Délibérations du comité sénatorial permanent
des
banques et du commerce
Fascicule 3 -- Témoignages
Ottawa, le mardi 7 mai 1996
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 heures, afin de poursuivre son examen de l'état du système financier canadien.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous accueillons ce matin M. Grant Sawiak, du bureau de Toronto du cabinet d'avocats Gowling, Strathy & Henderson, et M. William J. Braithwaite, du cabinet d'avocats Stikeman, Elliott.
Ces deux témoins ont effectué bénévolement, avec l'aide de Mme Patricia Olasker, une étude pour le comité. Ils ont envoyé un questionnaire à diverses personnes oeuvrant dans le domaine des valeurs mobilières au Canada afin de déterminer les coûts qu'entraîne l'existence d'un système décentralisé, plutôt que national, de réglementation des valeurs mobilières.
Certains sénateurs ne faisaient pas partie du comité lorsque l'étude a été lancée il y a presque deux ans. À sa première réunion au cours de la présente législature, le comité a discuté de diverses questions et c'est à ce moment-là qu'il a décidé de faire faire cette étude.
Nous tenons à remercier MM. Sawiak et Braithwaite ainsi que Mme Olasker pour le temps qu'ils ont consacré à cette étude. Nous aimerions également remercier vos cabinets d'avocats de vous avoir permis de réaliser cette étude, en notre nom.
Nous avons le rapport depuis quelques semaines. Je demanderais aux témoins de nous en décrire les points saillants. Il y a de nombreux membres du comité qui ont beaucoup de questions à poser.
M. William J. Braithwaite, Stikeman, Elliott: Monsieur le président, si cela peut vous être utile, nous allons d'abord vous parler de nous-mêmes et vous expliquer ensuite brièvement pourquoi nous estimions avoir les compétences voulues pour réaliser cette étude.
J'ai débuté ma carrière juridique comme enseignant à la Osgoode Hall Law School, où j'ai occupé les postes de professeur agrégé et de vice-doyen pendant cinq ans. J'ai surtout enseigné le droit des sociétés. Je travaille dans le domaine des valeurs mobilières depuis les quinze dernières années. Au cours de cette période, j'ai fait partie du comité consultatif de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.
Le président: Pouvons-nous continuer sans l'interprétation? Nous avons des problèmes audio qui seront réglés sous peu. En attendant, le témoignage est enregistré et le texte sera traduit.
M. Braithwaite: J'ai fait partie du comité consultatif de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario pendant trois ans, dont deux à titre de président. Mon rôle consistait à lui fournir des conseils sur des questions de politique générale. La commission a fait appel à mes services à plusieurs reprises dans le passé, notamment dans le dossier concernant l'adoption d'une procédure accélérée d'examen. Plus récemment, j'ai fourni à la commission des conseils sur l'implantation d'un système commun d'enregistrement des conseillers.
Le gouvernement de l'Ontario a retenu mes services il y a trois ans pour le conseiller sur des questions touchant les valeurs mobilières dans le cadre du projet de loi 190, qui portait sur le capital de risque, déposé il y a trois ans.
J'ai également travaillé pour la direction de la gestion d'Industrie Canada en vue de la conseiller sur des questions précises, dont une politique sur les plans et arrangements prévus dans le cadre de la Loi sur les sociétés par actions. Plus récemment, j'ai préparé des documents d'étude sur les transactions d'initiés et les offres publiques d'achat pour la phase III de la réforme de la Loi sur les sociétés par action. J'ai également donné plusieurs conférences et rédigé plusieurs articles sur la législation touchant les valeurs mobilières.
M. Grant V. Sawiak, avocat, Gowling, Strathy & Henderson: Je suis diplômé de la faculté de droit de l'Université du Manitoba. Je suis autorisé à pratiquer le droit en Colombie- Britannique et en Ontario. Je travaille dans le domaine des valeurs mobilières depuis 18 ans.
Au début de ma carrière, j'ai travaillé comme avocat-conseil auprès de la Bourse de Toronto, où j'étais chargé de conseiller cette dernière sur diverses questions, dont la procédure à suivre devant la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. C'était avant qu'elle ne décide d'embaucher ses propres avocats. Enfin, en dernier lieu, j'ai occupé un poste de cadre au sein du service d'inscription des titres à la cote, un service qui régit les sociétés ouvertes.
J'ai préparé un document d'étude sur la Bourse de Toronto et rédigé divers autres articles en plus de donner des conférences devant des groupes comme l'Association du Barreau canadien, INFONEX, le Canadian Institute, l'Institut des comptables agréés de l'Ontario et l'Institut canadien des comptables agréés. Les opérations transfrontières et internationales constituent mon domaine de spécialisation.
M. Braithwaite: J'aimerais maintenant vous faire l'historique du rapport.
M. Sawiak, Pat Olasker et moi-même avons été pressentis, il y a 18 mois environ, dans le but d'aider le comité à déterminer si les frais de transaction élevés étaient attribuables à la décentralisation du système de réglementation des valeurs mobilières. J'estimais à l'époque, étant donné que j'avais travaillé comme conseiller auprès d'émetteurs de titres, de souscripteurs et d'autres intervenants du marché, que la décentralisation du système entraînait une hausse des coûts.
Cette opinion était partagée par M. Sawiak et Mme Olasker. Toutefois, au lieu d'exposer simplement notre point de vue dans un rapport en nous fondant sur notre expérience personnelle, nous avons décidé qu'il serait plus utile au comité d'entendre les vues d'autres personnes qui travaillent dans ce domaine.
C'est dans cet esprit que nous avons préparé un questionnaire que nous avons distribué à quatre groupes de participants aux marchés financiers. Nous avons analysé les réponses et préparé le rapport qui a été remis au comité.
Nous ne sommes pas des économistes ou des statisticiens. La préparation de questionnaires n'est pas notre domaine de spécialisation. Nous sommes des avocats spécialisés en valeurs mobilières. Nous avons préparé ces questionnaires dans le but d'obtenir des renseignements qui seraient utiles au comité. Ce rapport ne prétend pas être une source de données statistiques fiables. Nous ne sommes pas spécialisés dans ce domaine. Toutefois, il représente le point de vue d'un certain nombre de personnes, ainsi que le nôtre.
M. Sawiak: En tant qu'avocats spécialisés en valeurs mobilières, nous voulions avant tout établir des contacts avec les participants aux marchés. Les avocats en valeurs mobilières font partie de ce groupe. Nous en avons cerné trois autres qui, à notre avis, pouvaient participer à l'enquête: les entreprises canadiennes qui sont récemment devenues des sociétés ouvertes; les sociétés cotées au Canada et à l'étranger; et les courtiers en valeurs, compagnies de fiducie et autres agents autorisés à émettre des titres au public. Leur point de vue reflète celui d'un très grand nombre d'intervenants sur les marchés financiers au Canada.
Comme nous sommes trois avocats de Toronto, nous nous sommes rendu compte très tôt qu'il fallait obtenir le point de vue de chacun des quatre groupes participants oeuvrant dans les autres régions géographiques du Canada. Nous voulions à tout prix éviter de produire un questionnaire qui reflète nos opinions personnelles.
Nous avons compilé une liste de référence de diverses personnes à qui nous pouvions soumettre le questionnaire, et ensuite choisi à partir de celle-ci ce que nous considérons être un échantillon représentatif de répondants. Encore une fois, nous ne sommes pas des statisticiens ou des économistes. Le questionnaire a été préparé en anglais et en français et envoyé au comité l'été dernier. En fait, deux envois ont été effectués l'été dernier dans le but de maximiser nos réponses.
Pendant six mois environ, nous avons colligé et reformulé les réponses, et travaillé à la rédaction du rapport.
À la page 3 de celui-ci, nous précisons que les données ne peuvent être considérées comme étant fiables. Nous ne savons pas dans quelle mesure elles sont valides parce que nous ne sommes pas spécialisés dans ce domaine. Toutefois, les résultats de l'enquête ont tendance à être les mêmes. Cette uniformité a été observée non seulement au sein de chaque groupe participant -- avocats, entreprises, compagnies intercotées et courtiers --, mais également entre les quatre groupes participants dans leur ensemble.
En gros, les participants affirment qu'ils préféreraient avoir un système national, et que le système décentralisé actuel entraîne une hausse des coûts. C'est la conclusion qui se dégage du rapport.
Le président: D'après l'enquête et d'après votre expérience, diriez-vous que les coûts économiques constituent le seul problème?
Le comité, comme vous l'avez peut-être lu dans les médias, a tenu en février une série d'audiences sur la régie des sociétés et la Loi sur les sociétés par action. Nous produirons un rapport intérimaire sur cette question dans quelques semaines.
Les témoins ont laissé entendre au cours des audiences qui ont eu lieu à Calgary et, dans une moindre mesure, à Winnipeg, que les commissions des valeurs mobilières n'appliquent pas toutes les mêmes règles. Vancouver, par exemple, permet à divers types d'entreprises d'être cotées à la bourse, ce qui ne serait probablement pas le cas si nous avions une commission nationale.
C'est pour cela que je me cherche à savoir si les coûts constituent le seul problème. Est-il possible que les commissions régionales fournissent des services différents et qu'elles remplissent donc un rôle très important, même si celui-ci coûte plus cher?
M. Braithwaite: Nous avions pour mandat d'examiner les coûts des opérations et nous sommes arrivés à la conclusion que ces derniers sont élevés. Nous devrions peut-être préciser ce que nous entendons par le mot coût. Ce sont les frais assumés par les participants aux marchés.
Cela laisse entendre qu'il existe plusieurs lois et un organisme de réglementation. Par définition, les coûts seraient moins élevés s'il n'y avait qu'une seule loi et qu'un seul organisme de réglementation. C'est ce que nous essayons de démontrer au comité.
Cela dit, d'autres facteurs doivent être pris en compte par les décideurs. Mentionnons, par exemple, les intérêts à caractère régional.
Le président: Quels sont certains de ces autres facteurs, en dehors des simples coûts économiques?
M. Sawiak: Même si notre étude portait sur les coûts connexes, les participants nous ont clairement laissé entendre que leur principale préoccupation était la disponibilité d'un fonds commun d'immobilisations. À un moment donné, le volume des capitaux disponibles justifie les coûts. Cette question est presque devenue le point central de l'étude.
Monsieur Braithwaite a peut-être quelque chose à ajouter, mais la seule préoccupation à caractère régional qui a été exprimée est venue de l'Ouest, c'est-à-dire de la Colombie-Britannique et de l'Alberta. Les participants ont déclaré que le genre de capitaux requis par les émetteurs de titres de second rang dans l'Ouest entraînerait une hausse excessive des coûts liés aux fonds d'immobilisations des plus gros marchés comme par exemple l'Ontario et le Québec.
J'ai eu l'occasion de travailler, en tant qu'avocat spécialisé en valeurs mobilières, avec des émetteurs de titres de second rang à Vancouver et je partage cet avis. Ces émetteurs ont de la difficulté à obtenir des petits prêts sur les marchés financiers plus gros.
Vous avez parlé des bourses des valeurs. Les bourses régionales constituent un problème d'un autre ordre. Il est question ici d'un organisme de réglementation des valeurs mobilières qui applique la loi, non pas des marchés financiers où s'effectuent ces opérations. La question des bourses régionales ne faisait pas partie de l'étude et n'a pas été abordée dans le rapport.
Le président: On peut qualifier certaines des questions posées dans votre sondage de questions ouvertes, qui appellent des réponses détaillées. Or, personne n'a soulevé ce point dans les réponses données?
M. Sawiak: Non.
Le président: Vous dites que l'accès aux capitaux constitue une préoccupation importante pour les participants?
M. Sawiak: Il s'agit de la plus grande préoccupation des intervenants sur les marchés financiers.
Le président: Donc, les fonds communs régionaux constituent un élément d'actif important qui ne serait pas nécessairement disponible dans un système unifié.
M. Braithwaite: Cela dépend du modèle que vous utilisez pour le système unifié.
M. Sawiak: Permettez-moi de vous donner un exemple. Si je veux réunir 500 000 $ au moyen d'une émission initiale d'actions inscrites à la bourse de Vancouver, le coût d'un tel emprunt sur les marchés financiers de l'Ontario serait probablement trop élevé. Les capitaux auxquels peuvent avoir accès les émetteurs de titres de second rang sont donc limités.
Le sénateur Angus: Je vous souhaite la bienvenue. Je suis certain que mes collègues se joignent à moi pour vous remercier du travail que vous avez effectué bénévolement. En tant que membre du barreau, je sais qu'il n'est pas facile d'obtenir des services gratuits. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que vous n'avez pas examiné les questions constitutionnelles, les coûts afférents au dépôt de prospectus bilingues, à l'établissement des sièges sociaux, ainsi de suite.
Corrigez-moi si je me trompe, mais vos commentaires me portent à conclure que l'implantation d'un seul organisme de réglementation au Canada est une question très complexe qui implique une délégation importante de pouvoirs en vertu de la Constitution. Ai-je raison?
M. Sawiak: C'est le moins qu'on puisse dire.
Le sénateur Angus: Pourquoi tenter d'améliorer le système s'il fonctionne?
J'aimerais vous poser cette question à tous les deux. Si le régime des valeurs mobilières fonctionne bien, pourquoi le changer?
M. Braithwaite: Cela dépend du sens que vous donnez à ce terme. À mon avis, le fait d'avoir une commission nationale des valeurs mobilières comporte des avantages qui deviennent évidents lorsqu'on commence à jeter un coup d'oeil sur ce qui se passe à l'étranger. Le phénomène de la mondialisation des marchés prend de l'ampleur. Les barrières nationales qui entravent la libre circulation des capitaux sont en train d'être éliminées. Au fur et à mesure que le phénomène prendra de l'essor -- et il continuera d'en prendre --, les capitaux circuleront librement dans tous les pays du monde.
Il est très important qu'il n'y ait qu'un seul et même organisme qui parle au nom du Canada à l'échelle internationale. Cet organisme serait la Commission canadienne des valeurs mobilières. Cette démarche serait conforme aux décisions prises par d'autres fédérations, notamment l'Allemagne et l'Australie, qui ont récemment mis sur pied une commission fédérale des valeurs mobilières.
Nous avons peut-être tort de prétendre que notre système ne fonctionne pas. Nous devons nous demander si le fait d'avoir une commission nationale des valeurs mobilières ne comporte pas d'autres avantages, outre les économies que cela nous permettrait de réaliser. Pour moi, le fait d'avoir un seul organisme qui défende vigoureusement les intérêts du Canada à l'échelle internationale constitue un avantage.
M. Sawiak: Je reviens au système. Nous devrions peut-être nous demander fonctionne aussi bien qu'il le pourrait. Je ne le crois pas. Pourquoi? Parce que lorsque l'organisme national des administrateurs des valeurs mobilières se réunit pour adopter des politiques qui visent à résoudre les conflits d'attribution ou encore les conflits entre les administrateurs provinciaux et territoriaux des valeurs mobilières, cela montre que le système ne fonctionne pas aussi bien qu'il le pourrait ou le devrait. Son inefficacité est mise en évidence lorsque les participants font la déclaration suivante, «Les prospectus que nous déposons sont effectivement uniformes.»
Tous les participants aux marchés financiers reconnaissent que, dans une certaine mesure, le système actuel fonctionne bien, mais qu'il n'est pas parfait. S'il ne fonctionnait pas bien, aucune société n'offrirait ses titres au grand public et je n'entendrais pas ce genre de commentaires. Je n'entendrais pas parler des préoccupations d'ordre régional qui existent dans l'Ouest ou de l'incapacité d'effectuer un emprunt sur le marché financier canadien.
Nous avons un système très désuet, compte tenu du fait que les barrières à l'échelle internationale sont en train d'être éliminées et que les échanges internationaux et les mouvements de capitaux en général prennent de l'expansion. Tout comme l'argent que l'on place dans les banques, les capitaux essaient de trouver le meilleur créneau possible. Ils se déplacent. Plusieurs entreprises canadiennes nous ont dit qu'elles iront éventuellement s'installer aux États-Unis. Pourquoi voudrions-nous rendre les choses plus compliquées pour elles au Canada?
En ce qui concerne les mouvements de capitaux à l'échelle internationale, cette enquête montre que la taille des marchés financiers et l'accès à ceux-ci constituent la principale source de préoccupation des intervenants. Si les marchés sont suffisamment importants, les coûts d'accès à ces derniers seront justifiés.
Si le système au Canada reste décentralisé, nous nous retrouverons face aux États-Unis comme David devant Goliath. Nous devons décider si nous devrions affronter Goliath avec une main derrière le dos.
Le sénateur Angus: Ce que vous dites est fort intéressant. Vous dites que notre système est dépassé. Est-ce essentiellement en raison de la décentralisation du système et du rôle joué par le fédéral, ou y a-t-il d'autres facteurs pertinents?
Est-ce que des améliorations s'imposent? J'aimerais vous parler des dépôts électroniques et des changements qui permettront d'uniformiser les règles du jeu.
N'y a-t-il pas des changements importants qui peuvent être apportés et qui, en fait, sont en voie de l'être, tout en gardant le système décentralisé?
M. Sawiak: Il y a des limites aux améliorations qu'on peut apporter à un système: soit que la base est bonne, soit qu'il faut la changer du tout au tout.
En fait d'amélioration, le seul exemple que je puisse vous donner est un exemple contraire. À mon avis, la création d'une commission nationale des valeurs mobilières qui se superposerait aux actuelles commissions provinciales serait un véritable désastre. Ce n'est pas ainsi qu'on réglera le problème.
Le sénateur Austin: Pourquoi serait-ce un désastre?
M. Sawiak: Parce qu'il faudrait multiplier les règlements. Selon mon interprétation des réponses au questionnaire, il faut équilibrer la protection de l'épargne et la capacité de réunir des fonds. Un double système de réglementation empêcherait de trouver du financement. Personnellement, je ne crois pas que pareil système soit nécessaire pour mieux protéger l'investisseur ou pour rendre les marchés financiers plus intègres.
Le sénateur Austin: Tout comme aux États-Unis, le marché pourrait choisir le régime de réglementation qui lui convient le mieux.
Le sénateur Angus: Ou qui cadre le mieux avec ses intérêts particuliers.
M. Sawiak: Aux États-Unis, les répondants ont critiqué le double régime en vigueur. Le seul avantage qu'ils y voient, c'est que les deux tiers des États acceptent l'aval du SEC, soit de la commission des valeurs mobilières des États-Unis, comme une attestation du respect des lois axées sur la protection de l'épargne. Les répondants étaient véhéments: on ne devrait pas superposer un régime fédéral aux régimes provinciaux en place. À mon avis, c'est injustifiable.
Le sénateur Austin: C'est peut-être la seule façon, au début, de mettre en place un régime fédéral. Accepteriez-vous qu'un régime fédéral, au début, soit un dédoublement, puis qu'il évolue à mesure que le marché décide de ce qui lui convient le mieux?
M. Braithwaite: Je ne sais trop. Votre idée d'avoir en place deux régimes parallèles aurait probablement pour conséquence le statu quo actuel. Le modèle de 1994 axé sur les protocoles d'entente est le même qu'aujourd'hui. Il y a un seul organisme parce que la commission nationale se substitue à la commission provinciale dans les provinces ayant opté pour le régime fédéral alors que les autres provinces conservent leurs propres commissions. C'est essentiellement ce que représente le statu quo actuel. Vous ne dédoublez pas le système.
Le sénateur Austin: Je ne suis pas d'accord. Gråce à la commission nationale, il n'existerait au Canada qu'un seul marché financier au sein duquel les courtiers de toutes les villes canadiennes pourraient avoir accès aux premiers appels publics faits partout au pays. Le marché financier serait beaucoup plus efficace. Actuellement, le premier appel public fait dans une province est limité au capital disponible dans cette province.
Selon moi, une commission nationale serait avantageuse pour toutes les provinces, exception faite, peut-être, de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et du Québec. Cependant, il faut commencer quelque part si l'on veut créer un marché financier national.
La commission royale Stevens formée à l'époque de R.B. Bennett avait conclu que le gouvernement fédéral et les provinces avaient une compétence conjointe en matière de valeurs mobilières -- or, la compétence fédérale prime lorsqu'elle est partagée -- et qu'il devrait y avoir une commission nationale de sécurité des valeurs.
Il est fort intéressant de constater que les arguments invoqués en 1934 sont toujours valables en 1996. La question demeure de savoir s'il est avantageux pour le pays d'avoir un seul marché financier et comment le créer.
M. Braithwaite: Les résultats de notre sondage appuient la notion d'un seul marché financier national.
Le sénateur Austin: C'est l'observation de M. Sawiak qui m'a porté à me poser la question: comment arriver à créer un seul marché national si ce n'est en mettant en place un régime fédéral parallèle qui rivalise avec celui de l'Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique pour attirer les investisseurs?
M. Sawiak: J'ai du mal à m'imaginer comment cela fonctionnerait.
Le sénateur Austin: C'est ce qui s'est produit aux États-Unis lorsqu'ils ont créé leur SEC.
Le sénateur Angus: C'est le régime en vigueur aux États-Unis, et on y a tendance à rechercher une plus grande décentralisation, n'est-ce pas?
Le sénateur Austin: Non, absolument pas.
M. Sawiak: Je ne le croirais pas.
Revenons-en à votre première question. Vous me demandez si le système a cessé de fonctionner. Je n'irais pas jusque là, mais on ne peut pas dire, non plus, qu'il fonctionne aussi bien qu'il le pourrait.
Les États-Unis ont opté pour un modèle de lois axées sur la protection de l'épargne. Je préférerais que le Canada adopte une attitude plus progressiste, si possible, plutôt que de se contenter d'un modèle simplement parce que celui-ci est efficace aux États-Unis. Nous pouvons aller plus loin. Nous pouvons essayer de concevoir un meilleur système.
Lorsqu'on conçoit un régime, il faut demander aux participants ce que sont leurs besoins et y répondre. Il faut que ce soit le principe directeur. D'après les réponses obtenues au questionnaire, les participants seraient peut-être disposés à accepter un double régime, mais ce ne serait certes pas leur premier choix.
M. Braithwaite: Sénateur Angus, vous avez fait observer que, sous le régime actuel, la coopération dont font preuve entre elles les instances de réglementation du commerce des valeurs mobilières a énormément contribué à aplanir les difficultés. Dans notre rapport, nous reconnaissons les gains appréciables qu'a permis de réaliser le CSA, soit le Canadian Security Administrators; bien que chaque province ait sa propre loi sur les valeurs mobilières, la législation est, dans une grande mesure, uniforme.
Les membres du CSA ont déployé plusieurs efforts de coopération, par exemple un système de dépôt national et un formulaire normalisé de prospectus approuvé par les commissions des valeurs mobilières. Plusieurs de ces initiatives ont été en partie réussies. Toutefois, leur succès ne sera que partiel parce que, même si les politiques sont identiques, l'interprétation qu'on en fait variera parfois selon l'instance de réglementation. En bout de ligne, les membres du CSA ne parviennent pas toujours à s'entendre sur toutes les initiatives et, souvent, les dossiers s'enlisent.
J'ai déjà mentionné le régime de coopération proposé en 1994 pour l'enregistrement des conseillers en valeurs selon lequel une seule commission assumerait la responsabilité d'enregistrer les conseillers pour le compte des autres commissions. Cette proposition a été rendue publique, il y a deux ans. On attend toujours les commentaires. Rien ne s'est fait depuis lors. Le CSA s'enlise lorsqu'il lui faut obtenir l'avis de plusieurs instances de réglementation. Il existe effectivement un esprit de coopération. Toutefois, bien des choses ne se concrétisent tout simplement pas.
Le sénateur Angus: Je suis convaincu que vous constaterez l'existence d'un consensus plutôt important ici. Dans un monde parfait, nous aimerions avoir le meilleur système qui soit. Nous aimerions être progressistes, mettre en place un régime qui attire le plus de capitaux possible et auquel on peut accéder le plus économiquement possible. Tel que vous l'avez vous-même admis au départ, dans une espèce de litote, la voie qui mène au meilleur système pour le Canada est semée d'embûches.
J'ai moi-même questionné des représentants de différents secteurs des marchés financiers en prévision de votre témoignage de ce matin. Votre rapport est excellent. Ces entrevues m'ont permis de constater non seulement le degré de coopération requis pour changer quoi que ce soit, mais aussi les autres facteurs relatifs au coût qui entrent en jeu, particulièrement en ce qui concerne la mise en place de la télématique.
Nous pouvons commencer par nous attaquer, entre autres, aux opérations entre initiés et au dépôt de documents administratifs. Cependant, je crois comprendre que des améliorations encore plus importantes sont à venir.
Aux fins du compte rendu et du rapport que nous aurons à rédiger, j'aimerais en entendre davantage au sujet du problème régional qui sévit dans l'Ouest. Je ne suis pas convaincu que le problème est aussi grave au Québec. Le coût d'un premier appel public à la Bourse de Vancouver est prohibitif pour la PME, par exemple. Pouvez-vous nous en donner des exemples?
M. Sawiak: La seule préoccupation régionale que nous ayons constatée -- M. Braithwaite me corrigera si je fais erreur --, venait de l'Ouest.
Le sénateur Angus: C'est une question de coût, n'est-ce pas?
M. Sawiak: Oui. Les participants sont habituellement de petites entreprises industrielles ou d'exploitation des ressources qui préféreraient nettement verser des dividendes à leurs actionnaires plutôt que de remplir les poches des conseillers. J'ai pratiqué le droit en Colombie-Britannique et je sais que le processus d'examen d'une émission locale dans cette province engage beaucoup moins d'avocats qu'en Ontario, au Québec ou sur les principaux marchés financiers. Cela est simplement dû au fait que pareilles sociétés ne peuvent engager 150 000 ou 200 000 $ en honoraires d'avocats pour faire une émission importante de titres en Ontario parce qu'il ne resterait alors plus rien pour l'entreprise. Certaines règles ont été adaptées dans l'Ouest, et les nouvelles règles fonctionnent à merveille.
À cet égard, prenez l'exemple des petits fonds communs d'immobilisations mis sur pied en Alberta. Depuis le début des années 80, la Bourse de Vancouver permet aux entreprises de faire un premier appel public à l'épargne par son entremise. Elle a simplifié ses règles à cet égard, consciente que les petites entreprises émettrices ne peuvent absorber de tels coûts. Lorsque les dirigeants de la Bourse ont pris cette décision, ils ont dû mettre en balance les impératifs économiques et la protection de l'investisseur.
Le système semble bien fonctionner. À cette bourse, de nouvelles entreprises obtiennent du financement et créent des emplois, ce qu'elles n'auraient probablement pas pu faire ailleurs au Canada. Si l'on voulait donner aux petites émettrices accès à plus de capitaux gråce à des fonds communs d'immobilisations régionaux, encore une fois, il faudrait en faire état quelque part. À mon avis, ce serait une nette amélioration.
Le sénateur Angus: J'ai une question administrative à vous poser. M. Braithwaite comprendra peut-être mon raisonnement.
Vous avez produit, en annexe de votre rapport, une liste d'avocats spécialisés en valeurs mobilières et les différentes villes où ils pratiquent. Cette liste est-elle complète?
M. Sawiak: Non, elle ne l'est pas.
Le sénateur Angus: Votre rapport, puisque vous l'avez déposé ici, est maintenant un document public.
Le président: Oui, il appartient désormais au domaine public.
Le sénateur Angus: Le rapport fait en quelque sorte le point sur la question. Ceux qui s'y intéressent pourraient aussi être à la recherche d'un avocat spécialisé en valeurs mobilières à, par exemple, Montréal. Voici une annexe où se trouvent énumérés cinq études montréalaises. Elle va à l'encontre des intérêts de M. Braithwaite puisque son étude n'y est même pas mentionnée. Ses associés montréalais s'en étonneront à tout le moins.
M. Braithwaite: Il y aurait eu conflit d'intérêts.
M. Sawiak: Si, à la lecture de l'annexe du rapport, quelqu'un pensait cela, il ferait erreur. Il n'utiliserait pas le rapport à bon escient.
Encore une fois, il s'agit d'un sondage. Cela ne signifie pas que chaque groupe doit en faire partie. L'échantillonnage est-il assez représentatif? À mon avis, il l'est. Je ne mettrais pas mon nom au bas d'un document plein de failles.
Toutefois, si l'on suppose que seuls les meilleures études ou les meilleures sociétés y sont mentionnées ou encore que la plus-value viendra des entreprises qui ont fait un premier appel public durant cette période, on prêtera aux auteurs du document une intention qu'ils n'avaient pas.
Le sénateur Angus: Je comprends cela. Je voulais simplement qu'on le précise officiellement.
Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai une question d'ordre technique. Des collègues de Montréal m'ont effectivement parlé de votre sondage. Certains se demandaient pourquoi on ne leur avait pas demandé leur avis. Je vois que vous avez pressenti sept études à Vancouver et neuf à Toronto. L'échantillon de Montréal est beaucoup plus petit. Quelle était votre méthodologie? Comment avez-vous pris la décision de ne consulter que quatre études au Québec?
M. Sawiak: Nous n'avons pas décidé que nous n'interrogerions que quatre études au Québec. Au début, nous n'étions que trois avocats torontois représentant trois études différentes ayant des succursales un peu partout au Canada. Nous avons cherché à donner une vue plus générale en ciblant des études d'avocats différentes un peu partout au pays.
Le sénateur Angus: Ce n'est pas facile à faire; mais vous avez bien fait.
M. Sawiak: Nous avons choisi les études au hasard. Par exemple, Faskens, de Toronto, est associé à Martineau, à Montréal. Bull, Housser, à Vancouver, est associé à l'étude montréalaise McMillan Binch and Byers Casgrain.
Vous vous demandez peut-être pourquoi nous avons inclus quatre études d'avocats de l'Île-du-Prince-Édouard, du Québec et de la Saskatchewan respectivement. En fait, nous cherchions à avoir un échantillon représentatif.
Comme je l'ai dit plus tôt, le fait que, si cet échantillonnage n'était pas bon, les résultats du sondage en auraient fait état me réconforte. Ainsi, la seule préoccupation régionale vient de l'Ouest du Canada. Que je sache, nous n'avons pas créé de problèmes.
L'autre liste inclut le siège social des entreprises, dont bon nombre se trouvent au Québec et à Vancouver. Essentiellement, l'échantillonnage s'est fait au hasard.
D'après ce que j'ai vu, toutes les provinces ont eu amplement l'occasion de répondre au questionnaire et de faire valoir leurs préoccupations dans chacune des quatre catégories. Les résultats ont tendance à le prouver.
Le sénateur Hervieux-Payette: Mes confrères de Montréal m'ont posé une question à laquelle j'étais incapable de répondre. Je vous pose donc la même question: pourquoi si peu d'études ont-elles été consultées à cet égard?
Vous avez parlé du coût de l'enregistrement dans chaque province. Veuillez nous donner des précisions. J'ai entendu dire que les commissions de valeurs mobilières devraient fixer leurs frais en fonction de leur véritable coût de leur fonctionnement, que ces frais ne devraient pas être des taxes déguisées. Le facteur a son importance quand nous parlons du coût que doivent assumer les entreprises.
Il est beaucoup question de coûts, mais nous ne disposons pas de données précises. Durant mes entretiens au sujet de la situation au Québec, je me suis laissée dire qu'en règle générale, toutes les commissions, au Canada, perçoivent en tout 100 millions de dollars de frais d'utilisation, mais que le coût réel de leur fonctionnement n'est que de 50 millions de dollars environ. Cela veut dire que chaque gouvernement provincial perçoit plus que le coût réel de sa commission. On pourrait donc réduire ces frais. Je ne crois pas qu'on ait l'intention de taxer les entreprises au moyen de ces frais.
Simultanément, si une province négocie en vue de déléguer son pouvoir au gouvernement fédéral, celui-ci indemnisera-t-il la province pour la perte que cela lui causera?
Je me demande ce qu'une commission nationale des valeurs mobilières aurait d'attirant? Serait-ce nous qui en payerions le coût? Comment régler cette question de recouvrement du coût de fonctionnement des commissions si, en bout de ligne, les provinces perdent l'argent qui est actuellement versé dans leur trésor? Durant la difficile crise économique que nous vivons, comment régler ces difficultés?
M. Braithwaite: Dans notre rapport, il est question de coûts indépendants de celui qui est récupéré par les instances de réglementation. J'espère que cela a bien été expliqué à ceux qui ont répondu au questionnaire. Nous n'avons pas posé de questions aux participants à ce sujet parce que le comité peut obtenir cette information simplement en s'enquérant auprès des commissions de leurs droits de dépôt et en vérifiant les recettes intérieures des provinces.
Notre rapport parle des coûts externes qu'assument les participants lorsqu'ils traitent avec ces instances de réglementation, par opposition à l'argent qui va directement dans les coffres provinciaux.
M. Sawiak: Pour répondre à votre question, j'ignore quel moyen utiliser, sénateur. Les sénateurs Austin et Angus disaient que cet élément n'est qu'une partie de l'étude globale. Il ne faut pas croire que cette étude est concluante. Elle n'illustre qu'un aspect du tout. La question constitutionnelle a aussi son importance. En raison de toutes ces questions, j'ignore si cette solution est la bonne et, dans l'affirmative, quand elle le sera.
Sénateur Austin, la proposition que vous avez mentionnée ce matin pourrait être le compromis recherché par tous. Encore une fois, notre rapport n'est pas une marche à suivre. Il n'illustre qu'un aspect du problème qu'étudie le comité.
Sénateur, si vous estimez que certains aspects relatifs au Québec sont toujours sans réponse, rendez le rapport public; demandez à connaître les réactions; laissez les gens vous dire ce qu'ils en pensent. Si le rapport fait état de points valables, ils vous le diront.
Encore une fois, l'étude ne représente qu'un élément du débat très général, complexe et animé auquel prendra part votre comité.
Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai compris ce que vous avez dit au sujet des coûts. Avant de distribuer votre questionnaire, avez-vous commencé par faire un essai afin de voir quelle orientation prendrait l'étude? Comment en êtes-vous arrivés à ce questionnaire avant de procéder à l'échantillonnage plus général?
M. Braithwaite: Nous nous sommes fondés, au début, sur nos expériences personnelles. Lorsque nous avons été pressentis pour la première fois, on nous a demandé quelles conclusions nous tirions de notre expérience personnelle. À partir de là, nous avons essayé d'élaborer des questions qui permettraient de déterminer si nos expériences personnelles avaient des points en commun avec celles des autres.
Nous nous sommes débattus avec ces questions. Pour ce qui est des montants, cela est très difficile à déterminer. Il est difficile pour une société ouverte de déterminer le montant des coûts supplémentaires qu'entraîne le fait de traiter avec plus d'un organisme de réglementation. Nous avons tåché de poser des questions générales. Nous avons tåché d'établir des grilles qui correspondaient à nos usages personnels. Il n'y a rien de scientifique là-dedans.
M. Sawiak: Ces questions appellent des réponses qualitatives et non quantitatives. Si une société peut y répondre parce qu'elle a déjà établi un budget interne qui tient compte des coûts de dépôt dans diverses provinces, ou si elle paie quelqu'un pour suivre ces coûts à l'interne ou à l'externe, alors le problème a déjà été reconnu. La volonté de quantifier ce montant laisse supposer que les coûts du dépôt occupent une place importante dans leur processus budgétaire.
Si la société a déterminé un poste budgétaire ou un coût salarial pour une personne chargée de s'occuper des formalités de dépôt, elle reconnaît par conséquent qu'il s'agit d'un coût d'affaires. Ce coût est considéré important et pas simplement un coût qui se rapporte à cet employé en particulier.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je vois tous ces mécanismes complexes de constitution en société à toutes sortes de fins fiscales. Je vois des sociétés de portefeuille qui ont cinq ou dix autres filiales, créées par de grands avocats comme vous, certaines qui relèvent de la compétence provinciale et d'autres de la compétence fédérale. Je vois toutes ces choses et je me demande: Pourquoi ne pas avoir une seule loi à l'échelle nationale? Si nous ajoutions une onzième administration, est-ce que cela améliorerait la situation?
Comment cela nous aiderait-t-il à exercer une concurrence sur les marchés internationaux? D'après ce rapport, je n'ai pas la nette impression que nous serons plus compétitifs à l'échelle mondiale, ni que nous arriverons à empêcher les sociétés canadiennes d'aller s'installer aux États-Unis. Les sociétés déménagent dans le sud à cause du coût de l'argent, et non pas parce que les services des avocats new-yorkais sont meilleur marché.
M. Sawiak: Elles déménagent à cause de l'importance des fonds communs d'immobilisations, sénateur. Leurs fonds communs d'immobilisations sont beaucoup plus importants que les nôtres. Dans un exemple tiré de l'enquête, les répondants ont indiqué que par rapport au Canada, la différence que représente l'importance des fonds communs d'immobilisations américains justifie les coûts.
C'est ce que j'ai essayé d'indiquer plus tôt. Nous avons voulu examiner les coûts de transaction et on nous a répondu que le problème, ce ne sont pas vraiment les coûts, mais les marchés auxquels nous voulons accéder. Il existe un stade critique où le marché est suffisamment important pour justifier les coûts à débourser afin d'y avoir accès.
L'exemple que vous avez donné à propos des cinq sociétés de portefeuille et des dix administrations est un peu différent. Si j'établis la structure de mon entreprise dans trois sociétés différentes plutôt que dans une seule, je me trouverai à payer le triple du tarif habituel.
Ce rapport vise à déterminer si nous devons payer trois fois dix tarifs ou trois fois un tarif. Quant à savoir si cela devrait être fait pour les marchés concurrentiels, tout ce que je peux dire, c'est que les participants sur ces marchés nous ont exprimé leurs préférences. J'ignore dans quelle mesure nous pourrons y satisfaire compte tenu des autres contraintes qui existent.
Le sénateur Kolber: Ce que j'entends a beaucoup de sens. Ceux qui ont besoin de beaucoup d'argent ont les moyens de payer; ceux qui n'ont besoin que d'un peu d'argent n'en ont pas les moyens. Il n'était pas nécessaire de tenir une audience pour entendre une chose pareille.
Toutes les commissions au Canada seraient-elles d'accord pour qu'une société qui cherche à obtenir des fonds en deçà d'une certaine limite ne soit pas obligée de faire une demande à chaque commission séparément? En d'autres mots, les règles doivent- elles être les mêmes pour les sociétés quelle que soit leur taille?
M. Braithwaite: Il n'existe aucune raison, même dans le cadre d'un régime fédéral avec une commission fédérale des valeurs mobilières, qui vous empêcherait de prévoir des règles particulières pour des marchés particuliers au sein de ce régime.
Le sénateur Kolber: Cela serait-il possible en vertu du régime actuel?
M. Braithwaite: En fait, cela existe en vertu du régime actuel. C'est une option dont disposent les provinces. L'Alberta a des règles particulières; l'Ontario a des règles concernant la participation des employés.
Le sénateur Kolber: Parlez-moi encore de l'entreprise de Vancouver qui veut négocier des titres en Ontario.
M. Sawiak: Vous vouliez savoir si une entreprise souhaitant mobiliser un petit capital pouvait émettre des actions n'importe où au Canada en vertu du système actuel. La réponse est non.
Le sénateur Kolber: Cette situation ne pourrait-elle être modifiée?
M. Sawiak: Ce problème relève de la Constitution. Je ne sais pas.
Le président: Je ne comprends plus très bien. Êtes-vous en train de me dire que certaines commissions ont des règles différentes pour les petites sommes d'argent et pour les grosses?
M. Sawiak: Oui, certaines appliquent des règles différentes pour les petits émetteurs et pour les émetteurs plus importants.
Le président: Qu'entendez-vous par «important», la taille de l'entreprise ou l'importance de l'émission?
M. Sawiak: Dans certains cas, les deux.
Le président: La définition donnée au terme «petit» et les règles s'appliquant aux petits émetteurs sont-elles les mêmes partout au pays?
M. Sawiak: Pour revenir à la question du sénateur Kolber, j'ai cru comprendre qu'il demandait s'il existe actuellement au Canada un système permettant à un petit émetteur qui désire mobiliser un petit capital d'émettre des valeurs dans toutes les provinces pour réunir les 500 000 $ dont nous avons déjà parlé.
Était-ce là votre question, sénateur?
Le sénateur Kolber: Oui.
M. Sawiak: Non, un tel système n'existe pas. Les provinces ont mis en place des règles spéciales pour les petits émetteurs, mais ces règles ne s'appliquent que dans la province où elles ont été adoptées.
Le président: Serait-il possible de résoudre le problème des entreprises qui tentent de mobiliser 500 000 $ à la Bourse de Vancouver en demandant aux provinces d'adopter des règles communes même si on conservait les dix commissions? Comme vous l'avez dit, cela n'est actuellement pas possible. Laissant de côté l'aspect constitutionnel de la question, pourriez-vous me dire s'il est possible de résoudre le problème dont vous parliez avec le sénateur Kolber en demandant aux commissions de s'entendre entre elles?
M. Braithwaite: Cela pourrait être fait dans le cadre du régime coopératif qui existe actuellement. Ce processus serait long, mais chaque province pourrait en principe adopter un ensemble de règles pour les émetteurs qui ont besoin d'un petit capital.
L'an dernier, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a publié un rapport sur la possibilité d'adopter des règles distinctes pour les petits émetteurs. Ce document visait à susciter des réactions et il faudra beaucoup de temps pour l'examiner avec soin. Si les provinces finissent par le juger acceptable et modifient leurs lois en conséquence ou font appel à leur organisme de réglementation respectif, elles pourraient s'entendre en principe sur un régime commun pour les petits émetteurs. Cette solution est possible, mais je ne crois pas qu'elle se réalisera.
M. Sawiak: Cette question ressemble beaucoup à celle qu'a posée plus tôt le sénateur Angus. Ce n'est pas que notre système ne fonctionne plus, c'est qu'il ne fonctionne pas aussi bien qu'il le pourrait.
Le président: Les provinces qui appliquent des règles différentes pour les petits émetteurs donnent-elles à cette expression la même signification?
M. Sawiak: Je ne le crois pas.
Le président: Je pose cette question seulement parce que, en Ontario, le mot «petit» peut représenter une somme beaucoup plus importante qu'ailleurs.
M. Sawiak: Comme M. Braithwaite l'a dit, cette définition changera en Ontario lorsque le projet de la Commission des valeurs mobilières de cette province sera terminé.
Le président: Pouvez-vous nous donner une idée de l'ordre de grandeur que peuvent représenter les petites émissions dans différentes juridictions?
M. Braithwaite: Je ne sais pas ce que contenait l'ébauche du rapport ontarien. J'ai regardé ce rapport, mais je suis peu versé dans ce domaine et je ne connais pas très bien les règles en vigueur à Vancouver.
M. Sawiak: Je ne me souviens pas des limites, sénateur.
Le sénateur Austin: J'aimerais parler de deux tendances différentes qu'on observe dans le milieu des valeurs mobilières.
La première, c'est qu'un émetteur canadien de valeurs mobilières a tendance à se reporter au système NASDAQ lorsqu'il dépasse une certaine limite, que celle-ci soit régit par les règles sur les émissions de second rang de l'Alberta ou par celles de la Bourse de Vancouver. Il s'agit là des deux marchés les plus intéressants pour ces émetteurs. Cette situation se produit de plus en plus souvent dans les domaines de l'électronique et de la biotechnique.
Mon opinion, et elle pourrait changer selon les renseignements qu'on me donnera, c'est que le système canadien des valeurs mobilières se heurte à ses propres limites parce que le système américain est si attrayant. Je ne fais pas uniquement référence à l'énorme volume des fonds disponibles ou à l'importante capacité des distributeurs américains, je veux également parler du fait que leur marché financier est d'envergure nationale. Aux États-Unis, les distributeurs peuvent, gråce à leurs réseaux de succursales, mobiliser des capitaux en Californie, en Pennsylvanie ou au Texas pour un émetteur particulier.
Le système NASDAQ offre un autre avantage qui n'est pas mentionné dans votre rapport. Ce système est géré de façon agressive par des gens qui recherchent constamment de nouveaux débouchés. Il a été mis sur pied et il est géré par des courtiers comme s'il s'agissait d'une entreprise. Les émetteurs canadiens considèrent que c'est un marché auquel il est plus facile de recourir. Les entreprises qui répondent aux critères d'inscription de la SEC peuvent être cotées en bourse sans problème partout aux États-Unis.
Le sénateur Kolber: C'est un marché où il est difficile de négocier.
Le sénateur Angus: Ce n'est pas un marché boursier.
Le sénateur Austin: Les courtiers peuvent dépouiller un investisseur très facilement, mais je ne veux pas parler maintenant des investisseurs. Je veux parler des entreprises elles-mêmes et de leur façon de mobiliser des capitaux.
J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi, dans votre rapport, deux réponses très différentes ont été données à ce qui semble être la même question. Au début de la page 35, on lit:
Près de 80 p. 100 des sociétés canadiennes cotées à la fois au Canada et aux États-Unis qui ont été interrogées sont d'avis que le système de réglementation du commerce des valeurs mobilières en vigueur aux États-Unis est plus efficace que le système canadien sur le plan de l'optimisation des coûts.
À la page 36, sous la rubrique ««Avocats», on lit:
La majorité des avocats en valeurs mobilières (78 p. 100) sont d'avis que le système américain n'est pas plus efficace ni moins coûteux que le système canadien actuel.
Pourriez-vous commencer par m'expliquer la divergence évidente entre les conclusions de ces deux groupes?
M. Sawiak: Je n'ai pas d'explication. Pour être franc, la question a été rédigée d'une façon telle que la raison de cette divergence n'a pu être établie.
Par ailleurs, je suis d'accord avec ce que vous avez dit concernant le recours au système NASDAQ. Ailleurs dans le rapport, on précise que certaines personnes feront des transactions au-delà de la frontière avec le NASDAQ non seulement parce que le marché financier y est plus important mais aussi pour éviter des exigences contradictoires en matière d'entiercement.
L'entreprise ABC, dont les titres sont entre les mains d'un tiers en vertu de la règle locale no 307, peut se représenter en Ontario cinq ans plus tard, et la commission ontarienne bloquera ses titres une nouvelle fois même si les propriétaires ont changé. Je ne trouve pas que pareille situation incite les entreprises à demeurer dans un marché financier plus petit.
Le sénateur Austin: N'est-il pas également vrai que le NASDAQ laisse bien souvent tomber les conventions d'entiercement au moment de l'introduction en bourse?
M. Sawiak: Le NASDAQ n'aurait pas le pouvoir d'agir ainsi, mais il n'imposerait pas non plus de nouvelles conventions.
Le sénateur Austin: Si je ne m'abuse, le NASDAQ demandera également aux organismes de réglementation provinciaux de dégager des entreprises de certaines obligations. Avez-vous déjà vu pareille situation se produire?
M. Sawiak: Non.
Le sénateur Austin: Nous examinons entre autres la situation concurrentielle du système canadien par rapport au marché américain et au volume des fonds disponibles sur celui-ci ainsi que les pertes qui pourraient survenir au sein du système canadien des valeurs mobilières si nous poursuivons dans la même voie.
La deuxième partie de ma question peut sembler contradictoire, mais je ne crois pas qu'elle le soit. Elle intéressera le sénateur Kolber. M. Braithwaite a déjà abordé cette question. À l'intérieur d'un système fédéral, il faut tenir compte des susceptibilités, des conditions et des exigences locales. Ainsi, à un moment donné, Montréal était le marché financier le plus important au Canada alors que Toronto n'était qu'un marché minier secondaire. Personne ici ne s'en rappellera, mais j'ai fait quelques lectures à ce sujet.
Montréal est aujourd'hui un marché spécialisé et Toronto, un marché général pour tous les types de valeurs mobilières. Vancouver est un marché de capital-risque, tout comme l'Alberta, mais avec des règles différentes.
Sous un régime fédéral, peut-on continuer de répondre aux besoins des sociétés émettrices? Comment les Américains le font-ils en vertu de leur régime fédéral?
M. Braithwaite: Pour ce qui est des Américains, je l'ignore. Peut-on le faire au Canada? Bien sûr. Rien ne nous empêche d'examiner les exigences du régime fédéral et de prévoir des exemptions qui, autrement, s'appliqueraient à tous les placements faits en conformité avec une série parallèle de règles provinciales.
Le capital de risque en serait un bon exemple. Supposons que le gouvernement du Manitoba décide qu'il veut réunir des capitaux de risque dans cette province. Il serait peut-être disposé à permettre le dépôt de documents d'information qui, autrement, ne respecteraient pas les exigences prévues pour des émissions pancanadiennes. Nous pourrions alors passer un accord sur mesure en ce qui concerne le capital de risque du Manitoba, mais uniquement pour régler un problème local dans certaines situations bien précises.
J'ai parlé des fonds de capital de risque de travailleurs de certaines provinces, dont l'Ontario. Voilà un autre exemple de situation où il serait possible de modifier les exigences concernant les documents d'information habituellement requis sous un régime fédéral parce que, d'après la province, les politiques rivales ou la participation des travailleurs justifient une dérogation aux normes.
Le sénateur Austin: Je suis d'accord avec vous. En quoi un système national de valeurs mobilières influerait-il sur la régie des bourses, qui sont essentiellement gérées par le privé? Chacune des bourses canadiennes est essentiellement la propriété des courtiers qui en sont membres.
M. Sawiak: Oui, mais elles sont régies par les commissions de valeurs mobilières des provinces. Les bourses ne changent pas leurs règles sans auparavant obtenir l'autorisation de la commission de valeurs mobilières de la province où elles se trouvent. Je ne crois pas qu'il y aurait un impact.
Le sénateur Austin: Pouvez-vous imaginer un système national de valeurs mobilières dans le cadre duquel les bourses seraient dirigées par les instances provinciales de réglementation des valeurs mobilières? Estimez-vous plutôt que les bourses de valeurs mobilières devraient être assujetties à des règles nationales?
M. Braithwaite: Les bourses sont considérées, aux termes des diverses lois provinciales en matière de valeurs mobilières, comme étant des organismes d'autoréglementation. Elles pourraient aisément le demeurer tout en ayant des comptes à rendre à une commission nationale des valeurs mobilières.
Le sénateur Austin: Qui, de la commission fédérale ou des commissions provinciales, établirait les règles visant les bourses?
M. Braithwaite: Ce serait la commission fédérale.
Le sénateur Kolber: J'ai une question à poser au président.
Peut-on, dans le cadre de l'étude du comité, demander au gouvernement fédéral ce qu'il pourrait faire pour faciliter la formation de fonds communs d'immobilisations?
Le sénateur Austin: Voulez-vous dire autrement que par la réglementation des valeurs mobilières? Au moyen de mesures fiscales, par exemple?
Le sénateur Kolber: C'est cela, des mesures fiscales. Est-ce sans rapport avec ce dont nous discutons?
Le président: Effectivement, mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas l'étudier plus tard.
Le sénateur Stewart: Dans une certaine mesure, j'ai presque déjà reçu la réponse à ma première question gråce aux questions posées par le sénateur Austin et l'échange qui a eu lieu entre lui et le sénateur Kolber.
Au Canada, nous avons un système qui, de toute évidence, comporte certains inconvénients. Les sociétés qui souhaitent trouver du financement, par contre, disposent d'une autre option, soit celle de passer par les marchés financiers américains.
Je ne voudrais pas que mes paroles soient mal interprétées. Cependant, quand de fortes sommes sont en jeu, combien d'opérations boursières nous échappent? A-t-on recours à des expédients et va-t-on trouver les fonds ailleurs?
M. Sawiak: Je ne pourrais pas vous quantifier le phénomène. Un courtier en valeurs mobilières qui connaît bien l'industrie pourrait vous répondre.
Je me souviens d'avoir lu un article dans un de nos quotidiens, il y a environ un mois et demi. Le vice-président d'une maison bancaire d'investissement, un courtier indépendant national de valeurs mobilières qui a travaillé à Toronto et à Ottawa, a explicitement dit que, de toute façon, à un certain moment donné, on ira aux États-Unis pour obtenir des fonds. Comme moi, il se demandait pourquoi nous encouragerions une accélération du processus.
Le sénateur Stewart: Vous avez dit que les entreprises iraient aux États «de toute façon». Par là, laissez-vous entendre que, même si nous adoptons les changements réclamés par les répondants, les emprunteurs se tourneront de toute façon vers les marchés américains?
M. Sawiak: Le questionnaire comporte une question explicite.
Le sénateur Stewart: Du genre: «Vous tourneriez-vous vers les marchés américains de toute façon?»
M. Sawiak: Oui.
M. Braithwaite: M. Sawiak a raison. Si le comité souhaite obtenir des renseignements au sujet de cette question, les maisons bancaires d'investissement peuvent lui fournir de l'information précise. Par contre, dans la pratique du droit, nous constatons un phénomène en nette croissance depuis à peu près cinq ans: les sociétés émettrices canadiennes s'adressent directement aux investisseurs américains, au NASDAQ. Auparavant, elles ne le faisaient jamais; maintenant, c'est chose courante.
Plusieurs facteurs explique ce phénomène. Le dépôt des titres entre les mains d'un tiers qu'exige le Canada fait obstacle à la formation de capital canadien.
Il existe aussi des raisons commerciales. Les services d'analyse américains sont plus évolués. La société émettrice a l'impression d'obtenir plus, à prix plus élevé, sur les marchés financiers des États-Unis lorsqu'elle fait son premier appel public.
Il faudrait aussi mentionner le Multi-Jurisdictional Disclosure System, un des efforts de collaboration dont j'ai parlé plus tôt. Il a vu le jour lors de la création du SEC et des commissions canadiennes, il y a trois ans. Résultat: il est très facile d'accéder aux marchés financiers américains si vous êtes une société ouverte canadienne; vous n'avez, en fait, qu'à déposer votre prospectus canadien aux États-Unis.
En raison de ce système et du phénomène entourant le premier appel public, de plus en plus de sociétés émettrices canadiennes font appel aux marchés américains pour réunir des capitaux au Canada.
Le sénateur Stewart: Nous savons qu'en Europe, une union monétaire est projetée et que les gouvernements de certains États -- Allemagne, France, Benelux, Italie et, peut-être, Grande Bretagne -- envisagent la possibilité d'adopter une monnaie commune, ce qui bien sûr exige au départ une politique monétaire commune. D'excellentes raisons économiques autant que politiques justifient une telle décision.
Que vous sachiez, existe-t-il en Europe ou ailleurs un mouvement parallèle en faveur d'une union sur le plan des valeurs mobilières ou de leur réglementation?
M. Braithwaite: Oui. Je crois savoir que l'Union européenne a émis des lignes directrices concernant divers aspects de la réglementation des valeurs mobilières, dont les fonds d'investissement et les opérations entre initiés. Tous les membres de l'Union européenne sont censés inclure ces directives dans leurs lois. Je ne connais pas trop bien le processus, mais c'est ce qui se prépare au sein de l'Union européenne.
Le sénateur Stewart: Un des arguments invoqués dans certaines capitales européennes en faveur de l'union monétaire est qu'elle rendra les pays membres plus intéressants pour les investisseurs. Les Canadiens s'en inquiètent, bien sûr, car ils devront peut-être rivaliser avec eux pour obtenir des fonds en provenance de pays comme le Japon.
On pourrait aussi arguer qu'à mesure que l'Europe uniformise son administration des valeurs mobilières dans le sens que vous avez proposé et qu'elle va peut-être même au-delà, nous, au Canada et en Amérique du Nord, devrons, nous aussi, envisager la possibilité de lui emboîter le pas.
M. Sawiak: Je vous répondrai en répétant essentiellement ce qu'a dit plus tôt M. Braithwaite: la tendance actuelle est d'investir là où les rendements sont les plus élevés. Les marchés se mondialisent. Les obstacles tombent. Le système plurijuridictionnel en est un exemple. La tendance semble être de former des fonds communs d'investissement plus importants.
Je n'ai pas la compétence voulue pour me lancer dans ce débat sur la genèse de l'Union européenne, qu'elle soit monétaire ou qu'elle concerne les valeurs mobilières, mais nous nous mondialisons de plus en plus. Il existe maintenant des marchés financiers mondiaux.
Je suis d'accord avec vous. Nous devrons rivaliser, point final, que cela nous plaise ou non. Tout dépend d'à quel point nous nous y serons bien préparés.
Le sénateur Stewart: Je reviens à la charge. Tout d'abord, vous laissez maintenant entendre que le Canada, en tant que pays, devrait faire en sorte que ses cloisons internes ne l'empêchent pas d'être un concurrent mondial raisonnablement efficace. Ensuite, vous dites aussi qu'il faudrait que le phénomène s'étende à l'Amérique du Nord tout entière, ce qui bien sûr nous préoccupe davantage que les Américains parce que leur pays a beaucoup plus de poids que le nôtre.
Donc, l'Amérique du Nord ne devrait pas ériger des barrières qui l'empêcheraient de soutenir la concurrence sur les marchés financiers internationaux?
M. Sawiak: Les barrières internes, dans la mesure où elles avantagent une province par rapport à l'autre, devraient être supprimées. Un particulier de la Saskatchewan ne devrait pas être privé de la possibilité d'emprunter des capitaux en Ontario ou au Québec. Pour moi, cela ne fait qu'entraîner la division.
Si vous supprimez les barrières internes, vous renforcez votre position concurrentielle parce que vous disposez d'un important fonds commun d'immobilisations à l'intérieur du pays.
Pour ce qui est de savoir si cela s'applique à l'ensemble du continent nord-américain, je ne le sais pas et je suis mal placé pour répondre à cette question.
Le sénateur Austin: J'aimerais poser une question qui rejoint celle du sénateur Stewart. Nous pouvons essentiellement organiser le marché financier nord-américain de deux façons. D'abord, nous pouvons assurer le contrôle du marché financier canadien de la façon la plus efficace et la plus concurrentielle qui soit, en nous fondant sur les normes internationales. Cela veut dire que l'émetteur canadien emprunterait naturellement des capitaux au Canada tant que le marché canadien serait en mesure de répondre à ses besoins. Par cela, il faut entendre la possibilité de réunir des capitaux rapidement et efficacement à des coûts concurrentiels, ce qui évite les risques de change qu'entraîne la mobilisation de capitaux canadiens utilisés au Canada.
L'autre option serait de créer un marché financier nord- américain où les Canadiens, les Américains ou les Mexicains pourraient mobiliser des capitaux n'importe où en Amérique du Nord. Les avocats, les comptables et les administrateurs des valeurs mobilières se livreraient concurrence à l'échelle du continent pour offrir leurs services.
Si un émetteur canadien, comme Bombardier au Québec, voulait réunir des capitaux, il analyserait les divers fonds d'immobilisations disponibles en vue de trouver la société de placement qui offrirait les possibilités les plus avantageuses. Cette société pourrait être située à Dallas. Bombardier ferait affaire avec cette entreprise au lieu d'avoir recours aux services du cabinet Stikeman, Elliott à Montréal, la Bourse de Montréal ou encore la Bourse de Toronto.
Pourquoi? L'heure étant à la mondialisation des marchés financiers, pourquoi le Canada devrait-il chercher à protéger son propre marché des capitaux? M. Sawiak a dit que les capitaux se déplacent rapidement, qu'ils traversent de plus en plus librement les frontières. C'est ce qui se passe dans le cas des capitaux nord-américains.
M. Braithwaite: Il s'agit là de questions complexes. Toutefois, j'aimerais qu'il y ait une seule personne qui parle au nom du Canada aux côtés des représentants des commissions de valeurs mobilières du Mexique et des États-Unis. En Europe, il peut y avoir dix personnes assises autour de la table et une seule voix qui représente la Commission des valeurs mobilières du Mexique et celle des États-Unis.
Le sénateur Austin: Je suis d'accord avec vous. Mes questions reflètent mes opinions personnelles. Je conviens avec vous que nous assistons à la mondialisation des marchés financiers. Nous avons des intérêts nationaux à protéger. Pour y arriver, nous devons nous organiser en fonction des marchés et non pas établir des règlements. Nous devons être compétitifs et non pas ériger des barrières au moyen de règlements. C'est ce que nous avons toujours fait. C'est le problème que nous essayons de régler aujourd'hui.
M. Sawiak: Vous avez bien résumé la situation.
Le président: C'est pourquoi il est un ex-avocat devenu sénateur et que vous pratiquez toujours le droit.
Le sénateur Kelleher: Il est difficile de trouver une nouvelle question à vous poser en cette heure tardive de la journée. Toutefois, j'aimerais qu'on se penche pendant quelques instants sur la question de la mondialisation des marchés. Nous avons analysé une partie du problème.
Comme je m'intéresse, disons, au marché asiatique, j'ai remarqué que de nombreuses entreprises, notamment en Asie et plus particulièrement en Chine, cherchent à emprunter des capitaux à l'étranger. Elles n'ont pas accès à domicile à des fonds communs d'immobilisations.
Je sais qu'il y a des entreprises canadiennes qui essaient de réunir des capitaux à l'intérieur de notre système. Mais je sais aussi que plusieurs entreprises à Hong Kong et en Chine se sont tournées vers le Canada pour mobiliser des fonds.
Croyez-vous que la décentralisation de notre système empêche les gens de venir ici, augmente leurs coûts ou encore les empêche de se tourner vers ce marché-ci plutôt que le marché américain ou le marché londonien?
M. Braithwaite: Ce facteur entre en ligne de compte. Les émetteurs non résidents qui envisagent d'émettre des titres dans d'autres pays posent des questions au sujet de la réglementation et du système qu'ils envisagent de pénétrer.
Il s'agit d'un dossier complexe. Cette question revient plus souvent lorsqu'un émetteur étranger cherche à réunir des capitaux dans plusieurs pays. Il doit tenir compte des obstacles qui peuvent l'empêcher d'émettre des titres au Canada en même temps qu'il le fait dans d'autres pays, ainsi que le volume de capitaux disponibles ici.
C'est quelque chose que l'on voit souvent lorsque des émetteurs multinationaux cherchent à émettre des titres à l'échelle internationale. Ils posent des questions au sujet des dépôts de prospectus au Canada, du nombre d'organismes de réglementation qui existent et des délais qu'une réglementation excessive peut entraîner. On peut dire que la décision de ne pas émettre des titres au Canada peut être liée aux coûts et aux formalités qu'une telle démarche entraîne.
Prenons l'exemple des émetteurs multinationaux qui décident d'émettre des titres en Europe et aux États-Unis. Lorsqu'ils se demandent s'ils devraient ajouter le Canada à leur liste, la réponse est souvent négative. Nous sommes souvent laissés de côté en raison du fardeau supplémentaire qu'impose le respect des exigences fixées par le Canada.
Je ne dis pas que la réglementation provinciale constitue la seule raison pour laquelle le Canada est laissé de côté. Les nombreuses exigences réglementaires qui doivent être satisfaites par un émetteur étranger intervient dans la décision de ne pas faire d'émissions publiques au Canada.
Le sénateur Kelleher: Si cette tendance se maintient, et elle se maintiendra sans aucun doute en raison de la mondialisation des marchés, le Canada risque-t-il d'en subir les contrecoups à long terme?
M. Sawiak: Je ne vois pas comment il pourrait en profiter, sénateur.
Le sénateur St. Germain: Messieurs, votre rapport en fait laisse entendre que les coûts des opérations sont très, très minimes et que ce sont plutôt les exigences réglementaires, comme le sénateur Austin et d'autres ici l'ont indiqué, qui posent problème. On vous a demandé d'analyser les coûts, mais les coûts ne sont pas vraiment le facteur déterminant qui intervient dans la mise en place d'un système national de valeurs mobilières, n'est-ce pas?
M. Sawiak: Les coûts ne constituent pas le seul facteur. Cela dépend aussi de l'émetteur en question. Il y a certains coûts qui sont totalement inutiles.
Le sénateur St. Germain: Diriez-vous que ces coûts sont excessifs? Ai-je mal interprété votre rapport? Ces coûts ne sont pas vraiment élevés si l'on tient compte de l'ensemble de la situation.
M. Sawiak: Cela dépend des coûts. Je crois qu'ils sont excessifs dans certains cas.
M. Braithwaite: Mais par rapport à quoi? C'est toujours la question que l'on se pose. Dans l'ensemble, les coûts ne sont pas excessifs si on les compare à la plupart des chiffres que nous avons ici. Il y a des coûts connexes qui sont documentés et indiqués dans notre rapport. Est-ce que ces coûts sont dans l'ensemble excessifs? Est-ce qu'ils représentent, disons, 10 ou 20 p. 100 du montant de l'émission? Dans ce sens, ils ne sont pas tellement élevés.
Le président: Messieurs Sawiak et Braithwaite, je vous remercie d'être venus aujourd'hui. Vous avez soulevé de nombreuses questions intéressantes. Le comité se penchera inévitablement de nouveau sur cette question. Merci pour votre travail. Veuillez remercier aussi vos collègues et le cabinet pour lequel vous travaillez.
Nous nous réunirons jeudi, à l'heure prévue, pour examiner les trois derniers volets de notre rapport préliminaire sur la régie des sociétés -- les offres publiques d'achat, les investisseurs institutionnels et la question de la responsabilité solidaire qui a été soulevée par l'ICCA --, avant de le soumettre pour fins d'analyse. Nous espérons nous pencher sur ces trois questions la semaine prochaine et soumettre, la semaine suivante, le rapport préliminaire à une analyse, ce qui nous donnera le temps de préparer, en juin, le rapport final sur la régie des sociétés.
La séance est levée.