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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 95

Le mercredi 2 novembre 2005
L'honorable Daniel Hays, Président


 

LE SÉNAT

Le mercredi 2 novembre 2005

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

VISITEUR DE MARQUE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de notre ancienne collègue, l'honorable Viola Léger.

Bienvenue parmi nous. Nous vous verrons à la réception plus tard ce soir.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'ANNÉE DE L'ANCIEN COMBATTANT

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, nous avons eu le privilège tout au long de l'année de pouvoir réfléchir à la contribution que les anciens combattants du Canada ont apportée à notre nation, à son histoire et à ses valeurs sociales. Les Canadiens ont participé à tous les types de guerre, qu'il s'agisse des premières hostilités frontalières qui ont joué un rôle essentiel pour ce qui est de définir notre jeune pays ou des guerres mondiales catastrophiques du siècle précédent, ou encore des efforts de maintien de la paix et de reconstruction qui caractérisent nos opérations actuelles à l'étranger.

Le Canada a subi d'énormes pertes, mais il a gagné beaucoup également. Les Canadiens ont lutté pour protéger les droits de la personne les plus fondamentaux dans le monde entier, souvent pour préserver la vie elle-même. C'est une contribution extrêmement importante et nous en demeurerons toujours très fiers.

Le 27 mai 1919, à la Chambre des communes, sir Edward Kemp, alors ministre des Forces d'outre-mer a signalé que sur les 420 913 hommes et femmes qui avaient été envoyés outre-mer durant la Première Guerre mondiale, 56 314 avaient été tués. Ces deux chiffres montrent le sacrifice remarquable consenti par des Canadiens durant cette période de notre histoire.

L'hommage rendu par le ministre Kemp à cette occasion mérite d'être répété. Il a dit ceci au sujet du corps expéditionnaire canadien :

[...] on l'a toujours vu là où la bataille était le plus acharnée, et il a rendu le Canada célèbre par son courage, sa patience et son habilité; ces hauts faits passeront dans l'histoire, non seulement du Canada, mais du monde entier.

Les Forces canadiennes ont joué un rôle tout aussi important durant la Seconde Guerre mondiale en Europe, en Afrique et en Asie ou en Corée, six ans plus tard.

Permettez-moi de mentionner un Canadien remarquable qui représente tous nos militaires en temps de guerre. Comme les honorables sénateurs s'en rappellent, le 3 août 2005, en cette Année de l'ancien combattant, le Canada et la Colombie-Britannique ont perdu un grand héros avec le décès d'Ernest Alvia « Smokey » Smith à l'âge de 91 ans. En tant que simple soldat, Ernest Smith a reçu la Croix de Victoria pour sa bravoure, afin de reconnaître ses actions héroïques en Italie en 1944. J'ai eu l'honneur de signer le livre de condoléances avec d'autres Canadiens lorsque la dépouille d'Ernest Smith a été exposée en chapelle ardente au Parlement, un précédent créé pour reconnaître la contribution du soldat Smith et de tous les héros du Canada.

Afin de souligner la contribution apportée par la communauté autochtone du Canada en temps de guerre, la Gouverneure générale et la ministre des Anciens combattants effectuent actuellement une tournée spirituelle autochtone en Belgique et en France, en compagnie d'une délégation de quelque 200 membres. Nous sommes heureux que le sénateur Gill ait pu représenter le Sénat et la communauté autochtone pour cette visite sans précédent. Nous regrettons toutefois que le sénateur St.Germain n'ait pas pu y être aussi, en raison du décès d'un membre de sa famille.

Le Canada ne doit jamais oublier sa dette à l'égard de ses anciens combattants. Il doit transmettre cet héritage aux générations à venir pour qu'elles comprennent bien les grands sacrifices que ces gens ont faits à l'époque, ainsi que le triomphe que nous avons remporté dans notre lutte pour la protection de notre humanité commune. Heureusement, notre Parlement a pris une mesure clef à cet égard en construisant ce magnifique Musée canadien de la guerre qui a récemment ouvert ses portes à Ottawa.

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, j'aimerais me joindre au leader du gouvernement au Sénat pour souligner l'Année de l'ancien combattant. Un grand nombre d'étapes importantes pour le Canada ont été franchies au cours de cette année bien spéciale. Le 8 mai, le 60e anniversaire de la Victoire en Europe a été marqué un peu partout au monde. Le 15 août, le monde entier s'est également souvenu du Jour de la Victoire sur le Japon qui marquait la fin des hostilités avec ce pays.

Parmi les nombreux anciens combattants qui se sont rendus aux Pays-Bas pour assister aux célébrations du Jour de la Victoire en Europe, il y avait Ernest « Smokey » Smith, le dernier ancien combattant vivant à s'être vu décerner la Croix de Victoria. Smokey Smith était le président d'honneur de l'Année des anciens combattants et c'est avec grand honneur que j'ai assisté à ses côtés à ces cérémonies et à d'autres cérémonies qui ont eu lieu précédemment en Normandie et en Italie.

Smokey Smith est décédé au cours de l'été dernier, mais ses actes d'héroïsme devant l'ennemi resteront gravés dans notre mémoire. La semaine dernière, la ville de Cesena, en Italie, a érigé une plaque en reconnaissance de ses actes de courage extraordinaires.

[Français]

Le courage de Smokey Smith est également commémoré au nouveau musée de la guerre. Le Musée canadien de la guerre n'est pas qu'un simple dépôt pour les milliers d'objets qui tracent notre histoire militaire. Il enseignera aux générations à venir le vrai prix de la liberté et de la démocratie, et les sacrifices qu'il faut parfois faire pour protéger nos droits et libertés.

[Traduction]

L'Année de l'ancien combattant nous offre également l'occasion de réfléchir au rôle de nos anciens combattants des temps modernes. Lorsqu'on pense aux anciens combattants, on a souvent l'impression qu'ils ont participé à des guerres qui se sont déroulées dans des temps révolus. Cependant, l'âge moyen de l'ancien combattant des Forces canadiennes n'est que de 36 ans aujourd'hui. J'espère que ces hommes et ces femmes seront bien servis par la Charte des anciens combattants, que le Parlement a adoptée en mai.

Même si on a accordé, et ce à juste titre, beaucoup d'attention à nos anciens combattants au cours de cette année particulière, il faut espérer que leurs besoins ne seront pas oubliés lorsque l'Année de l'ancien combattant prendra fin. Il faut régler avec transparence certaines importantes questions comme le stress professionnel causé par des blessures et, tout particulièrement, le syndrome de stress post-traumatique, de manière à ce que les survivants bénéficient du soutien dont ils ont besoin.

(1340)

Comme tous les honorables sénateurs le savent, la Semaine des anciens combattants commence samedi, pour culminer le jour du Souvenir, le 11 novembre. Peu de personnes dans notre pays méritent davantage nos louanges et notre reconnaissance que les hommes et les femmes des Forces canadiennes, d'hier et d'aujourd'hui. Souvenons-nous à tout jamais de leurs sacrifices.

HOMMAGE À CHARLES ET WINIFRED GARDNER

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, l'année 2005 est l'Année de l'ancien combattant. Nous en profitons pour reconnaître l'importance de nos militaires, de ces hommes et de ces femmes qui ont servi et servent le Canada en temps de guerre et en temps de paix. J'aimerais aujourd'hui rendre hommage à deux personnes qui, à cet égard, ont apporté une contribution exceptionnelle : Charles Gardner et son épouse Winifred Davidson Gardner, Chuck et Davey pour ceux qui les connaissaient bien. Ces deux personnes ont servi notre pays tout au long de leur vie.

L'année de la naissance de Chuck Gardner, 1917, marquait un point tournant dans les affaires du monde. Ce fut l'année du renversement de la Russie tsariste et celle de l'entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale. Ces deux pays étaient appelés à devenir des forces dominantes et opposées pour la plus grande partie du XXe siècle. C'est à cette époque également que le Canada a pris sa place parmi les nations du monde. Tel était le monde dans lequel Chuck et son épouse Davey ont exercé leur carrière militaire.

Les Gardner ont passé toute une vie au service des forces armées dans le contexte de ce nouvel ordre mondial. Chuck a servi au sein du Corps blindé royal canadien durant la Seconde Guerre mondiale et Davey a été membre du Service féminin de l'Armée canadienne, de 1940 à 1945. Elle faisait partie du premier contingent de femmes autorisées à pénétrer dans l'établissement de formation des hommes, le no 24, à Brampton. En 1944, Davey a eu une affectation spéciale au camp X, dans le domaine des communications. Comme le savent les sénateurs, le camp X était une école de formation d'agents secrets durant la Seconde Guerre mondiale et est devenu une installation de communications très secrète durant la guerre froide.

Chuck était stationné au Camp X en 1946 à titre de sergent responsable des communications, après son retour d'Angleterre, où il avait travaillé à la coordination de la sécurité britannique. Les Gardner se sont mariés en 1945. Leur premier enfant, Don, est né en 1946 et fut le premier bébé à élire domicile dans cet endroit top secret. Sa soeur Janet est née quatre ans plus tard.

Chuck a été muté à Ottawa en 1950, où il a travaillé au ministère de la Défense nationale jusqu'à sa retraite en 1981. Davey a continué son travail d'officier des communications, qui l'a amenée à se rendre dans de nombreuses bases militaires. Elle a collaboré étroitement avec les Forces armées canadiennes et, à l'occasion, avec l'armée américaine. En 1976, Davey Gardner a été la première femme à se rendre à la station Alert des Forces canadiennes. Elle a pris sa retraite en 1986.

Cette année marque, parmi de nombreux anniversaires militaires, leur soixantième anniversaire de mariage. Ils ont été des militaires dévoués toute leur vie et ils ont eu une vie commune remplie de réalisations importantes. L'une des étapes de la vie des Gardner qui est la plus révélatrice de leur nature s'est produite lorsque leur fille Janet, une fois devenue adulte, a épousé Glen Harada. Glen était le fils d'un couple japonais interné pendant la Seconde Guerre mondiale. Malgré ce dur passage dans la vie des Harada et le passé militaire des Gardner, ils ont été capables de nouer de solides liens d'amitié. Les Davey en tirent une grande fierté et ont également bien d'autres raisons d'être fiers de leur passé.

Au nom du Sénat du Canada et des Canadiens de partout au pays, j'aimerais saluer deux Canadiens ordinaires pour leurs contributions extraordinaires à notre formidable pays. D'un point de vue plus personnel, j'aimerais leur faire mes meilleurs voeux de soixantième anniversaire de mariage en cette Année de l'ancien combattant.

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de Charles et Winifred Gardner. Ils sont accompagnés par Karen Furey et sont les invités du sénateur Furey.

LES CLUBS GARÇONS ET FILLES DU CANADA

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, la richesse de notre pays est loin d'être uniquement matérielle. Nous pouvons en prendre la mesure en explorant les profonds sentiments de compassion qui nous animent individuellement. Au fil du temps, nous avons tissé collectivement au moyen de ces sentiments individuels une riche tapisserie canadienne illustrant le cœur et l'âme de notre pays.

L'héritage que nous chérissons aujourd'hui est bien vivant et se manifeste dans la participation à la vie sociale de Canadiens ordinaires ayant grandi dans un environnement qui a su leur faire cadeau d'une bonne éducation. Au cours de leur jeunesse, on leur a insufflé de solides valeurs de base, telles que le respect des autres, le sentiment d'appartenance, l'ouverture, l'autonomie et le sens des responsabilités à l'égard de sa collectivité. Aujourd'hui, ce sont eux qui sont les citoyens de notre pays. Notre espoir pour l'avenir réside dans le cœur et les pensées des jeunes Canadiens d'aujourd'hui.

Honorables sénateurs, nous avons le devoir, tout comme ceux qui nous ont précédés, d'entourer nos jeunes avec amour, de leur prodiguer des conseils et de l'aide, de leur inculquer des valeurs solides qui forment le caractère et façonnent les honnêtes citoyens. Au Canada, aucune organisation vouée à des jeunes n'a des antécédents aussi longs et aussi exceptionnels que les Clubs garçons et filles du Canada. Aujourd'hui, au moment où les employés et les bénévoles des Clubs garçons et filles de tout le pays se réunissent dans la capitale du Canada pour raconter l'histoire de l'un des plus importants organismes canadiens consacrés aux jeunes, je tiens à leur offrir mes félicitations et à dire sincèrement ce que cette organisation remarquable représente pour moi et pour le Canada.

Les Clubs garçons et filles du Canada, qui en 104 ans d'existence ont servi cinq générations d'enfants et d'adolescents et leurs familles, favorisent la saine croissance et l'épanouissement des jeunes Canadiens. Je suis fier d'avoir siégé au conseil d'administration des Clubs garçons et filles du Grand Vancouver, et je siège toujours à sa fondation, où l'organisation exploite six clubs et un camp de pleine nature, qui font partie d'un réseau de 101 clubs et communautés d'un océan à l'autre. Plus de 150 000 enfants et adolescents, âgés de 5 à 24 ans, sont assistés par 13 000 bénévoles et 3 000 employés professionnels à plein temps et à temps partiel.

Les Clubs garçons et filles du Canada croient fermement que tous les enfants peuvent se dépasser si on leur donne suffisamment de l'aide et des conseils. Qu'y a-t-il de plus simple, honorables sénateurs, que la vérité sur laquelle toutes les sociétés se sont édifiées? Si nous travaillons avec nos jeunes pour les soutenir, les guider et les aider à améliorer leurs compétences, leurs connaissances et leurs valeurs fondamentales, nous serons assurés qu'ils deviendront des adultes heureux et des citoyens généreux.

Je salue le travail infatigable des employés et des bénévoles des Clubs garçons et filles du Canada et de tous leurs contributeurs et partisans qui, pendant plus d'un siècle, ont contribué à inculquer le sens civique par leur excellente collaboration avec les enfants, les adolescents et leur famille. Aucune organisation n'est plus digne de louanges pour ses réalisations aussi nobles.

LE MOIS DU DIABÈTE

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, le mois de novembre est le Mois du diabète au Canada et le 14 novembre, la veille de la Journée nationale de la philanthropie, nous célébrons la Journée mondiale du diabète. Le diabète est une maladie chronique incurable ainsi que l'une des principales causes de décès au Canada. Pour parvenir à traiter la maladie, des organismes comme l'Association canadienne du diabète s'emploient à promouvoir la santé des Canadiens par la prévention, l'éducation, la recherche et des activités bénévoles. Depuis 1953, l'Association canadienne du diabète déploie des efforts de sensibilisation et fournit des services et du soutien aux Canadiens souffrant de diabète.

Au début des années 1990, j'ai eu le plaisir d'occuper le poste de directeur exécutif de l'Association canadienne du diabète pour le secteur de Toronto. C'est un organisme de bienfaisance qui est présent dans plus de 150 collectivités partout au pays.

Honorables sénateurs, le Canada a écrit une page de l'histoire du diabète, car ce sont deux Canadiens, le Dr Frederick Banting et le Dr Charles Best, qui ont découvert l'insuline, l'un des progrès médicaux les plus marquants du XXe siècle. Cela nous rappelle que nous devons continuer d'appuyer les organismes comme l'Association canadienne du diabète en vue d'éliminer un jour cette maladie. Sans l'appui des Canadiens de tous les milieux, des découvertes comme celle de Banting et de Best n'auraient jamais été possibles et ne le seront plus jamais.

Certains de nos collègues sénateurs sont directement touchés par le diabète. Je sais qu'eux et tous les autres honorables sénateurs se joindront à moi pour souligner le Mois du diabète et souhaiter à l'Association canadienne du diabète beaucoup de succès dans la recherche d'un traitement pour guérir cette maladie.


(1350)

AFFAIRES COURANTES

LES TRAVAUX DU SÉNAT

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LES COMITÉS À SIÉGER PENDANT L'AJOURNEMENT DU SÉNAT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance, je proposerai :

Que, conformément à l'article 95(3) du Règlement, pendant la période du lundi 14 novembre au lundi 21 novembre 2005 inclusivement, les comités sénatoriaux soient autorisés à se réunir même si le Sénat s'ajourne pour une période de plus d'une semaine.

[Français]

LE GREFFIER DU SÉNAT

AVIS DE MOTION VISANT À RENVOYER LES COMPTES ANNUELS DE 2004-2005 AU COMITÉ PERMANENT DE LA RÉGIE INTERNE, DES BUDGETS ET DE L'ADMINISTRATION

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance, je proposerai :

Que les comptes du greffier, déposés le 27 octobre 2005, soient renvoyés au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

[Traduction]

LES RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

LE MAINE—LE PROJET D'ÉTABLISSEMENT DE TERMINAUX DE GAZ NATUREL LIQUÉFIÉ—PRÉSENTATION D'UNE PÉTITION

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter des pétitions signées par 86 habitants du Nouveau-Brunswick et d'ailleurs au Canada, au États-Unis et en Europe. Les pétitionnaires demandent au gouvernement de refuser que les navires transporteurs de gaz naturel liquifié empruntent le passage de Head Harbour.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'INDUSTRIE

INVESTISSEMENT CANADA—LES AVIS SUR L'AVANTAGE NET—LA DIVULGATION DES DÉCISIONS

L'honorable Pat Carney : Honorables sénateurs, hier, j'ai posé une question au leader du gouvernement au Sénat concernant le secret entourant l'examen par Investissement Canada des acquisitions d'entreprises canadiennes par des intérêts étrangers. Je faisais référence tout particulièrement à la prise de contrôle de Terasen Gas par la société texane Kinder Morgan. J'ai aussi demandé des renseignements sur la publication des avantages nets de l'acquisition, il y a quatre ans, de Westcoast Energy Inc. par Duke Energy, une société américaine. Le ministre s'est gentiment offert pour obtenir de plus amples renseignements sur ces cas.

Je voudrais simplement faire le point sur ce dossier aujourd'hui en signalant que l'information qui figure sur le site Web d'Industrie Canada comprend le nom de l'investisseur, le nom de l'entreprise canadienne et une description sommaire des activités de l'entreprise. Aucune précision n'est fournie quant à l'analyse effectuée par Industrie Canada ni à un examen de l'avantage net. On laisse seulement savoir aux Canadiens que l'investissement a fait l'objet d'un examen après que le ministre ait approuvé le projet. En septembre, par exemple, Investissement Canada a examiné près de 50 décisions. Il ne s'agissait, dans la plupart des cas, que d'avis, mais, dans deux cas, un examen avait été effectué. Aucun détail n'est rendu public.

Je poserai donc au ministre une question d'ordre plus général. Pourquoi, dans le cas des deux décisions qui ont été examinées, n'a- t-on pas publié de renseignements sur l'avantage net?

Je parle plus précisément de l'investisseur Pogo Producing Co., de Houston, au Texas, qui s'est porté acquéreur de Northrock Resources Ltd., de Calgary, qui fait de la prospection et produit du pétrole et du gaz naturel. Quelle raison pourrait-on invoquer pour ne pas faire connaître l'avantage net que le Canada tirerait de ces opérations?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Je pense que cette question est essentiellement la même que celle que madame le sénateur Carney m'a posée hier. Je n'ai rien à ajouter à la réponse que j'ai donnée hier.

J'aimerais cependant préciser qu'il n'existe, en vertu des ententes commerciales qui nous lient aux États-Unis, y compris l'accord de libre échange et l'ALENA, aucune barrière juridique qui empêche une société américaine d'acquérir la propriété ou même le contrôle d'une société canadienne. Nous avons fait état hier des seules barrières que posent les lois canadiennes.

Je vais m'efforcer de fournir dès que possible l'information demandée.

Le sénateur Carney : Le ministre dit qu'il a accepté de fournir des renseignements au sujet des deux cas particuliers que j'ai mentionnés. Comme il l'a fait remarquer à juste titre, le cas de Terasen faisant actuellement l'objet d'un examen, les motifs ne peuvent encore être annoncés. En ce qui concerne l'acquisition de Westcoast Energy par Duke Energy, il a accepté de se renseigner. Je lui demanderais de bien vouloir considérer la question plus générale qui consiste à savoir pourquoi on ne pourrait obtenir l'information après que les décisions ont fait l'objet d'un examen.

Je parle uniquement des entreprises des secteurs sensibles, notamment dans le domaine du transport de gaz par gazoduc. D'autres pourraient être actives dans le domaine culturel ou dans un secteur précisé dans la loi. Je ne parle que des secteurs sensibles.

Ce qui est examiné, c'est l'effet de l'investissement, c'est-à-dire le niveau et la nature de l'activité économique, y compris l'emploi et le traitement des ressources; l'importance de la participation des Canadiens dans l'entreprise; l'effet de l'investissement sur la productivité et l'efficacité industrielle; les répercussions du développement technologique sur l'innovation et la variété des produits au Canada; et l'effet de l'investissement sur la concurrence avec une industrie en particulier ou entre les industries au Canada. Souvent, le conseil d'administration canadien est délocalisé, démembré ou mis à la retraite et il n'y a plus de directeurs canadiens.

Je souligne à nouveau que des centaines de transactions qui ont lieu chaque année, seulement une quarantaine sont examinées. Je demande au ministre un engagement qu'il n'a pas voulu prendre hier et c'est de nous expliquer pourquoi les décisions du ministre ne sont pas publiées.

Le ministre a le droit de dire si une transaction peut se faire ou non. En plus de ma demande d'hier au sujet de Duke Energy et de Westcoast, je lui demande de nous dire quelles sont les décisions du ministre et les motifs de ces décisions concernant la liste des acquisitions qui ont eu lieu récemment.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je tiens à ce qu'il soit bien clair que je ne me suis pas engagé à fournir de l'information concernant Terasen ou Duke en réponse aux questions que madame le sénateur Carney a posées. Je me suis engagé à examiner les précédents concernant la divulgation de ce qui serait normalement considéré comme des renseignements commerciaux de nature exclusive entre les entreprises qui présentent des demandes et l'évaluation des profits nets que fait le gouvernement.

S'il existe des précédents, je pousserai mes investigations plus loin.

Le sénateur Carney : Je comprends l'importance des précédents, mais les précédents renvoient au passé et je parle de l'avenir compte tenu des transactions de plusieurs milliards de dollars qui ont lieu dans le secteur de l'énergie.

J'ai relu la réponse donnée par le leader du gouvernement hier et il s'est expressément engagé à vérifier ce que le gouvernement avait déclaré à l'époque au sujet de la prise de contrôle de Westcoast Energy.

Pour être bien claire, je précise que les précédents sont intéressants, mais je veux savoir pourquoi, puisque la loi n'interdit pas la divulgation de l'information, nous ne pouvons pas obtenir l'information sur les transactions qui ont eu lieu dans ces secteurs, particulièrement sur la transaction concernant Westcoast et quelques autres entreprises que j'ai mentionnées hier dans ma question.

(1400)

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je vous renvoie à la page 2032 des Débats du Sénat où, après la question posée par le sénateur Carney sur l'acquisition de Westcoast Energy par Duke Energy, une entreprise américaine, j'ai dit : « ...je vais vérifier ce que le gouvernement a dit à ce moment-là et j'en informerai madame le sénateur Carney ». J'ai dit : « ...ce que le gouvernement a dit... ». Il est possible qu'il n'ait rien dit, je n'en sais rien. Si le gouvernement a fait une déclaration publique, j'en informerai madame le sénateur Carney.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, que le gouvernement ait fait une déclaration publique ou non, on est en droit de présumer qu'il doit avoir une raison, conformément à la Loi sur Investissement Canada, de déclarer qu'une opération est ou n'est pas à l'avantage net du Canada.

Selon mon humble opinion, ce n'est pas une question de précédent. C'est question de droit, et il n'y a aucun obstacle légal — en fait, la loi est explicite à cet égard — à ce que le ministre rende publics les motifs de la décision déclarant qu'une opération est ou n'est pas à l'avantage net du Canada. Tout ce que nous demandons, c'est que le gouvernement, aux fins de transparence, rende publics les renseignements concernant les opérations auxquelles le sénateur Carney a fait référence.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, le fait de ne pas divulguer une partie ou la totalité de ces renseignements pourrait être justifié par l'intérêt public. Je suis sûr que cette question a été examinée par le gouvernement dont les sénateurs Murray et Carney ont fait partie. Il serait intéressant de savoir pourquoi, si la question a été examinée, la loi ne contient aucune disposition exigeant la divulgation d'un dossier.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

L'IRAN—LES PROPOS DU PRÉSIDENT AU SUJET D'ISRAËL

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur les déclarations regrettables que le président de la République islamique d'Iran a faites il y a quelques jours. Notre premier ministre, et c'est tout à son honneur, a réagi en disant avec vigueur et précision pourquoi ces déclarations étaient inacceptables pour tout Canadien.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il dire au Sénat quelles mesures précises le gouvernement du Canada et le ministère des Affaires étrangères ont prises pour appuyer la position ferme établie par notre premier ministre dans cette affaire? L'ambassadeur iranien a-t-il été convoqué officiellement à une rencontre avec nos fonctionnaires? Notre ambassadeur à Téhéran a-t-il transmis une note officielle au ministre des Affaires étrangères iranien? Qu'a fait le gouvernement du Canada pour appuyer la position claire et superbe de notre premier ministre, dont les propos ont été cités dans plusieurs capitales aux quatre coins du monde?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Je réponds par l'affirmative à la première partie de la question du sénateur. Le ministère des Affaires étrangères a convoqué l'ambassadeur iranien pour lui réitérer la position du gouvernement et les propos du premier ministre Martin et pour lui signifier on ne peut plus clairement que les déclarations du président iranien étaient inacceptables.

Quant au travail de notre ambassadeur à Téhéran, je dois m'informer à ce sujet. Je n'ai pas de renseignements de source directe. Le sénateur Segal n'est pas sans savoir que le Canada est l'un des pays qui se sont montrés fermes à l'égard des propos du président iranien. Même l'autorité palestinienne a indiqué sans ambiguïté qu'elle condamnait l'attitude et les propos tenus par le président iranien par rapport à l'État d'Israël.

Le sénateur Segal : Puis-je me permettre de demander au ministre de chercher à savoir, pour le Sénat, quelle est la position du gouvernement en ce qui a trait aux sanctions, qui font l'objet de discussions constructives au sein de la Communauté européenne, qui pourraient dissiper les inquiétudes suscitées par l'accroissement potentiel de la capacité nucléaire de l'Iran et la menace que cela laisse peser non seulement sur la région, mais aussi sur toute l'Europe? Lorsqu'il le pourra, le ministre pourrait-il faire part au Sénat de la politique du Canada à cet égard?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, la question des sanctions a assurément été soulevée sur la scène internationale. Pour l'instant, je ne suis pas en mesure de dire si le gouvernement du Canada envisage des sanctions comme suite aux propos du président iranien, lesquels ont horrifié une grande partie de la communauté des nations et qui sont manifestement incompatibles avec les obligations de ce pays en tant que membre des Nations Unies.

Lorsque j'aurai obtenu des réponses, je serai ravi d'en faire part au sénateur Segal et aux autres sénateurs.

L'honorable Marcel Prud'homme : J'apprécie la réponse du ministre à la requête du sénateur Segal, dont je partage l'avis. La semaine dernière, je trouvais amusants toutes sortes de courriels que j'ai reçus, je crois que je vais en publier quelques-uns, mais je dois maintenant dire que certains ne sont pas très agréables à lire. J'ai même reçu des courriels de menaces. Cela prouve que, lorsqu'on aborde certaines questions, il faut peser tous ses mots.

Mes propos de la semaine dernière ont peut-être été prononcés dans un autre contexte. Aujourd'hui, je vais me concentrer uniquement sur l'Iran. J'ai parlé avec certains représentants de manière non équivoque. Ceux qui me connaissent depuis 41 ans savent que, lorsque je parle « de manière non équivoque », je parle habituellement sans détour. En français, on dit que « je ne fais pas dans la dentelle ». Par conséquent, peut-on avoir l'assurance d'obtenir une réponse — je suis certain que le sénateur Segal et d'autres que je préfère ne pas nommer aimeraient autant que moi en obtenir une — étant donné qu'il y aura relâche la semaine prochaine et que nous nous tiendrons occupés à faire autre chose? Je ne parlerai pas d'autres questions.

Si le ministre pouvait nous donner une réponse d'ici demain, je suis certain que le sénateur Segal et moi-même l'apprécierions grandement. Je vais essayer d'encourager mes collègues, comme j'ai encouragé mon ami, le sénateur Tkachuk, à ne pas se contenter de beaux discours, mais à communiquer avec des gens. C'est la seule façon de faire. Je suis désolé que madame le sénateur Fraser ne soit pas parmi nous, mais je l'encouragerais à agir comme je l'ai fait à titre de président de l'UIP. J'ai convoqué les représentants de la Corée du Nord et ils ont participé à une rencontre privée avec la délégation canadienne. J'ai convoqué les représentants de la délégation iranienne. Ils nous ont aussi rencontrés. C'était unique. Si on ne communique pas avec les gens, comment peut-on transmettre notre message?

Une voix : Venez-en à la question.

Le sénateur Prud'homme : Qui a crié « Venez-en à la question »? J'ai écouté attentivement les autres collègues. Je pense savoir qui a fait cette remarque. Je ne mentionnerai toutefois pas son nom. Cette personne n'a pas elle-même la réputation d'être brève avec ses questions.

Je me contenterai de dire que je partage l'avis du sénateur Segal et que si le leader pouvait nous fournir une amorce de réponse d'ici à demain, je suis certain que tous les sénateurs l'apprécieraient. Je suis sûr que ceux que je regarde, sans les nommer, aimeraient obtenir une réponse eux aussi. Quant au mauvais traitement que j'ai subi la semaine dernière, j'en parlerai aux honorables sénateurs dans le cadre d'un discours public au Sénat.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je répondrai au sénateur Prud'homme que je vais m'informer à ce sujet dès aujourd'hui. Je voudrais toutefois préciser que, si la question des sanctions est actuellement examinée par la communauté internationale, ce que je ne peux pas affirmer avec certitude, je suppose et je suis même convaincu qu'il s'agit d'un sujet complexe et difficile et qu'il n'est pas facile d'arriver rapidement à une conclusion.

L'honorable Yoine Goldstein : Honorables sénateurs, je regrette que l'honorable sénateur ait reçu ces courriels injurieux. Je dois dire que j'en ai également reçu, mais, si j'ose dire, les Canadiens ont le droit et même l'obligation d'exprimer leur opinion sur ce qui se dit dans cette enceinte. Ils ont aussi l'obligation de prendre position, pour ou contre, bien que je pourrais bien me passer de ces courriels injurieux.

Les Canadiens ont, bien entendu, le droit de dire ce qu'ils veulent dans leurs courriels et je crois qu'il ne faudrait pas leur reprocher d'avoir exprimé leurs points de vue. Nous avons tous au moins 21 ans, car c'est l'âge requis pour être nommé dans cette honorable assemblée. Nous sommes par le fait même assez âgés pour encaisser ces petites insultes qui font partie de notre travail, mais aussi pour apprécier les félicitations qui nous sont adressées lorsque nous disons les choses qui doivent être dites devant cette honorable assemblée.

(1410)

J'ajouterai que, lundi dernier, l'autre endroit a adopté à l'unanimité une résolution condamnant les déclarations faites par le président de l'Iran.

LES FINANCES

L'ÉLIMINATION DE L'IMPÔT SUR LES GAINS EN CAPITAL POUR LES DONS DE TITRES COTÉS EN BOURSE À DES ORGANISATIONS CARITATIVES

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser à l'honorable leader du gouvernement au Sénat, mais cette question comporte un long préambule.

Comme je connais bien le ministre, je sais qu'il est au courant que, depuis la réduction de 50 p. 100 de l'impôt sur les gains en capital applicable aux dons de titres cotés en bourse, il y a huit ans, les dons d'actions à nos universités, hôpitaux, organisations caritatives, instituts de recherche et organisations artistiques et culturelles ont augmenté de 1,5 milliard de dollars.

Bien que je déteste faire allusion à la ville préférée du Canada, je dois dire qu'à Toronto seulement, les dons d'actions à Centraide, qui n'avaient pas dépassé les 44 000 dollars entre 1956 et 1996, soit une période de 40 ans, ont atteint plus de 24 millions de dollars en sept ans seulement, de 1997 à 2005. Voilà la meilleure preuve que l'élimination de l'impôt sur les gains en capital donne des résultats. Je propose au leader du gouvernement de profiter de la mise à jour financière d'automne pour annoncer l'élimination complète de cet impôt.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Meighen : Sachant combien le gouvernement protège jalousement toutes les recettes générées par la TPS et les autres mesures établies par le gouvernement précédent, je veux rassurer le leader. En effet, il n'en coûterait au Trésor fédéral qu'environ 50 millions de dollars par an en recettes non perçues qui seraient équitablement réparties entre le donateur, le gouvernement fédéral et les provinces.

Il est intéressant de constater qu'il n'en coûterait rien aux municipalités. Or, la plupart des organismes de bienfaisance, hôpitaux et autres établissements de ce genre sont situés dans des municipalités.

Comme le sait le leader du gouvernement, cette proposition jouit de l'appui du Parti conservateur, du NPD et du Bloc québécois, de 24 maires canadiens, du Comité sénatorial permanent des finances nationales, du Comité des finances de l'autre endroit, ainsi que de 16 anciens premiers ministres représentant chaque province et chaque formation politique et de trois anciens premiers ministres. Ce degré d'unanimité n'est-il pas suffisant pour le gouvernement? Ce dernier n'a aucunement besoin de courage politique pour aller de l'avant dans ce dossier.

Le leader du gouvernement exercera-t-il ses pouvoirs incontestés de persuasion afin de convaincre son collègue, le ministre des Finances, de profiter de cette unanimité générale quelque peu inhabituelle, pour uniformiser les règles du jeu avec les États-Unis et le Royaume-Uni et, à la toute première occasion, exempter totalement de l'impôt sur les gains en capital les valeurs cotées en bourse dont il est fait don aux organismes de bienfaisance?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je vais rapidement porter la soumission du sénateur Meighen à l'attention du ministre des Finances.

Le sénateur Meighen : L'honorable leader pourra ainsi maintenir sa réputation d'orateur persuasif.

LE COMMERCE INTERNATIONAL

LE TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR—LA SURTAXE SPÉCIALE SUR LES BICYCLETTES

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je vais faire quelque chose de tout à fait différent : je vais poser une question.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur propose, pour les trois prochaines années, que le gouvernement impose une surtaxe spéciale sur les bicyclettes importées de pays en développement comme la Chine, afin de protéger l'industrie nationale. Le tribunal n'a pas trouvé de preuves de dumping; il a uniquement constaté que la hausse des importations nuisait à l'industrie canadienne. La surtaxe envisagée, qui serait de 30 p. 100 la première année, de 25 p. 100 la deuxième et de 20 p. 100 la troisième, doit être approuvée par le Cabinet. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire quand une décision sera annoncée?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'ai pas de réponse à donner au Sénat pour l'instant.

Le sénateur Tkachuk : Si le Cabinet envisage sérieusement l'imposition d'une taxe additionnelle sur les importations pour protéger l'industrie canadienne, comme celle-ci le demande, il doit se rappeler que cette taxe s'ajoutera aux droits de 13 p. 100 qui frappent déjà les bicyclettes en provenance de l'Asie. En quoi un droit visant à protéger l'industrie nationale différerait-il des droits compensateurs que les États-Unis imposent sur le bois d'œuvre canadien?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, j'essayais de comprendre si le sénateur Tkachuk appuie l'imposition de cette surtaxe pour donner un coup de main aux fabricants canadiens de bicyclettes ou s'il s'y oppose. Je ne suis pas certain de sa position. Cependant, sa conclusion en ce qui concerne le bois d'œuvre est un peu éloignée de la question des bicyclettes.

Le sénateur Tkachuk : J'ai simplement posé une question pour savoir quand le Cabinet se penchera sur la question parce que les détaillants de tout le pays s'en préoccupent énormément. De nombreux articles de journaux ont été publiés et de nombreuses réunions ont porté sur la question. Néanmoins, le gouvernement fédéral l'a laissée en suspens, ce qui complique la vie des détaillants qui veulent savoir, entre autres, combien de bicyclettes ils doivent commander. Le gouvernement a l'obligation d'éclaircir la situation d'une façon ou d'une autre.

Par conséquent, je demande encore une fois : Quand le Cabinet se penchera-t-il sur cette question? Le leader du gouvernement fera-t-il savoir au Sénat et aux Canadiens quand une décision sera annoncée?

Le sénateur Austin : Pour le moment, je ne suis pas en mesure de fournir de précisions sur le calendrier du Cabinet.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, le leader du gouvernement pourrait peut-être me fournir certains renseignements sur cette question des bicyclettes. Je signale qu'elle concerne tous les petits détaillants canadiens, d'un océan à l'autre, pas uniquement quelques grands détaillants.

Il y a deux fabricants de bicyclettes au Canada, et les deux produisent une bicyclette à un prix tel qu'elle ne souffrira pas si les bicyclettes importées ne sont pas frappées de ce droit. Autrement dit, il y a deux marchés différents. Nous devons certes protéger nos fabricants, mais, en l'occurrence, nous portons préjudice aux détaillants qui distribuent un type de bicyclette qui n'est pas fabriquée au Canada et qui vient de Chine ou d'ailleurs. En faisant cela, nous augmentons les coûts et créons une gamme de bicyclettes plus chères.

Je ne pense pas que le Tribunal canadien du commerce extérieur comprend bien le secteur de la fabrication et de la vente de bicyclettes. J'espère que le gouvernement se penchera de nouveau sur cette question afin de protéger les deux segments de l'industrie.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je remercie vivement madame le sénateur Andreychuk de ses observations. Je vais étudier la question.

J'assure aux sénateurs que je ne suis pas en situation de conflit d'intérêts. Je n'ai pas de bicyclette et je ne prévois pas d'en acheter une. Personne dans ma famille n'a une bicyclette ni ne prévoit d'en acheter une.

L'INDUSTRIE

BOMBARDIER—LA CONSTRUCTION D'UNE USINE AU MEXIQUE—L'EFFET SUR L'AIDE FÉDÉRALE

L'honorable Mira Spivak : Honorables sénateurs, en plus des 600 emplois que nous perdrons par suite de la construction de sa nouvelle usine au Mexique, la société Bombardier a annoncé, durant le week-end, qu'elle suspendra la production du jet régional de 50 passagers, le CRJ200, à compter de janvier, ce qui entraînera la perte de 600 autres emplois du secteur canadien de l'aérospatiale. En outre, selon des rumeurs venues de la Chine, un autre dirigeant de Bombardier aurait dit que la société projette de fabriquer un aéronef dans ce pays. Le gouvernement du Québec affirme maintenant qu'il croit que Bombardier lui a promis de remplacer les emplois québécois transférés au Mexique. La société a dit, essentiellement : Quelle promesse?

Les Canadiens se font toujours dire que la véritable valeur de l'aide gouvernementale accordée à Bombardier concerne la création d'emplois dans le secteur de l'aérospatiale — des emplois au Québec, en Ontario et dans l'Ouest, où les fournisseurs comptent sur ce fleuron de l'industrie aérospatiale canadienne.

David Chartrand, président de la section 712 de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale, s'inquiète pour l'avenir des 6 000 travailleurs de la société. Il a déclaré récemment que les gouvernements au Canada qui ont accordé une aide importante à la société devraient, à l'avenir, s'employer à garantir le maintien des emplois au Canada. En retour, la société Bombardier, dit-il, a l'obligation sociale de créer des emplois de qualité. Si elle ne le fait pas, l'entreprise ne devrait bénéficier d'aucune aide provenant des contribuables.

(1420)

Quelle entente le gouvernement du Canada a-t-il conclue avec Bombardier au sujet de l'aide fédérale et du maintien d'emplois au Canada?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je vais m'informer en ce qui concerne la question précise du sénateur Spivak, mais la réponse pourrait prendre un certain temps. Elle sait qu'il existe divers accords et engagements liant le gouvernement du Canada et Bombardier à propos du soutien au développement industriel et à la recherche visant à maintenir au Canada une industrie aérospatiale vigoureuse. La réponse nécessitera des recherches.

Nous tenons bel et bien à maintenir au Canada des acteurs économiques capables de soutenir la concurrence sur le marché international. Nous devrions prendre bien soin de ne pas intervenir dans les décisions d'une entreprise et de son conseil d'administration, car cela pourrait, en fait, nuire à sa stabilité et à sa croissance économiques.

Je ne dis pas que ce soit là la position du gouvernement du Canada. Je fais seulement une observation sur laquelle madame le sénateur Spivak et les autres sénateurs pourront méditer dans le cadre de nos délibérations sur les répercussions de la mondialisation sur la compétitivité des entreprises canadiennes. Cette question exigera beaucoup de réflexion et un examen approfondi au cours des prochains mois.

Le sénateur Spivak : Je remercie le ministre à la fois de son attention et de son cours magistral, mais je tiens à dire ceci : il n'est pas du tout inhabituel que des entreprises qui ne reçoivent pas une aide extraordinaire du fédéral exportent des emplois. Il en va autrement lorsque des entreprises reçoivent une aide, aussi bien directement que sous forme de prêts à leurs clients pour le développement des exportations, comme Bombardier l'a fait dans le cas de Northwest, je pense. Il faut équilibrer les intérêts entre, d'une part, le bien-être de l'entreprise, ce que je comprends, et, d'autre part, la sécurité des emplois au Canada et le respect de l'argent des contribuables qui soutient ces emplois.

Je remercie le ministre de ses efforts et j'espère qu'il gardera ces considérations à l'esprit.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je suis désolé que madame le sénateur Spivak ait pensé que je donnais un cours magistral. Je tentais de fournir une réponse utile dans le cadre du débat général qu'elle souhaite lancer.

J'aimerais ajouter une remarque sur laquelle elle pourra réfléchir. À certains moments, il peut être important pour la compétitivité globale d'une compagnie canadienne de bénéficier de diverses formes d'aide autorisées par l'OMC. Le fait de faire reposer la capacité d'une compagnie de se développer, de prendre de l'expansion et d'être rentable sur une seule forme de soutien financier créerait des situations très difficiles.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, suite à certains échanges au cours de la période des questions orales, j'aimerais rappeler aux honorables sénateurs la teneur du paragraphe 24(4) du Règlement :

Il n'y a pas de débat à la suite d'une question orale, mais le sénateur qui pose la question et celui qui y répond peuvent fournir de brèves explications.

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer à l'ordre du jour, j'aimerais vous signaler la présence à notre tribune des participants au Programme d'études des hauts fonctionnaires parlementaires de l'automne 2005. Nous avons avec nous des participants du Brésil, de la Colombie, du Costa Rica, du Mexique, du Paraguay, du Pérou et de l'Uruguay. Nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat du Canada.

[Français]

LE PROGRAMME D'ÉCHANGE DE PAGES AVEC LA CHAMBRE DES COMMUNES

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'aimerais vous présenter un page invité de la Chambre des communes. Francis Cloutier étudie à la faculté de gestion de l'Université d'Ottawa, et se spécialise en comptabilité. Francis est originaire d'Edmunston, au Nouveau-Brunswick. Nous lui souhaitons la bienvenue.

[Traduction]


ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI SUR L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

TROISIÈME LECTURE

L'honorable Tommy Banks propose : Que le projet de loi C-26, Loi constituant l'Agence des services frontaliers du Canada, soit lu pour la troisième fois.

Son Honneur le Président : Voulez-vous prendre la parole, sénateur Banks? Sinon, je vais donner la parole au sénateur Forrestall.

L'honorable J. Michael Forrestall : Honorables sénateurs, je veux simplement dire quelques mots à cette dernière étape du débat sur le projet de loi C-26, celui qui va éliminer le flou qui entourait les activités de la vice-première ministre depuis deux ans et lui donner enfin une bonne compréhension de ce qui constitue probablement plus de 25 ou 30 p. 100 de son mandat.

Honorables sénateurs, nous venons de traverser une période intéressante. Cela en dit long qu'il ait fallu deux ans pour que cette mesure arrive à l'étape où elle en est aujourd'hui.

Les temps sont difficiles. À moins que quelqu'un ait des doutes là- dessus, permettez-moi de vous rappeler que nous, les États-Unis et nos alliés communs sommes en fait engagés dans une guerre contre le terrorisme. Les Canadiens pourraient fort bien, à n'importe quel moment, être la cible d'une attaque en Afghanistan ou, ce qui est malheureux mais néanmoins réaliste, ici, chez nous.

Les États-Unis et leurs alliés subissent des attaques en Irak; Londres a été le théâtre de deux séries d'attentats à la bombe par des terroristes islamiques; Bali et l'Indonésie ont encore été la cible d'attentats à la bombe par des militants islamiques. Il y a également eu des attaques par des terroristes islamiques en Inde, comme nous le savons tous. Enfin, la Russie subit les attaques constantes de rebelles radicaux islamiques de plus en plus organisés en Tchétchénie. Le président russe a déclaré que, même s'il ne solliciterait pas un troisième mandat, il ne laisserait quand même pas la Russie sombrer dans le chaos.

La Chine continue d'accroître de façon étonnante sa puissance militaire en prévision de ce qui, selon bon nombre d'entre nous, pourrait aller bien au-delà d'une guerre de réunification avec Taïwan.

La Corée du Nord et l'Iran, malgré les pressions exercées par la communauté internationale, continuent leurs activités de développement de missiles de longue portée et d'armes nucléaires.

Il semble que le monde sera bientôt aux prises avec la prochaine pandémie de grippe mortelle. Nous sommes chanceux qu'on n'ait pas décelé la souche mortelle H5N1 du virus de la grippe chez les oiseaux que nous avons testés jusqu'ici.

Et si cela ne suffisait pas, je rappellerai aux sénateurs que le meurtre de Canadiens vient au cinquième rang sur la liste des priorités d'Al-Qaïda. Deux fois nous avons été mentionnés comme cible d'éventuelles attaques d'Al-Qaïda, et dans un cas, comme nous nous en souvenons tous, ces propos sortaient directement de la bouche d'Oussama ben Laden lui-même.

(1430)

Selon certains rapports, Al-Qaïda aurait mené des missions de reconnaissance à la frontière canadienne. L'organisation terroriste n'est pas seule. En février, un agent présumé du Hezbollah a franchi la frontière dans la région de Detroit, venant du Canada, et a été arrêté par nos voisins américains lorsqu'ils ont constaté qu'il avait des traces d'explosif sur son passeport. Pas un mot du gouvernement à ce sujet et pas un commentaire de l'Agence des services frontaliers du Canada. Cela n'est pas très rassurant. Le monde est instable et dangereux. Les Canadiens sont en danger, de même que les intérêts canadiens au pays et à l'étranger.

Il est très important que nous nous intéressions à la sécurité de la frontière. Nos voisins, les Américains, se font beaucoup de soucis à cet égard. Le maintien de bonnes relations avec les États-Unis est le fondement même de la politique étrangère du Canada. La sécurité est la préoccupation absolue des États-Unis. Comme nous effectuons 80 p. 100 de nos activités commerciales avec nos voisins du sud, la sécurité doit être notre préoccupation absolue, à moins d'adhérer à l'actuelle campagne préélectorale de dénigrement des Américains et de penser que nous devrions accroître nos échanges commerciaux avec la Chine.

Le projet de loi C-26 a pour effet de regrouper l'Agence des services frontaliers du Canada, l'Agence canadienne d'inspection des aliments et une partie du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. À l'autre endroit, le projet de loi est revenu du comité avec deux amendements, et le gouvernement en a déposé un autre à l'étape du rapport pour remédier à une erreur dans le projet de loi. Le fait que le gouvernement ait eu à présenter un amendement à une étape aussi avancée en dit également long sur son incompétence dans tout ce dossier d'importance vitale. Ce qu'il y a de pire toutefois, c'est le temps perdu.

Un des amendements adoptés par le comité de l'autre endroit, et proposé par mon parti, le Parti conservateur du Canada, visait à exiger de l'Agence des services frontaliers du Canada qu'elle publie un rapport annuel sur ses opérations et son rendement et que cette exigence figure dans la loi. L'amendement exigeait de l'agence qu'elle dépose son rapport annuel après la fin de l'exercice financier, mais avant la fin de l'année civile. En d'autres termes, le rapport 2005 de l'agence devrait être déposé après le 31 mars 2006, mais avant la fin décembre 2006. Il ne fait aucun doute qu'il faut une obligation redditionnelle plus stricte et davantage de rapports sur les activités du gouvernement. Il faut de la transparence dans un gouvernement qui est à l'origine du scandale des commandites.

Le gouvernement a noté dans le passé que le Conseil du Trésor présente, au nom de l'Agence des services frontaliers du Canada, des rapports sur le rendement qui devraient être considérés comme des rapports annuels. Cependant, la Loi sur la gestion des finances publiques n'exige pas précisément la présentation d'un rapport annuel ou d'un rapport sur le rendement. C'est maintenant le cas.

D'autres organismes qui présentent des rapports sur le rendement sont également tenus, aux termes de la loi, de présenter un rapport annuel. Il est notamment question du CSARS, de l'enquêteur correctionnel, du Service correctionnel du Canada et du Comité externe d'examen de la GRC. Nous pouvons tous reconnaître qu'une plus grande transparence et une meilleure reddition de comptes relativement aux activités du gouvernement constituent un élément important pour regagner la confiance de la population. Le Parlement doit connaître la vérité. Les Canadiens méritent de la connaître.

Le rapport doit être présenté au Parlement et il doit être honnête et non filtré.

J'ai profité de la discussion que nous avons eue avec la ministre McLellan au comité plus tôt cette semaine pour lui dire que, même si une disposition prévoit la présentation d'un rapport par l'agence au Conseil du Trésor et si le gouvernement considère cela comme un rapport aux deux Chambres du Parlement, c'est bien loin de suffire. J'ai signalé l'urgence et la nécessité d'une plus grande transparence. Nous ne devrions pas demander aux Canadiens de se satisfaire d'un rapport venant d'un organisme aussi essentiel que l'Agence des services frontaliers du Canada qui a été filtré par le Conseil du Trésor du Canada avant de parvenir à leurs parlementaires et à eux- mêmes.

La ministre m'a écouté attentivement. Nous avons eu un bref débat et elle s'est engagée à examiner cette façon de procéder.

Chers collègues, je sais qu'il est temps pour le gouvernement de rebâtir notre infrastructure nationale sur le plan de la sécurité et notre capacité en la matière avant qu'il ne soit trop tard. Il faut cesser de jouer seulement pour la galerie et prendre plutôt des mesures concrètes. C'est certes un pas dans la bonne direction. Une mesure législative beaucoup plus réfléchie est nécessaire pour que nos organismes et ministères compétents puissent assurer la sécurité de notre frontière et faire en sorte que le Canada soit un pays pacifique dans lequel il fait bon élever nos familles et vivre.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Banks : Je demande le vote.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Comme aucun sénateur ne souhaite intervenir ou ajourner le débat, je vais mettre la question aux voix.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

LA LOI SUR LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tardif, appuyée par l'honorable sénateur Massicotte, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications.

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j'ai été tenté de vous téléphoner à tous au sujet de ce projet de loi, mais j'ai décidé qu'il ne valait mieux pas.

Voici ce que dit le communiqué de presse du gouvernement sur le projet de loi C-37 :

Lorsque la Loi sera en vigueur, le CRTC devrait mener des consultations afin de trouver un administrateur, de déterminer le fonctionnement de la liste et les coûts opérationnels, et de considérer si la liste des numéros auto-exclus ne devrait pas s'appliquer à certains types d'appels.

Autrement dit, si ce projet de loi est adopté, c'est le CRTC qui aura le pouvoir de faire appliquer cette loi. Madame le sénateur Tardif a parlé des détails de ce projet de loi. Je crois comprendre que c'était son premier discours — et c'était un bon discours. Elle a adéquatement exposé les différents éléments du projet de loi, la semaine dernière. Elle vous a dit que l'intention de cette mesure était de supprimer ce qu'elle a appelé, et que le gouvernement appelle, un « irritant » dans la vie des Canadiens. J'ai trouvé plutôt amusant et très ironique que madame le sénateur Tardif cite un sondage d'Environics selon lequel les Canadiens trouvent le télémarketing irritant. Je me suis demandé comment ce sondage avait été effectué. Il n'y a pas de doute qu'Environics a recueilli de l'information utile, comme madame le sénateur Tardif l'a dit, et c'est pourquoi les maisons de sondage sont l'un des groupes que l'on envisage d'exempter de cette mesure. Heureusement, les politiciens — il faut bien qu'on se protège — sont un autre groupe qui est censé être exempté. Si l'on vend du savon, on ne peut pas appeler, mais si l'on vend de la politique, on peut appeler.

Le sénateur Rompkey : C'est moins irritant.

Le sénateur Tkachuk : Comme ce sont les sondeurs et les politiciens qui irritent le plus la population, on voit le résultat!

(1440)

Je ne m'oppose pas au principe de ce projet de loi. Toutefois, j'aimerais soulever quelques points dans l'espoir qu'ils feront l'objet de discussion au sein du comité qui en sera saisi. J'espère que le comité pourra trouver des réponses.

Je ne trouve guère rassurant de voir le gouvernement présenter un projet de loi aussi flou. En effet, nous ne savons pas du tout comment il sera administré. En somme, nous ne connaissons que l'objectif du projet de loi, et nous savons qu'il appartient au CRTC de l'atteindre. Nous ne savons rien des coûts, de l'administration ou des exemptions. Le CRTC aura toute latitude.

Nous ne savons pas comment le registre des abonnés exclus fonctionnera. Ce projet de loi délègue directement au CRTC le pouvoir de réglementer.

Les sénateurs comprennent assurément les craintes que j'ai par rapport à ce registre, particulièrement en raison du manque de précision que je viens de signaler. J'espère qu'un registre des abonnés exclus sera plus efficace pour protéger les gens contre le marketing téléphonique illégal que ne l'est le registre des armes à feu qui a coûté un milliard de dollars pour empêcher les criminels de tirer du fusil dans nos rues.

Le sénateur Comeau : Deux milliards de dollars.

Le sénateur Tkachuk : Je ne comprend pas que le gouvernement puisse présenter un projet de loi qui ne fera l'objet de consultations pancanadiennes que lorsqu'il aura été adopté. Il aurait été plus judicieux de mener de telles consultations avant la présentation du projet de loi à la Chambre. Étant donné que le train a déjà quitté la gare, le comité sénatorial auquel sera renvoyé le projet de loi devrait avoir pour mandat de mener de telles consultations. Ce n'est pas au CRTC de le faire.

Les politiciens devraient écouter ce que les Canadiens ont à dire à cet égard parce que ce projet de loi aura d'importantes répercussions pour les groupes exemptés et pour les groupes qui auront le droit de poursuivre leurs activités commerciales par téléphone.

Ce n'est pas une question facile. Une fois que cette décision aura été prise, un groupe ou une entreprise ayant plusieurs employés qui gagnent leur vie grâce au télémarketing sera soudainement obligé de cesser ses appels et devra trouver d'autres façons de rejoindre les consommateurs, peut-être en faisant du porte à porte.

La caractéristique du marché, c'est qu'une entreprise finit toujours par trouver un moyen de présenter ses produits aux clients. Si elle ne peut pas le faire par téléphone, elle frappera peut- être à votre porte ou remplira votre boîte aux lettres d'annonces directes, utilisant pour ce faire du papier produit par nos industries forestières.

Il semble que le comité de la Chambre des communes qui a étudié ce projet de loi n'ait convoqué que la Direct Marketing Association à témoigner. J'ai fait partie de cette association avant de devenir sénateur. Je travaillais dans le domaine du marketing direct.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Tkachuk : Je travaillais dans le domaine du publipostage direct et du télémarketing et je sais donc un peu de quoi il s'agit. Il est étrange que le comité n'ait convoqué que ce groupe et aucun autre à venir témoigner.

Il y a bon nombre d'autres groupes, des organismes de bienfaisance, des partis politiques et des maisons de sondage par exemple, qui sont exemptés. J'aimerais savoir ce qui a motivé leur exemption. J'espère que notre comité convoquera d'autres témoins à cet effet et qu'il arrivera à déterminer pourquoi ces groupes ont été exemptés alors que d'autres n'ont pas eu le droit de poursuivre leur activités par téléphone sans être menacés de se voir inscrits sur la liste d'exclusion.

Des gens rendent leurs numéros de téléphone publics. Si des entreprises peuvent leur téléphoner, c'est parce que leurs numéros figurent dans l'annuaire téléphonique. Leurs numéros figurent dans l'annuaire pour que des gens puissent leur téléphoner s'ils désirent les joindre pour une raison ou pour une autre, puis ils se mettent en colère si on les appelle.

J'ai eu un numéro de téléphone confidentiel pendant un certain temps, de sorte que je ne recevais jamais d'appels. Il y a quelques années, j'ai décidé de ne plus payer les frais mensuels de 2 $, de sorte que mon numéro paraît maintenant dans l'annuaire. Je suppose que des gens reçoivent beaucoup d'appels, mais ce n'est pas mon cas.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Munson : Quel est votre numéro?

Le sénateur Tkachuk : Si vous avez quelque chose à vendre, sénateur Munson, bien que j'en doute, vous pouvez me téléphoner.

Honorables sénateurs, le Parti conservateur du Canada appuie ce projet de loi en principe. Cependant, on n'a pas encore répondu à bien des questions et des enjeux importants pour les Canadiens, tant ceux qui reçoivent les appels téléphoniques que ceux qui les font.

Honorables sénateurs, j'espère que nous ferons davantage qu'étudier superficiellement ce projet de loi. C'est notre intention, de ce côté-ci.

Le sénateur Rompkey : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Tardif, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyée par l'honorable sénateur Lewis, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-43, Loi modifiant le Code criminel (attentats suicides).—(L'honorable sénateur Eggleton, C.P.)

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je prends la parole brièvement pour faire part de mon appui au projet de loi S- 43, qui modifie, pour plus de clarté, comme l'a souligné le parrain du projet de loi, le Code criminel afin d'ajouter l'attentat suicide à la définition d'activité terroriste.

J'aimerais tout d'abord remercier et féliciter le sénateur Grafstein d'avoir présenté ce projet de loi et avancé des arguments solides afin que les sénateurs l'appuient. Nous avons entendu hier un exposé fort éloquent de la part de notre nouveau collègue de Kingston et les Îles, le sénateur Segal, également en appui au projet de loi.

J'ajoute ma voix — de façon moins éloquente, j'en suis sûr, que ces deux honorables sénateurs — au concert d'appui à cette modification.

Ce sujet a eu une grande emprise sur nos vies depuis quelques années. Chaque jour, on nous informe de ces crimes horribles commis contre des hommes, des femmes et des enfants innocents dans différentes régions du globe. Chaque jour, nous entendons parler des attentats suicides en Irak ou ailleurs au Moyen-Orient, ou ailleurs sur la planète, comme à Bali ou en Tchétchénie. Cela se produit également sur notre propre continent, comme les événements du 11 septembre 2001 l'ont montré.

Nous voyons cet acte terroriste, l'attentat suicide, sous un jour différent de ce qui se produit chaque jour en Irak. Néanmoins, il s'agit d'une situation où des gens sont convaincus qu'une récompense les attend dans l'au-delà s'ils détruisent la vie de victimes innocentes de diverses confessions, dont bon nombre de chrétiens, de juifs, de musulmans et d'hindous. Les auteurs d'attentats suicides frappent à l'aveuglette, sans faire de différence entre leurs victimes, y compris celles qui pratiquent la même religion, mais de façon beaucoup plus modérée.

(1450)

Une fois qu'un kamikaze a commis un attentat suicide, il n'y a absolument rien que l'on puisse faire dans son cas en vertu du Code criminel du Canada ou des dispositions pénales de quelque pays que ce soit. Ces individus n'agissent pas seuls. Nous le savons. Nous savons qu'il y a des gens qui les recrutent. Nous savons qu'il y a des gens qui les entraînent. Nous savons qu'il y a des gens qui organisent et préparent les attentats que ces kamikazes vont commettre. Nous savons qu'il y a des gens qui financent ces opérations. Ce sont ces gens qu'il faut trouver afin d'essayer de prévenir les attentats suicides et d'empêcher que de tels actes soient commis.

Certains peuvent se demander en quoi cela touche le Canada, puisque ces attentats se produisent ailleurs. Honorables sénateurs, premièrement, il faut comprendre que, dans le contexte international, nous avons la responsabilité de condamner ces attentats. Ces actes sont tout à fait condamnables d'un point de vue moral. Ils ont été dénoncés par l'Assemblée générale des Nations Unies. Par ailleurs, je suis fier que les organisations musulmanes en Grande-Bretagne aient pris très clairement position après les attentats à la bombe dans le réseau de transport en commun de Londres, en juillet dernier, en édictant une fatwa contre ceux qui pourraient commettre des attentats suicides. Ces groupes ont dit que de tels actes ne trouvaient absolument aucune justification dans le Coran. Je sais que nous comprenons tous cela, mais il n'en demeure pas moins que des éléments radicaux ont commis ces actes terribles contre des innocents.

Dans le contexte international, il importe que le Canada fasse preuve de leadership relativement à cette question, tout comme il l'a fait dans tant d'autres domaines, comme par exemple les opérations de maintien et de soutien de la paix. Il faut que nous soyons présents aux Nations Unies et que nous aidions à faire en sorte que les pays prennent des mesures contre ce genre de crime contre l'humanité. À cette fin, honorables sénateurs, nous devons nous-mêmes donner l'exemple en apportant une modification à notre propre Code criminel, de façon à établir clairement que ces attentats sont des crimes, que nous allons tout faire pour les prévenir, et que nous allons poursuivre quiconque est lié d'une façon ou d'une autre à ce genre d'activité. Non, Dieu merci, de tels attentats n'ont pas été commis ici, mais il ne faut jamais tenir pour acquis que cela ne se produira pas.

Nous l'avons vu près de chez nous, à New York, à Washington et en Pennsylvanie, le 11 septembre 2001. On ne peut pas affirmer qu'une telle situation ne se produira jamais ici. J'estime qu'il faut modifier le Code criminel pour y inclure une disposition pour faire face à une telle éventualité. Les gens se demandent peut-être s'il n'y a pas déjà, dans le Code criminel, une disposition concernant les activités terroristes. Effectivement, il y en a une. Certains avocats soutiennent que ce type précis d'attentat est inclus.

Comme le sénateur Grafstein l'a fort justement souligné dans sa présentation du projet de loi S-43, il doit y avoir davantage de certitude à cet égard. Lorsque toute la rigueur de la loi peut retomber sur les citoyens, la loi doit comporter un haut degré de précision et de certitude. Voilà exactement ce que veut dire le sénateur quand il affirme que, pour une plus grande certitude, il faudrait ajouter nommément l'attentat suicide aux activités terroristes interdites par les lois canadiennes.

Je tiens à lui exprimer mon appréciation de même qu'au sénateur Segal, qui a pris la parole hier. Par la même occasion, j'indique que j'appuie ce projet de loi. J'ose espérer que tous les sénateurs appuieront cette mesure législative fort judicieuse.

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le débat est ajourné.)

LA LOI SUR LES TRANSPORTS AU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Banks, appuyée par l'honorable sénateur Corbin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada (droits de circulation pour le transport du grain).—(L'honorable sénateur Austin, C.P.)

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, ce débat a été ajourné à mon nom. Je suis maintenant prêt à répliquer au discours que le sénateur Banks a prononcé au Sénat au sujet du projet de loi S-6.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-6 vise à modifier les dispositions de la Loi sur les transports au Canada — que j'appellerai ci-après la LTC — relatives aux droits de circulation. J'aimerais tout d'abord formuler des observations générales sur la question de l'extension des droits de circulation. Il s'agit d'une question qui soulève la controverse et qui a été débattue en long et en large durant de nombreuses années. Certains des intéressés sont en faveur de l'extension des droits de circulation et de la présentation, au préalable, de demandes de droits de circulation à l'Office des transports du Canada, principalement en vue de stimuler la concurrence entre les compagnies de chemin de fer. Toutefois, d'autres intéressés s'opposent à l'extension des droits de circulation, faisant valoir que cela risquerait de rendre les investisseurs frileux, alors qu'on a grand besoin d'investissements dans les chemins de fer, surtout dans l'ouest du Canada; à vrai dire, ce serait bien la dernière chose dont on aurait besoin en ce moment, de rendre les investisseurs frileux s'entend.

De nombreux honorables sénateurs se souviendront des difficultés que les expéditeurs de l'Ouest ont connues vers la fin des années 1970 et le début des années 1980, lorsque le gouvernement s'est attaqué au problème de la pénurie d'investissements dans les chemins de fer à cause du tarif du Nid-de-Corbeau pour le transport du grain. J'ai participé activement aux travaux qui ont conduit au remplacement par voie législative du tarif historique du Nid-de-Corbeau, qui n'avait tout bonnement plus sa place en cette ère de libéralisation des échanges sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce.

Nombre d'expéditeurs ont fait pression en faveur de la stabilité réglementaire afin d'encourager les investissements ferroviaires et considéreraient que le projet de loi S-6 pourrait se traduire par l'imposition de droits de circulation élevés sur un certain nombre de marchandises, le ministre de l'époque ayant cédé aux pressions politiques à court terme exercées par des expéditeurs.

Des intervenants sont d'avis que la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, le CN, et le Canadien Pacifique Limitée, CP Rail, n'ont pas de véritables concurrents. J'estime que ce n'est pas le cas, notamment en ce qui concerne le transport du grain, étant donné que le transport de cette denrée commence à la ferme par camion. La plupart des agriculteurs ont le choix quant au point d'expédition et à la société céréalière à qui leur grain sera expédié. Il est généralement reconnu qu'il y a effectivement concurrence entre les sociétés céréalières. À leur tour, depuis une dizaine d'années, les sociétés céréalières ont créé de nouveaux réseaux de silos à haut débit. Les sociétés céréalières ont été des éléments clés dans la construction de nombre de ces installations. Elles les ont construites afin de s'assurer un plus grand choix de fournisseurs de services ferroviaires. En outre, les expéditeurs de grain jouissent de l'unique protection du plafond de revenus, en plus de l'accès aux dispositions de la LTC relatives à la protection des expéditeurs, dont tous les expéditeurs peuvent se prévaloir.

Le sénateur Banks a fait allusion aux observations du CN et de CP Rail dans lesquelles elles se disent favorables à une concurrence ferroviaire accrue aux États-Unis. Il importe de tenir compte du contexte de ces observations. Elles ont été faites dans le cadre de l'examen d'importantes fusions de chemins de fer et non de façon isolée. Ces propositions de fusion constituent quasiment la seule possibilité qu'a la U.S. Surface Transportation Board d'imposer des droits de circulation. Les chemins de fer qui fusionnent acceptent généralement une plus grande concurrence, parfois sous la forme de droits de circulation à titre de condition nécessaire à l'approbation de la fusion.

Les actionnaires invoquent souvent l'expérience vécue par d'autres réseaux d'entreprises pour justifier un élargissement des droits de circulation. Le comité de révision de la LTC a examiné cet argument et a conclu que le secteur ferroviaire n'était pas analogue aux industries des télécommunications, de l'électricité et du gaz et qu'il ne pouvait donc pas être traité de cette façon. Ainsi, le comité d'examen a conclu que :

D'un point de vue administratif et opérationnel, les compagnies ferroviaires sont beaucoup plus complexes que d'autres réseaux industriels en ce qui concerne la planification matérielle, la coordination, la sécurité, les connexions et l'administration.

(1500)

Le ministre des Transports s'oppose à ce projet de loi en disant que les modifications éventuelles aux dispositions concernant les droits de circulation devraient être examinées à la lumière des autres solutions qui s'offrent aux expéditeurs et des modifications à la LTC qui sont proposées dans le projet de loi C-44, actuellement examiné par la Chambre des communes.

Des changements unilatéraux dans les dispositions relatives aux droits de circulation pourraient mettre en péril l'équilibre atteint dans la réglementation entre les intérêts des expéditeurs, des transporteurs et des autres parties intéressées au système ferroviaire canadien de transport des marchandises. La LTC fait appel principalement à la concurrence et aux autres forces du marché pour garantir la viabilité, l'efficacité et l'efficience des services de transport. L'approche préconisée par le gouvernement dans sa politique des transports a généralement été couronnée de succès, et la plupart des expéditeurs et des transporteurs lui sont favorables.

C'est le constat fait par le comité chargé d'examiner la LTC, qui a été formé en 2000, conformément à la loi, et qui a présenté les conclusions suivantes : premièrement, le système ferroviaire fonctionne bien pour la plupart des utilisateurs, la plupart du temps; deuxièmement, le système est fondamentalement concurrentiel et efficace et n'est pas foncièrement anticoncurrentiel; troisièmement, rien ne montre que les sociétés ferroviaires font des profits excessifs; quatrièmement, les abus sur le marché ne sont ni systémiques, ni répandus; cinquièmement, la plupart des expéditeurs sont bien servis dans la plupart des marchés.

Néanmoins, il peut être nécessaire à l'occasion que le gouvernement intervienne pour corriger les imperfections du marché. C'est pourquoi la LTC contient un certain nombre de dispositions destinées à protéger les expéditeurs des abus de position dominante sur le marché qui pourraient être commis par les sociétés ferroviaires. Ces dispositions visent à établir un équilibre judicieux entre les intérêts des expéditeurs et des transporteurs. Elles donnent un certain pouvoir de négociation aux expéditeurs face aux sociétés ferroviaires.

Permettez-moi de prendre quelques minutes pour expliquer quelques-unes des dispositions importantes de protection des expéditeurs que contient actuellement la LTC ainsi que certaines modifications proposées dans le projet de loi C-44, qui a été déposé à la Chambre des communes en mars dernier. Comme je l'ai mentionné, la question des droits de circulation ne peut être dissociée des autres dispositions de protection des expéditeurs.

La première des dispositions de ce genre dont j'aimerais parler est celle qui prescrit que les prix de transport ferroviaire ou les conditions de service établis par l'Office des transports du Canada, l'OTC, doivent être « commercialement équitables et raisonnables vis-à-vis des parties ». Il s'agit de l'article 112 de cette loi. Cette exigence découle de la nécessité de tenir compte des intérêts commerciaux des deux parties concernées par les décisions de l'office. Elle a pour but de veiller à ce que ces décisions soient bien adaptées aux réalités commerciales. Le projet de loi C-44 propose de maintenir cette disposition.

Les expéditeurs sont également protégés par des dispositions visant le niveau de service, que l'on appelle aussi les obligations de transporteurs publics, selon lesquelles tout transporteur ferroviaire doit fournir aux expéditeurs un service adéquat et acceptable. Un expéditeur qui n'est pas satisfait du niveau de service peut se plaindre auprès de l'OTC, qui dispose de vastes pouvoirs pour ordonner des mesures correctives, si nécessaire. Bon nombre d'expéditeurs estiment que les obligations relatives au niveau de service sont le fondement des dispositions actuelles et futures relatives à l'accès concurrentiel. Les expéditeurs sont fort satisfaits des dispositions relatives au niveau de service et ils s'entendent pour dire qu'elles devraient également être retenues, comme il est proposé de le faire dans le projet de loi C-44.

La Loi sur les transports du Canada contient également des dispositions qui assurent à un expéditeur desservi par un seul transporteur ferroviaire un taux réglementé jusqu'à un point de connexion également desservi par un deuxième transporteur. On souhaite ainsi fournir à de tels expéditeurs des options concurrentielles pour l'expédition de leurs marchandises du point d'échange au point de destination.

Ces dispositions concernant les interconnexions s'appliquent au mouvement vers un point d'échange situé à moins de 30 kilomètres du point d'origine. On s'entend généralement pour dire que ces dispositions donnent de bons résultats. On prévoit les maintenir tout en les modifiant légèrement pour préciser que les taux d'interconnexion sont des taux maximum à partir desquels les expéditeurs et les transporteurs peuvent négocier des taux moindres.

Dans un même ordre d'idée, la Loi contient à l'heure actuelle des dispositions concernant les prix de ligne concurrentiels, semblables à celles qui visent les interconnexions, sauf qu'ils visent des connexions à des échanges situés à plus de 30 kilomètres du point d'origine. Dans le projet de loi C-44, le gouvernement propose de remplacer les dispositions relatives aux prix de ligne concurrentiels par des prix de raccordement concurrentiels.

Selon la loi actuelle, l'expéditeur doit, avant de demander à l'Office des transports du Canada d'établir un prix de ligne concurrentiel, avoir conclu une entente avec le transporteur de connexion pour le transport de ses marchandises au-delà du point d'échange. Les expéditeurs estiment que cette exigence constitue un obstacle qui réduit de façon importante l'efficacité du recours. Le projet de loi C-44 propose de laisser tomber cette exigence.

Selon le projet de loi C-44, les prix de raccordement concurrentiels ne seraient accessibles qu'aux expéditeurs ne disposant pas de solutions de rechange efficaces, adéquates et concurrentielles en matière de transport. De plus, les expéditeurs n'auraient accès à ces prix que dans les situations où l'Office aurait déterminé que le taux visant le mouvement du point d'origine au point de destination est nettement supérieur aux taux s'appliquant à des mouvements similaires de marchandises dans des conditions similaires. Bien que certains s'opposent à de telles conditions, elles vont dans le sens d'une approche générale qui vise à faire appel aux recours réglementés seulement lorsque ces derniers sont vraiment nécessaires.

L'une des dispositions les plus populaires en matière de protection des expéditeurs est l'arbitrage. L'arbitrage est une procédure permettant de régler les différends qui peuvent survenir entre les expéditeurs et les transporteurs au sujet des taux et des modalités de service. Un arbitre indépendant reçoit et examine les offres respectives de l'expéditeur et du transporteur et il choisit la meilleure des deux. Il ne peut combiner ou modifier les offres. Sa décision lie les parties.

Il peut arriver que les négociations entre un expéditeur et la compagnie de chemin de fer soient dans une impasse. Dans une situation où un expéditeur n'a aucune autre option de transport, cela signifie qu'il doit accepter le taux imposé par le transporteur.

Le recours à l'arbitrage a pour effet d'inciter les parties à rendre leurs offres respectives plus raisonnables. Il serait en effet peu probable que l'arbitre prenne une décision en faveur d'une offre déraisonnable, trop élevée ou trop basse. Cette procédure permet de réduire l'écart entre les positions des parties et encourage un règlement négocié.

On dit que les expéditeurs menacent souvent de recourir à l'arbitrage et s'en servent comme d'un levier dans la négociation des prix avec les transporteurs. Les dispositions existantes en matière d'arbitrage donnent de bons résultats et sont préservées dans le projet de loi C-44, avec quelques améliorations afin de tenir compte des préoccupations des expéditeurs.

Le projet de loi C-44 propose d'élargir les services et les frais couverts par l'arbitrage afin d'inclure, entre autres, les frais de retard associés au déchargement des wagons et les frais de nettoyage des wagons. Cette mesure vise à maintenir à un bas niveau les coûts totaux de transport ferroviaire que doivent assumer les expéditeurs. Cette proposition, évidemment, enthousiasme aussi les expéditeurs.

Par ailleurs, le projet de loi permettrait à des groupes d'expéditeurs désirant une mesure réparatoire commune d'avoir recours à l'arbitrage, ce qui réduirait le coût assumé par chaque expéditeur. Cela faciliterait aussi l'utilisation de recours collectif pour des questions touchant plus d'un expéditeur au sein d'une même industrie ou de plusieurs industries.

Enfin, il y a la disposition relative au « préjudice commercial important », le paragraphe 27(2) de la Loi sur les transports au Canada. En vertu de la loi actuelle, pour accorder réparation relativement à un tarif ou à un service, l'Office des transports du Canada doit être convaincu que l'expéditeur subirait un « préjudice commercial important ». Les expéditeurs ont été nombreux à critiquer le mode d'évaluation des préjudices commerciaux importants, en particulier parce qu'il s'attarde sur l'état financier ou les activités des expéditeurs. Le projet de loi C-44 suggère de laisser tomber cette évaluation, car elle met l'accent sur l'expéditeur au lieu du comportement du transporteur.

Honorables sénateurs, certains expéditeurs exigent des réformes réglementaires considérables afin de rehausser la concurrence dans le transport ferroviaire. Comme l'a constaté le comité d'examen de la Loi sur les transports au Canada, il n'est pas nécessaire d'adopter des mesures réglementaires draconiennes pour rehausser la concurrence. Les modifications que propose le gouvernement dans le projet de loi C-44 tendent à s'appuyer sur les bases solides jetées par la Loi sur les transports au Canada et non à changer cette loi de fond en comble.

La création d'un réseau ferroviaire national est essentielle pour offrir aux expéditeurs un accès fiable et efficace aux marchés intérieur, continental et international. Le cadre stratégique actuel a contribué à la revitalisation du système ferroviaire canadien, y compris à l'établissement d'une industrie de chemins de fer secondaires.

(1510)

Les compagnies de transport ferroviaire de marchandises assurent un bon service à faible prix et sans subvention gouvernementale au sein d'un marché nord-américain compétitif. Les expéditeurs disposent d'outils réglementaires efficaces qui contribuent à leur donner plus de poids quand ils négocient avec les compagnies ferroviaires et qui limitent les abus d'emprise sur le marché de la part de ces dernières.

Le projet de loi S-6 contient des changements stratégiques de grande importance qui ont, en puissance, des incidences considérables nécessitant l'examen le plus attentif. Comme je l'ai dit au début de mon intervention, la question des droits de circulation est controversée et elle a fait l'objet de discussions approfondies ces six dernières années. Il faut examiner soigneusement les dispositions relatives à cette question en raison de leurs répercussions, qui pourraient être négatives, sur l'investissement dans les chemins de fer, les gains de rendement dans le secteur ferroviaire, le service dispensé aux expéditeurs, le degré de surveillance réglementaire nécessaire pour remédier à des conflits éventuels entre un chemin de fer hôte et le chemin de fer invité, et le développement de lignes sur courtes distances.

J'espère que ces observations seront utiles aux honorables sénateurs lorsqu'ils examineront le projet de loi S-6 et, le moment venu, le projet de loi C-44.

Honorables sénateurs, je suis né à Calgary et j'ai grandi en Alberta. Mon âge pourrait révéler que je me souviens de certaines opinions des gens de ma collectivité qui avaient été façonnées par la Grande Crise. Pendant mon enfance, j'ai appris que c'était toujours la faute des compagnies ferroviaires. En effet, qu'il grêle, qu'il pleuve trop ou qu'il ne pleuve pas, peu importe ce qui arrivait aux producteurs agricoles des Prairies, ils employaient souvent l'expression : « Que Dieu maudisse le CP Rail. »

(Sur la motion du sénateur Banks, le débat est ajourné.)

LA LOI SUR LA TAXE D'ACCISE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Di Nino, appuyée par l'honorable sénateur Keon, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-259, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise (suppression de la taxe d'accise sur les bijoux). —(L'honorable sénateur Eggleton, C.P.)

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-259, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et appuyant la suppression de la taxe d'accise sur les bijoux. Le sénateur Di Nino a brossé un bon tableau de la question dans son excellent discours du 23 juin 2005; toutefois, je souhaite ajouter une ou deux observations à propos de ce que de tierces parties ont dit de cette taxe inique et de la question de l'équité.

Le sénateur Di Nino a signalé que la taxe d'accise sur les bijoux date de près de 90 ans et remonte à 1918. Elle appartient à une autre époque. La taxe qui subsiste aujourd'hui n'est rien d'autre qu'une ponction fiscale qui pénalise injustement l'industrie des bijoux, l'industrie minière, les Territoires du Nord-Ouest et leur population, ainsi que les consommateurs canadiens.

Dans une évaluation réalisée par une tierce partie, un rapport de décembre 2004 rédigé par la firme Ernst & Young et intitulé Jewellery Excise : An Unfair Tax that Kills Jobs, on peut lire ceci :

La taxe d'accise de 10 p. 100 sur les bijoux et les montres, qui est entrée en vigueur en 1918, n'a plus sa place dans le régime fiscal moderne. Elle provoque la disparition d'emplois au Canada en favorisant les produits importés plutôt que ceux fabriqués chez nous. C'est une taxe injuste pour les Canadiens ordinaires, qui n'a aucune justification légitime du point de vue stratégique. C'est une taxe complexe et coûteuse à administrer, qui peut donner lieu à des fraudes.

C'est là une accusation assez accablante.

Les auteurs du rapport poursuivent en ces termes :

... [cette taxe] encourage les Canadiens à se rendre aux États-Unis et dans d'autres pays pour acheter des bijoux et les rapporter chez eux en franchise de taxe, grâce à l'exemption personnelle pouvant atteindre 750 $ après une semaine d'absence.

Le moment est venu de modifier la situation. Aucun autre pays industrialisé dans le monde n'impose une taxe de cette nature.

Lorsque la taxe sur les produits et services a remplacé la taxe sur les ventes des fabricants qui était désuète et nocive, on aurait dû éliminer aussi la taxe d'accise sur les bijoux.

Le Comité fédéral permanent des finances a appuyé la suppression de la taxe d'accise sur les bijoux en 1996. Cette année, le comité a réitéré son appel en faveur de sa suppression.

Voici ce qu'on peut lire dans le Rapport du vérificateur général du Canada de septembre 1996 :

Des agents de Revenu Canada [...] nous ont fait savoir qu'il est très difficile de l'appliquer à tous les fabricants de bijoux qui devraient la payer.

... il y a beaucoup d'évasion et d'évitement de la taxe d'accise sur les bijoux, par le biais d'activités clandestines.

Honorables sénateurs, le fait de supprimer cette taxe ferait augmenter l'activité commerciale et, par conséquent, engendrerait des recettes accrues pour le gouvernement fédéral, ce qui compenserait ensuite pour toute perte de recettes due à la suppression de la taxe d'accise sur les bijoux. Le gouvernement tire environ 50 millions de dollars par année de la taxe d'accise sur les bijoux, ce qui représente, si l'on prend pour témoin l'exercice 1996-1997 où l'on avait compté 140 milliards de dollars de recettes, soit 0,04 p. 100 des recettes totales. C'est une source de revenu pratiquement invisible.

On a établi que la taxe d'accise faisait du tort aux petites entreprises de différentes manières. Elle désavantage ce secteur par rapport à ceux, par exemple, des produits électroniques de consommation, du vêtement et des loisirs, qui n'ont pas une telle taxe à faire payer au consommateur. C'est aussi un fardeau pour les petites entreprises sur le plan du financement des stocks. Quand le gouvernement a éliminé la taxe fédérale de vente avec l'adoption de la TPS, cela avait éliminé la charge supplémentaire sur les stocks. Pour sa part, l'industrie du bijou doit encore supporter la taxe d'accise, qui est incluse dans le prix que les détaillants paient à leurs fournisseurs. Les détaillants ne récupèrent donc pas cet argent tant que le produit n'est pas vendu. Comme les bijouteries n'ont pas un gros volume de ventes, c'est une difficulté de plus pour le propriétaire d'un tel commerce. Par exemple, en moyenne, les stocks dans un magasin de vente au détail sont renouvelés en dix semaines environ. Dans les bijouteries, la vitesse de rotation des stocks est d'un an.

Ernst & Young a aussi fait remarquer que les bijoux se prêtent bien à la contrebande parce qu'ils sont très faciles à dissimuler. Dans son rapport, la firme indique que l'achat de bijoux aux États-Unis est une pratique si répandue qu'elle compte pour près de 15 p. 100 de la baisse des ventes enregistrée par les bijoutiers canadiens.

L'industrie canadienne de la joaillerie est constituée de 5 000 entreprises, dont la plupart sont de petits commerces familiaux. Elle génère 1,2 milliard de dollars et emploie plus de 40 000 Canadiens. On ne peut plus parler d'un quelconque aspect de luxe. Cet argument n'est tout simplement plus valable. Une paire de boucles d'oreilles de 10 $ et une alliance de 100 $ sont considérées comme des produits de luxe, et taxées en conséquence, mais un costume de 2 000 $ ne l'est pas. En quoi cela est-il juste, honorables sénateurs?

À cause de ses nombreuses failles, la taxe est sujette à l'évitement et à l'évasion, ce qui entraîne une perte importante de recettes pour le gouvernement. La taxe d'accise sur les bijoux est devenue un anachronisme qui ne répond plus à son objectif initial, qui était de financer l'effort de guerre pendant la Première Guerre mondiale. Elle ne possède pas non plus les qualités qui devrait être associées à une taxe, soit l'équité, l'efficience, la facilité d'administration et la transparence.

Le Canada est le seul pays possédant une industrie joaillière en croissance qui continue d'être assujettie à une taxe qualifiée à tort de « taxe de luxe ». L'Australie et la Russie, deux de nos principaux concurrents pour ce qui est de la production de diamants, ont récemment aboli leur équivalent de cette taxe. Les ménages à revenu faible ou moyen, ceux qui gagnent moins de 90 000 $ par an, comptent pour plus de 50 p. 100 des dépenses effectuées pour l'achat de montres et de bijoux au Canada.

Honorables sénateurs, supprimer cette taxe ne signifierait pas que nous réservons un traitement spécial à l'industrie joaillière. Au contraire, cela uniformiserait les règles du jeu, car c'est ce qu'ont fait les autres pays industrialisés.

(1520)

L'élimination progressive de cette taxe fait plus de mal que de bien. L'application de la loi demeurerait tout aussi difficile. Les frais d'administration demeureront constants, mais les recettes diminueraient progressivement.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-259 a été adopté à l'autre endroit par une forte majorité de 185 à 93. Cette taxe de luxe est une réalité du passé, à mon avis. Pourquoi procéder à un retrait progressif? Éliminons cette taxe une fois pour toutes et laissons-la sur le tableau du jeu de Monopoly où elle a sa vraie place.

Il ne s'agit pas d'une question partisane. Il s'agit d'une question d'équité. J'exhorte tous les sénateurs à appuyer le projet de loi C- 259.

(Sur la motion du sénateur Maheu, le débat est ajourné.)

LE SÉNAT

MOTION VISANT À PRESSER LE GOUVERNEMENT D'INTERVENIR POUR ATTÉNUER LES DIFFICULTÉS LIÉES AUX COÛTS ÉLEVÉS DU CARBURANT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kinsella, appuyée par l'honorable sénateur Stratton :

Que le Sénat exhorte le gouvernement à venir en aide aux contribuables canadiens par l'entremise du régime fiscal de manière à ce que le coût du carburant ne pose pas un obstacle aux personnes qui conduisent pour se rendre au travail, notamment par l'instauration d'une exemption fiscale pour déplacements personnels de 1 000 $;

Que le Sénat exhorte le gouvernement à agir pour faire en sorte que les frais de chauffage résidentiels toujours croissants ne constituent pas un fardeau trop lourd à supporter pour les personnes à faible ou à moyen revenu cet hiver et pour les hivers à venir;

Que le Sénat exhorte le gouvernement à favoriser l'utilisation du transport en commun par l'instauration d'une déduction fiscale applicable aux laissez-passer mensuels ou annuels;

Qu'un message soit envoyé à la Chambre des communes réclamant que la Chambre se joigne au Sénat pour appuyer les propositions ci-dessus.—(L'honorable sénateur Rompkey, C.P.)

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je crois comprendre que le sénateur Angus aimerait participer au débat. Nous pouvons certainement lui donner accorder la parole.

L'honorable W. David Angus : Honorables sénateurs, je veux apporter mon soutien à la motion présentée par le sénateur Kinsella le 25 octobre pour demander au Sénat d'exhorter le gouvernement à venir en aide aux contribuables canadiens par l'entremise du régime fiscal de manière à ce que le coût du carburant ne pose pas un obstacle aux personnes qui conduisent pour se rendre au travail; à prendre des mesures pour que le coût du chauffage résidentiel ne constitue pas un fardeau excessif pour les salariés à faible et à moyen revenu; et à encourager une utilisation plus générale des transports en commun au Canada en accordant un crédit d'impôt pour l'achat de laissez-passer mensuels ou annuels.

Tout d'abord, honorables sénateurs, je tiens à souligner avec plaisir que la flambée du prix des carburants fossile semble s'être un peu résorbée depuis la crise du début du mois dernier. Cependant, ces prix restent inquiétants et demeurent près des niveaux records. Ils ont un effet inflationniste dangereux sur l'ensemble de notre économie ce qui, en retour, pourrait entraîner une hausse des taux d'intérêt et des pressions financières imprévues sur les consommateurs canadiens à faible revenu et sur leurs régimes d'épargne-retraite.

À mon humble avis, honorables sénateurs, le gouvernement a besoin de mettre en oeuvre des mesures réfléchies pour alléger le fardeau des contribuables canadiens, particulièrement, mais pas exclusivement, ceux qui ont de bas revenus.

Je conviens avec le sénateur Kinsella que, jusqu'à maintenant, la réaction du gouvernement devant la situation a été insuffisante, inefficace et décevante. Il a été démontré que le projet de loi C-66 est tout à fait inadapté et, comme le sénateur Kinsella l'a souligné, il représente en très grande partie une initiative électoraliste conçue pour justifier une série de communiqués sans substance et des séances de photographie.

On serait tenté, honorables sénateurs, de réclamer quelque chose à se mettre sous la dent. Cependant, j'éviterai une telle question teintée d'esprit de parti pour le moment parce que j'estime que la question est une question économique grave qui aura des conséquences graves et qui, pour l'ensemble des Canadiens, ne revêt aucune couleur politique.

Je veux m'arrêter tout particulièrement à deux genres d'effets de la motion du sénateur Kinsella : premièrement, en adoptant des politiques fiscales novatrices on modifiera notre régime fiscal; deuxièmement, en encourageant davantage de Canadiens à prendre les transports en commun on réduira de façon marquée les émissions de gaz à effet de serre, ce qui améliorera notre environnement et renforcera notre initiative en faveur de Kyoto.

Honorables sénateurs, à la suite de mon travail au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, j'en suis arrivé à la ferme conclusion qu'un très grand nombre de nos problèmes économiques et environnementaux peuvent être attribués à un régime fiscal vraiment désuet et bien imparfait qui n'a pas fait l'objet d'une refonte en profondeur depuis environ 35 ans.

Les experts nous disent constamment que notre régime fiscal actuel est inéquitable, inapplicable et marqué par le déséquilibre. Il y a un instant, le sénateur Meighen nous a dit que les modifications fiscales appropriées encourageraient des dons de bienfaisance, et il a ensuite parlé de la taxe sur les bijoux qui est un anachronisme, qui n'a plus sa raison d'être.

Dans ses budgets successifs, le gouvernement a semblé ne pas comprendre la gravité du problème. Toutes les modifications mineures au régime fiscal qu'il a proposées ou mises en oeuvre ont été contre-productives la plupart du temps et elles ont eu des conséquences négatives pour l'économie canadienne, pour les entreprises canadiennes et pour les consommateurs dans leur ensemble.

Tout le tollé entourant à l'heure actuelle les fiducies de revenu est un bon exemple d'incompétence et reflète une mauvaise politique et une mauvaise procédure à cet égard. Voilà un outil, bon ou mauvais, qui a été créé au départ et qui est devenu généralisé précisément à cause du déséquilibre qu'on retrouve dans le régime fiscal — une série d'impôts sur le capital et d'impôts des sociétés élevés et punitifs, tout cela ajouté à des taux d'intérêt anormalement bas sur une longue période.

Tous les témoins qui ont comparu devant les Comités de l'énergie et des banques nous ont dit, honorables sénateurs, que le régime fiscal du Canada nuit à la productivité, à la croissance économique et à l'esprit d'entreprise au Canada. Ils nous ont dit également qu'il conduisait à un exode des cerveaux inquiétant qui nous fait perdre nos jeunes les plus brillants au profit des États-Unis et d'autres pays.

De plus, des organismes respectés comme l'OCDE, la Banque du Canada et le Conference Board du Canada, ainsi que la commissaire à l'environnement et au développement durable nous ont dit que même si nous avons tous les outils fiscaux économiques et techniques nécessaires à notre disposition pour nous attaquer aux problèmes reliés aux changements climatiques et à la détérioration de notre environnement, nous ne les utilisons tout simplement pas. C'est extrêmement inquiétant, surtout pour la communauté écologique, et pour nous tous ici. C'est certes le cas de ceux d'entre nous qui siègent au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, mais je crois que cette situation devrait exaspérer et inquiéter tous les sénateurs.

Comme le Conference Board du Canada l'a signalé le mois dernier, il y a un sentiment troublant de contentement de soi au Canada à l'heure actuelle. Le Canada n'est pas digne de sa réputation de société riche, saine, responsable sur le plan environnemental et consciente de ses responsabilités sociales.

(1530)

En résumé, honorables sénateurs, une réforme fiscale s'impose de toute urgence dans notre pays. Qu'il s'agisse de mesures fiscales modestes comme l'octroi d'une déduction fiscale ou d'un crédit d'impôt aux usagers du transport en commun ou d'une exemption fiscale personnelle de 1 000 $ relative aux déplacements, comme celle proposée par le sénateur Kinsella, pour aider les gens à faire face aux problèmes résultant de la hausse des coûts du carburant, ou encore de modifications majeures comme la réduction de l'impôt sur le capital et les dividendes des sociétés, il est évident que des changements fiscaux sont maintenant nécessaires. Tous les Canadiens pourraient ainsi en bénéficier grandement, non seulement parce qu'ils pourraient mieux faire face aux coûts élevés de l'énergie, mais aussi parce que leur niveau de vie s'en trouverait accru, en raison d'une hausse de la productivité et d'un partage plus juste et équitable du fardeau fiscal entre tous les Canadiens et les sociétés de notre pays.

Je suis certain que les honorables sénateurs seront d'accord avec moi pour dire qu'il est tout simplement inacceptable que nous, Canadiens, voyions notre pays en chute libre — lui qui se classait parmi les cinq premiers des 30 pays de l'OCDE et qui se classe maintenant parmi les dix derniers — dans toutes sortes de domaines économiques et environnementaux clés. Nous pouvons et nous devons faire mieux.

Voilà pourquoi le Comité des banques a décidé, de toute urgence, de tenir de deux à quatre jours d'audiences sur la situation du régime fiscal canadien afin de déterminer, avec l'aide de spécialistes, la gravité de nos problèmes fiscaux ainsi que les mesures que nous pourrions raisonnablement prendre à court terme pour apporter aux moins les améliorations et les changements les plus pressants et pour mettre en place les éléments nécessaires à une réforme plus exhaustive de notre régime fiscal. Le Comité des banques prévoit commencer ses audiences très prochainement, et je le rappellerai aux honorables sénateurs.

En conclusion, la suggestion du sénateur Kinsella concernant l'établissement d'un crédit d'impôt couvrant une partie du coût des laissez-passer du transport en commun est un excellent exemple de ce que l'on peut faire en adoptant une mesure simple et non compliquée. Cette idée fait maintenant partie intégrante du programme officiel du Parti conservateur. En adoptant cette mesure, on permettrait aux usagers du transport en commun de déduire 16 p. 100 du coût de leur laissez-passer des impôts qu'ils devraient autrement payer. Par la même occasion, on encouragerait les gens à utiliser le transport en commun, ce qui se traduirait par une diminution de la congestion routière, du smog et des émissions de gaz à effet de serre.

Environnement Canada nous apprend que, à l'heure actuelle, les voitures et camions sont responsables d'environ 18 p. 100 de toutes les émissions de gaz à effet de serre au Canada, soit plus de 134 millions de tonnes par an. En encourageant les Canadiens à utiliser les transports en commun, plutôt que des véhicules qui consomment de l'essence, en leur accordant un simple incitatif fiscal, le gouvernement accomplirait deux objectifs. Il aiderait les Canadiens qui choisissent d'utiliser les transports en commun à réduire leurs coûts associés à ce moyen de transport et, à plus grande échelle, il nous aiderait à honorer nos engagements dans le cadre du Protocole de Kyoto.

Pour ces raisons, honorables sénateurs, je vous encourage tous à vous joindre à moi pour appuyer la motion très judicieuse et réfléchie du sénateur Kinsella.

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le débat est ajourné.)

LANGUES OFFICIELLES

MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER LES EFFETS DU DÉMÉNAGEMENT DE MINISTÈRES FÉDÉRAUX

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tardif, appuyée par l'honorable sénateur Massicotte,

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles étudie les questions suivantes et présente au Sénat ses recommandations le 15 juin 2006 au plus tard :

1. Le déménagement des bureaux principaux de ministères fédéraux qui passeront de régions bilingues vers des régions unilingues et l'effet sur la capacité des employés de travailler dans la langue officielle de leur choix;

2. Les mesures qui peuvent être prises pour éviter que de telles réinstallations nuisent à l'application de la partie V de la Loi sur les langues officielles dans ces bureaux et à la capacité des employés réinstallés de travailler dans la langue officielle de leur choix.—(L'honorable sénateur Segal)

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, c'est un plaisir pour moi d'exprimer mon soutien à la motion présentée par madame le sénateur Tardif sur l'étude qu'un comité sénatorial entreprendra sur les droits des fonctionnaires qui sont touchés par la décentralisation de divers ministères, et sur la garantie de protection de ces droits en vertu de la Loi sur les langues officielles du Canada.

[Français]

Honorables sénateurs, je suis fier d'associer le Parti conservateur à l'appui des droits minoritaires linguistiques avancés par Jean- Robert Gauthier quand il était membre de cette Chambre et au projet de loi S-44, parrainé par madame le sénateur Ringuette, au sujet des garanties en place concernant les droits des personnes postulant des emplois à la Commission de la fonction publique du Canada.

J'appuie tous les efforts déployés par le Sénat dans le but d'accroître le bilinguisme au sein de l'administration publique fédérale et d'augmenter la présence du gouvernement fédéral dans les différentes régions canadiennes. En tant que nouveau sénateur, je crois que le Sénat devrait s'employer activement à tout mettre en œuvre pour que, advenant le déménagement ou l'ouverture de bureaux du gouvernement fédéral à l'extérieur de la région de la capitale nationale, les droits de tous les travailleurs touchés soient respectés. Le Sénat devrait aussi établir des politiques et des directives claires sur ce sujet à l'intention du gouvernement fédéral.

[Traduction]

Il y a plus de 30 ans, la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme débutait son étude pour « faire enquête et rapport sur l'état présent du bilinguisme et du biculturalisme, et recommander les mesures à prendre pour que la Confédération canadienne se développe d'après le principe de l'égalité entre les deux peuples qui l'ont fondée, compte tenu de l'apport des autres groupes ethniques à l'enrichissement culturel du Canada, ainsi que les mesures à prendre pour sauvegarder cet apport. »

Le travail de cette commission a débouché sur la Loi sur les langues officielles de 1969, et sur une partie des modifications qui y ont été apportées en 1988. De plus, grâce aux efforts soutenus du premier ministre Trudeau et de premiers ministres provinciaux dont MM. Hatfield, Davis, Peckford, Lougheed et Bennett, et de ceux du sénateur Buchanan lorsqu'il était premier ministre de la Nouvelle- Écosse, la protection des droits des minorités a été incluse dans la Loi constitutionnelle de 1982.

La poursuite de l'étude de la politique sur les langues officielles au Canada, notamment celle que recommande si judicieusement ma collègue, madame le sénateur Tardif dans sa motion pour autoriser le comité à étudier l'effet du déménagement de ministères fédéraux, est un élément important du renforcement continu du bilinguisme au sein de la fonction publique canadienne et partout au Canada.

[Français]

La Loi sur les langues officielles reconnaît l'anglais et le français comme les deux langues officielles du Canada et garantit aux Canadiens l'accès aux services du gouvernement fédéral dans les deux langues, là où le nombre le justifie.

Je suis également d'accord pour que l'on se penche plus longuement sur les questions soulevées dans la motion en ce qui a trait aux droits linguistiques des Canadiens. Le Sénat pourrait contribuer utilement à la préservation de la dualité linguistique, partout au Canada.

[Traduction]

Les politiciens et la fonction publique doivent considérer la décentralisation du gouvernement comme une mesure positive. Le Canada devient plus fort lorsque le gouvernement fédéral se rapproche des gens qu'il sert. Une meilleure compréhension des réalités que vivent les Canadiens ordinaires dans les collectivités canadiennes, d'un océan à l'autre, notamment dans les régions, donnerait lieu à une plus grande inclusion et permettrait de relever les défis et de saisir les occasions qu'offre notre géographie.

[Français]

Le Canada offre une grande diversité au plan géographique et comporte de nombreuses régions distinctes aux intérêts particuliers.

[Traduction]

Pas plus tard que le mois dernier, l'exigence pour les travailleurs de la fonction publique de résider dans la région de la capitale nationale a finalement disparu, grâce aux efforts de notre collègue de l'autre endroit, le député conservateur Bill Casey. C'est là un premier pas encourageant en vue d'assurer une certaine équité en matière d'emploi au sein de la fonction publique fédérale pour les Canadiens de toutes les régions. Nous devons maintenant veiller à ce que les droits linguistiques de ceux qui pourraient être mutés dans d'autres régions, et surtout dans des régions qui ne sont pas reconnues comme des régions bilingues, soient protégés par la loi.

[Français]

Il serait avantageux, du point de vue économique, que le gouvernement tente de décentraliser une partie de ses opérations au profit d'autres collectivités au pays, pourvu qu'il agisse dans le respect des lois et des droits de tous les employés et citoyens, conformément à la Loi sur les langues officielles. L'idée mérite d'être étudiée sérieusement et envisagée par le Parlement.

[Traduction]

Ce processus pourrait peut-être également permettre au gouvernement fédéral de jouer un rôle important en offrant de l'emploi dans des régions du pays qui sont victimes d'un fort ralentissement de l'économie, ou même d'une récession, ou qui ne génèrent habituellement pas beaucoup d'emplois. Il pourrait également accroître la diversité ethnique et démographique des régions puisque le gouvernement fédéral serait en mesure d'établir des opérations importantes à l'extérieur des grandes villes.

Il est parfois plus facile de réaliser certaines économies d'échelle en déménageant des agences ou des services gouvernementaux dans les régions. Ces entreprises peuvent alors faire appel à la main- d'œuvre locale qualifiée. De plus, les locaux sont généralement moins chers dans les plus petits centres urbains du pays. Une telle mesure permet d'améliorer les possibilités d'emploi pour les gens de ces régions et grâce aux nouvelles technologies modernes, il ne serait pas nécessaire pour ces gens de venir régulièrement à Ottawa.

Pour les régions, les avantages seraient importants. Un grand nombre de gens instruits et qualifiés viendraient s'installer dans des régions où ils ne se seraient pas installés autrefois et certains pourraient avoir la possibilité de revenir dans la région où ils ont grandi. De telles mesures permettraient d'accroître la population et l'importance de l'assiette d'imposition. L'infrastructure technologique en serait grandement améliorée, ce qui contribuerait à l'établissement d'une main-d'œuvre plus instruite et qualifiée, accroissant d'autant le potentiel futur de la région.

(1540)

Le plus grand avantage du déménagement des ministères fédéraux à l'extérieur de la région de la capitale nationale, c'est probablement qu'il permet au gouvernement fédéral de se rapprocher de la population qu'il sert. Notre pays n'est que plus fort lorsque le gouvernement fédéral reconnaît la réalité à laquelle sont confrontés tous les Canadiens, et non pas seulement ceux de la région de la capitale nationale. Nos valeurs démocratiques sont rehaussées par la reconnaissance du fait que tous les Canadiens sont capables de contribuer au système et d'en faire partie.

[Français]

On pourrait atténuer certains problèmes, comme l'aliénation de l'Ouest, en offrant aux régions la possibilité de jouer un rôle concret au sein de l'appareil gouvernemental fédéral. Le déménagement à Vancouver de la Commission canadienne du tourisme est un signal important transmis aux régions montrant qu'on leur fait confiance pour la gestion de ministères fédéraux. La motion à l'étude a trait à la protection des droits culturels et linguistiques dans le cadre de ce projet.

[Traduction]

La décentralisation favorise la compréhension des besoins culturels et linguistiques des autres collectivités et contribue à une meilleure compréhension et à un respect accru de l'unité nationale. La configuration multiculturelle de notre pays est un héritage important et pour lequel le Canada est applaudi dans le monde entier. Il y va de l'intérêt national d'étudier plus en profondeur la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles et la façon dont elle pourrait éventuellement être améliorée pour faciliter cette décentralisation.

[Français]

Honorables sénateurs, les franco-canadiens définis par leur langue maternelle continuent de diminuer en nombre par rapport au reste de la population canadienne. Il faudra s'intéresser aux conséquences de ce déclin. L'arrivée de travailleurs francophones dans des régions non désignées pourrait accroître la compréhension et l'acceptation des deux langues officielles dans des régions qui n'avaient pas été exposées à ce phénomène jusqu'à présent.

[Traduction]

Il y a de nombreux exemples témoignant du succès de programmes dont les services responsables sont à l'extérieur de la région de la capitale nationale. Je me souviens lorsque le gouvernement de l'Ontario a créé le Régime d'assurance-maladie de l'Ontario et qu'il a déménagé son bureau central à Kingston — personne n'est mort. Le travail a continué de se faire; les honoraires des médecins ont été versés. La ville de Kingston s'est enrichie d'un effectif important et extraordinaire, composé d'employés de toutes les races qui sont déménagés de Toronto à Kingston; il s'en est suivi la création de nombreux emplois dans la communauté locale. Nous devrions faire cela de plus en plus, lorsque c'est possible.

Le renforcement des régions, la relation que les citoyens entretiennent avec leur gouvernement, les perspectives économiques, les possibilités d'emploi et les avantages culturels et linguistiques sont immenses pour les régions, mais nous devons nous assurer que les droits que la loi reconnaît aux fonctionnaires sont protégés en pareil cas.

En nous inspirant des meilleures méthodes utilisées par différents groupes des secteurs public et privé, nous pouvons créer des centres d'excellence dans de nombreuses régions de notre pays, grâce à une présence gouvernementale décentralisée, en déménageant les services des ministères de l'Agriculture dans des régions rurales ou à l'Université de Guelph, par exemple, comme l'a fait l'Ontario. C'est le plus grand établissement d'enseignement postsecondaire dans le domaine agricole, et le fait de déménager les services du ministère ontarien à Guelph était un choix logique. Il serait très avantageux pour notre pays de déménager le ministère des Pêches et des Océans et certains services de son administration centrale ailleurs qu'à Ottawa.

[Français]

Il m'apparaît fort important de débattre les questions inhérentes à cette motion pour assurer que le gouvernement fédéral tiendra rigoureusement compte des droits des minorités linguistiques et que tous les fonctionnaires fédéraux canadiens auront le droit de travailler dans la langue officielle de leur choix. Il me semble prudent d'évaluer les répercussions de ce déménagement sur les collectivités intéressées. La Loi sur les langues officielles du Canada offre, selon moi, des avantages socio-économiques uniques à tous les Canadiens.

Comme l'a dit madame le sénateur Tardif, je considère que c'est une question importante. J'appuie sa motion visant à autoriser le Comité sénatorial permanent des langues officielles à étudier sérieusement cette motion et à faire des recommandations visant à protéger les droits des tous les Canadiens.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de prononcer mon deuxième discours au Sénat, et je le fais pour appuyer la motion du sénateur Tardif. J'incite tous les honorables sénateurs à renvoyer sa motion à un comité le plus tôt possible.

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, je voudrais commencer par remercier le sénateur Segal, et encore plus madame le sénateur Tardif, pour avoir soulevé cette question au Sénat. Je dirai seulement quelques mots à ce sujet, honorables sénateurs, pour exprimer des inquiétudes qui me sont propres.

Honorables sénateurs, je pense que nous avons tous eu l'occasion de constater combien il est facile pour de jeunes enfants d'apprendre une langue seconde. À l'inverse, nous avons aussi pu constater, parfois en faisant nous-mêmes l'expérience, combien il est plus difficile d'apprendre une langue seconde lorsqu'on est beaucoup plus âgé. Je m'inquiète particulièrement des fonctionnaires qui ont travaillé avec diligence pour devenir bilingues. Toutefois, je sais que, s'ils ont appris la langue seconde à l'âge adulte et s'ils n'ont pas beaucoup l'occasion de la parler, ils perdront rapidement leur capacité de s'exprimer dans cette langue.

Par conséquent, après avoir travaillé si fort pour réussir ce que nous devrions tous essayer de faire, selon moi, et après avoir atteint le degré de bilinguisme voulu, ils se verraient énormément lésés si on les enlevait d'un milieu où ils peuvent parler les deux langues pour les mettre dans un milieu unilingue. On ferait également ainsi beaucoup de tort à la fonction publique.

Si ces personnes étaient ramenées ultérieurement dans un district bilingue, elles ne posséderaient plus suffisamment leur langue seconde. Donc, leurs possibilités d'avancement seraient en quelque sorte réduites.

Il s'agit d'une excellente étude de la part du Comité des langues officielles. Je félicite de nouveau madame le sénateur Tardif pour sa motion. J'espère que les membres du comité tiendront particulièrement compte des fonctionnaires qui sont devenus bilingues à l'âge adulte.

[Français]

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, j'appuie la motion du sénateur Tardif et je la félicite de l'avoir proposée. Il n'y a pas un sujet qui pourrait être mieux associé au Sénat, cette Chambre qui se préoccupe tellement des droits des minorités.

[Traduction]

Tout comme madame le sénateur Carstairs, je serai brève. Je ne pourrais pas prononcer un meilleur discours que le sénateur Segal, même si je parlais longuement; je n'essaierai donc pas de le faire.

Je voudrais cependant dire que j'estime que cette question revêt une importance cruciale, car, à défaut d'une surveillance attentive et de règles sérieuses, tout ce qui concerne les droits des minorités risque d'être laissé de côté. Cela ne serait pas par malveillance, mais c'est ainsi. C'est ainsi que les institutions fonctionnent. Il est toujours plus facile, plus simple, plus efficace, sur le plan administratif et financier, de dire : « Nous n'avons pas à nous inquiéter de cela. Nous allons servir la majorité. »

La décentralisation des activités du gouvernement du Canada serait une initiative positive. Ce serait bon pour les régions où les employés seraient envoyés, et bon pour le centre qui accueillerait ces nouveaux employés dans les régions, car il faut se rappeler que l'univers dépasse les limites de cette Chambre.

Or, même si nous décentralisons des bureaux dans des régions bilingues, ces institutions auront naturellement tendance, si on n'est pas extrêmement prudent, à offrir leurs services dans la langue de la majorité des habitants de la région. C'est ainsi que les choses se passent. Alors, nous perdrons les acquis que nous avons recherchés depuis plus de 30 ans. Nous les perdrons dans la fonction publique, comme madame le sénateur Carstairs l'a laissé entendre, et nous les perdrons pour les Canadiens, pour les minorités qui ont confiance que leur gouvernement les servira dans la langue officielle de leur choix. Nous devons nous opposer à cela. Nous ne pouvons pas laisser le seul objectif de la décentralisation l'emporter sur l'autre objectif remarquable, inscrit dans la Constitution, qui est d'assurer les services dans les deux langues officielles. Cela pourrait exiger quelques ajustements à la Loi sur les langues officielles. Toutefois, cette dernière, comme la Constitution, est un arbre vivant, je l'espère. On peut la corriger, s'il y a lieu, et je sais que le Comité des langues officielles est aussi bien placé que n'importe quel autre organisme pour déterminer les mesures à prendre, la manière la plus efficace d'agir et les mécanismes de protection à établir. Je suis donc très favorable à cette motion, et j'exhorte les sénateurs à l'appuyer sans délai.

(1550)

Des voix : Le vote!

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, je n'ai pas l'intention de retarder l'étude de cette importante motion par le Comité sénatorial permanent des langues officielles.

Il y a beaucoup plus que ce qui a été dit dans les excellents discours de cet après-midi. D'autres principes pourraient entrer en jeu et d'autres précédents pourraient être évoqués à l'avenir. C'est pour cette raison qu'il faudra agir avec énormément de prudence. Je remarque que le Comité des affaires étrangères, auquel je participe activement, est de plus en plus unilingue anglais. Il y aurait lieu de faire des progrès en ce sens également au ministère des Affaires étrangères. S'il est un grand ministère qui se doit de refléter l'image de la dualité canadienne, c'est bien celui des Affaires étrangères, suivi de celui du Commerce international.

Après 40 ans d'expérience parlementaire, je constate que c'est un peu mieux aujourd'hui. Lorsque je suis arrivé, seulement une personne parlait l'espagnol aux Affaires étrangères alors que nous vivons en Amérique. Personne ne parlait l'arabe. Aujourd'hui, il y a 22 pays où la situation risque de nous exploser en plein visage à tout moment. Au moment où cela risquait de nous exploser en pleine face, personne ne connaissait la culture ni la langue, pas même le premier ministre de l'époque. J'ai presque le goût de le nommer. Ce n'est pas le très honorable Jean Chrétien, mon ami, c'est un premier ministre plus récent encore, qui croyait que « musulman » voulait dire « arabe », et pourtant Dieu sait qu'il y a 1,2 milliard de personnes pratiquant la religion musulmane. C'est pour cela que j'incite mes collègues à se tenir mieux informés. On ne peut pas généraliser.

De jeunes étudiants qui viennent me voir ont pour plan de carrière de travailler dans le domaine des affaires étrangères. Pourquoi attendre d'être sur le marché du travail pour soudainement réaliser qu'ils sont unilingues francophones? Quand j'étais député, j'invitais des groupes à visiter le Parlement. Des milliers de personnes venaient chaque année. Je leur disais : « Venez chez nous au Parlement du Canada, c'est chez vous! » Cependant, il est arrivé que des gens tout joyeux de mon comté, lorsqu'ils arrivaient au Parlement et demandaient à me voir, se faisaient répondre : « Sorry, I don't speak French.»

J'ai toujours dit à mes collègues d'essayer de se mettre à ma place et d'imaginer leurs invités arrivant de Winnipeg, par exemple — c'est un long pèlerinage pour des personnes âgées, arriver de Winnipeg en autobus — et dire :

[Traduction]

« Bonjour, j'aimerais voir mon député, M. Axworthy », et se faire répondre :

[Français]

« Je m'excuse, mais on ne parle pas anglais. » J'ai toujours essayé de convaincre tout le monde de bien comprendre la situation, mais est-ce un miracle que je demande aux gens? Essayez donc de vous placer dans les souliers de ceux de qui vous parlez. Essayez donc de vous mettre dans la tête, dans le cœur, dans l'esprit, dans l'âme de ceux que vous attaquez joyeusement sans rien faire. Imaginez-vous un instant que vous êtes de l'autre côté de la barrière, et vous comprendrez peut-être le sentiment de ceux qui ne se sentent pas à l'aise au Canada, le sentiment de ceux qui pensent qu'ils seraient mieux autrement.

Il y en a combien ici qui pourraient aller défendre le Canada n'importe où au Québec s'il y avait un référendum? Combien y a-t-il de sénateurs qui sont prêts à dire qu'ils ont de bonnes assises à Chicoutimi? Je vais être prétentieux et dire que je n'ai pas brisé mes racines. Je peux aller n'importe où au Québec. Est-ce parce que je suis un indépendant? Que ce soit des péquistes, des bloquistes, des souverainistes, des socialistes ou des maoïstes, j'y vais parce que je crois qu'on doit s'engager. Il faut avoir beaucoup de sensibilité et c'est pourquoi je suis très heureux du discours prononcé par le sénateur Segal.

[Traduction]

Pour la troisième fois en deux jours, je suis d'accord avec le sénateur Segal. Des changements sont en train de se produire. Il a prononcé un bon discours.

Je remercie madame le sénateur Carstairs, parce qu'elle comprend le problème.

Je sais qu'il est 16 heures. Par conséquent, je vais m'asseoir. Si toutefois le sénateur Corbin me demande d'être présent pour les audiences du comité, je serai honoré et heureux d'être là.

Son Honneur le Président : Comme aucun sénateur ne lève pour prendre la parole ou ajourner le débat, les honorables sénateurs sont-ils prêts pour le vote?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

LE SÉNAT

MOTION EXHORTANT LE GOUVERNEMENT À RÉDUIRE CERTAINES RECETTES ET À AFFECTER UNE PORTION DE LA TAXE
SUR LES PRODUITS ET SERVICES À LA RÉDUCTION DE LA DETTE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kinsella, appuyée par l'honorable sénateur Stratton,

Que le Sénat exhorte le gouvernement à réduire l'impôt sur le revenu des particuliers pour les contribuables à faible ou à moyen revenu;

Que le Sénat exhorte le gouvernement à arrêter de percevoir des sommes en trop auprès des Canadiens et à réduire les cotisations d'assurance-emploi de manière que les recettes annuelles de ce programme cessent d'être considérablement plus élevées que les dépenses de programmes annuelles.

Que le Sénat exhorte le gouvernement, dans chaque budget à partir de maintenant, à fixer un montant pour la réduction de la dette équivalent à au moins les deux septièmes des recettes nettes que l'on prévoit recueillir au moyen de la taxe sur les produits et services;

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'inviter à se joindre au Sénat aux fins exposées ci- dessus.—(L'honorable sénateur Day)

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, étant donné l'heure, et puisque la question a été appelée, je demande que nous passions au vote.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous n'avons pas vu le temps passer. Cette question sera inscrite au Feuilleton de demain.

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 3 novembre 2005, à 13 h 30.)


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