aux langues officielles lors de notre étude au comité, nous avons un projet de loi qui, bien qu’imparfait, est très acceptable. Maintenant, il sera important pour le gouvernement de se doter d’un mécanisme efficace et intégral de surveillance de la mise en œuvre de cette loi.
Ce mécanisme devra permettre d’évaluer la conformité aux différentes dispositions de la loi par les entités assujetties et être muni d’indicateurs désignant notamment le poids démographique des minorités francophones et le dénombrement des enfants des ayants droit. Ce rôle de vigie sera exercé principalement par le Conseil du Trésor, mais aussi par le commissaire, avec l’appui de Statistique Canada, et notamment par le biais du formulaire court du recensement.
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles pourra, lui aussi, exercer cette surveillance en invitant à comparaître les différents ministères et départements, ainsi que les parties prenantes. Ce travail permettra de faire des suivis en temps opportun et de rendre compte des tendances du poids démographique des francophones et du dénombrement des enfants des ayants droit.
Chers collègues, le travail ne fait que commencer ou, à vrai dire, de recommencer, mais cette fois, ce n’est plus utopique; nous avons de réelles chances de succès. La survie, comme francophone en situation minoritaire, consiste à montrer une vigilance constante et un souci de préserver sa langue d’une génération à l’autre, en étant confronté à des pressions assimilatrices multiples et à l’anglonormativité présente partout au pays.
Il peut s’agir de l’absence de services en français par une entité assujettie, mais parfois et souvent, les injustices sont plus pernicieuses et préjudiciables lorsqu’il s’agit de services de santé, des innombrables et coûteuses barrières que nous devons affronter pour faire valoir nos droits devant les tribunaux, ou encore d’un manque d’accès au continuum en éducation dans sa langue maternelle, chez soi, dans sa région.
À ce sujet, permettez-moi de citer la Cour suprême dans l’arrêt Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, dans son jugement de 2020 qui nous rappelle la raison d’être de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés :
L’école est bien plus qu’un simple lieu de transmission de connaissances théoriques et pratiques. Elle constitue également un milieu de socialisation qui permet d’échanger et de s’épanouir dans sa langue et, à travers elle, de découvrir sa culture. C’est dans cet esprit que le droit à l’instruction dans une des langues officielles du Canada s’est vu conférer un statut constitutionnel par l’art. 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Il faut parfois savoir rendre à César ce qui est à César. Le Sénat, et particulièrement son Comité des langues officielles, dont je félicite d’ailleurs le président, le sénateur Cormier, a jeté les bases structurantes de cette réforme législative. Nous avons réussi à présenter les principes structurants d’une législation qui pourrait, effectivement, renverser la tendance de la baisse du poids démographique des francophones et améliorer l’accès à l’éducation dans la langue de la minorité, ce qui me rend optimiste pour l’avenir de nos communautés et pour leur survie.
Je vous encourage, chers collègues, à voter en faveur de ce projet de loi, tout en reconnaissant que le processus a été imparfait et qu’il conviendrait, à l’avenir, de respecter le rôle unique de la Chambre haute, qui légifère en portant une attention particulière aux intérêts des minorités et des régions.
En terminant, permettez-moi de m’exprimer par l’intermédiaire des paroles d’Yves Duteil dans sa chanson intitulée La langue de chez nous :
C’est une langue belle avec des mots superbes
Qui porte son histoire à travers ses accents [...]
C’est une langue belle à qui sait la défendre
Elle offre ses trésors de richesses infinies [...]
Le projet de loi C-13 nous permet, en tant que francophones, de prendre notre place, aujourd’hui et pour demain, afin de nous créer un avenir meilleur en nous donnant la main. Merci beaucoup.
[Note de la rédaction : La sénatrice Audette s’exprime en innu-aimun.]
Que j’avais hâte de vous partager mon amour, mes émotions, mais aussi mon expérience en tant que sénatrice devant un projet de loi, le projet de loi C-13, visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada.
J’ai remarqué en vous beaucoup de passion pour ceux et celle qui vivent en situation de vulnérabilité, dans des régions où on ne voit pas du tout le français dans les centres-villes. Dans les affiches, on ne voit que la langue anglaise. Mon fils habite Vancouver et je veux qu’il continue à parler français, et ma petite-fille aussi. Toutefois, c’est plus compliqué.
Je vois des choses partout au Canada, mais je les ai vues ici aussi : la passion, la détermination, mais surtout la peur de perdre, et cela, je le comprends. J’ai essayé de faire en sorte de ne pas vous faire peur, mais je suis restée fidèle à moi-même, fidèle dans mon approche et mes propos. On a tous voyagé, on a tous caressé d’autres territoires. À chaque endroit où nous allons, la langue, c’est la première chose que l’on entend. Parfois, on remarque la différence. C’est la langue qui fait que nous avons une identité, une culture, une relation avec le territoire et aussi des droits, des responsabilités, une histoire, une vie contemporaine, mais aussi des aspirations pour demain.
C’est la même chose ici au Canada. C’est la même chose ici, dans cette belle grande Chambre. Vous avez certainement entendu le président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, quand il est arrivé avec son projet de loi, en 2018, pour faire reconnaître l’inuktitut comme une langue officielle.
Cela n’a pas fonctionné; c’est devenu une loi pour les langues autochtones. Toutefois, pour ce peuple, c’était important. Ce sont eux qui habitent le Nord mais qui sont partout au Canada, mais il s’en est décidé autrement.
Vous comprendrez que j’essaie de parler anglais aussi — des fois c’est du « franglais ». Merci d’être patients avec les mots que j’invente, quand je vois dans vos yeux que vous ne comprenez pas ce que j’ai dit; mais vous êtes patients. Sinon je demande à quelqu’un —
« Pouvez-vous répéter ce que vous dites? »
C’est cela, ma réalité au quotidien; mais je parle aussi français. Je l’ai appris. Comme je l’ai déjà dit, mon papa, c’est le plus beau Québécois, mais ma mère est une Innue. Vous comprendrez que je porte les deux identités. J’ai cette responsabilité. Chaque fois qu’un projet de loi va parler des langues, vous allez m’entendre vous dire que l’innu-aimun, c’est aussi une langue officielle. Cependant, je ne suis pas allée en cour encore; je n’ai pas trouvé d’avocat encore, même si je suis entourée d’avocats. Ce n’est pas à moi de faire cela, c’est à ma nation, aux autres nations, mais aussi à vous.
La communauté internationale aussi va le dire, l’UNESCO va le dire : les langues autochtones, partout dans le monde, même au Canada, sont celles qui sont en situation de vulnérabilité. On va même les classer comme étant à risque, vulnérables, sérieusement en danger, ou tout simplement en situation critique.
Alors, je vous comprends, je vous comprends. J’ai senti que vous me comprenez, mais on n’a pas les mêmes droits. C’est là où on se demande, à l’occasion, comment on va trouver les ponts et les façons de faire afin que nos droits puissent éventuellement se connecter.
Je n’ai pas envie de toujours devoir aller en cour pour que ça arrive. De toute façon, je n’ai pas les moyens, encore moins ma nation. On a trop de causes devant les tribunaux.
C’est aussi la dualité qui m’habite quand je regarde le projet de loi, parce qu’on va défendre le français qui est très important. Je vais remarquer aussi, pour la situation anglophone, la situation de la minorité, c’est la même chose pour les Naskapis, les Inuits, les Cris, à qui on a imposé l’anglais. Mary May Simon, on lui impose l’anglais, et elle n’a pas pu étudier en français, et avec ce qui se passe au Québec, cela devient une autre barrière juridique et systémique. Voilà une autre crainte qui s’ajoute.
Je n’arrête pas de poser la question, confirmez-le-moi, parce qu’on entend l’expression « Charte de la langue française », que ce ne sera pas un outil juridique pour empêcher les nations qui sont en train de constater cela devant les tribunaux au Québec. On me dit non; on me dit oui. Alors, dans les études, ou dans les analyses, ce sera important de s’assurer que cet angle, on l’ajoute, pour être sûr que parfois, on fait des choses, alors que c’est plus tard qu’on réalise qu’on doit s’ajuster. Vous ne pouvez pas me contredire là-dessus. Toutefois, je sais que c’est précieux lorsqu’on est en situation de danger ou de précarité.
Vous avez entendu le sénateur Downe qui trouvait qu’on ratait un moment historique pour ajouter les langues autochtones dans le préambule, ou pour en faire mention à titre de langues fondatrices. Qu’est-ce que cela leur aurait fait? J’ai juste 60 amendements pour vous ce soir là-dessus — c’est une blague innue.
Tout cela pour vous dire que je suis convaincue que dans 10 ans, on va l’ajouter. Il a quelque chose qui me dit qu’on va faire en sorte qu’on va l’attacher. Il y a la Loi sur les langues autochtones, mais elle n’a pas du tout le même mordant que la Loi sur les langues officielles. Les commissaires n’ont pas du tout les mêmes pouvoirs.
Vous allez me dire que ce n’est pas pareil, mais pour moi, c’est pareil. Parce que je suis celle qui a mis fin à l’innu-aimun dans la famille. Cela a fait mal. Il a fallu une enquête sur les femmes et les filles autochtones pour dire, encore une fois : « Allez! Il faut que les provinces, les territoires et le Canada ajoutent dans leur grand livre des langues officielles nos langues autochtones. »
Peut-être que je vais le voir quand je serai un esprit fantôme au Sénat, mais j’aimerais le voir avant. Immédiatement après avoir été nommée, j’ai rencontré la ministre et pendant nos échanges, je lui ai souhaité bonne chance. On a discuté, c’était fort agréable et sympathique, mais il y a quand même quatre choses que je lui ai dites : « Faites en sorte qu’on en parle dans le préambule. C’est important. Les mots sont importants. Les mots font des paragraphes, les paragraphes font des projets de loi, etc. »
Ensuite, elle doit passer le test de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Ce n’est pas évident encore, je ne suis pas sûre, on verra pour ce qui est de l’analyse.
Ensuite, j’ai dit à la ministre : « J’espère que vous vous engagerez, avec votre équipe, avec les gardiens, les linguistes, les technolinguistes et les juristes. Allez les voir et dites-leur où on peut créer des ponts afin de donner plus de dents et s’assurer que quand je vais dans un organisme fédéral, je peux entendre ce qui se passe dans ma langue autochtone, et bien sûr aussi l’anglais ou le français. »
Ce n’est pas arrivé. On me dit que cela devrait être dans la Loi sur les langues autochtones. Je suis convaincue qu’il y aurait eu moyen de créer un équilibre, si on avait eu le temps. On m’a dit qu’ici, nous avons le temps. J’en ai du temps — jusqu’en 2040 —, on aura le temps d’analyser cela en profondeur. Cependant, je vous dis que pour celui-là, c’est arrivé vite — trop vite. À un tel point qu’émotivement, cela a brassé entre amis et collègues. J’ai eu de la difficulté avec cette situation, mais je m’en suis remise après 24 ou 48 heures.
Assurons-nous que lorsqu’on se lève et qu’on parle de réconciliation, qu’on parle de commission royale d’enquête, qu’on parle de commission d’enquête sur les femmes autochtones, de Commission de vérité et réconciliation, les Canadiens et le gouvernement ont ordonné de faire ces choses pour nous donner des projets de société, notamment en matière de langues. Comment harmoniser, comment cohabiter, comment faire en sorte qu’aujourd’hui j’ai 17 ans — même si j’ai 51 ans à cause d’une loi sur les Indiens — et que je puisse aussi avoir ces droits et ces protections qu’on va donner aux communautés minoritaires linguistiques?
J’ai confiance, je suis patiente, mais parfois, je ne le suis pas; mais je ne lâcherai pas, je ne lâcherai pas. Certains de vous me connaissent, si vous ne me connaissez pas, maintenant vous le savez, je ne lâcherai pas.
Alors pour moi, le fait de dire à M. Marc Miller ou au prochain ministre qui a des relations avec les Autochtones, ou au prochain ministre qui a des responsabilités en matière de santé des Autochtones ou de développement économique, qu’on refuse de traduire en langue autochtone une réussite entre la nation et le gouvernement, le succès d’un ministère fédéral, je pense que dans ce cas aussi, il faut l’ajouter dans l’étude pour être sûr que quelqu’un en prend la responsabilité. Si je peux un jour dénoncer quelque chose auprès d’un commissaire, que le commissaire a du poids pour faire de bonnes recommandations, faire en sorte qu’on ne se fasse pas peur quand on veut amender ou donner plus de mordant à cette loi.
J’espère que vous allez revenir. Dites-moi qu’un jour, on va réussir à faire en sorte que les peuples autochtones auront droit à 5 % de musique aux yeux du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, qu’elle ne sera pas considérée comme de la musique étrangère, alors que c’est moi qui vous ai accueillis quand vous êtes arrivés.
[Note de la rédaction : La sénatrice s’exprime en innu-aimun.]
Honorables sénateurs, je n’ai jamais cru, lorsque je grandissais chez nous, que j’aurais l’occasion ce soir, après plusieurs années de vie politique, que ce soit à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick ou au Sénat canadien, de participer au grand débat sur les langues officielles.
Ce que je vais faire ce soir, c’est remémorer certains événements qui ont trait au Nouveau-Brunswick dont j’ai eu connaissance, qui se sont produits partout au Canada et qui impliquaient différents ministres de différents gouvernements.
Honorables sénateurs, je crois que nous ne devons pas oublier une chose. Nous savons tous que développer la nation canadienne a toujours demandé et nécessite toujours des compromis.
Dans quelques semaines, 56 ans se seront écoulés depuis que j’ai été exposé pour la première fois, en 1967, à la question des langues officielles. Lorsque j’ai rencontré, à l’âge de 18 ans, le premier ministre du Nouveau-Brunswick de l’époque, Louis Robichaud, il m’a alors dit qu’il allait m’initier au dossier des langues du Canada, c’est-à-dire l’anglais et le français.
J’aimerais féliciter l’honorable sénatrice Audette, qui parle souvent d’une langue pour les Autochtones, la langue autochtone, parce que je vais aussi faire des commentaires sur ce dossier.
Je prends la parole ce soir sur le projet de loi C-13, Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada, à titre de fier francophone et Canadien.
Le rayonnement des langues française et anglaise et le contexte minoritaire ont toujours été au cœur de mon engagement politique, que ce soit à Ottawa ou à Fredericton, et ce, tout au long de ma carrière, puisque j’ai passé près de 40 ans dans des assemblées législatives.
Honorables sénateurs et sénatrices, je m’en voudrais de ne pas citer deux premiers ministres, c’est-à-dire Louis J. Robichaud, un libéral, et Richard Hatfield, un conservateur, en 1968. Comme l’a si bien dit le ministre Louis J. Robichaud en février 1968, et je cite :
[…] le Nouveau-Brunswick deviendra officiellement et dans la pratique une province dotée de langues officielles, l’anglais et le français, dans le nouveau contexte national […]
Je suis convaincu, disait-il, que la ligne de conduite que le gouvernement du Nouveau-Brunswick s’engage à suivre contribuera énormément à l’unité et au renouveau de notre nation, tout en assurant l’égalité culturelle et linguistique des citoyens de cette province.
Il a encore dit ce qui suit, et je le cite :
Je crois que ce projet de loi est équitable et que si chacun de nous entend le traiter avec équité, le réaliser loyalement et harmonieusement, il assurera une meilleure compréhension au sein du Nouveau-Brunswick.
Je crois que, avec ce que j’ai entendu, ce que j’ai vu et ce que j’ai lu sur le projet de loi C-13 ce soir, honorables sénateurs et sénatrices, il assurera une meilleure compréhension au sein de notre beau pays qu’on appelle le Canada. C’est un pas dans la bonne direction.
Maintenant, je me dois de vous citer l’ancien premier ministre Richard Hatfield, qui a suivi le gouvernement de Louis J. Robichaud et avec qui j’ai eu l’honneur de siéger entre 1982 et 1987 à titre de plus jeune premier ministre à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. J’ai écouté attentivement et j’ai suivi le leadership de Richard Hatfield. Il a prononcé ces mots en 1968, mais ils sont encore très pertinents en 2023. Il a dit ceci, et je cite :
Notre attitude envers le changement ne devrait pas en être une de rejet du passé et d’un siècle d’expériences; elle ne devrait pas non plus être fondée sur la conservation du passé simplement parce qu’il existe. Nous devrions plutôt chercher à déterminer les domaines où le changement peut être nécessaire dans les structures et les institutions nationales.
Honorables sénateurs et sénatrices, le projet de loi C-13 est un « pas dans la bonne direction ». Il deviendra aussi une feuille de route importante pour la protection des deux langues officielles du Canada. Il n’y a aucun doute dans mon esprit : cette loi permettra de développer notre culture et nos langues partout au Canada.
Néanmoins, je crois, honorables sénateurs et sénatrices, que le grand défi sera pour ceux qui seront responsables de l’administration et de la mise en vigueur du projet de loi C-13.
Honorables sénateurs, j’aimerais vous donner un aperçu de l’évolution du dossier des deux langues officielles du Nouveau-Brunswick depuis 1969.
En 1969, le Nouveau-Brunswick promulgue sa première loi sur les langues officielles, sous le gouvernement du premier ministre Louis J. Robichaud.
Fait important, en 1970, le premier ministre Richard Hatfield prend des mesures pour mettre en œuvre cette loi.
Le 17 juillet 1981, l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick promulgue la Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick.
En 1982, la Charte canadienne des droits et libertés est promulguée.
Honorables sénateurs, la Charte canadienne des droits et libertés a été modifiée en 1993 afin d’y inscrire le principe qui sous-tend la Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick.
Le 4 juin 2002, sous le leadership du premier ministre Bernard Lord, un nouveau projet de loi sur les langues officielles est présenté à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Il est adopté à l’unanimité trois jours plus tard. Honorables sénateurs, la nouvelle loi sur les langues officielles avait une portée bien plus vaste que celle de 1969.
Le gouvernement Lord a aussi créé le poste de commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick.
Chers collègues, j’aimerais faire quelques commentaires sur les langues autochtones; je m’en voudrais de ne pas le faire. J’ai remarqué que plusieurs de mes collègues autochtones ont des préoccupations par rapport aux Premières Nations et au projet de loi C-13.
Honorables sénateurs, j’ai remarqué que plusieurs questions ont été posées lors des audiences du Comité sénatorial permanent des langues officielles, de même qu’ici au Sénat, sur l’impact du projet de loi C-13 en ce qui a trait aux langues autochtones.
La sénatrice Clement et la sénatrice Audette ont raison de soulever des inquiétudes. Selon moi, les réponses qu’a données la ministre Petitpas Taylor et les fonctionnaires de son ministère ont certainement atténué — enfin, je crois — les inquiétudes envers le projet de loi C-13. Il faudra suivre tout cela attentivement.
De plus, le commissaire aux langues officielles du Canada et les deux ministres ont répondu au comité aux questions des sénateurs. Il est à noter aussi, honorables sénateurs, que le sénateur Gold a répondu avec justesse aux questions fort opportunes de cette Chambre et a donné quelques précisions, surtout sur le plan constitutionnel. Merci, monsieur le sénateur Gold.
Pour moi, il est clair et précis que les dispositions contenues dans ce projet de loi ne mineront pas la Loi sur les langues autochtones. Nous devons continuer de nous rallier aux Autochtones pour faire progresser la Loi sur les langues autochtones dans notre pays.
Honorables sénateurs et sénatrices, au cours des dernières années, nous avons appuyé la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Honorables sénateurs et sénatrices, nous avons aussi appuyé la Loi sur les langues autochtones, qui est entrée en vigueur le 21 juin 2019.
Honorables sénateurs et sénatrices, un examen indépendant de la loi doit se tenir aux cinq ans, dont cette année.
Nous, peuple de l’Acadie... Il n’y a aucun doute dans mon esprit que mes confrères et consœurs de l’Acadie, les Acadiens et Acadiennes, sont solidaires des Premières Nations, et nous serons heureux de travailler à bonifier la Loi sur les langues autochtones.
Honorables sénateurs, je suis honoré d’avoir l’occasion de féliciter le Comité sénatorial permanent des langues officielles de son dévouement et de sa ténacité pour avoir conclu l’étude du projet de loi C-13. Celui-ci a été adopté récemment par nos collègues de l’autre endroit, avec 300 votes pour et 1 vote contre. Ils ont fait preuve d’un grand leadership en représentant tout le pays, peu importe où ils vivent.
Honorables sénateurs et sénatrices, j’aimerais également porter à votre attention le fait que le parrain et la porte-parole du projet de loi C-13, le sénateur Cormier et la sénatrice Poirier, qui ont cette loi tant à cœur, sont originaires du Nouveau-Brunswick. Nous sommes fiers de leur compassion.
Sénateur Cormier et sénatrice Poirier, vous avec présenté des arguments probants, convaincants et solides sur le projet de loi C-13.
La ministre Petitpas Taylor est également originaire du Nouveau-Brunswick. À vous trois, je vous dis merci. Merci pour votre vision nationale des langues officielles dans notre pays.
En conclusion, chers collègues, je vous demande d’être solidaires des Acadiens, des Acadiennes, des Brayons et de la communauté francophone du Canada et d’appuyer cette loi qui permettra de moderniser nos institutions et de franchir une étape de plus vers le développement de nos futures langues officielles.
De plus, en tant que parlementaire, j’ai toujours respecté le rôle que joue le Québec dans le domaine de la francophonie canadienne, non seulement ici, au Canada, mais aussi partout en Amérique du Nord.
Honorables sénateurs, je me pose toujours ces deux questions : qu’est-ce que je ferais? Qu’est-ce que cela veut dire? Voici les réponses à d’autres questions que je me pose : est-ce que le projet de loi est un pas dans la bonne direction? La réponse est oui. Est‑ce que le projet de loi aurait pu aller plus loin? La réponse est oui. Est‑ce que la situation des francophones acadiens et acadiennes sera meilleure avec cette loi que sans? La réponse est également oui. Est-ce que le projet de loi freinera le déclin du français au Canada? Espérons-le.
Je crois fermement que plusieurs des actions ou des mesures qui seront prises dépendront de la mise en œuvre du projet de loi, notamment la réglementation et les pouvoirs du commissaire aux langues officielles. C’est dans cet esprit que j’ai participé aux travaux du comité et que je vous demande d’appuyer le projet de loi C-13, parce que c’est une feuille de route pour nos enfants, nos petits-enfants et pour l’avenir des Canadiens et des Canadiennes en général, d’un océan à l’autre.
Honorables sénateurs, nous allons dans la bonne direction. Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-13, que les francophones d’un bout à l’autre du Canada attendent depuis de nombreuses années.
Je tiens à remercier le parrain, le sénateur Cormier, la porte-parole, la sénatrice Poirier, ainsi que mes collègues du Comité permanent des langues officielles.
Je remercie les témoins, les groupes qui ont soumis des mémoires, et le personnel de soutien. Ce projet de loi est attendu depuis longtemps. Je suis d’accord avec le sénateur Mockler : une grosse somme de travail consciencieux a été accomplie.
Le projet de loi modernise la Loi sur les langues officielles. Il établit une cible d’immigration fort nécessaire pour soutenir les communautés francophones en situation minoritaire. Il accorde au commissaire aux langues officielles des pouvoirs élargis bien nécessaires. Il accorde à la présidente du Conseil du Trésor un rôle de leadership mieux défini — un rôle que les organismes francophones réclament depuis longtemps.
Je suis francophone. J’ai des racines au Québec, en Ontario et au Manitoba. J’ai eu le privilège de vivre, de travailler et d’étudier dans ma langue maternelle. J’ai des liens professionnels de longue date avec de nombreux témoins et défenseurs qui ont contacté le comité au cours de l’étude préalable du projet de loi.
Ma francophonie est au cœur de mon identité complexe.
J’appuie le projet de loi C-13.
Mais — et vous saviez qu’il y aurait un « mais » — nous avons raté l’occasion d’aller encore plus loin en nous appuyant sur nos obligations et nos engagements envers les peuples autochtones et envers notre pays.
La politique est une affaire personnelle. Cette question me touche personnellement. Je parle ici des relations que j’ai nouées ces dernières années avec des militants, des enseignants et des dirigeants extraordinaires.
Tout a commencé par une réunion avec le commissaire aux langues autochtones, Ronald Ignace, et les directeurs du Bureau du commissaire, Robert Watt, Georgina Liberty et Joan Greyeyes. Je voulais savoir comment je pouvais soutenir le travail de ce bureau nouvellement créé.
En réalité, j’espérais obtenir une orientation. Je savais que la protection, la promotion et la revitalisation des langues autochtones me tenaient à cœur, mais je ne savais pas comment je pouvais être utile.
Il est rapidement devenu évident que le commissaire et les directeurs n’allaient pas me donner de feuille de route pour me rallier à leur cause.
Ils m’ont dit d’aller de l’avant et de faire le travail que je devais faire. C’est alors que j’ai su que je ferais des erreurs. J’allais dire et faire ce qu’il ne fallait pas. Cependant, je savais que la crainte de faire des erreurs ne devait pas me retenir ni m’empêcher de faire de mon mieux pour devenir une alliée.
Cette première rencontre est à l’origine d’une grande partie de mon travail depuis lors.
Le groupe de travail des sénateurs autochtones m’a accueillie à l’une de ses réunions, où nous avons discuté de mon souhait d’étudier la dynamique et la relation entre les langues officielles et les langues autochtones au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Ils m’ont écoutée attentivement et respectueusement. J’ai beaucoup apprécié le temps que l’on m’a donné pour tenir cette conversation.
Puis, l’été dernier, j’ai visité le Akwesasne Language Centre, l’Akwesasne Freedom School et le Native North American Traveling College, qui ne sont que quelques-unes des organisations à Akwesasne qui veillent à la protection, à l’épanouissement et au rayonnement du mohawk d’une façon novatrice, enthousiaste et efficace.
J’ai rencontré Donna, Alice, Theresa, Dorothy, Mary, Joanna, Alvera, Rebecca, Kahente, Iakonikonriiosta et Nanci.
J’ai découvert leur travail de traduction et de création de vidéos musicales, d’élaboration de programmes scolaires, d’affiches, de livres et de sites Web en mohawk. J’ai vu par hasard un camp d’été pour enfants qui aide les jeunes à faire des liens entre la géographie et leur langue, en reliant les noms de lieux en mohawk.
J’ai entendu dire que les difficultés sont souvent causées par un manque de financement et d’espace.
J’ai raconté à ces nouveaux collègues mon histoire et ce que j’espérais accomplir au Sénat.
En février, j’ai accueilli au Sénat ces mêmes groupes, quelques nouveaux amis et des membres estimés du Conseil des Mohawks d’Akwesasne, dont le grand chef Abram Benedict. C’était pour moi un honneur qu’ils viennent à Ottawa et que le sénateur Francis puisse se joindre à nous.
Nous avons eu des discussions profondes sur leur travail et le mien. Ils ont posé des questions qui ont éclairé mon examen du projet de loi C-13. Les questions incluaient les suivantes : pouvons-nous utiliser la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pour renforcer les lois protégeant les langues autochtones? Que peuvent faire les Autochtones pour se faire entendre? Notre langue autochtone reste-t-elle pleinement nôtre si elle est inscrite dans le droit canadien? Faisons-nous confiance au gouvernement? Quels risques sommes-nous prêts à prendre après tout ce que nous avons déjà perdu?
J’ai aussi eu la chance de poser des questions, y compris pour savoir si je prononçais bien nia:wen — merci — après toutes ces années.
J’ai eu l’honneur de montrer à mes invités la plaque de laiton qui est fixée à l’extérieur de mon bureau. Certains d’entre vous savent peut-être qu’il n’y a pas eu de plaque sur la porte de mon bureau pendant environ un an et demi. Il était important pour moi que la plaque reflète la réalité du Canada, qu’elle reflète ma réalité en tant que sénatrice de l’Est de l’Ontario dont la ville se trouve sur le territoire traditionnel des Mohawks.
Je voulais que les mots « sénatrice » et « Ontario » soient ajoutés en mohawk sur ma plaque. Honorables collègues, je ne suis pas Autochtone, mais je suis une alliée. Je ne parle pas le mohawk, mais je défends les personnes qui parlent le mohawk. J’ai eu le droit de parler ma langue maternelle tout au long de ma vie. Je continue à défendre les intérêts de ceux qui n’ont pas eu ce droit.
Il n’a pas été facile d’ajouter le mohawk à ma plaque. Heureusement, la députée Lori Idlout et la sénatrice Michèle Audette ont créé un précédent. Si j’ai pu honorer ma communauté d’origine sur ma plaque, c’est parce que d’autres ont ouvert la voie avant moi. Cette plaque représente la pluralité linguistique, la solidarité et mon engagement à collaborer.
D’ailleurs, j’ai entendu dire que d’autres collègues, la sénatrice Pate et le sénateur Francis, explorent également cette voie. Je les félicite.
Grâce au travail des traducteurs d’Akwesasne, ma plaque porte la mention Ierihwakétskwas, qui signifie « celle qui soulève des questions ». J’adore cette inscription. Il est de ma responsabilité de soulever cette question : les langues autochtones méritaient de l’attention, de la promotion et des amendements dans le projet de loi C-13. Aucun témoin n’a comparu devant le comité pour discuter des langues autochtones, bien que certaines organisations et personnes aient figuré sur la liste de témoins proposés.
Deux organismes ont même soumis un mémoire au Comité des langues officielles de la Chambre des communes : l’Assemblée des Premières Nations et le Sommet des Premières Nations. Ils ont fait valoir que la Politique sur les langues officielles — une politique colonialiste — a une réelle incidence sur leurs collectivités.
Je vais vous donner quelques exemples d’obstacles créés par cette politique et de l’incidence de celle-ci. Ce n’est pas une liste exhaustive. Nous ne pourrons réellement comprendre tout le contexte que si une étude en bonne et due forme est effectuée.
Premièrement, seule l’utilisation de l’anglais et du français est garantie pour les affaires du Parlement. La traduction et la publication des délibérations en langues autochtones ne sont pas prescrites par la loi.
Deuxièmement, de nombreux postes au sein de la fonction publique exigent la connaissance des deux langues officielles. Or, de nombreux Autochtones n’ont jamais eu l’occasion d’apprendre les deux et s’opposent d’ailleurs au fait qu’on s’attende à ce qu’ils apprennent non pas une, mais deux langues coloniales. Cela fait obstacle à leur pleine participation à la fonction publique et à l’obtention de promotions au sein de celle-ci.
De plus, nous savons que beaucoup d’écoles situées dans les collectivités autochtones ne reçoivent pas un financement équitable. Si des élèves souhaitent effectivement apprendre l’anglais ou le français comme deuxième ou troisième langue, bien souvent, il n’y a pas suffisamment de ressources pour le leur permettre.
Enfin, la Loi sur les langues autochtones ne jouit pas des mêmes dispositions d’application que la Loi sur les langues officielles. Ce n’est là qu’un échantillon. Le Sénat doit bientôt prendre le temps de discuter de cette incidence.
Ce qui me frappe, cependant, c’est le parallèle entre les communautés de langues officielles en situation minoritaire et les communautés autochtones. Je citerai les mémoires présentés par l’Assemblée des Premières Nations et le First Nations Summit, et je soupçonne que les francophones hors Québec et les anglophones du Québec se reconnaîtront dans ces mots : « La langue est essentielle à la santé, au bien-être et à la prospérité. »
Ils se reconnaîtront également dans ce qui suit : « Nos langues sont fondamentales pour nos nations et nos histoires. »
Je ne prétendrai pas que les peuples autochtones et les communautés de langue officielle en situation minoritaire ont vécu la même expérience. Loin de là. Pourtant, si je souligne ces liens, c’est parce que les francophones ont mené et mènent encore des combats pour préserver et protéger leur langue. Il y a une réelle familiarité partagée avec la douleur qui accompagne la perte de la langue et, je l’espère, une unité partagée dans la lutte pour la préservation de la langue.
Je pense que nous sommes plus forts lorsque nous travaillons ensemble, et je pense que l’établissement de liens entre toutes ces communautés nous aidera à élaborer et à mettre en œuvre une meilleure politique linguistique pour nous tous.
La sénatrice Audette et moi, en collaboration avec la sénatrice Greenwood, avons proposé des amendements au projet de loi C-13, des amendements qui visaient à inclure une référence à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, à reconnaître que les langues autochtones sont les premières langues du territoire canadien et à exiger du Conseil du Trésor qu’il trouve des façons de faire la promotion de l’utilisation des langues autochtones au sein de la fonction publique.
Tous ces amendements ont été rejetés.
On me l’a déjà demandé et je suis certaine qu’on me le demandera encore : pourquoi parle-t-on des langues autochtones alors qu’il est question d’un projet de loi sur les langues officielles?
Mon amie la sénatrice Audette s’est exprimée avec éloquence à ce sujet lundi soir. Voici ce qu’elle a dit :
On parle des langues officielles qui sont le français et l’anglais, mais les locuteurs des langues autochtones n’ont même pas pu participer au débat pour dire qu’ils font aussi partie des langues officielles de ce beau grand pays.
Les discussions sur les langues officielles doivent inclure les langues autochtones, les premières langues utilisées à l’origine sur le territoire canadien. Il faut inclure les experts des langues autochtones, les leaders autochtones et les gardiens du savoir. C’est une question de respect et de reconnaissance de l’histoire et des impacts qui perdurent de nos jours. Je dois souligner que la Loi sur les langues autochtones et la création du poste de commissaire aux langues autochtones représentent d’énormes avancées.
Le travail qui est fait et qui continuera d’être accompli grâce à cette loi et au commissariat aura un impact important. Cependant, les progrès ne devraient pas s’arrêter là et nous empêcher d’essayer de comprendre les interactions entre la politique sur les langues officielles et les langues autochtones.
Je respecte le contexte de notre étude du projet de loi C-13. Les communautés francophones attendent depuis des années une mise à jour du régime linguistique canadien et, en tant que francophone, j’ai moi aussi attendu des années. C’est là que l’intersectionnalité devient douloureuse : je dois trouver un équilibre entre mon héritage et mon besoin d’être une alliée.
J’entends le sentiment d’urgence et je n’y ai pas fait d’obstacle, mais j’espère que nous avons ouvert la porte à d’autres conversations, non seulement au Comité des langues officielles, mais aussi au Sénat et dans nos activités, dans nos communautés.
Je voudrais citer l’observation préparée par la sénatrice Greenwood, la sénatrice Audette et moi-même :
Les peuples autochtones au Canada, ayant leurs expériences et histoires uniques, s’attendent à ce que le gouvernement du Canada remplisse ses engagements envers eux tels qu’élaborés et adoptés dans la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dans les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, dans les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées, ainsi que dans la Loi sur les langues autochtones.
La LLO n’existe pas en vase clos. Chaque loi approuvée par le Parlement du Canada est une occasion pour la vérité, la réconciliation et l’action, ainsi que pour s’éloigner de politiques coloniales néfastes.
Chaque projet de loi est une occasion de réconciliation. Aucun projet de loi, aucune politique n’existe en vase clos. Nous avons tous des communautés d’origine sur des territoires autochtones traditionnels. Nous avons tous la possibilité de nouer des relations. Je promets de continuer à le faire. Travaillons ensemble sur ce dossier.
Merci, nia:wen.
Merci, Votre Honneur, et félicitations pour vos nouvelles fonctions.
Honorables sénateurs, j’ai un souvenir de jeunesse que je souhaite vous raconter ce soir.
C’était un après-midi ensoleillé, un après-midi albertain. Je suis rentrée après avoir joué dehors et j’ai trouvé mon père assis à la table de la cuisine en train d’écrire son nom, encore et encore. Je pouvais voir sa signature sur la page à plusieurs reprises. Je lui ai demandé : « Qu’est-ce que tu fais? » Et il m’a répondu : « J’écris en bon anglais. »
J’ai souvent pensé à ce souvenir, et il me rend triste.
Mon père n’a été à l’école que jusqu’en sixième année, nous pensons. La vie et l’école lui ont appris à ne pas communiquer dans sa première langue, le cri. Mon père pensait que c’était ce qu’il y avait de mieux pour son propre bien. Mon père croyait que parler un bon anglais signifiait assurer la sécurité de ses enfants.
Mon père ne m’a jamais appris à parler le cri. L’expérience coloniale a atteint son but.
Honorables sénateurs, je suis...
[Note de la rédaction : La sénatrice Greenwood s’exprime dans une langue autochtone.]
... du territoire du Traité no 6. Je vous fais connaître mon nom indien afin de mettre en contexte ce que je dis. Je prends la parole aujourd’hui pour la première fois...
... depuis que j’ai été nommée à cette honorable Chambre.
Je commence en saluant les ancêtres et les territoires non cédés du peuple algonquin anishinabe. Je leur exprime ma gratitude pour avoir le privilège de travailler et de vivre sur leurs terres.
Je salue aussi les nombreuses personnes qui m’ont appuyée dans mon périple jusqu’à la Chambre rouge. Ce n’est que grâce à l’amour de ma famille, de ma communauté, de mes amis et de mes collègues que je suis ici aujourd’hui.
Je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois. Je salue le comité et tous ceux qui ont travaillé si fort pour façonner ce projet de loi.
Je tiens aussi à remercier personnellement les sénatrices Audette et Clement de s’être fait les championnes des droits des peuples autochtones dans le cadre de ce projet de loi.
Vous avez déjà probablement entendu une bonne partie de ce que je m’apprête à dire ce soir, mais qu’il en soit ainsi.
D’autres estimés collègues ont parlé de l’importance de la langue dans leur culture et leur mode de vie.
Pendant un débat précédent au sujet de ce projet de loi, le sénateur Cormier avait cité un extrait de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Ford c. Québec :
Le langage n’est pas seulement un moyen ou un mode d’expression. Il colore le contenu et le sens de l’expression. [...] C’est aussi le moyen par lequel on exprime son identité personnelle et son individualité.
Ces propos tirés de la décision sont très touchants, et je cite :
[...] qu’il ne peut y avoir de véritable liberté d’expression linguistique s’il est interdit de se servir de la langue de son choix.
Honorables sénateurs, je suis ici pour contribuer à cette discussion. Il y a une riche diversité linguistique partout sur le territoire qu’on appelle aujourd’hui le Canada. Pourtant, ce ne sont pas toutes les langues qui jouissent des mêmes privilèges et protections. Cette hiérarchie met en évidence une injustice. Le Parlement et, par extension, le Sénat ont été à l’origine de nombreuses injustices tout au long de l’histoire de notre pays. Le Sénat a aussi fait des efforts pour corriger ces injustices.
Je crois que le Sénat se doit de remédier à l’injustice chaque fois que c’est possible. C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis ici. Nous pouvons remédier à l’injustice qui consiste à privilégier certaines langues par rapport à d’autres.
Je veux prendre un instant pour réfléchir à la nature de la langue. La langue exprime notre façon de penser et d’évoluer dans le monde. La langue façonne notre réalité. La langue, c’est la culture. La langue permet de transmettre notre mode de pensée et de vie d’une génération à l’autre. La langue crée des visions du monde profondément différentes.
De nombreuses langues autochtones sont ancrées dans des traditions orales en constante évolution. Elles tissent des liens entre les humains et le monde naturel. Ces relations sont sacrées. Ce sont des relations caractérisées par des sons particuliers, par le silence et par des mots réfléchis qui reflètent les terres où les langues autochtones ont toujours été enracinées.
Imaginez le son du grand héron lorsqu’il sort de l’eau. Imaginez le sifflement aigu de l’aigle qui plane au-dessus de votre tête, le bruissement des quenouilles glacées dans le vent printanier et le jappement aigu du coyote.
Ces sons sont intégrés dans les langues autochtones. Nos sons incarnent la relation entre les humains et la terre. Des sons spécifiques sont propres à des lieux et à des espaces spécifiques. Ce sont les lieux et les espaces de l’île de la Tortue.
Nos langues sont les premières langues de cette terre qu’est l’île de la Tortue. Mais ces premières langues sont en crise. Nous sommes en train de perdre de nombreuses langues autochtones sur l’île de la Tortue. Lorsqu’une langue disparaît, une façon de comprendre le monde et d’exister dans le monde disparaît aussi.
La colonisation est responsable de cette perte. Cette sombre histoire appartient à tous les habitants de l’île de la Tortue. Même avant la Confédération, des enfants et des familles autochtones de plusieurs générations ont subi des efforts d’éradication de leurs langues dans les pensionnats et les externats. Souvent, les enfants étaient battus pour avoir parlé leur langue.
Les peuples autochtones n’ont pas le privilège de voir leurs langues reconnues comme langues officielles sur leur propre territoire. Récemment, le Canada a pris des mesures importantes en faveur de la réconciliation; il a aussi présenté des excuses au sujet des pensionnats. En 2015, la Commission de vérité et réconciliation a publié ses appels à l’action, qui invitent le gouvernement fédéral à « reconnaître que les droits des Autochtones comprennent les droits linguistiques autochtones ».
En 2019, la Loi sur les langues autochtones a reçu la sanction royale et les langues autochtones ont été reconnues comme les premières langues du pays. La même année — comme la sénatrice Audette le sait — l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a publié son rapport final et ses appels à la justice. L’appel à la justice 2.2 se lit comme suit :
Nous demandons à tous les gouvernements de reconnaître les langues autochtones comme langues officielles, et de veiller à ce qu’elles bénéficient du même statut et des mêmes protections que le français et l’anglais [...]
En 2021, le Canada a adhéré à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. La déclaration contient de nombreux articles concernant les langues autochtones.
Cela nous amène à aujourd’hui. Cela nous amène aux efforts déployés par nos collègues parlementaires pour faire avancer la cause de la réconciliation. Le projet de loi C-13 reconnaît la richesse de la diversité linguistique. Mais toutes les langues n’ont pas les mêmes privilèges en tant que langues officielles. La Loi sur les langues officielles n’existe pas en soi.
Chaque projet de loi qui passe par cette enceinte est une occasion de vérité, de réconciliation et d’action. Chaque texte législatif adopté par le Sénat est une occasion de s’éloigner des politiques colonialistes néfastes du passé. Le projet de loi C-13 nous offre l’occasion de nous attaquer à certaines de ces politiques. Le projet de loi C-13 reconnaît l’existence des langues autochtones, mais, contrairement à la Loi sur les langues autochtones, il ne les reconnaît pas en tant que premières langues. Des sénateurs ont tenté de l’amender afin d’y inclure cette reconnaissance. Cela aurait représenté un pas important vers la réconciliation. Malheureusement, cet amendement a été rejeté.
On a aussi proposé des amendements pour reconnaître l’engagement du Canada à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. La Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones fournit une feuille de route au gouvernement du Canada et aux peuples autochtones pour qu’ils travaillent ensemble à la mise en œuvre de la Déclaration. Cette loi contient de nombreux articles qui expliquent l’importance des langues autochtones, y compris l’article 13, qui dit ceci :
1. Les peuples autochtones ont le droit de revivifier, d’utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie, leur système d’écriture et leur littérature, ainsi que de choisir et de conserver leurs propres noms pour les communautés, les lieux et les personnes.
Cette loi est conçue de manière à ce que l’ensemble des lois fédérales tiennent compte de cette déclaration. Malheureusement, cette proposition d’amendement a aussi été rejetée.
De nombreux arguments ont été avancés pour dire qu’au lieu de modifier la Loi sur les langues officielles, nous devrions modifier la Loi sur les langues autochtones. La Loi sur les langues officielles ne doit pas être dissociée des objectifs de la réconciliation. La modification de la Loi sur les langues officielles pourrait permettre de renforcer l’utilisation des langues autochtones ici, au Parlement. La modification de cette loi pourrait renforcer l’utilisation des langues autochtones dans la fonction publique. En outre, la modification de cette loi pourrait faire savoir aux Canadiens que le gouvernement prend au sérieux l’avancement de la réconciliation.
La mise en œuvre de l’appel à la justice no 2.2, qui consiste à reconnaître les langues autochtones comme langues officielles bénéficiant du même statut et de la même protection que le français et l’anglais, est une étape fondamentale sur la voie de la réconciliation. J’espère que vous vous en rendez compte, Michèle, alors que nous siégeons toutes deux ici. En élevant les langues autochtones, nous ne supprimons pas le français ou l’anglais. Ce n’est pas la raison d’être des langues officielles. Toutefois, en valorisant les langues autochtones, nous éliminons certains des obstacles à la réconciliation.
Il est de ma responsabilité, en tant que sénatrice, de faire avancer la cause de la réconciliation chaque fois que cela est possible, y compris aujourd’hui et tous les jours.
Que faire maintenant? Je vous lance une invitation. Si les sénateurs croient vraiment que le projet de loi C-13 n’est pas le projet de loi qu’il convient d’amender, et qu’il devrait être adopté, alors je les invite, en tant que parlementaires, à adopter rapidement avec moi un projet de loi qui créera une véritable égalité pour les langues autochtones de notre pays.
Honorables sénateurs, je vous remercie de m’avoir accordé ce temps de parole et j’aimerais vous laisser sur une dernière citation des commissaires de la Commission royale sur les peuples autochtones :
Le Canada est le terrain d’essai d’une noble idée — l’idée selon laquelle des peuples différents peuvent partager des terres, des ressources, des pouvoirs et des rêves tout en respectant leurs différences. L’histoire du Canada est celle de beaucoup de ces peuples qui, après bien des tentatives et des échecs, s’efforcent encore de vivre côte à côte dans la paix et l’harmonie.
Je me réjouis à l’idée de continuer à travailler avec vous, mes collègues sénateurs, pour que justice soit faite.
Hiy hiy.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture en tant que porte-parole du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
D’entrée de jeu, j’aimerais remercier mes collègues du Comité sénatorial permanent des langues officielles, qui ont travaillé très fort lors de notre étude préalable et de notre étude du projet de loi.
Nous avons une belle relation de travail au sein du comité et je suis fière de tout le travail que nous avons fait ensemble pour les Canadiens. Chers collègues, maintenant que nous en sommes à l’étape de la troisième lecture, je me concentrerai un peu plus sur certains amendements concrets que le projet de loi C-13 propose d’apporter à la Loi sur les langues officielles ainsi que sur la nouvelle Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale.
Comme je l’ai indiqué dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, la dernière modification majeure de la Loi sur les langues officielles est survenue en 1988. Déjà, à pareille date, 17 ans après l’adoption de la Loi sur les langues officielles, le besoin de révision était nécessaire, comme l’indique le discours du Trône à l’ouverture de la 33e législature :
Le bilinguisme officiel est un élément essentiel de notre identité nationale. Dix-sept ans après son adoption, la Loi sur les langues officielles a maintenant besoin d’être révisée. Des mesures législatives vous seront donc proposées pendant la session en vue notamment de la rendre conforme aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés.
Nous voici, 35 ans après cet engagement du gouvernement Mulroney et la refonte successive, avec la possibilité de renforcer la Loi sur les langues officielles et de poursuivre la marche vers l’égalité réelle entre le français et l’anglais. En septembre 1969, au micro de Simon Durivage de Radio-Canada, au sujet de l’entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles, on indiquait déjà qu’il y avait un grand pas à franchir entre l’interprétation de la loi et son application.
Force est de constater qu’aujourd’hui, 53 ans plus tard, le pas n’est pas pleinement franchi et que le projet de loi C-13 nous propose un moyen de s’approcher de cet objectif.
Je me permets de commencer, honorables collègues, par la coordination de la Loi sur les langues officielles. Comme certains d’entre vous le savent peut-être, des intervenants réclament depuis des années une meilleure coordination de la loi. Comme je l’ai dit dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, le consensus s’est construit autour de la responsabilité du Conseil du Trésor dans la coordination de la loi. Toutefois, la manière d’y parvenir n’est pas aussi simple qu’on pourrait le penser.
Dans son livre blanc intitulé Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada, le gouvernement semble prendre l’engagement de faire du Conseil du Trésor le ministère responsable de la coordination à l’échelle du gouvernement. À la page 26, on trouve la proposition législative suivante :
Renforcer et élargir les pouvoirs conférés au Conseil du Trésor, notamment celui de surveiller le respect de la partie VII de la Loi, le cas échéant, en accordant au Secrétariat du Conseil du Trésor les ressources nécessaires pour assumer le rôle d’organisme central chargé de veiller à la conformité des institutions fédérales et en examinant les cas où les dispositions permissives seraient rendues obligatoires.
Lorsque le projet de loi C-13 a été présenté, la coordination pangouvernementale a été confiée au ministre du Patrimoine canadien, en dépit de l’engagement pris par le gouvernement de la confier au Conseil du Trésor. Il était ahurissant que, après que la majorité des intervenants — y compris votre comité — ait recommandé au gouvernement de charger le Conseil du Trésor de la coordination de la loi, le gouvernement ait décidé de faire fi de cette recommandation. Heureusement, le comité de l’autre endroit s’est assuré que le gouvernement respecterait son propre engagement, qu’il a pris dans son livre blanc, en amendant le projet de loi C-13.
Permettez-moi, chers collègues, de donner un exemple concret des raisons pour lesquelles nous avons besoin de renforcer le Conseil du Trésor. En 2017, le gouvernement a mis sur pied la Banque de l’infrastructure du Canada. Or, dès sa création, on a vu un manque de leadership pour assurer que cette institution soit au fait de ses engagements linguistiques concernant le service au public dans les deux langues officielles.
Comme le commissaire aux langues officielles l’a dit dans son rapport annuel de 2018-2019 :
Nous avons besoin de la participation active et de l’apport de tous les joueurs autour de la table pour atteindre les objectifs de la Loi et continuer à faire progresser le dossier des langues officielles. Dans cette optique, le commissaire incite le Secrétariat du Conseil du Trésor à jouer un rôle accru en fournissant un encadrement continu aux institutions fédérales, particulièrement à celles nouvellement créées qui ne sont pas encore au fait de leurs obligations en matière de langues officielles.
Comme vous le voyez, le commissaire incite le Secrétariat du Conseil du Trésor à jouer un rôle plus actif auprès des institutions fédérales. Cela me ramène encore une fois au sujet du leadership dont j’ai discuté lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture. Puisqu’on lui a confié la coordination de la Loi sur les langues officielles, le Conseil du Trésor pourra exercer un leadership plus fort. Le langage sera plus clair. On en a discuté lors du témoignage de la ministre des Langues officielles, l’honorable Ginette Petitpas Taylor, et de la présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier. Le Conseil du Trésor jouera ce rôle, alors que Patrimoine canadien continuera d’être davantage sur le terrain.
Cependant, des inquiétudes persistent. L’observation suivante, que contient le rapport de votre Comité des langues officielles le montre bien :
Cependant, votre comité constate que plusieurs témoins, dont le commissaire aux langues officielles, ont fait valoir l’importance pour le gouvernement fédéral de se doter d’un mécanisme efficace et intégral de surveillance de la mise en œuvre de la LLO. Ce mécanisme devrait permettre d’évaluer la conformité aux différentes dispositions de la LLO par les entités assujetties et d’être muni d’indicateurs désignant notamment, le poids démographique des minorités francophones et le dénombrement des ayants droit.
Cette observation indique clairement au gouvernement quelles sont les attentes du comité et des communautés linguistiques en situation minoritaire. Il est impératif que le gouvernement puisse bien évaluer la mise en œuvre de la loi, afin que, dans 10 ans, lors de sa révision, nous puissions l’ajuster là où le besoin l’exige.
De plus, la partie VII de la loi a été contestée à de nombreuses reprises devant les tribunaux. Pour résumer, la partie VII précise que le gouvernement doit prendre des mesures positives pour promouvoir la vitalité des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire au Canada. C’est là que le bât blesse : il manque des détails sur ce qu’est une mesure positive et sur la manière dont le gouvernement doit procéder pour prendre de telles mesures. Encore une fois, c’était une partie où des précisions s’imposaient pour que les parties prenantes comprennent à quoi elles peuvent s’attendre du gouvernement fédéral et quelles sont ses obligations.
Lorsque nous discutons de la partie VII de la loi, je pense qu’il est important de nous rappeler que le gouvernement fédéral s’engage :
[...] à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.
L’engagement du gouvernement fédéral est modifié, mais seulement en ajoutant la prise en compte du caractère unique de toutes les minorités linguistiques au Canada. La culture et la réalité des francophones vivant à Halifax, en Nouvelle-Écosse, sont bien différentes de celles des anglophones vivant à Sherbrooke, au Québec, lesquelles seront toutes différentes de celles des francophones du Manitoba. Cela dit, cet article insiste également sur ce qu’elles ont en commun, c’est-à-dire un engagement de la part du gouvernement fédéral à favoriser leur épanouissement.
Comment le gouvernement fédéral favorisera-t-il l’épanouissement des communautés linguistiques minoritaires? En appliquant des mesures positives. Les modifications à la partie VII de la Loi sur les langues officielles prévues dans le projet de loi C-13 énumèrent les secteurs dans lesquels des mesures positives pourraient viser :
[…] à appuyer des secteurs essentiels à l’épanouissement des minorités francophones et anglophones, notamment ceux de la culture, de l’éducation — depuis la petite enfance jusqu’aux études postsecondaires —, de la santé, de la justice, de l’emploi et de l’immigration, et à protéger et à promouvoir la présence d’institutions fortes qui desservent ces minorités.
À l’avenir, le gouvernement devrait avoir une idée plus précise des secteurs essentiels à notre épanouissement. En outre, le comité de l’autre endroit a renforcé les dispositions relatives aux exigences de consultation. Le projet de loi C-13 propose maintenant que les mesures positives prises par des institutions fédérales soient fondées sur des analyses résultant d’activités de dialogue, de consultation et de recherche, et que ces activités de dialogue permettent de prendre en compte les priorités des minorités francophones et anglophones.
Comme je l’ai mentionné dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi C-13 modifie la partie VII de la loi de façon à inclure l’engagement du gouvernement relativement à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui concerne le droit des enfants à recevoir leur enseignement dans la langue de la minorité francophone ou anglophone de la province ou du territoire.
Le fait de lier cet engagement au secteur de l’éducation de la petite enfance jusqu’à l’éducation postsecondaire en reconnaissance du caractère essentiel de ce secteur pour la vitalité des communautés anglophones et francophones minoritaires donne l’espoir à ces communautés que le gouvernement fédéral travaille au respect de leurs droits à l’éducation.
Enfin, on a ajouté un élément clé à la partie VII, soit celui qui traite des dispositions linguistiques lorsque le gouvernement fédéral négocie avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Trop souvent, les communautés anglophones et francophones en situation minoritaire sont oubliées lorsqu’il est question des ententes intergouvernementales. Je pense à un exemple récent, soit l’entente concernant les garderies que le gouvernement fédéral a signée avec les provinces.
Lors de la réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles du lundi 5 juin 2023, à la question de mon collègue le sénateur Mockler au sujet du programme national de garderies, Mme Liane Roy, de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, a répondu ceci :
Dans les négociations, c’est déjà fait. Par contre, si c’était à refaire et si on avait le projet de loi C-13 tel qu’il est rédigé actuellement, lors des négociations entre les fonctionnaires des différentes provinces, des territoires et le gouvernement fédéral, il y aurait eu des discussions pour déterminer si ces provinces et territoires avaient consulté les communautés, pour déterminer ce qui devrait figurer dans ces ententes par rapport aux garderies. Est-ce qu’on connaît le nombre de garderies? Est-ce qu’on a les bons chiffres pour déterminer les sommes d’argent qui devraient être allouées aux communautés? Cela s’applique aux deux groupes, soit aux anglophones au Québec ou aux francophones hors Québec.
Cette crainte s’est déjà réalisée dans ma province, le Nouveau‑Brunswick.
Dans le cadre de l’entente entre la province et le gouvernement fédéral en vue de diminuer le coût des services de garde, le gouvernement provincial a décidé de créer 1 600 places pour le secteur anglophone et 300 places pour le secteur francophone. C’est un grand écart qui ne représente nullement le poids démographique des communautés linguistiques.
Une famille francophone à faible revenu risque d’avoir à faire un choix déchirant entre payer plus cher pour que son enfant commence son parcours scolaire en français ou payer un prix raisonnable pour qu’il le fasse en anglais.
Avec un leadership fédéral fort, l’entente aura permis que les statistiques du recensement de 2021 soient utilisées et que le poids démographique soit respecté.
Il est évident, chers collègues, que, dans ses négociations avec les provinces, le gouvernement fédéral devait faire plus pour s’assurer que les minorités linguistiques obtiennent au moins une part juste du financement. Le gouvernement fédéral devrait prendre les mesures nécessaires pour promouvoir son engagement à soutenir la vitalité des communautés et l’utilisation du français et de l’anglais, à promouvoir et protéger le français et à multiplier les possibilités pour les communautés minoritaires anglophones et francophones d’être scolarisées dans leur langue.
Avec toutes les améliorations proposées à la partie VII de la loi, je crois que le rôle et les responsabilités du gouvernement fédéral seront un peu plus clairs. Le mécanisme de consultation est meilleur et il ne se limite pas à des consultations; il vise à établir un dialogue avec les communautés linguistiques minoritaires. Il ne s’agirait pas de consultations factices, il y aurait un dialogue continu. La valeur du dialogue sera déterminée par la participation du gouvernement, parce qu’il est évident que les communautés linguistiques minoritaires, elles, sont toujours ouvertes au dialogue constructif.
Comment ces nouvelles modifications fonctionneront-elles si le projet de loi C-13 devient loi? Je dois revenir sur un élément important de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, c’est‑à‑dire le leadership fédéral. La force de la partie VII de la loi, sa portée et ses répercussions potentielles reposent sur le leadership du gouvernement fédéral pour ce qui est d’en appliquer les dispositions. Car, si l’histoire nous a appris une chose, c’est bien que les minorités linguistiques au Canada dépendent beaucoup des instances judiciaires pour valider et confirmer leurs droits. Trop souvent, les minorités linguistiques doivent se tourner vers les tribunaux pour faire valider leurs droits et obliger le gouvernement fédéral à respecter ses propres lois et ses propres engagements. Combien de ressources ont été dépensées en procédures judiciaires alors qu’elles auraient pu servir à d’autres fins si le libellé avait été plus clair et si le gouvernement fédéral avait fait preuve de plus de leadership?
À mon avis, c’était un problème majeur dans le cas de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Le gouvernement fédéral et ses organismes étaient incapables de comprendre pleinement les attentes des minorités linguistiques et leurs propres devoirs. Ils ne savaient pas ce qu’était une mesure positive et le libellé était vague. J’espère sincèrement que le gouvernement fédéral prendra au sérieux son engagement et évitera de forcer les communautés linguistiques en situation minoritaire à intenter des poursuites, car celles-ci coûtent cher à toutes les parties concernées et, au bout du compte, que ce soit le gouvernement ou la communauté linguistique en situation minoritaire qui ait gain de cause, c’est la vitalité de l’anglais et du français qui en ressort perdante.
Cependant, le commissaire aux langues officielles aurait plus d’outils à sa disposition pour que les institutions fédérales respectent leurs obligations linguistiques. Par exemple, le commissaire pourrait, au terme d’une enquête, conclure un accord de conformité avec une institution s’il juge que celle-ci ne respecte pas ses obligations linguistiques. Un tel pouvoir permettra au commissaire de mieux faire respecter la Loi sur les langues officielles. C’est aussi une occasion de sensibiliser toute institution fédérale qui manquerait à ses obligations. Le commissaire pourrait les diriger vers le bon chemin afin qu’elles se conforment à leurs obligations linguistiques. J’espère que ce pouvoir accru améliorera la conformité des institutions fédérales à leurs obligations linguistiques.
Enfin, il y a un ajout important aux pouvoirs du commissaire, soit celui des sanctions administratives pécuniaires. Il est important de noter que ce régime de sanctions administratives pécuniaires est précis et limité aux cas suivants : que les institutions aient des obligations au titre de la partie IV de la loi, c’est-à-dire les communications et les services avec le public; que les institutions fassent partie du domaine des transports; que les institutions « offrent des services aux voyageurs et communiquent avec eux ».
De plus, ce pouvoir est utilisé comme toute dernière avenue. Le commissaire doit, avant d’imposer une sanction pécuniaire, proposer un accord de conformité. L’objectif de la plainte ne doit pas avoir déjà donné lieu à une sanction administrative pécuniaire. Il est aussi limité dans le temps : pas plus de deux ans après que le commissaire a été informé des faits ou pas plus de trois ans après la date de la plainte.
Honorables sénateurs, cette partie de mon discours résume, à mon avis, les principales modifications à la Loi sur les langues officielles. Ce sont celles qui pourraient avoir des répercussions directes sur la vitalité des communautés linguistiques minoritaires. La deuxième partie de mon discours portera sur le processus utilisé par le gouvernement et les préoccupations que nous avons entendues au sujet du projet de loi.
La deuxième partie du projet de loi C-13 propose une nouvelle loi, la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale. Cette nouvelle loi introduira un nouveau concept en matière de droits linguistiques : la forte présence francophone. D’une part, la partie IV de la Loi sur les langues officielles prévoit des obligations en cas de « demande importante » et, d’autre part, la nouvelle loi prévoit des obligations pour les « régions à forte présence francophone ».
D’après un document soumis par Air Canada, elle sera certainement source de confusion pour les employeurs comme pour les employés. Qu’est-ce qu’une « forte présence francophone »? Votre avis est aussi pertinent que le mien, honorables sénateurs, car cela sera déterminé une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale.
Même si je suis toujours d’accord pour promouvoir le français et l’anglais dans la société canadienne, j’aurai toujours du mal à accepter qu’autant de décrets et de règlements n’entrent en vigueur qu’après qu’un projet de loi ait reçu la sanction royale. Lorsque le comité a effectué son étude préliminaire du projet de loi l’année dernière, une des préoccupations que nous avons entendues concernait le recours aux règlements dans la partie 2 du projet de loi C-13.
Pour des témoins comme Reno Vaillancourt des Employeurs des transports et communications de régie fédérale, de nombreuses questions sont restées sans réponse. Qu’est-ce qu’une région à forte présence francophone? Quels critères seront utilisés pour établir la nouvelle définition? Ce sont autant de questions qui préoccupent les employeurs et les plongent dans l’inconnu.
Pour nous, législateurs, il devient difficile de bien comprendre le projet de loi que nous étudions. Je comprends que parfois, le gouvernement doit se donner une marge de manœuvre au moyen des règlements. Cependant, pour un concept important comme celui des régions à forte présence francophone, qui est au cœur même de la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale, notre travail devient plus difficile. Il est également difficile pour les témoins de nous donner une opinion claire sur le projet de loi, car le concept n’est pas encore bien défini.
Cet enjeu dans le projet de loi C-13 n’est pas réservé seulement à la partie 2 du projet de loi, mais aussi à l’adoption d’une politique en matière d’immigration francophone hors Québec. En ce qui concerne cette politique, même si elle est inscrite dans la loi, on ne précise pas quand elle sera adoptée, ce qu’elle va contenir et quand elle sera mise en place. Pour ceux qui ne le sauraient pas, la Loi sur les langues officielles contient déjà actuellement plusieurs dispositions au moyen desquelles le gouvernement peut présenter des règlements. Avant le début du processus de la modernisation de la loi, les parties prenantes demandaient depuis plusieurs années au gouvernement fédéral d’adopter un règlement ayant trait à la partie VII, comme l’indique la loi.
La prise de règlements dans la Loi sur les langues officielles ou d’un décret par le Conseil privé ne m’inspire pas toujours confiance. Il aurait été préférable que le gouvernement impose un délai de 12 mois pour l’adoption de la politique en matière d’immigration francophone hors Québec. L’effet ne se fera pas sentir le lendemain. Ce n’est pas une baguette magique qui rétablira le poids démographique des francophones ou une mesure qui sera garante de succès pour l’arrivée et la rétention de nouveaux arrivants dans les communautés francophones hors Québec. Il faudra du temps avant que l’on puisse en ressentir les effets. Plus le gouvernement attend, plus ce sera difficile pour les communautés francophones hors Québec de regagner leur poids démographique.
Enfin, je dois mentionner ma déception à l’égard du gouvernement libéral pour nous avoir présenté le projet de loi C-13 si tard dans l’année, forçant le Sénat à adopter le projet de loi à la hâte. Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a commencé son étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles il y a six ans, en 2017. Le bon sens aurait voulu que l’on s’appuie sur notre expertise une fois le projet de loi arrivé, afin de voir de quelle manière il pourrait être amélioré. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. À nos collègues anglophones du Québec, on demande de faire confiance à l’avis juridique du gouvernement sur l’inclusion de la Charte de la langue française du Québec dans la Loi sur les langues officielles, tandis qu’aux communautés francophones hors Québec, on demande d’accepter le projet de loi C-13 comme un fait accompli pour éviter le risque de perdre les acquis qu’il contient. Il est décevant de voir comment la modernisation s’est déroulée. Lorsque nous avons commencé cette étude en 2017, je n’envisageais pas un processus où les gens seraient divisés. Unir les gens est à la base du bilinguisme et de la dualité linguistique; à mon avis, le gouvernement a échoué à cet égard.
Honorables sénateurs, si le projet de loi C-13 est adopté, les travaux à l’échelle du gouvernement fédéral commenceront. Il faudra du temps, des dialogues, des ajustements, de la patience et de la compréhension, mais, au bout du compte, avec un leadership fédéral fort, le bilinguisme et la dualité linguistique au Canada peuvent être renforcés pour les générations à venir. La vitalité des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire dépend de l’efficacité du gouvernement fédéral à respecter la Loi sur les langues officielles.
Quand je dis que la vitalité des communautés linguistiques en situation minoritaire dépend de la Loi sur les langues officielles, je n’exagère pas, car mon parcours est un exemple parfait pour illustrer cela. Je suis née dans une famille francophone qui vivait dans un milieu anglophone. J’ai donc dû commencer mon parcours scolaire en anglais. Quand j’ai commencé ma neuvième année, nous avons déménagé à Saint-Louis-de-Kent, où il y avait une école francophone. Cependant, comme j’avais déjà entamé mon parcours scolaire en anglais, il était plus facile de le terminer en anglais. Je n’ai pas pu apprendre à lire ou à écrire dans ma langue maternelle à l’école. Cela s’est fait après, une fois que mes filles ont commencé l’école en français. Il est primordial que chaque enfant ait la possibilité de commencer son parcours scolaire dans sa langue maternelle, tant en anglais au Québec qu’en français à l’extérieur du Québec.
Est-ce que le processus menant à l’adoption du projet de loi C-13 aurait pu être différent? Je crois que oui. Le gouvernement a manqué l’occasion de capitaliser sur notre second examen attentif en exigeant que le projet de loi soit étudié rapidement. Il aurait pu y avoir des améliorations dès maintenant, alors qu’elles seront sûrement proposées dans 10 ans lors de la révision de la loi. Même si ces améliorations sont apportées, l’effet ne se fera ressentir que cinq ans plus tard. Un changement comme celui qu’a proposé le député Joël Godin, soit de dénombrer les ayants droit plutôt que d’en faire l’estimation, pourrait coûter 15 ans de retard aux communautés linguistiques en situation minoritaire.
En tant que sénatrice, il m’incombe d’être la voix de mon peuple, les Acadiens du Nouveau-Brunswick, qui, même dans la seule province officiellement bilingue, est une minorité linguistique. À chaque génération, notre vitalité devient de plus en plus fragile. Il en va de même pour toutes les communautés linguistiques minoritaires au Canada. Aucune province, aucun territoire et aucun groupe linguistique ne peut y échapper.
Je m’insurge contre la manière dont le gouvernement a géré le processus de modernisation de la Loi sur les langues officielles. Il devrait s’agir d’une occasion de célébrer notre engagement à l’égard du bilinguisme et de la dualité linguistique. Cependant, je ne peux pas laisser leur mauvaise gestion retarder la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Ils attendent depuis 35 ans et j’encourage tous les sénateurs à soutenir leur minorité linguistique respective dans leur province ou territoire en appuyant le bilinguisme et la dualité linguistique ce soir au moyen du projet de loi C-13.
En conclusion, honorables sénateurs, tout comme à l’étape de la deuxième lecture, j’appuie le projet de loi C-13, Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada. J’ai mes réserves en ce qui concerne l’approche du gouvernement; de plus, la prise de règlements et les décrets par conseil ne m’inspirent pas toujours confiance.
Cependant, c’est un pas vers l’avant pour les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire.
On constate une reconnaissance importante du gouvernement fédéral à l’égard du continuum en éducation, et ces gains pourraient faire une vraie différence.
La réussite de toutes ces mesures dépend du leadership exercé par le gouvernement fédéral. On ne veut plus voir de poursuites judiciaires pour forcer le gouvernement à respecter ses obligations linguistiques, mais un gouvernement à l’écoute, engagé et qui appuie le rayonnement du bilinguisme et la dualité linguistique dans la mosaïque culturelle qu’est le Canada. Merci.
Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Maintenant.