Le mystère de l’homme vert de la Colline du Parlement
La prochaine fois que vous visiterez la Colline du Parlement, regardez bien autour de vous : vous verrez qu’on vous observe.
Si vous apercevez un visage orné d’un feuillage épais, sachez que celui qui vous lorgne ainsi est l’homme vert. Et vous retrouverez partout aux édifices du Centre, de l’Est et de l’Ouest cette figure mystérieuse enveloppée de feuilles sorties de sa bouche, de ses narines, de ses oreilles et parfois du coin de ses yeux.
Il s’agit d’un personnage séculaire qu’on trouve dans de nombreuses constructions médiévales, particulièrement les églises, les abbayes et les cathédrales.
« Les hommes verts de la Colline du Parlement s’inscrivent dans une vieille tradition », a expliqué Phil White, qui, à titre de sculpteur du Dominion, est le sculpteur officiel en charge du programme sculptural du Parlement, lequel existe depuis 150 ans.
« En Europe, il y eut une époque au Moyen-Âge où le christianisme était bien établi, mais où la société avait encore de fortes racines celtiques. Pour attirer les païens dans son giron, l’Église absorbait leurs coutumes. »
L’homme vert a eu son heure de gloire aux 12e et 13e siècles, mais il a connu un regain de popularité au 19e siècle. Cette époque de forte construction en Angleterre a coïncidé avec l’ère romantique, caractérisée par un nouvel engouement pour le Moyen Âge. Une génération d’architectes, de maçons et d’artistes, férus des méthodes de leurs prédécesseurs du 13e siècle, ont bâti dans le style néo-gothique des églises et des édifices gouvernementaux partout dans le Nord de l’Europe. Les sculpteurs qui ont travaillé à la Colline du Parlement au 19e siècle et au début du 20e avaient étudié en Europe : la tradition a donc traversé l’Atlantique avec eux.
Mais qui est l’homme vert? Est-il une simple décoration, ou recèle-t-il une dimension symbolique?
Des dizaines de livres et d’essais – et des milliers de sites Web sur l’occultisme et le mysticisme – s’efforcent d’éclairer ce mystère.
Certains disent de l’homme vert qu’il est une personnification de la nature; il symboliserait le renouveau du printemps et le danger de la forêt sauvage. D’autres se lancent dans de grandes démonstrations censées l’identifier aux dieux des religions supplantées — à Silvain, tutélaire romain des forêts et des champs, ou à Cernunnos, dieu celtique de la nature.
D’autres encore l’associent à des personnages de la littérature comme Robin des Bois, Puck ou l’antagoniste surnaturel mis en scène dans le roman arthurien Sire Gauvain et le Chevalier vert.
L’homme vert reste donc une énigme. Est-il une ancienne divinité réinterprétée à travers les âges, ou simplement un ornement fantaisiste que des générations de sculpteurs se sont plu à émuler pendant des siècles?
« Les gens cherchent une signification profonde à ces visages, mais les sculpteurs voulaient peut-être simplement s’amuser un peu », a indiqué M. White.
« Ils passaient tellement de temps à travailler ces blocs de pierre qu’ils y ajoutaient des figures un peu divertissantes. »
Pour voir l’homme vert – et d’autres sculptures curieuses de l’édifice du Centre – allez voir la visite virtuelle du Sénat.