Aller au contenu

De beaux souvenirs de journaliste à l’édifice du Centre, sur la Colline du Parlement : Sénateur Munson

Étiquettes

Un certain Jean Chrétien a dit un jour qu’il passait tellement de temps à l’édifice du Centre, sur la Colline du Parlement, qu’il s’y sentait comme dans son salon. Je vois bien ce qu’il voulait dire.

Il n’y a pas longtemps, quelques semaines avant que l’édifice du Centre ferme pour une dizaine d’années afin d’être rénové, je traversais le hall d’honneur quand je me suis rendu compte que 44 ans s’étaient écoulés depuis que j’étais entré dans ces lieux pour la première fois. Quelque part au fond de moi, j’ai toujours su que j’allais un jour y travailler.

J’avais seulement 12 ans quand je suis devenu mordu de politique. C’était en 1958 et je vivais à Campbellton, au Nouveau‑Brunswick. Mon père m’a alors amené à la gare de trains, où deux politiciens nommés John Diefenbaker et Lester Pearson devaient s’arrêter – séparément – pendant une campagne électorale. J’ai écouté, ébahi, les discours prononcés par les candidats sur la plateforme ouverte, admirant en arrière‑plan le dernier wagon orné des couleurs du parti.

Pendant mon enfance, je m’imaginais à quoi pouvait ressembler Ottawa, et je me demandais ce que ce serait de monter tout en haut de la tour de la Paix.

Mais c’est huit ans plus tard que la passion de la politique s’est emparée de moi pour de bon. J’avais 19 ans, je vivais à Yarmouth en Nouvelle‑Écosse, et j’étais annonceur à la radio. John Diefenbaker est alors venu en ville dans le cadre d’une élection partielle. Dief était intimidant à sa manière et j’étais si nerveux que je n’ai pu que lui souhaiter la bienvenue à Yarmouth. Je ne lui ai posé aucune question. Il a parlé, puis je l’ai remercié poliment. C’est peut‑être la meilleure entrevue de toute ma vie.

Des journalistes étaient aussi présents, des journalistes d’Ottawa vêtus de vrais imperméables. Ils avaient même relevé leur collet. Il n’en fallait pas plus pour me convaincre. Je voulais travailler sur la Colline. Il m’a fallu un peu de temps mais j’y suis arrivé en 1974.

Ce n’était pas facile, pour une recrue, de côtoyer des légendes du journalisme comme Charles Lynch et Doug Fisher. La « salle des nouvelles » du troisième étage, réservée aux journalistes qui travaillaient à l’édifice du Centre, était un vrai labyrinthe. On pouvait y voir, un peu partout, des montagnes de journaux, des dactylos, les portraits de journalistes d’une autre époque, sans oublier les cendriers et l’épais nuage de fumée de cigarettes qui flottait dans l’air. Tel était le tableau qui s’offrait à nous dès notre arrivée au travail.

Croyez‑le ou non, mais il y avait de la vie à la Chambre des communes avant la télévision. En fait, toutes les places de la tribune étaient occupées par des journalistes, des adjoints et des politiciens. Et, chose extraordinaire, les députés, les ministres et le premier ministre parlaient sans lire de notes.

Cela dit, les journalistes devaient être à l’affût. Il fallait être vite sur ses patins pour obtenir des réponses. Aucun couloir de l’édifice du Centre n’était interdit aux journalistes. C’était du terrorisme journalistique de couloir à son meilleur. La chasse politique ne s’arrêtait jamais.

Pour se reposer un peu, il suffisait de se réfugier en douce dans le calme de la Bibliothèque du Parlement.

À la fin de la journée, il ne fallait pas aller bien loin pour trouver une bière pas chère. Il y en avait dans la pièce à côté de la salle des nouvelles, dans un réfrigérateur déguisé en distributrice de boissons gazeuses.

Cela dit, le métier de journaliste n’était pas facile sur la Colline, et je devais faire preuve de débrouillardise.

À la fin des années 1970, le premier ministre de l’époque, Pierre Elliott Trudeau, avait un chauffeur personnel qui était (et est toujours) surnommé affectueusement Cadillac Jack. C’était avant l’ère des VUS blindés sur la Colline. Parfois, pendant que Cadillac Jack roulait lentement de l’édifice du Centre à la Flamme du centenaire, j’attendais près de la flamme. Deux ou trois fois, la voiture a ralenti et la vitre arrière de la Cadillac s’est abaissée. Mon microphone allumé, je me suis alors retrouvé face à face avec le premier ministre.

Trudeau avait baissé sa vitre et, en me parlant, il a ouvert une fenêtre sur ma vie au Parlement. Je me dis parfois que M. Trudeau et moi nous rejoignions par nos esprits espiègles semblables.

Après ma carrière en journalisme, j’ai eu le privilège de travailler pour un premier ministre et de devenir ensuite sénateur. Je le dis toujours : peu importe votre travail ou votre place dans le milieu de la politique, vous êtes aux premières loges à l’édifice du Centre.


Le sénateur Jim Munson a été journaliste pendant plus de 30 ans avant de devenir le directeur des communications du premier ministre Jean Chrétien. Il a été nommé sénateur en 2003.

Avis aux lecteurs : L’honorable Jim Munson a pris sa retraite du Sénat du Canada en juillet 2021. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.

Cet article a été publié le 7 janvier 2019 dans The Ottawa Citizen (en anglais seulement).

Un certain Jean Chrétien a dit un jour qu’il passait tellement de temps à l’édifice du Centre, sur la Colline du Parlement, qu’il s’y sentait comme dans son salon. Je vois bien ce qu’il voulait dire.

Il n’y a pas longtemps, quelques semaines avant que l’édifice du Centre ferme pour une dizaine d’années afin d’être rénové, je traversais le hall d’honneur quand je me suis rendu compte que 44 ans s’étaient écoulés depuis que j’étais entré dans ces lieux pour la première fois. Quelque part au fond de moi, j’ai toujours su que j’allais un jour y travailler.

J’avais seulement 12 ans quand je suis devenu mordu de politique. C’était en 1958 et je vivais à Campbellton, au Nouveau‑Brunswick. Mon père m’a alors amené à la gare de trains, où deux politiciens nommés John Diefenbaker et Lester Pearson devaient s’arrêter – séparément – pendant une campagne électorale. J’ai écouté, ébahi, les discours prononcés par les candidats sur la plateforme ouverte, admirant en arrière‑plan le dernier wagon orné des couleurs du parti.

Pendant mon enfance, je m’imaginais à quoi pouvait ressembler Ottawa, et je me demandais ce que ce serait de monter tout en haut de la tour de la Paix.

Mais c’est huit ans plus tard que la passion de la politique s’est emparée de moi pour de bon. J’avais 19 ans, je vivais à Yarmouth en Nouvelle‑Écosse, et j’étais annonceur à la radio. John Diefenbaker est alors venu en ville dans le cadre d’une élection partielle. Dief était intimidant à sa manière et j’étais si nerveux que je n’ai pu que lui souhaiter la bienvenue à Yarmouth. Je ne lui ai posé aucune question. Il a parlé, puis je l’ai remercié poliment. C’est peut‑être la meilleure entrevue de toute ma vie.

Des journalistes étaient aussi présents, des journalistes d’Ottawa vêtus de vrais imperméables. Ils avaient même relevé leur collet. Il n’en fallait pas plus pour me convaincre. Je voulais travailler sur la Colline. Il m’a fallu un peu de temps mais j’y suis arrivé en 1974.

Ce n’était pas facile, pour une recrue, de côtoyer des légendes du journalisme comme Charles Lynch et Doug Fisher. La « salle des nouvelles » du troisième étage, réservée aux journalistes qui travaillaient à l’édifice du Centre, était un vrai labyrinthe. On pouvait y voir, un peu partout, des montagnes de journaux, des dactylos, les portraits de journalistes d’une autre époque, sans oublier les cendriers et l’épais nuage de fumée de cigarettes qui flottait dans l’air. Tel était le tableau qui s’offrait à nous dès notre arrivée au travail.

Croyez‑le ou non, mais il y avait de la vie à la Chambre des communes avant la télévision. En fait, toutes les places de la tribune étaient occupées par des journalistes, des adjoints et des politiciens. Et, chose extraordinaire, les députés, les ministres et le premier ministre parlaient sans lire de notes.

Cela dit, les journalistes devaient être à l’affût. Il fallait être vite sur ses patins pour obtenir des réponses. Aucun couloir de l’édifice du Centre n’était interdit aux journalistes. C’était du terrorisme journalistique de couloir à son meilleur. La chasse politique ne s’arrêtait jamais.

Pour se reposer un peu, il suffisait de se réfugier en douce dans le calme de la Bibliothèque du Parlement.

À la fin de la journée, il ne fallait pas aller bien loin pour trouver une bière pas chère. Il y en avait dans la pièce à côté de la salle des nouvelles, dans un réfrigérateur déguisé en distributrice de boissons gazeuses.

Cela dit, le métier de journaliste n’était pas facile sur la Colline, et je devais faire preuve de débrouillardise.

À la fin des années 1970, le premier ministre de l’époque, Pierre Elliott Trudeau, avait un chauffeur personnel qui était (et est toujours) surnommé affectueusement Cadillac Jack. C’était avant l’ère des VUS blindés sur la Colline. Parfois, pendant que Cadillac Jack roulait lentement de l’édifice du Centre à la Flamme du centenaire, j’attendais près de la flamme. Deux ou trois fois, la voiture a ralenti et la vitre arrière de la Cadillac s’est abaissée. Mon microphone allumé, je me suis alors retrouvé face à face avec le premier ministre.

Trudeau avait baissé sa vitre et, en me parlant, il a ouvert une fenêtre sur ma vie au Parlement. Je me dis parfois que M. Trudeau et moi nous rejoignions par nos esprits espiègles semblables.

Après ma carrière en journalisme, j’ai eu le privilège de travailler pour un premier ministre et de devenir ensuite sénateur. Je le dis toujours : peu importe votre travail ou votre place dans le milieu de la politique, vous êtes aux premières loges à l’édifice du Centre.


Le sénateur Jim Munson a été journaliste pendant plus de 30 ans avant de devenir le directeur des communications du premier ministre Jean Chrétien. Il a été nommé sénateur en 2003.

Avis aux lecteurs : L’honorable Jim Munson a pris sa retraite du Sénat du Canada en juillet 2021. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.

Cet article a été publié le 7 janvier 2019 dans The Ottawa Citizen (en anglais seulement).

Étiquettes

Encore plus sur SenCA+

Haut de page