Aller au contenu

Projet de loi sur le réseau de digues de l'isthme de Chignecto

Deuxième lecture--Suite du débat

4 novembre 2025


Honorables sénateurs, je n’avais pas prévu d’intervenir sur ce sujet, mais je me suis senti obligé de le faire après la question posée par le sénateur McNair la semaine dernière. Il a demandé au sénateur MacDonald :

Une fois encore, je ne parviens pas à suivre le raisonnement selon lequel il serait nécessaire d’exercer le pouvoir déclaratoire. Rien ne l’exige. Le financement est réglé. Les parties auraient tout intérêt à entamer les travaux et à remettre les digues en état.

En tant que Néo-Écossais favorable à ce projet de loi, je tiens à expliquer pourquoi il est important que le Parlement exerce son pouvoir déclaratoire. Non, ce n’est pas pour faire pression sur le gouvernement pour obtenir des fonds. Cela concerne l’obligation de consultation relative aux droits ancestraux ou issus de traités, qui est prévue à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et la détermination de l’administration compétente en la matière.

Lorsque j’ai commencé ma carrière il y a plusieurs décennies, les avocats autochtones soutenaient que la Couronne, avec laquelle nous avions signé nos traités, était indivisible. Nous continuons de nous opposer au transfert de l’obligation fiduciaire du gouvernement fédéral envers les Premières Nations et les autres peuples autochtones aux gouvernements provinciaux. Nous avons constaté qu’il existe un manque d’uniformité dans les normes de consultation au niveau provincial.

Lors de l’étude de la version précédente de cette mesure législative, le projet de loi S-273, la cheffe de la communauté la plus touchée est venue témoigner au Comité sénatorial permanent des transports et des communications. La cheffe Rebecca Knockwood de la Première Nation de Fort Folly, mieux connue sous le nom d’Amlamgog, a indiqué ce qui suit :

Actuellement, la façon dont le gouvernement du Nouveau-Brunswick mène les consultations pose de réels problèmes. Dans le cadre du processus de consultation de la province, nous sommes souvent informés qu’un projet a été jugé comme ayant peu ou pas de répercussions sur les droits ancestraux et issus de traités ou qu’il a été approuvé sans que nos communautés aient été consultées ou presque. Jusqu’à présent, la consultation provinciale sur le projet a été inadéquate. Des travaux archéologiques ont été menés sans la pleine participation des Mi’kmaqs. De même, le processus provincial d’évaluation des répercussions environnementales exclut les Premières Nations d’aspects essentiels de la démarche, notamment le comité d’examen technique.

En raison de ces problèmes, MTI a été contraint d’élaborer son propre processus d’évaluation des répercussions, le cadre d’évaluation des impacts sur les droits des Mi’kmaqs, ou EIDM. Alors que le gouvernement fédéral et les promoteurs n’ont eu aucun problème à suivre ce processus mené par les Mi’kmaqs, la province continue de refuser de le reconnaître. La consultation des autochtones en vertu des lignes directrices fédérales et l’inclusion des autochtones en vertu de la loi fédérale sur l’évaluation d’impact sont plus complètes que le processus du Nouveau-Brunswick et s’harmonisent mieux avec le processus d’EIDM. 

Ce projet doit faire l’objet d’une consultation approfondie et réelle, ainsi que d’une étude en bonne et due forme des connaissances autochtones des Mi’kmaqs. Nous estimons qu’une évaluation d’impact fédérale est nécessaire pour un projet d’une telle importance dans une région culturellement importante pour nous. Nous pensons que ce projet de loi contribuera à garantir que le gouvernement fédéral joue un rôle important dans les processus de consultation et d’évaluation d’impact et qu’il est plus probable que le processus soit conforme à l’EIDM. Compte tenu de l’importance de cette région pour les Mi’kmaqs, du fait que le processus de consultation et d’évaluation d’impact du gouvernement fédéral est plus approfondi et du fait que nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre que la bataille juridictionnelle soit réglée, les chefs mi’kmaqs du Nouveau-Brunswick vous demandent d’appuyer le projet de loi présenté par le sénateur Quinn. Les terres devraient être de responsabilité fédérale jusqu’à ce que ce projet soit achevé.

Mme Jessica Ginsburg, une avocate de Kwilmu’kw Maw‑Klusuaqn, aussi connu sous le nom de KMKNO, qui est le principal organisme de négociation pour les Mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse, a dit ce qui suit :

La nation mi’kmaq a un intérêt général sur toutes les terres, eaux et autres ressources de la Nouvelle-Écosse, car les Mi’kmaqs n’ont jamais abandonné, cédé ou vendu leur titre autochtone sur les terres et les eaux de la province.

Les Mi’kmaqs ont une revendication de titre sur l’ensemble de la Nouvelle-Écosse et sont copropriétaires des terres, des eaux et des ressources de cette province. Le Canada et la Nouvelle-Écosse connaissent et reconnaissent les titres et les droits ancestraux revendiqués par les Mi’kmaqs et le fait que toute répercussion potentielle sur les droits ancestraux et les titres des Mi’kmaqs est soumise à l’obligation de consultation et d’accommodement.

Elle ajoute ensuite ceci :

La question de savoir comment maintenir l’obligation de consultation de la Couronne face aux exemptions et lacunes réglementaires potentielles doit être abordée. Le projet de loi lui-même devrait contenir une garantie que les décisions prises en vertu de celui-ci seront conformes à l’objectif de réconciliation et aux obligations de consultation de la Couronne.

Toute diminution des possibilités de consultation offertes aux Mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse est inacceptable. Avant que ces terres ne revêtent une importance pour le Canada en tant que corridor économique et de transport, les Mi’kmaqs les avaient utilisées et occupées depuis des temps immémoriaux. Aujourd’hui, la zone conserve une grande importance en raison de son utilisation traditionnelle de longue date, de son potentiel archéologique sur terre et sous l’eau et de sa signification spirituelle liée aux légendes des Mi’kmaqs. Elle fait l’objet de nombreuses consultations et offre aux Mi’kmaqs des possibilités économiques liées à l’aménagement d’infrastructures locales telles que les nouvelles lignes de transmission interprovinciales. Il est donc impératif que les Mi’kmaqs continuent de participer à toutes les décisions multidimensionnelles concernant cette région importante.

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a changé récemment, et le parti au pouvoir est plus disposé à négocier et à respecter les droits des Mi’kmaqs, mais nous savons que la Nouvelle-Écosse a récemment manqué à son obligation de consulter les Mi’kmaqs et de coopérer avec eux. Cette absence de consultation était si grave qu’elle a fait l’objet d’importantes manifestations à un endroit qu’on appelle Hunter’s Mountain, ainsi que de plusieurs courriels de la part de l’Assemblée des Chefs mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse.

Il convient également de noter que l’organisme Mi’gmawe’l Tplu’taqnn, s’exprimant au nom de huit des neuf communautés mi’kmaqs membres, a critiqué le processus d’évaluation du Nouveau-Brunswick dans ses commentaires sur le processus proposé « un projet, une évaluation » et l’accord de coopération entre le Nouveau-Brunswick et le Canada.

Dans sa lettre datée du 8 octobre 2025, l’organisme a exprimé son impression d’être systématiquement exclu des discussions et des décisions importantes, et il a même déclaré que ses préoccupations étaient :

[...] aggravées par un processus de consultation provincial qui ignore ou qui minimise systématiquement les répercussions sur nos droits. Le remplacement du processus d’évaluation d’impact fédéral par celui du Nouveau-Brunswick entraînera une diminution de la protection des droits des Mi’gmaqs au Nouveau-Brunswick.

Chers collègues, le recours au pouvoir déclaratoire permet au gouvernement fédéral d’assumer un rôle de premier plan en ce qui concerne l’obligation de consulter. De plus, ce rôle est important dans le cadre de tout processus d’évaluation des répercussions environnementales.

Sénateurs, sans le leadership du Parlement pour invoquer le pouvoir déclaratoire, les peuples mi’kmaqs se retrouvent nécessairement divisés par une frontière arbitraire dans l’isthme de Chignecto. Nous sommes un peuple divisé entre deux programmes provinciaux d’évaluation des répercussions environnementales et pris entre deux processus de consultation provinciaux qui, à bien des égards, se sont révélés insuffisants pour répondre aux préoccupations des Mi’kmaqs.

C’est pourquoi j’ai travaillé avec le sénateur Quinn pour veiller à ce qu’on mentionne explicitement l’importance de l’isthme dans tout le projet de loi et pourquoi je crois fermement qu’il est si important d’exercer le pouvoir déclaratoire. En déclarant que le projet de l’isthme de Chignecto est à « […] l’avantage général du Canada, ou pour l’avantage de deux ou d’un plus grand nombre des provinces », le Parlement veille à ce que l’obligation de consulter et l’honneur de la Couronne sont assujettis aux normes les plus élevées. Au niveau provincial, nous avons des exemples très récents d’échecs en matière de consultation et nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer dans le cadre de ce projet, qui revêt une importance capitale pour les Mi’kmaqs et l’ensemble du Canada. Wela’lioq. Merci beaucoup.

Haut de page