PÉRIODE DES QUESTIONS — Le ministère de la Justice
Les groupes haineux
19 novembre 2025
Merci, monsieur le ministre. Ma question porte sur le projet de loi C-9, Loi visant à lutter contre la haine. Ce texte érige en infraction criminelle le fait d’exposer un symbole principalement utilisé par une entité inscrite. Il peut par exemple s’agir du gang Bishnoi ou de Tren de Aragua, c’est-à-dire des organisations généralement associées au crime organisé, mais aussi de groupes politiques extrémistes comme le Parti des travailleurs du Kurdistan ou le Sentier lumineux.
Pourtant, certains groupes haineux bien connus, comme le Ku Klux Klan, sont absents de la liste, ce qui voudrait dire que le fait d’exhiber une croix en flammes ou un nœud coulant ne serait pas condamné par le projet de loi C-9. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi votre ministère a décidé d’utiliser la liste des entités inscrites comme référence pour les groupes haineux?
Merci de votre question, sénatrice.
J’aimerais préciser une chose avant de revenir aux groupes dont vous parlez. Nous n’avons pas simplement érigé en infraction criminelle le fait d’exposer certains symboles, mais bien le fait de promouvoir sciemment la haine en exposant ces symboles. Il va sans dire que, si une personne fait sciemment la promotion de la haine aujourd’hui, que ce soit ou pas au moyen de ces symboles, il pourrait y avoir une certaine responsabilité criminelle associée à ses gestes, par exemple s’ils correspondent aux définitions actuelles du Code criminel.
Votre question porte sur le choix des symboles inscrits sur la liste qui mène à cette accusation supplémentaire, et elle est à la fois intéressante et importante. J’ai hâte de soumettre ce texte aux délibérations des différents comités parlementaires, que ce soit à la Chambre des communes ou au Sénat, car il pourrait en sortir amélioré.
Nous avons choisi de limiter la liste des entités inscrites à celles qui correspondent à une série de critères objectifs — c’est-à-dire à celles qui sont déjà considérées comme des entités terroristes au titre du Code criminel — parce que nous voulions éviter de la soumettre aux caprices politiques du gouvernement du jour et l’ancrer plutôt dans une série de normes préétablies, lesquelles pourront évoluer en fonction des décisions prises par les responsables de la sécurité nationale.
Si les décisions prises évoluent et que la définition établie finit par englober de nouvelles organisations, on s’attend évidemment à ce que ces symboles soient automatiquement incorporés par renvoi. Je n’entends pas être rigide à ce propos. Ce matin, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec les membres du groupe de direction de la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires, qui ont soulevé des questions du même ordre. Si les parlementaires décident qu’il y a une meilleure voie à suivre, sachez que je serai très ouvert aux recommandations.
Une question s’impose toutefois : si on va chercher une liste qui a été créée dans une optique complètement différente pour l’appliquer à cette mesure législative, il y aura nécessairement des problèmes, à savoir que certains éléments de la liste ne seront pas des groupes haineux et que d’autres groupes véritablement haineux ne répondront jamais aux critères définis pour cette liste.
Dans la mesure où le mécanisme prévu dans le projet de loi ne semble pas adapté au but visé, quelle serait la solution, selon vous?
Je vous remercie. J’invite de nouveau les parlementaires des deux Chambres à nous faire part de leurs observations sous forme d’amendements afin que ce texte puisse être amélioré.
Vous comprenez qu’à partir du moment où vous tentez de cerner une notion aussi complexe que la haine, il n’y a aucune définition parfaite, c’est-à-dire qui réussirait à satisfaire tout le monde. En ce qui nous concerne, nous avons tâché d’atteindre un certain niveau d’objectivité afin d’éviter que ces dispositions ne deviennent un outil politique qu’un futur gouvernement — que ce soit dans 10, 20 ou 50 ans — pourrait utiliser d’une manière qui ne correspond pas nécessairement aux résultats que nous souhaitons atteindre aujourd’hui.
Nous avons jugé que nous pouvions difficilement nous tromper en commençant par les entités terroristes désignées — et je pense particulièrement au Parti nazi —, mais s’il y a d’autres définitions qui réussiraient à mieux circonscrire les groupes qui font concrètement la promotion de la haine, je serais tout à fait intéressé à connaître l’opinion du Sénat.