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Projet de loi sur le Mois du patrimoine libanais

Deuxième lecture--Ajournement du débat

7 juin 2022


L’honorable Jane Cordy [ - ]

Propose que le projet de loi S-246, Loi instituant le Mois du patrimoine libanais, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, le Canada doit une bonne partie de son riche patrimoine aux immigrants qui sont partis des quatre coins du globe pour venir s’installer ici et réaliser le rêve d’une vie meilleure, pour eux et pour leur famille.

Le projet de loi S-246 vise à souligner et à célébrer l’histoire des Canadiens d’origine libanaise et leur contribution à notre pays.

Comme le dit le préambule du projet de loi, les Canadiens d’origine libanaise contribuent de manière importante, tant sur les plans social, économique, culturel, religieux, militaire, philanthropique que politique, au tissu social de notre pays ainsi qu’à la force, à la résilience et à la diversité de nos communautés, et ce, depuis plusieurs générations.

Chers collègues, je tiens avant toute chose à saluer la députée d’Halifax-Ouest, Lena Metlege Diab, dont le leadership a été absolument crucial dans ce dossier.

Mme Diab est depuis longtemps une personnalité influente dans son coin de pays et elle est très active au sein de la communauté libanaise d’Halifax. En 2010, la chambre de commerce libanaise de la Nouvelle-Écosse lui a remis le prix de Professionnelle par excellence de l’année.

Elle a aussi occupé la présidence de la société libano-canadienne d’Halifax à plusieurs reprises depuis 1993. C’est notamment elle qui était à la tête de l’organisme quand celui-ci a fêté son 75e anniversaire, en 2013.

Honorables sénateurs, selon les données du recensement de 2016 concernant les répondants qui se sont identifiés comme libanais, le Canada compte 220 000 Canadiens d’origine libanaise. Toutefois, des estimations non officielles d’Affaires mondiales Canada situent ce nombre entre 200 000 et 400 000. Les plus grandes communautés libanaises se trouvent à Montréal et à Toronto. La reconnaissance et la célébration d’un mois du patrimoine libanais encourageront les Canadiens d’origine libanaise de tout le pays à partager leurs histoires, leurs traditions et leur culture avec tous les Canadiens.

Avec l’adoption du projet de loi, chaque année, partout au Canada, le mois de novembre sera désigné Mois du patrimoine libanais.

Honorables sénateurs, pourquoi faire du mois de novembre le Mois du patrimoine libanais? Depuis des temps immémoriaux, la région de l’actuel Liban a été sous la domination d’un certain nombre d’empires, de dynasties ou de puissances coloniales.

En 1920, la région est passée sous la domination coloniale française. En 1940, pendant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement de Vichy, installé par les nazis, a pris le pouvoir au Liban. La guerre s’est poursuivie, et le gouvernement de Vichy a été destitué en 1941 alors que le contrôle nazi sur l’Europe s’effritait et que les forces alliées gagnaient du terrain dans la région.

Le général Charles de Gaulle s’est rendu au Liban peu après que la France de Vichy ait abandonné le contrôle de la région. Les dirigeants nationaux du Liban ont demandé l’indépendance à de Gaulle. Le 26 novembre 1941, le général Georges Catroux, délégué par de Gaulle, a proclamé l’indépendance du Liban.

Toutefois, cette proclamation était essentiellement un geste vide, car la France a maintenu le contrôle administratif et politique de la région. Après des élections nationales au début de novembre 1943, le premier point à l’ordre du jour du nouveau gouvernement, pour défier la France, était de modifier la Constitution libanaise pour abolir le mandat français au pays.

Le 11 novembre 1943, le drapeau libanais a été hissé pour la première fois au Liban.

Le gouvernement français a réagi en arrêtant et en emprisonnant le président, le premier ministre et plusieurs autres ministres nouvellement élus.

Toutefois, vu l’immense pression exercée par d’autres pays et par ses alliés en temps de guerre, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, les États arabes et l’Union soviétique, la France n’a eu d’autre choix que de changer son fusil d’épaule. Le matin du 22 novembre 1943, la France a libéré ses prisonniers politiques et, après 23 ans de régime colonial français, le Liban est officiellement devenu un État indépendant.

Depuis, le 22 novembre est la date où l’on célèbre l’indépendance du Liban. Le mois de novembre revêt une grande importance pour la population du Liban, pour les ressortissants libanais et pour leurs descendants partout dans le monde.

Honorables sénateurs, en 2018, ma province, la Nouvelle-Écosse, est devenue la deuxième province à désigner le mois de novembre comme étant le Mois du patrimoine libanais. L’Ontario a été la première province à le faire en 2017.

La Nouvelle-Écosse possède une importante communauté libanaise dont l’histoire est très riche. Bon nombre des premiers immigrants libanais au Canada ont débarqué en Nouvelle-Écosse dès la fin des années 1800 et ont décidé de s’y établir en permanence.

En 2018, on a dévoilé une statue commémorant les immigrants libanais à Halifax. Elle représente un voyageur libanais qui porte un habit traditionnel. La plaque qui accompagne la statue porte ce message :

Ce monument représente le symbole universel de la communauté libanaise, fière, forte et unie dans le monde. La statue rend hommage aux premiers colons libanais qui se sont installés dans ce pays il y a 130 ans, y tissant des liens de loyauté, de foi et de persévérance. Nous sommes reconnaissants à la communauté néo-écossaise pour les liens d’amitié durable que nous avons établis dans notre nouveau pays, le Canada.

La Nouvelle-Écosse accueille également la Canadian Lebanon Society d’Halifax, l’une des plus anciennes sociétés libanaises en Amérique du Nord.

La fin de semaine dernière, la 15e édition du Festival des cèdres a eu lieu à Halifax. Ce festival libanais annuel s’est tenu pour la première fois en 2006, le fruit du travail du père Pierre Azzi et du conseil de la paroisse Notre-Dame du Liban. Le mandat du Festival des cèdres est le suivant :

[...] promouvoir et favoriser la culture et les traditions libanaises comme parties intégrantes de la mosaïque multiculturelle du Canada, en plus d’offrir une occasion aux Canadiens d’ascendance libanaise de renouer avec leurs riches racines ancestrales. Le Festival des cèdres est une occasion pour les familles et pour tous les groupes d’âge de se rassembler et de découvrir la culture et le patrimoine dans un environnement amusant, libre et sécuritaire.

Honorables sénateurs, samedi dernier, mon époux et moi avons passé l’après-midi au Festival des cèdres. C’était une célébration formidable par un temps ensoleillé; il y avait des danses et des jeux pour les enfants. Évidemment, on pouvait y déguster des plats libanais traditionnels. Mais le mieux, c’était de voir de nombreux visages souriants et des gens chaleureux.

En cette première édition du festival depuis la COVID, les participants avaient le sentiment unique de se retrouver enfin. Quand le festival a été annulé en 2020, la communauté s’est concertée pour faire don de 2 000 repas libanais à des premiers répondants, à des travailleurs de la santé et à des organismes de charité.

Honorables sénateurs, l’histoire du Canada a été marquée par l’immigration. Des gens du monde entier ont quitté leur terre natale, certains par choix, mais un trop grand nombre parce qu’ils y étaient forcés par les circonstances, pour bâtir une nouvelle vie au Canada.

Nous savons que l’immigration enrichit la société canadienne, qu’elle fait croître l’économie des collectivités grandes ou petites, urbaines, rurales ou éloignées, et qu’elle renforce le commerce et les liens culturels que le Canada entretient avec d’autres pays.

Le Canada n’est pas vraiment le creuset dont on nous a parlé lorsque nous étions enfants. Il ressemble plutôt à une grosse salade dans laquelle chaque culture ajoute un nouvel ingrédient et une nouvelle saveur. Les diverses cultures ne se perdent pas comme elles le feraient dans un creuset. Elles se conjuguent plutôt pour former une saveur typiquement canadienne.

Honorables sénateurs, en 2015, le Halifax Partnership et la Chambre de commerce Canada-Liban ont publié un rapport intitulé Economic Benefits of Immigration : The Impact of Halifax’s Lebanese Community. Ce rapport visait à fournir une étude de cas et un sommaire des effets qu’ont les immigrants sur l’économie du Canada et sur celle d’Halifax, en mettant l’accent sur l’expérience libanaise à Halifax.

Selon l’Enquête nationale auprès des ménages, la communauté libanaise à Halifax comptait 4 500 personnes en 2015. Des estimations non officielles situent toutefois ce nombre à près de 7 000.

La communauté libanaise représente officiellement 3,75 % de la population d’Halifax, et près de 20 % de ses membres sont des travailleurs autonomes. La chambre de commerce libanaise d’Halifax comprend de nombreux propriétaires de restaurants, d’épiceries et de dépanneurs, ainsi que d’entreprises de construction et de développement immobilier. Ce sont des innovateurs et des entrepreneurs.

Selon les estimations du rapport, les promoteurs de la communauté libanaise ont réalisé des projets de construction totalisant près de 4 milliards de dollars en Nouvelle-Écosse de 2005 à 2015, et ce montant a augmenté considérablement depuis. Le rapport estime également que les emplois directs et indirects liés à la communauté libanaise d’Halifax et aux activités connexes dans cette région représentent de 4 000 à 5 000 emplois à temps plein.

Honorables sénateurs, la communauté canado-libanaise, comme toutes les communautés d’immigrants qui ont choisi de s’installer ici, a grandement contribué au tissu social et à l’enrichissement de la culture du Canada. Dans ma province, les entreprises libanaises ont laissé une marque indélébile sur la ville d’Halifax avec des projets de construction de milliards de dollars.

N’oublions pas une autre contribution culturelle importante à ma province. La petite histoire veut que, en 1901, l’immigrant libanais George Shebib ait introduit le jeu de cartes officieux de Cap‑Breton : le tarabish. Pour ceux d’entre vous qui viennent de Cap‑Breton, vous avez probablement tous joué à ce jeu. Je sais que, encore aujourd’hui, de nombreux habitants de Cap-Breton prennent plaisir à s’installer à la table de cuisine pour jouer une partie de tarabish avec des amis.

Honorables sénateurs, j’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer ce projet de loi en reconnaissance de la riche histoire de la communauté libanaise et de ses importantes contributions à la société canadienne. J’ai hâte d’en savoir plus sur les contributions des Canadiens d’origine libanaise dans votre coin de pays. Merci.

Honorables sénateurs, je suis ravie de prendre la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-246, Loi instituant le Mois du patrimoine libanais. C’est plutôt égoïste de ma part parce que le projet de loi de la sénatrice Cordy me donne une merveilleuse occasion de vous parler davantage de l’histoire albertaine que j’aime.

Je veux vous ramener en 1905, l’année où l’Alberta est entrée dans la Confédération. La province était en plein essor avec l’arrivée de vagues de colons pionniers. En 1901, l’Alberta ne comptait que 73 000 habitants. Cependant, en 1905, ce nombre avait plus que doublé, passant à 160 000.

Parmi les nouveaux arrivants cette année-là, il y avait le jeune Alexander Hamilton. Non, pas le père fondateur sans père sur le billet de 10 dollars américains, le révolutionnaire américain immortalisé dans une chanson de rap par Lin-Manuel Miranda. Je parle du Alexander Hamilton albertain, dont les aventures sont tout aussi incroyables.

Notre Alexander Hamilton, dont le nom de naissance était Ali Ahmed Abouchadi, est arrivé en Alberta en 1905, après avoir quitté sa maison dans la vallée de la Bekaa, au Liban. Il avait à peine 12 ans.

Son oncle Sine Abouchadi et lui sont arrivés en Alberta en passant par Winnipeg. Ils espéraient devenir riches grâce aux champs aurifères du Klondike. Voyant que la ruée vers l’or était terminée depuis presque une décennie, ils ont décidé de devenir des commerçants de fourrures itinérants, achetant des peaux à des trappeurs cris et métis dans les environs de Lac La Biche, pour les vendre à Edmonton.

Alors qu’Ali n’avait que 16 ans, son oncle a décidé de retourner au Liban, obligeant l’adolescent à se débrouiller seul dans l’Ouest. Ali, qui avait alors pris le nom d’Alexander, a fait fortune — et je dis bien fortune — comme commerçant de fourrures, marchand, agriculteur, vendeur de bovins, puis, finalement, comme l’un des premiers vendeurs d’automobiles Ford de l’Alberta. Il a été l’un des premiers pionniers libanais à s’établir en Alberta. Les immigrants ne chôment pas.

Après lui, de nombreux autres immigrants de la plaine de la Bekaa, certains inspirés par le succès obtenu par M. Hamilton, sont venus s’établir dans la province à leur tour. C’est ainsi que des Hamdon, Tarrabain, Shaben, Saddy, Mouallem, Kazeil, Chadi, Awid, Johma, Amerey, Haymour, Salloum et Darwish, cousins, amis, beaux-parents et voisins, ont quitté, les uns après les autres, des villages libanais comme Lala, Qab Elias et Kherbet Rouha, pour immigrer au Canada.

Ces marchands, boutiquiers, commerçants de fourrures, agriculteurs, éleveurs et restaurateurs ont quitté leur foyer, à l’autre bout du monde, pour s’établir dans une vaste contrée inconnue.

Pour les peuples autochtones de l’Alberta, qui avaient conclu des traités, cette vague d’immigrants venus s’établir sur leur territoire a eu des conséquences extrêmement pénibles et injustes. Toutefois, les nouveaux arrivants libanais ont appris le cri et le déné et ont forgé des liens d’amitié solides avec les Premières Nations et les Métis qu’ils ont rencontrés tandis qu’ils se bâtissaient une nouvelle vie en tant que commerçants à Lac La Biche, à Fort Chipewyan, à Fort McMurray, à Athabasca et à High Prairie, navigant sur les rivières jusque dans les Territoires du Nord-Ouest à la recherche des meilleures fourrures.

Quand on pense aux commerçants de fourrures, aux colons et aux éleveurs — les pionniers de l’Alberta —, on ne pense peut-être pas immédiatement aux immigrants libanais. Or, il y avait des colons libanais en Alberta quand cette dernière est devenue une province. Ils ont jeté les bases de la province multiculturelle dynamique qu’elle est devenue. Sans leur apport, l’Alberta ne serait pas la province que nous connaissons aujourd’hui.

Les premiers à arriver étaient des hommes célibataires. Cependant, les femmes ont rapidement suivi et ont laissé leur marque sur leur nouvelle patrie; des femmes telles que la formidable Hilwie Jomha Hamdon. Née en 1905, au Liban, Hilwie a déménagé dans le Nord de l’Alberta en tant que jeune mariée de 17 ans pour y rejoindre son époux, Ali Hamdon, un commerçant de fourrures prospère qui l’a accueillie, à son arrivée, avec un long manteau de fourrure de martre.

Le couple a passé le début de sa vie matrimoniale à Fort Chipewyan, une collectivité principalement autochtone dans le Nord de la province. C’est là que Hilwie a forgé des relations durables avec ses voisins autochtones, qu’elle a appris à parler le cri et le chipewyan. Un article paru dans l’Edmonton Journal en 1964 rapportait qu’un des chefs locaux avait surnommé Hilwie « la meilleure femme blanche de tout le Nord ».

Hilwie recevait chez elle les pilotes de brousse célèbres comme « Wop » May et « Punch » Dickins. Cependant, à mesure que sa famille grandissait, Hilwie voulait une meilleure éducation pour ses six enfants et elle a insisté pour que la famille déménage à Edmonton, où elle est rapidement devenue une leader de la communauté libanaise en croissance dans la capitale.

Peut-être le saviez-vous déjà, mais c’est à Edmonton qu’a été construite la première mosquée au Canada, la mosquée Al Rashid. Ce que vous ignoriez peut-être, c’est que c’est Hilwie Hamdon qui avait mené la campagne de séduction pour la construction de cette mosquée.

Elle a convaincu le maire d’Edmonton de l’époque, John Fry, que la ville devait faire don d’un terrain. Elle a ensuite convaincu les musulmans et les Arabes de toute l’Alberta et de la Saskatchewan, ainsi que les Edmontoniens de toutes les confessions et de toutes les origines, de faire des dons à la mosquée et elle a recueilli les 5 000 $ nécessaires pour la construction.

La mosquée a été construite par l’entrepreneur canadien d’origine ukrainienne Mike Drewoth. Comme il n’avait jamais vu de mosquée, Mike a conçu la mosquée Al Rashid à l’image d’une église ukrainienne avec ces dômes bulbeux caractéristiques des églises chrétiennes d’Orient, c’est-à-dire avec un dôme dans le haut de chaque minaret. On n’aurait pas pu s’imaginer un édifice aussi unique à Edmonton. Il fusionnait les cultures et les esthétiques libanaises et ukrainiennes pour former un tout harmonieux.

La mosquée Al Rashid a ouvert ses portes en 1938. Elle se trouve aujourd’hui dans le parc Fort Edmonton, le musée d’histoire vivante d’Edmonton, où de jeunes guides musulmans offrent des visites et des activités durant l’été pour faire découvrir aux touristes et rappeler aux Edmontoniens les racines libanaises et musulmanes de la ville. En 2017, le conseil des écoles publiques d’Edmonton a ouvert l’école Hilwie Hamdon en l’honneur de cette remarquable militante edmontonienne de l’éducation et de l’inclusion.

Même si bon nombre des premiers colons albertains étaient musulmans, d’autres étaient chrétiens ou druzes, et ils n’étaient certainement pas tous des commerçants de fourrures nordiques.

Par exemple, Isper Shacker a fait ses débuts dans la petite ville albertaine d’Hanna, où il exploitait le cinéma local. Il est plus tard devenu maire de Hanna. Même s’il était chrétien et non musulman, il s’est rendu à Edmonton pour participer à l’inauguration de la mosquée Al Rashid en tant qu’invité d’honneur.

William Haddad, le fils d’Abdelnoor Farhat Haddad, un commerçant libanais, a obtenu un diplôme de droit de l’Université de l’Alberta en 1941, devenant l’un des premiers avocats libanais du Canada. Il est entré dans la marine pendant la Seconde Guerre mondiale, il a été président de l’Association du Barreau d’Edmonton, premier président de la Commission de police d’Edmonton, vice-président de la Commission des valeurs mobilières de l’Alberta et, enfin, juge de la Cour d’appel de l’Alberta — un des premiers juges arabes au Canada.

Toujours dans la pratique du droit, le mois dernier, Bob Aloneissi, un avocat d’Edmonton et leader communautaire fils d’immigrants libanais, a été nommé à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, devenant, je crois, le premier juge druze de l’Alberta.

Évidemment, les vagues d’immigrants des années 1950 et 1970 sont venues gonfler les rangs des pionniers libanais en Alberta et cette immigration se poursuit encore de nos jours.

En 1969, la population musulmane à Lac La Biche représentait 10 % de la population totale de la ville, soit la plus grosse proportion de musulmans par habitant de toutes les villes nord‑américaines de l’époque. Aujourd’hui, une personne sur six à Lac La Biche a des racines libanaises et la ville affirme que c’est elle qui a la plus grande proportion de Canadiens d’origine libanaise au pays.

L’Alberta compte certainement, et de loin, la plus grande population libanaise à l’extérieur du Québec et de l’Ontario. Cet apport explique peut-être pourquoi les Albertains — particulièrement les Edmontoniens — raffolent du hummus et des donairs.

L’écrivain edmontonien Todd Babiak — qui n’est pas Libanais lui-même — a écrit un jour qu’il est impossible d’organiser une fête à Edmonton sans que quelqu’un y apporte du hummus. Les gens d’Ottawa croient peut-être avoir accaparé tout le marché du shawarma, et les gens d’Halifax qu’ils peuvent réclamer celui du donair, mais les Edmontoniens ont leur mot à dire là-dessus.

Quoi qu’il en soit, l’Alberta peut certainement se réclamer de la création du premier burger aux champignons inspiré par le restaurant libanais Burger Baron, récemment immortalisé par l’auteur, journaliste et documentariste edmontonien primé Omar Mouallem, dans son film intitulé The Last Baron, qui retrace l’histoire sociale de l’immigration libanaise en présentant la création des restaurants Burger Baron qui ont été et sont encore une institution dans les Prairies.

D’un point de vue moins alimentaire, l’Alberta se réclamera également d’une première au Cabinet provincial où un ministre d’ascendance libanaise, en la personne de Larry Shaben, a servi avec distinction sous la direction des premiers ministres Peter Lougheed et Don Getty. En outre, Larry Shaben a été le premier musulman nommé à un Cabinet provincial ou fédéral au Canada.

Fait remarquable, alors qu’il retournait dans sa circonscription de High Prairie dans le Nord de l’Alberta, Larry Shaben a survécu à un horrible accident. Le petit avion dans lequel il se trouvait s’est écrasé et a fait six morts, dont son ami et collègue Grant Notley, le chef du NPD de l’Alberta et le père de Rachel Notley. L’histoire de la survie extraordinaire de M. Shaben, qui a échappé à la mort non seulement dans l’écrasement, mais aussi dans la nature glaciale du Nord, a été racontée dans le livre primé Into the Abyss, qui a été écrit par la célèbre journaliste libano-canadienne Carol Shaben, la fille de Larry Shaben.

Edmonton a également accueilli le tout premier juge musulman du Canada, Ed Saddy, un fier fils d’immigrants libanais et un des plus vieux amis de mon père. Ils ont grandi ensemble dans la rue Boyle à Edmonton, où les enfants libanais et juifs partageaient un lien spécial.

Aujourd’hui, la communauté libanaise de l’Alberta, qui est composée de musulmans, de chrétiens, de druzes et de personnes résolument laïques, est plus forte que jamais, peu importe que ses membres soient de nouveaux immigrants ou des Albertains de quatrième génération.

Ces racines très profondes sont l’une des raisons pour lesquelles le conseil des écoles publiques d’Edmonton offre actuellement des programmes d’immersion bilingue en arabe dans six de ses écoles publiques.

C’est à cause de la communauté libanaise que l’Edmonton Journal a récemment rapporté qu’il y a près de 120 magasins et restaurants à Edmonton dont le nom contient le mot « donair ». Selon le chroniqueur de Postmedia Chad Huculak, ce nombre « [...] éclipse Calgary, où il y en a à peine 50, et Toronto, où il y en a moins de 20 ».

C’est aussi grâce à cette communauté qu’Edmonton est fière d’accueillir le Canadian Druze Centre et de compter une importante population de la diaspora druze en Amérique du Nord.

Je suppose qu’on pourrait dire que chaque mois est le Mois du patrimoine libanais en Alberta. Mais je ne pense pas que quiconque chez nous s’opposera à avoir un motif, chaque mois de novembre, de célébrer, et j’apporterai le hummus.

À la sénatrice Cordy, je dis merci, hiy hiy et šukran.

L’honorable Mobina S. B. Jaffer [ - ]

Merci, sénatrice Simons, de votre discours sur Edmonton, et sénatrice Cordy, de votre discours et d’avoir lancé cette interpellation. Je ne vous ai peut-être pas entendue le dire, mais la première mosquée musulmane n’a-t-elle pas également été construite à Edmonton?

Oui, je pense que vous n’avez pas entendu. Elle a ouvert ses portes en 1938 au centre-ville d’Edmonton, grâce au don d’un terrain par la Ville d’Edmonton et à une collecte de 5 000 $ auprès des communautés de l’Ouest. Je dois dire que la mosquée originale a été déplacée brique par brique et qu’elle se trouve maintenant à Fort Edmonton. La mosquée Al Rashid demeure cependant l’une des plus grandes mosquées de l’Ouest canadien, et elle ouvre ses portes en cas d’incendie et de catastrophe. En effet, la mosquée Al Rashid s’est distinguée en accueillant les sans-abri pendant les vagues de froid et en accueillant les personnes qui fuyaient les incendies de Fort McMurray. C’est un élément extrêmement important de la communauté culturelle et sociale d’Edmonton.

La sénatrice Jaffer [ - ]

Puis-je vous poser une deuxième question, sénatrice Simons?

Si j’ai le temps, avec plaisir.

La sénatrice Jaffer [ - ]

Merci. Sénatrice Simons, je voulais effectivement dire qu’elle a été déménagée et que nous, les musulmans, célébrons certainement le fait qu’il s’agit de la toute première mosquée construite. Bien entendu, les femmes de cette mosquée comptent parmi les plus avant-gardistes. Je songe notamment à Lila Fahlman, qui est en quelque sorte la matriarche du mouvement féministe au sein de la communauté musulmane. Merci d’avoir soulevé ce point.

Sénatrice Simons, je crois que vous conviendrez que la communauté musulmane est toujours florissante à la mosquée Al Rashid.

Tout à fait. Je crois que les premiers colons libanais ont jeté des bases qui ont permis aux immigrants musulmans de partout dans le monde — d’Afrique du Nord, d’Afrique de l’Est ou d’Indonésie — de venir s’établir à Edmonton. Peu importe leur pays d’origine, la communauté de la mosquée Al Rashid a toujours été prête à accueillir les musulmans.

Vous avez parlé de Lila Fahlman. Si je n’en ai pas parlé dans mon discours, c’est parce que sa famille était d’origine syrienne et non libanaise. Je sais que c’est un détail, mais comme nous discutons du Mois du patrimoine libanais, je tenais à me concentrer sur Hilwie Hamdon, une femme remarquable qui s’est battue pour la mosquée Al Rashid, qui est effectivement la première mosquée au Canada.

Fait intéressant, la première mosquée en Amérique du Nord a été construite dans le Dakota du Nord, je crois, et non à Chicago ou à New York, comme on pourrait s’y attendre. Une diaspora libanaise très importante a effectivement colonisé toute cette partie des Prairies, des deux côtés de la frontière canado-américaine.

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