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La Loi de l'impôt sur le revenu

Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier

17 novembre 2020


La présidente [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada).

Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises. Cependant, tel qu’ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur. Le comité accueillera l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances. Je l’invite maintenant à entrer, accompagnée de son fonctionnaire.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable Chrystia Freeland et le fonctionnaire qui l’accompagne prennent place dans la salle du Sénat.)

La présidente [ - ]

Madame la ministre, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter le fonctionnaire qui vous accompagne et à faire vos observations préliminaires.

L'honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances [ - ]

Bonjour, honorables sénateurs. Je vous remercie de me donner l’occasion de parler du projet de loi C-9 à ce moment crucial de la réponse du Canada à la pandémie de COVID-19.

Je suis accompagnée aujourd’hui par Andrew Marsland, sous-ministre adjoint principal de la Direction de la politique de l’impôt du ministère des Finances.

Depuis le début, le gouvernement est guidé par deux objectifs primordiaux. Le premier est de protéger la vie et la santé des Canadiens, et le second est de préserver et de protéger les emplois et le gagne-pain des Canadiens. Tout au long de la pandémie, nous avons été guidés par l’idée que la meilleure politique économique est une intervention sanitaire efficace. C’est l’objet du projet de loi C-9, et c’est pourquoi ce dernier mérite notre appui urgent.

Honorables sénateurs, nous faisons face à une deuxième vague de la pandémie. L’hiver arrive à grands pas. Les loyers du mois de décembre devront être payés bientôt. Nous devons agir rapidement.

Nous savons que ralentir la propagation du coronavirus entraîne des coûts économiques, des coûts pour les gens, les entreprises, les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif. C’est pourquoi le gouvernement fédéral continuera de fournir une aide financière afin que nous puissions agir correctement sur le plan sanitaire.

Le Canada est bien placé sur le plan économique pour fournir cette aide grandement nécessaire. Nous avons commencé l’année avec la position financière la plus solide du G7. Aujourd’hui, même en tenant compte des mesures sans précédent que nous avons dû prendre en 2020, le Canada continue d’avoir la position financière la plus solide du G7.

Grâce à de nouvelles mesures de soutien ciblées, le projet de loi C-9 fournira aux employeurs l’aide dont ils ont besoin pour traverser la crise et pour garder leurs employés.

Laissez-moi vous parler brièvement des mesures que nous proposons.

Premièrement, le projet de loi C-9 prévoit la mise en place de la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer. Cette subvention apportera un soutien au loyer et à l’hypothèque jusqu’en juin 2021 pour les entreprises et les autres organisations qui ont perdu des revenus à cause de la COVID-19. La subvention couvrira jusqu’à 65 % du coût du loyer ou des intérêts des hypothèques pour les entreprises les plus durement touchées. De plus, les locataires pourront y accéder directement.

Deuxièmement, le projet de loi C-9 propose une nouvelle mesure de soutien en cas de confinement de 25 %, qui s’ajoute à la subvention de 65 % qui est déjà offerte aux organisations dont les activités ont été grandement touchées par une ordonnance de santé publique. Cela signifie que des organisations admissibles pourraient obtenir de l’aide pour payer jusqu’à 90 % de leur loyer.

Troisièmement, le projet de loi C-9 prolonge la Subvention salariale d’urgence du Canada jusqu’en juin 2021, comme le gouvernement s’était engagé à le faire dans le discours du Trône.

Des sénateurs se sont dits inquiets de l’amendement qui a été présenté sur l’admissibilité de la part du loyer payable en vertu de la nouvelle subvention pour le loyer. Comme vous le savez sans doute, nous avons mis en place une solution temporaire de manière à ce que les dépenses admissibles liées au loyer soient reconnues à partir du jour 1. Comme je l’ai précisé au comité sénatorial la semaine dernière, quand le projet de loi C-9 aura été adopté, le gouvernement publiera et mettra en œuvre sans tarder des dispositions législatives pour que les dépenses liées au loyer soient officiellement reconnues comme des dépenses admissibles. Nous pensons que l’Agence du revenu du Canada considérera les dépenses liées au loyer comme des dépenses admissibles dès l’entrée en vigueur du nouveau programme. Il n’y aura aucun délai. Nous avons déjà avisé l’Agence du revenu de notre intention et nous entamerons les démarches officielles auprès de cette dernière dès que le projet de loi C-9 sera en vigueur, le cas échéant.

Nous savons que cette crise laissera des traces, mais nous devons faire tout en notre pouvoir pour limiter le nombre d’emplois perdus et le nombre d’entreprises qui fermeront définitivement leurs portes. L’adoption de mesures de soutien n’est pas seulement motivée par la compassion, mais aussi par le pragmatisme.

Sénateurs, à titre de législateurs, nous avons le pouvoir collectif d’aider les citoyens et les entreprises du pays à traverser la pandémie. C’est ce que nous devons faire sans tarder.

Je crois que le Canada se trouve à un point tournant. Il y a maintenant une lumière au bout du tunnel avec la perspective de la mise au point de vaccins efficaces. En revanche, nous sommes sur le point d’entrer dans la partie la plus rude de l’hiver, et la majorité du pays est en pleine deuxième vague du coronavirus.

Nous devons agir maintenant. Les petites entreprises...

La présidente [ - ]

Madame la ministre, cinq minutes se sont écoulées. Avant de passer aux questions et réponses, je demande à mes collègues d’écourter les préambules de leurs questions et à la ministre de répondre directement aux questions.

Le sénateur Plett, leader de l’opposition, sera le premier à prendre la parole, pour une période de 10 minutes.

Le sénateur Plett [ - ]

Merci, madame la présidente. Cela ne me donnera peut-être pas assez de temps pour faire mon préambule.

Madame la ministre, je vous souhaite de nouveau la bienvenue parmi nous. En repensant à votre dernière présence ici, je me suis dit, en tout respect, que j’espérais que, cette fois, le temps de ceux qui posent des questions serait un peu mieux utilisé. La dernière fois que vous êtes venue, madame la ministre, vous avez utilisé 20 % du temps qui m’était imparti à parler d’enjeux qui n’avaient rien à voir avec mes questions. Vous aviez très peu de réponses à nous donner et vous aviez laissé entendre que, puisque le projet de loi avait été adopté à l’unanimité à l’autre endroit, nous devrions simplement faire la même chose sans attendre.

Pourtant, madame la ministre, ce n’est pas vraiment ce qui s’était passé. Si le projet de loi avait été adopté à l’unanimité, c’est parce que votre gouvernement avait fait adopter une motion de programmation, qu’il avait coupé court au débat et qu’il avait empêché toute proposition d’amendement. Vous aviez menacé — j’ai droit à 10 minutes — et forcé les députés à adopter le projet de loi à l’unanimité. Cet appui unanime pour le projet de loi ne voulait certainement pas dire que tous les députés appuyaient votre façon de faire les choses.

J’espère que vous n’avez pas l’intention de nous donner le même genre de réponses aujourd’hui, parce que nous avons de nombreuses questions importantes — n’ayez crainte, nous allons finir par les poser — et nous devrons obtenir des réponses avant d’adopter le projet de loi.

Encore une fois, vous nous imposez un délai très serré parce que votre gouvernement n’a pas voulu tenir compte des conseils que notre parti lui a donnés il y a six mois et corriger les lacunes du programme d’aide au loyer. Vous avez enfin trouvé le moyen de remédier à ces lacunes, mais vous n’êtes pas arrivée à présenter un projet de loi convenable et vous avez dû présenter un amendement — vous l’avez mentionné —, mais vous n’avez pas non plus su présenter un amendement convenable. Et voilà que vous nous pressez encore une fois d’adopter le projet de loi de manière précipitée. Une fois adopté, le projet de loi devra immédiatement être modifié — et, malgré cela, il sera loin d’accomplir le nécessaire —, et vous nous dites tout simplement de vous faire confiance.

Lorsque votre prédécesseur a comparu devant cette Chambre, je lui ai posé des questions et demandé des réponses explicites. Il a demandé à la présidence s’il était nécessaire de répondre à ces questions et de lui expliquer le processus au Sénat. Il s’est fait dire que les sénateurs posent les questions et que les ministres y répondent.

J’ai bon espoir que nous allons procéder de la sorte aujourd’hui. Je vais poser des questions, que je vais lire en entier. Ce sont des questions qui ont été posées à vous ou à votre prédécesseur et auxquelles je n’ai pas reçu de réponses concrètes. Je vous saurais gré, madame la ministre, de donner des réponses explicites et définitives. S’il ne vous est pas possible de donner ces réponses immédiatement, je vous demande de nous les faire parvenir par écrit avant le vote prévu jeudi.

Madame la ministre, nous avons reçu le projet de loi C-9 il y a environ une heure, mais déjà ce matin, le premier ministre demandait au Sénat de l’adopter sans tarder. Nous ne l’avions même pas encore en main qu’il nous demandait déjà de nous presser.

En 2014, le chef libéral Justin Trudeau a dit ceci :

Si le Sénat a un rôle à jouer, c’est assurément de servir de contrepoids au pouvoir extraordinaire que détiennent le premier ministre et son cabinet [...]

Maintenant qu’il est au pouvoir, le premier ministre se sert lâchement de la pandémie pour éviter de rendre compte de ses décisions. Voilà qui montre encore une fois le mépris que lui inspire la reddition de comptes parlementaire de même que le processus législatif et l’indépendance du Sénat.

C’est au gouvernement d’établir l’ordre du jour législatif. Or, il n’a pas arrêté de présenter des mesures bourrées de défauts et il a prorogé le Parlement simplement pour détourner les regards du scandale UNIS, ce qui a encore retardé le processus. Entendons-nous sur une chose, madame la ministre : c’est au gouvernement Trudeau de se ressaisir.

Le Comité des finances du Sénat a consacré la totalité de la semaine de relâche à l’étude préalable du projet de loi. Le Parti conservateur du Canada sera toujours là pour les petites entreprises et fera toujours tout en son pouvoir pour leur offrir le soutien dont elles ont besoin. Madame la ministre, le premier ministre vient peut-être de comprendre à quel point il peut être important que le caucus national de son parti puisse compter sur une aile sénatoriale, car elle pourrait faire avancer son programme législatif.

Voilà mon préambule, madame la ministre, et voici mes questions. Vous pouvez répondre au plus grand nombre possible avant que la présidence ne vous interrompe et vous pourrez nous communiquer le reste plus tard. Nous serons heureux de vous les envoyer par écrit si vous le souhaitez.

Combien d’argent le gouvernement a-t-il dépensé jusqu’à présent pour les mesures de lutte contre la COVID-19?

Combien d’argent les sociétés d’État ont-elles dépensé, y compris les garanties de prêts?

À combien s’élève la dette du gouvernement fédéral en ce moment?

À combien s’élève la dette totale des gouvernements provinciaux en ce moment?

Quel pourcentage de la dette du gouvernement fédéral est détenu par des étrangers, et quel pourcentage est détenu par la Banque du Canada?

Quelle est la part de la dette du gouvernement fédéral dont l’échéance est inférieure à un an, dont l’échéance est d’un an à cinq ans et dont l’échéance est supérieure à cinq ans?

Quel est le taux d’intérêt moyen à payer sur la dette du gouvernement fédéral?

Ma prochaine question est une question pour laquelle Pierre Poilievre a essayé d’obtenir une réponse à la Chambre, et c’est peut-être même à vous qu’il a posé la question. Combien coûtera au gouvernement fédéral une augmentation de 1 % des taux d’intérêt sur la dette?

Enfin, combien de sociétés ont présenté une demande afin d’obtenir de l’aide provenant du Crédit d’urgence pour les grands employeurs et combien de demandes ont été acceptées?

Je pense que vous disposez de presque cinq minutes, madame la ministre.

La présidente [ - ]

Non. Madame la ministre, vous disposez de trois minutes et demie pour répondre. Merci.

Mme Freeland [ - ]

Je vous remercie beaucoup, sénateur, pour le préambule et pour les questions. Je vais essayer de passer à travers.

En ce qui concerne l’argent que le gouvernement a dépensé jusqu’à maintenant, je suis très heureuse de vous fournir nos estimations des coûts des programmes que je vous demande d’étudier. Commençons par là. Je crois que c’est tout à fait approprié. Nous estimons que la subvention d’urgence pour le loyer, que nous vous présentons, coûtera 2,2 milliards de dollars, en incluant l’aide pour pallier les conséquences du confinement. Cela concerne la période qui commence maintenant et qui se termine le 19 décembre. Nous estimons que pour la Subvention salariale d’urgence du Canada, dont nous demandons la prolongation jusqu’à l’été 2021, mais en proposant un taux de 65 % jusqu’au 19 décembre — date d’établissement du taux —, nous dépenserons 65,5 milliards de dollars. Notre estimation s’étend donc jusqu’au 19 décembre.

Il y aura d’autres périodes, bien entendu, mais je ne ferai pas d’estimations pour ces périodes, parce que nous ne connaissons pas encore les taux qui seront en vigueur. Comme je l’ai déjà dit, nous sommes déterminés à garder ces deux mesures en place jusqu’en juin 2021.

En ce qui concerne la dette du gouvernement, je ne vous fournirai pas, honorables sénateurs, de nouveaux chiffres aujourd’hui. Je vais vous présenter, à vous, ainsi qu’au Parlement et aux Canadiens une mise à jour économique de l’automne dans quelques jours, qui inclura les détails de nos dépenses jusqu’à maintenant, ainsi que des projections financières détaillées.

Je suis cependant ravie de vous rappeler des chiffres que le gouvernement a publiés dans le Portrait économique et budgétaire. Lors de la parution de ce document, nous prévoyions, pour 2021, un déficit de 343,2 milliards de dollars et une dette de 1,06 billion de dollars. Comme je l’ai dit, je vais présenter des chiffres à jour dans le portrait budgétaire de l’automne, mais je ne vais pas les fournir aujourd’hui.

Pour ce qui est des autres questions, je vais fournir les réponses que je peux donner. En ce qui concerne la dette actuelle du gouvernement, j’aimerais faire certaines observations. Comme les sénateurs le savent, à l’heure actuelle, le Canada a une cote de crédit très favorable de AAA. Comme je l’ai dit dans mon préambule, le Canada affiche le ratio de la dette par rapport au PIB le plus bas parmi les pays du G7. De plus, les intérêts sur la dette sont à leur plus bas par rapport au PIB du Canada depuis 100 ans, et ce, malgré les dépenses exceptionnelles que nous avons engagées pour lutter contre la COVID-19.

Je suis donc tout à fait...

La présidente [ - ]

Madame la ministre, je suis désolée, mais nous devons passer à la prochaine période de 10 minutes.

La sénatrice Dasko [ - ]

Madame la ministre Freeland, je vous souhaite la bienvenue au Sénat. Je tiens à vous féliciter pour votre nomination au poste de ministre des Finances, ainsi que d’être la première femme à occuper cette fonction. Toutes mes félicitations.

Madame la ministre, un sondage mené récemment par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a révélé que 70 % des entreprises établies dans notre ville, Toronto, déclarent ne pas avoir les moyens financiers de survivre à un nouveau confinement. Le gouvernement libéral a fourni d’importants capitaux aux PME au moyen de la Subvention salariale d’urgence du Canada, qui semble être une mesure efficace pour soutenir les petites entreprises canadiennes. Le programme de l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial comportait pour sa part des lacunes, et il a donc fini par être remplacé. Nous avons tous entendu parler d’entreprises qui n’ont pas pu bénéficier d’une mesure d’aide parce que leur propriétaire ne souhaitait pas présenter une demande au titre de ce programme. D’autres propriétaires n’étaient pas admissibles parce qu’ils n’avaient pas atteint le seuil de perte de revenus.

La Subvention d’urgence du Canada pour le loyer représente une bonne réponse par rapport aux plaintes concernant le programme d’aide pour le loyer commercial. Cependant, pour beaucoup d’entreprises, cette mesure a été mise sur pied trop tard. Si je comprends bien, le projet de loi est conçu pour permettre aux organismes admissibles de présenter une demande à l’ARC jusqu’à 180 jours après la période d’admissibilité pour laquelle ils réclament de l’aide financière.

Pourquoi la date de début de ce programme se limite-t-elle au 27 septembre? Pourquoi ne pouvez-vous pas la devancer pour aider les entreprises que le programme précédent n’a pas été en mesure d’aider? Par exemple, il me semble que vous pourriez facilement reculer cette date de 180 jours. Tout comme vous avez fait avancer la date limite d’accès à ce programme de plus ou moins 180 jours, vous pourriez faire reculer cette date limite de 180 jours. Ma question concerne donc la manière dont vous avez structuré ce programme : pourquoi la date de début ne peut-elle pas être reculée afin d’aider les personnes qui se sont retrouvées en difficulté durant cette période?

Mme Freeland [ - ]

Merci beaucoup de la question, madame la sénatrice.

[Note de la rédaction : Mme Freeland et la sénatrice Dasko s’expriment dans une autre langue.]

Vous posez une question très importante, à laquelle j’ai beaucoup songé. Merci également d’avoir parlé du travail de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. Nous nous sommes souvent entretenus avec Dan Kelly lors de l’élaboration de ce programme.

Madame la sénatrice, pendant l’élaboration du programme, l’intention du gouvernement était avant tout de faire en sorte qu’autant d’entreprises canadiennes que possible puissent continuer à fonctionner. Ainsi, nous nous concentrons sur le présent et sur l’avenir, pas sur le passé. Je suis consciente qu’il y a des entreprises qui auraient aimé se prévaloir de l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial, mais qui n’ont pas pu le faire en raison des décisions de certains propriétaires. Je sympathise beaucoup avec ces entreprises. Cependant, au bout du compte, vu que les ressources du gouvernement sont limitées — nous prenons beaucoup de mesures d’aide, mais je pense que nous sommes tous conscients que les ressources sont limitées —, ce qu’il convient pour nous de faire est de nous concentrer sur l’avenir et sur les entreprises qui sont viables et qui fonctionnent encore aujourd’hui, et de leur donner l’aide dont elles ont besoin pour survivre jusqu’à la fin de la pandémie.

Je signale que si les sénateurs approuvent le projet de loi C-9, les entreprises auront accès à plusieurs mesures d’aide. Par exemple, à Toronto, où les autorités municipales ont ordonné la fermeture des restaurants, 90 % du loyer de ces derniers sera couvert, ainsi que 65 % de leurs dépenses salariales s’ils ont subi des pertes de recettes d’au moins 70 %. De plus, nous offrons un complément au Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, ce qui permettra aux entreprises d’obtenir dans le cadre de ce programme un prêt additionnel de 20 000 $, dont la moitié sera sous forme de prêt-subvention. Il s’agit là d’un appui vraiment considérable, et je crois que cela devrait aider nos entreprises à traverser la deuxième vague de la pandémie.

La sénatrice Dasko [ - ]

Je vous remercie. C’est très utile. J’ai une autre question. Madame la ministre, au cours de l’été dernier, le gouvernement a consenti 19 milliards de dollars aux provinces dans le cadre de l’Accord sur la relance sécuritaire. Ces dépenses importantes étaient nécessaires pour aider les provinces à offrir des services essentiels, et elles sont d’autant plus cruciales maintenant en raison de la deuxième vague de la pandémie.

Dans le discours du Trône, le gouvernement a promis d’inclure des normes nationales pour les soins de longue durée dans les ententes conclues avec les provinces. Or, j’ai examiné l’Accord sur la relance sécuritaire tel qu’il a été publié et, en ce qui concerne les établissements de soins de longue durée, je constate que l’augmentation des effectifs est mentionnée dans certaines ententes, mais pas les normes de dotation comme telles. Pourtant, les experts ont indiqué clairement que l’amélioration des normes de dotation, y compris une formation améliorée, l’équité en matière d’emploi, un salaire accru et un meilleur rapport employés-patients augmenteront la qualité des soins fournis.

Voici donc ma question : où sont les normes nationales pour les soins de longue durée dont le discours du Trône fait mention? Les investissements dans l’augmentation des effectifs qui sont prévus dans certains de ces accords représentent-ils la réponse de votre gouvernement, ou y a-t-il d’autres mesures à venir en ce qui concerne ces normes? De plus, si d’autres mesures sont prévues, pouvez-vous nous dire ce que ces normes de dotation pourraient inclure?

De toute évidence, ce sont des points très pertinents de nos jours, alors que la deuxième vague entraîne des éclosions dans de nombreuses résidences pour personnes âgées du Canada, que le taux de mortalité augmente et que de nombreux aînés vivent de grandes difficultés. Voilà ma question. Merci.

Mme Freeland [ - ]

Merci beaucoup pour cette question. Je pense que nous sommes tous extrêmement préoccupés par ce qui se passe dans les établissements de soins de longue durée partout au pays. Nous avons constaté qu’il s’agit véritablement d’un point faible dans l’ensemble du Canada. Je crois vraiment que c’est une tragédie nationale et une honte nationale que tant d’aînés meurent du coronavirus. Avec la deuxième vague, nous constatons que les établissements de soins de longue durée continuent de représenter une énorme vulnérabilité.

En ce qui concerne l’Accord sur la relance sécuritaire, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les provinces dans le but de leur donner les ressources supplémentaires dont nous estimions qu’elles avaient besoin pour se préparer à la deuxième vague. Nous avons adopté une approche très collaborative et avons cerné des catégories précises dans lesquelles nous savions qu’un soutien serait nécessaire — par exemple, les soins de longue durée — et des domaines sur lesquels nous pensions devoir nous concentrer. Cependant, nous sommes également très conscients du fait que, par l’intermédiaire de l’Accord sur la relance sécuritaire, nous avons versé des fonds fédéraux dans des champs de compétence provinciale.

Aujourd’hui au Canada, on s’accorde largement sur la nécessité de disposer de normes nationales en matière de soins de longue durée. Néanmoins, personne d’entre nous ne devrait minimiser la somme de travail qu’il faudra pour y arriver. Pour élaborer des normes applicables à l’ensemble du pays, auxquelles adhèrent vraiment tous les niveaux de gouvernement, il faudra de véritables discussions et négociations entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral. Nous devons donc nous atteler à la tâche, mais nous allons y parvenir. Nous devons procéder comme il se doit.

Honorables sénateurs, en conclusion, il faudra travailler un peu plus pour mettre en place de véritables normes afin de rehausser le niveau des soins de longue durée au Canada, mais il est urgent d’agir et de commencer à améliorer la situation dès maintenant. Le gouvernement fédéral envoie actuellement des employés de la Croix-Rouge pour aider les résidants des établissements de soins de longue durée partout au pays. De surcroît, le gouvernement collabore activement avec les provinces pour savoir si elles ont besoin d’autres mesures de soutien pour protéger les aînés.

Le sénateur Tannas [ - ]

Madame la ministre, certains sénateurs qui ont assisté aux séances du comité estiment ne pas avoir obtenu d’explication satisfaisante quant à savoir pourquoi le gouvernement et le Sénat se retrouvent avec un projet de loi boiteux qui ne peut être amendé.

Alors, entre Albertains qui ne mâchent pas leurs mots, dites-moi ce qui s’est passé. Nous songeons à créer un comité qui examinera les leçons tirées de la COVID-19. Nous nous pencherons peut-être sur cette possibilité. Dans l’intérêt de tous, pourriez-vous nous dire en quoi un tel correctif est nécessaire et comment il se fait qu’on n’y a pas eu recours? Comment n’y a-t-on pas songé?

Mme Freeland [ - ]

C’est une excellente question, monsieur le sénateur, et j’y réponds avec plaisir.

Avant toute chose, permettez-moi de souligner le point qui m’apparaît le plus important, c’est-à-dire que, si ce projet de loi reçoit l’appui des sénateurs, nous pourrons mettre en œuvre un programme d’aide au loyer selon lequel le loyer à payer sera accepté immédiatement, dès l’entrée en vigueur de la loi. Du point de vue des gens auxquels je tiens le plus, c’est-à-dire les entrepreneurs, il n’y aura donc aucune interruption dans le soutien versé. C’est le premier point. Cela dit, la question est tout à fait valide.

Quand nous élaborons tous ces mécanismes de soutien à l’intention des entreprises — rappelons que le gouvernement fédéral fournit un soutien sans précédent à un nombre d’entreprises sans précédent —, nous cherchons un juste équilibre entre deux objectifs : celui de fournir aux entreprises qui en ont besoin le soutien qu’il leur faut aussi rapidement que possible, et celui d’être généreux à l’égard de ces entreprises et de leurs besoins. En parallèle, il faut aussi veiller à l’intégrité des programmes. Il est essentiel d’établir des critères d’admissibilité qui donneront au gouvernement et à l’ARC la certitude que les entreprises demandant ces sommes y sont réellement admissibles.

De toute évidence, le loyer qui a déjà été payé — preuve à l’appui — démontre clairement la validité de la demande : il démontre que l’entreprise a utilisé l’argent pour payer le loyer du mois précédent. Par contraste, il est plus difficile pour l’ARC de gérer avec autant de confiance une exigence fondée sur le loyer à payer. C’est le genre de compromis qu’on évalue quand on établit le fonctionnement d’un programme.

Cela dit, étant donné le moment où nous nous trouvons dans la pandémie, le temps qui s’est écoulé depuis le début et les difficultés que connaissent les entreprises, j’étais persuadée — nous étions persuadés, en fait — qu’il serait bon d’offrir aux entreprises cette option plus souple. Ce soutien ne brille peut-être pas par son élégance, mais je suis heureuse que nous puissions le fournir aux entreprises.

Le sénateur Tannas [ - ]

Je ne pense pas qu’un élément ait été écarté de façon délibérée. Vous dites que c’est la voie que vous avez choisie ou que vous avez suivi les conseils reçus. Il est plutôt comique de penser que nous offrons de l’argent pour payer le loyer tout en disant aux gens qu’ils doivent le payer avant de recevoir de l’aide. On dirait une sorte d’humour absurde. Cela dit, je ne pense pas qu’un élément ait été écarté. Vous avez choisi de faire marche arrière et de ne pas suivre les conseils que beaucoup de gens compétents vous ont donnés en tenant compte de la situation sur le terrain.

Mme Freeland [ - ]

Monsieur le sénateur, entre Albertains, je vous dirais en toute franchise que je n’utiliserais probablement pas des mots comme « marche arrière » et « comique ». Je collabore avec l’ARC tous les jours. Andrew Marsland, qui est ici, a travaillé très fort pour que le loyer à payer soit admissible. C’est un équilibre très difficile à réaliser pour les gens de l’ARC, qui sont très soucieux de l’éthique. Ils n’ont pas d’autres motivations que d’acheminer l’argent aux bonnes personnes. J’apprécie et je respecte les préoccupations qu’ils ont.

Cela dit, nous vivons une période sans précédent. Nous devons faire certaines choses un peu différemment. J’aimerais dire à tous les sénateurs que nous devons tous être conscients — et je sais que vous l’êtes — qu’il faut atteindre un délicat équilibre dans l’offre de ces mesures de soutien aux Canadiens.

Le sénateur Tannas [ - ]

Très bien. Merci. Je cède le reste de mon temps de parole au sénateur Dagenais.

Le sénateur Dagenais [ - ]

Madame la ministre, depuis le début de la pandémie, tous les projets de loi du gouvernement visant à venir en aide aux Canadiens ont soulevé des inquiétudes par rapport au potentiel de fraude. Je suis d’avis que les mesures prises par le gouvernement à ce sujet sont plutôt vagues. Les Canadiens et les Canadiennes se sont notamment fait voler leur identité par des fraudeurs de la PCU. C’est la même chose pour les entrepreneurs. Les services de police accumulent les plaintes, et la situation ne semble pas déranger le gouvernement.

Au début, l’état d’urgence pouvait être une raison acceptable pour expliquer ce manque de vigilance, mais, après neuf mois de pandémie, on ne peut plus parler d’urgence. J’ose employer le terme : est-ce que cela pourrait être de l’incompétence?

Ma question est fort simple : est-ce de façon délibérée qu’on n’inclut pas dans les projets de loi des mesures notables et sévères pour empêcher la fraude, ou bien ces projets de loi sont-ils simplement rédigés par des intellectuels qui n’ont aucune notion de sécurité?

Mme Freeland [ - ]

Je vous remercie beaucoup de cette question. Je crois que votre question représente un très bon suivi à la question posée par le sénateur Tannas. Comme j’ai tenté de l’expliquer, nous essayons de trouver un équilibre entre les mesures visant à assurer l’intégrité des programmes et les grands besoins actuels de nos entreprises et des Canadiens. Cet équilibre est difficile à trouver.

Je crois que nous devons réagir de façon urgente, parce que les besoins sont urgents. En même temps, je tiens à vous assurer que nous avons beaucoup réfléchi. Nous avons instauré des programmes pour établir des critères, comme celui des loyers dont nous venons de discuter, des critères auxquels croit l’Agence du revenu du Canada, des critères forts qui nous permettent d’obtenir des faits et des preuves.

Nous essayons de trouver un équilibre. D’un côté, vous exprimez une inquiétude en ce qui concerne la fraude et, de l’autre côté, il y a la question du sénateur Tannas, de l’Alberta, selon laquelle nous devons réagir de façon urgente et donner aux entreprises ce dont elles ont besoin aujourd’hui. Nous tentons de trouver un équilibre, et je crois que nous avons réussi.

Le sénateur Dagenais [ - ]

Madame la ministre, vous savez que des organisations criminelles profitent des failles au sein des programmes. Ce projet de loi contient des failles, lui aussi. Nous savons qu’il y a actuellement beaucoup de vols d’identité. Ce sont souvent des organisations criminelles qui sont à la base de ces vols d’identité et qui profitent des programmes actuels, et ces organisations profiteront sûrement des programmes découlant du projet de loi C-9 qui seront mis en œuvre. Il faudra être plus que vigilant au moment de la rédaction des prochains projets de loi ou encore nous laisser davantage de temps pour en faire l’étude pour que nous puissions y apporter les amendements nécessaires afin qu’ils soient encore plus sûrs.

Mme Freeland [ - ]

Encore une fois, je vous remercie de cette question. Nous devons être vigilants et nous avons prévu des mesures pour assurer l’intégrité des programmes. J’aimerais souligner le professionnalisme des employés de l’Agence du revenu du Canada. Ils font de l’excellent travail. Ils ont octroyé les fonds et ils sont prêts à faire les contrôles requis par la suite. En même temps, je crois que nous devons être conscients du fait que nous sommes en pleine pandémie et que nous sommes...

La présidente [ - ]

Madame la ministre, nous devons poursuivre.

La sénatrice Cordy [ - ]

Madame la présidente, je vais partager mon temps de parole avec la sénatrice Bernard.

Madame la ministre, bienvenue au Sénat du Canada. Je crois comprendre que l’Agence du revenu du Canada administrera le programme de subvention du loyer en plus d’administrer le programme de subvention salariale. Je pense que c’était la bonne décision à prendre.

Toutefois, l’administration de ces deux programmes dans des délais serrés représente une charge de travail énorme. Madame la ministre, l’agence a-t-elle reçu des ressources supplémentaires du gouvernement? Le cas échéant, pourriez-vous nous dire quelles sortes de ressources lui ont été rapidement fournies pour que les programmes puissent être administrés à temps?

Mme Freeland [ - ]

Merci beaucoup, madame la sénatrice. C’est une excellente question. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais je suis bien consciente que l’Agence du revenu du Canada fait un travail monumental en ce moment pour soutenir l’ensemble du Canada et j’en suis très reconnaissante. Nos représentants sont actuellement en discussion avec l’agence pour s’assurer qu’elle dispose de toutes les ressources nécessaires pour s’acquitter de cette importante tâche.

L’Agence du revenu du Canada fait tout un travail. Vous avez tout à fait raison de souligner que nous devons veiller à ce qu’elle dispose des ressources humaines et techniques voulues pour faire ce travail.

La sénatrice Cordy [ - ]

Merci. Ma deuxième question porte sur la réaction au programme précédent de subvention du loyer. Ce programme nécessitait la participation des locateurs. Or, je crois comprendre que, à ce moment-là, ces derniers se sont montrés réticents à y participer. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi et nous dire si le projet de loi actuellement à l’étude remédie à ces préoccupations?

Mme Freeland [ - ]

Je rappelle que près de 140 000 petites entreprises donnant de l’emploi à 1,2 million de travailleurs ont bénéficié de l’ancien programme d’aide au loyer commercial, alors je crois qu’on peut affirmer qu’il a permis d’aider concrètement les entreprises et les travailleurs.

Le nouveau programme s’adresse directement aux locataires, qui n’ont plus besoin de passer par leur propriétaire, et j’insiste sur le fait que les intérêts sur l’hypothèque sont désormais considérés comme une dépense admissible. Les entreprises qui sont propriétaires de leur bâtisse et qui doivent faire des versements hypothécaires peuvent aussi réclamer les intérêts.

La sénatrice Cordy [ - ]

Je vous remercie.

La présidente [ - ]

Vous ne souhaitez pas poser d’autres questions, sénatrice Cordy?

La sénatrice Cordy [ - ]

Je laisse le reste de mon temps de parole à la sénatrice Bernard.

La sénatrice Bernard [ - ]

Ma première question fait suite à la réponse que vous venez de donner à la question de la sénatrice Cordy, madame la ministre. Vous dites qu’un grand nombre d’entreprises ont pu bénéficier du programme créé par la loi précédente. Disposez-vous de données ventilées selon la race? Parmi les entreprises qui ont reçu de l’aide, combien appartenaient à des personnes racialisées? J’aimerais surtout savoir combien appartenaient à des entrepreneurs noirs.

Mme Freeland [ - ]

Il s’agit d’une question très importante, sénatrice, et je vous en remercie. Mon collègue le ministre Hussen et moi avons eu la chance de participer à une table ronde avec des chefs d’entreprise noirs afin de discuter de l’entrepreneuriat noir et des conséquences de la pandémie.

Je n’ai pas de données sur la ventilation des sommes accordées dans le cadre de l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial, mais j’estime comme vous que le gouvernement devrait en faire plus pour désagréger les données qu’il recueille. J’ai d’ailleurs été ravie lorsque le premier ministre et la ministre Mary Ng ont annoncé, il y a quelques semaines, la mise sur pied d’un fonds spécial destiné aux entrepreneurs noirs. J’en ai justement discuté avec le premier ministre ce matin. Il espère que ce fonds sera mis en branle très rapidement, et nous y travaillons.

La sénatrice Bernard [ - ]

Merci, madame la ministre. J’aimerais maintenant vous poser la question suivante : la COVID-19 a eu pour effet d’aggraver les injustices actuelles dont sont victimes les communautés noires. Selon le document intitulé Toronto Fallout Report: Half a Year in the Life of COVID-19, 39 % des Canadiens noirs ont indiqué que la pandémie avait miné fortement ou modérément leur capacité à honorer leurs obligations financières ou à répondre à leurs besoins essentiels.

Je salue le soutien apporté aux entrepreneurs noirs par l’entremise du Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires. Toutefois, ce que j’entends des organismes communautaires et des entreprises dirigées par des Noirs, c’est que les processus de demande pour obtenir des fonds sont très compliqués. Beaucoup de ces entrepreneurs ont affirmé qu’ils ne pouvaient pas se permettre d’attendre que le gouvernement lance un appel de concepts relativement au Fonds pour l’écosystème national et au Carrefour du savoir pour l’entrepreneuriat des communautés noires. Les entrepreneurs noirs en ont assez que l’on pense à eux après coup. Ils ont besoin de soutien dès maintenant.

Madame la ministre Freeland, comment le gouvernement veillera-t-il à ce que les Canadiens noirs bénéficient d’un accès équitable et rapide aux soutiens financiers, et à ce que leurs voix soient prises en compte lors de l’élaboration d’une relance équitable?

Mme Freeland [ - ]

Merci encore une fois, sénatrice, de cette question très importante. J’essayerai d’y répondre en partie.

Tout d’abord, merci de nous avoir fait part de ces commentaires très précis au sujet des programmes. Je conviens qu’il faut les mettre en œuvre de toute urgence et rendre le processus de demande aussi simple et rapide que possible. Ces commentaires sont très utiles et j’y donnerai suite avec mes collègues du Cabinet.

En ce qui concerne la réponse plus générale à la pandémie, je pense que nous devons reconnaître que la COVID-19, tant sur le plan de la santé que sur le plan économique, n’a pas eu les mêmes conséquences sur tous les Canadiens. Les Canadiens noirs racialisés ont été plus durement touchés. Nous devons être très conscients de cette réalité lorsque nous élaborons des programmes pour aider les gens à lutter contre le coronavirus et lorsque nous mettrons en place des mesures dans le cadre du plan de relance économique en cours d’élaboration.

La sénatrice Bernard [ - ]

Merci beaucoup.

La présidente [ - ]

Sénatrice Bernard, il vous reste deux minutes.

La sénatrice Bernard [ - ]

J’ai terminé. Merci.

La présidente [ - ]

D’accord. Nous passons donc au prochain bloc de 10 minutes.

Ce temps de parole sera partagé également entre les sénateurs Carignan et Marshall.

Le sénateur Carignan [ - ]

Madame la ministre, ma question fait suite à celle que le sénateur Tannas vous a posée sur la modification du loyer payable à titre de dépense admissible pour que les gens puissent réclamer un montant pour le loyer, même s’ils ne l’ont pas payé, de manière à respecter leur capacité de payer.

Vous avez déposé un projet d’amendement à l’autre endroit à l’étape de la troisième lecture, qui a été refusé. Vous dites simplement que l’Agence du revenu du Canada vous a entendue, qu’elle a entendu votre commentaire et qu’elle en tiendra compte lorsqu’elle fera la demande de remboursement.

Ne trouvez-vous pas que ces propos sont quelque peu irrespectueux envers le Parlement, envers les deux Chambres et particulièrement envers le Sénat, où il est parfaitement possible de proposer un amendement et de rendre un projet de loi conforme à vos intentions ministérielles, plutôt que de laisser les fonctionnaires mettre en œuvre la loi comme bon leur semble?

Mme Freeland [ - ]

Merci de la question, monsieur le sénateur. J’ai deux réponses à vous donner. Premièrement, et c’est à chaque sénateur de prendre une décision, je pense que nous nous trouvons dans une situation urgente, et, quand je discute avec les entreprises — et je pense que vous entendez la même chose que moi —, elles me disent qu’elles ont besoin d’aide maintenant. Pour cette raison, nous tous, sénateurs, députés, fonctionnaires, ainsi que les gens qui travaillent à l’Agence du revenu du Canada, devons faire les choses d’une manière un peu différente de celle dont nous les ferions en temps normal.

C’est pour cette raison que je pense que la meilleure chose à faire est d’appuyer le projet de loi C-9 tel qu’il est maintenant. Nous avons beaucoup travaillé avec l’Agence du revenu du Canada. J’ai confiance que les entreprises auront ce dont elles ont besoin, et c’est la chose la plus importante pour moi.

En ce qui concerne le respect du Parlement, de la Chambre des communes et du Sénat, nous allons proposer un amendement et j’espère que cet amendement obtiendra l’appui de la Chambre des communes et du Sénat. Toutefois, je pense que nos entreprises ne peuvent pas attendre.

Le sénateur Carignan [ - ]

J’ai l’impression que vous essayez de faire compliqué quand on peut faire simple. Votre ancien collègue le ministre Morneau a déjà déposé un amendement dans cette Chambre, par l’intermédiaire du leader du gouvernement, pour modifier un projet de loi budgétaire qui était imparfait; il a été adopté au Sénat et renvoyé à la Chambre des communes, où il a été adopté. Il serait tout à fait possible pour vous de demander à votre leader du gouvernement de déposer cet amendement, qui serait adopté ici, puis renvoyé à la Chambre des communes, et nous aurions alors un projet de loi complet plutôt qu’un projet de loi plein de lacunes que des fonctionnaires seront responsables de combler, encore une fois.

Mme Freeland [ - ]

Le processus que vous décrivez, monsieur le sénateur, est évidemment absolument possible. Toutefois, si l’on procède comme vous le proposez, nos entreprises devront attendre plus longtemps; selon moi, alors que nous devons affronter une deuxième vague et que nous sommes en pleine pandémie, nous devons réagir maintenant et donner aux entreprises l’aide dont elles ont besoin.

Je comprends que vous vous inquiétiez de la situation des entreprises qui veulent bénéficier de l’appui du gouvernement fédéral pour utiliser le loyer payable. Je suis d’accord avec vous, et c’est pour cette raison que je suis heureuse de vous assurer que, avec le projet de loi que nous avons devant nous, ces entreprises recevront l’aide dont elles ont besoin. Pour moi, c’est la chose la plus importante.

Le sénateur Carignan [ - ]

Je pense que nous ne serons pas d’accord.

J’ai une autre question. Lors de votre dernière comparution, je vous ai demandé quand vous comptiez présenter une mise à jour budgétaire et économique. Le Québec vient d’en déposer une, tout comme l’Ontario récemment. On évaluait à environ 400 milliards de dollars...

La présidente [ - ]

Sénateur Carignan, vos cinq minutes sont écoulées. Je dois céder la parole à la sénatrice Marshall.

La sénatrice Marshall [ - ]

Merci beaucoup, madame la présidente. Bienvenue, madame la ministre, au Sénat du Canada.

Madame la ministre, le projet de loi prévoit, pour les entreprises, une subvention salariale et une subvention pour le loyer commercial jusqu’en juin 2021. Cependant, il établit des taux et une formule pour calculer le montant de la subvention que recevra une entreprise seulement jusqu’au 19 décembre. Les taux et la formule pour calculer le montant de la subvention qui sera accordée après le 19 décembre seront fixés par règlement.

Madame la ministre, nous ne sommes qu’à quatre semaines du 19 décembre et, comme vous le dites, l’hiver arrive. Les entreprises n’ont aucune idée du montant des subventions auxquelles elles auront droit après le 19 décembre.

La semaine dernière, des témoins au Comité sénatorial des finances nationales ont affirmé que l’incertitude est l’un des plus grands problèmes auxquels les entreprises sont confrontées en ce moment. Vu que les entreprises ne connaissent pas encore les taux et les formules pour calculer leurs subventions après le 19 décembre, quand peuvent-elles s’attendre à connaître le règlement qui les fixera? Pourriez-vous nous donner une date, madame la ministre, et aussi la date du prochain portrait budgétaire? Merci beaucoup.

Mme Freeland [ - ]

C’est une excellente question, madame la sénatrice. Permettez-moi d’expliquer pourquoi nous avons établi les taux jusqu’au 19 décembre, mais pas au-delà de cette date. C’était une décision intentionnelle.

Je conviens, madame la sénatrice, que l’incertitude est un grand problème pour les entreprises, mais, en fait, le cours du coronavirus est par sa nature incertain. Nous vivons une deuxième vague du coronavirus, dont l’intensité actuelle n’a pas été prévue et dont le cours futur est impossible à prévoir avec certitude. En outre, le gouvernement fédéral n’est pas en mesure de savoir avec certitude quelles mesures les provinces, les municipalités et les responsables de la santé publique mettront en place dans les différentes régions du pays. Ces deux choses, la propagation du coronavirus et les mesures prises pour lutter contre ce dernier, mesures que je soutiens fermement, auront une incidence importante sur le niveau d’aide dont les entreprises auront besoin au cours de l’hiver. Nous en sommes arrivés à la conclusion que le mieux était de faire preuve de souplesse. Si la situation se dégrade, le gouvernement sera en mesure d’offrir une aide supplémentaire. Si nous arrivons à aplanir la courbe, que tout le monde peut retourner au travail et que l’économie continue de s’améliorer, alors nous pourrons réduire l’aide offerte. C’est là-dessus que s’appuie notre raisonnement.

Pour ce qui est du moment où les niveaux seront fixés pour les prochaines périodes, je peux dire que ce sera dans les semaines à venir — je ne donnerai pas de date exacte —, mais nous savons que le 19 décembre arrivera bien vite.

La sénatrice Marshall [ - ]

Merci. Pouvez-vous donner la date du prochain portrait budgétaire?

Mme Freeland [ - ]

À un moment donné cet automne.

La sénatrice Marshall [ - ]

Madame la ministre, lorsque vous avez témoigné devant le Comité des finances, la semaine dernière, nous avons parlé du manque d’information concernant les programmes et les finances, en particulier lorsqu’il est question des programmes liés à la COVID-19. J’avais alors mentionné les rapports bihebdomadaires sur les dépenses liées à la COVID-19, parce que le gouvernement nous les a transmis jusqu’au 6 août seulement. Lors de notre rencontre la semaine dernière, vous m’avez dit que vous cherchiez une façon de produire des renseignements financiers et que vous compreniez le point essentiel que je soulevais.

Ma question est la suivante : pouvez-vous vous engager dès maintenant à reprendre la production des rapports bihebdomadaires sur la COVID-19?

Mme Freeland [ - ]

Sénatrice, je m’engagerai à fournir des renseignements détaillés sur les dépenses effectuées jusqu’à maintenant et des projections financières détaillées dans la mise à jour économique de l’automne, que nous sommes en train de préparer.

La sénatrice Marshall [ - ]

Merci.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. Je suis heureuse que nous soyons maintenant saisis du projet de loi C-9. Il est bon de voir le gouvernement répondre aux préoccupations du secteur canadien des affaires. Je suis reconnaissante des efforts soutenus que vos collaborateurs et vous avez déployés. Je partagerai mon temps de parole avec la sénatrice Galvez.

J’aimerais savoir si les six grandes banques canadiennes aident vraiment les Canadiens qui éprouvent des difficultés financières à traverser la pandémie de COVID-19, et si elles permettront à tous de bien se remettre de la crise. Il est vrai que certaines d’entre elles ont réduit temporairement les taux d’intérêt des cartes de crédit, temporairement différé certains paiements et diminué certains paiements minimums sur les cartes de crédit et les marges de crédit, en plus d’accorder le report et la prolongation d’environ 86 000 prêts aux entreprises d’une valeur de plus de 2,6 milliards de dollars, selon l’Association des banquiers canadiens. Pourtant, nous ne pouvons pas ignorer ce que nous commençons à entendre de la part du secteur de la restructuration financière, à savoir qu’un séisme s’en vient.

Madame la ministre, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante s’est jointe à tous ceux qui mettent en garde contre le risque d’entreprises zombies. Dans l’état actuel des choses, toutes les dettes devront être remboursées un jour. Que compte faire le gouvernement quand la COVID-19 sera enfin chose du passé, mais que les citoyens et les entreprises du pays crouleront sous les dettes? Comment pourront-ils possiblement survivre? Il est vrai que le Canada a besoin de banques solides, comme vous me l’avez rappelé la dernière fois que je vous ai posé une question à ce sujet, mais étant donné les profits substantiels que les banques réalisent depuis le début de la pandémie, le gouvernement collabore-t-il avec elles pour inclure la remise de dette dans la stratégie de relance nationale?

Mme Freeland [ - ]

Merci beaucoup, sénatrice. Cette question renferme beaucoup de sous-questions, alors je répondrai à certaines d’entre elles à tour de rôle.

Le gouvernement collabore avec les banques canadiennes pour offrir beaucoup de ces programmes. Par exemple, le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes est offert par l’entremise des banques. Nous nous efforçons actuellement de verser le plus rapidement possible aux Canadiens les 20 000 $ supplémentaires, dont 10 000 $ peuvent être radiés. Bien sûr, nous collaborons avec les banques, ce qui est très important. C’est une tâche colossale. À ce jour, près de 785 000 petites entreprises ont reçu un prêt au titre du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. Cette collaboration est importante.

Tout d’abord, en ce qui a trait aux entreprises et à la dette qu’elles auront contractée lorsque nous aurons traversé la pandémie de coronavirus, si nous avons créé un ensemble de programmes pour aider les entreprises, c’est notamment parce que nous voulons qu’il y en ait autant que possible qui traversent la crise tout en restant rentables et solvables. Je crois vraiment que l’aide que le gouvernement du Canada offre aux entreprises canadiennes est sans égale dans le monde. Nous offrons un soutien vraiment important. Comme certains sénateurs l’ont souligné, ces mesures sont coûteuses, mais je crois que c’est la bonne chose à faire parce qu’elles placeront l’économie dans une bien meilleure position pour se redresser après la crise lorsque nous aurons un vaccin et que le coronavirus sera derrière nous.

Pour ce qui est de savoir si une disposition de remise de dette devrait faire partie des efforts de relance après le coronavirus, je pense que c’est une suggestion utile. Nous devons encore voir ce que sera la situation à ce moment-là. Permettez-moi simplement de souligner que notre objectif actuel, à juste titre, est d’aider le plus grand nombre possible d’entreprises canadiennes à traverser la crise tout en demeurant viables et solvables.

Enfin, vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice, de dire que certains secteurs de l’économie se portent bien. Les conséquences du coronavirus se font ressentir de façon très inégale et le secteur bancaire est l’un des secteurs qui se portent raisonnablement bien en ce moment.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Je donne mon temps de parole à la sénatrice Galvez.

La sénatrice Galvez [ - ]

Madame la ministre Freeland, je vous remercie de l’intérêt que vous avez manifesté pour mon livre blanc et pour une reprise propre et solidaire. Au cours de nos recherches, nous avons constaté que de nombreux gouvernements des pays du G20 ont accordé beaucoup d’importance à la conditionnalité, à l’efficacité et à la transparence puisque des milliards de dollars ont été investis dans les entreprises et dans la société. Ils considèrent que ce sont des investissements. Nous savons que nous devons maintenir à flot les travailleurs, les services essentiels et les services publics, mais comme l’ont prédit les scientifiques, nous sommes dans la deuxième vague, et d’autres vagues viendront jusqu’à ce que des vaccins soient largement disponibles. Il y a de fortes chances que la COVID-19 reste endémique, d’où mon inquiétude quant à la nécessité de trouver un équilibre durable entre les exigences sanitaires et la réouverture des entreprises en toute sécurité.

Dans son rapport au sujet du projet de loi C-9, le Comité des finances nationales recommande d’interdire aux entreprises qui reçoivent un soutien financier de verser des dividendes ou des primes, ce qui rejoint les conditions du Crédit d’urgence pour les grands employeurs. Le crédit comporte également des obligations de divulgation de l’information liée au climat et il exclut les sociétés qui ont été reconnues coupables d’évasion fiscale. Envisagez-vous d’appliquer ces conditions à tous les programmes de soutien financier aux entreprises? Si oui, quand? Sinon, pour quelles raisons?

Mme Freeland [ - ]

Merci beaucoup de la question, sénatrice. En ce qui concerne la subvention salariale et l’aide pour le loyer, notre objectif était de créer des programmes de très grande portée pour aider de nombreuses entreprises canadiennes de façon efficace, en temps opportun et avec une certaine souplesse afin que l’aide offerte augmente en fonction des pertes de revenu. Les entreprises qui sont moins durement touchées reçoivent une aide moins importante. Par ailleurs, nous avons inclus dans le projet de loi C-9 d’autres mesures d’aide pour le confinement. Je tiens également à préciser que la subvention salariale et l’aide pour le loyer sont offertes à grande échelle dans l’ensemble du pays, y compris à des centaines de milliers d’entreprises.

Quant au Crédit d’urgence pour les grands employeurs, il s’agit plutôt d’un programme de prêt ciblé. Nous avons des équipes spécialisées qui travaillent avec les entreprises et qui examinent leurs états financiers pour ensuite offrir des prêts ciblés et adaptés à leurs besoins. C’est pour cette raison, sénatrice, que je trouve ce programme tout à fait approprié, car lorsque nous offrons des prêts considérables aux entreprises qui en font la demande, des conditions rigoureuses s’y rattachent en ce qui a trait au milieu de travail et à la rémunération.

En ce qui concerne la subvention salariale et l’aide pour le loyer, nous voulons surtout offrir un programme susceptible d’être mis en œuvre rapidement et efficacement afin d’aider des centaines de milliers d’entreprises partout au pays ainsi que des millions de Canadiens. Avec ces programmes, l’objectif doit être de proposer une aide efficace que les entreprises peuvent obtenir relativement vite pour faire quelque chose de simple. Comme on l’a dit, les entreprises ont besoin d’aide dès maintenant.

La sénatrice Galvez [ - ]

Puisque la COVID-19 sera parmi nous pendant un certain temps, avez-vous l’intention de mettre en œuvre la relance économique au même moment où la pandémie tirera à sa fin?

Mme Freeland [ - ]

C’est une bonne question. L’aide que nous apportons aux entreprises et aux Canadiens aujourd’hui est une forme d’appui à la relance économique.

Lorsqu’on parle des travailleurs, on constate maintenant une relance assez importante, car 79 % des travailleurs canadiens qui ont perdu leur emploi au début de la crise ont déjà décroché un autre emploi. Ces données sont encourageantes, surtout si nous les comparons à celles des États-Unis, l’économie avec laquelle nous avons le plus de liens. Aux États-Unis, le pourcentage de travailleurs qui ont retrouvé un emploi n’est que de 54 %. Ainsi, nous avons déjà une relance économique.

Cependant, nous devons aussi nous rappeler que nous sommes toujours en pleine pandémie, que de nombreuses provinces et municipalités sont en train de mettre en place des mesures de reconfinement et que ces mesures ont évidemment un impact sur l’économie. J’appuie ces mesures, mais nous devons être conscients du fait qu’une relance complète ne sera possible qu’une fois que nous aurons aplani la courbe. Je pense que c’est possible.

Nous avons eu de bonnes nouvelles cette semaine et la semaine dernière concernant les vaccins. Le Canada a acheté plusieurs doses de vaccins et nous serons prêts à les utiliser. Voilà ma réponse, madame la sénatrice.

La présidente [ - ]

Nous allons maintenant passer à la prochaine période de 10 minutes, qui sera partagée par le sénateur Smith et la sénatrice Martin.

Le sénateur Smith [ - ]

Bienvenue au Sénat, madame la ministre.

Alors que vous persistez à affirmer que vous pouvez emprunter et dépenser des sommes sans précédent parce que les frais de service de la dette n’ont jamais été aussi bas, le remboursement de la dette s’étirera sur une période plus longue, peut-être sur des dizaines d’années.

Selon les données de la Banque du Canada, vous avez dit plus tôt que l’encours total des titres et des emprunts du gouvernement du Canada, compte tenu de l’inflation, est d’un peu moins de 1,1 billion de dollars. Des rapports récents ont révélé que les taux d’intérêt sur la dette du gouvernement ont généralement grimpé à la suite des bonnes nouvelles sur l’étude d’un nouveau vaccin contre la COVID-19 de Pfizer. Pour mettre les choses en perspective, le taux sur les obligations du gouvernement du Canada sur 10 ans est passé de 0,64 à 0,75 % en une journée, ce qui a ajouté 1 milliard de dollars en frais d’intérêt à la dette gouvernementale totale.

Madame la ministre, étant donné que le Canada a dépensé plus que tout autre pays membre du G7 pendant la pandémie en pourcentage du PIB, le ministère des Finances a-t-il effectué des modélisations sur les répercussions de la hausse des taux d’intérêt sur la dette du gouvernement? A-t-on mis en place une stratégie de gestion de la dette?

Mme Freeland [ - ]

Je vous remercie de votre question, sénateur.

Oui, nous accordons une grande attention à notre stratégie de gestion de la dette. À l’heure actuelle, nous cherchons à éloigner les échéances de la dette pour tirer parti des taux d’intérêt très faibles dont jouit le Canada aujourd’hui. Comparativement à l’an dernier, la proportion des obligations émises sur plus de 10 ans a presque doublé, passant de 14 % à 26 %. Il s’agit du pourcentage d’émission à long terme le plus élevé jamais enregistré en valeur nominale.

Nous avons une stratégie minutieusement réfléchie pour tirer parti des faibles taux d’intérêt actuels sur le long terme. C’est une stratégie intentionnelle et, à mon avis, la bonne stratégie.

Je me félicite, sénateur, que le Canada ait offert un soutien important aux entreprises canadiennes et aux Canadiens. Nous parlons beaucoup des besoins des entreprises canadiennes; je pense que ces besoins sont pressants. Je pense également qu’en agissant maintenant pour aider les entreprises, nous allons prévenir des séquelles et certaines des faillites évoquées par la sénatrice du Manitoba. Plus nous pouvons en faire maintenant pour éviter les séquelles, plus notre reprise sera forte, rapide et robuste.

À mon avis, cette aide représente une dépense très judicieuse.

Le sénateur Smith [ - ]

Je voulais simplement vous entendre parler d’équilibre. C’était le but véritable de ma question. Je voulais voir si l’on tentait de trouver un juste équilibre entre les dépenses et l’alourdissement de la dette et savoir comment on comptait gérer la dette à l’avenir.

Passons à autre chose. Cette semaine, vous avez assuré au Comité sénatorial permanent des finances nationales qu’en ce qui concerne l’état des finances du pays, vous et le premier ministre avez la même opinion. Vous avez clairement dit que les mesures d’emprunt et de dépenses sont temporaires et que les bons gouvernements s’imposeront des limites.

Madame la ministre, y aura-t-il une cible budgétaire dans l’énoncé économique de l’automne, que votre gouvernement a promis et qui sera rendu public? Sinon comment pouvez-vous nous assurer que les dépenses sont temporaires?

Mme Freeland [ - ]

Merci beaucoup de votre question. Le premier ministre a été clair à cet égard. J’ai nettement indiqué, comme le premier ministre, que nous savons que les dépenses extraordinaires qui sont engagées pour vaincre la COVID-19 doivent être limitées et temporaires. Nous l’indiquerons encore plus clairement dans l’énoncé économique de l’automne.

Je tiens à dire clairement aux sénateurs ici présents et à tous les gens qui suivent de près la politique économique canadienne que le gouvernement est tout à fait conscient de la très solide réputation du Canada en matière de gestion financière sage et prudente. Il a fallu des décennies pour bâtir cette réputation. Je comprends qu’elle est très précieuse pour notre pays et je la protège avec beaucoup de zèle.

Le sénateur Smith [ - ]

Quand le Comité sénatorial permanent des finances nationales a mené son étude préalable du projet de loi C-9, des intervenants se sont dits préoccupés parce que les gouvernements fournissent peu de données ouvertes, transparentes et rapidement accessibles au sujet des confinements exigés par les autorités de la santé publique en lien avec la COVID-19. Beaucoup de propriétaires de petites entreprises ont de plus en plus l’impression qu’on les oblige à fermer leurs portes pour faire comprendre certaines choses à la population, et ce, sans leur fournir de données. Selon les témoignages, il est clair que les petites entreprises espèrent voir le gouvernement fédéral travailler de façon plus proactive avec les gouvernements provinciaux et les administrations locales afin de combler ce manque de données cruciales.

Madame la ministre, vous engagerez-vous, vous-même et vos collègues du Cabinet — plus précisément la ministre de la Santé et le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique —, à collaborer avec vos partenaires provinciaux et locaux pour que les petites entreprises reçoivent des données ouvertes et transparentes au sujet de la COVID-19 et pour trouver des façons novatrices de garder les petites entreprises ouvertes?

Mme Freeland [ - ]

Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Mes deux collègues et moi collaborons de très près avec nos homologues provinciaux. En fait, je dirais que l’un des points forts des mesures prises au Canada contre la COVID-19 a été la collaboration étroite entre tous les ordres de gouvernement. Je suis d’accord que les données sur le coronavirus sont très utiles, et plus nous disposons d’information, plus le pays, les citoyens et propriétaires d’entreprises seront efficaces dans leur lutte contre la pandémie.

Or, si je peux me le permettre, monsieur le sénateur, j’ai un immense respect pour les responsables de la santé publique partout au pays, et je respecte profondément les décisions très difficiles qu’ils doivent prendre pour notre bien commun, en ce moment même, en imposant des mesures restrictives additionnelles pour atténuer le plus possible la deuxième vague de ce virus mortel. Mon rôle en tant que ministre des Finances est de soutenir ces responsables, ainsi que les entreprises, en faisant ce qui est nécessaire pour combattre la deuxième vague du virus. Voilà une des raisons pour lesquelles ce nouveau supplément d’aide en cas de confinement est si important. Ainsi, les entreprises qui sont assujetties à des restrictions en cas de confinement pourront obtenir une subvention qui couvrirait jusqu’à 90 % de leur loyer. Elles ont besoin de cette aide, et je pense que les responsables de la santé publique ont besoin de savoir que cette aide sera accessible pour les entreprises de leur communauté.

Monsieur le sénateur, je crois fermement que la meilleure politique économique est une solide politique de santé publique. Si nous pouvons lutter contre le coronavirus et limiter sa propagation le plus rapidement possible, nous pourrons rouvrir tous les secteurs de notre économie. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de choisir entre la santé et l’économie. Je crois que prendre les bonnes décisions en matière de santé et agir avec rapidité et efficacité sont les fondements de la meilleure politique économique.

Le sénateur Smith [ - ]

S’il me reste quelques minutes, j’aimerais vous poser une question concernant un autre concept. Au Comité des finances, on nous a dit que les entreprises du domaine de la restauration et de celui de l’hébergement, c’est-à-dire les hôtels, sont déjà très durement touchées.

J’ai discuté avec mon fils, qui est propriétaire de quelques restaurants à Toronto, et selon lui, le problème ici n’est pas dans les restaurants. Le virus ne se propage pas dans les restaurants; il se propage dans les fêtes et les rassemblements privés. Il est primordial que les gens reconnaissent que les restaurants ne sont pas les coupables. La collecte des données utiles semble fondamentale pour parvenir à un revirement de situation.

Pourriez-vous nous donner une idée de l’engagement que vous prendrez? À mon avis, c’est une occasion pour vous de montrer votre leadership à titre de ministre des Finances. Je ne veux pas vous attribuer une responsabilité, mais ce leadership doit venir du centre et s’étendre vers la périphérie. Nous devons veiller à ce que les données soient adéquatement communiquées, de sorte que nous ne blâmions pas des innocents. Les industries de la restauration et de l’hébergement sont frappées très durement, et c’est pour cette raison qu’elles réclament une aide précise de votre part.

Mme Freeland [ - ]

Je crois que nous devrions éviter d’utiliser des termes comme « blâmer » et « coupable ». Je sais que vous n’aviez pas l’intention de jeter le blâme sur qui que ce soit, mais le fait que certaines activités économiques soient naturellement plus sûres que d’autres n’a rien à voir avec la culpabilité et le blâme. Il s’agit plutôt de savoir comment le virus se transmet. Il ne faut pas l’oublier.

En ce qui concerne Toronto plus précisément, j’ai le plus grand respect pour la Dre Eileen de Villa et le maire John Tory. Je suis députée de cette ville, et j’ai une très grande confiance en leur jugement et en leur capacité de prendre les bonnes décisions. Le projet de loi C-9 aidera les entreprises à faire les bons choix.

Le sénateur Boehm [ - ]

Je vous remercie, madame la ministre, de vous joindre à nous. Merci également de votre présence, monsieur Marsland. Je souhaite donner le temps de parole qu’il me reste à mon collègue, le sénateur Loffreda.

Madame la ministre, comme vous l’avez fait remarquer, de nombreuses entreprises ont bénéficié de la Subvention salariale d’urgence du Canada. Lors de votre comparution jeudi dernier devant le Comité des finances nationales, j’ai fait référence à de grandes entreprises, plus particulièrement des compagnies aériennes, qui ont mis à pied des employés, puis les ont réembauchés une fois la subvention en place pour finalement les congédier de nouveau lorsque les forces du marché ne leur ont plus été favorables.

En même temps, nous constatons la difficulté d’obtenir des données statistiques. D’autres sénateurs ont mentionné la question des données, mais aussi celle des prévisions. Nous pouvons toutefois compter dans une certaine mesure sur le Fonds monétaire international et la Banque du Canada. Je suis certain que vous avez lu l’article qui a paru sous la rubrique « Northern light » la semaine dernière dans The Economist et qui soulignait les difficultés que nous pourrions éprouver au moment d’établir nos prévisions.

Ma question portait donc sur le taux de réussite de la subvention salariale, mais je me demande également comment nous pourrions vérifier quelles entreprises parviennent réellement à obtenir des subventions, lesquelles n’y parviennent pas, et pourquoi. Par ailleurs, j’aimerais comprendre comment vous envisagez l’avenir pour les entreprises qui en ont bénéficié, alors que d’autres n’en ont peut-être pas bénéficié, et s’il y a là certains aspects que nous pourrions examiner en référence à la remarque du sénateur Smith sur l’industrie hôtelière, par exemple, et aussi sur les transports, qui vont mettre beaucoup de temps à revenir. Je vous remercie.

Mme Freeland [ - ]

Je suis très heureux de vous voir, sénateur Boehm. Merci pour cette question vraiment importante.

Je pense qu’un thème qui revient dans notre discussion d’aujourd’hui est l’impact variable du coronavirus, qu’il s’agisse des êtres humains ou des différents secteurs de l’économie. En effet, dans une analyse détaillée du ministère des Finances, il ressort que nous évoluons au sein d’une économie à plusieurs vitesses. En effet, certains secteurs de l’économie fonctionnent réellement et sont encore plus actifs — ils se portent même mieux qu’avant l’apparition du virus —, d’autres secteurs ont été touchés et se sont complètement rétablis, et finalement, certains secteurs sont encore réellement en difficulté.

Ce que nous avons tenté d’accomplir avec nos programmes, c’est de créer des mesures intrinsèquement ciblées par rapport aux pertes de revenus subies par l’entreprise. C’est pourquoi nous avons mis en place des formules en courbe permettant d’aider davantage les entreprises les plus durement touchées. Ainsi, l’entreprise qui a perdu 70 % ou plus de ses revenus est admissible à la subvention salariale maximale de 65 % et à la subvention pour le loyer de 65 %.

Les fonctionnaires du ministère des Finances ont créé des formules mathématiques très pointues pour établir une courbe descendante permettant de diminuer progressivement l’aide au fur et à mesure que la situation de l’entreprise s’améliore. C’est exactement ce que la situation demande et les programmes ont été essentiellement conçus pour aider ceux qui en ont le plus besoin, tout en évitant de créer des incitatifs imprévus. Vous vous demandez peut-être pourquoi il était important pour nous d’avoir cette courbe graduelle; c’est parce qu’elle nous permettrait d’éviter l’effet falaise : à savoir une situation où les entreprises seraient dissuadées de faire mieux parce qu’elles obtiendraient moins de subventions au titre des loyers ou des salaires.

La dernière mesure ciblée que je tiens à souligner est la nouvelle mesure de soutien liée au confinement. Comme nous l’a dit le sénateur Smith et comme me l’ont dit de nombreuses entreprises, la situation est très pénible pour les entreprises. Il est très pénible pour les responsables de la santé publique, les premiers ministres et les maires de voir le nombre de cas de coronavirus et de savoir qu’ils doivent imposer des restrictions supplémentaires. Cette mesure, que j’espère nous appuierons tous, contribuera à remédier à cette situation. La subvention de 90 % du loyer constitue une aide concrète pour les entreprises les plus durement touchées qui sont ciblées par le confinement. Ce sera une bonne chose.

Le sénateur Boehm [ - ]

Merci.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Une fois de plus, bienvenue au Sénat, madame la ministre. Beaucoup de sujets ont été abordés. Comme je l’ai dit au Comité des finances, j’appuie le projet de loi C-9, et je salue les modifications apportées à la subvention pour le loyer. Je sais que beaucoup d’entreprises sont du même avis. Je vous en remercie.

J’aimerais parler d’un secteur très important de l’économie canadienne, secteur que j’ai d’ailleurs évoqué au Comité des finances cette semaine, je veux parler des entreprises de technologies et des effets que le projet de loi C-9 aura sur celles-ci. Voilà des années que nous parlons d’économie numérique et la pandémie a accentué la nécessité pour les entreprises de prendre le virage numérique.

Nous devons soutenir les Canadiens et les entreprises d’ici dans la transition vers cette économie numérique. Comme vous le savez, dans ce monde numérique, les technologies sont la principale source de création de valeur. Les technologies ont une importance capitale.

Que fait le gouvernement pour soutenir les entreprises de haute technologie, y compris les entreprises de recherche-développement et d’intelligence artificielle qui stimuleront la productivité et la croissance dont nous aurons désespérément besoin au sortir de la pandémie? Ce secteur a un potentiel de croissance élevé. Il intéresse aussi mon collègue le sénateur Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse, qui m’a donné l’information ayant servi à la préparation de cette question. Merci, sénateur Deacon.

Par exemple, cherchez-vous à exploiter davantage les possibilités que pourraient offrir les encouragements fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental? Envisagez-vous de modifier les programmes Coinvestissements de BDC, qui n’ont approuvé à ce jour que 148 millions de dollars sur l’enveloppe de 300 millions de dollars? Merci.

Mme Freeland [ - ]

Merci beaucoup, sénateur, d’avoir posé cette question pertinente et d’y avoir inclus des suggestions.

Tout d’abord, en réponse à la question du sénateur Boehm, j’ai parlé des conséquences très inégales de la crise sur les divers secteurs. Parmi les secteurs qui se débrouillent particulièrement bien à l’heure actuelle, il y a ceux de l’économie numérique et de la technologie. Certaines entreprises de ces secteurs profitent du fait que nous menons notre vie bien plus à distance qu’avant d’être frappés par le coronavirus. Par exemple, nous préférons magasiner en ligne pour, entre autres, réduire au minimum nos interactions. La crise a vraiment embelli les perspectives économiques de certaines entreprises de ces secteurs. Il est bon pour le Canada d’avoir de telles entreprises.

Sénateur, comme vous, je crois que soutenir les entreprises des secteurs canadiens de l’économie numérique et de la technologie contribuera grandement à stimuler la productivité et fera partie intégrante du plan de relance post-COVID-19. Nous devons rebâtir en mieux et revenir en force. Nous devons nous servir de cette crise pour renforcer davantage les capacités du Canada en matière de haute technologie, de recherche et d’intelligence artificielle. Alors, oui, nous avons indéniablement plus de travail à faire, mais c’est quelque chose qui nous remplit d’enthousiasme.

En terminant, je dirais que c’est grâce à ces capacités que nous avons l’application Alerte COVID, qui est vraiment formidable. Je l’ai téléchargée sur mon téléphone et j’espère que c’est ce que tout le monde fera.

Le sénateur Loffreda [ - ]

C’est un excellent point.

La présidente [ - ]

Il vous reste une minute.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Merci de votre réponse. L’application Alerte COVID est formidable.

Les gens ont besoin d’être rassurés un peu. J’ai soulevé la question des cibles budgétaires. Je comprends que vous n’en ayez pas. C’est bien, je l’accepte. J’accepte aussi que vous n’ayez pas l’intention d’en établir, mais j’aimerais pouvoir rassurer les Canadiens. Pouvez-vous nous dire, afin de dissiper un peu nos inquiétudes, quels outils vous utilisez dorénavant pour surveiller les dépenses?

Je sais qu’on va nous présenter un portrait budgétaire à l’automne, mais tellement de choses peuvent arriver d’ici là. Des changements se produisent tous les jours. J’aimerais vous entendre un peu à ce sujet.

Mme Freeland [ - ]

Je vais vous donner un exemple, monsieur le sénateur. Lorsque les sénateurs et les entrepreneurs me disent que le nouveau programme d’aide pour le loyer devrait être rétroactif, je leur réponds que nous avons intérêt à nous concentrer sur l’avenir et non sur le passé si nous voulons utiliser nos ressources le plus efficacement possible.

Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que le coronavirus nous a mis dans une position...

La présidente [ - ]

Les dix prochaines minutes seront réparties également entre la sénatrice Wallin et le sénateur Downe.

La sénatrice Wallin [ - ]

Madame la ministre, je vais tenter d’être concise.

Dans ma province, les petites entreprises ont été frappées très durement par la première et la deuxième vagues. Quand je parle de petites entreprises, je ne veux pas dire les petites usines de fabrication. Je parle des petites entreprises familiales, de celles qui ont un, deux, voire trois employés. Dans les régions rurales, ces entreprises ont complètement épuisé leurs ressources et fonctionnent carrément sans argent.

Trois choses. Premièrement, même si les entreprises ne sont pas assujetties à des directives de la santé publique, leurs clients, eux, le sont, alors cela semble être une contrainte ou un obstacle superflu.

Deuxièmement, pourquoi ne pas simplement offrir à ces entreprises une aide financière qu’elles pourront utiliser comme bon leur semble plutôt que ces miettes dont certaines, en particulier les petites entreprises familiales, ne peuvent même pas se prévaloir?

Troisièmement, a-t-on proposé des modifications aux lois régissant les faillites qui pourraient aider les entrepreneurs qui le peuvent à se lancer de nouveau en affaires en leur laissant une marge de manœuvre un peu plus grande? Merci.

Mme Freeland [ - ]

Merci de ces excellentes questions. Je tiens à remercier la ministre des Finances de la Saskatchewan, avec qui j’ai eu des conversations très utiles, en particulier au sujet de l’aide pour le loyer.

Premièrement, pourquoi faut-il faire l’objet d’un ordre de confinement pour pouvoir bénéficier du pourcentage compensatoire de baisse de revenu? Cette disposition rend le programme très généreux, n’est-ce pas? Couvrir 90 % du loyer représente beaucoup d’argent, alors nous avions besoin d’un critère axé sur les entreprises directement touchées par un ordre de confinement. De plus, cette mesure a été créée pour aider les agents de santé publique à faire ce qui s’impose et pour que les maires, les premiers ministres provinciaux et eux sachent que, s’ils mettent en place de nouvelles mesures de confinement à cause du virus, de l’aide sera disponible. C’est la logique qui sous-tend la mesure.

Deuxièmement, pourquoi y a-t-il des approches ciblées, comme certaines mesures d’aide pour le loyer et certaines mesures d’aide pour les salaires? À mon avis, cela nous ramène à la discussion que nous avons eue dans cette aile du Sénat au sujet de l’équilibre que nous établissons en fournissant de l’aide aux entreprises. Il faut établir certains critères d’admissibilité. Nous devons savoir pourquoi les entreprises ont besoin d’argent et ce qu’elles en feront. À mon avis, appuyer le salaire des employés et les coûts fixes, le loyer étant le coût le plus important pour la plupart des entreprises, est un très bon critère sur lequel fonder les mesures d’aide.

En ce qui concerne la faillite, c’est une très bonne question. C’est un aspect que nous suivons de très près. Si les programmes que nous mettons en place sont bien conçus, le risque de faillites sera réduit partout au Canada. Toutefois, c’est un aspect que nous devons examiner.

La présidente [ - ]

Sénateur Downe, avez-vous une question?

Le sénateur Downe [ - ]

Madame la vice-première ministre, comme je l’ai mentionné précédemment quand votre microphone ne fonctionnait pas, l’Île-du-Prince-Édouard a très peu de cas de COVID-19 et un très faible taux de propagation. Nous nous réjouissons de cette situation. Les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard sont très reconnaissants et ils apprécient toute l’aide que le gouvernement fédéral leur a fournie. Des citoyens me le disent dès que je suis sur le terrain dans ma région. Cette aide a eu une incidence considérable. Évidemment, il y a des secteurs qui sont touchés et qui bénéficieront de ce projet de loi, ils pourront ainsi maintenir les progrès réalisés.

Cependant, un point pourrait améliorer ce projet de loi et c’est un changement dans la stratégie nationale. À l’heure actuelle, la majorité des fonctionnaires fédéraux travaillent à partir de la maison. À l’Île-du-Prince-Édouard, le gouvernement provincial a réussi à faire revenir un certain nombre de ses employés dans ses locaux. Si les fonctionnaires fédéraux pouvaient revenir au bureau, cela aiderait grandement les entreprises du centre-ville de Charlottetown et de Summerside. Comme vous le savez, nous comptons, entre autres, des équipes du ministère des Anciens Combattants. Les entreprises sont durement touchées par l’absence des fonctionnaires. Elles demeurent ouvertes, malgré le fait que, comme je l’ai indiqué, les clients travaillent à partir de la maison. Cependant, nos entreprises pourraient grandement bénéficier d’un retour des fonctionnaires dans les bureaux, peu importe où ils sont situés sur l’île. Peut-être qu’en tant que vice-première ministre, vous pourriez examiner cette question. Merci.

Mme Freeland [ - ]

Excellent point; félicitations à l’Île-du-Prince-Édouard et au Canada atlantique pour leur excellent travail. Vous êtes la Nouvelle-Zélande de l’Amérique du Nord, et nous pouvons tous apprendre beaucoup de vous. Je promets de soulever votre point auprès du ministre MacAulay, un autre fier résidant de l’Île-du-Prince-Édouard.

La présidente [ - ]

Les cinq prochaines minutes sont réservées à la sénatrice Bovey.

La sénatrice Bovey [ - ]

Bienvenue, c’est un plaisir de vous accueillir ici à nouveau.

J’ai une autre question concernant les critères d’admissibilité de la Subvention d’urgence pour le loyer du Canada. Dans le document d’information qui accompagnait le projet de loi, il est indiqué que les écoles d’art comptent parmi les entités admissibles. Il s’agit évidemment d’un terme général qui couvre de nombreux aspects de l’enseignement et de la formation de toutes les formes d’art : la musique, les arts visuels et le théâtre.

Pouvez-vous nous dire ce que le gouvernement a en tête et ce qu’est votre définition d’une « école d’art »? J’ai ensuite une petite question complémentaire.

Mme Freeland [ - ]

Je vous remercie pour la question et de votre attention aux détails.

Comme je l’ai dit dans mes observations préliminaires, lorsque nous pensons à ce soutien, nous pensons surtout aux entreprises, mais nous avons clairement indiqué que nous voulons que les organismes à but non lucratif et les organismes de bienfaisance soient également inclus.

En ce qui concerne la définition exacte d’« école d’art », j’ai vu M. Marsland fouiller dans ses papiers; il sera peut-être en mesure d’en parler plus en détail.

Andrew Marsland, sous-ministre adjoint principal, Direction de la politique de l’impôt, Finances Canada [ - ]

Merci, madame la ministre.

Pour préciser, le critère est qu’il doit s’agir d’un organisme de bienfaisance ou à but non lucratif enregistré. Une école d’art qui respecte ce critère serait admissible. Il n’y a pas de définition. Je pense qu’il s’agissait d’un simple exemple plutôt qu’une catégorie devant être définie.

La sénatrice Bovey [ - ]

Cette information est très utile. J’ai encore un peu de temps. J’ai une petite question à propos des artistes qui sont des entrepreneurs autonomes et le loyer de leur studio. Peuvent-ils obtenir l’aide de cette subvention pour le loyer?

Mme Freeland [ - ]

Je vais commencer et Andrew pourra terminer. Cela dépendrait de leur inscription en tant qu’entreprise.

Andrew, pourriez-vous entrer dans les détails?

M. Marsland [ - ]

Je pense que cela dépendrait de chaque situation. De façon générale, si l’entreprise a un compte de retenues sur la paie — ce qui ne serait probablement pas le cas dans l’exemple que vous avez donné — ou un numéro d’entreprise auprès de l’Agence du revenu du Canada, elle pourrait être admissible.

La présidente [ - ]

Vous avez encore deux minutes, sénatrice Bovey.

La sénatrice Bovey [ - ]

Je vais donc poser une question qui se rapporte aux arts. Comme nous le savons, la COVID a obligé de nombreuses galeries d’art commerciales au pays à fermer. Un des grands problèmes est que les artistes ont perdu des occasions de vendre leurs œuvres. Je suppose que les galeries commerciales, en tant qu’entreprises inscrites, peuvent demander l’aide au loyer.

Mme Freeland [ - ]

Tout à fait.

La sénatrice Bovey [ - ]

Je serai heureuse de donner cette information aux personnes que je représente au pays. Merci beaucoup. Voilà pour mes questions.

La sénatrice Bellemare [ - ]

Madame la ministre, merci d’être parmi nous aujourd’hui. J’ai une sous-question et ensuite, je céderai le reste de mon temps de parole à la sénatrice Jaffer.

On sait que la reprise économique sera longue et que le Canada aura besoin d’effectuer des changements structurels à son économie. À cet effet, on sait aussi que la formation de la main-d’œuvre représente un investissement incontournable afin d’assurer une reprise durable.

Le Conseil consultatif en matière de croissance économique mandaté par votre prédécesseur a évalué les besoins annuels en formation de la main-d’œuvre. Le conseil a constaté qu’il y avait un retard annuel de 15 milliards de dollars de l’investissement dans la formation des employés.

M. Trudeau a annoncé qu’il allait accorder un financement de 1,5 milliard de dollars pour un fonds de développement des compétences, mais ce fonds s’adresse surtout aux personnes vulnérables et aux chômeurs. Madame la ministre, pourquoi ne pas profiter du programme de subvention salariale et du projet de loi C-9 pour offrir davantage d’incitatifs fiscaux aux entreprises? Celles-ci pourraient investir dans la formation de leurs employés, qui sont actuellement sous-employés et qui ont des besoins criants en matière de mise à jour de leurs compétences essentielles, y compris leurs compétences numériques, afin de pouvoir mieux s’adapter à l’avenir.

Mme Freeland [ - ]

Je vous remercie de votre question, sénatrice.

Je suis d’accord en ce qui a trait à la formation, mais je ne suis pas d’accord en ce qui concerne le projet de loi C-9.

Je suis absolument d’accord pour dire que, en général, le Canada doit faire plus d’investissements dans la formation, surtout aujourd’hui. Nous avons commencé à recréer les emplois qui ont été perdus dans les pires moments de la crise, mais nous avons encore beaucoup de travail à faire. Il faut investir dans la formation, évidemment. Cela nous aidera à bâtir une meilleure économie après la crise. Je suis bien d’accord avec vous là-dessus. C’est le temps de le faire.

Par contre, je ne suis pas d’accord pour dire que le projet de loi C-9 est le meilleur outil pour le faire. Je voudrais souligner à quel point nos entreprises ont besoin d’aide immédiatement. Pour cette raison, nous avons essayé de créer des programmes très simples et très ciblés, sans y ajouter trop d’éléments.

Il ne s’agit pas d’un arbre de Noël; c’est un programme très ciblé qui a été créé pour aider nos entreprises aujourd’hui, alors que nous sommes en pleine pandémie. Cela dit, en général, j’appuie fortement l’idée d’investir davantage dans la formation.

La sénatrice Bellemare [ - ]

J’ai réalisé un sondage avec Nanos dont les résultats ont été publiés en janvier 2020. Nous avons évalué à 11,4 millions le nombre de Canadiens faisant partie de la main-d’œuvre. Certains travaillent et d’autres sont sans emploi, mais ces 11,4 millions de Canadiens sont considérés comme étant notre main-d’œuvre active. Ces gens voudraient avoir de la formation sur les compétences numériques et les compétences essentielles.

Nous donnons beaucoup d’argent aux entreprises. Jusqu’en décembre, vous prévoyez leur verser 68 milliards de dollars. Le coût de la formation correspond souvent au manque de revenus. Ne serait-il pas intéressant que votre ministère travaille avec le ministère de l’Emploi afin de trouver une façon de rentabiliser cet argent? Je vous remercie.

Mme Freeland [ - ]

Je vous remercie encore une fois. J’ajouterai que je travaille en étroite collaboration avec ma collègue la ministre de l’Emploi. Je suis totalement d’accord pour dire que la formation est très importante et que nous devons investir dans ce secteur. Quant au projet de loi C-9, je suis absolument convaincue qu’il nous faut, maintenant, en pleine pandémie, instaurer des programmes très simples et très ciblés. La cible de ce programme, c’est la survie de nos entreprises face à cette crise.

La sénatrice Bellemare [ - ]

Merci beaucoup, madame la ministre. J’ai terminé. Je cède le reste de mon temps de parole à la sénatrice Jaffer.

La sénatrice Jaffer [ - ]

Merci, madame la sénatrice, et merci, madame la ministre. C’est un grand honneur de parler à une femme qui est ministre des Finances.

Madame la ministre, je tiens à vous remercier pour tout ce que vous avez fait, à différents moments, pour répondre aux besoins des Canadiens. Il ne fait aucun doute que les Canadiens sont confrontés à d’immenses défis. Comme l’a dit la sénatrice Bernard — je poursuis dans la même veine qu’elle —, les communautés racisées sont aux prises avec des défis encore plus herculéens. Pendant l’été, le caucus parlementaire a demandé que tous les projets de loi soient soumis à une analyse fondée sur la race. J’aimerais savoir si vous avez fait une analyse de ce genre pour ce projet de loi.

Mme Freeland [ - ]

Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Le point central de votre analyse est tout à fait juste : la crise n’a pas les mêmes répercussions pour tout le monde. Les Canadiens racisés, en particulier, sont durement touchés. Nous avons toujours ce fait à l’esprit quand nous élaborons des politiques. Nous croyons fermement que ces politiques doivent rejoindre les gens là où ils sont et s’adapter à la terrible réalité de la crise du coronavirus.

Je crois, en effet, que le gouvernement doit s’employer davantage à recueillir des données désagrégées et à obtenir les renseignements dont il a besoin pour déterminer quelles personnes les programmes réussissent à rejoindre et lesquelles ont besoin de soutien. Je conviens qu’il y a encore du travail à faire dans ce domaine.

La sénatrice Jaffer [ - ]

Je vous remercie, madame la ministre, mais, ce que je voulais savoir, c’est : avez-vous soumis le projet de loi à une analyse en fonction de la race?

Mme Freeland [ - ]

Je vous répondrai, sénatrice, que nous sommes tout à fait conscients des répercussions que le coronavirus et l’espèce de récession qui en découle peuvent avoir sur les Canadiens racialisés et que nous en tenons compte dans toutes nos décisions. Nous avons d’ailleurs créé des programmes de soutien adaptés à leur réalité. J’admets toutefois, sénatrice, que le gouvernement pourrait en faire beaucoup plus pour recueillir des données qui lui permettraient de mener le genre d’analyse qu’il devrait mener, selon moi.

La sénatrice Jaffer [ - ]

Madame la ministre, je suis la première à admettre que le gouvernement libéral en fait beaucoup pour les Canadiens racialisés. Je déduis toutefois de vos réponses que ce projet de loi-ci n’a jamais fait l’objet d’une analyse en fonction de la race. Puis-je vous demander qu’à l’avenir, toutes les mesures législatives que vous présenterez soient d’abord soumises à une analyse en fonction de la race? Je vous remercie.

Mme Freeland [ - ]

Tout ce que je peux vous dire, c’est merci d’avoir posé la question et d’avoir rappelé qu’il nous faut des données désagrégées pour mener le type d’analyses que vous réclamez et qui, j’en conviens moi aussi, sont absolument essentielles. Elles sont toujours importantes, mais elles le sont encore plus dans le contexte actuel, car les données que nous avons nous apprennent que les Canadiens racialisés sont encore plus durement éprouvés que les autres par la pandémie, et ça, les programmes du gouvernement doivent en tenir compte.

La sénatrice Batters [ - ]

Madame la ministre Freeland, en août, le premier ministre Trudeau a prorogé le Parlement et, pour justifier son geste, il a affirmé que le gouvernement avait besoin de temps pour élaborer un programme d’aide aux petites entreprises.

En octobre, vous avez supplié les députés de ne pas défaire le gouvernement lors d’un vote de confiance, parce qu’il fallait adopter des mesures d’aide pour les petites entreprises, mais vous n’avez présenté le projet de loi C-9 que plusieurs semaines plus tard, au début du mois de novembre. Maintenant, malgré tous ces reports, le programme d’aide au loyer comporte toujours une grave lacune.

La semaine dernière et encore aujourd’hui, vous avez affirmé que vous alliez déposer un autre projet de loi afin de corriger les lacunes du projet de loi du gouvernement. Le projet de loi C-9 est présentement à l’étude au Sénat et le travail des sénateurs est de corriger les lacunes dans les projets de loi. Les petites entreprises ont besoin d’aide maintenant.

Alors, pour revenir un peu sur les pistes de réflexion laissées par le sénateur Carignan, pourquoi le gouvernement Trudeau tient-il à perdre encore plus de temps en présentant un nouveau projet de loi que la Chambre et le Sénat devront adopter plutôt que de proposer un amendement qui serait adopté par le Sénat pour corriger les problèmes du projet de loi C-9?

Mme Freeland [ - ]

Sénatrice, ce sera à chacun de nous de répondre à cette question. Ma réponse est que je parle chaque jour avec de petits entrepreneurs. Je crois que nous le faisons tous. Je sais qu’ils ont un urgent besoin d’aide. Je crois que le coronavirus et la deuxième vague frappent le pays plus durement que bien des gens l’avaient imaginé et à des endroits où la première vague n’avait pas été très forte. Mon objectif est d’offrir aux Canadiens l’aide dont ils ont besoin le plus rapidement possible.

Comme je l’ai dit aux sénateurs, grâce au vaillant travail des fonctionnaires canadiens, je peux vous assurer que si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle et qu’il entre en vigueur, les entreprises en profiteront pleinement et elles pourront entre autres se servir du loyer dû pour devenir admissibles au programme.

Je crois que la chose à faire pour soutenir les entreprises canadiennes est d’adopter le projet de loi aussi rapidement que possible. Évidemment, les sénateurs prendront la décision qui leur convient à ce sujet. Je sais que j’aurais du mal à expliquer aux entrepreneurs pourquoi ils devront attendre encore plus longtemps.

La sénatrice Batters [ - ]

Madame la ministre, j’essaie simplement de vous proposer une solution qui vous permettrait de gagner du temps et d’aider les petites entreprises canadiennes aussitôt que possible : apportez des amendements au projet de loi au lieu de nous demander de l’adopter avec des lacunes et d’en adopter un autre, tout nouveau, par la suite.

Madame la ministre, je passe à une autre question. Le mari de la chef de cabinet du premier ministre, Rob Silver, est un premier vice-président de la société MCAP, qui a décroché le contrat, d’une valeur de plusieurs millions de dollars, pour administrer le premier programme de subvention au loyer du gouvernement Trudeau, programme que Dan Kelly a qualifié de « désastreux » devant le Comité sénatorial des finances, la semaine dernière.

Veuillez nous indiquer le montant : combien d’argent la société de Rob Silver a-t-elle reçu pour administrer le premier programme de subvention au loyer du gouvernement Trudeau?

Mme Freeland [ - ]

Comme vous le savez, madame la sénatrice, nous débattons d’un nouveau programme de subvention au loyer qui aidera directement les entreprises, par l’entremise de l’Agence du revenu du Canada. C’est ce que les entreprises ont demandé, et je crois qu’il s’agit de la bonne approche à adopter. Je suis ravie de faire avancer ce projet de loi.

La sénatrice Batters [ - ]

Madame la ministre, je crois que nous aimerions aussi connaître, comme les contribuables, le montant d’argent que cette entreprise a reçu pour gérer le premier programme de subvention pour le loyer du gouvernement Trudeau, qui, je le rappelle, a été qualifié de désastre par Dan Kelly, le président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. C’est là une question légitime à laquelle les contribuables sont en droit d’attendre une réponse alors que nous débattons du deuxième programme de subvention pour le loyer, qui sera bientôt modifié.

Mme Freeland [ - ]

Sénatrice, je me réjouis que nous ayons trouvé un moyen d’offrir une aide au loyer des entreprises directement aux locataires. Je crois que cela simplifiera les choses considérablement et nous permettra d’aider plus d’entreprises. Je me réjouis également que nous ayons trouvé une façon de faire parvenir cette aide par l’intermédiaire des vaillants fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada. Nous avons constaté qu’ils étaient en mesure de le faire avec la PCU et la subvention salariale. Ce sont les bonnes personnes pour accomplir cette tâche.

Le sénateur Patterson [ - ]

Merci, madame la ministre, d’être des nôtres aujourd’hui.

En octobre, j’ai mené un sondage auprès des entreprises du Nunavut afin de savoir comment elles se portaient pendant la pandémie, car malheureusement, comme vous le savez, la pandémie frappe maintenant le Nunavut de façon alarmante. Seulement un des 162 répondants a reçu l’aide pour le loyer commercial, alors que deux autres ont présenté une demande qui a été refusée. Ce n’est pas le genre d’aide que les gens du Nunavut ont réclamée. Les mesures d’aide les plus accessibles étaient celles axées sur les subventions salariales, mais même ces mesures étaient insuffisantes, et 88 % des répondants s’inquiètent encore pour la survie de leur entreprise dans un milieu où les coûts sont très élevés.

Selon l’économiste principal de la Chambre de commerce du Canada, l’approche uniforme en matière de programmes d’aide ne sera pas viable jusqu’en 2022, et elle pourrait ne pas être particulièrement utile à ce stade de la pandémie.

Mon sondage a permis de confirmer qu’il faut offrir de l’aide à des secteurs parmi les plus durement touchés, comme les secteurs de l’hébergement et de l’hôtellerie, qui offrent des services essentiels dans nos collectivités éloignées, ainsi que les secteurs du tourisme, des arts et du divertissement. Pourriez-vous nous dire quelles mesures sont prises par le gouvernement pour répondre aux besoins particuliers de ces industries?

Mme Freeland [ - ]

Merci beaucoup pour votre question, monsieur le sénateur. Je pense que nous sommes tous très conscients des nouveaux défis auxquels le Nunavut est confronté. J’aimerais saisir cette occasion pour féliciter la population et les dirigeants du Nunavut de l’incroyable travail qu’ils ont fait jusqu’à présent pour lutter contre le coronavirus et leur dire que nous les aiderons à traverser cette nouvelle épreuve. Je suis heureuse que vous ayez mentionné ce point d’entrée de jeu.

C’est une question à plusieurs facettes. En ce qui concerne l’aide pour le loyer, comme nous l’avons dit, le programme que nous proposons ne fait pas participer le locateur. L’argent ira directement aux locataires. J’espère sincèrement que d’autres entreprises au Nunavut pourront bénéficier de cette aide.

Compte tenu des nouvelles mesures de confinement qui ont été mises en place, je pense que les entreprises nunavoises peuvent accéder dès maintenant à des prestations supplémentaires. Les entreprises admissibles pourront obtenir une subvention totalisant jusqu’à 90 % du prix de leur loyer. C’est précisément pourquoi la mesure législative est si importante et urgente. Ces entreprises en ont besoin de cette aide maintenant et j’espère vraiment que nous serons en mesure de la leur fournir bientôt.

Maintenant, monsieur le sénateur, en ce qui concerne la question des programmes généraux et des aides supplémentaires, permettez-moi de souligner que ces programmes — c’est-à-dire la subvention salariale et l’aide au loyer — fournissent une aide ciblée. Plus vos pertes sont importantes, plus vous recevez d’aide. Par conséquent, si vous avez subi une perte de revenus de 70 % ou plus, 65 % de votre loyer ou de votre salaire est couvert, et cette couverture peut atteindre un maximum de 90 % s’il y a un ordre de confinement. Il s’agit d’une forme de ciblage très importante et efficace.

Les organismes de développement régional ont également été très actifs et ont soutenu plus de 34 000 entreprises partout au Canada dans des cas très précis où une entreprise avait besoin de soutien, mais était laissée pour compte.

Le sénateur Patterson [ - ]

J’ai une brève question, si vous le permettez, madame la présidente, et je vous remercie de votre réponse. Je crois comprendre qu’une mesure législative sera présentée dans le futur pour corriger les lacunes du programme d’aide pour le loyer commercial. Je me demande si nous allons songer à inclure, dans ce projet de loi, des dispositions visant à remédier au problème que j’observe depuis le début, soit l’absence d’aide pour les entreprises qui ne génèrent pas de revenus, par exemple, les petites sociétés d’exploration minière et certains secteurs de l’industrie de la construction, dont le modèle d’affaires ne génère pas de revenus. Selon moi, ces entreprises auraient dû bénéficier d’une aide dès le début.

Mme Freeland [ - ]

Je vous remercie de soulever cette question, sénateur, et je sais à quel point ce secteur est important dans le Nord. Nous pouvons certainement examiner les mesures qui pourraient être appropriées pour ce secteur.

En ce qui a trait au projet de loi C-9, mon objectif est de prendre des mesures très ciblées, et je me suis engagée envers vous et envers l’ARC à présenter un amendement ciblé et axé expressément sur le loyer à payer. Je pense qu’il faut se montrer très stricts et très disciplinés pour faire en sorte que ce programme très important soit mis en œuvre.

La présidente [ - ]

Pour le prochain bloc de 10 minutes, nous avons le sénateur Forest.

Le sénateur Forest [ - ]

Merci beaucoup de votre présence. Vous avez parlé avec beaucoup de justesse du programme de subvention salariale. C’est un programme ciblé et très précis, ce qui signifie que plus les pertes des entreprises sont grandes, plus l’aide est importante. D’ailleurs, je vous ai posé une question à ce sujet quand vous avez comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales; à mon avis, quand nous voyons une situation où une entreprise a reçu d’un côté plus de 63 millions de dollars grâce à la subvention salariale et que, d’un autre côté, elle verse 46 millions de dollars en dividendes, il me semble tout à fait immoral, dans un contexte où des entreprises essaient de survivre, qu’un programme permette à des entreprises qui reçoivent une aide tout à fait exceptionnelle de verser en même temps des sommes aussi importantes en dividendes à leurs actionnaires. Dans les amendements ciblés que vous comptez apporter pour raffiner le projet de loi, serait-il possible d’envisager d’interdire à ces entreprises, premièrement, si elles reçoivent la Subvention salariale d’urgence du Canada, de verser des dividendes à leurs actionnaires et, deuxièmement, de les empêcher de verser des primes extraordinaires à leurs hauts dirigeants? Avec les fonds publics, nous visons le maintien des emplois et la survie des entreprises des travailleurs ordinaires, et non pas des actionnaires ou des hauts dirigeants.

Mme Freeland [ - ]

Je vous remercie de la question. J’aimerais commencer en disant que, avec la Subvention salariale d’urgence du Canada et la Subvention d’urgence pour le loyer du Canada, nous voulons aider le plus grand nombre d’entreprises possible au pays. Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir un programme très ciblé, très simple et comportant peu de conditions. Plus il y aura des conditions à remplir, plus il sera difficile de fournir cette aide de façon efficace et rapide. Pour cette raison, je comprends que beaucoup de sénateurs ont de bonnes idées sur la manière dont nous pourrions utiliser ces programmes pour faire beaucoup de choses, comme de la formation, et pour réaliser d’autres objectifs, mais je crois que, pour qu’un programme serve réellement à aider les entreprises, il est important qu’il soit très simple.

Cependant, je veux vous assurer que, lorsque nous accordons une aide spécifique à une compagnie, à un niveau plus élevé, comme dans le cas du programme CUGE, nous mettons en place les conditions que vous avez suggérées et nous observons également les actions posées par ces entreprises pour répondre au changement climatique. Je pense que, lorsque nous créons des programmes d’aide spécifiques comme ceux-là, il est absolument essentiel que ces conditions soient respectées.

Le sénateur Forest [ - ]

Madame la ministre, il faut viser le plus de gens possible, mais je ne parlais pas de faire d’autres activités. À mon avis, il est tout simplement immoral, comme citoyen corporatif, de penser à verser des dividendes dans un tel contexte. Il faut simplement s’assurer de distribuer les fonds publics de la manière la plus efficace possible et il faut également que les mesures que nous adoptons touchent ceux et celles qui en ont vraiment besoin, pour que l’économie canadienne puisse mieux traverser cette crise historique.

La présidente [ - ]

Sénateur Forest, vous partagez bien votre temps de parole avec la sénatrice Simons?

Le sénateur Forest [ - ]

Oui.

Ma question concerne la façon dont nous allons faire savoir aux Canadiens que ces prestations leur sont offertes. Les gens en savent très peu au sujet de la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et de la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants, et cela m’inquiète. Les habitants de ma province n’en ont pas beaucoup entendu parler. Je me demande si des mesures sont prévues pour mieux faire connaître ces nouvelles prestations aux personnes qui pourraient en bénéficier.

Mme Freeland [ - ]

C’est une très bonne question, madame la sénatrice, et ce que vous racontez me trouble également, car j’ose espérer que, partout au pays, on sait qu’il y a ces prestations versées directement aux Canadiens et qu’on peut en faire la demande, donc merci de m’aviser que ce n’est pas une information très répandue.

En ce qui a trait à ces nouveaux programmes, écoutez, je peux confirmer aux sénateurs que je serai très présente sur le terrain pour en parler. Je suis convaincue qu’ils sont absolument essentiels alors que notre pays lutte contre une deuxième vague intense. J’espère que vous veillerez avec moi à ce que les entreprises soient au fait du soutien à leur disposition.

Je crois que le sénateur soulève un point très important, soit qu’il faut informer les Canadiens de l’existence de ces mesures, et j’ajouterais plus précisément, puisque nous parlons aujourd’hui des mesures d’aide aux entreprises, qu’elles peuvent grandement contribuer au climat de confiance au sein de l’économie. J’espère sincèrement que les entreprises auront ainsi la confiance nécessaire pour prendre les décisions difficiles qui s’imposent afin de survivre à l’hiver. Comme nous le savons tous, l’enthousiasme naturel compte en économie, tout comme la confiance, donc il est important de veiller à ce que les gens sachent qu’ils ont accès à ce soutien.

Merci beaucoup.

La présidente [ - ]

Honorables sénateurs, le comité siège maintenant depuis 125 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat plus tôt aujourd’hui, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.

Madame la ministre, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être jointe à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier le fonctionnaire de votre ministère.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que les témoins ont été entendus?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

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