Projet de loi de crédits no 2 pour 2020-2021
Troisième lecture
25 juin 2020
Honorables collègues, je n’ai pas préparé de discours, mais j’ai quelques commentaires à faire. Pardonnez-moi, mais je vais citer beaucoup de chiffres. Pour ceux d’entre vous qui ne connaissent pas mon parcours, j’ai enseigné en quatrième année; j’ai donc l’impression de revenir en arrière et d’enseigner un peu d’arithmétique.
Avant de parler chiffres, j’aimerais remercier le sénateur Gold pour ses commentaires. Il est le parrain du projet de loi, et j’en suis la porte-parole.
J’ai quelques mots à dire. Revenons en février dernier, lorsque le Budget principal des dépenses a été déposé. Il s’élevait à 308 milliards de dollars et présentait le plan de dépenses du gouvernement pour l’année.
Quand on regarde ces chiffres, les 308 milliards de dollars — et il faut les analyser pour voir ce qu’ils contiennent — plus de la moitié sont dits « législatifs »; en d’autres termes, plus de la moitié de ces sommes, soit 183 milliards de dollars, ont déjà été approuvées par un autre texte de loi. Le 1er avril, le gouvernement pourra commencer à les dépenser.
Comme je l’ai déjà mentionné ici, ce montant est élevé. Il s’agit presque de 60 % du total, juste entre 59 % et 60 %. Même s’il est approuvé par d’autres lois, j’ai toujours pensé que nous devrions peut-être nous y intéresser davantage.
Je dois accorder un certain mérite au Conseil du Trésor, car, pour toute personne qui veut savoir à quoi correspondent ces 183 milliards de dollars, l’information se trouve sur son site Web, mais je dois dire qu’il me faut toujours un certain temps pour m’y retrouver.
Bref, il reste un montant de 125 milliards de dollars qui doit être approuvé par l’autre endroit et par nous. Il doit être approuvé au moyen d’un projet de loi de crédits qui fait l’objet d’un vote au Parlement. Le gouvernement nous demande donc d’approuver 125 milliards de dollars.
En mars, juste avant qu’on rentre chez nous et que tout soit mis en suspens à cause de la pandémie, le projet de loi C-11 a été adopté. Il s’agissait du projet de loi de crédits provisoires. C’est la façon de procéder normale. Cela se produit chaque année et, pendant que nous étudions ce que nous appelons le Budget principal des dépenses, les deux Chambres autorisent le gouvernement à dépenser des fonds pendant les trois premiers mois de l’exercice. Habituellement, avant juin, nous avons approuvé le Budget principal des dépenses et le projet de loi de crédits connexe, et le gouvernement dispose alors des fonds dont il a besoin pour tout l’exercice, sauf pour les crédits supplémentaires.
Quand le Budget provisoire des dépenses a été adopté en mars, il n’y a eu ni débat ni étude; il n’y a généralement pas une grosse étude. Un peu de débats, parfois, mais jusqu’en mars, c’était à peu près le processus normal. Quelque 44 milliards de dollars ont été approuvés sur les 125; il ne restait que 81 milliards qui n’avaient pas encore reçu l’approbation.
Nous voici à la fin du mois de juin; nous nous préparons à ajourner pour l’été et le gouvernement doit avoir accès à cet argent. Normalement, cet argent aurait déjà été approuvé par l’intermédiaire d’un Budget principal des dépenses, mais c’est une année très inhabituelle. Le gouvernement est donc revenu avec ce qu’on appelle un deuxième projet de loi de crédits provisoires, quelque chose de très inusité.
C’est de cela que nous parlons aujourd’hui, le deuxième projet de loi de crédits provisoires, le projet de loi C-18. Nous parlons maintenant de 55 milliards de dollars. Comme je l’ai dit, nous avons commencé avec 125 milliards de dollars; 44 milliards de dollars ont été approuvés avant que nous ne rentrions chez nous en mars, ce qui nous a amenés à 81 milliards de dollars. Il y a maintenant un autre projet de loi pour 55 milliards de dollars. Leur dépense sera approuvée d’ici la fin de la journée. Il ne restera plus qu’un maigre, si je puis dire, 26 milliards de dollars que la Chambre des communes et nous devrons approuver.
Lorsque le ministre Duclos a témoigné avant-hier, j’ai demandé ce qu’il adviendrait de ces 26 milliards de dollars. Verrons-nous un troisième projet de loi de crédits provisoires? Oui, a-t-il dit. J’ai été surprise. Il a été très direct. Il a dit qu’il y aura un troisième projet de loi de crédits provisoires, probablement cet automne. Pour moi, le problème est que ces projets de loi de finances sont approuvés sans examen et avec très peu de débats.
L’autre jour, je posais au ministre la question suivante : advenant que le Budget principal des dépenses soit déposé et que nous ne fassions qu’adopter ces projets de loi de crédits provisoires et que d’ici l’automne, ils aient tout leur argent à dépenser pourquoi le Comité des finances perdrait-il son temps à l’examiner? Il n’a pas dit grand-chose, mais sa réponse était tout de même intéressante. Il a dit : « [...] les parlementaires des deux Chambres ont la possibilité de poursuivre leur étude de ce budget [...] » — même si tout a été approuvé, sans doute — « [...] ils pourront débattre [...] et voter [...] »
Nous pourrions débattre du troisième projet de loi de crédits provisoires et voter sur celui-ci. Nous verrons bien. Peut-être que nous l’étudierons; je ne sais pas. Ce sera à nous d’en décider. J’espère que mes collègues du Comité des finances auront des commentaires à ce sujet. Je pense que nous devrions étudier le Budget principal des dépenses, même si toutes les dépenses ont été approuvées. Nous devrions profiter de l’occasion pour examiner les dépenses législatives. Nous pourrions également examiner le plan de dépenses à l’aune des rapports ministériels sur les résultats, car nous ne nous y intéressons pas vraiment.
Cependant, mon principal souci est que le budget est approuvé, que le gouvernement le dépense et qu’il n’y a pratiquement pas eu d’étude à ce sujet et un débat très limité dans les deux Chambres.
C’est ce que j’avais à dire. Je vous remercie.
Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice Marshall du travail qu’elle a fait en tant que porte-parole de l’opposition pour ce projet de loi. Elle s’y connaît beaucoup plus en chiffres que moi, mais j’aimerais faire quelques brèves observations.
Chers collègues, le titre abrégé du projet de loi à l’étude aujourd’hui est Loi de crédits no 2 pour 2020-2021. À première vue, ce projet de loi n’a rien de remarquable. Il prévoit des crédits provisoires pour les dépenses votables figurant dans le Budget principal des dépenses — et nous le savons déjà —, pour une somme totale d’un peu plus de 55 milliards de dollars. Le 13 mars, le Parlement a adopté le projet de loi C-11 — comme l’a dit la sénatrice Marshall, la Loi de crédits no 1 —, qui prévoyait les 44 premiers milliards de dollars de crédits pour cet exercice. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui porte le total à 99 milliards de dollars sur les 125 milliards de dollars prévus au titre des dépenses pouvant faire l’objet d’un vote.
Chers collègues, le Budget principal des dépenses indique que le gouvernement prévoyait des dépenses publiques totales de 308 milliards de dollars pour toute la durée de l’exercice. Toutefois, comme on le sait, la situation a complètement changé en raison de la pandémie de COVID-19. Selon la dernière mise à jour du gouvernement sur le Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, les dépenses liées à la COVID s’élèvent actuellement à 154 milliards de dollars. Le directeur parlementaire du budget nous dit qu’il s’agit en fait de 188 milliards de dollars et que les dépenses totales du programme atteindront un niveau record de 553 milliards de dollars. Pourtant, malgré cette augmentation sans précédent des dépenses, le gouvernement refuse d’être transparent et responsable.
Trois mois se sont écoulés depuis le début de l’exercice financier et nous n’avons pas de budget. Nous n’avons même pas de mise à jour économique. On nous annonce maintenant qu’on présentera un portrait de l’économie et des finances publiques, mais personne ne sait de quoi il s’agit au juste. Ce que nous savons, c’est que ce n’est pas une mise à jour économique et que ce n’est certainement pas un budget.
Chers collègues, en temps de crise, la surveillance est plus importante que jamais et tout ce que nous obtenons de la part du gouvernement, c’est un flot ininterrompu de prétextes visant à justifier son inaction.
Le projet de loi à l’étude paraît peut-être ordinaire, mais il n’en est rien. Chaque jour, le Parlement accorde au gouvernement des milliards de dollars et celui-ci n’a pas de plan financier qu’il est prêt à nous divulguer. Je comprends que nous traversons une période exceptionnelle, mais si le directeur parlementaire du budget peut présenter un scénario fiscal tous les mois et demi, comment se fait-il que le gouvernement en soit incapable?
C’est comme si nous passions d’une chaîne à une autre qui semble fonctionner dans un univers parallèle. Sur la chaîne du directeur parlementaire du budget, on s’attend à ce que les recettes chutent de 39 milliards de dollars au cours du présent exercice financier. Sur la chaîne du gouvernement, on nous dit que ces calculs sont impossibles à faire. Si on revient à la chaîne du directeur parlementaire du budget, on apprend que les recettes provenant de l’impôt sur le revenu des particuliers devraient chuter de 16 milliards de dollars, que celles provenant de l’impôt sur le revenu des sociétés diminueront de 11 milliards de dollars, que les recettes provenant de la taxe d’accise diminueront de 10 milliards de dollars et que les cotisations d’assurance-emploi chuteront de 1,5 milliard de dollars. Nous apprenons que les dépenses augmenteront de presque 200 milliards de dollars et que le déficit devrait dépasser le quart de billion de dollars. À la chaîne du gouvernement, il n’y a que du bruit blanc.
Honorables sénateurs, c’est incroyable. Il n’y a aucune raison qui empêche le gouvernement de faire ces calculs. Le personnel du directeur parlementaire du budget compte 42 employés, tandis que le ministère des Finances en a 20 fois plus. Il est clair que la seule raison pour laquelle le gouvernement ne nous a pas fourni ces montants est qu’il ne veut pas ou qu’il ne les connaît pas. C’est préoccupant. Il s’agit d’un dangereux précédent.
Voyons comment le gouvernement gère le plan Investir dans le Canada. Le gouvernement nous dit que 52 000 projets d’infrastructure sont en cours, mais la liste qu’il publie contient seulement 33 049 projets. Il reste 20 000 projets dont on ne sait rien.
Les analystes du Bureau du directeur parlementaire du budget ont essayé d’obtenir la liste complète pendant plusieurs mois. Le gouvernement leur a invariablement donné des réponses évasives et a refusé de la leur fournir. Il s’agit d’un programme de 180 milliards de dollars, mais le gouvernement ne se sent pas obligé d’indiquer aux contribuables et aux parlementaires ce qu’il fait avec cet argent.
Nous voici donc réunis aujourd’hui pour ce qui devrait être un processus d’approbation du Budget principal des dépenses tout à fait normal. Mais, chers collègues, la situation est tout sauf normale. En effet, nous sommes en présence d’un gouvernement qui refuse de présenter un budget, refuse de divulguer les détails concernant les dépenses, refuse de se montrer transparent, refuse de rendre des comptes, mais se présente quand même pour demander plus d’argent, ce qui est méprisant et n’a vraiment rien de normal.
Chers collègues, ce genre d’hypocrisie n’est pas inhabituel avec le gouvernement actuel; c’est la norme. Même si cette hypocrisie a fini par devenir récurrente, elle devrait quand même nous inquiéter. Si ce n’est pas le cas, il y a un problème.
Aujourd’hui, chers collègues, nous allons autoriser l’adoption de ce projet de loi, à contrecœur, car le fonctionnement essentiel des programmes gouvernementaux en dépend. Mais il convient de noter que nous le faisons en étant profondément inquiets du fait que le gouvernement est incompétent et irresponsable. Et malheureusement, chers collègues, ce sont tous les Canadiens comme vous et moi qui vont en payer le prix. Je vous remercie.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-18, le deuxième projet de loi de crédits provisoires. Cette mesure législative accorde l’autorisation de dépenser 55 milliards de dollars pour des dépenses qui n’ont pas autrement été pourvues. Pour un gouvernement qui s’est essentiellement tourné les pouces depuis son élection à l’automne dernier et qui a très peu gouverné, le gouvernement Trudeau est très pressé de dépenser des milliards de dollars de fonds publics. Pour cela, il souhaite faire adopter des projets de loi à toute vapeur. Nous l’avons constaté personnellement dans cette enceinte.
Comme je l’ai mentionné plus tôt cette semaine, en une seule journée, à savoir le 13 mars dernier, le gouvernement Trudeau a réussi à faire adopter le projet de loi C-4 sur le nouvel ALENA après seulement 24 minutes de débat au Sénat. Le projet de loi C-10, un projet de loi de crédits de 3,8 milliards de dollars, a franchi les étapes de la deuxième et de la troisième lectures en à peine une minute et demie. Quant au projet de loi C-11, un projet de loi de crédits de 44 milliards de dollars, il a été adopté en 46 secondes, ce qui représente presque un milliard de dollars par seconde. C’est incroyable, honorables sénateurs. Évidemment, comme il était pressé de faire adopter ces projets de loi au Sénat, le leader du gouvernement a oublié de mentionner que les sénateurs adoptaient du même coup le budget du Sénat, de 115 millions de dollars.
Imaginez un peu, honorables sénateurs. Les projets de loi filaient à une telle vitesse que le sénateur Gold n’a pas eu 20 secondes pour signaler aux sénateurs que le budget du Sénat, de 115 millions de dollars, était en train d’être adopté sans débat ni discussion. En fait, le rapport sur le budget préparé le Comité de la régie interne figure toujours au Feuilleton, en attente d’un débat.
On remarque chez le gouvernement Trudeau une tendance inquiétante qui consiste à dépenser sans compter maintenant et à repousser les questions à plus tard, ou même à jamais, à considérer toute question et toute critique comme partisane, et à profiter de séances de photos qui font chaud au cœur pour distraire les gens. Après tout, le gouvernement Trudeau a pour grande spécialité d’éviter de rendre des comptes.
Dans un contexte où le fardeau de la dette prend des proportions ahurissantes et dépassera même le billion de dollars, le gouvernement Trudeau devrait avoir assez de respect pour les contribuables canadiens pour fournir des renseignements détaillés sur la situation financière du pays, mais non. Au lieu de présenter une mise à jour financière en bonne et due forme, qui dirait aux Canadiens où nous en sommes actuellement et où se dirigent les finances du pays, le gouvernement Trudeau présentera plutôt un portrait des finances publiques. Ce n’est vraiment pas étonnant de la part d’un gouvernement de style Instagram, qui gouverne à coup d’égoportraits et de séances photos.
Voilà trois mois que la crise de la COVID-19 sévit, et le premier ministre Trudeau tient toujours ses points de presse dignes d’une campagne électorale en direct devant Rideau Cottage. Comme dans le film Le jour de la marmotte, le premier ministre apparaît, à la Punxsutawney, par la porte avant pour annoncer, voire, dans certains cas, ressasser des promesses de dépenses. Vu toutes ses voies ensoleillées, on penserait qu’il aurait vu son ombre, à présent. Nous avons largement dépassé l’attente de six semaines avant le printemps. C’est maintenant l’été, et les promesses de dépenses continuent de déferler.
Le premier ministre Trudeau n’est jamais aussi heureux que lorsqu’il dépense l’argent des autres, et il s’en donne à cœur joie : 60 milliards de dollars pour la Prestation canadienne d’urgence, 45 milliards de dollars pour la subvention salariale, 13,7 milliards de dollars pour le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, et 9 milliards de dollars pour l’aide financière aux étudiants. La liste est encore longue.
Bien que nul ne conteste qu’une urgence de cette ampleur et le gel connexe de l’économie à l’échelle du pays nécessitent une certaine forme d’aide du gouvernement, le problème, c’est que le gouvernement Trudeau refuse de rendre des comptes pour les sommes d’argent ahurissantes qu’il promet. Lorsqu’on réussit à le convaincre de sortir de son trou, le premier ministre Trudeau nous sert des clichés superficiels qui ne veulent rien dire. Il a déjà admis qu’il ne s’intéresse qu’à l’aspect cérémonial de la fonction de premier ministre. On le voit bien. Pendant ce temps, les ministres régurgitent la ligne de parti ad nauseam et tergiversent pour éviter de répondre aux questions embarrassantes.
Le gouvernement Trudeau fait adopter les projets de loi au Parlement à toute vapeur. Il refuse les demandes de l’opposition pour la reprise des séances ordinaires, mais modifiées à la Chambre des communes, et il insiste plutôt sur les séances virtuelles sur Zoom du soi-disant Comité sur la COVID. De cette façon, le gouvernement Trudeau peut mieux contrôler les questions soulevées et la durée pendant laquelle lui et son gouvernement sont exposés aux questions de l’opposition. Par ailleurs, les réunions virtuelles du Comité sur la COVID ont un effet disproportionné sur les régions du Canada qui ont déjà été les plus désavantagées par le gouvernement Trudeau. Les députés de l’Ouest canadien ainsi que des régions rurales et éloignées ont souvent de la difficulté à participer aux réunions en raison d’une connexion Internet médiocre. Ils finissent par en être écartés, incapables de soulever les préoccupations des électeurs de leur circonscription ou de poser des questions au premier ministre et à son cabinet en leur nom.
En ce moment, le Sénat et la Chambre des communes devraient tous deux reprendre leurs séances régulières en personne, dans l’intérêt du pays. Pendant que tout était fermé en Ontario en raison de la pandémie, le gouvernement Trudeau a quand même insisté pour que les travailleurs de la construction qui effectuent les travaux de rénovation à l’extérieur de l’édifice du Centre, sur la Colline du Parlement, reprennent le travail. Pendant ce temps, il affirmait que les conditions sanitaires étaient tout simplement trop dangereuses pour que les parlementaires continuent de siéger à l’intérieur du Parlement. Le gouvernement Trudeau soutient qu’il est dangereux pour les parlementaires de reprendre les séances régulières à la Chambre des communes, même avec des mesures d’adaptation et de distanciation physique ainsi que des capacités réduites. Il ne voit aucun inconvénient à ce que le comité de la Chambre des communes sur la COVID-19 se réunisse deux fois par semaine en tenant des séances hybrides où certains membres siègent en personne, mais lorsqu’il s’agit de laisser la Chambre des communes reprendre ses séances régulières avec les mêmes sièges, les mêmes mesures d’adaptation, mais des exigences en matière de reddition de comptes plus rigoureuses pour le gouvernement, alors il n’en est pas question.
Le Parlement est un service essentiel. Les sénateurs ont pour fonction fondamentale de faire valoir le point de vue de leurs régions dans le cadre du processus législatif. En cette période de crise économique, il est particulièrement important que les parlementaires puissent exprimer les préoccupations des gens de leur région, qui peinent à composer avec la pandémie, avec la perte d’un emploi ou d’une entreprise, ou encore avec les conséquences désastreuses des politiques du gouvernement Trudeau.
En tant que sénateurs, nous avons aussi le rôle essentiel d’examiner attentivement les mesures législatives afin qu’elles soient les meilleures possible pour tous les Canadiens. En étant moins nombreux, nous pouvons siéger au Parlement en toute sécurité. Aucun député ni aucun sénateur n’a attrapé la COVID-19 en siégeant au Parlement. Or, le gouvernement Trudeau, lui, semble avoir développé une allergie sévère à la reddition de comptes.
Des millions de Canadiens ont déjà repris leur travail : on a modifié leur lieu de travail conformément aux meilleures mesures de santé publique. Il n’y a aucune raison pour que le Parlement ne fasse pas la même chose. Le Sénat a seulement été rappelé à quelques reprises depuis mars, quand on a jugé que c’était dans l’intérêt public. Honorables sénateurs, un retour immédiat au Parlement ne pourrait pas être davantage dans l’intérêt public.
Le gouvernement crée des programmes qui coûtent des milliards de dollars aux contribuables et il les fait adopter à toute vapeur par le Parlement. Il est plus nécessaire que jamais d’effectuer un second examen objectif, et pourtant, le premier ministre se préoccupe davantage de tenir les rênes du pouvoir à tout prix en fermant le Parlement et en muselant l’opposition, évitant du coup de rendre des comptes pour les décisions du gouvernement.
Le premier ministre Trudeau semble diriger à coup d’infopubs. Il a la mauvaise habitude de faire plus de promesses qu’il n’en tient. Il dirige à la hâte, sans vraiment réfléchir au préalable ni tenir compte des conséquences. Il évite ou rejette les suggestions de l’opposition en vue d’améliorer les projets de loi, seulement pour faire volte-face après coup et apporter, trop tard, les changements que l’opposition avait proposés au départ.
Au mois de mars, le ministre des Finances, M. Morneau, s’est présenté dans cette même enceinte et a rejeté avec condescendance la suggestion sensée du leader de l’opposition au Sénat visant à faire passer la subvention salariale de 10 % à 75 %. Deux jours plus tard, le premier ministre Trudeau a annoncé son intention d’augmenter le plafond de la subvention — vous l’aurez deviné — à 75 %. Évidemment, à ce moment-là, de nombreux employés ne recevaient déjà plus de chèques de paie ou de prestation. Le retard du gouvernement Trudeau n’a fait que prolonger leur attente. Le premier ministre Trudeau a manqué encore une fois à sa promesse, ce qui s’est traduit, bien sûr, par de nombreuses mises à pied et fermetures d’entreprises qui seront définitives.
Honorables sénateurs, des situations comme celles-là auraient pu être évitées si le gouvernement avait présenté sa mesure législative en suivant le cours normal des travaux parlementaires et que celle-ci avait fait l’objet d’un examen législatif approprié. Le processus parlementaire qui est en place, surtout l’étude en comité, permet aux députés et aux sénateurs d’examiner, de modifier et d’améliorer des mesures législatives et d’obliger le pouvoir exécutif à rendre des comptes aux Canadiens.
Je comprends le besoin d’agir rapidement dans le contexte de la crise de la COVID-19. Il faut offrir rapidement les programmes d’urgence pour aider les Canadiens à tenir bon. Si le gouvernement Trudeau avait présenté son programme de dépenses de bonne foi et avait été disposé à travailler de façon constructive avec l’opposition, je suis persuadée que nous aurions été en mesure d’accélérer le processus tout en procédant à un examen législatif approprié.
Mais regardez comment le gouvernement a agi au sujet du projet de loi C-13. Le gouvernement Trudeau a saisi une des premières occasions législatives qu’il a eues pendant la pandémie de COVID-19 afin d’accaparer le maximum de pouvoir et d’autorisation de dépenser. Était-ce là une façon de gouverner de bonne foi ou dans l’intérêt des Canadiens? Non. C’était une tentative cynique de la part d’un gouvernement minoritaire de profiter d’une urgence nationale pour s’octroyer des pouvoirs de dépense quasi illimités sans surveillance législative. Ce n’est pas là faire preuve de bonne gouvernance. Heureusement, l’opposition a forcé le gouvernement Trudeau à revoir sa proposition d’origine et à rendre caducs la plupart des pouvoirs controversés.
Une des mesures qui ont malgré tout été adoptées dans le projet de loi C-13 accorde au ministre des Finances, et à lui seulement, le pouvoir de créer une mégasociété d’État. J’ai interrogé le ministre Morneau à ce sujet, mardi, alors que nous siégions en comité plénier. Le projet de loi C-14 contenait une disposition de caducité touchant cette société d’État, mais seulement si celle-ci n’avait pas encore été créée le 30 septembre 2020. Bien entendu, cette société a été créée en mai, ce qui fait que la disposition de caducité ne s’appliquera pas. Le projet de loi C-13 a été adopté au Sénat après seulement 45 minutes de débat environ, et le projet de loi C-14, après un peu plus de 2 heures de débat, ce qui fait que la mégasociété d’État de M. Morneau existe bel et bien, et pour de bon.
D’autres projets de loi ministériels sont tout aussi inquiétants. Le projet de loi C-15, concernant la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants, prévoit 9 milliards de dollars pour les étudiants, mais il est tellement vide de substance qu’on dirait qu’il ne s’agit que d’un gabarit. Le projet de loi ne précise pas de montant par étudiant ni de période d’admissibilité. Ce sont la ministre et le Cabinet qui devaient être chargés d’établir ces éléments. Même le terme « étudiant » n’est pas clairement défini dans le projet de loi. La définition exclut les étudiants qui ont terminé leurs études secondaires, mais qui n’ont pas fait de demande d’admission auprès d’un établissement d’enseignement postsecondaire. Si l’objectif du programme est de répondre aux besoins financiers des étudiants incapables de se trouver un emploi en raison de la pandémie, j’imagine que les étudiants qui ont un diplôme d’études secondaires devraient être inclus.
Malgré tout, le projet de loi C-15 a été adopté à toute vitesse par le Parlement, et le débat au Sénat à son sujet n’a duré qu’environ trois heures et demie. Si nous avions pu soumettre à un examen parlementaire approprié ce projet de loi et ceux que le gouvernement Trudeau a fait adopter à toute vitesse depuis le mois de mars, je suis convaincue que nous y aurions aussi trouvé des failles. Notre travail de sénateurs est de faire cet examen.
Franchement, dans ce contexte qui est source d’inquiétude et de grande vulnérabilité pour des millions de Canadiens, il est plus crucial que jamais que les parlementaires puissent examiner attentivement les projets de loi et signaler les failles qui pourraient avoir des conséquences importantes sur le quotidien de la population.
Chaque journée de pandémie semble être prétexte à une autre séance de photos de Trudeau et à l’annonce de nouvelles dépenses du gouvernement. Malgré cela, des secteurs importants de l’économie n’ont reçu du gouvernement qu’un financement minime dans le cadre de la COVID-19. Parmi ceux-ci figurent l’agriculture et l’énergie, deux secteurs cruciaux pour ma province, la Saskatchewan.
Il est vraiment étrange que les industries essentielles à la vitalité des Prairies aient reçu si peu d’attention de la part du gouvernement Trudeau. Cela dépasse la simple coïncidence.
Dans ce contexte où le pays est confronté à la fois à un ralentissement économique et à une crise sanitaire, je trouve étonnant que le gouvernement Trudeau ne s’intéresse pas davantage au secteur agricole et à la solidité de notre chaîne d’approvisionnement alimentaire, ainsi qu’au maintien de l’industrie énergétique, l’un des principaux moteurs économiques du Canada.
Il est vrai que le gouvernement Trudeau a proposé un programme d’aide aux agriculteurs canadiens, mais celui-ci correspondait à peine à 10 % de l’aide que demandait la Fédération canadienne de l’agriculture.
Le secteur agricole a été durement touché pendant la pandémie, avec l’apparition de foyers de contagion dans les usines de transformation de la viande et parmi les travailleurs étrangers temporaires, la fermeture de restaurants, d’institutions et d’hôtels, ce qui a causé un excédent croissant et problématique de denrées alimentaires et de bétail.
Avant même l’apparition de la pandémie, ma province, la Saskatchewan, souffrait déjà du ralentissement des secteurs pétrolier et gazier. Les prix mondiaux du pétrole au plus bas, combinés aux politiques anti-énergétiques du gouvernement Trudeau, apparemment très déterminé à enclaver les ressources de l’Ouest, ne laissaient aucune marge de manœuvre à une province comme la Saskatchewan pour faire face aux effets dévastateurs de la COVID-19.
Le ministre des Finances, M. Morneau, a eu le culot de faire une promesse creuse au Sénat, à savoir que l’aide au secteur pétrolier et gazier serait acheminée très bientôt, dans les heures ou jours qui suivent. Il a fait cette promesse le 25 mars. Plus de 90 jours plus tard, nous attendons toujours. Lorsque je l’ai interrogé à ce sujet plus tôt cette semaine, le ministre Morneau a tenté de manipuler les faits en prétendant qu’il n’avait pas fait référence au secteur pétrolier et gazier en particulier.
Malheureusement pour le ministre Morneau, il existe cette chose embêtante appelée le hansard, un registre de tout ce qui se dit au Parlement. Ce compte-rendu montre que son échéancier, en heures ou en jours, faisait précisément référence à l’aide au secteur de l’énergie et que son gouvernement n’a pas tenu ses promesses.
Le ministre a fait des pirouettes pour ne pas mentionner le fait que le premier ministre n’a rien fait pour répondre aux besoins des travailleurs du secteur pétrolier et gazier, qui sont durement touchés et qui se retrouvent sans emploi, ni pour les petites et moyennes entreprises de se secteur qui sont profondément affectées par la pandémie.
Parallèlement, la fermeture de ces entreprises et la mise à pied des travailleurs nuisent aux collectivités qui dépendent du secteur pétrolier et gazier pour survivre. Des entreprises qui connaissaient du succès depuis longtemps ont perdu leurs ailes en raison des répercussions cumulatives causées par la perte de vitesse du secteur de l’énergie et de la crise de la COVID-19. Des entreprises familiales exploitées de génération en génération — de véritables bastions dans leurs communautés — ont fermé leurs portes définitivement parce qu’elles ne pouvaient plus attendre les mesures d’aide.
Les employés se retrouvent au chômage et ils risquent de perdre leur domicile. Ce sont ces gens que nous devons garder à l’esprit, honorables sénateurs, au moment d’examiner les projets de loi. Nous devons faire preuve de la diligence raisonnable requise pour mener notre second examen objectif sur la façon dont les deniers des contribuables sont dépensés, surtout quand tant de Canadiens se retrouvent dans une situation si difficile financièrement. J’espère que vous penserez à eux au moment de voter. Merci.
Votre Honneur, j’aimerais maintenant poursuivre en participant au débat. Je suis très émue par le discours que vient de faire la sénatrice Batters.
Quant à vous, sénatrice Marshall, j’aime votre façon de traiter de ces grosses sommes et de ce processus complexe, et de nous les expliquer, afin que nous puissions comprendre. Ainsi, maintenant, je comprends le pourquoi. J’apprécie toujours votre façon de nous aider à comprendre la portée et l’ampleur de ce dont nous discutons. Cela dépasse l’entendement, dans le meilleur des cas.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour participer à ce débat important sur le projet de loi C-18, en cette période de plus en plus difficile pour les Canadiens et pour le monde entier, le lendemain du jour où la cote de crédit du Canada a été abaissée par Fitch, l’une des trois grandes agences de cotation de crédit des États-Unis.
Depuis quelques mois, nous traversons la crise de la COVID-19, qui afflige beaucoup de gens et leur cause des difficultés financières. Avec nos compatriotes, nous avons perdu des êtres chers, nous avons souffert des pertes d’emplois, nous avons pris la décision difficile de fermer des entreprises et nous avons dû affronter les problèmes de santé mentale et l’anxiété grandissante, alors que nous avions à surmonter des obstacles sans précédent et que nous devions nous adapter à notre nouvelle réalité quotidienne.
Les travailleurs de première ligne se sont révélés de véritables superhéros qui ont courageusement affronté le danger, même si leur instinct leur disait de faire demi-tour. Ils sont devenus des modèles de force et une source de stabilité pour notre pays. Je prends un moment pour remercier l’ensemble des médecins, du personnel infirmier, des professionnels de la santé, des travailleurs de première ligne, des bénévoles, des ambulanciers paramédicaux, des pompiers, des policiers et des militaires qui ont risqué leur vie pour assurer notre sécurité, fournir des produits et des services essentiels et protéger les plus vulnérables pendant notre lutte contre la COVID-19.
Cette pandémie a eu des répercussions sur tous les secteurs de l’économie canadienne. Les propriétaires de microentreprises qui ont déjà fait faillite ou qui survivent à peine font partie des personnes les plus touchées. En Colombie-Britannique, un grand nombre d’entreprises en démarrage et de petits commerces de quartier désespérés ont fait appel à mon bureau au cours de la crise. Pour protéger nos collectivités et freiner la propagation de la COVID-19, les commerçants se sont pliés aux ordres de cesser leurs activités et d’accorder la priorité aux autres. Ils ont fermé les portes de leur commerce comme l’exigeait le gouvernement en s’attendant à recevoir de l’aide de l’État s’ils en avaient besoin.
Ces microentreprises familiales ont subi d’énormes difficultés et de grands revers. Je parle des barbiers, des salons de coiffure et de manucure, des cabinets de dentistes ou de chiropraticiens, des travailleurs contractuels et des nombreux propriétaires uniques qui dépendent entièrement des revenus de leur entreprise pour se loger et se nourrir, sans parler de leurs employés.
Même si nous procédons tranquillement au redémarrage de l’économie, les activités des entreprises ne redeviendront jamais ce qu’elles étaient avant la pandémie en raison des mesures de sécurité imposées. Par exemple, j’ai appris que les cliniques dentaires, soit de petites entreprises qui doivent payer un loyer et des employés, honorer des contrats et remplir des obligations, sont extrêmement menacées. Les exigences en matière de santé et de sécurité qu’on leur impose empêchent un grand nombre de ces bureaux et cliniques de demeurer viables, notamment parce que les cliniques ne peuvent traiter qu’un petit nombre de patients chaque jour au lieu des 50 patients qu’elles avaient l’habitude de soigner quotidiennement. On me dit qu’il faut plus de deux heures entre chaque patient pour suivre les protocoles de sécurité obligatoires.
En faisant le calcul, on comprend très bien pourquoi la fermeture de certaines cliniques dentaires ou d’un grand nombre d’entre elles dans tout le pays constitue une menace pour nous tous.
Je tiens à rappeler à tous les honorables sénateurs que le soutien financier du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes n’a pas été offert avant le 9 avril. Ensuite, le 16 avril, on a finalement annoncé que les entreprises ayant une masse salariale d’au moins 20 000 $ pouvaient faire une demande. Un mois plus tard, soit le 19 mai, le gouvernement a annoncé que les microentreprises qui ne versent pas de salaires pourraient bientôt bénéficier du compte d’urgence. Hélas, nous sommes rendus au 25 juin, soit plus de trois mois après que le gouvernement a demandé aux entreprises de cesser leurs activités, et elles ne sont toujours pas en mesure d’obtenir un prêt du compte d’urgence pour les entreprises.
Le fait que le ministre Morneau a mentionné le retard du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes dans un gazouillis la veille de la date de déploiement prévue en dit long sur le respect et l’attitude du gouvernement envers les propriétaires de petites entreprises, qui sont l’épine dorsale de notre économie.
En 2019, les PME employaient 10,7 millions de personnes, ce qui représente 89,6 % de la population active dans le secteur privé. Dans cinq jours, ce sera le 1er juillet, et les loyers commerciaux seront dus encore une fois. Les locataires dont le propriétaire n’a pas présenté de demande ou, pis encore, a refusé de présenter une demande au titre de l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial croulent sous les dettes et les factures impayées.
J’avais l’intention d’intervenir au sujet du projet de loi C-19, alors il me faudra rajuster certains chiffres. Toutefois, pour le moment, je souligne que le projet de loi C-19 alloue 3 milliards de dollars à l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial. Pourtant, selon un sondage réalisé par Merchant Growth, 80 % des propriétaires canadiens de petite entreprise disent que le propriétaire de leur espace commercial n’a pas présenté de demande de subvention pour le loyer commercial.
Je le répète, ce programme arrive beaucoup trop tard. Le 1er juillet, ce sera le quatrième mois que les propriétaires de microentreprise et d’entreprise en démarrage doivent payer leur loyer commercial alors qu’ils génèrent peu de revenus, voire aucun, et qu’ils n’ont accès qu’à peu de crédit, voire aucun.
Mardi, lors de la séance en comité plénier, en réponse à ma question, le ministre Morneau en avait long à dire sur la rapidité avec laquelle le gouvernement est intervenu pour acheminer des ressources financières aux propriétaires d’entreprise. Pourtant, mon bureau est inondé d’appels et de courriels de citoyens de partout au pays qui ont été abandonnés à leur sort et qui réclament désespérément de l’aide. Comme si la situation n’était pas assez compliquée, les entreprises empruntant aux coopératives de crédit ne pouvaient même pas présenter de demande avant le début du mois de mai parce qu’il a fallu presque un mois pour que toutes les coopératives de crédit soient accréditées comme prêteurs agréés par Exportation et développement Canada.
La ministre Mona Fortier a dit à la Chambre que le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes a aidé 669 000 entreprises jusqu’à présent. Toutefois, ce nombre est dérisoire par rapport au nombre de petites et moyennes entreprises enregistrées au Canada. D’après Statistique Canada, en janvier 2019, il y avait 1 174 695 petites entreprises comptant moins de 500 employés.
La Subvention salariale d’urgence du Canada a seulement été offerte à la fin d’avril. À cause des critères d’admissibilité, les employeurs ayant lancé des entreprises l’année dernière dans des marchés dont les revenus sont faibles en janvier et en février ne peuvent pas présenter de demande. En effet, ces petits entrepreneurs ne peuvent pas prouver qu’ils ont subi la baisse de revenu nécessaire pour être admissible à ce programme. Pire encore, de nombreux propriétaires de jeunes entreprises en Colombie-Britannique et à l’échelle du Canada ont aussi été exclus de la Prestation canadienne d’urgence parce qu’ils n’ont pas gagné un revenu d’emploi de 5 000 $, car beaucoup d’entre eux ont utilisé leurs économies personnelles pour démarrer leur entreprise l’année précédente.
Le gouvernement Trudeau n’a pas accordé suffisamment d’attention au facteur déterminant que constitue le choix du moment pour mettre en œuvre des politiques qui stimulent l’économie. Le moment qu’il a choisi pour mettre en œuvre la Prestation d’urgence du Canada et la Subvention salariale d’urgence du Canada rend ces deux mesures moins efficaces. Les deux mesures visent à stabiliser l’économie, mais jusqu’à présent, le fait que la Prestation d’urgence du Canada ait possiblement dissuadé financièrement les employés à aller travailler et qu’il y ait une incertitude quant au marché du travail a fait en sorte que les deux mesures pour stimuler l’économie se sont avérées inefficaces.
Si les entreprises bénéficiaient généralement de la Subvention salariale d’urgence du Canada, on suppose qu’elles pourraient retrouver les employés qu’elles ont perdus en raison de la Prestation d’urgence du Canada avant et après l’introduction de cette subvention. Cependant, elles sont toujours dans une situation difficile. Elles ont perdu des employés en raison de la COVID-19 et de l’arrivée tardive de la Subvention salariale d’urgence du Canada. Alors que les entreprises tentent de rouvrir leurs portes, elles sont confrontées à des problèmes supplémentaires lorsqu’elles tentent d’embaucher des employés à cause de l’incertitude du marché du travail et des facteurs financiers dissuasifs résultant de la Prestation d’urgence du Canada.
Le programme de la Prestation canadienne d’urgence était requis pour aider les Canadiens qui ont perdu leur emploi à résister aux premiers impacts de la COVID-19. Par contre, le maintien perpétuel du programme pourrait finir par nuire à la croissance économique à long terme à mesure que la relance du marché du travail s’opère. Le gouvernement doit s’assurer que des mesures incitatives à l’emploi convaincantes soient en place pour que les chômeurs se cherchent un emploi. De plus, il faut modifier les règles concernant l’admissibilité à la Subvention salariale d’urgence du Canada afin que davantage d’entreprises soient admissibles et que le taux de chômage puisse commencer à descendre tranquillement.
Le taux de chômage atteint déjà 13,7 %. Selon l’Institut Fraser, les dépenses gouvernementales par personne devraient augmenter et atteindre 13 226 $, comparativement à 9 306 $ dans la période avant la COVID-19. La dette augmente et le taux de chômage est en hausse. Si l’économie devait subir un autre coup dur, par exemple si la confiance des consommateurs devait se mettre à dégringoler — ce qui ne serait pas étonnant advenant une deuxième vague de la pandémie — ou si la dette des entreprises devait augmenter, en plus du fait que la banque centrale n’est plus en mesure de réduire les taux d’intérêt, le Canada pourrait se retrouver face à une nouvelle crise financière. Comme le taux directeur de la banque centrale est l’un des plus puissants outils pour absorber les stress économiques, le Canada pourrait devenir plus vulnérable aux sursauts de l’économie, autant ceux qui sont prévisibles que ceux qui ne le sont pas.
Encore une fois, les Canadiens avaient besoin de recevoir de l’aide en temps opportun et d’avoir accès à des fonds, et non d’une aide qui est arrivée trop tard. Ce qui m’inquiète, c’est que, pour les propriétaires de petite entreprise, les hausses de l’impôt sur les gains en capital pourraient avoir des conséquences semblables à celle d’un resserrement du crédit. Selon le directeur parlementaire du budget, la dette du Canada devrait s’élever à 256 milliards de dollars, et elle devrait augmenter de 17,9 milliards de dollars avec la prolongation de la Prestation canadienne d’urgence pour huit autres semaines.
Pour toutes ces raisons et bien plus encore, les Canadiens s’attendent à ce que le gouvernement soit entièrement transparent. Or, le ministre Morneau n’a même pas su ou voulu répondre aux deux questions toutes simples que le sénateur Plett lui a posées à maintes reprises : À combien s’élève actuellement la dette fédérale du Canada? Qui détient cette dette?
L’actuel gouvernement libéral a dit à maintes reprises que la transparence est importante. Cependant, il n’en a pas toujours fait preuve pendant cette pandémie mondiale.
Pour souligner l’importance de la transparence, précisons que le directeur parlementaire du budget a clairement exprimé, lors d’une réunion du Comité des finances nationales en mai, les préoccupations qu’il avait à l’égard des pouvoirs sans précédent qui étaient accordés aux ministres dans le cadre du projet de loi C-13. Il a dit ceci :
Je dirais que cela me préoccupe beaucoup, parce que même si nous sommes en situation de crise, le fait d’accorder à une personne ce pouvoir, ainsi que tous les autres pouvoirs que vous avez mentionnés — par exemple, emprunter sans limites et sans surveillance immédiate —, est une mesure qui est, à mon avis, sans précédent dans le régime actuel et dans l’histoire du Canada.
Dans le discours du Trône, la gouverneure générale Julie Payette a déclaré que la deuxième pierre d’assise de notre stabilité est notre système parlementaire. Cependant, nous avons aujourd’hui un gouvernement qui a refusé de rouvrir le Parlement et de répondre aux questions difficiles des partis de l’opposition. C’est pourtant de ces questions difficiles que dépendent le bien-être et les systèmes financiers du pays, ainsi que les emplois qui s’y trouvent. Heureusement que notre système est bicaméral et que, dans cette enceinte, nous pouvons prendre plus notre temps. Toutefois, nous sommes inquiets de ce que l’avenir nous réserve.
On ne doit pas accepter que le comportement affiché par le gouvernement pendant la pandémie devienne la « nouvelle norme ». C’est un affront à la démocratie et à tous les Canadiens qui ont fait des sacrifices, perdu leur emploi ou fermé définitivement leur entreprise. Il faut qu’il y ait une transparence totale afin que nous puissions examiner convenablement toutes les mesures législatives et faire en sorte que les secteurs de notre économie et les Canadiens ne passent plus entre les mailles du filet. Nous devons soutenir les petites entreprises et, plus particulièrement, les commerces familiaux, car ils sont l’épine dorsale de notre économie. Après la crise, ce sont sans aucun doute les petites entreprises qui remettront le Canada sur la voie de la prospérité.
En terminant, je reste aussi sceptique que critique à l’égard du manque de transparence du gouvernement sur la façon dont il dépense bien au-delà de nos moyens et accumule les déficits. Je suis exaspérée par les lacunes et les retards dans les programmes, qui ont été annoncés trop hâtivement, mais mis en œuvre trop lentement, ce qui a eu des conséquences dévastatrices pour de nombreuses entreprises.
En dépit de mes préoccupations croissantes au sujet de la dette, qui sera un fardeau pour nos enfants et plusieurs générations à venir, alors que je prends appui sur ceux qui ont tant sacrifié avant nous, dans ce lieu sacré, cette gare ferroviaire patrimoniale où des Canadiens ont quitté leurs proches pour aller faire la guerre à l’étranger, notamment ceux qui ont servi durant la guerre de Corée, et grâce à ma foi en Dieu et dans les Canadiens, y compris les petits entrepreneurs, qui demeureront comme toujours incroyablement résilients, dévoués et courageux, j’ai espoir.
Je me demande si la sénatrice Martin accepterait de répondre à une question.
Vous avez énuméré une foule de problèmes très difficiles qui touchent l’économie, mais votre liste part dans tous les sens. Je tiens seulement à mieux comprendre comment nous pouvons les régler.
D’une part, vous parlez de ce que vous qualifiez de dépenses excessives de la part du gouvernement ainsi que de l’endettement grandissant, une vive préoccupation que bon nombre d’entre nous ont. Vous êtes aussi inquiète parce qu’une agence a baissé la cote de crédit du pays. D’autre part, vous dites qu’il n’y a pas assez de financement, surtout pour les microentreprises. Ensuite, vous dites également que la prolongation de la Prestation canadienne d’urgence constitue un problème parce qu’elle dissuadera les entreprises de réembaucher leurs employés. Bien sûr, la Prestation canadienne d’urgence est le seul mécanisme auquel les microentreprises ont accès pour obtenir du financement quand elles n’ont pas une masse salariale suffisante pour être admissibles au Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. Je suis certain que vous en êtes bien consciente.
J’essaie de comprendre. Une grande partie de ce dont vous avez parlé va indéniablement augmenter le déficit. Vous êtes contre un déficit plus élevé et vous êtes contre une dette plus élevée. Quel niveau de déficit seriez-vous prête à accepter pour que le gouvernement puisse se faire une idée du niveau de confort de l’opposition lorsqu’il est question de nouvelles mesures pour stimuler l’économie? En ce moment, le déficit s’élève à 250 milliards de dollars environ. Accepteriez-vous un déficit de 300 milliards de dollars ou êtes-vous plutôt en train de dire qu’il faudrait le ramener à 200 milliards de dollars? Quel ratio de la dette par rapport au PIB toléreriez-vous? C’est la référence que le gouvernement a utilisée. Êtes-vous à l’aise à l’idée que la dette augmente ou insistez-vous pour qu’elle diminue?
Je ne veux pas tomber dans les technicalités, mais ce sont des questions déterminantes. Sans les réponses à ces questions fondamentales, nous ne pourrons pas trouver de solutions. Nous ne ferons que relever d’autres problèmes.
Je vous remercie de votre question, sénateur, et d’avoir écouté mon intervention au complet.
Je suis désolé, sénatrice Martin, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à la question?
Je pensais que nous nous étions entendus pour ne pas prolonger le temps de parole.
La décision vous revient, sénatrice Martin. Demandez-vous cinq minutes de plus?
Non.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de ce projet de loi, et je m’avoue inquiet de la façon dont les deux principaux programmes fédéraux de lutte contre la pandémie de COVID-19 ont réellement été mis en place. Je voulais que la Prestation canadienne d’urgence soit accessible aux personnes comme les sculpteurs et les artistes qui n’ont pas accès à Internet ou aux banques — de nombreux habitants du Nunavut vivent dans des collectivités dépourvues d’une banque locale —, mais je pense que l’implantation du programme a été entachée d’irrégularités, et qu’il est propice à la fraude.
Qu’on me comprenne bien : de nombreuses personnes ont perdu leur emploi salarié ou leur emploi de travailleur autonome à cause de la pandémie, et elles avaient donc besoin d’aide. Néanmoins, on a également été témoins de nombreux abus du programme en raison de demande non admissibles. Le gouvernement a semblé faire fi de ce potentiel de risque dès le début. Une note de service datant du 12 mai, distribuée par Emploi et Développement social Canada, fournissait même des instructions précises au personnel pour qu’il continue à effectuer des paiements, même en cas d’abus potentiels.
L’existence de cette note interne n’a jamais été démentie par le gouvernement, comme l’a rapporté le National Post. Apparemment, selon ce rapport, au début du programme, quelque 200 000 demandes avaient été signalées par des fonctionnaires en raison de revendications douteuses. Lorsque ce rapport de 200 000 demandes ayant été signalées comme potentiellement frauduleuses a été publié, la ministre de l’emploi Qualtrough a déclaré que ce chiffre était « bien loin » du chiffre réel. Elle voulait probablement dire que ce nombre était beaucoup trop élevé.
On voit, à présent, que ce nombre était peut-être beaucoup trop bas en fin de compte. Au début de juin, Statistique Canada a publié les résultats de sa plus récente Enquête sur la population active, qui semble indiquer que la fraude et les erreurs commises dans le cadre du programme de la Prestation canadienne d’urgence pourraient même avoir été beaucoup plus vastes que ce qu’on avait pensé. À la mi-mai, cette prestation avait été versée à 7,8 millions de personnes. Or, selon l’enquête de Statistique Canada, entre février et mai, seulement 5 millions de Canadiens avaient perdu leur emploi ou travaillaient moins de la moitié de leurs heures normales. Autrement dit, on pourrait avoir payé entre 2 et 3 millions de demandes qui semblent ne pas être liées à une perte d’emploi découlant de la COVID-19.
Se rendant peut-être compte qu’il avait créé un problème, le gouvernement a décidé de prendre des mesures énergiques et a rédigé une mesure législative qui aurait augmenté les peines dans les cas de fraude, mis fin à la prestation pour les personnes qui ne retournent pas au travail lorsqu’il est raisonnable de le faire ou ne reprennent pas leur travail autonome ou, encore, qui refusent une offre d’emploi raisonnable lorsqu’elles sont aptes au travail. Cette mesure législative n’est pas allée de l’avant, mais l’Agence du revenu du Canada a mis à jour une initiative en ligne qui s’appelait auparavant le Programme des indices pour permettre aux Canadiens de moucharder leurs concitoyens qu’ils soupçonnent de fraude. Le gouvernement a parlé de récupérer les sommes versées aux fraudeurs.
Chers collègues, les médias sociaux sont truffés d’histoires d’escroqueries liées à la Prestation canadienne d’urgence. Beaucoup de chèques ont été envoyés à des détenus chômeurs dans des prisons et à des gens dans des refuges pour sans-abris. La nouvelle s’est répandue au Nunavut qu’il fallait simplement téléphoner à l’Agence du revenu du Canada et dire que le chèque n’avait pas été livré pour qu’un autre chèque soit certainement envoyé. On pouvait même rappeler et dire que le deuxième chèque n’était pas arrivé, et l’ARC enverrait encore un autre chèque. Je parle des chèques mis à la poste. Nous avons aussi appris que des criminels se sont servis de numéros d’assurance qui n’étaient pas les leurs pour obtenir la Prestation canadienne d’urgence.
Qu’est-ce que tout cela a donné? La manne de la Prestation canadienne d’urgence est tombée du ciel au Nunavut, où, dans certains cercles, on l’appelle affectueusement l’argent COVID ou l’argent gratuit. Les employeurs ne peuvent trouver personne pour travailler ou ne peuvent pas convaincre leurs employés de retourner au travail. Ils se plaignent que le programme a été mis en œuvre sans mesures d’incitation à travailler ou à retourner travailler.
Je tiens à dire clairement que beaucoup de personnes étaient heureuses de recevoir l’argent et qu’elles en avaient besoin. On a beaucoup insisté sur la situation financière des chômeurs dans les secteurs du divertissement et des arts appliqués, qui sont des secteurs importants au Nunavut, ainsi que sur la situation des gens qui travaillent dans le secteur des services et qui s’inquiétaient beaucoup de ne plus pouvoir nourrir leur famille dans une région qui présente déjà le coût de la vie le plus élevé du pays.
Parmi les demandeurs qui ont utilisé abusivement le programme et qui n’y étaient pas admissibles parce qu’ils n’avaient pas d’emploi avant la crise, certains n’ont pas sagement utilisé cet argent pour subvenir aux besoins de leur famille et payer les factures. Ainsi, à l’hôpital général de Qikiqtani, à Iqaluit, les visites aux urgences attribuables à l’alcool ont augmenté de 18 % pendant la pandémie, si on les compare aux moyennes des années passées. La GRC a aussi signalé que les appels liés à l’alcool avaient augmenté de 20 % par rapport aux mois précédents. Parmi tous les appels faits en avril, 92 % étaient liés à l’alcool. Cela a amené les résidants de quartiers habituellement tranquilles à se plaindre de perturbations de l’ordre public, perturbations qui ont été signalées à la police.
Des gens m’ont mentionné que la présence de crack et d’autres drogues dangereuses menait à des situations de plus en plus alarmantes parmi les citoyens vulnérables d’Iqaluit.
J’ai maintenant l’impression que le gouvernement a commis des erreurs lorsqu’il a mis en place la Prestation canadienne d’urgence. Premièrement, il a fait savoir au public et à la fonction publique que la vérification des demandes serait minimale. Le premier ministre a dit pendant l’une de ses conférences de presse quotidiennes que le plus important, c’était que l’argent soit versé. Le premier projet de loi ne prévoyait d’ailleurs aucune sanction pour les demandes abusives.
Le problème est tellement répandu au Nunavut que le premier ministre a dû faire une sortie publique pour demander aux gens de ne pas en faire la demande s’ils n’y avaient pas droit. Au lieu de courir après les fraudeurs une fois que le mal est fait, comme le gouvernement semble désormais en avoir l’intention, il aurait dû instaurer des mesures de contrôle plus rigoureuses avant que de l’argent soit versé à des gens qui n’y avaient pas droit. Je crains que bon nombre de Canadiens qui ont été attirés par l’appât du gain facile devront en payer le prix plus tard, par exemple en perdant leur statut auprès du gouvernement. C’est sans parler du fait que, dans bien des cas, ce sera tout simplement impossible de récupérer l’argent qui a été versé par erreur.
Les personnes qui s’inscrivent à la Prestation canadienne d’urgence ne sont pas tenues d’avoir produit une déclaration de revenus, même si le programme exige qu’elles aient occupé un emploi dans l’année précédant la pandémie. Qu’est-ce qui leur pend au bout du nez? Y aura-t-il un gros drapeau rouge à côté de leur numéro d’assurance sociale? Risquent-elles d’être un jour privées d’autres prestations fédérales, comme les pensions?
Les choses étant ce qu’elles sont, il n’y a rien d’étonnant à ce que le coût de la Prestation canadienne d’urgence ait explosé. Les réseaux sociaux regorgent d’ailleurs d’exemples de gens qui ont réussi à déjouer le système. Je me rappelle quand ce programme a été annoncé. Selon ce qu’on nous a dit lors d’une séance d’information à l’intention des parlementaires, il devait coûter 21 milliards de dollars.
Le 23 juin, le montant avait atteint 43,5 milliards de dollars, qu’on avait versés à 8,41 millions de personnes. Le gouvernement a décidé de prolonger le programme de deux mois, ce qui coûtera 17,9 milliards de dollars. Résultat : le programme aura coûté environ trois fois le montant estimé initialement.
Les coûts prévus pour le programme de subvention salariale conçu par le gouvernement se chiffraient à 71 milliards de dollars. Toutefois, beaucoup d’entreprises — et de compagnies du Nord — ont constaté que les lignes directrices centrées sur Ottawa, dont je me suis plaint dans cette enceinte, ne correspondent pas à leurs besoins. C’est le cas de jeunes entreprises minières qui ne génèrent pas de revenus. Leurs revenus proviennent d’actions accréditives et d’investisseurs — et pour les entreprises saisonnières du secteur de la construction et du tourisme pour lesquelles les échéanciers ne conviennent pas...
Je suis désolé, sénateur Patterson, mais je dois vous interrompre. Honorables sénateurs, il est 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que nous convenions de ne pas tenir compte de l’heure.
Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Merci, chers collègues.
Le ministre Morneau s’est engagé à revoir et à modifier le programme de subvention salariale. Il a en fait pris cet engagement dans cette enceinte lorsqu’un des premiers projets de loi a été présenté en avril dernier, mais nous attendons toujours avec impatience les résultats de cette révision, alors que la crise financière actuelle paralyse de nombreuses entreprises.
Le gouvernement a réduit le budget de la subvention salariale à 45 milliards de dollars par rapport au niveau prévu de 70 milliards de dollars et, en date du 15 juin, le gouvernement n’avait approuvé que 13,2 milliards de dollars à ce titre.
Par conséquent, le programme de subvention salariale a été peu sollicité en raison de règles d’admissibilité restrictives et la Prestation canadienne d’urgence semble avoir été trop sollicitée en raison du laxisme constaté dans la prévention de la fraude et de l’absence de sanctions pour fraude et d’incitations au travail.
De nombreux dirigeants politiques ont laissé entendre que l’on devrait s’inspirer de la Prestation canadienne d’urgence pour élaborer un programme de revenu de base annuel garanti. Toutefois, je pense que ce programme n’a pas été, à certains égards, exemplaire. Nous n’avons pas non plus eu l’occasion d’examiner ces enjeux majeurs au sein des Chambres du Parlement et la Prestation canadienne d’urgence est largement considérée comme un facteur de dissuasion au travail.
Voilà des conclusions troublantes. Je trouve regrettable que les parlementaires aient eu très peu d’occasions de poser des questions sur ces programmes très coûteux et leurs lacunes. En outre, je suis stupéfait que, face à ces graves préoccupations, le gouvernement ait pris l’initiative de proposer la fermeture de la Chambre des communes jusqu’au 21 septembre, date à laquelle ces programmes seront pour la plupart arrivés à leur terme.
Et, respectueusement, Votre Honneur, quand votre bureau a indiqué que la séance du Sénat qui était prévue pour le 2 juin n’aurait pas lieu, que ce n’était pas dans l’intérêt public qu’elle ait lieu, j’ai aussi été préoccupé. À mon avis, il est malheureux que les parlementaires n’aient pas eu davantage leur mot à dire sur ces programmes importants et coûteux. Nous ne devrions pas avoir à passer des mois et des années après cette pandémie à réparer les dégâts et à essayer de voir rétrospectivement qui a été laissé pour compte et ce qui aurait pu être fait pour que des programmes de revenu garanti comme la Prestation canadienne d’urgence soient mieux conçus et que le programme de subvention salariale ne laisse pas de côté des secteurs importants de notre économie. Merci.
Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Patterson?
Oui.
Merci beaucoup. J’ai écouté avec grand intérêt vos propos concernant l’importance de se pencher sur l’idée un revenu minimum garanti, et vous ne serez probablement pas surpris d’apprendre que je suis tout à fait d’accord. Néanmoins, je suis préoccupée par les renseignements que vous avez fournis à propos de l’ampleur des cas de fraude liés à la Prestation canadienne d’urgence qui sont signalés. Les renseignements que j’ai demandés et que j’ai reçus indiquent exactement le contraire; en réalité, il y aurait très peu de cas de fraude.
Hormis les anecdotes que vous avez présentées, je suis curieuse de savoir où se trouvent les données et d’où proviennent les preuves que vous avez rapportées. Vous vous souvenez probablement qu’au cours de la séance du comité plénier mardi dernier, nous avons posé des questions concernant les pertes dues à la fraude par rapport aux pertes causées par l’évitement et l’évasion fiscale des entreprises, et sur le fait que nous n’avons même pas cherché à savoir si les subventions salariales étaient un sujet de préoccupation. L’accent semble être mis sur les personnes les plus démunies, et non sur celles qui pourraient en profiter davantage, que ce soit par l’évasion fiscale à l’étranger ou par la recherche de subventions salariales sans soutien.
Pourriez-vous nous indiquer d’où proviennent ces renseignements?
Je vous remercie de votre question.
Honorables sénateurs, je tiens à rendre hommage au Comité sénatorial permanent des finances nationales et au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, qui, pendant la pandémie, ont travaillé dur dans un délai très court pour examiner la réponse du gouvernement à la COVID-19. Cependant, je pense encore que nous n’avons pas eu suffisamment de temps pour examiner en profondeur ces questions, comme nous le faisons normalement dans les deux Chambres du Parlement. Je tiens à assurer à la sénatrice Pate que, selon moi, de nombreuses personnes à faible revenu avaient bel et bien besoin de la Prestation canadienne d’urgence. Toutefois, je crains aussi que beaucoup de personnes n’étaient pas admissibles au programme et qu’elles n’étaient pas en mesure de gérer de telles sommes. Je parle de ce que j’ai pu observer dans ma région.
J’ai aussi été effaré de constater que les fonctionnaires avaient reçu instruction de ne pas sonner l’alarme en présence de cas de fraude. Je ne pense pas que ce soit dans l’intérêt des gens à qui on a permis d’abuser du programme. En effet, ils devront maintenant faire face aux conséquences de leurs gestes, car le gouvernement a dit qu’il s’en prendrait à eux et qu’il les obligerait à rembourser l’argent.
Je ne prétends pas connaître en détail la réponse à votre question au sujet de l’ampleur de la fraude. Cependant, je ne pense pas que nous ayons eu assez de temps pour examiner en profondeur ces programmes très coûteux, qui ont été conçus dans la précipitation. Honnêtement, je ne suis pas convaincu que le Parlement, même avec un nombre réduit de députés et de sénateurs, aurait été dans l’impossibilité de faire son travail et d’exiger que le gouvernement rende des comptes relativement aux fonds publics. Je vous remercie.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)