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Projet de loi modifiant la Loi d'interprétation et apportant des modifications connexes à d'autres lois

Troisième lecture--Ajournement du débat

5 décembre 2023


L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Propose que le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je suis heureuse d’entamer l’étude à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-13, qui représente une étape importante dans le processus de réconciliation.

Le projet de loi ajouterait une disposition à la Loi d’interprétation pour prévoir que toutes les lois fédérales maintiennent les droits des peuples autochtones reconnus par l’article 35 de la Constitution et n’y portent pas atteinte. À quelques exceptions près, la nouvelle disposition remplacerait toutes les dispositions semblables dans les lois existantes afin d’assurer la cohérence de l’interprétation des lois et d’éviter aux peuples autochtones d’avoir à réclamer de façon ponctuelle une disposition de non-dérogation dans les mesures législatives.

Il s’agit d’une mesure que beaucoup d’organismes autochtones et de détenteurs de droits réclament depuis très longtemps. C’est le fruit de nombreuses années de démarches et d’efforts considérables, et c’est formidable d’être enfin si près du but.

Je tiens d’abord à remercier les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, ainsi que les gens qui ont témoigné et qui ont présenté un mémoire, ce qui nous a permis de mener une étude approfondie et vraiment intéressante.

Comme je l’ai dit pendant l’étude article par article, j’aurais aimé que les dirigeants autochtones qui ne sont plus puissent voir le niveau et la nature de la discussion. Franchement, j’aurais aussi aimé que certains de nos prédécesseurs dans cette institution soient là.

Il y a toujours eu au Sénat des débats sur la meilleure façon d’utiliser les lois du Canada dans le but d’écarter ou d’éliminer les nations et les cultures autochtones. Il y a quelques semaines, lors de l’étude article par article, il s’agissait de déterminer dans quelle mesure et à quelle vitesse nous pourrions faire en sorte que les lois canadiennes protègent les droits des Autochtones.

Le comité s’est penché minutieusement sur diverses questions. Par exemple, en quoi consiste une véritable consultation, et comment, en tant que sénateurs, pouvons-nous favoriser le progrès tout en respectant le rôle des peuples autochtones en établissant la teneur et le rythme des changements. Ce sont des questions complexes, mais elles valent la peine qu’on les pose.

En fin de compte, le comité a décidé d’adopter le projet de loi sans amendement, conformément aux recommandations de la majorité, mais non de la totalité des témoins. De l’avis général, le projet de loi S-13 est important et attendu depuis longtemps.

Nathan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, a qualifié cette mesure de « priorité de longue date pour les Inuits » et lui a apporté son soutien inconditionnel. Cassidy Caron, présidente du Ralliement national des Métis, a dit que le projet de loi S-13 :

[...] s’inscrit dans la promesse du Canada de renouveler les relations avec la nation métisse afin qu’elles se fassent de nation à nation et de gouvernement à gouvernement et qu’elles soient fondées sur la confirmation des droits autochtones.

William Goodon, qui représentait la Fédération des Métis du Manitoba, a dit ceci :

[...] nous appuyons sans équivoque l’adoption rapide du projet de loi S-13. Nous nous réjouissons que le gouvernement du Canada ait choisi d’aller de l’avant avec cette initiative, dirigée par les Autochtones, qui s’imposait depuis longtemps.

Eva Clayton, de la Colombie-Britannique, est présidente du gouvernement Nisga’a Lisims. Voici ce qu’elle a dit :

Nous sommes très enthousiastes à l’idée que le projet de loi S-13 devienne enfin une loi. Il bénéficie du soutien sans équivoque de la nation Nisga’a, et nous félicitons le gouvernement d’avoir enfin accepté de donner suite à ce qui a été, depuis le début, une initiative menée par des Autochtones.

Ce ne sont là que quelques exemples, chers collègues. Le projet de loi a aussi reçu l’appui du gouvernement tlicho et du Conseil tribal des Gwich’in dans les Territoires du Nord-Ouest; de Nunavut Tunngavik Incorporated, ou NTI; du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et du gouvernement de la nation crie ainsi que des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik au Yukon.

Il a été question, dans beaucoup de mémoires et de témoignages, du rapport publié en 2007 par le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, qui demandait l’adoption d’une mesure législative telle que le projet de loi S-13. De manière générale, les témoins se sont dits déçus qu’il ait fallu 16 ans pour que le rapport mène à un projet de loi, mais ils étaient aussi très enthousiastes à l’idée que cette loi puisse enfin devenir réalité.

Chers collègues, ce projet de loi se fait attendre depuis longtemps, et il jouit d’un vaste appui parmi les peuples autochtones. Il me tarde de renvoyer le projet de loi à l’autre endroit le plus tôt possible. J’espère que l’étude à l’autre endroit sera aussi réfléchie et rapide que la nôtre l’a été.

Avant de terminer, je veux mentionner deux grandes préoccupations au sujet de ce projet de loi qui ont été soulevées au comité. Ni l’une ni l’autre ne devrait nous empêcher d’adopter le projet de loi, mais elles sont valables et méritent d’être examinées.

Premièrement, nous avons entendu divers témoignages sur la qualité des consultations du gouvernement. Par exemple, la Fédération métisse du Manitoba a déclaré :

Nous avons pris part à des discussions et à des consultations au sujet du libellé actuel. Nous avons indiqué au gouvernement que nous y étions favorables [...].

Eva Clayton, au nom du gouvernement Nisga’a Lisims, a déclaré que le ministère de la Justice avait entamé « un très long processus de consultation et de mobilisation[...]. »

Le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) nous a fait part des échanges par écrit avec l’ancien ministre Lametti, en 2021, où les membres du conseil exprimaient leur appui aux mesures législatives contenues dans le projet de loi S-13. Cela correspond à la position du gouvernement telle qu’elle est énoncée dans le rapport intitulé Ce que nous avons entendu, publié en juin dernier. Ce rapport décrit le processus de consultation échelonné sur plusieurs années qui portait sur les détails du projet de loi, par exemple le libellé exact à utiliser et la façon de s’y prendre avec les dispositions de non‑dérogation dans les autres lois.

Cependant, chers collègues, l’Assemblée des Premières Nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis ont tous manifesté leur insatisfaction quant à l’étendue et la qualité des consultations. La présidente du Ralliement national des Métis, Cassidy Caron, a décrit un processus qui s’appuyait trop sur la sollicitation de contributions écrites au détriment des échanges avec les ministres et les fonctionnaires.

Selon Natan Obed, le président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, « [l]e projet de loi n’a pas été élaboré conjointement avec les Inuits et n’a pas non plus fait l’objet d’une consultation ou d’une coopération avec les Inuits ».

Cheryl Casimer, de l’Assemblée des Premières Nations, a déclaré que les Premières Nations n’avaient pas donné leur « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause », ce qui est la norme établie par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

C’était une illustration assez frappante des différentes façons d’envisager ce qui constitue une consultation, quel est le niveau de consultation adéquat, mais aussi quelles sont les distinctions à faire entre la sollicitation de renseignements, la consultation et l’élaboration conjointe d’un projet de loi.

Honnêtement, j’ai eu l’impression que les représentants du gouvernement étaient sincèrement surpris par les critiques formulées à l’encontre d’un processus de consultation qu’ils semblaient considérer comme très rigoureux, et je suis repartie avec le sentiment que le gouvernement et les organisations autochtones pourraient vraiment bénéficier d’une discussion plus approfondie sur ce que devrait être une consultation. J’espère que cela se fera dans le cadre du plan d’action en cours pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. D’ailleurs, c’est probablement un domaine où le Sénat pourrait apporter une contribution utile.

Soyons clairs, la plupart des témoins qui ont critiqué le processus de consultation soutiennent toujours le projet de loi S-13 et souhaitent qu’il soit adopté le plus rapidement possible.

Parmi les principales critiques, on soutient que le projet de loi ne va pas assez loin. Le projet de loi S-13 ajoute des dispositions à la Loi d’interprétation pour protéger les droits des peuples autochtones garantis par l’article 35 de la Loi constitutionnelle, mais certains témoins voulaient d’autres dispositions pour préciser que toutes les lois du Canada devraient se conformer à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. C’est la position qui a été défendue notamment par l’Association du Barreau autochtone, l’Association des femmes autochtones du Canada et l’Assemblée des Premières Nations.

La discussion au comité a porté en grande partie sur cette question. Le sénateur Prosper a proposé d’ajouter ce genre de dispositions au projet de loi.

D’ailleurs, j’ai dit, plus tôt, que nous avons débattu de questions sérieuses au comité. Une grande partie de ce débat portait sur l’amendement du sénateur Prosper, alors je tiens vraiment à le remercier d’avoir lancé une conversation aussi importante en faisant cette proposition.

Comme je l’ai dit pendant cette conversation, je suis, bien entendu, très favorable à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. J’ai parrainé l’ancien projet de loi C-15, qui visait à mettre en place la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et je tiens assurément à ce que les lois et les politiques canadiennes s’y conforment. Dans le cas qui nous occupe, ce qui pose problème, c’est qu’à l’heure actuelle, la plupart des organisations autochtones qui ont témoigné ne sont pas prêtes à appuyer l’inclusion de cette déclaration dans ce projet de loi.

L’Inuit Tapiriit Kanatami, le Ralliement national des Métis, la Fédération métisse du Manitoba, la Nunavut Tunngavik Incorporated, le gouvernement Nisga’a Lisims et le gouvernement tlicho nous ont dit à répétition qu’ils souhaitent qu’on leur laisse le temps d’analyser cette idée. Ils veulent étudier les différentes façons possibles de rédiger une disposition, choisir une formulation précise et être certains d’en comprendre les implications plus larges. Plusieurs de ces organisations ont également manifesté le besoin de consulter leurs membres afin que ces derniers leur confèrent le mandat d’appuyer l’ajout de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Tout cela est faisable. Ce sont de bonnes idées. Je comprends la frustration de certains témoins et sénateurs qui aimeraient saisir l’occasion et faire cet ajout maintenant. Toutefois, en fin de compte, le facteur déterminant à mon avis, c’est que si nous accordons de l’importance à la consultation et si nous voulons que les Autochtones approuvent les modifications législatives majeures qui les concernent, je crois que nous devons, en tant que sénateurs, faire de notre mieux pour écouter lorsqu’un si grand nombre de dirigeants autochtones nous demandent d’attendre qu’ils soient prêts et que les gens qu’ils représentent soient prêts.

Entre-temps, le message de la plupart des témoins a été clair et net : le projet de loi S-13 constituera un progrès important et devrait être adopté sans délai. Comme nous l’a dit Marie Belleau, conseillère juridique directrice de la Nunavut Tunngavik Incorporated, c’est « [...] le fruit d’années de travail de rédaction [...] ». C’est aussi le fruit de démarches qui remontent à plusieurs dizaines d’années. Le projet de loi s’appuie également sur les travaux du Sénat, notamment sur l’étude du comité en 2007 et sur une version antérieure de ce projet de loi parrainée par l’ancien sénateur Charlie Watt. Il est enthousiasmant de pouvoir enfin transformer en loi toutes ces années de dur labeur.

J’espère que nous adopterons ce projet de loi le plus rapidement possible et que nos collègues de l’autre endroit feront de même.

Merci. Hiy hiy.

Honorables sénateurs, je prends la parole pour la première fois dans cette enceinte...

Le sénateur D. Patterson [ + ]

Bravo!

Je prends la parole au sujet du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

Comme il s’agit de mon premier discours, je vais aussi raconter trois histoires liées à l’objectif du projet de loi, que l’on pense à sa version actuelle ou, plus important encore, aux améliorations qui pourraient y être apportées.

La première histoire commence par une citation d’une lettre d’un aîné mi’kmaq. La voici :

Je ne peux pas traverser le Grand lac pour vous parler parce que mon canoë est trop petit et que je suis vieux et faible. Je ne peux pas vous voir, mes yeux ne voient pas aussi loin. Vous ne pouvez pas entendre ma voix à travers les grandes eaux. J’envoie donc ce wampum et ces mots sur papier pour dire à la reine que je suis en difficulté. Mon peuple est en difficulté.

J’ai vu plus de mille lunes. Quand j’étais jeune, je vivais dans l’abondance; maintenant, je suis vieux et je suis également pauvre et malade. Mon peuple est pauvre. Sans terrains de chasse, sans castors, sans loutres, privé de tout. Les Indiens sont pauvres, pauvres pour toujours, sans magasins, sans coffres, sans vêtements. Et tous ces bois étaient nôtres jadis. Chacun d’entre eux appartenait à nos pères. Maintenant, nous ne pouvons pas couper un arbre pour chauffer notre wigwam en hiver à moins que l’Homme blanc ne l’approuve.

[...] nous comptons sur vous, la Reine. Le wampum blanc signifie l’espoir que nous plaçons en vous. Ayez pitié de vos pauvres Indiens de Nouvelle-Écosse!

Ces mots du grand chef Pemmeenauweet — également connu sous le nom de Louis-Benjamin Peminuit Paul, un Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse — dans sa requête adressée à la reine Victoria en 1841, exposent de manière dramatique et poétique le contexte dans lequel s’inscrit la défense présentée dans cette affaire.

Honorables sénateurs, il s’agit là des deux premiers paragraphes de l’arrêt Marshall concernant l’exploitation forestière. J’étais avocat adjoint dans cette affaire. Je me souviens encore des visages des personnes présentes lorsque le juge a lu sa décision le 8 mars 2001. L’existence et le destin d’un peuple, d’une nation, étaient déterminés par une décision de 36 pages et de 144 paragraphes. À ce moment-là, j’avais l’impression que l’histoire et l’avenir des Mi’kmaqs reposaient entre mes mains, et que je les avais laissés tomber.

Ce souvenir est resté gravé dans ma mémoire. Je ne le considère pas comme un fardeau, mais comme une incitation à en faire plus, car c’est ce que mérite notre peuple.

Si nous adoptons le projet de loi S-13 sans amendement, il permettra d’améliorer l’interprétation de la loi en ce qui concerne les droits — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Pour ce faire, il ajoutera une disposition de non-dérogation à la Loi d’interprétation. Cette disposition prévoit que tous les textes législatifs fédéraux maintiennent les droits des peuples autochtones prévus à l’article 35, et n’y portent pas atteinte.

Elle rendra inutiles l’inclusion de dispositions de non-dérogation dans les futures lois fédérales, et elle les supprimera des lois fédérales existantes, à quelques exceptions près.

Je tiens à saluer les efforts que la sénatrice Jaffer déploie depuis le tout début pour promouvoir ce projet de loi.

Au comité, de nombreux témoignages ont porté sur l’inclusion de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le projet de loi S-13. L’article 4 de cette loi confirme que la déclaration constitue un instrument international universel en matière de droits de la personne qui trouve application en droit canadien, et que la loi en question encadre la mise en œuvre de la déclaration par le gouvernement du Canada.

L’article 5 de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones prévoit ce qui suit :

Le gouvernement du Canada, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, prend toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration.

L’article 2 du Plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, intitulé « Priorités partagées », propose ce qui suit :

Cerner et classer par ordre de priorité les lois fédérales existantes en vue d’une révision et d’une éventuelle modification, notamment :

une clause dérogatoire dans la Loi d’interprétation [...]

 — et l’inclusion d’une disposition interprétative qui prévoirait l’utilisation de la déclaration dans l’interprétation des lois fédérales.

Que signifie, en réalité, l’inclusion de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le projet de loi S-13?

La professeure Naiomi Metallic a donné la réponse suivante :

S’il y a deux interprétations potentielles d’une loi qui sont soit incompatibles, soit plus ou moins conformes à l’article 35 ou à la Déclaration des Nations unies, on choisit celle qui est la plus conforme à ces instruments.

Il est important de souligner que l’inclusion de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le projet de loi S-13 concerne l’interprétation de la loi et non le fait de légiférer.

Les témoignages étaient partagés quant à l’appui de l’amendement. En général, les raisons invoquées pour rejeter l’amendement sont le manque de consultation et la crainte qu’une nouvelle consultation sur la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ne retarde inutilement et n’empêche l’adoption du projet de loi S-13.

Il s’agissait essentiellement de questions de procédure et non de commentaires sur le fond de l’amendement.

Les raisons en faveur de l’amendement sont les suivantes : il faut plus de clarté dans l’élaboration des lois et l’application de celles-ci aux peuples autochtones; il faut tenir compte des vastes consultations qui ont été menées auprès des peuples autochtones sur le projet de loi C-15 et le plan d’action; la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et son plan d’action prévoient harmoniser les lois fédérales à la déclaration en l’incluant comme disposition interprétative de tous les autres textes législatifs fédéraux en tant que disposition de non-dérogation dans la Loi d’interprétation; et les consultations ne doivent pas entraver ce qui est évident, juridiquement juste et raisonnable.

Je me souviens du discours sur l’honneur de la Couronne que le sénateur Arnot a prononcé au Sénat. J’établis de nombreux parallèles avec le fait que les gouvernements comptent sur le besoin de mener d’autres consultations sur le sujet.

Ma deuxième histoire concerne deux affaires judiciaires qui touchent ma communauté, la nation mi’kmaq Paqtnkek. En mars 1990, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a acquitté Tom Sylliboy, un membre de la communauté Paqtnkek, et deux autres Mi’kmaqs dans l’affaire R. c. Denny et al. Deux mois plus tard, la Cour suprême du Canada s’est largement appuyée sur l’arrêt Denny dans l’affaire R. c. Sparrow.

En août 1993, Donald Marshall fils a été accusé d’avoir pêché et vendu des anguilles à Pomquet Harbour, en Nouvelle-Écosse. Il a été accusé sur les terres de la réserve de Paqtnkek à un endroit que nous appelons « Walneg », ce qui signifie « l’anse » en Mi’kmaq. La Cour suprême du Canada a acquitté Donald Marshall le 17 septembre 1999.

À la suite des arrêts Sparrow et Marshall, le gouvernement a conclu des accords de pêche négociés avec de nombreuses collectivités Mi’kmaq et autochtones. Paqtnkek a refusé de signer les accords basés sur les arrêts Sparrow et Marshall, étant donné l’absence d’un mandat gouvernemental.

Depuis 1990, les négociateurs fédéraux se sont conformés à des mandats et à des directives stricts du cabinet leur demandant d’entreprendre des négociations sans reconnaissance. Cette approche est très simple. Ils arrivent à la table de négociation avec un modèle d’entente. Ils disent qu’ils n’ont ni le mandat ni le pouvoir de parler des droits prévus à l’article 35 et présentent simplement un montant d’argent et un accès à la pêche dont ils veulent discuter et qu’ils veulent offrir à la collectivité.

Comme l’a déjà dit le ministre de la Justice de l’époque, David Lametti, la Loi sur la Déclaration des Nations Unies permettra de donner vie aux droits prévus à l’article 35.

Cheryl Casimer, de l’Assemblée des Premières Nations, a déclaré ceci :

[...] le libellé proposé dans le projet de loi S-13 ne respecte pas les normes de la [Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones]. C’est pourquoi nous considérons que le projet de loi S-13 est lacunaire.

Sara Niman, de l’Association des femmes autochtones du Canada, a déclaré ceci :

Le manque de consultation n’est pas une explication pertinente de l’absence de la [Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones] dans la [disposition de non‑dérogation] proposée.

Naiomi Metallic a dit ceci :

L’article 35 s’inspire de la Déclaration des Nations unies, et il est vraiment important de reconnaître qu’ils vont de pair pour progresser en matière de réconciliation.

Puis, elle a ajouté :

En stipulant clairement dans la Loi d’interprétation que les lois et règlements fédéraux doivent être interprétés conformément et à l’article 35 et à la Déclaration des Nations unies, le Canada peut réellement tenir sa promesse.

Laurie Sargent, sous-ministre adjointe au ministère de la Justice du Canada, a mentionné que des discussions parallèles ont eu lieu au sujet de la disposition de non-dérogation et du plan d’action de 2021 à 2023 et que son ministère était au courant de la demande d’inclure la Déclaration des Nations unies à la Loi d’interprétation. Cependant, aucun libellé précis n’a été soumis aux représentants des Premières Nations. Le témoignage de Mme Sargent semblait attribuer en grande partie aux groupes autochtones la responsabilité de soulever la question dans le cadre de leurs discussions, plutôt que de la proposer comme un sujet de discussion.

Mme Metallic a indiqué ceci :

La déclaration devrait suffire à elle seule pour atteindre cet objectif, tout comme l’article 35 de la Loi constitutionnelle devrait suffire à garantir le respect des droits ancestraux et issus de traités. Toutefois, le déni systémique des droits des peuples autochtones exige d’en faire plus. S’il vous plaît, faites-en plus.

Chers collègues, j’aimerais vous faire part de ma troisième histoire, pour vous rendre hommage. Nous faisons tous partie de ce grand mystère qu’on appelle « la vie ». Quand mon peuple prie, voici les premières paroles qui sont prononcées :

Niskum, Gisult, Grand Esprit, merci pour cette journée, cette vie, ce souffle. Merci pour tout ce que tu nous donnes.

À la fin de notre prière, nous disons Umsit-nogomah, ce qui signifie « toutes mes relations ». On reconnaît ainsi notre lien avec l’énergie que nous partageons avec tous les organismes vivants. On désigne par l’« Esprit » notre relation avec l’énergie qui nous entoure.

Chers collègues, j’aimerais conclure en vous offrant une bénédiction dans l’esprit des Fêtes. Cette bénédiction vient d’une vision que j’ai reçue pendant plusieurs années. Chers collègues, je vous demande de vous détendre, de fermer les yeux et d’imaginer que vous êtes assis autour du feu du grand conseil. Une aînée est assise en face de vous. Elle a les yeux sombres. Elle vous regarde et dit : « Vous êtes une étincelle qui vient d’une grande source, et vous portez cette lumière en vous. Vous la portez dans votre cœur. Vous la portez avec vos pensées, vos paroles et vos actions. »

Elle fait ensuite une pause et vous dit : « Faites briller votre lumière. »

Wela’lioq. Merci beaucoup.

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