Plafonner le nombre d’étudiants étrangers dessert le Canada : sénatrice Simons

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Il y aura 39 ans en septembre, je me suis lancée dans l’aventure qui allait déterminer mon avenir en commençant des études supérieures à l’Université Stanford, en Californie. Les bourses généreuses du gouvernement de l’Alberta et de l’université elle-même suffisaient à payer mes droits de scolarité; c’est ainsi que j’ai pu fréquenter l’un des établissements les plus prestigieux du monde à titre d’étudiante étrangère.
Les autres personnes inscrites au même programme venaient des quatre coins des États‑Unis, mais aussi de l’Inde, du Royaume‑Uni et de la République populaire de Chine (ce qui, en 1986, n’avait rien de banal). Il y avait même quelqu’un d’autre en provenance du Canada, de Calgary pour être précise. Les responsables à l’Université Stanford avaient conscience que les étudiants étrangers ajoutent au caractère cosmopolite et innovant d’un établissement, ce qui rehausse d’autant sa réputation, au pays comme ailleurs sur la planète.
Aujourd’hui, je me rappelle combien j’étais emballée d’ouvrir ce nouveau chapitre de ma vie, mais quand je constate à quel point les États‑Unis politisent l’octroi des visas d’études, l’instrumentalisent, ça me met en colère. Le président du pays, Donald Trump, fait en effet d’une pierre trois coups : il peut ainsi à la fois laisser libre cours à sa xénophobie, entretenir sa guerre contre la science et le savoir tout en narguant et punissant les universités qui ne se plient pas à ses quatre volontés.
Il est certes facile de dénoncer la mesquinerie revancharde de M. Trump, sauf que les politiciens canadiens font aussi de la politicaillerie sur le dos des étudiants étrangers. En janvier 2024, le gouvernement de Justin Trudeau a ainsi annoncé son intention de réduire de 35 % le nombre de visas d’études délivrés. Son but avoué : freiner la hausse du prix du logement et des loyers ainsi que faire obstacle aux usines à diplômes au rabais qui attirent les étudiants étrangers avec de fausses promesses, un problème propre à l’Ontario. Le plan répartissait les visas d’études différemment selon les provinces, avec pour conséquence que certaines en ont vu le nombre chuter de moitié.
Le problème des petits collèges à but lucratif – surtout à Toronto – qui facturent des droits élevés pour des programmes d’une pertinence pédagogique douteuse est bel et bien réel, mais pointer les étudiants étrangers du doigt pour la surchauffe de longue date des loyers et du prix du logement à Toronto et à Vancouver relève d’une politique populiste qui en appelle aux préjugés.
Parallèlement, les collèges et universités de l’Alberta s’efforcent depuis des années d’accroitre leur effectif d’étudiants étrangers. En effet, ces derniers paient comme on le sait des droits de scolarité plus élevés (en anglais seulement) que les Canadiens, ce qui compense les compressions budgétaires provinciales, sans compter qu’attirer des universitaires étrangers permet aux établissements d’élargir leur rayonnement dans le monde. Que ces étudiants, outillés de leur diplôme et de leurs nouvelles connaissances, retournent faire leur vie dans leur pays ou qu’ils demandent subséquemment à immigrer au Canada, peu importe : la province et sa réputation sur la scène internationale ressortent gagnantes.
En 2023‑2024, les collèges, écoles polytechniques et universités de l’Alberta ont accueilli près de 30 000 étudiants étrangers de plus que 10 ans auparavant, avec en tête de peloton l’Institut de technologie du Sud de l’Alberta, à Calgary, et le Collège Norquest, à Edmonton. L’institut comptait en effet 1 616 étudiants étrangers en 2013‑2014, comparativement à 7 743 l’an dernier; pour ce qui est du collège, qui en comptait à peine 153 il y a 10 ans, le chiffre est passé à 5 383 en 2023‑2024. C’est cependant l’Université de l’Alberta qui compte le plus vaste effectif étranger de la province, soit plus de 9 000 étudiants l’année dernière, quoique d’autres établissements, dont l’Université de Lethbridge et le Collège Keyano, aient eux aussi enregistré une hausse marquée à ce chapitre.
Le programme fédéral n’a pas plafonné les inscriptions en Alberta, alors la province demeure à même d’accueillir davantage d’étudiants. Néanmoins, bien des établissements d’enseignement postsecondaires rapportent une chute sévère du nombre de demandes en provenance de l’extérieur du Canada, situation que, selon CBC, des recteurs attribuent à l’impression qu’ont désormais les candidats potentiels de ne plus être les bienvenus chez nous (quoique mon petit doigt me dit que les discours homophobes et les visées séparatistes du gouvernement de l’Alberta n’ont rien pour les rassurer non plus).
Sans les droits de scolarité qu’acquitteraient les étudiants étrangers, certains établissements de la province seront contraints de licencier du personnel et d’élaguer leur catalogue de cours.
J’ai eu bon espoir que Mark Carney (en anglais seulement), ce petit gars d’Edmonton qui a lui-même été étudiant étranger à Harvard et à Oxford, saurait redorer l’image peu accueillante du Canada. On aurait dû sauter sur l’occasion d’attirer les talents universitaires les plus prometteurs : les diplômés actuels et futurs dont le visa d’études aux États‑Unis se fait attendre ou leur a été refusé, ou encore ceux qui ont décidé que, sous le règne d’un Donald Trump aussi imprévisible qu’irritable, le jeu n’en valait pas la chandelle. Pourtant, lors de sa première conférence de presse en tant que premier ministre, M. Carney a réitéré sa promesse de ramener de 7 % à 5 % de la population, avant 2028, le nombre total de travailleurs temporaires (en anglais seulement) et d’étudiants étrangers au Canada.
Quel manque de vision pour le Canada, pour l’Alberta et pour les établissements d’enseignement postsecondaires d’ici, en particulier nos universités les plus réputées. Pour espérer traverser les nuages qui menacent notre économie, notre société et notre sécurité, les gouvernements provinciaux et fédéral doivent ouvrir les cordons de la bourse afin de mieux financer l’enseignement supérieur, de créer des débouchés pour les étudiants canadiens et d’ouvrir la porte aux étudiants étrangers, non pas par charité, mais parce qu’ils ont tant à nous offrir en retour.
La sénatrice Paula Simons représente l’Alberta.
Cet article a été publié dans l’édition de septembre 2025 du magazine Alberta Views (en anglais seulement).
Il y aura 39 ans en septembre, je me suis lancée dans l’aventure qui allait déterminer mon avenir en commençant des études supérieures à l’Université Stanford, en Californie. Les bourses généreuses du gouvernement de l’Alberta et de l’université elle-même suffisaient à payer mes droits de scolarité; c’est ainsi que j’ai pu fréquenter l’un des établissements les plus prestigieux du monde à titre d’étudiante étrangère.
Les autres personnes inscrites au même programme venaient des quatre coins des États‑Unis, mais aussi de l’Inde, du Royaume‑Uni et de la République populaire de Chine (ce qui, en 1986, n’avait rien de banal). Il y avait même quelqu’un d’autre en provenance du Canada, de Calgary pour être précise. Les responsables à l’Université Stanford avaient conscience que les étudiants étrangers ajoutent au caractère cosmopolite et innovant d’un établissement, ce qui rehausse d’autant sa réputation, au pays comme ailleurs sur la planète.
Aujourd’hui, je me rappelle combien j’étais emballée d’ouvrir ce nouveau chapitre de ma vie, mais quand je constate à quel point les États‑Unis politisent l’octroi des visas d’études, l’instrumentalisent, ça me met en colère. Le président du pays, Donald Trump, fait en effet d’une pierre trois coups : il peut ainsi à la fois laisser libre cours à sa xénophobie, entretenir sa guerre contre la science et le savoir tout en narguant et punissant les universités qui ne se plient pas à ses quatre volontés.
Il est certes facile de dénoncer la mesquinerie revancharde de M. Trump, sauf que les politiciens canadiens font aussi de la politicaillerie sur le dos des étudiants étrangers. En janvier 2024, le gouvernement de Justin Trudeau a ainsi annoncé son intention de réduire de 35 % le nombre de visas d’études délivrés. Son but avoué : freiner la hausse du prix du logement et des loyers ainsi que faire obstacle aux usines à diplômes au rabais qui attirent les étudiants étrangers avec de fausses promesses, un problème propre à l’Ontario. Le plan répartissait les visas d’études différemment selon les provinces, avec pour conséquence que certaines en ont vu le nombre chuter de moitié.
Le problème des petits collèges à but lucratif – surtout à Toronto – qui facturent des droits élevés pour des programmes d’une pertinence pédagogique douteuse est bel et bien réel, mais pointer les étudiants étrangers du doigt pour la surchauffe de longue date des loyers et du prix du logement à Toronto et à Vancouver relève d’une politique populiste qui en appelle aux préjugés.
Parallèlement, les collèges et universités de l’Alberta s’efforcent depuis des années d’accroitre leur effectif d’étudiants étrangers. En effet, ces derniers paient comme on le sait des droits de scolarité plus élevés (en anglais seulement) que les Canadiens, ce qui compense les compressions budgétaires provinciales, sans compter qu’attirer des universitaires étrangers permet aux établissements d’élargir leur rayonnement dans le monde. Que ces étudiants, outillés de leur diplôme et de leurs nouvelles connaissances, retournent faire leur vie dans leur pays ou qu’ils demandent subséquemment à immigrer au Canada, peu importe : la province et sa réputation sur la scène internationale ressortent gagnantes.
En 2023‑2024, les collèges, écoles polytechniques et universités de l’Alberta ont accueilli près de 30 000 étudiants étrangers de plus que 10 ans auparavant, avec en tête de peloton l’Institut de technologie du Sud de l’Alberta, à Calgary, et le Collège Norquest, à Edmonton. L’institut comptait en effet 1 616 étudiants étrangers en 2013‑2014, comparativement à 7 743 l’an dernier; pour ce qui est du collège, qui en comptait à peine 153 il y a 10 ans, le chiffre est passé à 5 383 en 2023‑2024. C’est cependant l’Université de l’Alberta qui compte le plus vaste effectif étranger de la province, soit plus de 9 000 étudiants l’année dernière, quoique d’autres établissements, dont l’Université de Lethbridge et le Collège Keyano, aient eux aussi enregistré une hausse marquée à ce chapitre.
Le programme fédéral n’a pas plafonné les inscriptions en Alberta, alors la province demeure à même d’accueillir davantage d’étudiants. Néanmoins, bien des établissements d’enseignement postsecondaires rapportent une chute sévère du nombre de demandes en provenance de l’extérieur du Canada, situation que, selon CBC, des recteurs attribuent à l’impression qu’ont désormais les candidats potentiels de ne plus être les bienvenus chez nous (quoique mon petit doigt me dit que les discours homophobes et les visées séparatistes du gouvernement de l’Alberta n’ont rien pour les rassurer non plus).
Sans les droits de scolarité qu’acquitteraient les étudiants étrangers, certains établissements de la province seront contraints de licencier du personnel et d’élaguer leur catalogue de cours.
J’ai eu bon espoir que Mark Carney (en anglais seulement), ce petit gars d’Edmonton qui a lui-même été étudiant étranger à Harvard et à Oxford, saurait redorer l’image peu accueillante du Canada. On aurait dû sauter sur l’occasion d’attirer les talents universitaires les plus prometteurs : les diplômés actuels et futurs dont le visa d’études aux États‑Unis se fait attendre ou leur a été refusé, ou encore ceux qui ont décidé que, sous le règne d’un Donald Trump aussi imprévisible qu’irritable, le jeu n’en valait pas la chandelle. Pourtant, lors de sa première conférence de presse en tant que premier ministre, M. Carney a réitéré sa promesse de ramener de 7 % à 5 % de la population, avant 2028, le nombre total de travailleurs temporaires (en anglais seulement) et d’étudiants étrangers au Canada.
Quel manque de vision pour le Canada, pour l’Alberta et pour les établissements d’enseignement postsecondaires d’ici, en particulier nos universités les plus réputées. Pour espérer traverser les nuages qui menacent notre économie, notre société et notre sécurité, les gouvernements provinciaux et fédéral doivent ouvrir les cordons de la bourse afin de mieux financer l’enseignement supérieur, de créer des débouchés pour les étudiants canadiens et d’ouvrir la porte aux étudiants étrangers, non pas par charité, mais parce qu’ils ont tant à nous offrir en retour.
La sénatrice Paula Simons représente l’Alberta.
Cet article a été publié dans l’édition de septembre 2025 du magazine Alberta Views (en anglais seulement).