Projet de loi sur des mesures en réponse à la COVID-19
Deuxième lecture
1 octobre 2020
Propose que le projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19, soit lu pour la deuxième fois.
—Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de parrain au Sénat du projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19. J’espère que vous avez déjà posé toutes vos excellentes questions et que le reste du débat sera marqué par l’esprit de collégialité qu’a décrit la ministre des Finances et vice-première ministre lors de son passage parmi nous aujourd’hui.
La lutte contre la COVID-19 demeure une priorité nationale. La pandémie est toujours bien présente au Canada et demeure une menace très sérieuse. Comme vous le savez, nous étudions un projet de loi très important, qui constitue un élément essentiel de la réponse économique du gouvernement à la pandémie de COVID-19 et fera en sorte que les Canadiens continuent à bénéficier du soutien dont ils ont besoin pour traverser la tempête.
Le projet de loi à l’étude propose des mesures d’une valeur estimée à 41 milliards de dollars, soit 24 milliards de dollars pour les prestations de la relance destinées aux Canadiens et 17 milliards de dollars pour la prolongation de l’aide financière liée à la COVID.
Chers collègues, il y a derrière ces chiffres de vraies personnes qui ne peuvent pas travailler pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille à cause de la COVID-19. C’est pourquoi le gouvernement a créé la Prestation canadienne d’urgence, la PCU, à un moment de la pandémie où les autorités de santé publique disaient aux gens de rester chez eux pour aplatir la courbe et protéger la santé des Canadiens.
Le 20 août dernier, le gouvernement a annoncé qu’il allait faire passer les bénéficiaires de la Prestation canadienne d’urgence à un régime simplifié d’assurance-emploi afin de fournir un soutien au revenu à ceux qui ne sont toujours pas en mesure de travailler. De plus, les gens recevant des prestations d’assurance-emploi pourront accéder à de la formation et au programme Travail partagé, ce qui les aidera et les incitera à trouver du travail.
Par ailleurs, le gouvernement offre maintenant une série de prestations de la relance économique temporaires visant à continuer d’aider les travailleurs. Avant d’en parler, je vais prendre quelques instants pour passer en revue les modifications que le gouvernement a récemment apportées à l’assurance-emploi.
Les nouvelles mesures temporaires annoncées en août aideront de trois façons les personnes à répondre aux critères d’admissibilité aux prestations de l’assurance-emploi. Premièrement, on établira à 13,1 % le taux de chômage national pour toutes les régions économiques. Cette mesure prévoit un critère uniforme de 420 heures d’emploi aux fins d’admissibilité. Ce changement donnera également droit à au moins 26 semaines de prestations régulières. Dans les régions de l’assurance-emploi où le taux de chômage est supérieur à 13,1 %, la région en question utilisera le taux le plus élevé.
Deuxièmement, un crédit unique d’heures assurables sera accordé à tous les bénéficiaires de l’assurance-emploi. Le gouvernement créditera 300 heures pour les demandes de prestations régulières et 480 heures pour les demandes de prestations spéciales. Cela signifie que les Canadiens seront admissibles à l’assurance-emploi dès qu’ils auront travaillé 120 heures. De plus, le crédit d’heures sera offert pendant un an et il sera rétroactif au 15 mars 2020.
Troisièmement, le gouvernement accordera un montant minimum de 500 $ par semaine aux personnes admissibles à l’assurance-emploi et 300 $ par semaine aux personnes admissibles aux prestations parentales prolongées.
De plus, comme l’ont dit les ministres aujourd’hui, le gouvernement gèlera le taux de cotisation à l’assurance-emploi à celui fixé en 2020. Grâce au gel du taux de cotisation, les cotisations des employés et des employeurs à l’assurance-emploi n’augmenteront pas en cette période d’incertitude économique, ce qui favorisera également la création d’emplois au fur et à mesure que l’économie se redresse.
La Loi sur les mesures d’urgence visant la COVID-19 confère au ministre de l’Emploi et du Développement social le pouvoir d’apporter des modifications temporaires au régime d’assurance-emploi afin d’atténuer les répercussions économiques découlant de la COVID-19. Le ministre s’en est prévalu pour apporter les changements à l’assurance-emploi que je viens d’énoncer.
Toutefois, même avec tous ces changements, certains Canadiens seront toujours inadmissibles à l’assurance-emploi. De plus, des travailleurs auront besoin de soutien continu s’ils contractent la COVID-19 ou s’ils ont besoin de s’absenter du travail pour prendre soin d’un proche. C’est pourquoi nous débattons de cette importante mesure législative aujourd’hui. Le projet de loi dont nous sommes saisis vise à créer trois nouveaux programmes d’aide : la Prestation canadienne de relance économique, la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants et la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique. Il est impérieux que nous mettions en place ces nouveaux programmes pour aider les Canadiens qui, faute de cela, devront relever d’énormes défis. Ces nouvelles prestations visent à garantir que les Canadiens obtiennent le soutien dont ils ont besoin au cours de la prochaine étape de la réponse du gouvernement du Canada à la COVID-19, et à compléter les changements qui ont été apportés au programme d’assurance-emploi.
J’aimerais d’abord parler de la Prestation canadienne de relance économique. Ce programme viendra en aide aux personnes qui ont arrêté de travailler pour des raisons liées à la COVID-19 ou qui ont subi une perte de revenus d’au moins 50 % et qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi. Cela comprend notamment les travailleurs autonomes ou ceux qui œuvrent dans l’économie des petits boulots. La Prestation canadienne de relance économique accordera aux Canadiens admissibles un montant de 500 $ par semaine pendant un maximum de 26 semaines, ce qui est conforme au programme d’assurance-emploi.
De façon semblable à l’assurance-emploi, la Prestation canadienne de relance économique a été conçue pour être un incitatif à l’emploi. Les demandeurs ont le droit d’avoir un revenu d’emploi ou un revenu tiré d’un travail indépendant pendant qu’ils reçoivent la prestation. De plus, les travailleurs devront faire une demande après chaque période de deux semaines pour laquelle ils souhaitent obtenir la prestation, dans laquelle ils certifieront qu’ils répondent toujours aux critères exigés. Cela veut dire que, de façon semblable à l’assurance-emploi, les personnes qui demandent la Prestation canadienne de relance économique devront certifier qu’ils n’ont pas démissionné ni refusé une offre raisonnable d’emploi, qu’ils cherchent du travail et qu’ils sont prêts à retourner au travail aussitôt qu’il est raisonnable de le faire.
Enfin, les demandeurs qui auront un revenu net de plus de 38 000 $ en 2020 ou en 2021 seront obligés de rembourser 50 ¢ pour chaque dollar gagné qui dépasse cette limite, jusqu’à concurrence de la pleine valeur de la Prestation canadienne de relance économique qu’ils auront reçue. Le gouvernement est arrivé à la somme de 38 000 $ en additionnant 24 000 $, soit le revenu moyen d’un travailleur autonome, au maximum de la Prestation canadienne d’emploi, qui s’élève à 14 000 $.
Ainsi, on concilie les mesures de soutien du revenu avec la nécessité d’encourager les gens à travailler et on continue à cibler les Canadiens qui ont le plus besoin d’aide.
En deuxième lieu vient la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique. Cette nouvelle prestation évitera aux travailleurs de devoir choisir entre protéger leur santé et payer leurs factures. Elle fournira 500 $ par semaine pendant, au plus, deux semaines à toute personne admissible qui n’est pas en mesure d’exercer son emploi pendant au moins 50 % de sa semaine normale de travail pour l’une ou l’autre des raisons suivantes : elle a contracté la COVID-19 ou pourrait avoir contracté la COVID-19; elle a des affections sous-jacentes, suit des traitements ou a contracté d’autres maladies qui la rendraient plus vulnérable à la COVID-19; elle s’est mise en isolement sur l’avis de son employeur, d’un médecin, d’un infirmier praticien, d’une personne en situation d’autorité, d’un gouvernement ou d’un organisme de santé publique pour des raisons liées à la COVID-19.
Le travailleur est admissible s’il n’a pas accès à des congés de maladie par l’entremise de son employeur ou s’il a épuisé son solde de congés de maladie payés. Il ne peut toucher cette prestation et des congés de maladie payés pour la même période de prestations. Le travailleur pourrait demander la prestation après la période d’une semaine pour laquelle il demande un soutien du revenu et devra attester qu’il satisfait aux critères. En outre, le travailleur n’aurait pas à fournir de certificat médical pour recevoir la prestation.
Cette nouvelle prestation donnerait suite à l’engagement pris par le gouvernement du Canada dans l’Accord sur la relance sécuritaire conclu avec les provinces et les territoires, c’est-à-dire d’offrir deux semaines de congé de maladie à tous les Canadiens dans le contexte de la COVID-19.
Chers collègues, cette prestation est essentielle pour la sécurité de la relance économique au pays. Nous devons nous assurer que les gens ne se rendront pas au travail s’ils ont la COVID-19 ou s’ils risquent d’attraper le virus. Les travailleurs qui n’ont pas de congés de maladie payés ne devraient pas avoir à choisir entre payer leurs factures et protéger leur santé et celle de leurs proches.
Troisièmement, il y a la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants. Même si les écoles, les garderies et les établissements et programmes de jour travaillent à une réouverture sécuritaire en fonction des directives de la santé publique, ils ne sont pas à l’abri d’une nouvelle fermeture. C’est là qu’interviendrait la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants. Elle prévoit 500 $ par semaine par ménage pendant au plus 26 semaines pour les travailleurs qui ont besoin de prendre un congé sans solde pour prendre soin d’un proche en raison de la fermeture d’une école, d’une garderie ou d’un établissement ou programme de jour. Plus précisément, le recours à cette prestation peut être partagé entre les membres d’un même ménage, mais deux personnes d’un même ménage ne peuvent demander la prestation en même temps et cumuler les montants.
Pour être admissible à la prestation, le demandeur doit être incapable de travailler au moins 50 % de son horaire de travail habituel pour l’une des raisons suivantes : il s’occupe d’un enfant de moins de 12 ans, d’un membre de la famille qui est handicapé ou d’une personne à charge qui nécessite des soins supervisés parce que la personne a contracté la COVID-19 ou pourrait l’avoir contracté; parce que l’école, la garderie, le programme de jour ou l’établissement de soins sont fermés ou ont modifié leurs heures d’ouverture en raison de la COVID-19; parce qu’ils ne peuvent se présenter à ces endroits sur l’avis d’un professionnel de la santé; parce que la personne qui s’occupe habituellement d’eux n’est pas disponible pour des raisons liées à la COVID-19.
Les travailleurs ne devraient pas avoir à choisir entre payer les factures et prendre soin d’un des membres de leur famille et c’est ce que vise à empêcher ce projet de loi.
Si le projet de loi est adopté, les critères d’admissibilité aux prestations s’appliqueront du 27 septembre 2020 au 25 septembre 2021. De plus, ces trois prestations sont imposables et l’impôt sera perçu à la source.
J’aimerais passer aux mesures d’intégrité prévues dans le projet de loi. Celui-ci comprend aussi des dispositions visant à soutenir l’administration des nouvelles prestations. Contrairement à la PCU, pour laquelle les mesures d’intégrité ont été intégrées en aval, les nouvelles prestations de relance sont dotées de solides mesures de vérification en amont. Les bénéficiaires seront soumis à divers contrôles, au moment de la demande et par la suite, pour garantir qu’ils ne reçoivent que les prestations auxquelles ils ont droit. De plus, le projet de loi à l’étude prévoit certaines pénalités pour des manquements et des délits, afin de dissuader les fraudes et promouvoir la conformité.
Selon le projet de loi, on commet une violation si on fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse dans une demande ou que l’on reçoit une prestation de relance sachant qu’on n’y a pas droit.
Les infractions ont trois niveaux de gravité : une personne commet une infraction si elle utilise sciemment de faux renseignements identificateurs ou ceux d’une autre personne, si elle conseille à une autre personne de présenter une demande de prestation avec l’intention de voler la prestation ou une partie importante de celle-ci — comme nous l’avons déjà vu — ou fait sciemment au moins trois déclarations fausses ou trompeuses, si le montant total des prestations qui ont été ou auraient été versées par suite des demandes est d’au moins 5 000 $.
Honorables sénateurs, le gouvernement a indiqué clairement dès le début qu’aucune personne ayant fait une erreur de bonne foi ne sera punie. De plus, le projet de loi précise que si une personne croit erronément que ses déclarations sont vraies, elle ne commet pas d’infraction ou de violation en raison de cette erreur.
Passons rapidement aux modifications apportées au Code canadien du travail. Afin de garantir que les employés sous réglementation fédérale puissent avoir droit à un congé assorti de la protection d’emploi, le gouvernement propose des modifications au Code canadien du travail. Ainsi, ces employés ont accès à la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et à la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants. Ces modifications créent aussi un pouvoir de réglementation qui permettrait au gouvernement de suspendre ou de modifier l’exigence de fournir un certificat médical pour avoir droit à certains paiements prévus à la partie 3 du code. L’exemption existante de l’obligation pour les employés de présenter un certificat médical pour avoir droit à un congé de maladie, à un congé de compassion ou à un congé pour maladie grave a été abrogée le 30 septembre. Ce pouvoir de réglementation permettrait au gouvernement de réintroduire l’exemption s’il le juge nécessaire pour réduire le fardeau du système de santé et faciliter l’accès des employés au congé assorti de la protection d’emploi dont ils ont besoin.
Au moyen de ces modifications, le gouvernement a l’intention d’assurer aux Canadiens que leur emploi est protégé s’ils doivent rester à la maison et ainsi se protéger et protéger les autres Canadiens.
Finalement et brièvement, parlons du prolongement de la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national. La partie 3 du projet de loi reporte également l’abrogation de cette loi à la fin de cette année.
Elle nécessite l'assentiment des ministres des Finances et de la Santé. Elle comprend 45 mesures d'une valeur totale de 17 milliards de dollars. La plupart de ces mesures prévoient des fonds complémentaires comme la bonification du fonds d'aide et de relance régionale pour la COVID. Certaines sont nouvelles, comme les fonds pour les compétences et la formation. Toutes sont énumérées dans l'annexe du projet de loi qui se trouve aux dernières pages.
Grâce à divers programmes de soutien d’urgence, la loi a permis au gouvernement d’aider des millions de Canadiens et des centaines de milliers d’entreprises canadiennes à traverser la crise. Si la loi n’est pas prolongée, ces paiements pourraient être interrompus, ce qui aurait des conséquences néfastes sur la vie des gens, des familles et des entreprises. Depuis le 15 mars, près de 9 millions de personnes ont reçu la PCU, ce qui a aidé des millions de Canadiens et leurs familles à éviter des pertes de revenu catastrophiques tout en contribuant à maintenir l’économie à flot. Aujourd’hui, le Canada est toujours en pleine crise. On estime que plusieurs millions de Canadiens ont encore besoin de soutien du revenu.
De plus, en prolongeant la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national, le gouvernement pourra prolonger le financement de mesures importantes dans sa lutte contre la COVID-19, notamment pour l’achat d’équipement de protection individuelle pour assurer la sécurité des travailleurs essentiels et relancer l’économie en toute sécurité, la recherche médicale visant à approfondir les connaissances sur le virus et éclairer notre réponse, ainsi que l’achat futur de vaccins et d’autres traitements.
Ensemble, ces mesures vont aider notre économie à tenir le coup et les Canadiens à faire le pont entre le confinement total du printemps dernier et une réouverture prudente et sécuritaire de l’économie cet automne et cet hiver.
Pour conclure, chers collègues, le projet de loi dont nous sommes saisis offre des mesures équilibrées et modulées pour faire face à ce qui est peut-être la pire crise sanitaire et économique de notre génération. La pandémie a changé de nombreuses choses, y compris notre façon d’interagir dans cette enceinte, mais elle va avoir une fin. Les Canadiens sont résilients. Nous allons surmonter cette période difficile et nous allons le faire ensemble. En appuyant ce projet de loi, nous nous assurons de veiller sur les Canadiens. Nous avons ici l’occasion de travailler ensemble pour bâtir un Canada plus fort. Chers collègues, je vous encourage tous à appuyer l’adoption du projet de loi C-4 comme je vais le faire. Merci.
Votre Honneur, j’ai quelques questions pour le sénateur Dean.
Sénateur Dean, accepteriez-vous de répondre à quelques questions?
Certainement.
Monsieur le sénateur, vous avez raison. La présence des ministres avant ce débat nous a permis d’obtenir des réponses à un bon nombre de nos questions, mais pas à toutes nos questions. En tant que porte-parole, je pense qu’il est important que je vous pose certaines questions très précises puisque vous parrainez le projet de loi.
Pourriez-vous m’expliquer l’article 41, celui qui permet au gouvernement de dépenser aux termes de la cette loi jusqu’au 31 mars 2024 alors que les programmes prennent fin en 2021? Sans être inquiétante, la date du 31 mars 2024 a attiré mon attention. Je suis curieuse de savoir pourquoi elle figure dans cet article du projet de loi.
Laissez-moi trouver le bon article.
Je crois qu’il se trouve dans la partie 4.
Oui, c’est tout à fait exact. Vous parlez de l’article 41 et faites allusion à la partie suivante : « Peuvent être payées sur le Trésor, jusqu’au 31 mars 2024 [...] » Merci de votre question, qui est vraiment très bonne. Lors de mes préparatifs, je me suis abondamment informé auprès de fonctionnaires du ministère, mais je crains ne pas pouvoir répondre à cette question.
Je ne peux que supposer qu’il y a des coûts de fonctionnement liés au projet de loi, qui devront être payés à même le Trésor, mais je crains que je n’aie pas de meilleure réponse à donner. J’aurais aimé que vous puissiez poser cette question aux fonctionnaires quand ils étaient ici.
J’ai aussi fait mes propres recherches. Un adjoint avec qui j’ai travaillé au bureau du leader m’a notamment indiqué que l’Agence du revenu du Canada est responsable de récupérer ou de recouvrer certains paiements faits par erreur ou des trop-payés et qu’il pourrait y avoir des activités frauduleuses, ce qui pourrait prendre un certain temps. J’ignore si c’est tout à fait exact. Vous aviez demandé tellement de précisions dans ce dossier, mais la date en soi m’a fait réfléchir. Pourquoi l’année 2024 apparaît-elle dans ce projet de loi?
Sénatrice Martin, vous me rappelez justement qu’il y a un autre article dans le projet de loi — j’y reviendrai dans un instant — qui donne quelque chose comme 60 ou 72 mois à l’Agence du revenu du Canada pour recouvrer les sommes que certains bénéficiaires ont pu toucher sans y avoir droit. Voilà pourquoi on parle de 2024.
Je vois. Cela me semble loin, mais bon. Vu la complexité de ces dossiers, je serais curieuse de connaître le taux de succès de l’ARC. Les activités se prolongeront-elles au-delà de cette date ou a-t-on la garantie que c’est à ce moment que cesseront certaines dépenses?
Cela me semble assez immuable, puisqu’on a pris la peine de donner une date précise. Bref, je dirais oui.
D’accord. Je sais que nous franchirons l’étape de la troisième lecture et que nous terminerons le débat demain, alors j’aurais aimé que nous ayons une réponse définitive, vous et moi. Je vais devoir considérer que les chiffres que nous avons correspondent aux dépenses prévues dans le projet de loi. Vous avez parlé de 41 milliards de dollars, mais la ministre a donné un autre chiffre, et le sénateur Carignan est arrivé de son côté à 51 milliards. Il me semble que la ministre a donné trois chiffres dans sa réponse au sénateur Carignan, et moi aussi j’arrivais à un total de 51 milliards de dollars après un calcul rapide, mais peut-être pourriez-vous vérifier?
Le chiffre que j’ai mentionné pendant mon intervention est celui qui m’a été fourni par les fonctionnaires. Il correspond au coût de ces trois programmes, plus les 17 milliards de dollars décrits dans les dernières pages du projet de loi.
Souhaitez-vous en débattre, sénatrice Martin?
J’aurais encore une question, Votre Honneur. Je sais que beaucoup d’autres sénateurs souhaitent prendre la parole...
Je suis désolé de vous interrompre, sénatrice Martin, mais selon l’article 3-3(1) du Règlement, comme il est 18 heures, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que les sénateurs consentent à ne pas tenir compte de l’heure.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?
Je vous remercie de vos précisions. C’est à propos des 41 milliards et des 17 milliards plus 41... En fait, les chiffres que j’ai dans ma liste ne tiennent pas la route, mais je les réexaminerai par moi-même.
Ma dernière question, monsieur le sénateur, porte sur la définition de « famille » fournie dans la Loi sur des mesures en réponse à la COVID-19. Elle dit ceci :
[...] personne considérée comme un proche parent ou qui se considère comme un proche parent.
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le gouvernement a choisi d’utiliser cette définition très large de la famille?
Je ne peux que supposer que dans les familles d’aujourd’hui, il existe toute une série de rapports étroits, familiaux et non familiaux. Concrètement, cela signifie que si un ménage a un proche aidant, qu’il s’agisse d’un membre de la famille ou d’une autre personne rémunérée, si cette personne n’est plus en mesure de s’occuper de l’enfant ou de l’adulte concerné, il est possible que le parent ait à s’absenter du travail pour jouer le rôle de proche aidant à la maison.
Je pense que c’est dans le contexte d’un ménage. L’objectif ici est que si un parent a besoin d’aide parce que son enfant reste à la maison, il a droit à la prestation. S’il y a une autre personne qui s’occupe normalement des enfants, que ce soit un membre de la famille ou non, et qu’elle est touchée par la COVID, ce qui force le parent à s’absenter du travail, ce dernier a quand même droit à la prestation.
C’est une lecture simple et logique de ce que le texte dit.
Je serai brève. J’espère que vous me pardonnerez ainsi tout le temps que j’ai pris pour mes questions plus tôt aujourd’hui.
Souhaitez-vous en débattre, sénatrice Martin?
Oui, je veux en débattre.
Absolument, il s’agit en principe d’un projet de loi qu’il faut étudier très attentivement et les Canadiens méritent d’être soutenus par le gouvernement durant cette période, notamment les petites entreprises dont je parle souvent dans mes interventions. Le projet de loi est très important pour eux. Comme je l’ai dit, j’estime que des questions demeurent sans réponse et j’espère que le gouvernement compte travailler assidument pour combler ces lacunes.
Honorables sénateurs, j’interviens au sujet du projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19. Encore une fois, alors que nous abordons ce débat très important, je veux prendre un instant pour souligner et reconnaître la force, la résilience et la bienveillance sincère des Canadiens de tout le pays. Ces derniers mois ont été très durs pour beaucoup de Canadiens, de familles et d’entreprises. Nous remercions tous les travailleurs de première ligne et du secteur de la santé pour faire preuve d’un courage inébranlable sur le terrain et pour continuer à protéger les Canadiens.
Aux Canadiens qui souffrent de maladie mentale, qui ont perdu un être cher, leur emploi ou leur entreprise et qui élèvent une famille en ces temps incertains, j’espère que nos débats et le soin avec lequel nous nous efforçons de faire notre travail en tant que sénateurs leur donneront l’assurance qu’il y aura des jours meilleurs et qu’ensemble, nous allons persévérer en tant que pays.
Dimanche dernier, je me suis entretenue avec un vétéran de la guerre de Corée. Il a eu 90 ans en juin dernier. Il a fait une chute, mais il s’en est remis et il est encore capable de se promener dans son quartier. Il m’a dit que des gens l’abordent souvent pendant ses promenades pour lui offrir de l’aide, et que ce sont des gens de tous les âges.
Des exemples aussi touchants nous redonnent foi en l’humanité. En cette Journée nationale des aînés, je tiens à saluer Bill Newton, le vétéran dont je parle, ainsi que tous les aînés qui ont fait des sacrifices pour que nous puissions être ici aujourd’hui.
Je serai brève pour présenter le reste de mes observations à l’étape de la deuxième lecture, car je parlerai plus en détail de la teneur du projet de loi lors de la troisième lecture. Je tiens à saluer notre collègue le sénateur Dean, qui parraine le projet de loi.
Chers collègues, nous savions depuis longtemps que ce projet de loi allait venir. À la fin juillet, le gouvernement avait annoncé son intention de faire passer tous les prestataires de la PCU à l’assurance-emploi. Il a aussi dit que pour ceux qui ne seront toujours pas admissibles à l’assurance-emploi, comme les travailleurs contractuels, il créerait une prestation de transition semblable à l’assurance-emploi, ainsi qu’une prestation de maladie et une prestation pour proches aidants. Cela fait longtemps qu’il prépare le projet de loi.
Près d’un mois plus tard, le 20 août, le gouvernement a révélé quelques détails sur ces programmes. Nous avons appris qu’il s’agirait de la Prestation canadienne de relance économique, de la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et de la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants.
Toutefois, il a fallu attendre cinq semaines supplémentaires avant que le premier projet de loi habilitant soit présenté au Parlement le 24 septembre. Le projet de loi C-2 a été initialement déposé à la Chambre des communes, mais très peu de temps après, une nouvelle version, le projet de loi C-4, s’est révélée nécessaire. C’est une autre preuve que le gouvernement tente de faire adopter des projets de loi à la hâte et de précipiter son programme législatif.
Le débat sur le projet de loi n’a commencé que lundi à la Chambre des communes. Nous sommes jeudi. Le lendemain, soit mardi, les députés sont passés au travers des étapes de la deuxième lecture, du comité plénier et de la troisième lecture en une seule journée. Étant donné qu’il y a trois fois plus de parlementaires à la Chambre, je ne peux m’empêcher de me demander ce qui a été négligé ou compromis pour permettre au gouvernement de faire adopter ce projet de loi en une seule journée.
Le gouvernement a eu des mois pour travailler sur ce projet de loi, mais maintenant, il s’attend à ce que le Parlement l’adopte à toute vapeur, en quelques jours seulement, en grande partie à cause de la prorogation inutile qui a eu lieu à la demande du premier ministre.
Honorables collègues, j’ignore ce qu’il en est pour vous, mais moi, je suis très troublé par cette situation.
J’ai constamment l’impression que le premier ministre considère le Parlement du Canada — tant la Chambre que le Sénat — comme son engin personnel géant d’approbation automatique plutôt que des Chambres de débat, d’étude et de second examen objectif. Il est regrettable que nous n’ayons pas le temps d’étudier convenablement ce projet de loi et d’y apporter, au besoin, d’éventuels amendements, ce que nous faisons efficacement grâce au travail rigoureux de nos comités.
Dans son annonce de juillet, le premier ministre a promis que « personne ne [serait] laissé pour compte ». Or, ce projet de loi ne semble pas respecter cet objectif. Après avoir perdu leur emploi et avoir vu leur entreprise être contrainte de fermer ses portes, de nombreux Canadiens se demandent avec beaucoup d’inquiétude s’ils seront admissibles à de l’aide, s’ils pourront retourner au travail, s’ils seront en mesure de payer leur loyer le mois prochain et s’ils passeront au travers de la deuxième vague de la pandémie de COVID-19.
Les demandes répétées des propriétaires d’entreprise pour que l’on réforme les autres programmes afin de les rendre plus efficaces tombent dans l’oreille d’un sourd. Il en résulte que de nombreuses entreprises sont au bord de la faillite en ce moment. L’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial est arrivée à échéance, et les promesses de prolonger les prêts du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes et la Subvention salariale d’urgence du Canada risquent de mettre du temps à se concrétiser. D’ailleurs, les entreprises qui utilisent un compte bancaire personnel ne sont toujours pas admissibles au prêt, un problème qui, comme l’a exprimé la ministre Freeland, est plutôt complexe.
Si des entreprises ne survivent pas, davantage de Canadiens perdront leur emploi et leur gagne-pain et aucun programme gouvernemental ne suffira à compenser ces pertes.
J’en conviens, ces prestations d’urgence sont nécessaires présentement, alors que la population traverse une tempête sur laquelle elle n’a aucune prise. Cependant, il faudrait prendre bien soin d’examiner ces prestations et non les adopter à toute vapeur alors que le gouvernement avait des mois pour se préparer.
J’apprécie que les ministres Qualtrough et Freeland soient venues témoigner devant le comité plénier aujourd’hui. Cependant, des questions ont été laissées en suspens quant à la façon dont le gouvernement s’y prendra pour aider les Canadiens les plus vulnérables en ces temps difficiles afin que la relance économique se fasse le plus tôt possible.
Honorables sénateurs, comme je l’ai dit, j’en parlerai plus en détail à l’étape de la troisième lecture. Je porterai attention à ce que les autres diront dans le cadre du présent débat, ainsi qu’à l’étape de la troisième lecture. Merci.
Honorables sénateurs, je suis heureuse de me trouver dans cette enceinte pour parler du projet de loi C-4. Les quelques derniers mois ont été difficiles pour tout le monde et je suis heureuse de pouvoir être ici en personne aujourd’hui. Zoom et Microsoft Teams sont utiles, et nous avons de la chance, en 2020, d’avoir ces technologies, mais je dois dire qu’il y a bien des jours où je n’en peux plus de Zoom. Je suis certaine que je ne suis pas la seule dans ce cas. Bref, je suis ravie d’être sur place et de vous voir aujourd’hui, cette semaine.
Au cours des six derniers mois, la population canadienne a fait face à de nombreux défis : une pandémie dévastatrice qui a causé la mort de près de 10 000 Canadiens; d’énormes pertes d’emplois; un confinement prolongé; une économie mise à mal.
Comme l’a dit le sénateur Kutcher plus tôt, 22 personnes ont également perdu tragiquement la vie dans ma province, victimes d’une fusillade insensée. Nous avons été envahis par le chagrin après l’écrasement de l’hélicoptère CH-148 Cyclone basé en Nouvelle-Écosse, qui a coûté la vie à six membres des Forces armées canadiennes. Espérons ne pas avoir à revivre une telle période.
Honorables sénateurs, cela dit, le gouvernement fédéral a été juste et équitable en assumant une partie du fardeau des Canadiens au cours de cette période difficile. Il a présenté des mesures de soutien extraordinaires pour aider ceux qui sont les plus durement touchés. La mesure législative dont nous sommes saisis aujourd’hui, le projet de loi C-4, repose sur cet excellent travail.
Je n’ai pas l’intention de parler de tout ce que prévoit le projet de loi. Le parrain du projet de loi, le sénateur Dean, a déjà fait de l’excellent travail tout à l’heure pour décrire en quoi il consiste, mais j’ai tout de même quelques observations à faire au sujet de certains éléments.
La nouvelle Prestation canadienne de relance économique, qui sera en vigueur jusqu’au 25 septembre de l’année prochaine, sert à remplacer la Prestation canadienne d’urgence, ou PCU, qui est maintenant terminée et qui a permis de verser 2 000 $ par mois aux Canadiens qui ont perdu leur emploi au plus fort de la première vague.
L’aide fournie grâce à la nouvelle prestation est essentielle pour les Canadiens encore touchés par le chômage. J’ai une crainte au sujet de la prestation de relance économique, comme c’était le cas avec la PCU. Cette prestation est imposable, mais elle n’est pas imposée à la source. Habituellement, quand on reçoit un chèque de paie, l’impôt sur le revenu a déjà été déduit et le salaire net qu’on reçoit est généralement le montant qu’on conserve. Ce n’est pas le cas avec la PCU, et ce ne sera pas le cas non plus avec la nouvelle prestation. Une personne qui a reçu l’une ou l’autre des prestations devra la déclarer comme un revenu, puis, selon son salaire annuel, elle pourrait devoir payer des impôts.
Je crains que les Canadiens qui viennent de se remettre sur pied ne reçoivent une lourde facture de l’Agence du revenu du Canada en avril prochain. J’espère que le gouvernement réfléchit au problème et qu’il adoptera une approche axée sur le bon sens.
La Prestation canadienne de maladie pour la relance économique s’élèvera à 500 $ par semaine pendant un maximum de deux semaines pour les personnes qui tombent malades, qui doivent s’isoler puisqu’elles ont été en contact avec quelqu’un dont le test de dépistage de la COVID-19 s’est révélé positif ou qui sont plus vulnérables au virus. Ce sont de bonnes nouvelles. Personne ne devrait être pénalisé pour être tombé malade ou pour avoir fait sa part pour assurer la sécurité d’autrui.
Nous savons que les dispositions provinciales en matière de congé de maladie, qu’il soit rémunéré ou non, varient grandement d’un bout à l’autre du Canada. La plupart des provinces et territoires ne prévoient aucun congé de maladie rémunéré, mais la grande majorité d’entre eux prévoient un nombre variable de jours de congés de maladie non rémunérés.
Cependant, les indemnités de congé de maladie demeurent un problème. Même si le gouvernement fédéral paiera jusqu’à deux semaines de congé de maladie, ce qui est une mesure positive, la plupart des provinces ne protègent pas l’emploi d’une personne qui prend autant de jours de congé. Sans l’appui des provinces et des employeurs, il n’y a aucune garantie qu’une personne qui prend les deux semaines complètes de congé ne perdra pas son emploi à cause de son choix.
Je laisse au gouvernement fédéral le soin de travailler avec ses homologues provinciaux et territoriaux ainsi qu’avec les parties prenantes afin de déterminer la meilleure voie à suivre pour tout le monde. J’espère que les discussions commenceront dès que le projet de loi C-4 recevra la sanction royale.
Je pense également qu’il est important de souligner que les modifications apportées aux articles du Code canadien du travail concernant les congés de maladie et les congés pour les proches aidants, quoique positives, ne s’appliquent qu’aux employés sous réglementation fédérale. Les fonctionnaires fédéraux, le personnel parlementaire et les employés du secteur privé sous réglementation fédérale, comme les banques, les compagnies aériennes et les sociétés de télécommunications, ont droit à deux semaines de congé de maladie payé et de 26 semaines de congé pour proche aidant payé sans craindre de perdre leur emploi.
Les personnes concernées ne représentent que 8 % des travailleurs canadiens. La grande majorité, des millions d’entre eux, est sous réglementation provinciale. On compte parmi eux les nombreux travailleurs jugés essentiels pendant la pandémie, qui travaillent dans les épiceries ou les stations-service par exemple ou, comme quelqu’un l’a mentionné plus tôt, dans les établissements de soins de longue durée. Malheureusement, la plupart d’entre eux n’ont accès à aucun congé de maladie. Nous devons les prendre en compte.
Nous savons que de nombreux parents doivent garder leurs enfants à la maison à cause d’un nez qui coule ou d’un mal de gorge. Les jours s’accumulent vite dans ce cas-là.
Enfin, sénateurs, j’aimerais dire quelques mots sur le processus qui a mené à ce projet de loi. Il est arrivé souvent que des gouvernements de toutes les allégeances présentent des projets de loi à la dernière minute — ce n’est pas quelque chose de nouveau en 2020 —, et qu’ils exhortent les sénateurs à l’adopter sans délai en laissant entendre que notre second examen objectif n’est pas vraiment requis cette fois-ci. Mon collègue et ami le sénateur Mercer a un tiroir plein de discours dans lesquels il déplore cette pratique qui avait déjà cours à son arrivée au Sénat. Je suis sûre que bon nombre d’entre vous ont entendu ces discours.
Je sais que le gouvernement a une échéance à respecter, mais je suis heureuse de voir que, dans cette enceinte, nous étudions ce projet de loi avec la diligence et l’efficacité requises, et je suis certainement favorable à ce qu’il soit adopté rapidement. Les Canadiens ont besoin d’aide maintenant. Je suis heureuse que le gouvernement fédéral fasse son travail essentiel pour que les gens d’un bout à l’autre du pays aient les outils dont ils ont besoin pour traverser la pandémie.
Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, le gouvernement provincial a aussi joué son rôle pour protéger les résidants. Nous avons mieux réussi que d’autres à maintenir le nombre de cas à un bas niveau dans notre coin isolé de l’Atlantique. J’ai bon espoir que nous pourrons garder le cap et faire baisser le nombre de cas non seulement dans la région isolée de l’Atlantique, mais partout au pays.
Cependant, nous devons demeurer vigilants, honorables sénateurs. L’épreuve n’est pas terminée, comme nous l’avons constaté dans les dernières semaines. Nous avons vu les chiffres chuter de façon constante, pour ensuite remonter soudainement en flèche dans certaines régions du pays, au cours des dernières semaines. Nous avons bien du chemin à faire, et nous devons travailler ensemble pour que notre pays et tous les Canadiens se sortent le mieux possible de cette crise. Merci.
Honorables sénateurs, j’aimerais d’abord remercier le sénateur Dean de tous les efforts qu’il a déployés pour faire valoir cette importante mesure législative. Habituellement, c’est à ce moment-ci dans mon discours où je me répandrais en injures contre le gouvernement parce qu’il nous oblige à adopter un projet de loi à la hâte, mais le sénateur Tannas et d’autres s’en chargent. Le gouvernement actuel n’est pas le seul à agir de la sorte; c’est un problème qui perdure depuis un certain nombre d’années.
Nous venons d’amorcer la deuxième vague de la COVID-19 et les régions dans l’ensemble du Canada doivent composer avec différents problèmes. Par exemple, il y a très peu de cas de la COVID-19 dans le Canada atlantique, mais les effets économiques de la pandémie sont énormes dans cette région, particulièrement dans l’Île-du-Prince-Édourard.
L’ultime priorité du gouvernement doit toujours demeurer la prise de mesures concrètes pour protéger la sécurité et le bien-être des Canadiens. Les Canadiens ne devraient pas avoir à choisir entre leur sécurité et leur subsistance.
Ce projet de loi, tout comme les mesures précédentes qui ont été mises en œuvre, vise à protéger la sécurité financière des Canadiens jusqu’à ce que la crise se résorbe et qu’il soit temps de penser à la relance économique. De cette manière, nous serons en mesure de relancer l’économie plus rapidement le moment venu. De plus, en n’obligeant pas les Canadiens à retourner au travail dans des conditions dangereuses, nous veillons à ce que les taux d’infection demeurent bas, ce qui permettra au Canada de commencer sa reprise économique plus rapidement.
Évidemment, comme je ne suis pas en mesure de me déplacer à Ottawa depuis le 12 mars dernier, je me suis surtout concentré sur ma province. Jusqu’à présent, l’Île-du-Prince-Édouard est très chanceuse. Grâce au dévouement des responsables de la santé publique et des travailleurs de santé partout dans la province, très peu de Prince-Édouardiens ont contracté la COVID-19. Heureusement, à ce jour, personne n’a été hospitalisé ou n’est décédé à cause de la maladie.
Toutefois, comme c’est le cas partout ailleurs au pays, la crise sanitaire a eu une incidence dévastatrice sur ma région. En juillet, notre secteur de la restauration a connu la plus importante perte de revenus au pays. La fermeture de restaurants à l’échelle du continent a entraîné une baisse de la clientèle pour les exportations agricoles. Comme je l’ai déjà mentionné, les exportations de frites surgelées ont chuté drastiquement, ce qui a eu des répercussions sur notre secteur agricole.
En août, le taux de chômage de l’Île-du-Prince-Édouard était l’un des plus élevés au pays, puisqu’il se classait au troisième rang. Pour une province comme la nôtre, qui dépend grandement du tourisme, la dernière saison touristique a été carrément dévastatrice. Normalement, l’Île-du-Prince-Édouard, une province d’environ 150 000 habitants, accueille 1,5 million de visiteurs, principalement pendant l’été. Pour une raison qui m’échappe, nous avons eu très peu de visiteurs en février et en mars. Peut-être était-ce une question de température, je l’ignore. Les plages sont fermées. Quand la brève saison touristique annuelle n’a carrément pas lieu, cela a évidemment des conséquences négatives.
Bref, les gens de l’Île-du-Prince-Édouard ont besoin des mesures que propose le projet de loi, et ils les accueillent favorablement.
L’Île-du-Prince-Édouard est la province où le salaire hebdomadaire est le plus bas. Par conséquent, la Prestation canadienne de relance économique, de 500 $ par semaine, correspondrait à un peu plus de 50 % du salaire moyen à l’Île-du-Prince-Édouard, tandis qu’elle correspond à près de 45 % de la moyenne nationale. Comme la Prestation de relance économique prend la relève de la PCU et qu’on a annoncé une modification des critères d’admissibilité à l’assurance-emploi, les Prince-Édouardiens — qui n’ont accumulé que peu d’heures, voire aucune heure de travail l’été dernier en raison de la situation dans les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de l’agriculture — seront maintenant admissibles à cette prestation.
Quant à la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants, elle aidera les Prince-Édouardiens qui ont toujours un emploi mais qui doivent prendre congé pour s’occuper d’un enfant ou d’un autre proche à charge pour des raisons liées à la pandémie.
Ces mesures, combinées aux deux semaines de congés de maladie payés pour les personnes qui doivent s’isoler à cause de la COVID-19, offriront un précieux filet de sécurité aux Prince-Édouardiens et aux Canadiens qui devront composer avec la deuxième vague.
Évidemment, aucune mesure n’est parfaite. C’est particulièrement vrai dans le cas des mesures législatives d’urgence. Ce qui est souhaitable et nécessaire est limité par ce qui est possible. C’est le cas des mesures contenues dans le projet de loi à l’étude. Par exemple, la période de 26 semaines prévue pour la Prestation canadienne de relance économique et la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants peut sembler appropriée pour l’instant, mais tout comme il est difficile de se rappeler comment les choses allaient au pays il y a six mois, il est difficile de s’imaginer que cette crise sera terminée dans six mois.
Nous n’exerçons aucun contrôle sur de nombreux facteurs, y compris le moment où un vaccin sera disponible. Notre conduite aidera à déterminer la longueur et la gravité de la deuxième vague, mais les données probantes ne sont pas très positives jusqu’à présent. Nous aurons probablement besoin d’une aide supplémentaire, surtout pour les secteurs comme le tourisme et l’agriculture, d’autant plus que, dans les deux cas, même dans des circonstances idéales, la saison est loin d’être bien amorcée avant avril.
Dans le même ordre d’idées, même si le montant de 500 $ par semaine constituera un coup de pouce indéniable pour les personnes dans le besoin, il s’agit néanmoins d’une prestation imposable. Or, comme les impôts ne sont pas retenus à la source, certaines personnes risquent de se retrouver avec une facture d’impôt extrêmement salée au printemps prochain, c’est-à-dire précisément au moment où toutes ces prestations doivent prendre fin.
Quel que soit le critère utilisé, 500 $ par semaine, c’est très peu — légèrement moins que le revenu hebdomadaire d’un travailleur de l’Île-du-Prince-Édouard qui gagne 12,85 $ l’heure, soit le salaire minimum, et bien en deçà du seuil de la pauvreté de la province. Personne ne deviendra riche avec ce programme, mais il permet aux gens de continuer à avancer.
Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une mesure de survie et, à ce titre, elle est la bienvenue.
Chers collègues, les analogies guerrières ont sans doute été usées à la corde, mais nous venons peut-être de franchir ce que Churchill aurait décrit comme la fin du début. Nous pouvons toujours miser sur la découverte d’un vaccin ou d’un traitement vraiment efficace ou sur un meilleur respect des consignes sanitaires pour vaincre le coronavirus, mais le jour de la victoire est encore loin, hélas.
Les mesures contenues dans ce projet de loi ne sont pas parfaites, mais elles sont nécessaires et elles font l’affaire pour l’instant. Ne laissons pas la quête de la perfection devenir l’ennemi du bien — même si je doute fort qu’il y ait encore une seule personne pour espérer la perfection en 2020.
Je vais voter pour le projet de loi et je tiens à remercier le sénateur Dean.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour parler d’un élément précis du projet de loi qui montre à quel point notre pays sait ce que signifie le fait de prendre soin des membres de sa famille.
Je parle de la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants. Ce programme fournit 500 $ par semaine pour un maximum de 26 semaines aux parents et aux tuteurs qui doivent prendre congé pour prendre soin d’un enfant de moins de 12 ans, si l’enfant doit rester à la maison pour des raisons liées à la COVID-19 ou si la personne qui s’en occupe habituellement, que ce soit une bonne d’enfants, une éducatrice à la maison, un grand-parent ou un parent, ne peut le faire pour des raisons liées à la COVID-19.
Même si le projet de loi n’est pas parfait, il faut reconnaître qu’il franchit une étape importante pour reconnaître la complexité de la vie familiale moderne des Canadiens aujourd’hui ainsi que le besoin d’atteindre un équilibre pendant cette pandémie éprouvante.
Aux quatre coins de ma province, l’Alberta, des parents angoissent en se demandant s’il est sécuritaire pour leurs enfants de retourner en classe ou à la garderie, ou s’il est préférable d’opter pour l’école à la maison. Pour d’autres familles, le choix n’en est pas un : elles ont un enfant atteint d’une maladie chronique qui le rend particulièrement vulnérable à la COVID-19.
La Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants devrait faire en sorte qu’il soit possible pour beaucoup de ces parents ou tuteurs de rester à la maison pour s’occuper des enfants en bas âge, que ce soit parce que leur enfant doit rester en quarantaine pour deux semaines, que son école ou sa garderie est fermée à la suite d’une éclosion de COVID-19 ou qu’un retour à l’école mettrait réellement sa vie en danger.
Par le passé, on s’attendait, dans une telle crise, à ce qu’un parent — et soyons honnêtes, dans la plupart des cas, on parle de la mère — quitte son emploi ou prenne un congé sans solde pour rester à la maison avec les enfants. Ce n’est pas simplement une hypothèse; c’est un dilemme que vivent les parents partout au pays en ce moment. Pas plus tard que ce matin, un membre de mon personnel m’a appelée pour me dire que son fils de 10 ans avait reçu la directive de s’isoler pendant 14 jours parce qu’il a été en contact étroit, dans sa classe de 5e année ici-même à Ottawa, avec une personne qui a obtenu un résultat positif au test de dépistage de la COVID-19.
Heureusement, ce membre du personnel fait un excellent travail pour ce qui est de s’occuper de moi à distance tout en prenant soin de son fils, mais ce n’est pas tous les Canadiens qui ont un emploi qui leur donne une telle flexibilité ou qui ont l’option de travailler de la maison. Voilà pourquoi ce projet de loi est particulièrement nécessaire et doit être adopté sans tarder, car tant de parents sont aux prises avec une situation semblable.
Je suis heureuse que l’on reconnaisse dans cette mesure législative qu’il n’est pas juste ou sage sur le plan économique, en 2020, d’obliger les femmes à quitter le marché du travail sans leur proposer un plan pour y retourner. Cette mesure législative reconnaît que nous pouvons être à la fois des parents et des travailleuses. En ce moment, les Canadiens traversent une période de grande perturbation, comme s’ils marchaient sur une corde raide, et le projet de loi dont nous sommes saisis aiderait les parents à trouver un équilibre entre leur vie familiale et leur vie professionnelle, ce qui n’est jamais une mince tâche, surtout en ce moment.
Il incombe de noter que la mesure législative reconnaît le rôle des autres proches aidants : par exemple, ceux qui doivent s’absenter du travail parce que leur enfant d’âge adulte qui a des troubles du développement ne peut pas vivre dans son foyer d’accueil parce que ce dernier a été fermé en raison de la COVID-19, ou ceux qui ont un parent ou un conjoint atteint de l’alzheimer qui ne peut plus participer à son programme de jour habituel en raison de la pandémie.
La mesure législative permet également aux proches aidants de s’absenter du travail grâce à une subvention gouvernementale de 500 $ par semaine. Il est important de comprendre que de nombreux Canadiens tentent tant bien que mal de prendre soin des adultes à charge dans leur vie en cette période de crise sans précédent et ont besoin d’un peu plus de flexibilité pour y parvenir.
À un moment où des familles de toutes sortes et de toutes configurations relèvent les défis médicaux, économiques et logistiques extraordinaires de la COVID-19, je pense que nous pouvons être fiers, en tant que Canadiens, de voir tant de nos dirigeants mettre de côté la partisanerie et faire preuve de créativité pour aider les familles à traverser la crise. Je pense qu’il est réconfortant de voir que le projet de loi a été adopté par consentement unanime de l’autre endroit avant d’être envoyé au Sénat.
Il est temps de reconnaître clairement que nous ne pouvons pas simplement attendre des femmes canadiennes qu’elles se sacrifient pour dispenser des soins sans être rémunérées et pour assumer le gros du fardeau qui pèse sur les collectivités en raison du coronavirus.
Le projet de loi reconnaît que la prestation de soins par la famille constitue un travail de valeur et que les gens devraient pouvoir se retirer temporairement du marché du travail sans laisser leur famille au dépourvu sur le plan financier. Si vous me permettez une brève envolée mélodramatique, la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants est un texte législatif extrêmement féministe qui place aussi les valeurs familiales au cœur du féminisme. En tant que mère qui travaille et qui a passé une grande partie de ces dernières années à concilier ses responsabilités envers ses enfants, son travail et ses parents vieillissants, je pense que le projet de loi est un symbole et un signal extrêmement importants. Il y a des gens qui veulent nous faire croire que le féminisme et les valeurs familiales sont opposés. Au contraire, comme le montre le projet de loi, elles sont inextricablement liées.
Je suis également heureuse de constater que ces règles n’exigent pas que quelqu’un arrête complètement de travailler. Vous pouvez aussi demander la prestation si vous travaillez deux fois moins qu’auparavant, par exemple si vous avez réduit vos heures de travail ou si vous êtes passé d’emploi à temps plein à un emploi à temps partiel. Il ne s’agit pas seulement d’une prestation pour les gens qui perçoivent un salaire. Elle est également accessible aux travailleurs autonomes, aux entrepreneurs, aux travailleurs contractuels et aux travailleurs à la demande. Ce fait est important parce qu’il reconnaît que le marché du travail de 2020 ne ressemble plus à celui de 1950.
La pandémie de COVID-19 nous a donné l’occasion de faire le point et de nous rendre compte à quel point notre famille est importante et à quel point nous devons compter sur l’amour et l’attention des membres de notre famille. La période que nous vivons est difficile et pénible. Rarement auparavant nous sommes-nous sentis aussi vulnérables et rarement avons-nous eu autant besoin des membres de notre famille. Je suis moi-même encore en deuil de ma propre mère, qui nous a quittés le mois dernier.
Elle n’est pas morte de la COVID-19, mais de complications liées à un trouble médical chronique que le confinement a rendues bien pires. La COVID-19 fait de nombreuses victimes, mais les victimes ne sont pas toutes recensées dans les listes officielles de décès. En revanche, cette maladie a peut-être aussi un côté positif : elle nous aide à voir à quel point nous devons compter sur notre famille et nos bons amis pour pouvoir traverser cette période difficile. Elle nous enseigne la valeur de l’amour.
La Prestation canadienne de relance économique est-elle une solution parfaite? Non, elle ne l’est pas. Certains pourraient soutenir, à juste titre, que l’âge limite est quelque peu arbitraire. Cette prestation aide les parents d’enfants âgés de 9, 10 ou 11 ans, mais pas les parents d’enfants de 12 ou 13 ans. Pourtant, combien d’enfants de 12 ans peuvent être laissés seuls à la maison s’ils sont atteints de la COVID-19. Combien peuvent être laissés sans supervision pour participer à des cours en ligne de sixième année ou de secondaire un?
Certains pourraient soutenir, et c’est leur droit, que, bien qu’il puisse sembler généreux d’offrir 26 semaines de prestations, ce n’est peut-être pas assez pour une famille qui doit rester à la maison pendant toute une année, sans pouvoir envoyer les enfants à l’école ou les amener à la garderie. Certains pourraient soutenir — et c’est tout à fait vrai — que ce ne sont pas toutes les familles qui peuvent prendre congé pour s’occuper d’un parent qui souffre de démence ou d’un enfant qui a des besoins particuliers.
Si nous avions eu tout le temps du monde, je suis certaine que nous aurions pu élaborer une prestation plus parfaite. Bien franchement, j’aurais bien aimé, moi aussi, que le Sénat ait plus de temps pour analyser et soupeser ce projet de loi, mais je sais aussi que des familles canadiennes de toutes sortes attendent l’aide financière qu’offrira la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants.
Il reste des questions importantes qu’il convient de poser, concernant la façon de mettre en œuvre les différents éléments du projet de loi. Celui-ci exige que les Canadiennes demandent toute une gamme de prestations, mais le stress et les limites entraînés par la COVID-19, qui rendent le projet de loi nécessaire, peuvent aussi empêcher beaucoup de personnes de remplir le formulaire de demande. C’est d’une importance vitale de veiller à ce qu’il y ait de l’aide pour guider les gens dans le système de demande, surtout les personnes qui ne parlent pas couramment l’anglais ou le français, qui sont analphabètes, pour lesquelles la lecture est difficile ou qui n’ont pas accès à Internet pour faire une demande en ligne.
Nous devons aussi veiller à ce qu’il y ait une procédure d’appel transparente, simple et efficace pour que les personnes dont la demande est refusée puissent contester la décision en toute équité.
Bien entendu, il est important de protéger l’intégrité du programme et de mettre en place les garanties nécessaires pour éviter les abus. Cela dit, nous devons également comprendre qu’en période de crise sanitaire, financière ou familiale, beaucoup de gens n’ont peut-être pas les moyens de naviguer dans un système de demande compliqué. Le gouvernement du Canada et les travailleurs qui ont mis en place notre première série de plans d’aide liés à la COVID-19 méritent nos éloges et nos remerciements pour la manière remarquablement efficace dont ils ont déployé les premières prestations. J’espère qu’ils tireront parti de leurs succès et de leurs échecs afin de rendre les prestations prévues par ce projet de loi aussi équitables et accessibles que possible.
Oui, il y a des gens, même dans ma province, qui pourraient regretter que de telles aides permettent à certains de rester assis à manger des Cheezies et à regarder des dessins animés. Y aura-t-il quelques tricheurs? Sans aucun doute, étant donné la nature humaine. Mais lorsque les historiens du futur se pencheront sur la façon dont les Canadiens ont su se montrer à la hauteur de la situation, et sur la façon dont les gens de tout le pays et de toute tendance politique se sont mobilisés pour aider leurs voisins dans le besoin, de façon pratique et inventive, je pense que nous aurons tous des raisons d’être fiers. Car cette crise nous a également montré la nature humaine et la société canadienne sous leur meilleur jour. Merci, merci et hiy hiy.
Honorables sénatrices et sénateurs, je vous annonce d’entrée de jeu que le projet de loi C-4 ne recevra pas ici un appui unanime, comme ce fut le cas à l’autre endroit, car je vais voter contre ce projet de loi; permettez-moi de vous expliquer pourquoi.
L’objectif du gouvernement est certainement louable, et je reconnais qu’il y a des milliers de Canadiens et de Canadiennes qui auront besoin de cette aide.
Toutefois, la façon de faire du gouvernement libéral me répugne au plus haut point et je ne peux plus être une marionnette à qui l’on soutire son consentement en invoquant l’urgence.
Aujourd’hui, en effet, après sept mois de pandémie, il n’y a plus d’urgence. Tout ce qu’il y a, à mon avis et de l’avis de plusieurs observateurs, c’est de l’incompétence.
L’incompétence de ce gouvernement est manifeste à bien des points de vue. Les dispositions contenues dans le projet de loi C-4 sont à mes yeux inacceptables, surtout après les six semaines de vacances injustifiables provoquées par le premier ministre, qui a prorogé les travaux du Parlement pour se soustraire à l’examen des scandales d’éthique qui sont la marque de commerce des libéraux.
Le projet de loi C-4 ne fait rien d’autre que remplacer la PCU, la Prestation canadienne d’urgence, par la PCRE, soit la Prestation canadienne de la relance économique, un nom inventé pour induire les Canadiens en erreur, car, pour être honnête, ce projet de loi ne contient rien de vraiment sérieux en matière de relance économique.
D’ailleurs, le gouvernement libéral est-il vraiment en mesure d’accoucher d’un plan de relance économique sérieux, quand on constate qu’il n’a pas encore été capable d’établir un programme de sauvetage pour notre industrie aérienne — en passant, on parle ici de plusieurs milliers d’emplois —, alors que les autres grands pays sont déjà venus à la rescousse de leurs transporteurs aériens? Je fais le même constat d’incompétence pour l’agriculture et le commerce international.
Regardons les choses avec un peu de sérieux. La PCRE, c’est le même montant d’argent par semaine, bonifié à la dernière minute pour acheter le vote du NPD. C’est le même chèque. Ce sont les mêmes conditions d’admissibilité douteuses permettant à ceux qui ne devraient pas y avoir droit de recevoir de l’argent. Il est toujours aussi facile pour les fraudeurs d’obtenir des prestations en profitant du système.
La PCRE, ce n’est rien d’autre que 26 semaines supplémentaires de PCU.
Malgré le temps qui a passé depuis le début de la pandémie, malgré les critiques au sein du monde politique et du monde économique sur la gestion des programmes d’aide, le gouvernement en place continue de gérer le pays comme un enfant devant un coffre à jouets. Même si cela ne fait pas partie de l’ADN des libéraux, il faut quand même faire preuve d’un peu de discipline dans la gestion des programmes d’aide.
Nos entreprises ont besoin de travailleurs. La PCRE, comme ce fut le cas avec la PCU, vient de nouveau apporter une aide aux gens qui pourront refuser de retourner sur le marché du travail sans que des vérifications sérieuses soient effectuées en ce qui a trait à leur admissibilité à cette prestation.
Voilà qui est inconcevable de la part d’un gouvernement qui a eu tout le temps nécessaire — je dis bien tout le temps nécessaire — pour établir des critères sérieux afin d’éviter des abus et des fraudes.
Avant de conclure, je veux répéter ceci pour ne pas être victime d’attaques de la part des libéraux, qui sont souvent capables de tourner les coins ronds en matière de politique. Les dispositions du projet de loi C-4 sont fort acceptables pour les Canadiennes et les Canadiens qui en ont vraiment besoin. Toutefois, nous sommes maintenant en octobre, et l’état d’urgence n’existait plus quand ce projet de loi a été rédigé.
Nous ne sommes pas dans l’obligation, ici comme à l’autre endroit, d’agir avec précipitation, de fermer les yeux sur les lacunes de ce projet de loi et, surtout, nous n’avons pas à cautionner l’incompétence du gouvernement libéral. En tant que sénateurs, nous avons le devoir d’examiner les projets de loi du gouvernement. Aujourd’hui, ce n’est pas sérieux de prétendre que nous l’avons fait avec le projet de loi C-4.
Malheureusement, ce gouvernement traite les sénateurs et les sénatrices comme s’ils étaient des valets à son service. Je n’en suis pas un. Par principe, je vais donc refuser d’appuyer ce projet de loi. Merci.
En tant que sénatrice du Manitoba, je reconnais que je vis sur les territoires du Traité no 1, les territoires traditionnels des Anishinabe, des Cris, des Oji-Cris, des Dakotas et des Dénés et la patrie de la nation métisse, et que nous sommes réunis ici aujourd’hui sur les territoires non cédés des peuples algonquins.
Honorables collègues, j’interviens aujourd’hui pour exhorter le gouvernement à agir afin de soutenir les jeunes, puisqu’ils ne bénéficient pas d’un soutien adéquat depuis le début de la pandémie. Nous savons que la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique dont nous sommes saisis aujourd’hui fait partie d’un ensemble de mesures plus vaste conçu pour soutenir la relance économique du Canada en réponse à la COVID-19. Malgré cela, cette mesure, qui est présentée de nouveau, néglige un vaste segment de la population canadienne qui n’a pas encore d’expérience sur le marché du travail ou qui n’a pas travaillé récemment.
Pour les trois nouvelles prestations proposées, le demandeur doit avoir gagné un revenu d’au moins 5 000 $ pendant l’année précédente ou pendant les 12 mois précédant la date de sa demande. Par ailleurs, pour être admissible à l’assurance-emploi, une personne doit notamment avoir accumulé au moins 120 heures assurables pendant les 52 semaines précédentes. C’est donc dire que l’assurance-emploi et les trois nouvelles prestations ne sont pas à la portée des gens qui n’ont pas d’expérience de travail récente, comme les travailleurs migrants; les immigrants récents; les personnes qui ne travaillent pas depuis longtemps, ce qui comprend les personnes handicapées; les gens qui viennent d’obtenir leur diplôme et qui n’ont pas travaillé pendant la dernière année parce qu’ils devaient se concentrer sur leurs études; les jeunes qui n’ont jamais eu d’emploi; et les étudiants qui n’ont pas travaillé pendant la dernière année.
Il faut donc se demander ceci :
Ferons-nous avancer le Canada ou laisserons-nous tomber des gens? Sortirons-nous plus forts de cette crise ou tenterons-nous de cacher les failles que la crise a révélées?
Quoi qu’on pense de cet extrait du discours du Trône, on ne peut absolument pas permettre que les jeunes soient de nouveau balayés sous le tapis. Les jeunes sont tout à fait conscients des répercussions que la pandémie aura sur leurs perspectives d’emploi. Bon nombre d’entre eux ont l’impression qu’on ne les écoute pas et qu’on ne tient pas compte de leurs besoins quand il est question d’emploi. En privant de nombreux jeunes des prestations offertes aux autres travailleurs en raison de la pandémie, on dévalorise leur contribution au marché du travail, oui, mais on les empêche aussi de réaliser leur plein potentiel, ce qui constitue une perte énorme pour le Canada et pour la démocratie.
Statistique Canada nous prévenait dernièrement de l’émergence d’une génération qui n’est ni en emploi, ni aux études, ni en formation. Les jeunes Autochtones et ceux qui n’ont pas fini leurs études secondaires y sont surreprésentés. Ces jeunes risquent d’avoir un revenu inférieur et de souffrir d’exclusion sociale — et pas seulement maintenant, pendant la pandémie, mais toute leur vie. Or, ce sentiment d’exclusion sera encore pire si de nombreux jeunes qui ne sont ni en emploi, ni aux études, ni en formation sont aussi privés des prestations de relance économique. N’oublions pas l’effet que la présence d’un enfant en bas âge peut avoir sur les jeunes parents et sur la participation des femmes au marché du travail. Ce sont presque toujours elles qui prennent soin des enfants. En offrant aussi les prestations pour proches aidants aux jeunes, nous éviterions aux jeunes femmes d’avoir à mettre leur carrière en veilleuse à un moment crucial de leur vie parce que l’école de leurs enfants vient de fermer et qu’elles doivent prendre soin d’eux ou pour s’occuper d’un proche malade.
Bien que les niveaux d’emploi aient augmenté depuis la baisse initiale causée par le confinement, selon le dernier communiqué de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada, celui du mois d’août, les jeunes forment le groupe d’âge le plus touché et celui pour qui les niveaux d’emploi sont les plus éloignés du niveau prépandémie.
Les jeunes commencent à intégrer le marché du travail. Qu’il s’agisse de jeunes qui entrent sur le marché du travail pour la première fois ou d’étudiants qui y retournent après avoir terminé leurs études, ces jeunes, ces étudiants et ces récents diplômés demeurent incapables d’obtenir les prestations d’assurance-emploi existantes ou les nouvelles prestations prévues dans le projet de loi. Voilà qui incite encore plus considérablement les jeunes, les étudiants et les récents diplômés à travailler alors qu’ils sont malades ou ont des conditions sous-jacentes qui les rendent susceptibles d’attraper la COVID-19. En effet, s’ils restent à la maison, ils ne toucheront pas de prestation qui remplacera le revenu perdu. Cette pression est encore plus grande pour les jeunes des minorités visibles et qui vivent dans des quartiers pauvres, qui sont disproportionnellement touchés par la COVID-19.
Pourquoi les jeunes, les étudiants et les nouveaux diplômés se retrouvent-ils avec le fardeau de choisir entre la santé personnelle ou publique et la sécurité financière? C’est un fardeau que le reste de la population n’aura pas à porter en ayant la possibilité d’être admissible aux prestations de relance proposées ou à l’assurance-emploi. On empêche les jeunes, les étudiants et les nouveaux diplômés d’obtenir des prestations de relance économique considérables alors que nous devons faire face à la deuxième vague de la pandémie, qui frappe déjà à l’heure actuelle. Étant donné que les personnes âgées de 20 à 29 ans comptent pour la majorité des cas confirmés de COVID-19, les jeunes, les étudiants et les nouveaux diplômés doivent avoir l’assurance qu’ils pourront payer leurs factures s’ils doivent s’isoler ou prendre soin d’un membre de leur famille ou d’un enfant qui ne peut pas fréquenter l’école.
Nous devons nous pencher de près sur cette situation. Nous ne devons pas oublier les jeunes qui travaillent dans les restaurants, les magasins de vente au détail et les épiceries, et qui n’ont pas d’autres choix. Les jeunes travaillent dans les secteurs les plus durement touchés par les fermetures, y compris les secteurs de l’alimentation, de l’hébergement et de la vente au détail. Le plan de relance doit offrir des mesures de protection adaptées aux jeunes et à leur réalité particulière. Le gouvernement a reconnu que les jeunes Canadiens sont notre avenir. Depuis le début de la pandémie, la hausse du financement de programmes comme la Stratégie emploi et compétences jeunesse et le programme Emplois d’été Canada vise à créer des possibilités pour amener et garder les jeunes sur le marché du travail. Cependant, en août 2020, il y a quelques semaines seulement, les chercheurs d’emplois étaient plus susceptibles d’être des jeunes. En ce qui concerne les jeunes, les étudiants et les nouveaux diplômés qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi, le fait de n’être toujours pas admissible aux prestations de relance offertes à la population active dans le cadre du projet de loi C-4 est particulièrement grave, surtout pour les personnes qui ont des problèmes de santé qui les rendent vulnérables à la COVID-19 ou pour les personnes qui ont de jeunes enfants, étant donné l’incertitude entourant la fermeture des écoles.
Le fait d’exclure les étudiants des mesures liées à la COVID-19 n’est pas chose nouvelle. La Prestation canadienne d’urgence initiale avait cette même lacune. La Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants, qui a été présentée plus tard, fournissait de l’aide aux étudiants. Maintenant que le programme est venu à échéance, les étudiants doivent intégrer le marché du travail sans les protections qui sont offertes à de nombreux autres travailleurs admissibles à l’assurance-emploi ou aux trois nouvelles prestations de relance.
Nous avons l’occasion de bien faire les choses du premier coup. Nous ne pouvons pas laisser tomber les jeunes, les étudiants et les nouveaux diplômés avant même qu’ils fassent leur entrée sur le marché du travail. Comme il est souligné dans le discours du Trône, l’heure n’est pas à l’austérité. Pour prendre les mesures qui s’imposent afin de soutenir les gens pendant la pandémie, il faut adopter une approche proactive. Il faut inclure les jeunes, les étudiants et les nouveaux diplômés alors qu’ils travaillent à bâtir un avenir meilleur. Merci, meegwetch.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-4. Ces prestations de relance ont une importance cruciale pour tous les Canadiens. Vous ne serez toutefois pas surpris de m’entendre dire que c’est encore plus vrai pour les gens qui œuvrent dans le milieu des arts, qui sont embauchés par une organisation ou qui sont travailleurs autonomes.
La prolongation de la subvention salariale annoncée dans le discours du Trône a été bien accueillie et est jugée d’une importance cruciale pour les entreprises et les arts.
La Prestation canadienne de la relance économique, qui remplace certains aspects de la PCU, laquelle permettait à ceux qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi de recevoir un soutien continu, est tout particulièrement essentielle pour ceux qui travaillent dans le secteur de la création et pour les personnes handicapées. La possibilité de recevoir des prestations pendant 26 semaines supplémentaires est une bouée de sauvetage pour les artistes individuels tout comme la prolongation de la subvention salariale l’est pour les organisations. Je ne saurais trop insister sur le fait que ces dispositions sont essentielles.
J’ai déjà parlé dans cette Chambre du rôle important et intégral que jouent les arts dans tous les aspects de la société. Je ne me répéterai pas à ce sujet aujourd’hui, sauf pour dire que si nos arts et nos artistes s’effondrent, la société dans son ensemble en souffre.
Personne ici ne sera étonné d’apprendre que, depuis le confinement de mars dernier, je travaille surtout avec et pour le secteur canadien des arts et de la culture, avec des organismes du milieu et individuellement avec des artistes. Cette semaine, justement, j’ai eu des réunions avec des dirigeants du milieu des arts à propos du projet de loi et du discours du Trône. La pandémie de COVID-19 a fait de terribles ravages dans le secteur des arts et j’ai bien peur que ce secteur soit l’un des derniers à s’en remettre et qu’il ne se rétablisse pas au grand complet.
Les créateurs et les organismes canadiens ont besoin de l’aide que peut leur apporter cette mesure législative. De par leur nature, les théâtres, les salles de concert, les musées et les festivals de toutes sortes ont dû fermer ou être annulés, selon le cas.
Cette pandémie a inspiré de la peur à tous les Canadiens. Je tiens d’ailleurs à offrir mes sincères condoléances à toutes les personnes ici et partout au Canada qui ont perdu un être cher. Je pense aussi aux personnes qui ont été atteintes ou sont atteintes de cette maladie. La COVID-19 a indéniablement eu des effets importants sur nos familles, notre quotidien et notre travail. Nous espérons toutefois que ces effets seront temporaires.
Or, quand allons-nous être à l’aise de retourner au théâtre ou dans une salle de concert? Comment les arts de la scène vont-ils pouvoir survivre sans la vente de billets ou le soutien des entreprises, qui a chuté dans tout le secteur à but non lucratif? Comment les galeries d’art et les musées vont-ils s’en sortir sans les touristes et les groupes scolaires?
Les arts forment un pan vraiment vulnérable du secteur sans but lucratif canadien. Bon nombre des personnes qui y travaillent sont des travailleurs autonomes, certains obtiennent des contrats à court terme, d’autres à long terme et d’autres encore occupent un poste de salarié, mais avec une rémunération souvent bien inférieure à ce qu’ils gagneraient dans d’autres secteurs.
Certains organismes ne savent pas ce qu’il adviendra d’eux d’une année à l’autre, d’autres ne savent pas ce qu’il adviendra d’eux après le projet en cours. Les organismes dotés de fonds de dotation voient leurs revenus s’envoler dans le contexte actuel et des restrictions encadrent les montants qu’ils peuvent utiliser.
J’ai discuté avec plus d’une centaine d’artistes, ainsi qu’avec des directeurs d’organismes et des dirigeants de différentes associations du secteur des arts et j’ai rencontré à plusieurs reprises des représentants de l’Association professionnelle des théâtres canadiens, des humoristes, des groupes de musiciens et des représentants de diverses disciplines de différentes régions au pays. Sans exception, ils ont tous dit qu’ils appréciaient l’aide qu’apportent la PCU et la subvention salariale, ainsi que la souplesse dont le Conseil des arts du Canada et Patrimoine Canada font preuve pour offrir de l’aide.
Cependant, tous ceux à qui j’ai parlé s’inquiètent des éventuelles mises à pied — certains parlent de plus de 60 % du personnel. Je sais aussi que des mises à pied permanentes ont été effectuées dans de nombreux pans de ce secteur en plus des mises à pied temporaires. On parle des concepteurs, des collecteurs de fonds, des artistes et des artisans de la scène.
Je tiens à rappeler que, tout au long des derniers mois, les artistes ont continué à nous soutenir par leur créativité, leurs initiatives et leur générosité. Regardez le merveilleux cadeau que les artistes nous ont fait après les horreurs vécues cet été en Nouvelle-Écosse. Les préoccupations qui ont été soulevées et qui sont évoquées encore aujourd’hui s’inscrivent dans trois échéances : le court, le moyen et le long terme. Chacun est touché.
La gestion immédiate des crises et la trésorerie des organisations continuent de poser des problèmes particulièrement graves, depuis quelques mois. C’est en effet à cette époque de l’année que la vente de billets apporte une contribution essentielle à la trésorerie des institutions saines; or, elles n’ont pas vendu de billets.
Certaines organisations n’ont pas pu bénéficier du soutien du Conseil des Arts du Canada ou de Patrimoine canadien, ce qui a porté préjudice aux petits édifices, sites et musées historiques régionaux, autant d’éléments vitaux pour la compréhension de notre histoire.
J’ai été vraiment impressionnée par les initiatives originales qui ont déjà été mises en œuvre et celles qui sont prévues pour l’avenir, même si l’incertitude de la reprise suscite plus de craintes et de questions qu’elle n’apporte de réponses. De nombreuses organisations ont mis au point de nouvelles façons de se rapprocher de leurs publics, ce qui est encourageant, mais on peut craindre pour la durabilité à long terme de ces initiatives. Ce n’est que lorsque les gens pourront retourner au théâtre, dans les salles de concert et, en plus grand nombre, dans les galeries et les musées, que la reprise commencera.
Je suis désolée de vous le dire, mais pour les arts, la reprise n’est prévue qu’en 2022 si l’on est optimiste. La plupart des gens la prévoient en 2023, avec le retour espéré des touristes. Je dois souligner en effet que le tourisme est un ingrédient essentiel pour les arts, tout comme les arts le sont pour la société dans son ensemble. Les artistes ont perdu du travail. Beaucoup ont renoncé à un avancement de carrière et beaucoup quittent le secteur.
N’est-il pas triste de voir des danseurs au sommet de leur carrière quitter leur emploi parce qu’ils ne peuvent pas pratiquer leur art et qu’ils ne savent pas s’ils seront en forme ou s’ils auront la flexibilité nécessaire pour danser lorsque les théâtres rouvriront leurs portes? Quant à la formation des jeunes danseurs, elle a cessé.
Par exemple, au début, l’école du Royal Winnipeg Ballet a poursuivi son programme d’enseignement en offrant des cours à distance avec un vidéographe et un professeur qui travaillaient à plus de deux mètres l’un de l’autre dans un studio. Cependant, lorsque le Manitoba a dû fermer des édifices, le programme n’a pas pu se poursuivre. On craint de perdre la prochaine génération de danseurs si la situation se poursuit pendant trop longtemps, car les étudiants inscrits au programme professionnel doivent continuer à s’entraîner pour ne pas perdre leur flexibilité et leur masse musculaire.
Sommes-nous donc sur le point de perdre une génération dans cette forme d’art pour laquelle le Canada a toujours été tenu en si haute estime sur la scène internationale?
Comme je l’ai dit à maintes reprises, les artistes sont les travailleurs pauvres du Canada et comptent le plus grand pourcentage de Canadiens qui vivent sous le seuil de pauvreté. Chers collègues, c’était en période prospérité. Vous pouvez donc imaginer leur situation maintenant que nous traversons une période difficile.
L’été dernier, il n’y a pas eu de festivals ni de foires artisanales et il est très intéressant de noter le nombre d’appels que j’ai reçus de la part d’artisans qui — croyez-le ou non — gagnent leur revenu annuel pendant les quelques mois des foires estivales et qui n’ont donc pas de revenus en ce moment.
Donc où en sommes-nous vraiment? Alors que le pays planifie sa relance économique, j’ai l’impression que la situation s’aggravera pour les artistes avant qu’elle ne s’améliore, surtout pour les artistes du domaine des arts de la scène, comme je l’ai dit. Je félicite toutefois les artistes qui ont fait preuve d’une grande générosité et qui nous aident à traverser la crise.
Combien de spectacles ou de concerts avons-nous écoutés en ligne? À combien d’expositions ou de visites de galeries avons-nous participé à distance? Combien d’artistes ont obtenu une rémunération pour le contenu que nous visionnons? Très peu, et cette réalité me choque.
Nous sommes tous conscients du rôle très concret joué par les personnes du domaine des arts auprès des Canadiens tout au long de la pandémie, surtout dans le contexte de Black Lives Matter et des meurtres en Nouvelle-Écosse au début de l’été. Les artistes, tant individuellement que collectivement, ont trouvé un moyen de nous toucher, de nous guérir, de détourner notre attention et de nous donner de l’espoir. Bien que la plupart de ces efforts n’aient pas été récompensés, j’espère que ce projet de loi nous permettra de le faire.
Je me soucie aussi de la santé mentale. C’est impossible de compter le nombre d’appels que j’ai reçus à minuit, à une heure du matin, à deux heures du matin, de la part d’artistes qui se sentent absolument démunis et qui sont au bord du gouffre. Je tiens à remercier le sénateur Kutcher qui m’a prêté main-forte au début de la pandémie de la COVID-19, quand je lui ai demandé de l’aide parce que je ne savais plus quoi faire.
Je peux vous dire que pour certains des organismes qui se voient forcer d’interrompre leur programmation, les pertes représentent la moitié des revenus de la saison 2020-2021. Ils perdent donc la moitié de cette saison. Ils doivent rembourser le prix des billets, alors qu’ils n’ont aucune liquidité. Heureusement, 60 % des Canadiens ont accepté de recevoir des reçus d’impôt pour activités de bienfaisance plutôt que d’exiger leur remboursement. Tout de même, les organismes ont payé les frais de permis pour des programmes qu’ils n’ont pas pu présenter, ils ont construit des scènes, ils ont payé les artistes et ils ont acheté des annonces publicitaires. Ils ne savent pas quand ils pourront rouvrir ni s’ils pourront un jour présenter leurs programmes. Chers collègues, je fais le suivi du nombre d’organismes qui devront peut-être fermer définitivement, malgré toute la programmation virtuelle offerte partout au Canada.
Quelles sont les véritables questions? Une d’entre elles est celle de la relation qu’il faudra rétablir avec le public. Comment le faire? Est-ce que les gens seront à l’aise de participer à des rassemblements importants, dans des théâtres, des salles de spectacle, des musées et des galeries? Il s’agira déterminer, comme je l’ai dit, le nombre d’organismes du domaine des arts, du patrimoine et de la culture qui survivront à la saison. Il faudra voir dans quel état ils se trouveront. Les grands organismes aideront-ils les petits? Je pourrais continuer, mais je vais m’arrêter là.
L’art est un puissant véhicule. Il peut changer la société. Il nous permet de remettre en question la vision d’un artiste et de nous réconcilier avec elle. Mais, pour pouvoir faire tout cela, il lui faut l’appui de ce projet de loi. Permettons au secteur artistique de contribuer à la reprise économie canadienne qui doit suivre la pandémie en appuyant ce projet de loi, pour que les artistes puissent soutenir les Canadiens et nous aider à avoir la santé mentale nécessaire pour tenir bon.
Chers collègues, comme vous le savez, le mantra de ma famille, c’est « tout le monde va mieux quand tout le monde va mieux. » Grâce à ce projet de loi, nous pouvons aider le Canada à mieux aller. Merci.
Sénatrice Bovey, merci infiniment de m’avoir posé cette question ce soir parce que vous abordez un sujet qui me touche de près. Où que l’on habite, on connaît tous quelqu’un, un ami, un proche ou même un enfant qui œuvre dans le milieu des arts de la scène. Il est 19 h 5 et je n’ai jamais cru que je poserais pareille question, mais mon fils, Claude Munson, fait partie d’un groupe et il se produit ce soir. Il a commencé à chanter il y a maintenant 5 minutes au Queen Street Fare. Il va sans dire que tout le monde va respecter la distanciation sociale, et seulement 35 personnes ont pu assister à ce spectacle organisé par Eventbrite. Les billets se vendaient 10 $ par personne.
Je crois qu’il serait profondément embarrassé de savoir que je m’apprête à poser cette question, mais on lui a demandé de donner une partie des recettes à l’organisme la Mission, ici à Ottawa, ce qui veut dire qu’il pourrait garder une centaine de dollars pour lui-même.
Je lui ai dit que je n’étais pas sûr de pouvoir me libérer à temps pour aller le voir chanter, mais mon cœur est avec lui chaque fois qu’il entonne une de ses chansons. Quand je lui ai demandé de chanter pour ceux qui ne peuvent pas chanter, sa réponse était toute simple, mais pleine de cœur. Il m’a dit : « Ne t’en fais pas, papa. Merci. »
Vous avez dit ce que vous aviez à dire. Y a-t-il de l’espoir pour les artistes comme lui? Il a seulement 32 ans; que peut-il faire? Il a enregistré un album, il a fait ce qu’on attendait de lui. Ils sont des milliers comme lui, qui veulent seulement chanter, mais pour qui?
Sénateur, il y a toujours de l’espoir. S’il y a un segment de notre société qui a de l’espoir, ce sont les créateurs, les artistes, ceux qui donnent de leur âme pour définir notre essence, celle des régions et celle de notre nation.
Ils vont continuer de créer. Ils vont continuer d’écrire, de composer, de donner des spectacles, tout comme on l’a fait dans les périodes les plus sombres de la civilisation. J’ai moi-même de l’espoir, mais je veux que nous encouragions cet espoir. Lorsqu’on pense à ce que les artistes reçoivent dans les périodes grasses — je crois que nous nous attendons à ce qu’ils soient là indéfiniment.
Je suis en train de dire qu’il ne faut pas avoir de telles attentes. Nous devons les aider à nous aider. Ce n’est pas drôle de recevoir, à deux heures du matin, l’appel d’un artiste qui pense à mettre fin à ses jours parce qu’une galerie a fermé ses portes et qu’il n’arrive pas à vendre ses tableaux.
Honorables sénateurs, ceci est le septième projet de loi prévoyant des mesures d’urgence en réponse à la COVID-19 dont nous discutons depuis mars. C’est également la septième occasion que j’ai de formuler quelques observations. Nous avons reçu, quoique dans des circonstances plutôt exceptionnelles, ces projets de loi de la Chambre des communes, ce qui, dans le contexte d’un gouvernement minoritaire, signifie, par définition, que plus d’un groupe à l’autre endroit les a appuyés. Toutefois, et ceci est plutôt inhabituel, nous étudions aujourd’hui un projet de loi adopté à l’unanimité par la Chambre des communes. Il est malheureux que cette unanimité de la Chambre élue ne sera pas célébrée au Sénat. J’exhorte mes collègues à envisager d’appuyer ces mesures d’urgence supplémentaires en réponse à la crise que vivent les Canadiens au quotidien.
J’aimerais prendre un instant pour exprimer une réflexion sur le rôle que devrait jouer le Sénat à l’égard des projets de loi urgents provenant de la Chambre des communes en période difficile, alors qu’il n’est pas facile d’amender ou, comme nous le disons, d’améliorer les diverses mesures proposées. À mon avis, nous devons à tout le moins commencer à songer au contexte post-COVID en matière de politique publique.
Pour commencer, j’aimerais remercier le sénateur Dean de parrainer le projet de loi, de même que tous les collègues qui ont pris la parole à son sujet ainsi que les ministres qui sont venues aujourd’hui et qui, j’ai trouvé, nous ont fourni très efficacement le contexte et les renseignements supplémentaires voulus pour que nous puissions faire aisément notre travail.
Je veux souligner trois points, parce que, essentiellement, je crois que les mesures liées à la COVID, autant celles à l’étude aujourd’hui que les six projets de loi présentés auparavant, étaient nécessaires. Cependant, il faut commencer à voir comment le fardeau de cet endettement sera étalé dans le temps et comment il pourra être réparti de façon équitable entre les différents secteurs et groupes au Canada au fil des ans.
Même avant la COVID, il y avait des problèmes dans différents secteurs de l’économie canadienne et, si vous regardez où se situait la croissance, les exportations du secteur de l’énergie étaient plutôt faibles comparativement aux années antérieures, alors que, je le fais remarquer, c’était ce secteur qui nous a donné une marge de manœuvre dans notre compte courant, créant un surplus annoncé avec grand bruit. Il faut trouver d’où viendra la croissance.
D’où viendra-t-elle? Je vous recommande de lire l’étude produite par David Dodge et diffusée par le Forum des politiques publiques intitulée Deux pics à franchir : Les deux déficits du Canada et comment les proportionner.
Dans l’étude, l’ancien gouverneur ou député Dodge, peu importe le titre que vous voulez lui donner, a dit que nous devons nous fixer cinq priorités essentielles afin de relever le taux de croissance annuel du PIB potentiel à bien au-delà de la trajectoire actuelle de 1,8 % que nous avions déterminée avant la période de la COVID-19. Il dit qu’il faudra un effort conjugué des gouvernements, des entreprises et des ménages.
Voici les cinq priorités qu’il a ciblées :
Premièrement, accroître la part du numérique dans la production des biens et particulièrement des services;
Deuxièmement, prolonger la durée utile d’un secteur des ressources moins polluant et faciliter une composition à plus forte valeur ajoutée;
Troisièmement, maximiser la participation et l’adaptation de la population active;
Quatrièmement, améliorer l’efficacité et l’efficience des services publics;
Cinquièmement, rétablir la confiance dans la stabilité budgétaire.
Je ne prendrai pas le temps ce soir de vous donner mon opinion sur ces cinq éléments importants, mais je tiens au moins à proposer qu’ils orientent les travaux des comités sénatoriaux quand nous reviendrons et que le Sénat pourra étudier normalement des dossiers.
Tentons de modeler ce à quoi l’autre endroit commence à penser quand le temps et les circonstances le lui permettront. Ainsi, nous aurons vraiment ajouté de la valeur au débat, au lieu de seulement examiner rapidement les projets de loi qui nous sont renvoyés, et forcément rapidement. Je ne m’en plains pas. Néanmoins, nous ajouterions sûrement de la valeur en commençant à poser ce genre de questions et à explorer l’éventail des réponses avant l’autre endroit ou que le gouvernement se fasse une idée sur ces questions.
Par exemple, la sénatrice Deacon a parlé de la numérisation des secteurs des finances et des services. Nous devrions peut-être parler de façon plus générale de ce que représente l’économie à la demande pour le Canada et de comment nous pourrions accélérer notre participation à cette dernière par rapport à d’autres pays.
Étant donné l’intensité du débat que nous avons tenu lors de la dernière législature au sujet du secteur de l’énergie, plus particulièrement au sujet des réformes visant l’évaluation environnementale — que j’ai appuyées, comme vous le savez —, nous devrions certainement débattre avec la même intensité de la façon dont nous pouvons ramener le Canada dans une situation avantageuse en ce qui a trait à la valeur de ses exportations énergétiques. Comment pouvons-nous tirer profit du secteur des ressources, en particulier le secteur du bois d’œuvre, qui a connu une période exceptionnelle ces derniers mois, tout comme le secteur agricole? Comment pouvons-nous concilier les besoins de ces marchés avec tous les autres facteurs que nous avons grandement avantage à considérer, notamment en ce qui concerne notre politique étrangère et nos échanges commerciaux? Si le secteur canadien des ressources ne peut pas vendre ses ressources à ceux qui les veulent dans le monde entier, le Canada se privera d’une partie de la croissance dont elle a besoin.
L’adaptation de la main-d’œuvre grâce à l’apprentissage continu fait certainement partie des aspects que la sénatrice Bellemare et d’autres sénateurs que je connais ont grandement considérés. Comment pouvons-nous améliorer le développement des compétences de la main-d’œuvre canadienne? Nous pouvons peut-être faire quelque chose à cet égard.
Pour ce qui est de l’efficacité des services publics, je pense que cette assemblée peut apporter une contribution importante.
C’est le premier point que je voulais soulever. Comment le Canada arrivera-t-il à croître? Comment le Sénat va-t-il contribuer à la conversation avec les Canadiens? Quels points soulèvera-t-il auprès des dirigeants politiques et de l’ensemble des dirigeants fédéraux et provinciaux pour étudier la question?
Le deuxième point que je veux faire valoir est en fait le cinquième point de David Dodge, au sujet du déficit. Quelle cible budgétaire devrions-nous fixer? Je pense qu’il est injuste de simplement demander au gouvernement quelle est la cible budgétaire. Il serait plus judicieux de s’interroger sur les éléments à considérer en vue de la nouvelle cible. C’est beaucoup trop facile de se contenter de souhaiter un budget équilibré. En fait, ça ne l’est pas. Ce serait très imprudent et cela nous replongerait dans une récession que personne ne souhaite. Le rapport entre la dette et le BIP ne diminuera certainement pas. Cette époque est révolue.
Je vais commencer par citer quelques extraits tirés du rapport du directeur parlementaire du budget publié cette semaine, qui est une lecture fort intéressante. Le directeur parlementaire du budget dit que nous avons maintenant une meilleure idée de ce que coûtera la lutte du Canada contre la COVID-19, mais comme il le dit, le rapport n’est qu’une vague idée de l’avenir. Le document ne contient aucune prévision des dépenses futures et aucune cible budgétaire pour les dépenses du gouvernement. Ce n’est pas le travail du directeur parlementaire du budget. Selon moi, c’est le travail d’un législateur.
Selon le rapport du directeur parlementaire du budget, le déficit devrait atteindre 328,5 milliards de dollars cette année, un chiffre légèrement inférieur à celui du récent portrait économique de l’ancien ministre des Finances, M. Morneau. Cet écart s’explique par le fait que le directeur parlementaire du budget est plus optimiste par rapport à la taille des recettes du Canada. Nous l’avons constaté dans les deux derniers rapports mensuels sur les exportations et les recettes.
Le déficit prévu par le directeur parlementaire du budget représente 15 % du PIB, le plus haut pourcentage enregistré depuis que ces calculs sont faits, soit 50 ans. Le déficit budgétaire devrait être ramené à 73,8 milliards de dollars à l’exercice prochain et continuer de diminuer par la suite. Les déficits devraient être d’environ 40 milliards de dollars ou légèrement supérieurs, peut-être.
Ces chiffres se fondent sur trois hypothèses, qu’il est utile de rappeler : primo, les mesures en matière de santé publique seront maintenues au cours des 12 à 18 prochains mois; secundo, les mesures de soutien liées à la COVID seront retirées dans les délais prévus — c’est très incertain et tout dépend de la première hypothèse, n’est-ce pas? —; tertio, la politique monétaire restera semblable, ou, autrement dit, les taux d’intérêt demeureront bas.
Le directeur parlementaire du budget prévoit que le PIB réel atteindra son niveau d’avant la crise d’ici le début de 2021. Cependant, on note que les bouleversements des prix du pétrole et la COVID-19 laisseront des séquelles permanentes sur l’économie canadienne, ce qui me ramène à mes observations sur le déficit courant provenant de notre secteur de l’énergie.
Le ratio fédéral dette-PIB atteindra un sommet de 48,3 % en 2022-2023, alors qu’il était de 18,3 % en 2019, soit une hausse de 30 points de pourcentage. Le ratio prévu augmentera avant de redescendre à moyen terme. Cela est attribuable à l’expiration, espérons-le, des mesures adoptées dans les sept derniers projets de loi qui nous ont été soumis.
Je souligne que le rapport présenté la semaine dernière par le directeur parlementaire du budget ne tient pas compte des mesures figurant dans le discours du Trône. Cette question a été abordée avec la ministre aujourd’hui.
Je dis cela parce que nous devons déterminer ce que nous recommanderions comme cible budgétaire ou quelles sont les options possibles qui constitueraient une bonne politique publique à ce chapitre. Je pense qu’il pourrait être utile, ici aussi, de tenir compte de l’avis de David Dodge.
Il recommanderait au gouvernement de réduire progressivement son déficit budgétaire et ses besoins d’emprunt par étapes sur les deux à trois prochaines années en ayant pour objectif de ramener les déficits à 1 % du PIB ou 20 milliards de dollars; de cesser d’utiliser le radio dette-PIB comme seule cible budgétaire et d’adopter une cible fondée sur les frais de service de la dette; et d’arrimer ses emprunts et ses plans de recettes futurs à une cible viable en matière de frais de service de la dette ne dépassant pas 10 % des recettes annuelles de l’État.
Je pense que cette idée de l’ancien gouverneur Dodge est plutôt novatrice. À mon avis, elle mérite que le Sénat envisage qu’on en discute avec des experts qui pourraient offrir des recommandations sur le choix d’une cible budgétaire. Je ne considérerais pas comme une discussion sérieuse de s’en tenir à l’idée qu’il faut équilibrer le budget avant la fin de la prochaine législature.
Comment pouvons-nous mettre en place des programmes gouvernementaux viables et sains, qui comportent des cibles économiques et qui font la distinction entre les besoins et les désirs? Voilà mon deuxième point.
Mon troisième point, et non le moindre, c’est que le Canada est une fédération. Je suis très heureux que la ministre Freeland ait commencé son intervention, en réponse à la question du sénateur Plett, en parlant de la collaboration entre les ordres de gouvernement à l’égard des mesures d’aide pour les Canadiens.
Comme nous sommes une fédération, je pense que le Sénat, qui prétend être une Chambre représentative des régions, a l’obligation particulière de réfléchir à l’incidence, après la pandémie, qu’aura cette discussion concernant le rôle respectif des provinces et du gouvernement fédéral sur la création de politiques publiques efficaces au Canada.
Bon nombre des mesures qui ont été prises par le gouvernement relèvent en fait de la compétence provinciale. La plupart des critiques que le gouvernement a reçues au sujet de son inaction, notamment en ce qui concerne les temps d’attente pour le dépistage, concernent plutôt les provinces.
Bien honnêtement, je ne crois pas que nous, les parlementaires, avons aidé les Canadiens à bien comprendre le fonctionnement du fédéralisme au Canada. Ils ne savent pas qui est responsable de quoi.
Lorsque la pandémie se résorbera, je pense que nous devrions trouver une façon de favoriser une meilleure compréhension du fédéralisme.
Je suis désolé, sénateur Harder, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
Cinq? Trois.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Je veux simplement vous recommander de jeter un coup d’œil à un récent ouvrage de Bill Macdonald. J’ignore si vous le connaissez. Il n’est plus admissible à une nomination au Sénat, mais il est un formidable intellectuel. Il vient de publier un livre intitulé Might Nature Be Canadian? Pour l’après-COVID, il pense qu’il serait judicieux de tenir une conférence économique semblable à la Conférence sur la Confédération de demain, organisée par Robarts et Pépin il y a de nombreuses années, et d’entamer une conversation en dehors des paramètres politiques d’une réunion fédérale-provinciale, afin de discuter des meilleurs programmes et des meilleures orientations stratégiques collectives dans un contexte comportant les contraintes et les possibilités générées par la COVID.
Chers collègues, je conclus sur ces trois points. J’estime que c’est une façon pour le Sénat — plutôt que de simplement traiter les projets de loi dont nous sommes saisis — de façonner le contexte où se tiendra le travail considérable et ardu qu’exigera le rétablissement du Canada après la pandémie de COVID : un monde où on peut construire un pays meilleur, certes, mais de manière fiscalement responsable.
Le vote?
Honorables sénateurs, il y a différentes choses auxquelles nous pensons probablement tous. S’il y a une telle réponse et que la relance se met en marche, comme nous en avons parlé au début au printemps, je crois, alors nous pourrions commencer à parler de reprise, de remettre sur pied nos comités, en particulier le Comité des finances et le Comité des affaires sociales. J’avancerais que nous en sommes encore aux mesures de réponse, avec le dépôt du septième projet de loi de mesures d’urgence.
Sénateur Harder, vous avez parlé de cibles économiques et vous avez été très détaillé. Il y avait cinq secteurs à examiner et je suis certain que nous pourrons les relire plus tard.
Comme je l’ai dit, nous en sommes tous aux prochaines étapes : comment faire mieux ensemble; comment utiliser notre temps plus efficacement pour évaluer la prudence et la durabilité des mesures financières?
Considérez-vous que les suggestions que vous avez faites aujourd’hui sont urgentes et qu’il faille commencer à les mettre en œuvre à court terme? Croyez-vous qu’elles pourraient avoir des incidences sur la structure même des comités?
C’est à l’ensemble des sénateurs de le déterminer. Je ne suis pas de ceux qui veulent que le Sénat dicte aux comités quoi faire au moyen de motions. Il y en a assez eu depuis 24 heures.
Si nous pouvions avoir une conversation fructueuse, peut-être trouverions-nous des façons de faire en sorte que chacun des comités puisse étudier tel ou tel élément et, espérons-le, permettre au Sénat de contribuer à un débat public plus large sur ces enjeux, sans avoir à tirer des conclusions.
Je crois que notre rôle pourrait être de peindre un portrait plus large pouvant mener à une conversation plus éclairée avec les Canadiens.
Merci.
Je ne sais pas s’il reste du temps au sénateur Harder.
Il lui reste une minute et 20 secondes.
Je serai bref. J’approuve totalement presque tout ce que vous avez dit. J’ai transmis l’article de David Dodge à tous les membres de notre groupe et j’ai indiqué que, si on avait une seule chose à lire cette année — bien sûr, tout le monde lit beaucoup de choses —, il fallait lire cet article. Il est extrêmement important et, comme vous le savez, vu qu’il est de David Dodge, il est extrêmement bien écrit. J’exhorte tous mes collègues à prendre le temps de le lire.
J’ai aussi pensé à ce que nous pourrions faire en tant que groupe d’un peu différent et de prospectif. Dans le cadre de mes recherches — vous avez mentionné certaines choses, et je vais mentionner quelque chose que vous voudrez peut-être examiner —, j’ai découvert quelque chose qui, selon moi, est plutôt étonnant, soit que, en 1941, le Cabinet a créé un comité de reconstruction pour les activités après la guerre.
Chers collègues, en 1941, nous n’étions pas sûrs de gagner la guerre, sans parler des événements qui auraient lieu après celle-ci. En 1943, le comité a publié un rapport sur ce qui devrait être fait après la guerre. Il est extrêmement détaillé. Il est en ligne, bien sûr. Pour le genre de réflexion prospective dont Peter Harder et David Dodge parlaient et que le Cabinet a menée en 1941, il est extrêmement important de se préparer. Je constate qu’il reste peu de temps. Donc, sénateur Harder, j’espère que vous aurez la chance de lire cet article. C’est la question que je vous pose.
Votre temps de parole est écoulé.
Honorables collègues, la pandémie de COVID-19 a mis en lumière les conséquences de décennies d’éviscération des soins de santé, des services sociaux et économiques, sans oublier les répercussions multiples et intersectionnelles dévastatrices du racisme systémique et des autres inégalités fondées sur le sexe ou le handicap.
La COVID-19 a révélé que les mesures de protection que les Canadiens croyaient avoir sont non pas un filet de sécurité solide qui leur permet de rebondir, mais plutôt une mince toile criblée non pas de simples failles, mais de gouffres béants où les bénéficiaires emplis d’espoir doivent marcher sur la corde raide pour satisfaire aux conditions et aux exigences administratives, au risque de se faire prendre au piège et de tomber dans la pauvreté et en situation de crise.
La COVID-19 a rapidement mis en lumière l’inefficacité de notre régime d’assurance-emploi. Avant la pandémie, ce régime venait en aide à seulement 38 % des hommes au chômage et 33 % des femmes au chômage, et laissait pour compte, en particulier, les personnes qui avaient un emploi précaire faiblement rémunéré assorti de peu d’avantages sociaux, voire d’aucun. Souvent, il s’agit d’emplois essentiels, mais, de façon préjudiciable, précaires où les femmes, les Noirs et les Autochtones sont, depuis longtemps, surreprésentés.
Il est saisissant et notable que pas la moindre personne — pas une — n’ait même tenté de suggérer que l’aide sociale provinciale et territoriale serait une solution possible en réponse aux pertes d’emplois liées à la COVID-19. C’est pour dire à quel point ces systèmes sont défaillants. Ils fournissent délibérément des prestations terriblement inadéquates et obligent au préalable les gens à satisfaire des exigences draconiennes et, trop souvent, arbitraires, tels que liquider et, par conséquent, perdre leur résidence, leur véhicule automobile et tout autre bien, des biens dont la plupart d’entre nous dépendent pour travailler ou trouver du travail ainsi que pour prendre soin de notre famille.
Même si une personne a accès à des prestations, les sommes qu’elle reçoit sont insuffisantes pour subvenir à ses besoins et ne lui permettent pas vraiment de sortir de la pauvreté.
Qui parmi nous pourrait imaginer survivre à Toronto en n’ayant que 390 $ par mois pour se loger et 343 $ pour ses autres dépenses? C’est pourtant le tour de force impossible qu’on demande aux Canadiens qui dépendent de l’aide sociale. Pire encore, s’ils ont le malheur d’accepter ne serait-ce qu’un sac de provisions d’un ami ou d’un proche, leur prestation d’aide sociale peut être réduite.
Les assistés sociaux doivent même déclarer les cadeaux, sinon ils risquent d’être criminalisés. C’est un système impossible qui force trop de gens à courir le risque d’être considérés comme des criminels parce qu’ils ne veulent pas laisser leurs enfants le ventre creux, une option qu’aucun d’entre nous ne trouverait acceptable, j’en suis certaine.
Grâce à des mesures comme la Prestation canadienne d’urgence et d’autres modifications telles que celles qu’on retrouve dans le projet de loi C-4, le gouvernement s’est efforcé non seulement de mettre en place des soutiens au revenu en temps de crise, mais aussi de les améliorer lorsqu’il est devenu évident qu’il y avait encore des Canadiens laissés pour compte. Je souligne les efforts du gouvernement et je le félicite tout en l’invitant à poursuivre son travail d’amélioration pour s’adapter à la situation changeante. Les lacunes qui se trouvent toujours dans le projet de loi risquent de laisser pour compte les personnes les plus démunies, notamment celles qui reçoivent des prestations de l’aide sociale. Les Canadiens doivent avoir et réclament un revenu minimum garanti : une prestation qui serait accessible à tous. Elle ne serait pas accordée à tout le monde, mais elle serait accessible à ceux qui sont dans le besoin.
La Prestation canadienne d’urgence et les mesures de soutien au revenu prévues dans le projet de loi C-4 sont destinées aux personnes qui ont un revenu annuel d’au moins 5 000 $. Comme le soutien cible les personnes qui occupaient un emploi rémunéré avant la pandémie, cette exigence crée deux problèmes.
Premièrement, cela a pour conséquence inhabituelle d’exclure les personnes qui ont le moins de revenus et de ressources et qui ont le plus besoin d’aide, et ce, peu importe si elles avaient un emploi ou non, pendant une pandémie qui présente des risques particuliers pour les personnes marginalisées sur le plan économique. Ce n’est pas par hasard que bon nombre des quartiers le plus durement touchés par la COVID-19 au pays sont des quartiers où vivent des personnes à faible revenu qui sont pour la plupart issues de groupes racialisés, en particulier des Noirs. C’est un exemple de racisme systémique jumelé à une marginalisation économique. Les femmes, qui étaient déjà plus susceptibles de vivre dans la pauvreté avant la COVID-19, sont plus susceptibles de devoir faire face à des obstacles économiques et à des risques pour la santé à cause de la COVID-19.
Les bénéficiaires de l’aide sociale qui ont pu être admissibles à la PCU sont trop souvent incapables d’en bénéficier. Comme la ministre Qualtrough l’a mentionné devant le comité plénier aujourd’hui, malgré des efforts louables de la part du gouvernement fédéral pour réclamer des résultats différents, dans la plupart des provinces et au Nunavut, les gens risquent de ne plus recevoir de prestations de l’aide sociale s’ils acceptent la PCU. Des paiements de la PCU sont récupérés par les gouvernements provinciaux et territoriaux.
J’ai l’impression qu’il en ira de même pour les nouvelles prestations prévues dans le projet de loi C-4. Pendant la transition entre la Prestation canadienne d’urgence et ces nouvelles prestations, environ 750 000 travailleurs qui touchaient la PCU ne recevront plus un sou du gouvernement fédéral. À peu près le quart des Canadiens qui touchaient la PCU se retrouveront avec moins d’argent. Il s’agit surtout de femmes, de personnes à faible revenu et de travailleurs à temps partiel qui gagnent moins de 1 000 $ par mois, mais dont les heures n’ont pas diminué au moins de moitié, comme l’exige le projet de loi C-4.
Le second problème que l’on crée à vouloir à tout prix distinguer les travailleurs qui ont un emploi rémunéré de ceux qui n’en ont pas, c’est qu’on perpétue le stéréotype on ne peut plus tenace et néfaste voulant que certaines personnes méritent qu’on les aide et qu’on leur manifeste de l’empathie, mais pas les autres.
La pandémie a fait réaliser aux Canadiens, même ceux dont la situation financière semblait relativement assurée, qu’on peut très bien travailler fort et tomber du jour au lendemain dans la pauvreté. Avant la COVID-19, 53 % des Canadiens, soit la majorité, tiraient le diable par la queue et se trouvaient dans une position où il aurait suffi d’à peine quelques semaines plus difficiles pour les plonger dans une crise financière. Ce n’est pas juste parce que ces gens ne savent pas faire un budget, comme le veut le stéréotype. Pas quand, dans la plupart des villes du Canada, le loyer pour un appartement d’une chambre à coucher coûte trop cher pour qu’un travailleur gagnant le salaire minimum puisse se le permettre. Pas quand la moitié des personnes vivant sous le seuil de la pauvreté occupent un emploi — souvent comme travailleur essentiel —, mais ne gagnent pas suffisamment pour arriver.
Le racisme et le sexisme systémiques peuvent aussi constituer des obstacles à l’emploi. L’organisme Colour of Poverty – Colour of Change souligne que, en Ontario, un homme racialisé a 24 % plus de risques d’être chômeur. Pire encore, une femme racialisée a 43 % plus de risques d’être au chômage qu’un homme non racialisé. Les Noirs et les Autochtones occupent toujours de façon disproportionnée les emplois les moins protégés et les moins rémunérés au Canada. Des études montrent que la discrimination par les employeurs est monnaie courante face à des candidats aux compétences égales dont le nom sonne plutôt africain, asiatique ou musulman ou dont l’adresse se trouve dans certains quartiers.
Différentes raisons peuvent expliquer pourquoi un Canadien ne gagne pas 5 000 $ par année : avoir perdu son emploi sans accès à l’assurance-emploi avant la pandémie; avoir lancé une nouvelle entreprise; être déjà responsable d’enfants, d’aînés ou de proches handicapés avant que la pandémie ne commence, avoir un handicap non déclaré; ne pas avoir les moyens de payer pour se déplacer pour aller chercher du travail, pour s’acheter des vêtements ou pour faire garder les enfants; ne pas pouvoir se permettre de perdre les avantages d’assurance-médicaments qu’offrent les programmes d’aide sociale. Il existe d’innombrables raisons.
Faire une distinction entre ceux qui ont un travail rémunéré et ceux qui n’en ont pas comme le fait le projet de loi C-4 masque la réalité, soit que, dans un pays riche et axé sur les droits de la personne comme le nôtre, tout le monde devrait avoir le droit à la dignité et personne ne devrait être en danger parce qu’il ne peut répondre à ses besoins de base. Pendant cette pandémie et au-delà, prémunir les gens contre la pauvreté et contre les crises sanitaires et économiques profite à toute la population, car cela nous assure des collectivités plus saines, plus sécuritaires, plus justes et plus résilientes.
La COVID-19 a montré de façon frappante à quel point la santé et le bien-être économique des Canadiens sont liés. Des experts de la santé, notamment l’Association médicale canadienne, reconnaissent depuis longtemps que le revenu est un déterminant social essentiel de la santé et préconisent par conséquent la prise de mesures comme le revenu minimum garanti.
Cette idée voulant que le bien-être ne doive pas uniquement dépendre du revenu devrait nous encourager à être courageux lorsque nous élaborons des politiques qui permettront de garantir un avenir meilleur pour les Canadiens après la pandémie. Comme l’ont fait les parlementaires d’un gouvernement minoritaire il y a plus de 50 ans, nous pouvons, et je pense que nous devrions adopter le genre de vision qui a donné naissance à l’assurance-médicaments, qui a changé le Canada pour toujours, et en mieux.
Rappelons-nous qu’à cette époque, l’assurance-médicaments n’était pas une solution évidente. Ceux qui s’y sont opposés ont été très virulents envers l’idée. Cela dit, une fois le que le système a été mis en place et une fois que les Canadiens ont goûté aux avantages d’un système de soins de santé universellement accessible, aucun gouvernement, quelle que soit son allégeance politique, n’a tenté de l’abroger.
La récente décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique met en évidence que, de nos jours, la plupart des Canadiens n’acceptent pas l’idée selon laquelle les soins médicaux sont un produit comme un autre, et que seuls les riches ont le privilège d’y accéder. Imaginez l’héritage qui pourrait être laissé par le présent gouvernement s’il adoptait le revenu minimum garanti ou d’autres mesures en matière de santé mentale, de soins dentaires, d’assurance-médicaments ou de services de garde d’enfants qui profiteraient aux générations actuelles et futures.
Je sais que nous continuerons de travailler ensemble pour créer un Canada où tout le monde peut se sentir en sécurité et où, si une autre crise survenait ou si celle-ci se poursuivait, qu’il s’agisse d’une pandémie mondiale, de la perte d’un emploi ou d’une maladie, un soutien au revenu universel serait accessible en cas de nécessité et pourrait être fourni rapidement, sans conditions arbitraires, pour répondre aux besoins de base et pour offrir l’espace, les occasions et la souplesse qui permettront aux gens de trouver le moyen essentiel et efficace de sortir de la pauvreté.
Le projet de loi C-4 comporte des lacunes. Il laissera pour compte beaucoup trop des gens qui ont des besoins parmi les plus criants. Nous devons remédier à l’accès inégal aux mesures économiques et sanitaires et nous attaquer à la discrimination fondée sur la classe, la race, le sexe, les capacités, l’emplacement géographique. Cette discrimination saut aux yeux lorsqu’on voit qui sont ceux qui sont le plus touchés par la COVID-19 et qui y sont les plus vulnérables, qui sont ceux qui sont laissés pour compte avec les mesures actuelles contre la COVID-19.
Le projet de loi est une partie de la solution, mais il ne suffit pas en lui-même. Acceptons qu’il s’agisse d’une autre étape à franchir, mais pas de l’étape ultime. Continuons de travailler pour arriver à des changements sociaux, économiques et sanitaires durables et inclusifs, changements dont nous avons besoin. Les Canadiens les réclament et les méritent. Meegwetch. Merci.
Honorables sénateurs, comme je n’ai pas préparé de discours, je vais simplement vous donner les quatre points dont je vais parler.
Je vais d’abord expliquer pourquoi je pense que le projet de loi C-4 est une excellente mesure législative que nous devrions adopter, même si nous serons saisis d’un autre projet de loi semblable dans quelques mois.
Ensuite, j’aborderai la situation des jeunes au Canada, qui m’inquiète beaucoup.
Je vais aussi parler du fait que le gouvernement fédéral doit redevenir un partenaire financier en ce qui concerne l’assurance-emploi et lancer un dialogue social sur cette question.
Enfin, je dirai quelques mots sur le déficit.
Mon premier point est que le projet de loi C-4 est un bon projet de loi, mais que nous devrons y revenir pour adopter des mesures un peu plus ciblées.
Le projet de loi C-4 ne devrait pas s’appeler un projet de loi de relance, mais plutôt de transition. Comme tout le monde en convient, c’est un projet de loi qui fait la transition entre les mesures d’urgence de soutien du revenu, des mesures qui étaient nécessaires, et une reprise de l’économie. Pour que cette reprise se concrétise, que la productivité augmente et que la croissance économique soit au rendez-vous, nous aurons besoin de mesures beaucoup plus ciblées et nous devrons transformer les mesures passives de soutien du revenu, qui sont gigantesques, en mesures plus actives. Le Canada suit les recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et que nous dit l’OCDE?
L’OCDE nous dit, et elle nous l’a répété récemment quand elle a publié ses perspectives économiques pour 2020, de ne pas mettre fin aux mesures de soutien du revenu. Il faut continuer de privilégier des mesures budgétaires et fiscales expansionnistes. Il faut continuer de soutenir l’économie avec de telles mesures.
Cependant, l’OCDE dit également qu’il faudra bientôt recentrer ces mesures et cibler des catégories plus particulières, mais surtout investir auprès des personnes. Cela implique de transformer des mesures passives en mesures actives, non pas en mettant fin aux mesures de soutien du revenu, mais en soutenant en même temps les gens dans leur recherche d’emploi et leur requalification, ce que l’on appelle en anglais l’upskilling ou le reskilling. Il faut donc aider les gens à se reclasser et à se diriger vers des emplois qui sont plus en demande.
Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable : l’économie aura besoin de changements structurels. Comme David Dodge l’a dit, ces changements structurels au sein de l’économie exigeront des investissements non seulement physiques, mais aussi des investissements dans l’humain.
C’est la première chose que je voulais souligner, soit que le Canada se situe dans la mouvance des pays de l’OCDE. Il suit très bien ses perspectives économiques. Je vous invite à aller consulter les Perspectives économiques de l’OCDE. On y compare le Canada avec les autres pays de la zone euro et avec des pays comme l’Australie, et le Canada se situe dans la moyenne en ce qui concerne les politiques de ces pays.
Le deuxième point qui me préoccupe, c’est la situation des jeunes. La sénatrice McPhedran en a parlé, mais je crois qu’il est important de s’y attarder. Le projet de loi C-4 va beaucoup bénéficier aux femmes. Comme les ministres l’ont dit, si on fait une analyse selon le genre, il ne serait pas surprenant de voir un impact, étant donné que les femmes ont été très affectées sur le marché du travail en raison de la pandémie et continuent de l’être. Les mesures de souplesse qu’amène le projet de loi C-4 aideront les femmes.
En revanche, je suis un peu inquiète pour les jeunes de 15 à 24 ans. Chers collègues, les gens vous ont probablement demandé si le projet de loi actuel est bon. Qu’en est-il des mesures de soutien du revenu pour les jeunes, à savoir qu’il faut 120 heures de travail pour être en mesure de bénéficier d’un soutien au revenu pendant 26 semaines, avec un minimum de 500 $ par semaine? Bien sûr, les Canadiens posent des questions, mais je pense qu’on n’y échappe pas pour l’instant. Il faut continuer d’investir dans le soutien du revenu. En revanche, il faudra commencer dès maintenant à penser à recentrer l’aide au revenu, en particulier pour les jeunes.
Les jeunes sont affectés par la pandémie. Il ne faut pas se le cacher, on observe toujours chez les jeunes un taux de chômage en moyenne deux fois plus élevé que le taux de chômage national. Pour l’instant, cela veut dire que le taux de chômage chez les jeunes est d’au moins 20 %. Ce taux est encore plus élevé pour les jeunes Autochtones, les jeunes de race noire et ceux qui arrivent au pays. Le chômage des jeunes a un impact à long terme important, et c’est pour cette raison qu’il faut s’attaquer à cette situation rapidement.
En 2013, parce qu’ils ont souffert de la crise financière de 2008 pendant longtemps, les pays européens ont mis en place un programme appelé la garantie pour la jeunesse. L’Union européenne accorde un financement aux pays membres de l’OCDE pour mettre ce programme en place. Cette garantie pour la jeunesse consiste à offrir à tout jeune âgé de moins de 25 ans, dans les quatre mois suivant la fin d’études formelles ou la perte d’un emploi, des services de conseil, de formation et de stage en milieu de travail. De cette façon, on donne une garantie que l’on va s’occuper d’eux.
Il n’existe pas au Canada de garantie pour la jeunesse. Ce serait très important que le gouvernement discute avec les provinces pour qu’elles mettent en place très rapidement une garantie pour la jeunesse dans les services publics d’emploi. La pandémie prendra fin un jour. Nous aurons des remèdes et un vaccin, et l’économie va reprendre, mais les jeunes qui ont expérimenté le chômage peuvent être découragés et adopter un mode de vie en conséquence. Les études nous montrent que, après neuf mois de chômage, il est très difficile pour quiconque de retrouver un emploi, et c’est encore davantage le cas pour les jeunes.
Il va falloir s’occuper de nos jeunes. Cela va exiger beaucoup de coopération avec les provinces. Cet investissement devra se faire. C’est ce que je voulais dire sur les jeunes. Cette question me préoccupe beaucoup, et nous devrions en discuter entre nous pour inviter le gouvernement du Canada à investir davantage auprès des jeunes.
Le troisième point dont je voulais parler concerne le fait que le gouvernement fédéral doit redevenir un partenaire financier pour ce qui est de l’assurance-emploi. J’ai posé une question à ce sujet lors du comité plénier. Le sénateur Dalphond avait des préoccupations qui rejoignaient les miennes et qu’il a soulevées auprès de la ministre. Je suis effarée de constater que lorsque l’assurance-emploi a été créée en 1940, il était entendu que le gouvernement serait partenaire dans ce régime.
Pendant plusieurs années, le gouvernement fédéral participait à hauteur de 20 % pour ce qui est du coût de l’assurance-emploi. Il l’a fait jusqu’en 1971, quand on a changé quelque peu les règles. Il est toujours resté un partenaire financier, mais, à partir des années 1970, la règle a changé et le gouvernement fédéral visait à participer aux frais lorsque le taux de chômage canadien dépassait 4 %. Il y eut des moments où le gouvernement fédéral a participé à l’assurance-emploi à hauteur de 42 ou 43 % au coût du régime dans les années 1980. En 1991, le gouvernement fédéral a décidé de se retirer du régime. À l’heure actuelle, il s’agit d’un régime financé entièrement par les cotisations des employeurs et des employés, les employeurs cotisant au régime pour une part de sept douzièmes et les employés, pour une part de cinq douzièmes.
Le régime connaît actuellement une croissance dans les coûts, qui sont extraordinaires, et l’actuaire en chef qui a analysé le régime, avant que l’on prenne connaissance du projet de loi C-4, prévoit pour 2020 que le coût du régime d’assurance-emploi, qui oscillait autour de 20 milliards de dollars au cours des dernières années, connaîtra un accroissement de 40 milliards de dollars, pour atteindre environ 60 milliards de dollars. La ministre nous a annoncé que les modifications apportées par l’intermédiaire du projet de loi C-4 occasionneront une augmentation de 10,2 milliards de dollars, ce qui nous mènera à un coût de près de 70 milliards de dollars.
Comme nous le savons maintenant, les cotisations sont gelées, mais le coût du financement sera reporté. Il sera donc important, dans un futur rapproché, de revoir le programme d’assurance-emploi, qui peut être beaucoup plus large que ce que nous avons actuellement, et qui pourrait tout aussi bien rendre compte de la question des travailleurs autonomes. C’est le troisième point que je voulais apporter.
J’aimerais dire quelques mots sur le déficit. Probablement tout comme vous, les gens m’ont dit que c’était incroyable. Ils m’ont demandé si ce déficit était dangereux; ils m’ont demandé ce que l’on devrait faire.
Je suis d’avis que le déficit n’est pas alarmant pour l’instant. De plus, comme le gouvernement nous l’a dit, les faibles taux d’intérêt lui permettent de financer son déficit à un coût qui n’est pas alarmant.
La semaine dernière, j’ai participé à un colloque avec des experts de la politique monétaire, et personne n’a critiqué la pratique de l’assouplissement monétaire, soit la pratique selon laquelle les banques centrales accordent des prêts à leur gouvernement. C’est ce que recommande l’OCDE dans ses perspectives économiques. L’OCDE recommande à tous les gouvernements de poursuivre leur politique fiscale et budgétaire afin, d’une part, de soutenir les revenus et, d’autre part, de privilégier une politique d’assouplissement monétaire — l’assouplissement quantitatif, comme on dit dans le jargon économique — , ce qui implique que les banques centrales achètent des obligations ou des bons du Trésor et même, dans certains cas, des actifs du secteur privé.
Cette pratique est ancienne, elle n’est pas nouvelle. On l’avait délaissée pendant un certain temps et on l’a reprise récemment.
Parce que la pandémie cessera un jour, on devra arrêter d’engager ces dépenses extraordinaires. Toutefois, en les engageant, on assure que notre économie peut traverser la tempête. En fait, ce qui est important, c’est justement de faire ce que David Dodge décrit dans son document, c’est-à-dire investir et s’assurer que les dépenses financées par la dette suscitent, autant que faire se peut, un investissement privé des entreprises, qui se traduiront par des investissements en capital humain.
Je ne suis donc pas inquiète. David Dodge, qui participait à ce fameux colloque organisé par la Max Bell School of Public Policy, aime évoquer une formule très simple qui peut nous permettre de prévoir si la dette publique diminuera ou non en fonction du PIB.
Je suis désolé, sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
Oui, s’il vous plaît.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Pour vous résumer cette formule simple, nous devons comparer le taux de croissance de l’économie avec le taux de base du gouvernement. Lorsque le taux de croissance de l’économie est supérieur au taux d’intérêt réel, au taux directeur, cela assure une baisse de la dette en pourcentage du PIB.
Donc, comme tous les économistes prévoient que les taux d’intérêt vont demeurer faibles, un jour — à la fin de 2021 ou en 2022, peut-être —, lorsque la croissance reprendra, la dette diminuera.
Je conclurai sur un mot qui fait l’objet d’un appel de l’OCDE dans son document, et c’est le mot « coopération ». Pour traverser la pandémie, l’OCDE invite tous les pays à coopérer. Je crois que c’est important. Toutefois, au Canada, le mot « coopération » a une signification encore plus grande, c’est-à-dire que le gouvernement doit coopérer avec les autres gouvernements, soit les gouvernements provinciaux; le gouvernement doit aussi coopérer avec les acteurs économiques que sont les représentants des entreprises de la main-d’œuvre; enfin, les parlementaires doivent aussi coopérer afin d’aller dans la même direction, comme le laissait supposer la conclusion du sénateur Harder.
Sur ce, je vous remercie.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Dean, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)