Délibérations du comité sénatorial permanent
des
banques et du commerce
Fascicule 1 - Témoignages
Ottawa, le mardi 19 mars 1996
[Traduction]
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 heures, pour organiser ses travaux.
M. Paul Benoit, greffier du comité: Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. En tant que greffier du comité, il est de mon devoir de présider à l'élection du président. Je suis prêt à recevoir des motions à cet effet.
Le sénateur Angus: Je propose que le sénateur Kirby soit élu président de cet honorable comité.
Le sénateur Kolber: J'appuie la proposition.
M. Benoit: Le sénateur Angus, appuyé par le sénateur Kolber, propose que le sénateur Kirby soit élu président du comité. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
M. Benoit: Adoptée.
J'invite l'honorable sénateur Kirby à occuper le fauteuil.
L'honorable Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
Le président: Ce qu'il y a de remarquable avec ce processus, c'est que, dans les Maritimes, nous n'avons pas l'habitude de soumettre ce genre de questions à un vote, au cas où les choses ne se dérouleraient pas comme prévu.
Le prochain point à l'ordre du jour, honorables sénateurs, est l'élection du vice-président.
Le sénateur St. Germain: Je propose que le sénateur Angus soit élu vice-président du comité.
Le sénateur Perrault: J'appuie la proposition.
Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Le président: Adoptée.
Sénateurs, nous devons examiner deux ou trois motions de forme aujourd'hui, dont une qui vise à autoriser l'impression de 600 exemplaires des délibérations du comité, aux fins de distribution. Il s'agit d'une motion d'intérêt courant, mais quelqu'un peut-il me dire d'où vient le chiffre 600? Cela fait dix ans que je siège au Sénat, et ce chiffre est toujours le même.
M. Benoit: Le chiffre varie entre 500 et 600. Dans notre cas, comme nous tenons plus de réunions et que la demande est élevée, nous envoyons environ 260 exemplaires aux diverses bibliothèques à travers le pays et au Groupe Communication Canada. Nous avons également une liste d'abonnés d'environ 150 personnes avec qui nous communiquons régulièrement. Nous envoyons un questionnaire pour sonder les gens.
Le président: Ce chiffre n'est donc pas fixé arbitrairement.
M. Benoit: Il n'est pas exagéré. Nous gardons environ 150 exemplaires pour les gens qui souhaitent avoir une copie des délibérations.
Le président: Pour ce qui est des divers rapports et autres documents, combien d'exemplaires sont distribués par la poste?
M. Benoit: Environ 400, mais ce chiffre peut varier.
Le président: Le rapport sur la Confederation Life a été tiré à quelques milliers d'exemplaires.
Quelqu'un peut-il proposer la motion 5, à savoir que l'on fasse imprimer 600 exemplaires des délibérations du comité, aux fins de distribution?
Le sénateur Angus: J'en fais la proposition.
Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Le président: Adoptée.
J'ai oublié le point 4, qui concerne le sous-comité du programme et de la procédure, le comité directeur. La motion se lit comme suit:
Que le sous-comité du programme et de la procédure se compose du président, du vice-président et d'un autre membre du comité désigné après les consultations d'usage;
Que, en ce qui a trait au programme et à la procédure, le sous-comité soit autorisé à prendre des décisions au nom du comité;
Que, le sous-comité soit autorisé à inviter les témoins et à établir l'horaire des audiences; et
Que le sous-comité fasse rapport de ses décisions au comité.
Comme il n'y a pas vraiment de règle qui autorise le comité directeur à examiner des questions autres que l'horaire des audiences, quelqu'un pourrait-il proposer la motion?
Le sénateur Angus: J'en fais la proposition.
Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Le président: Adoptée.
Passons maintenant au point 6, les séances en l'absence de quorum. Quelqu'un peut-il proposer la motion suivante:
Que, conformément à l'article 89 du Règlement, le président soit autorisé à tenir des réunions pour entendre des témoignages et à en permettre la publication en l'absence de quorum?
Le sénateur St. Germain: J'en fais la proposition.
Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Le président: Adoptée.
Quelqu'un peut-il proposer la motion suivante, qui se lit comme suit: Le président doit, conformément à l'article 104 du Règlement, déposer un relevé des dépenses faites par le comité au cours de la session précédente? On trouvera en annexe une liste des dépenses. Elles s'élèvent à 10 760,20 $.
M. Benoit: Ce chiffre représente les dépenses des deux dernières années, auxquelles on doit ajouter la somme de 10 000 $ pour les dépenses des témoins, qui ont été assumées à même le budget de la direction des comités.
Le sénateur Angus: À combien s'élevait le budget?
M. Benoit: Nous avons prévu un budget beaucoup plus élevé, parce que, à ce moment-là, nous devions établir les prévisions de dépenses pour les audiences sur la régie des sociétés. Toutefois, ces dépenses ne figurent pas dans ces chiffres. Ce budget couvre la période allant jusqu'au 2 février de cette année. Ce sont les dépenses qui ont été engagées.
Le président: Si vous tenez compte du fait que nous examinons entre 33 et 40 p. 100 des mesures législatives proposées et que nous tenons plus de réunions que n'importe quel autre comité, notre budget n'est pas tellement élevé par rapport à celui d'autres comités.
Ce n'est qu'une simple observation. Cette situation est due au fait que, à l'exception des audiences sur la régie des sociétés, nous avons toujours tenu nos réunions à Ottawa parce que la plupart de nos témoins peuvent se permettre de venir nous rencontrer ici.
Quelqu'un peut-il proposer la motion numéro 7, qui vise à autoriser le président à faire rapport des dépenses faites par le comité au cours de la dernière session?
Le sénateur Simard: J'en fais la proposition.
Des voix: D'accord.
Le président: Adoptée.
Dans la motion suivante, nous demandons que la Bibliothèque du Parlement affecte un attaché de recherche au comité, et que le président, au nom du comité, dirige le personnel de recherche dans la préparation d'études, d'analyses et de résumés. J'aimerais que quelqu'un propose cette motion. Bien entendu, l'attaché désigné sera Gerry Goldstein. Il s'agit d'une motion d'intérêt général, mais elle vise à faire en sorte que M. Goldstein reste avec le comité. Je ne veux pas qu'il se dérobe. Quelqu'un peut-il proposer la motion?
Le sénateur Angus: J'en fais la proposition, avec grand plaisir.
Le président: Parfait. Cela figurera au compte rendu. La motion suivante se lit comme suit: Que, conformément à l'article 32 de la Loi sur la gestion des finances publiques, l'autorisation d'engager les fonds du comité soit conférée au président, ou en son absence, au vice-président. Encore une fois, nous prévoyons toujours deux personnes. La motion précise ensuite que, conformément à l'article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques et à la directive 3:05 de l'Annexe II du Règlement du Sénat, l'autorisation d'approuver les comptes à payer au nom du comité soit conférée au président ou au vice-président, et au greffier du comité. Il s'agit d'une procédure administrative. Quelqu'un peut-il proposer la motion?
Le sénateur St. Germain: J'en fais la proposition.
Le président: La motion suivante dispose que, conformément aux directives du Sénat concernant les dépenses des témoins, les témoins invités à comparaître devant le comité soient remboursés, sur demande, de leurs frais de déplacement et de séjour jugés raisonnables, et ce, à raison de tout au plus deux délégués par organisme. Il s'agit d'une motion d'intérêt courant. Je tiens encore une fois à souligner que, depuis que je fais partie de ce comité, la décision concernant les témoins qui seront invités à comparaître et le remboursement des dépenses a toujours été prise par le président et le vice-président. Il s'agit essentiellement d'une décision que le comité délègue au comité directeur.
Le sénateur Angus: Est-ce qu'on a prévu un budget?
Le président: Non. Permettez-moi de vous donner un exemple. Lorsque nous prévoyons tenir des audiences pour une étude en particulier, nous déposons une motion pour que les fonds nécessaires soient approuvés par le comité de la régie interne.
M. Gerry Goldstein, attaché de recherche, Bibliothèque du Parlement: Cette dépense est tirée du budget du Sénat, non pas du comité.
M. Benoit: Les dépenses des témoins étaient habituellement assumées à même le budget de la Direction des comités. Cette année, chaque comité doit établir un budget. Jusqu'ici, il y avait deux comptabilités différentes; désormais, il n'y en aura plus qu'une seule, de sorte que nous devrons fournir un état estimatif de nos dépenses. Nous pouvons, en nous fondant sur les dépenses des dernières années, déterminer à combien s'élèveront les dépenses des témoins.
Le sénateur Angus: Si nous dépassions ce montant, nous serions obligés d'obtenir une nouvelle autorisation? Il y a un exemple qui me vient à l'esprit. L'année dernière, nous avons envisagé de faire venir un témoin du Royaume-Uni. Cela constituerait une dépense.
Le président: Lors des audiences sur la Confederation Life, nous avons assumé les dépenses de plusieurs citoyens ågés. Le comité de direction, qui était à l'époque composé du sénateur Poitras et de moi-même, a examiné une longue liste de témoins et a conclu que les représentants des milieux d'affaires pouvaient assumer leurs propres dépenses. Toutefois, nous voulions également entendre le point de vue de personnes dont les rentes, les fonds de pensions, ainsi de suite, étaient gérés par la Confederation Life. Nous avons donc payé pour faire venir certains témoins de Toronto et de Vancouver.
M. Goldstein: À l'époque, ce n'était pas le comité qui assumait ces dépenses. Le Sénat prévoyait un montant fixe pour les témoins. Il a adopté une nouvelle formule.
Le président: Quelqu'un est-il prêt à proposer cette motion?
Le sénateur Angus: J'en fais la proposition.
Le président: Pour ce qui est des séances régulières, nous avons l'habitude de nous réunir les mardis de 10 heures à 12 h 30, et les jeudis de 11 heures à 14 heures. Nous continuerons de nous rencontrer aux heures prévues dans cette salle-ci.
M. Benoit: À court terme.
Le président: Cette salle nous convient parce qu'elle se prête bien aux séances télévisées, ce qui est important. La semaine prochaine, nous accueillerons le gouverneur de la Banque du Canada, et certaines salles de comité ne permettent pas d'assurer la télédiffusion des audiences.
Voilà pour la liste de motions. J'aimerais maintenant passer aux autres questions avant de discuter avec d'un sujet précis.
Le sénateur Angus: Je désire soulever un autre point. Je veux tout simplement souhaiter la bienvenue à un nouveau membre, soit à Gerry St. Germain, dont la réputation n'est plus à faire.
Le président: Dans le passé, le comité était dominé par des sénateurs des Maritimes. Avec l'arrivée des sénateurs St. Germain, Perrault et Austin, nous sommes maintenant dominés par des sénateurs de l'Ouest. Le seul point positif à ce sujet, pour ceux d'entre nous qui ne sont pas du centre du Canada, c'est que le comité reste majoritairement composé de sénateurs venant de l'une ou l'autre extrémité du pays.
Le sénateur St. Germain: Ce qui est excellent. Merci beaucoup. C'est un honneur pour moi d'être ici.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.
Ottawa, le mardi 26 mars 1996
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 heures, pour poursuivre son examen de l'état du système financier canadien.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
Le président: Sénateurs, nous tenons aujourd'hui notre rencontre annuelle avec le gouverneur de la Banque du Canada pour discuter de politique macro-économique. Comme d'habitude, cette réunion a lieu à la suite du dépôt du budget.
Monsieur le gouverneur, nous vous remercions d'être venu ce matin. Comme il s'agit de notre troisième rencontre annuelle, vous connaissez la marche à suivre. Vous faites d'abord votre déclaration, après quoi nous discutons des divers sujets que les sénateurs souhaitent aborder avec vous. Vous pourriez peut-être, aux fins du compte rendu, nous présenter votre collègue, M. Jenkins.
M. Gordon G. Thiessen, gouverneur, Banque du Canada: Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis accompagné de Paul Jenkins, sous-gouverneur responsable de l'analyse économique à la Banque du Canada.
Nous sommes heureux que les membres du comité nous aient invités de nouveau cette année à expliquer devant eux la politique monétaire de la Banque du Canada et à donner notre point de vue sur la situation économique et financière actuelle. Nous saisissons l'occasion que nous offre la publication de notre rapport annuel pour rendre compte de la façon dont nous menons la politique monétaire.
[Français]
J'aimerais tout d'abord vous parler de nos objectifs en matière de politique monétaire. Le gouvernement et la Banque du Canada ont convenu que l'inflation devrait être maintenue à l'intérieur d'une fourchette cible de 1 à 3 p. 100, de la fin de 1995 à la fin de 1998. Par ailleurs, ils se sont engagés à fixer, d'ici là, la prochaine fourchette cible qui sera compatible avec la stabilité des prix.
[Traduction]
Je n'insisterai jamais assez sur le fait que la stabilité des prix est un moyen de parvenir à une fin et non une fin en soi. Elle est l'objectif tout désigné de la politique monétaire parce qu'elle contribue à rendre l'économie canadienne plus productive et plus stable.
Comme nous l'avons souligné dans le rapport, la banque a de nouveau atteint ses cibles de maîtrise de l'inflation. Au terme de quatre années de bons résultats à ce chapitre, le Canada est en train d'acquérir une réputation de pays à faible inflation. Je crois que cette réputation a été utile lorsqu'il a fallu faire face aux fluctuations qu'ont connues les places financières internationales, aux inquiétudes soulevées par la situation budgétaire au Canada et à l'incertitude engendrée par la campagne référendaire au Québec.
[Français]
Il est important, lorsqu'on évalue les résultats obtenus sur le front de l'inflation, de considérer la tendance fondamentale de l'inflation plutôt que les mouvements, d'un mois à l'autre, de l'indice des prix à la consommation. Pour mesurer cette tendance, nous utilisons le taux de variation sur 12 mois de l'IPC, hors les composantes volatiles qui sont l'alimentation et l'énergie et hors l'incidence des impôts directs. Cet indicateur révèle que l'inflation a reculé tout au long du second semestre de 1995 et qu'elle se situe maintenant à un 1,6 p. 100, c'est-à-dire dans la moitié inférieure de notre fourchette cible.
[Traduction]
Les cibles de maîtrise de l'inflation que poursuit la politique monétaire jouent en quelque sorte le rôle de stabilisateur automatique au sein de l'économie. Si l'activité croît à un rythme qui ne peut être soutenu et que les prix deviennent donc l'objet de pressions susceptibles de pousser l'inflation au-delà de la limite supérieure de la fourchette visée, la banque resserrera les conditions monétaires pour freiner l'expansion économique et atténuer les pressions sur les prix. Parallèlement, si l'économie piétine et que par conséquent l'inflation a tendance à ralentir et risque de franchir la ligne inférieure de la fourchette cible, la banque assouplira les conditions monétaires afin de relancer l'activité.
Conformément à cette approche, la banque a fait en sorte, depuis l'automne, que les taux d'intérêt à court terme reculent au Canada. Notre plus récente intervention, effectuée la semaine dernière, a été d'abaisser d'un quart de point de pourcentage notre taux officiel d'escompte ainsi que notre fourchette opérationnelle pour le taux du financement à un jour. Le taux d'escompte est maintenant de 5 1/4 p. cent, tandis que la fourchette opérationnelle pour le taux de financement à un jour se situe entre 4 3/4 et 5 1/4 p. 100.
L'économie canadienne a éprouvé des difficultés pendant la majeure partie de 1995 étant donné le ralentissement de l'économie américaine, et les Canadiens ont dû faire face à la forte remontée des taux d'intérêt en début d'année provoquée par la crise monétaire mexicaine et la nervosité qu'imprimait au marché la situation des finances publiques canadiennes. L'année 1996 s'annonce meilleure. L'économie américaine semble croître à un rythme soutenable s'accompagnant d'un bas taux d'inflation, et la détente des conditions monétaires au Canada devrait grandement renforcer l'activité économique.
[Français]
Toutefois, la confiance des ménages canadiens à l'égard de l'économie, demeure fragile. À cet égard-là, la hausse récente des taux des prêts hypothécaire n'aura guère aidé. Cette hausse tient aux pressions que les marchés financiers américains ont fait subir aux taux de rendement des obligations canadiennes à la suite de la publication des données témoignant de la vigueur de l'activité économique chez nos voisins du Sud. Il est inévitable que nous fassions l'objet de chocs externes de cette nature de temps à autre. Mais, cette fois, la réaction sur les marchés intérieurs a été plus modérée qu'elle ne l'avait été récemment; en effet, le dollar canadien est resté ferme. Les écarts entre les rendements des obligations à long terme américaines ont eu tendance à se rétrécir et les conditions sur les marchés monétaires sont demeurées propices à une intervention de la Banque du Canada, visant un repli des taux d'intérêts à court terme.
[Traduction]
Je crois que l'amélioration de notre situation budgétaire au cours des deux ou trois dernières années et nos bons résultats sur le plan de l'inflation ont contribué de façon notable à cette stabilité accrue sur le marché. J'espère que l'amenuisement des écarts entre les taux d'intérêt à moyen et à long terme se poursuivra au cours de l'année.
Le secteur canadien des exportations a été vigoureux et devrait le demeurer. Les gains encourageants qui ont été réalisés récemment au chapitre de l'économie témoignent de ce dynamisme. De meilleures perspectives d'emploi et une plus grande stabilité sur les marchés financiers devraient contribuer à renforcer la confiance des ménages et favoriser ainsi une reprise de l'activité sur le marché du logement et un redressement des dépenses de consommation au cours de l'année qui vient.
[Français]
Finalement, j'aimerais également attirer votre attention sur les renseignements fournis dans le rapport annuel au sujet des autres activités menées par la banque. Comme beaucoup d'institutions publiques, la banque a entrepris une revue en profondeur de ses activités et met en oeuvre des mesures qui visent à accroître l'efficacité de ses opérations et à abaisser ses coûts.
[Traduction]
Monsieur le président, voilà qui termine ma déclaration. Mon collègue et moi sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le sénateur Angus: Je voudrais, messieurs, vous souhaiter la bienvenue. C'est toujours un grand jour pour nous lorsque vous venez partager avec nous vos vues sur la situation économique du pays.
J'aimerais d'abord parler de prévisions économiques. Vous dites vouloir poursuivre la détente des taux à court terme. Le taux du financement à un jour est déjà très bas. Pouvez-vous nous dire à combien s'élèveront les taux à court, à moyen et à long terme au cours des douze mois à venir?
M. Thiessen: De telles prévisions, comme vous le savez, sont toujours difficiles à faire. Les prévisions de la banque centrale concernant les taux d'intérêt ont tendance à avoir un effet assez marqué sur le marché.
Je ne peux faire de telles prévisions, mais, comme je l'ai mentionné, plusieurs facteurs positifs laissent entrevoir une meilleure année. Mentionnons, entre autres, le faible taux d'inflation. Il atteint actuellement 1,6 p. 100. Le taux d'inflation aux États-Unis s'élève à 2,7 p. 100. Un point de pourcentage sépare donc les deux taux. Cette situation devrait avoir un impact de plus en plus marqué sur nos marchés financiers dans les mois à venir.
L'incertitude entourant notre situation budgétaire s'est avérée un problème dans le passé. De nombreux investisseurs ont craint que les gouvernements n'aient recours à l'inflation pour régler leurs problèmes d'endettement. La situation budgétaire de tous les gouvernements au Canada s'étant améliorée, ces craintes commencent déjà à s'estomper et continueront de se dissiper. Ces deux facteurs donnent à penser que les taux d'intérêt pourraient être plus bas et que l'écart entre les taux canadiens et américains pourrait être moins grand.
Le sénateur Angus: Je comprends qu'il est difficile, voire impossible, de faire de telles prévisions, mais on ne peut pas me reprocher de ne pas avoir essayé.
J'aimerais vous parler un peu du PIB. Pouvez-vous nous donner un peu plus de précisions concernant les taux de croissance prévus pour 1996-1997?
M. Thiessen: Je tiens d'abord à dire, comme devraient le faire tous les conjoncturistes, que toute prévision économique comporte une marge d'erreur assez grande. L'activité économique est assujettie à de nombreux facteurs provenant de l'étranger et d'ailleurs.
Nous prévoyons une croissance de 2 à 2,5 p. 100 pour la première moitié de l'année, et une croissance de 3 p. 100 ou plus pour la deuxième moitié. Le taux de croissance sera dicté par la confiance en l'économie canadienne et l'essor que connaîtra cette dernière au cours de l'année. Il est assez difficile de faire des prévisions à ce chapitre. Toutefois, si la confiance des ménages canadiens à l'égard de l'économie augmente, alors le taux de croissance devrait atteindre le niveau prévu au cours de la deuxième moitié de l'année.
Le sénateur Angus: Merci beaucoup.
M. Paul Jenkins, sous-gouverneur, Banque du Canada: Il est un autre facteur dont nous devons tenir compte, à savoir les marchés internationaux, qui voient d'un bon oeil la conjoncture canadienne. L'économie américaine croît à un rythme soutenable s'accompagnant d'un bas taux d'inflation. L'économie japonaise, selon les derniers chiffres, se porte très bien, tandis que la situation en Europe commence à se stabiliser. Les résultats sur les marchés d'exportation sont également encourageants.
Le sénateur Angus: J'ai lu votre dernier rapport annuel de même que plusieurs des discours que vous avez prononcés récemment, y compris celui que vous avez donné à l'institut Fraser, en février, et un autre en janvier. Vous avez mis l'accent sur les mesures concrètes prises par les gouvernements fédéral et provinciaux pour améliorer leur situation budgétaire et réduire leur dette. Vous laissez entendre dans vos discours qu'il reste encore beaucoup à faire.
À votre avis, que doit faire le gouvernement fédéral pour réduire les taux à moyen et à long terme et, notamment, l'écart entre les taux canadiens et américains?
M. Thiessen: Sénateur, je n'aime pas donner de conseils au gouvernement.
Le sénateur Angus: Ce gouvernement-ci en a besoin, gouverneur. Il l'a cherché.
M. Thiessen: Ce que je dis, c'est qu'il faut réduire le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut - la taille de la dette publique par rapport à la taille de l'économie. Nous savons que le rapport actuel, qui tourne autour de 100 p. 100, selon la méthode que vous utilisez pour faire le calcul, contribue à l'inquiétude et à l'instabilité des marchés financiers. Le fait que l'écart entre les taux demeure élevé témoigne de cette nervosité.
Pour réduire l'écart entre les taux d'intérêt, il faut que le gouvernement fédéral et les provinces unissent leurs efforts en vue de réduire leurs déficits, et, partant, le rapport entre la dette publique et le PIB. De plus, il faut éviter toute situation susceptible d'engendrer de l'incertitude politique au Canada.
Le sénateur Angus: Je suis content que vous ayez soulevé ce point. Nous voulons savoir quelles mesures, selon vous, doivent être prises pour rétablir la confiance des ménages canadiens à l'égard de notre économie et de nos marchés.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé du référendum du 30 octobre au Québec. Pouvez-vous nous dire quel impact l'incertitude politique peut avoir sur le Canada? Est-ce que vous faites précisément allusion au Québec?
M. Thiessen: Oui, mais n'importe quelle situation qui engendre de l'incertitude politique constitue une source de problème pour les investisseurs. L'Italie, par exemple, qui est reconnue pour son système politique incertain et instable, doit payer des taux d'intérêt plus élevés pour les prêts à moyen et à long terme.
Lorsque les investisseurs détiennent une grande part de la dette d'un gouvernement, ils veulent des garanties que la dette sera remboursée et que leurs investissements ne seront pas compromis par un taux d'inflation élevé ou par une dépréciation massive de la monnaie. Lorsqu'il y a de l'incertitude politique dans un pays, les investisseurs s'interrogent sur la volonté des gouvernements à prendre les décisions qui s'imposent.
Le sénateur Angus: Vous avez parlé du rapport annuel de la Banque du Canada. Il est question aux pages 12 et 13 du conseil d'administration. Le comité s'est penché dernièrement sur la question de la régie des sociétés, un sujet très à la mode dans le monde des affaires canadien. Vous dites dans votre rapport que le rôle du conseil de la Banque du Canada, conformément à la loi et au mandat définis il y a bien longtemps, n'est pas tant d'établir la politique que de veiller à ce que la banque soit bien gérée.
M. Thiessen: C'est exact.
Le sénateur Angus: Est-ce que le mandat et le rôle du conseil conviennent toujours, ou est-ce qu'une révision s'impose?
M. Thiessen: C'est une excellente question, sénateur. Comme tout le monde, nous nous intéressons de près aux questions de gestion. Je crois que le cadre de la loi convient toujours. Toutefois, à l'instar de n'importe quel autre conseil d'administration, il importe que notre conseil comprenne bien son mandat et ses responsabilités. Il doit également avoir une idée du genre de décisions qui sont attendues des administrateurs et des membres du conseil, et des mécanismes qui existent pour analyser les décisions qui sont prises.
Ce sont des questions sur lesquelles nous nous penchons. Bon nombre d'entre elles sont abordées dans le plan à moyen terme de l'institution que le conseil doit approuver.
Je dois vous dire, monsieur le président, que nous sommes en période de transition étant donné que les administrateurs sont toujours en train de se familiariser avec leur rôle et leur responsabilité fiduciaire.
Le sénateur Angus: J'ai essayé, en lisant votre rapport, de faire un rapprochement avec le monde corporatif du secteur privé. Par exemple, vous n'avez pas de comité de gestion, bien que votre dernière réponse laisse entendre que vous en aurez bientôt un. Est-ce exact?
M. Thiessen: C'est exact.
Le sénateur Angus: Vous êtes le gouverneur, et vous êtes secondé dans vos fonctions par des sous-gouverneurs. Dans mon esprit, du moins, vous êtes le président et directeur général de l'institution.
M. Thiessen: C'est exact.
Le sénateur Angus: Que pensez-vous de l'idée de séparer les fonctions du président, ou du gouverneur, et du directeur général? Comme vous le savez, c'est un sujet qui intéresse non seulement le rapport Dey et certaines autres études, mais également les grandes banques. Ces dernières, toutefois, l'abordent sous un angle différent.
M. Thiessen: Je comprends qu'il puisse être utile de séparer les rôles de président et de directeur général. Toutefois, cette question, pour moi, n'est pas la plus importante. Cela dépend beaucoup du conseil, de l'autonomie dont il jouit, des initiatives qu'il prend. Si vous avez un conseil qui compte un grand nombre de membres, un conseil qui n'est peut-être pas très uni, alors il peut être utile d'avoir un président de l'extérieur. Mais pas si le conseil ne compte qu'un petit nombre de membres.
Ce qu'il vous faut absolument, c'est un groupe d'administrateurs de l'extérieur qui est indépendant de la direction et qui n'hésite pas à prendre des initiatives s'il pense que les choses ne tournent pas rond. C'est ce qui est important.
Le sénateur Angus: Je note que votre conseil est composé entre autres de douze administrateurs et du sous-ministre des Finances. Toutefois, vous n'avez pas d'administrateur principal. Pourquoi?
M. Thiessen: Nous n'avons pas encore d'administrateur principal. Nous sommes en train de voir si le comité exécutif et les quatre membres de l'extérieur qui siègent au sein de celui-ci ne peuvent pas, en tant que groupe, agir en tant qu'administrateurs principaux. Je dois avouer, sénateur, que cette question fait actuellement l'objet de discussions au sein du conseil.
Si le dossier n'est pas allé plus loin, c'est parce que nous sommes en train de changer les membres du conseil. Nous venons d'accueillir cinq nouveaux membres. Nous avons quelque peu ralenti nos travaux pour donner aux nouveaux membres l'occasion de se familiariser avec leurs nouvelles responsabilités.
Le sénateur Angus: J'ai une dernière question à vous poser à ce sujet. Je remarque qu'au 31 décembre 1995, il y avait deux vacances au sein du conseil. Est-ce que tous les postes ont maintenant été comblés?
M. Thiessen: Il en reste un à combler.
Le sénateur Angus: Avez-vous un mot à dire quant au choix des administrateurs?
M. Thiessen: Pas directement, sénateur. Toutefois, le conseil peut, sans le moindre scrupule, donner des conseils au ministre.
Le sénateur Angus: Le conseil ou vous-même?
M. Thiessen: Les deux. Habituellement, ces décisions sont prises par le ministre avec l'accord du gouverneur en conseil.
Le sénateur Angus: J'ai lu quelque part, et vous l'avez sûrement lu aussi, qu'il serait souhaitable d'avoir un certain nombre de membres qui s'y connaissent en politique monétaire. Êtes-vous d'accord avec ce principe?
M. Thiessen: Il est utile d'avoir des gens qui s'y connaissent en politique monétaire. Le rôle du conseil n'est pas d'établir la politique monétaire. Il doit, comme n'importe quel autre conseil d'administration, faire en sorte que les administrateurs agissent avec professionnalisme et compétence et qu'ils prennent de sages décisions, non seulement sur le plan de la politique monétaire, mais dans tous les domaines d'activité de la banque.
On ne s'attend pas à ce que les membres du conseil d'administration d'une entreprise du secteur privé soient spécialisés dans les domaines d'activité de l'entreprise. Il en va de même pour la banque. Certes, il est utile d'avoir quelques membres qui connaissent bien ces questions et qui peuvent donner des conseils aux autres.
Le sénateur Angus: Je conclus, d'après ce que vous avez dit et d'après ce que je sais, que les membres, en vertu du système actuel, qui fait l'objet d'un examen, sont nommés par décret en consultation avec le ministre des Finances.
M. Thiessen: C'est bien cela.
Le sénateur Angus: Par conséquent, il n'y a pas actuellement de comité de candidatures ou, comme vous l'avez mentionné, de comité de gestion qui se charge de remplir ce rôle, n'est-ce pas?
M. Thiessen: C'est exact.
Le sénateur Angus: Monsieur le président, j'ai de nombreuses autres questions à poser au gouverneur, mais je crois que j'ai déjà pris beaucoup de temps.
Le sénateur Meighen: Concernant la gestion, vous dites à la page 13 du rapport que les administrateurs proviennent de chacune des provinces et qu'ils constituent un lien important entre leurs régions respectives et la banque. Je présume qu'ils habitent dans diverses régions du pays. À votre avis, est-ce que la présence d'un seul administrateur par province vous permet d'avoir une bonne idée de la situation qui existe dans les diverses régions? Je sais qu'il est difficile de regrouper dix politiques monétaires provinciales sous un seul chapeau. Avez-vous déjà songé à mettre sur pied un comité consultatif provincial ou régional présidé par un membre du conseil qui vient de cette région du pays?
M. Thiessen: Cette question a fait l'objet de discussions il y a quelques années lorsque la direction de la Banque du Canada a été appelée à se prononcer sur certaines des propositions constitutionnelles mises de l'avant à l'époque. La plupart des gens s'interrogeaient sur l'efficacité d'une telle démarche.
Il est beaucoup plus important, sénateur, que les dirigeants de la Banque du Canada, les administrateurs qui veillent à la mise en oeuvre de la politique monétaire, se rendent régulièrement dans les diverses régions pour discuter avec les gens. C'est ce que nous faisons. Nous avons mis sur pied un programme en vertu duquel des cadres supérieurs de la banque, moi-même y compris, rencontrent régulièrement les administrateurs dans chacune des provinces pour discuter des questions qui intéressent les régions. Nous suivons la situation de près.
Toutefois, cela ne suffit pas. Il faut parler aux gens qui travaillent dans cette région pour savoir ce qu'ils pensent de la situation économique de la région. À l'heure actuelle, la meilleure façon de le faire, c'est de les rencontrer aussi souvent que possible.
Le sénateur Meighen: Je comprends votre point de vue. Toutefois, n'est-il pas vrai que, peu importe ce que vous apprenez, il est impossible d'établir des politiques monétaires régionales?
Il y a quelques années, on s'était plaint des restrictions monétaires qui avaient été imposées dans les Maritimes, où on estimait qu'une telle politique n'était pas requise d'après les données recueillies. Toutefois, cette politique s'imposait dans la région de Toronto, par exemple. Il n'y a pas grand-chose que vous puissiez faire pour concilier les deux points de vues, n'est-ce pas?
M. Thiessen: Absolument pas. La politique monétaire doit avoir une portée nationale. Les marchés financiers opèrent à l'échelle nationale et internationale. La politique monétaire doit donc avoir une portée nationale. Toutefois, elle doit tenir compte de ce qui se passe dans toutes les régions. Vous ne pouvez pas faire cela en restant à Ottawa; vous devez vous rendre régulièrement dans les régions et discuter avec les gens de sorte qu'au moment de brosser un tableau de la situation nationale, vous avez une idée de ce qui se passe dans toutes les régions.
Le sénateur Kolber: Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Merci de comparaître devant nous.
J'aimerais vous poser une question au sujet de la dette nationale, qui a été soulevée par le sénateur Angus, mais d'un point de vue légèrement différent. La dette fédérale canadienne, si je ne m'abuse, s'élève à environ 580 milliards de dollars. La dette provinciale canadienne atteint environ 250 milliards de dollars. Les deux dettes combinées représentent 105 ou 106 p. 100 du PIB.
Y a-t-il un plafond d'endettement que peut atteindre un pays? Si oui, est-ce que nous nous approchons de ce plafond?
M. Thiessen: Sénateur, il est très difficile de répondre à cette question parce qu'il y a des pays qui ont un rapport dette/PIB beaucoup plus élevé que cela. Néanmoins, ils continuent de fonctionner. Vous pouvez dire qu'ils ne fonctionnent pas très bien et qu'ils paient très cher cette situation, mais le fait est qu'ils continuent de fonctionner.
Rares sont les pays industrialisés qui, soudainement, ne peuvent plus financer cette dette ou la rééchelonner. Les marchés financiers n'ont pas tendance à fonctionner de cette façon. Si le niveau de la dette atteint des proportions élevées par rapport à la taille de l'économie, ils vont exiger des primes de risque de plus en plus élevées, de sorte que le service de la dette coûtera de plus en plus cher.
Le sénateur Kolber: Vous faites une distinction entre faillite et viabilité.
M. Thiessen: Il est difficile de parler de faillite dans le cas d'un pays.
Le sénateur Kolber: C'est déjà arrivé.
M. Thiessen: Oui, mais pas dans le cas d'un pays industrialisé.
Le sénateur Kolber: Qui garantit la dette? Elle n'a rien à voir avec la Banque du Canada. C'est le gouvernement du Canada qui la garantit, n'est-ce pas?
M. Thiessen: Oui.
Le sénateur Kolber: Une fois cette garantie donnée, peuvent-ils s'en libérer? Je présume que non.
M. Thiessen: Non.
Le sénateur Kolber: À mon avis, le principal problème du Canada, c'est l'unité nationale. Je ne crois pas que nous ayons préparé les Canadiens aux conséquences possibles de l'éclatement du pays. La Banque du Canada estime-t-elle avoir le devoir d'au moins expliquer ces diverses conséquences?
M. Thiessen: Sénateur, il ne fait aucun doute que, au sein du gouvernement, la Banque du Canada conseille le ministre des Finances sur des questions d'ordre financier. Si des questions de ce genre étaient abordées, nous participerions aux discussions.
Il ne revient pas à la banque centrale d'informer le public des conséquences d'une question qui est essentiellement politique et non pas strictement économique.
Le sénateur Kolber: Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une question strictement économique. Supposons que le Québec se sépare, aussi terrible que cela puisse être. Une fois la séparation réalisée, si le Québec assumait 22 p. 100 de la dette fédérale, la dette totale du Québec atteindrait environ 202 milliards de dollars.
Est-ce que les détenteurs d'obligations n'auraient pas le droit de dire au gouvernement du Canada: «Eh bien, tant mieux s'ils ont décidé d'assumer leur part, mais c'est vous qui en êtes responsable»? Nous aurons perdu environ 25 p. 100 de notre assiette fiscale et la dette totale du Québec, par rapport à leur PIB, atteindra des proportions incroyables. Leur déficit, par exemple, si mes chiffres sont exacts, atteindrait 15 milliards de dollars, ce qui correspond à 9 p. 100 de leur PIB, soit presque le double de la dette du Canada par rapport à son PIB.
Même s'il y a de nombreux Canadiens qui disent: «Que le Québec se sépare», la séparation équivaudrait à se tirer une balle dans le pied. Êtes-vous d'accord pour dire que la séparation nuirait à tous les Canadiens si l'on tient compte de la dette qu'ils devraient rembourser?
M. Thiessen: Je m'excuse, sénateur. Je n'aime pas esquiver certaines questions, mais je considère celle-ci comme un sujet extrêmement délicat sur le plan politique. Je ne crois pas que les représentants non élus de la banque centrale indépendante considèrent cela comme faisant partie de leur rôle. Je ne veux pas répondre à ces questions.
Le sénateur Kolber: Je suis très déçu. Il me semble que, en tant que responsable de la politique monétaire, vous devriez au moins préparer les Canadiens aux conséquences possibles d'une telle situation.
M. Thiessen: D'autres peuvent le faire. La banque centrale doit absolument rester neutre. Quoique vous en pensiez, toute participation à ce débat compromettrait la neutralité de la banque centrale.
Le sénateur Kolber: Ce n'est pas vraiment un débat; il s'agit tout simplement de décrire les conséquences que pourrait entraîner une situation.
Le président: Sénateur, le témoin a dit qu'il ne voulait pas répondre à cette question comme vous souhaiteriez qu'il y réponde.
Le sénateur St. Germain: Merci de comparaître devant nous, gouverneur. Ma question rejoint celle du sénateur Kolber. Vous avez dit que la banque doit renforcer la confiance des consommateurs. Compte tenu de ce rôle, et vu que la séparation possible du pays mine cette confiance, ne croyez-vous pas que vous avez la responsabilité, en tant que banquier principal de ce pays, de prendre position sur les questions que le sénateur Kolber vous a posées?
M. Thiessen: Je crois, sénateur, que la responsabilité de la banque centrale est de faire en sorte que la politique monétaire et ses interventions sur les marchés financiers contribuent à renforcer la confiance des Canadiens. Tel est le rôle de la banque centrale; telle est notre responsabilité. C'est pourquoi nous fonctionnons de façon indépendante du gouvernement. En ce qui concerne les autres questions, elles sont trop vastes et non, je n'ai pas à prendre position sur ces questions.
Le sénateur Meighen: Gouverneur, vous évoluez dans des milieux où ces questions font l'objet de discussions. Le sénateur Kolber a posé une question très précise au sujet de l'impact qu'aurait une certaine situation sur les taux des obligations et sur les responsabilités financières. Comme vous ne voulez pas faire de commentaire là-dessus, à qui devons-nous nous adresser?
M. Thiessen: Il y a divers intervenants dans les marchés financiers qui peuvent vous donner des réponses. Personne ne peut dire de façon précise comment réagiront les marchés financiers si une situation hypothétique se produit. C'est impossible.
Le sénateur Meighen: Vous pouvez sûrement nous donner quelques indications, gouverneur.
M. Thiessen: Il y a d'autres intervenants dans les marchés financiers qui peuvent sûrement vous donner leur avis sur cette question. Ce n'est pas notre rôle.
Le sénateur Meighen: Nous laisserons à d'autres le soin de répondre à cette question. Je ne peux pas croire qu'on ne discute pas, au sein de la banque, de questions comme celles-là, même si cela ne fait pas partie de votre rôle.
La banque a parlé, dans un communiqué, des mécanismes de compensation et de règlement. Comme vous le savez, on a laissé entendre que des changements pourraient être apportés au système de paiement, qu'il pourrait être ouvert aux institutions financières autres que les banques, comme les compagnies d'assurance et les maisons de courtage. Puisque nous n'aurons pas l'occasion de vous revoir avant un bon moment, peut-être un an, à moins que l'expérience de ce matin vous ait tellement plu que vous demandiez à revenir, auquel cas vous seriez le bienvenu, bien sûr, que pense la banque de l'idée d'ouvrir le système de paiement à d'autres intervenants? Quel impact cette décision aurait-elle?
M. Thiessen: Il s'agit d'une question importante, monsieur le président, sur laquelle nous devons nous pencher. Je sais qu'elle sera abordée dans le Livre blanc, auquel nous avons participé. Par conséquent, je dois être très prudent parce que je ne peux vous dire à l'avance ce que contient le Livre blanc.
Je peux toutefois vous dire, sénateur, que le système de paiement fait partie intégrante de l'activité économique d'un pays et, bien entendu, de son secteur financier. Il faut bien établir les règles. Il faut que le système soit soumis aux règles du marché pour que les prix soient aussi bas que possible. Il faut également éviter dans la mesure du possible les risques systémiques. Autrement dit, il faut éviter que la faillite ou les problèmes d'une institution ne s'étendent à d'autres et n'entraînent leur chute. Il s'agit là d'un élément crucial.
C'est pour cette raison que la Chambre a été saisie, et le sera de nouveau, d'un projet de loi qui confère à la Banque du Canada le pouvoir de superviser les mécanismes de compensation et de règlement qui pourraient avoir un impact sur le système de paiement. De cette façon, nous pouvons surveiller de près les risques systémiques.
Le sénateur Meighen: Je sais que vous n'aimez pas les questions hypothétiques. Le système de paiement sera ouvert, ou ne le sera pas. Je ne connais pas la réponse à cette question. Vous ne la connaissez peut-être pas vous non plus.
Supposons que le système est ouvert. Souhaiteriez-vous que la Banque du Canada ait un plus grand rôle de surveillance à jouer, ou que son rôle reste le même?
M. Thiessen: Le rôle de surveillance envisagé dans le projet de loi semble être tout à fait adéquat. Il nous donne les pouvoirs dont nous avons besoin pour faire en sorte que les mesures prises pour régler diverses transactions financières éliminent les risques et, en cas de problèmes, limitent l'effet domino. Oui, je suis satisfait de ces arrangements.
Le sénateur Meighen: Peu importe le nombre d'intervenants et les institutions en cause?
M. Thiessen: Oui.
Le sénateur Meighen: J'aimerais vous poser une question au sujet des interventions de la banque. Dans votre rapport, vous indiquez le nombre de fois où la banque est intervenue pour éviter que le taux du financement à un jour ne dépasse une certaine limite ou ne tombe au-dessous de celle-ci. La banque, bien entendu, est intervenue sur le marché des changes pour modérer les fluctuations du dollar. Surveillez-vous les résultats de ces interventions? Dans l'affirmative, en tirez-vous une leçon, ou essayez-vous tout simplement de faire de votre mieux, c'est-à-dire de prendre la décision qui convient au moment voulu? Avez-vous déjà été obligé d'intervenir pour corriger une mauvaise décision?
M. Thiessen: Les interventions dans le cas du taux du financement à un jour sont de nature technique. Nous avons une fourchette qui contient une limite supérieure et une limite inférieure. Nous intervenons pour que le taux reste à l'intérieur de cette fourchette. S'il se rapproche de la limite supérieure, nous renflouons nos réserves. S'il atteint la limite inférieure, nous en écoulons. Il s'agit d'une opération très technique. Une fois celle-ci terminée, vous analysez les résultats pour voir si l'intervention a été efficace.
Pour ce qui est du taux du financement à un jour, nous réussissons toujours à le maintenir à l'intérieur de la fourchette. Il ne s'agit pas tout simplement de se demander si des mesures différentes ou plus efficaces peuvent être prises.
L'introduction du taux du financement à un jour et de la fourchette d'opération constitue en soi une amélioration. C'est après avoir analysé les décisions prises et nous être demandés s'il n'y avait pas lieu d'améliorer les choses que nous avons adopté ce système. En 1994, si vous vous souvenez bien, les taux d'intérêt aux États-Unis et à l'étranger ont monté en flèche. Le Canada a été durement touché par cette hausse.
À l'époque, nous avons essayé de calmer et de stabiliser les marchés. Nous nous sommes rendu compte que les intervenants dans les marchés financiers n'étaient pas toujours certains, comme nous nous attendions à ce qu'ils le soient, de ce que nous allions faire. Nous avons donc conclu qu'il fallait établir une fourchette à l'intérieur de laquelle nous voulions maintenir le taux du financement à un jour parce qu'ils ne savaient pas si nous allions le majorer ou le réduire. Nous avons introduit cette fourchette pour sécuriser davantage les institutions financières qui opèrent sur ce marché.
Plus récemment, nous avons entrepris d'émettre un communiqué chaque fois que nous modifions ce taux. Encore une fois, nous voulons expliquer aux intervenants dans les marchés financiers les raisons de ce changement et ainsi leur donner une meilleure idée de nos objectifs. Ces mesures résultent de l'analyse que nous avons effectuée de nos opérations en vue de les améliorer.
En ce qui concerne le taux de change, nous agissons à titre d'agents du gouvernement fédéral dans le cadre de certains principes et règles de fonctionnement. Avec le ministère des Finances, nous en faisons l'examen de temps à autre, tout comme le vérificateur général, je crois.
Le sénateur Meighen: C'est le Toronto Star qui m'a appris que vous vous efforcez d'élaborer «une politique monétaire indépendante». Je ne crois pas toujours ce que je lis dans le Toronto Star; toutefois, est-ce une interprétation exacte de ce que vous tentez de faire en abaissant les taux d'intérêt à court terme?
M. Thiessen: Ce n'est pas ainsi que je l'interpréterais, sénateur. Nous essayons d'appliquer une politique monétaire qui convienne à la situation au Canada, mais qui tienne également compte des marchés financiers, tant au pays que sur la scène internationale. C'est l'objectif constant de toute politique monétaire. Il faut examiner les bases économiques nationales ainsi que les conditions des marchés national et international.
Nous voyons actuellement des bases économiques et financières plutôt favorables s'implanter au Canada. Le fait que nous ayons pu récemment prendre certaines mesures reflète simplement le niveau peu élevé du taux d'inflation. Notre taux d'inflation reste bas depuis quatre ans. Il est plus bas que celui de notre principal partenaire commercial.
Cela reflète aussi le fait que beaucoup de préoccupations à l'égard de l'accumulation de la dette étrangère au Canada se sont récemment allégées, étant donné que notre déficit courant s'est considérablement abaissé; depuis quelques années, en effet, le Canada est un pays exportateur très prospère. En d'autres termes, l'accumulation de la dette étrangère s'est considérablement ralentie.
On peut enfin ajouter à cela une amélioration de la situation financière au Canada.
Tous ces facteurs signifient que gråce aux bases économiques du pays, la Banque du Canada peut prendre certaines mesures plus facilement, comme elle l'a fait récemment.
Le président: Vous avez abaissé le taux la semaine dernière, décision dont il a été passablement question dans les médias. Comme le sénateur Meighen l'a fait remarquer, un article du Toronto Star vous accusait d'avoir fait un pari. Toutefois, d'après les nouvelles de Radio-Canada de ce matin, certains auraient dit que la mesure que vous aviez prise la semaine dernière était très positive.
Comment des profanes comme nous-mêmes peuvent-ils faire la part des choses entre l'adulation, d'un côté, et les critiques, de l'autre? Comment expliquez-vous une réaction aussi radicalement différente parmi les observateurs des marchés?
M. Thiessen: En fait, nous avons connu une période au Canada où les bases n'étaient pas très bonnes; les réactions des marchés financiers étaient généralement négatives, allant ainsi à l'encontre de ceux qui pensaient que, peut-être, la politique économique et l'économie en général se portent bien au Canada. Admettre que la situation s'est améliorée prend parfois du temps. Je ne prétends pas que tout est maintenant merveilleux et marche comme sur des roulettes, car des incertitudes subsistent. Toutefois, je crois que la situation s'est fondamentalement améliorée et l'admettre prend un peu de temps pour certains.
Le président: Cela veut-il dire que vous vous attendez à davantage de commentaires positifs que négatifs? Indépendamment de ce que vous faisiez il y a quelques années, 60 à 70 p. 100 des commentaires étaient critiques. Sur une échelle de 100, on arrive à des commentaires favorables de l'ordre de 50 p. 100 ou davantage. Au fur et à mesure qu'augmente la confiance, pensez-vous que les commentateurs auront des réactions plus positives? Les commentateurs ont non seulement une influence sur les politiciens, mais j'imagine également qu'ils ont une influence considérable sur les investisseurs.
M. Thiessen: Je pense que vous avez raison. Nous essayons de devenir plus directs et transparents - si je peux reprendre ce mot galvaudé. Ainsi, nous essayons d'être plus clairs en fixant la fourchette opérationnelle du taux au jour le jour.
Peu de temps après ma dernière comparution devant vous, nous avons publié notre rapport semi-annuel de politique monétaire dans lequel nous tentons d'être plus directs sur la façon dont nous envisageons la situation économique, les tendances de l'inflation et l'application de la politique monétaire. Nous essayons d'arriver à une situation où les intervenants sur les marchés et dans l'économie en général ne sont pas surpris par ce que nous faisons. Nous voulons qu'ils se disent: «Oui, cela semble sensé.» Il ne s'agit pas de dire que nous prenons de bonnes ou de mauvaises décisions. Il s'agit plutôt de dire: «Oui, cela semble raisonnable.» L'élément de surprise est moindre. Les marchés acceptent ce que vous faites. À mon avis, la transparence et l'information sont très importantes.
Le sénateur Meighen: Pour terminer la discussion au sujet de ce que vous avez fait la semaine dernière, c'est-à-dire abaisser les taux d'intérêt à court terme, on peut avancer que le succès d'une telle décision dépendra probablement, dans une vaste mesure, des décisions que prendra aujourd'hui la Banque centrale américaine.
Dans quelle mesure nos partenaires du G-7 sont-ils mis au courant des décisions avant d'en être informés par les journaux? Vous consultez-vous avant de prendre quelque mesure que ce soit?
M. Thiessen: Il n'y a pas de processus particulier exigeant que les banques centrales se téléphonent pour s'avertir à l'avance. Ce n'est pas vraiment utile. Les réunions des banques centrales qui se tiennent régulièrement tous les mois en Suisse sont beaucoup plus importantes. Elles nous permettent de parler avec tous nos homologues de la façon dont ils voient la situation dans leur pays, des genres de techniques qu'ils utilisent, de leurs préoccupations et des mesures qui, d'après eux, portent fruit. Cela nous donne à tous, je crois, une compréhension plus globale de ce qui se passe, ainsi qu'une meilleure idée de ce qui va se produire.
En ce qui concerne l'information anticipée, non, personne ne le fait, ce n'est pas utile.
Le sénateur St. Germain: Ce qui me préoccupe le plus, c'est la confiance des consommateurs qui, apparemment, s'est érodée et qui semble également freiner l'économie et la création d'emplois. Vous soulignez certains facteurs comme la dette publique, ou la gestion fiscale du pays, et le PIB. Que peut vraiment faire la Banque du Canada? Elle ne contrôle pas vraiment ces deux facteurs. Qu'aimeriez-vous pouvoir faire pour ranimer la confiance des consommateurs canadiens?
M. Thiessen: Je suis convaincu que la poursuite de notre politique de faible inflation est la chose la plus importante que nous puissions faire. En fin de compte, elle produira les taux d'intérêt les plus bas que nous puissions avoir. Ces taux n'ont pas été aussi bas que bien des gens l'auraient voulu, en raison des problèmes financiers; ils sont toutefois beaucoup plus bas qu'ils ne l'auraient été si la banque n'avait pas persisté dans cette politique de faible inflation. La première chose que nous pouvons faire, c'est donner un sentiment de stabilité aux Canadiens.
Une politique de faible inflation nous permet également d'éviter l'alternance de forte expansion et de ralentissement que nous avons connue au début et à la fin des années 80, ainsi qu'au début des années 90. Rien n'affaiblit davantage la confiance des consommateurs que la montée en flèche des prix et leur effondrement tout de suite après. C'est un élément important dont il faut tenir compte pour regagner la confiance des consommateurs.
Par ailleurs, nous améliorons la situation de tous les débiteurs si nous persuadons les gens que l'inflation restera peu élevée, car les taux d'intérêt finiront par baisser encore davantage. Cela permet aux gouvernements de mettre de l'ordre dans leur situation financière. Cela permet également aux consommateurs d'avoir des niveaux d'endettement plus élevés et de pouvoir les payer. C'est très important.
Le sénateur St. Germain: Pourtant, nous avons été témoins, il n'y a pas très longtemps, d'un soubresaut dans les taux d'intérêt. Je ne viens pas des milieux de la banque. J'étais auparavant dans l'industrie du logement qui a été touchée par ce soubresaut. Pourriez-vous indiquer à ceux qui suivent ces délibérations, notamment les représentants de l'industrie du logement, le pourcentage de la dette détenue par des étrangers? Dans quelle mesure la nervosité que ressentent ces milieux influe-t-elle sur nos taux débiteurs?
M. Thiessen: Je vais vérifier auprès de mon collègue pour être sûr du pourcentage; en ce qui concerne la dette publique à l'étranger, c'est 40 p. 100 environ, d'après moi.
Toutefois, je ne sais pas si les étrangers réagissent très différemment des investisseurs canadiens. Beaucoup d'investisseurs canadiens ont aussi le choix entre investir au Canada et investir ailleurs. Beaucoup se trouvent toujours à la limite. Ils se disent: «Dois-je investir au Canada ou ailleurs?» Il peut s'agir de Canadiens, il peut s'agir d'étrangers. Ils ne veulent pas trop de risques. S'ils se trouvent au Canada et s'ils décident d'y rester, ils veulent être sûrs de ne pas essuyer de pertes - en d'autres termes, ils veulent être sûrs que leurs investissements ne seront pas grignotés par l'inflation ou par une dépréciation monétaire importante. Ce sont des considérations importantes.
Ceci étant dit, nous serons touchés. Pas plus tard que la semaine dernière, les médias ont révélé une augmentation soudaine et importante du nombre d'emplois aux États-Unis. En l'espace d'un mois, 700 000 emplois ont été créés. Le marché s'est affolé. Les investisseurs se sont dit: «Cela veut-il dire que la croissance de l'économie américaine est soudainement si rapide que nous aurons des pressions inflationnistes et que donc, nos investissements risquent d'être érodés par l'inflation?» Les taux d'intérêt et le marché des obligations ont monté. Cela a débordé au Canada et pratiquement dans tous les autres pays. Cela a touché nos taux hypothécaires sur un an et jusque sur cinq ans. Il est intéressant toutefois de noter qu'un renversement progressif de ces augmentations s'est finalement opéré. Elles n'ont pas complètement disparu, mais d'après les cours du marché de ce matin, au moins la moitié de cette augmentation du rendement des obligations s'est renversée aux États-Unis et au Canada.
C'est inévitable; comme je le disais dans mon introduction, il est inévitable que nous fassions l'objet de tels chocs de temps à autres. Toutefois, plus la situation financière, l'inflation et la productivité sont positives, plus ces chocs seront modérés.
Le président: En réponse au sénateur St. Germain, vous avez dit que la dette étrangère correspondait à environ 40 p. 100 de la dette publique totale. Pouvez-vous nous dire si ce pourcentage est à la hausse ou à la baisse, ou s'il est stable?
M. Jenkins: On évalue actuellement à 45 p. 100 la dette extérieure du Canada par rapport au PIB. C'est une hausse qui est apparue ces quelques dernières années en raison de l'augmentation du déficit courant dont nous avons été témoins au cours de cette période.
Pendant l'année 1995, au cours du dernier trimestre en particulier, le déficit courant ayant pratiquement été éliminé, ce ratio de quelque 45 p. 100 par rapport au PIB devrait se stabiliser. En fait, il devrait commencer à diminuer et se rapprocher des 35 à 40 p. 100 au cours des quelques prochaines années.
Le président: Avez-vous ce que j'appellerais un pourcentage cible, même s'il n'est pas officiel, qui, d'après vous, conviendrait ou serait souhaitable? Savez-vous quand il est trop élevé et quand il est acceptable?
M. Jenkins: Il faut en fait au moins stabiliser ce ratio dette-PIB.
Le président: Voulez-vous parler du ratio dette étrangère-PIB?
M. Jenkins: Je veux parler de n'importe quel ratio dette-PIB. Vous pouvez appliquer ce même concept au secteur public, à l'endettement étranger. En ce qui concerne nos ratios dette publique-PIB, comme notre endettement national commence à décliner, la situation s'améliore, ainsi qu'en témoigne la diminution de notre dette extérieure.
Il n'y a pas de cible en tant que telle, mais de toute évidence, nous devons nous efforcer pour l'instant d'améliorer notre situation en matière de dette étrangère ainsi que d'endettement public.
Le président: Dois-je en conclure que vous préféreriez voir le pourcentage de la dette étrangère baisser plutôt qu'augmenter? En théorie, vous pourriez abaisser le pourcentage total par rapport au PIB tout en augmentant le pourcentage de la dette étrangère.
M. Jenkins: Absolument.
Le président: Vous préféreriez un pourcentage plus bas?
M. Jenkins: Oui.
Le président: Le sénateur St. Germain a parlé du nombre important de nouveaux emplois créés aux États-Unis, dont il a été question il y a quelques semaines. Vous avez dit, monsieur le gouverneur, qu'il y avait eu un soubresaut et que ce soubresaut disparaît lentement du système.
Des conséquences de ce soubresaut subsistent-elles? Reste-t-il un facteur résiduel dans le système? Si tel est le cas, l'effet cumulatif de plusieurs soubresauts pourrait donc être assez important au bout d'un certain temps.
M. Thiessen: Au bout du compte, s'il se renverse complètement, il ne peut que disparaître. Néanmoins, certaines personnes doivent prendre une décision à ce moment-là et elles sont sans aucun doute touchées. Les effets ne disparaissent pas. Quiconque a dû prendre une décision à ce moment-là a été influencé.
Le sénateur St. Germain: Monsieur le gouverneur, à la page 35 de votre rapport annuel, on peut lire des détails sur les coûts de fonctionnement de la Banque du Canada. Combien de personnes travaillent à la banque? Vous signalez une réduction de 500 postes. Je ne savais pas qu'il y avait 500 employés à la Banque du Canada. Il doit y en avoir beaucoup plus.
Je remarque que les indemnités de cessation d'emploi liées au réaménagement des effectifs représentent 33 millions de dollars; cependant, si vous y ajoutez les traitements et autres frais de personnel pour 1995, vous arrivez à près de 98 millions de dollars contre 99,4 millions de dollars. Votre institution est très en vue au Canada. La réduction des effectifs a été un facteur prédominant dans le secteur privé, se traduisant par des réductions massives et une amélioration de l'efficacité des entreprises en général. Je crois que la banque est essentiellement une entreprise, au même titre que n'importe quelle autre institution financière ou industrie au Canada.
Que pouvez-vous dire au sujet des niveaux de dotation? Pensez-vous apporter des améliorations importantes dans ce domaine particulier en 1996?
M. Thiessen: Jusqu'à tout récemment, nous comptions 2 000 employés à la banque. C'est une diminution par rapport aux 2 500 employés que nous avions en 1990. Le nombre de personnes qui travaillent à la banque a diminué progressivement.
Toutefois, ainsi que nous l'indiquons dans notre rapport annuel, nous avons effectué une réévaluation importante de beaucoup de nos opérations clés. Comme bien d'autres, nous nous sommes posé trois questions: est-ce à nous de remplir ces fonctions? Le cas échéant, avons-nous besoin de ce niveau d'activité ou de service? Enfin, si nous examinons la manière dont nous remplissons ces fonctions et si nous songeons à tout remanier, pourrions-nous réduire nos coûts?
Suite à cet examen, nous allons abaisser le nombre de notre personnel à 1 500 employés d'ici l'an 1999. Cela équivaut à une diminution de près de 500 postes. Nous nous attendons, à ce moment-là, à ce que nos coûts annuels de fonctionnement baissent de près de 20 p. 100 par an.
Le sénateur St. Germain: Ma dernière question vise l'un des facteurs les plus déstabilisateurs de notre pays - je veux parler de l'unité canadienne.
Je ne cherche pas à vous mettre dans l'embarras, monsieur, mais vous jouez un rôle de premier plan dans notre pays. Aviez-vous prévu une stratégie monétaire au cas où le OUI l'aurait emporté au référendum d'octobre? Avez-vous des stratégies en place pour l'avenir?
M. Thiessen: Sénateur, il m'est toujours difficile de répondre à pareille question. Je vous dirais qu'en raison de son rôle sur les marchés financiers et de son rôle en tant que banque centrale, la Banque du Canada se préoccupe constamment des éventualités et cherche à tout faire pour jouer son rôle, c'est-à-dire assurer le fonctionnement des marchés financiers et des systèmes de paiements au cas où le Canada ferait l'objet d'un choc ou d'un autre. Je n'en dirai pas plus, monsieur.
Le sénateur Ghitter: Monsieur le gouverneur, je ne suis pas membre de ce comité, mais j'attends toujours avec impatience que vous comparaissiez devant lui. Je trouve votre témoignage des plus intéressants et je remercie le comité de perpétuer la tradition.
J'ai relevé dans vos remarques liminaires votre allusion aux perspectives d'emploi. J'ai le sentiment que nous ne partageons pas la même vision du pays. Laissez-moi vous faire part de mon point de vue de façon à ce que vous puissiez m'aider en ce qui a trait à la confiance des consommateurs.
Je vois qu'au Canada, la compression des effectifs est devenue un lieu commun. Les licenciements sont le lot de nombreux Canadiens non seulement dans le secteur privé, mais dans le secteur public.
Je constate également que les épargnes des Canadiens sont à leur plus bas niveau depuis 23 ans. Cela m'indique qu'ils puisent dans leurs ressources parce que leurs revenus s'amenuisent. Je vois un nombre sans précédent de Canadiens retirer de l'argent de leurs REÉR.
Les Canadiens subissent de très fortes pressions dans ces domaines. L'élément de confiance et l'espoir de perspectives d'emploi ne sont pas ce que vous laissez entendre dans vos remarques liminaires aujourd'hui.
Des études publiées très récemment aux États-Unis laissent entendre que, même s'il y a création d'emplois, ces emplois sont pourvus maintenant à des salaires beaucoup moins élevés. Autrement dit, les gens qui font face aux compressions d'effectifs sont obligés, pour continuer de travailler, d'accepter un emploi à environ la moitié du salaire qu'ils touchaient auparavant.
Même s'il y a peut-être aux États-Unis les 700 000 emplois auxquels vous avez fait allusion, on ne parle pas du même genre d'emplois. Il s'agit d'emplois beaucoup moins stimulants qui sont sensiblement moins payants pour ceux qui étaient habitués à des revenus plus élevés.
Quant aux emplois et au sentiment de confiance, cela ne m'incite pas à conclure que tout va bien au Canada. Si c'est vrai, cela n'ébranle-t-il pas vraiment l'optimisme dont vous faites preuve dans vos déclarations liminaires et n'assombrit-il pas l'économie canadienne, pour ce qui est de la composante très importante que constitue la confiance du consommateur?
M. Thiessen: Il est certes vrai que la confiance pose un problème. Je ne voulais pas en minimiser l'importance dans ma déclaration liminaire vu qu'il s'agit vraiment d'un problème.
J'essayais de faire ressortir que des changements importants se sont produits au Canada et que c'est pour le mieux. Ils permettront fondamentalement à cette économie de fonctionner efficacement.
Nous avons assisté à une gigantesque restructuration des entreprises canadiennes et, plus récemment, de notre fonction publique, deux changements importants dans cette économie. Dans l'ensemble, ces changements se sont produits au cours des quelque cinq dernières années. Des changements du même genre ont cours ailleurs. Inutile de dire que cela engendre énormément d'incertitude et de nervosité quant à l'avenir.
Si l'on n'avait pas vu que ce processus, pour une raison ou une autre menait à de bons résultats, je crois alors que l'on aurait eu raison de s'inquiéter. Même si l'incertitude, le changement et les compressions d'effectifs qui font partie de cette restructuration sont très difficiles et très pénibles pour les personnes en cause, je crois que le Canada y gagnera un secteur privé plus productif, plus efficace, plus concurrentiel et plus moderne. J'estime vraiment que c'est pour le mieux.
Je crois aussi que les Canadiens profiteront également des changements qui sont apportés dans le secteur public pour maîtriser nos déficits, pour réduire le ratio dette-PIB et, en fait, pour rendre le secteur public plus efficace. Ils seront ainsi mieux gouvernés à moindre coût sans compter les gains de productivité.
Ces deux choses me disent que l'avenir laisse entrevoir une progression tant de l'emploi que du niveau de vie.
Le sénateur Ghitter: Est-ce que cela pourrait aussi signifier que de nombreux Canadiens ne profiteront pas des avantages que vous décrivez et que nombre d'entre eux qui sont en dehors de certaines structures financières seront abandonnés et oubliés à l'intérieur de cette nouvelle culture, de cette nouvelle économie en devenir? Il est évident que de nombreux Canadiens, pas seulement dans les emplois les moins bien rémunérés, mais des professionnels également, qui participent à cette restructuration de notre économie et qui ont du mal à survivre. Nombre de jeunes avocats diplômés servent aux tables dans les restaurants et occupent des emplois de cette nature. C'est en très grande partie le tableau qui s'offre à nous au Canada aujourd'hui.
Ce changement laisse-t-il pour compte un grand nombre de Canadiens? Si oui, le gouvernement peut-il faire quelque chose à ce sujet? Si oui, quels conseils avez-vous à donner au gouvernement quant à de meilleurs moyens susceptibles d'intensifier la création d'emploi, les programmes de recyclage et ainsi de suite?
M. Thiessen: J'admets volontiers que je ne suis pas un spécialiste des questions relatives à la formation et à l'amélioration du marché du travail. Il n'y a pas de doute qu'un changement s'est produit et qu'un changement s'impose. La formation que doivent acquérir les gens pour bien fonctionner dans cette nouvelle économie est sans doute différente de ce qu'elle était auparavant. Pour de nombreux Canadiens, cela signifie acquérir de nouvelles capacités. Il y a certes des gens qui trouvent ce processus très difficile, sinon invraisemblable. Ce sont ceux qui, sans aucun doute, seront touchés assez négativement par tout ceci. Il va sans dire que les gouvernements doivent s'inquiéter et se demander comment leur venir en aide et les protéger.
Si nous ne passons pas par ce processus de restructuration, nous y perdrons. Je ne crois pas que nous ayons le choix. Nous devons aller de l'avant et essayer de faire en sorte que les gens aient la formation et l'appui indispensables pour faire face à la situation. Il est très important pour nous que nous passions au travers.
En toute franchise, sénateur, je sais que nombreux sont les gens inquiets et nerveux, mais jusqu'à maintenant, nous nous tirons pas mal d'affaire étant donné le changement qui s'impose.
Le sénateur Ghitter: Pouvez-vous nous parler de la confiance des consommateurs? Il s'agit d'un élément très important de votre équation. Je ne considère pas qu'elle soit très élevée à l'heure actuelle, mais il se peut que je me trompe.
M. Thiessen: Je suis tout à fait d'accord, sénateur, qu'il s'agit d'une question fondamentale. Voilà entre autres pourquoi, lorsque je fais des prévisions, je tiens compte dans une large mesure de la confiance des consommateurs qui est tellement imprévisible. Il n'y a pas de doute que l'incertitude et la nervosité chez les Canadiens sont attribuables aux mouvements des taux d'intérêt, à la campagne référendaire et aux problèmes d'ordre financier.
L'amélioration de la situation financière qui, je crois, fera baisser les taux d'intérêt, surtout à moyen et à court terme, aidera. Cela signifie une diminution des coûts associés aux services de certaines des dettes qu'ont les gens.
Le secteur privé est présentement en train de prendre de l'expansion. Il en est maintenant arrivé à l'étape où il créera davantage d'emplois. Nous avons déjà été témoins de certaines améliorations au cours des trois derniers mois, mais une hirondelle ne fait pas le printemps. Si cela se poursuit, ces deux éléments permettront graduellement d'améliorer les attitudes des Canadiens.
En 1994, lorsque l'économie américaine et nos exportations ont commencé à prendre très rapidement de l'expansion, la création d'emploi a été assez spectaculaire. Elle a presque atteint 4 p. 100. On a constaté que la confiance s'était améliorée au cours de cette période. Il reste encore du chemin à parcourir, mais la confiance s'est bel et bien améliorée. J'espère que nous constaterons la même chose au cours de la présente année, sénateur.
Le sénateur Angus: En ce qui concerne la confiance, dans quelle mesure la force de notre dollar joue-t-elle un rôle clé? Vous vous rappellerez qu'il y a plusieurs mois, lorsque le dollar semblait se raffermir, vous avez resserré légèrement le marché monétaire. D'aucuns prétendaient que l'économie n'était peut-être pas assez solide pour soutenir un resserrement à l'époque. En fait, certains disent que la confiance s'était détériorée. Je sais que la marge de manoeuvre n'est pas très grande. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
Il me semble qu'un dollar plus fort accroîtrait la confiance. En fait, ce serait l'un des éléments que recherchait le sénateur Ghitter. Cependant, le contraire semblait être votre politique.
M. Thiessen: Vous avez tout à fait raison, sénateur. Lorsque les taux d'intérêt étaient en hausse, surtout après la crise cambiaire qu'a connue le Mexique en janvier, tant le gouvernement fédéral que les provinces se sont beaucoup inquiétés de la situation financière du Canada. À l'époque, le dollar canadien avait commencé à baisser. En fait, non seulement avait-il amorcé sa descente, mais nous avons constaté que les taux d'intérêt le long de la courbe de rendement amorçaient une phase ascendante. L'érosion de la confiance était palpable sur les marchés financiers. Une très grande nervosité gagnait ceux qui avaient investi leur argent dans les marchés financiers. Nous avons jugé qu'il nous fallait intervenir pour leur apporter appui et réconfort.
Inutile de dire que, d'autre part, ce fut tout un choc pour les gens qui étaient déjà endettés, les gens qui pensaient à emprunter.
Cependant, si nous n'avions pas essayé de détendre l'atmosphère et de donner confiance dans le dollar canadien, ces taux d'intérêt auraient progressé encore plus, ce qui aurait empiré radicalement la situation pour les débiteurs et les acheteurs éventuels. Nous devions régler le premier problème avant de pouvoir nous attaquer au deuxième; par la suite, bien sûr, les taux d'intérêt ont diminué.
Le sénateur Angus: Les deux premières années où vous êtes venu nous rencontrer, vous avez insisté assez fortement sur la valeur positive des principes fondamentaux et vous faites la même chose aujourd'hui. Nous, les membres du comité, avons essayé de vous faire remettre votre chapeau de conjoncturiste pour nous dire quel est le niveau approprié du dollar canadien par rapport au dollar américain. Il s'est relativement bien maintenu dans une fourchette assez étroite au cours des deux dernières années. Pour donner confiance aux gens, pouvez-vous nous dire approximativement quelle fourchette représenterait la valeur réelle du dollar?
M. Thiessen: Il n'y a pas de niveau en quelque sorte approprié en ce qui a trait au dollar canadien. Nous opérons dans un régime de taux de change flottant. Le dollar canadien fluctuera en fonction de la conjoncture.
Je crois que la situation fondamentale en ce qui concerne le dollar canadien est en fait positive. J'ai parlé de certaines de ces choses plus tôt: le fait que notre taux d'inflation soit bas, et plus bas que celui de notre principal partenaire commercial, que le secteur privé a investi pour améliorer sa productivité et que la situation financière s'améliore.
Lorsque ces primes de risque dont j'ai parlé en ce qui concerne nos taux d'intérêt à moyen et à long terme augmentent, elles ont tendance à affaiblir le dollar. Lorsqu'elles diminuent, parce que les gens pensent que la situation financière s'améliore, cela soutient en quelque sorte le dollar canadien.
Enfin, nous avons le point qu'a fait ressortir plus tôt mon collègue Paul Jenkins. L'amélioration de la situation en ce qui a trait à notre compte courant signifie que notre dette extérieure par rapport à la taille de notre économie a l'air de vouloir diminuer, et ce ratio diminue.
Toutes ces choses viennent soutenir le dollar dans la période qui s'annonce. Comme nous n'avons pas de cible pour le dollar canadien, notre politique monétaire étant orientée vers la stabilité des prix, je ne veux pas faire de prévisions. Cependant, il y a certaines choses qui apportent un bon soutien à notre dollar.
Le sénateur Angus: Malgré vos détracteurs, ou les détracteurs de votre politique voulant que le Canada soit un pays à faible inflation, comme vous dites qu'il est devenu, et qu'il faille garder le dollar à un bas niveau plutôt que de recourir à la politique de l'offre, croyez-vous que cela en soi renforcera notre dollar?
M. Thiessen: Il n'y a pas de doute qu'une économie dont la productivité est en hausse et l'inflation est faible aura tendance à renchérir le dollar avec le temps. Si vous voulez un exemple, prenez celui du Japon pour la presque totalité des années 70 et 80.
Le président: Gouverneur, vous avez à maintes reprises parlé ce matin de la confiance des consommateurs. Peut-être s'agit-il simplement de mon étude du marché ou de mes connaissances en mathématique, mais comment mesurez-vous la confiance des consommateurs? Recourez-vous pour se faire à une méthode scientifique ou faites-vous comme les membres de ce comité, c'est-à-dire lire les journaux et parler aux gens? Je comprends qu'en ce qui concerne la confiance des investisseurs, vous pouvez lire les pages financières, mais comment prenez-vous le pouls des consommateurs?
M. Thiessen: Nous utilisons la mesure de confiance des consommateurs du Conference Board, mais nous la complétons en parlant au plus grand nombre de gens possible. C'est une fois de plus ce point que j'ai fait ressortir plus tôt au sujet de la nécessité d'aller parler aux gens d'un bout à l'autre du pays, non pas seulement aux gens d'affaires mais à d'autres particuliers, aux ménages également, afin de déterminer si cette mesure de confiance qu'obtient le Conference Board d'après son étude est exagérée dans un sens ou dans l'autre.
Le président: Vous tåchez d'utiliser les données de sondages recueillies dans ce cas par le Conference Board tout en faisant votre propre interprétation en fonction de vos propres contacts et de vos propres conversations avec tout un échantillon de gens un peu partout au pays. Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Simard: Monsieur le président, j'ai deux questions à poser au gouverneur de la Banque du Canada. Ces deux questions ont trait à l'administration et aux pouvoirs de la Banque du Canada. Je vous réfère à la page 22 de votre rapport annuel pour l'année 95, où vous écrivez que la banque, et je cite:
Elle est intervenue 65 fois pour éviter que le taux d'inflation ne dépasse la limite supérieure de la fourchette, 22 fois pour l'empêcher de tomber au-dessous de la limite inférieure et 14 fois pour indiquer qu'elle avait modifié la fourchette.
La banque est aussi intervenue sur les marchés de change pour modérer les fluctuations rapides du dollar. Faites-vous un suivi de vos interventions? Quelles leçons en avez-vous tirées? Vos interventions ont-elles eu les effets escomptés? Est-il arrivé que la Banque intervienne pour contrer des effets imprévus d'interventions antérieures?
.M. Thiessen: Pour ce qui est de notre fourchette opérationnelle pour le taux au jour le jour, c'est vraiment une activité, une action technique. C'est seulement parce que le taux de financement d'un jour est tout près de notre limite supérieure de notre fourchette opérationnelle que l'on ajoute des réserves. Quand le taux au jour le jour est tout près de la limite inférieure, nous serrons un peu la situation. Mais, c'est vraiment technique. Ce n'est pas quelque chose où l'on peut se demander s'il est possible de faire ces choses d'une façon plus efficace.
Nous avons instauré cette fourchette opérationnelle pour améliorer la connaissance et pour plus de clarté pour les marchés financiers, de façon à ce que les marchés financiers aient une meilleure compréhension. L'implantation de la fourchette opérationnelle est l'amélioration la plus importante. Nous avons fait cela. Nous avons regardé notre succès et nous avons décidé qu'il était possible d'améliorer notre politique monétaire, notre façon d'opérer dans les marchés.
Pour ce qui est du taux des devises internationales, nous sommes un agent pour le ministère des Finances et nous observons les principes, les critères opérationnels. Chaque année, on étudie notre comportement et nos actions avec nos collègues au ministère des Finances et l'on décide si cela marche bien ou non.
L'année passée, nous avons changé notre formule d'intervention dans le marché de change et nous avons décidé, avec le ministère des Finances, d'élargir un peu la zone pour les fluctuations des devises canadiennes où l'on n'intervient pas. On a décidé de laisser le marché fluctuer un peu, et cela sans intervention, parce que cela n'était pas nécessaire. Souvent, si le taux de change augmente, le lendemain il baisse un peu.
Il n'est pas nécessaire pour la Banque du Canada d'aplanir les fluctuations dans le marché de change. La raison pour cela, c'est à cause de notre intendance et de notre rôle comme agent pour le ministère des Finances, «a sort of accountability process», c'est ce que je veux dire.
Le sénateur Simard: Vous avez dit au moins à deux ou trois reprises que vous êtes un agent du ministère des Finances?
M. Thiessen: Oui.
Le sénateur Simard: Je regrette, mais ce n'est pas la conception que j'avais de la Banque du Canada et de son gouverneur. Vous pouvez être agent. Je veux vous donner une autre chance de vous exprimer...
M. Thiessen: Oui, s'il vous plaît.
Le sénateur Simard: ... et de me convaincre que vous êtes un agent, mais un agent libre?
M. Thiessen: Nous sommes des agents seulement dans quelques domaines. Nous ne sommes pas des agents pour ce qui est de la politique monétaire et des billets de banque. Pour nos interventions dans le marché de change, nous sommes l'agent pour le ministre des Finances, parce que c'est lui et son ministère qui ont les réserves internationales du Canada, et non pas la Banque du Canada. Nous sommes aussi des agents dans la gestion de la dette, là aussi nous sommes des agents pour le ministre parce que c'est sa dette, et non pas la dette de la Banque du Canada.
Le sénateur Simard: La petite discussion que nous avons depuis deux minutes, je la considère comme un préambule qui pourra faciliter la discussion qui, j'espère, suscitera ma deuxième question.
Vous avez dit dans le dernier paragraphe de votre présentation d'ouverture et vous en avez parlé dans votre rapport annuel de l'année 1995, que votre institution était en train de procéder à une réorganisation de la banque, à la suite d'une révision des activités, vous permettant ainsi d'examiner plus en profondeur la façon dont la banque s'acquitte de ses responsabilités.
Qu'a révélé votre étude? Quelles mesures avez-vous prises à la suite de cet examen en profondeur?
Compte tenu que vous avez procédé à cette étude en profondeur, est-ce que vous avez profité de cette étude pour réfléchir sur l'autonomie de la banque et la liberté qu'elle pourrait avoir? Il y a certains Canadiens qui ont des doutes quant au degré d'autonomie complète, d'indépendance complète de la banque, par rapport au gouvernement. Avez-vous pu convenir au cours de ces études que le degré de latitude était suffisant?
Vous répondez, peut-être, par le biais du ministre des Finances, mais vous êtes un agent véritable du Parlement du Canada. Donc, qu'a révélé votre étude? Quelles mesures avez-vous prises? Est-ce que les statuts de la Banque du Canada vous confèrent toute l'autonomie nécessaire à une institution centrale d'importance, qui doit être respectée par tous les marchés du monde? J'aimerais avoir voir votre réflexion là-dessus?
M. Thiessen: Non, sénateur Simard, cette étude visait vraiment l'efficacité de la banque dans ses opérations, particulièrement pour ce qui est des billets de banque, par exemple; presque la moitié de nos dépenses sont pour les billets de banque. Dans ce domaine, nous avons étudié la méthode par laquelle l'on distribue les billets de banque partout au Canada. Nous avons décidé qu'il était possible de trouver un moyen ou une méthode plus efficace. C'est exactement comme cela dans nos opérations comme agent pour le gouvernement.
Pour la gestion de la dette, nous avons effectué le même genre d'étude. Ce n'était pas vraiment pour regarder en profondeur toutes les responsabilités de la banque et la Loi sur la Banque du Canada, non. Ce n'est pas le genre d'étude que nous avons faite l'année dernière. Cela visait vraiment les questions d'efficacité.
[Français]
Le sénateur Simard: Est-ce que ce serait envisageable pour vous et votre institution, de faire cette réflexion et faire des recommandations au Parlement quant à l'autonomie nécessaire et les pouvoirs de la banque?
Je me rappelle, lors de votre première visite il y a deux ans, suite à votre nomination - j'avais posé une question qui reflétait, je pense, l'inquiétude ou les idées de mes concitoyens du Nouveau-Brunswick et d'ailleurs, lorsqu'ils voyaient les banques accumuler des profits et se permettre des politiques de prêts. Vous m'avez rappelé à l'ordre, en me disant que vous n'aviez pas droit de regard et que vous n'aviez aucun contrôle sur les banques. Est-ce que vous aimeriez avoir plus de contrôle sur certaines institutions? Est-ce que vous souhaiteriez avoir plus d'autonomie et plus de pouvoirs vis-à-vis le gouvernement canadien?
M. Thiessen: Je crois, sénateur Simard, que la banque a suffisamment de pouvoirs pour remplir ses responsabilités. Mais, je dois dire que c'est toujours utile, à un moment donné, de regarder de plus près la Loi sur la banque du Canada et de se poser la question, à savoir si la situation de la Banque est idéale ou non? Est-ce que l'on peut améliorer la Loi sur la Banque du Canada?
Je crois que dans un prochain examen des lois sur le secteur financier, on va se pencher sur la situation de la Banque du Canada. Il y a 4 ou 5 ans, le comité des finances de la Chambre des communes a fait une étude sur la situation et sur l'indépendance et les pouvoirs de la Banque du Canada. Le rapport Manley en est le résultat. À ce moment-là, ils ont décidé que la Loi sur la Banque du Canada était une bonne loi et qu'il n'était pas nécessaire de faire de grands changements.
Le sénateur Simard: D'accord.
M. Thiessen: Mais dans l'avenir, je crois que nous devons étudier encore une fois la Loi sur la Banque du Canada.
Le sénateur Simard: Je vous remercie, monsieur le gouverneur.
[Traduction]
Le président: Monsieur le gouverneur, pour terminer, j'aimerais aborder une série de sujets quelque peu disparates, compte tenu des questions qui ont déjà été posées.
Lorsque vous avez fait votre étude destinée à améliorer ce que vous venez d'appeler l'efficience de la banque par opposition à son mandat, vous avez dit en réponse au sénateur St. Germain que 500 emplois supplémentaires seront supprimés d'ici 1999, ce qui représente environ 25 p. 100 de votre effectif. Des compressions de cette ampleur ne peuvent être réalisées que d'une de deux façons, ou d'un mélange des deux: soit par la productivité, soit par la cessation de certaines activités. Je suppose qu'il est impossible d'améliorer la productivité de 25 p. 100. Il m'en reste à conclure que vous cesserez certaines de vos activités. Pouvez-vous nous indiquer quelles seront les activités touchées?
M. Thiessen: Oui, bien entendu. Le principal domaine est celui de la distribution des billets de banque. C'était l'objet de la principale étude que nous avons entreprise. J'indiquais au sénateur Simard que cela représente environ la moitié de notre budget.
Le président: Cela signifie-t-il que le remplacement du billet de deux dollars par une pièce de deux dollars améliorera considérablement l'efficacité des opérations de la banque?
M. Thiessen: Il ne fait aucun doute que cela réduit nos coûts.
Le président: Si vous vouliez réduire vos coûts, vous pourriez produire une pièce de 5 $.
M. Thiessen: Nous le pourrions, mais nous voulons assurer l'efficacité du système monétaire et du système des devises. Nous voulons qu'ils soient efficaces non seulement pour la Banque du Canada, mais aussi pour tous ceux qui utilisent le système. Nous nous soucions non pas uniquement de l'efficience mais également de l'efficacité.
Nous avons fait un examen approfondi du système de distribution des billets de banque qui nous a permis de constater que certaines activités de la Banque du Canada faisaient double emploi avec celles des institutions financières du secteur privé. En discutant avec ces institutions, nous avons constaté que nous pourrions réduire nos coûts en travaillant ensemble à la mise sur pied d'un nouveau système conjoint de distribution de billets de banque. Pour bien des employés de la Banque du Canada qui travaillent dans ce domaine, cela signifie que leur emploi ne sera plus nécessaire.
Le sénateur St. Germain: Pourquoi dépensons-nous des millions de dollars pour annoncer le remplacement d'un billet par une pièce puisque que les gens sont de toute façon obligés de l'accepter? Vous n'avez peut-être pas décidé de dépenser cet argent, mais cela n'a aucun sens à une époque où l'on coupe dans les soins de santé, le bien-être et l'assurance-chômage. Pourquoi aller dépenser des millions de dollars en publicité pour annoncer à des gens une mesure qu'ils sont obligés d'accepter?
M. Thiessen: C'est une question qui relève de la Monnaie. Je ne suis pas sûr de vouloir la commenter. Je pense qu'il faut informer les gens jusqu'à un certain point pour qu'ils sachent ce qui se prépare et les raisons d'une telle mesure.
Le président: Je comprends pourquoi vous préférez esquiver cette question.
Je pourrais peut-être vous poser quelques questions à propos de l'écart des taux d'intérêt. Depuis 12 ou 13 ans, la différence actuelle des taux à court terme entre le Canada et les États-Unis n'a jamais été aussi faible. La dernière fois où les taux à court terme étaient plus bas au Canada qu'aux États-Unis remonte au milieu ou au début des années 80. Cela indique clairement le caractère relativement unique et différent de la situation actuelle comparativement aux 10 ou 15 dernières années. Pouvez-vous nous indiquer quels en sont les facteurs?
M. Thiessen: Le facteur le plus important, ce sont les perspectives de l'inflation. Si elles sont plus faibles au Canada qu'aux États-Unis, cela signifie qu'avec le temps, le dollar canadien pourra augmenter par rapport au dollar américain. C'est le résultat des écarts d'inflation avec le temps. De telles circonstances nous prédisposent à accepter un taux d'intérêt à court terme moins élevé au Canada.
Le président: Vraisemblablement, il y a une certaine limite quant à l'importance de cet écart et la mesure dans laquelle notre taux peut-être inférieur au taux en vigueur aux États-Unis. Sans vous demander de faire des commentaires ou des prédictions à propos des mesures que le comité du marché libre de la réserve fédérale américaine est susceptible de prendre aujourd'hui, si en fait les États-Unis haussent leur taux à court terme, comment cela influera-t-il sur la politique de la banque et sur l'économie canadienne? En particulier, la hausse du taux à court terme en vigueur aux États-Unis viendra-t-elle freiner l'expansion actuelle de l'économie canadienne?
M. Thiessen: Il est toujours important d'examiner le pourquoi des choses. Si les taux d'intérêt à l'étranger augmentent, nous devons nous demander pourquoi. Si le taux d'intérêt à court terme augmente, c'est parce que l'économie est beaucoup plus forte, en expansion rapide et plus susceptible d'entraîner des pressions inflationnistes. Il y a donc deux facteurs. L'un concerne le taux d'intérêt mais l'autre concerne la conjoncture économique de ce pays qui influera également sur celle du Canada. Dans les circonstances que vous exposez, cela signifierait probablement une économie américaine beaucoup plus forte, ce qui contribuerait à renforcer l'économie du Canada. C'est alors que nous devrions prendre nos décisions. Quelle devrait être la réaction appropriée de la Banque du Canada?
Le président: Advenant une hausse des taux à court terme aux États-Unis, vous examineriez la situation de très près par crainte que cela entraîne de trop grandes pressions au Canada susceptibles de causer une surchauffe de l'économie, ce que vous voulez éviter.
M. Thiessen: Si les États-Unis haussent leur taux, cela signifie probablement qu'il y a surchauffe de l'économie américaine. Pensez à 1994. Lorsque l'économie américaine connaît une surchauffe, la soupape d'échappement a tendance à être l'économie canadienne. Nous sommes le plus proche fournisseur lorsque des pressions commencent à s'exercer sur l'économie américaine.
Le président: Cela répond à ma question sur les taux à court terme. Pourrais-je vous poser une question sur...
M. Thiessen: Je pourrais peut-être vous interrompre pour indiquer que la réserve fédérale américaine a décidé de ne pas modifier ses taux.
Le président: En ce cas, ma question reste pertinente bien que théorique.
J'ai certaines questions à propos des taux à long terme. Lorsque vous avez comparu devant nous il y a quelques années, vous avez indiqué que 100 points de base constituent un écart normal entre le Canada et les États-Unis. À l'heure actuelle, en ce qui concerne les taux à plus long terme, l'écart est de 130 à 150 points de base. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez indiqué espérer que cet écart rétrécira davantage. Je constate que votre optimisme s'est accru au cours de cette présentation. Lorsque vous avez répondu au sénateur Meighen, vous avez indiqué que vous pensiez qu'il y aurait un rétrécissement plus marqué. Je suppose qu'il est relativement plus positif de le «penser» que de l'«espérer».
Quelle orientation doit-on prendre pour s'assurer que cet espoir ou cette pensée devienne réalité? Avez-vous une idée du temps qu'il faudra pour que nous revenions à ce que vous appelez un écart normal d'environ 100 points de base?
M. Thiessen: Si nous continuons à afficher un taux d'inflation inférieur à celui en vigueur aux États-Unis, et si nous prévoyons que cette situation persistera, alors je crois que cet écart de 100 points de base ne sera plus la norme et pourra être moins élevé.
Manifestement, le marché américain est le plus gros marché financier au monde. Il est extrêmement liquide. Il y un prix à payer pour cela. C'est pourquoi on acceptera toujours des taux d'intérêt légèrement inférieurs aux États-Unis que partout ailleurs. Cependant, dans une situation comme par exemple celle du Japon par rapport aux États-Unis, où le taux d'inflation au Japon est moins élevé depuis longtemps et le restera, les taux d'intérêt y sont nettement inférieurs à ceux en vigueur aux États-Unis. Tous ces facteurs pourraient nous influencer dans une mesure moindre, mais ils ont effectivement des conséquences.
Comme vous l'avez dit plus tôt, il faut que le ratio de la dette publique par rapport au PIB soit à la baisse. Il doit en être de même du ratio de la dette étrangère par rapport au PIB. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous dire exactement à quel moment on atteint un niveau où on peut se dire que tout va bien.
On peut examiner soigneusement ces écarts. S'ils rétrécissent, vous savez alors que vous avez fait ce qu'il faut. À un certain point, lorsqu'ils deviennent très faibles, vous savez que vous avez réussi à instaurer un climat de confiance.
Le président: Vous avez constaté que le marché affiche une certaine confiance dans la mesure où les gouvernements arrivent à contrôler ce que vous appelez le ratio de la dette par rapport au PIB. L'écart entre nos taux n'est pas de 100 points de base, mais près de 50 p. 100 plus élevé. Faut-il en conclure d'après votre observation que les marchés internationaux continuent à être sceptiques quant à la possibilité du secteur public au Canada de tenir le coup?
M. Thiessen: Je crains que vous ayez raison, monsieur le président. Effectivement, il existe encore un certain scepticisme. Il ne faut pas oublier que le redressement de la situation est très récent. Il y a essentiellement deux ans que les gouvernements au Canada travaillent d'arrache-pied pour améliorer leur situation financière. Cela a suivi une période assez longue au cours de laquelle souvent ni les gouvernements provinciaux, ni le gouvernement fédéral ne sont arrivés à atteindre leurs objectifs financiers.
Il faudra encore un peu de temps avant que les gens soient rassurés.
M. Jenkins: La crédibilité de la politique monétaire est également un facteur. Pendant 20 ans, l'inflation était en moyenne de 7,5 p. 100 au pays et nous sommes maintenant sur la bonne voie. Il faut toutefois du temps pour établir cette crédibilité. Nous nous sommes fermement engagés à maintenir ce faible taux d'inflation.
Le président: J'aimerais simplement avoir un éclaircissement. Vous avez insisté à maintes reprises sur la dette conjuguée des gouvernements fédéral et provinciaux. Faut-il en conclure que, par exemple, si l'une des trois ou quatre grandes provinces n'arrive pas à contrôler son déficit, cela aura un impact non seulement sur cette province, mais sur l'ensemble des provinces, puisque le ratio de la dette publique cumulative ne diminuerait pas selon le taux ou le niveau que souhaite le marché?
M. Thiessen: C'est exact.
Le président: Par conséquent, une seule province peut avoir un impact qui déborde ses propres frontières.
M. Thiessen: La tendance est d'examiner la situation d'ensemble. Si un gouvernement est suffisamment important pour influer sur la situation d'ensemble, il aura effectivement un impact.
Le sénateur St. Germain: En ce qui concerne la valeur du dollar, comme vous l'avez souligné, pendant 20 ans notre taux d'inflation était de 7,5 p. 100. Or, la réduction du taux d'inflation s'est accompagnée également d'une forte baisse de la valeur de notre dollar.
Comment cela s'insère-t-il dans le tableau et où se situe son plus bas niveau? C'est un facteur d'érosion je crois dans nos relations commerciales avec les États-Unis. On est en train de s'en prendre au bois d'oeuvre de la Colombie-Britannique et je crois que les droits de coupe ne sont qu'un prétexte. La vérité, c'est que la valeur plus faible de notre dollar rend le prix de notre bois d'oeuvre très intéressant aux États-Unis et que c'est l'un des principaux facteurs responsables de ces pressions.
Comment cela s'insère-t-il dans votre stratégie globale? On me pose souvent cette question parce que le commerce Nord-Sud est beaucoup plus important en Colombie-Britannique que dans les autres régions du Canada.
M. Thiessen: La baisse du dollar canadien avec le temps, qui à une époque était à peu près à parité avec le dollar américain et a depuis diminué pour ne représenter que 69 cents américains, a été surtout attribuable à un taux d'inflation permanent plus élevé ici qu'aux États-Unis. Comme je l'ai indiqué plus tôt, la baisse du taux d'inflation entraîne habituellement une augmentation de la valeur du dollar. Si les taux d'inflation augmentent, on s'attend alors à une diminution du dollar. C'est là la principale explication.
Sur une courte période, la valeur du dollar augmentera et diminuera selon la vigueur de notre économie par rapport à l'économie américaine et le prix des produits primaires, car cela demeure important pour nous. Le léger fléchissement de l'économie canadienne par rapport à l'économie américaine au cours des quelques dernières années explique en partie la faiblesse de notre dollar canadien, car c'est une façon d'offrir un certain soutien monétaire à l'économie.
Je parle à un assez bon nombre d'Américains. Je n'ai pas entendu ceux qui examinent ces choses de près et qui n'ont rien à prouver se plaindre que nous nous livrons à des pratiques commerciales déloyales à cause de la valeur actuelle du dollar.
Le président: Je constate dans votre rapport annuel que vous avez enregistré des revenus de 1,8 milliard de dollars pour le gouvernement fédéral l'année dernière, ce qui représente une augmentation d'environ 17 ou 18 p. 100. Si vous étiez une filiale d'une société de portefeuille, en tant que chef de la filiale, vous auriez à réaliser un certain profit, et ce serait votre plan pour l'année. Est-ce qu'on vous fixe un montant à atteindre? Le gouvernement s'attend-il à ce que vous contribuiez un montant donné aux coffres de l'État chaque année?
M. Thiessen: Non. Le profit qu'affiche la Banque du Canada n'est pas un profit d'exploitation. Nos revenus ne découlent pas du fonctionnement de nos activités, mais du fait que nous émettons de l'argent. L'argent est émis à un taux d'intérêt nul, puis nous investissons les fonds dans des obligations et des bons du gouvernement du Canada. Nous faisons de l'argent sur notre bilan.
La décision finale du conseil d'administration de la Banque du Canada consiste à essayer de dépenser un montant dans l'exercice des responsabilités de la Banque du Canada qui ne dépasse pas d'un dollar de plus le montant dont nous avons besoin pour nous acquitter efficacement de ces responsabilités. C'est le conseil d'administration de la banque qui prend cette décision.
Le président: Dans une perspective de gestion, vous mettez l'accent sur l'aspect dépenses et non sur l'aspect revenus?
M. Thiessen: Absolument.
Le sénateur Meighen: En ce qui concerne les réserves d'or, je crois pouvoir dire que dernièrement, nous en vendons plus que nous nous en achetons au pays. Les pays asiatiques en général détiennent environ 5 p. 100 de leurs réserves en or. Quel est notre pourcentage? S'agit-il d'un niveau établi selon une entente commune? Quelle est la réaction des producteurs d'or aux mesures prises dans ce domaine, qu'il s'agisse d'acheter ou de vendre?
M. Thiessen: Vous ne serez pas étonné d'apprendre que les producteurs d'or préfèrent toujours que les détenteurs officiels des réserves d'or ne les vendent pas. Le gouvernement du Canada, le détenteur des réserves d'or, détenait une très forte proportion de ses réserves sous la forme d'or plutôt que sous la forme de devises qui rapportent de l'intérêt. La raison pour laquelle on détient des réserves de devises, c'est pour pouvoir s'en servir en cas de besoin. On veut donc que la majeure partie de ces réserves existent sous une forme utilisable.
Comme une importante partie de nos réserves était sous forme d'or, elle était inutilisable. C'est pourquoi le gouvernement a entrepris d'en réduire graduellement la quantité. Je ne sais pas au juste en quoi elles consistent maintenant, mais l'important, pour que vos réserves soient utilisables, c'est la forme qu'elles revêtent.
Le sénateur Meighen: Pourriez-vous nous donner un peu plus de précisions à ce sujet?
M. Thiessen: C'est pour vous permettre essentiellement de disposer de devises qui vous permettent d'intervenir sur les marchés au cas où votre taux de change subirait un choc énorme pour quelque raison que ce soit.
M. Jenkins: Pour ce qui est des chiffres, à la fin de 1995, le niveau des réserves détenues par le gouvernement du Canada était d'un peu plus de 15 milliards de dollars, et le montant détenu sous forme d'or était d'un peu moins de 200 millions de dollars.
Le sénateur Meighen: Quel pourcentage cela représente-t-il?
M. Jenkins: Il est insignifiant, moins de 1 p. 100.
Le sénateur Meighen: Quel était-il auparavant?
M. Jenkins: Il y a dix ans, les réserves d'or étaient d'un peu moins de un milliard de dollars. C'est un très faible pourcentage.
Le sénateur Meighen: Si j'ai bien compris, on a réduit les réserves d'or parce qu'il existe d'autres formes de réserves qui peuvent être mieux utilisées? Parmi un panier de réserves diverses, vous pouvez choisir celle qui convient le mieux à vos besoins.
M. Thiessen: Nous avons un panier de réserves, dont le gros est en dollars américains. Il faut avoir des réserves utilisables, mais qui produisent également un taux de rendement.
Le sénateur Meighen: Pourquoi ne pas détenir uniquement un montant d'or symbolique?
M. Thiessen: C'est ce que nous faisons, monsieur.
Le sénateur Meighen: C'est une ligne de conduite que vous comptez maintenir, compte tenu des circonstances actuelles?
M. Thiessen: Au bout du compte, je dois répondre de la même manière dont j'ai répondu au sénateur Simard. Nous ne sommes qu'un mandataire. Les réserves et l'or sont détenus par le gouvernement du Canada au nom du ministre des Finances. Nous sommes leurs mandataires. Ce sont les politiques qu'ils adoptent qui déterminent la quantité d'or qui sera détenue. Notre rôle est de le vendre pour eux lorsqu'ils décident de le vendre.
Le sénateur Meighen: Vous avez fait de bonnes ventes à des pris assez élevés.
M. Thiessen: Effectivement.
Le président: Monsieur le gouverneur, nous tenons à vous remercier, ainsi que le sous-gouverneur, de vous être joints à nous ce matin. Nous nous ferons un plaisir de vous rencontrer à nouveau l'année prochaine lors de notre séance annuelle, même si vos observations concernant le système de paiements et le dépôt prochain du Livre blanc laissent supposer que nous devrons sans doute faire appel à vous plus tôt.
Afin d'éviter la bousculade que causerait un point de presse, mais pour donner aux journalistes l'occasion de parler directement au gouverneur, nous avons réservé une pièce de l'autre côté du couloir pour la tenue d'une conférence de presse.
J'aimerais indiquer à mes collègues du comité que nous aurons une réunion à huis clos ce soir à 17 h 30 à la salle 256-S de l'édifice du Centre.
La séance est levée.