Délibérations du comité sénatorial permanent
des
banques et du commerce
Fascicule 4 - Témoignages
Ottawa, le jeudi 30 mai 1996
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 11 heures afin de poursuivre son examen de l'état du système financier canadien.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, je devrais peut-être vous expliquer un peu le contexte de l'audition d'aujourd'hui. Nous avons adopté en 1994 le projet de loi C-2, qui modifiait, en substance, la Loi sur le ministère du Revenu national de manière à fusionner les services Impôt et Douanes et Accise. Lors de notre examen du projet de loi, le syndicat a exprimé une profonde préoccupation à l'égard d'un certain nombre d'aspects de la fusion. Le comité avait été très impressionné par le témoignage du syndicat et il a été convenu que celui-ci comparaîtrait de nouveau après un an, environ, afin de donner son évaluation de la manière dont l'intégration s'était faite. Il s'est maintenant écoulé, en fait, près de 18 mois depuis la fusion. Nous sommes désireux de savoir comment les choses se sont passées, ce qui a été fait vis-à-vis des sujets qui préoccupaient le syndicat au moment de l'étude du projet de loi au Parlement. Il a été entendu que le ministre et le sous-ministre comparaîtraient ensuite pour répondre aux positions du syndicat. Je signale d'ailleurs qu'un ministre différent détient maintenant ce portefeuille, mais le sous-ministre actuel était déjà en poste lors de l'adoption du projet de loi.
Donc, la séance d'aujourd'hui concrétise l'engagement que nous avons donné au syndicat il y a 18 mois environ, et nous recevons donc la délégation de l'Union Douanes Accise dirigée par M. Mansel R. Legacy, le président du syndicat.
Monsieur Legacy, merci d'être venu avec vos collègues. Nous avons votre mémoire, dont je crois savoir que vous allez le résumer, mais j'aimerais que vous commenciez par nous présenter les membres du syndicat qui vous accompagnent, aux fins du procès-verbal et pour l'information des membres du comité. Nous entendrons ensuite la ministre et le sous-ministre.
M. Mansel R. Legacy, président, Union Douanes Accise: Monsieur le président et membres du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, je me nomme Mansel Legacy. Je suis le président national de l'Union Douanes Accise. Avant de vous présenter mes collègues, je voudrais simplement vous indiquer, monsieur le président, que la CEUDA est l'un des 18 éléments constitutifs de l'Alliance de la fonction publique du Canada, qui est l'agent négociateur reconnu pour plus de 165 000 fonctionnaires fédéraux syndiqués.
En ma capacité de président national de la CEUDA, je représente près de 10 000 fonctionnaires des services TPS et Douanes du ministère du Revenu national.
Mon voisin de gauche est Victor Dumesnil, deuxième vice-président national de la CEUDA. À côté de lui se trouve Wayne Mercer, le quatrième vice-président national. À ma droite, vous avez Mme Diane Lacombe, première vice-présidente nationale de la CEUDA et, à ses côtés, M. Douglas Kosakowski, le troisième vice-président national. C'est en fait le bureau exécutif national au complet.
Je voudrais attirer votre attention, monsieur le président, sur le fait que M. Dumesnil et M. Mercer sont tous deux employés du service Accise/TPS de Revenu Canada, tandis que Mme Lacombe et M. Kosakowski sont des inspecteurs des douanes en uniforme. Tous connaissent parfaitement les activités quotidiennes et les responsabilités des employés du service Accise/TPS et du service Douanes représenté par l'Union Douanes Accise.
Monsieur le président, avant de poursuivre, je tiens à dire que c'est pour nous un privilège et un honneur que de comparaître devant vous au sujet du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu national. Comme vous le savez, cela fait plus de deux ans que le projet de loi C-2 a reçu la sanction royale et nous sommes ravis que vous ayez accepté de nous entendre sur cette question.
Je voudrais également profiter de cette occasion pour féliciter la nouvelle ministre, l'honorable Jane Stewart, d'avoir accepté de venir témoigner devant le comité si peu de temps après son entrée en fonction. Comme il fallait s'y attendre, le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui a un caractère critique et nous savons gré à la ministre d'avoir consenti à comparaître devant le comité en même temps que l'Union.
Monsieur le président, vous vous souviendrez que le projet de loi C-2 a reçu la sanction royale le 12 mai 1994, autorisant ce que nous avons qualifié de mariage forcé entre Revenu Canada, Douanes et Accise et Revenu Canada, Impôt. L'adoption du projet de loi C-2 a fortement déçu l'Union Douanes Accise, puisque nous avions entrepris à grands frais une vaste campagne d'opposition au projet de loi.
Notre souci alors était d'éviter que le rôle des inspecteurs des douanes soit confondu avec celui des administrateurs fiscaux, ou dilué par l'intégration des inspecteurs des douanes de la division Douanes et Accise aux quelque 30 000 administrateurs fiscaux de la division Impôt. Monsieur le président, nous étions naturellement très troublés par cette tentative du gouvernement de saper cette longue et riche tradition d'exécution des lois par Douanes Canada en cédant l'autorité législative sur Douanes Canada à des bureaucrates fiscaux n'ayant aucune communauté d'intérêt avec les douaniers ni aucune expérience des douanes.
Les sénateurs se rappelleront également que, outre la problématique propre à Douanes Canada, nous avions émis de sérieuses réserves quant aux économies que permettrait de réaliser la fusion des divisions Douanes et Accise et Impôt de Revenu Canada.
Comme c'est souvent le cas, ce qui nous amène ici aujourd'hui est principalement une affaire de reddition de comptes. Étant donné l'historique de ce que l'on appelle maintenant l'unification administrative et vu la raison d'être de notre présence ici aujourd'hui, deux questions s'imposent: premièrement, est-ce que les engagements donnés par le gouvernement au Parlement dans le but de faire adopter le projet de loi C-2 ont été tenus? Si oui, dans quelle mesure? Deuxièmement, est-ce que le mariage forcé de Revenu Canada, Douanes et Accise et de Revenu Canada, Impôt a produit des économies?
Malheureusement, monsieur le président, et cela ne vous surprendra guère, notre réponse à cette question n'est pas très positive. En fait, la position que nous exprimons aujourd'hui est davantage négative que positive, et cela ne devrait surprendre ni les sénateurs ni le gouvernement. À notre sens, l'unification administrative est depuis le départ une mésaventure improvisée.
Monsieur le président, le gouvernement n'a ni objectif, ni plan ni orientation réelle sur le plan de l'administration fiscale et de la protection frontalière du pays. Nous expliquons notre position en détail dans les 30 pages du mémoire qui a été distribué aux sénateurs au cours des deux derniers jours.
Monsieur le président, vu que vous avez disposé par avance du texte de notre mémoire et que le temps nous est compté, puis-je vous demander d'annexer le mémoire au procès-verbal de la séance d'aujourd'hui?
Le président: Oui, monsieur Legacy. Nous vous en avions déjà donné l'assurance.
M. Legacy: Je vous remercie. Nous allons donc consacrer le restant de notre temps avant la comparution de la ministre à répondre à vos questions.
Je signale que nous avons également rédigé une liste de questions essentielles que nous voulons porter à votre attention et que nous avons annexées à notre mémoire. Vous les trouverez à l'Annexe A: «Questions relatives au progrès de l'unification administrative à Revenu Canada, compte tenu des engagements pris par le gouvernement précédent».
Pour terminer, monsieur le président, nous voulons encore une fois vous remercier de nous recevoir aujourd'hui. Mes collègues et moi serons plus que disposés à répondre à toutes vos questions.
Le président: Je vous remercie, monsieur Legacy. Avant de donner la parole au sénateur St. Germain, qui vous posera la première série de questions, pourrais-je vous en poser une de nature un peu générale? Ayant lu votre mémoire, j'aimerais savoir quels sont, à votre avis, les deux ou trois problèmes majeurs engendrés par l'unification et, de l'autre côté de la médaille en quelque sorte, quels sont les deux ou trois avantages majeurs?
M. Legacy: Je vais tenter de répondre à ces deux questions, monsieur le président. Comme nous l'avons expliqué en termes généraux dans notre mémoire, nous ne percevons aucune communauté d'intérêt entre Douanes et Accise et Revenu Canada, Impôt, et surtout pas entre Douanes et Impôt. À notre sens, dans un ministère aussi gros, le secteur Douanes est négligé depuis la fusion. Nous constatons que la perception de recettes semble être la motivation première et l'on ne prête pas suffisamment attention au volet exécution des lois du travail des douaniers.
Comme nous l'avons indiqué dans le mémoire, on va maintenant fermer plus de 100 bureaux intérieurs des douanes. On va faire appel davantage à la technologie. Maintenant que la théorie de l'observation volontaire est devenue le mot d'ordre... très franchement, en tant qu'ancien inspecteur des douanes, je dois dire que l'observation volontaire marche avec les gens honnêtes et l'a toujours fait. Elle n'a jamais marché avec les gens malhonnêtes et ne le fera jamais. Bien que nous soyons portés à penser, en tant que Canadiens, que nous sommes une société relativement honnête, et c'est vrai dans l'ensemble, il existe en son sein un élément -- et qui va croissant--, de réelle malhonnêteté. Je ne parle pas ici de la bouteille d'alcool ou de la cartouche de cigarettes ni de la paire de draps et de taies d'oreiller surnuméraires qu'un voyageur peut avoir dans ses bagages en franchissant la frontière.
À l'époque où nous vivons, c'est la contrebande lucrative qu'il faut combattre. Comme on peut le voir à la télévision et le lire dans les journaux chaque jour, la contrebande d'armes à feu, de drogues et cetera va s'amplifiant.
Nous pensons, et avons toujours pensé, que le volet douanes devrait rester distinct. Nous avons même monté ce que nous considérions comme une campagne de grande envergure pour faire comprendre au public et aux politiciens la nécessité d'une structure séparée des douanes, lesquelles ne peuvent tout simplement pas fonctionner à l'intérieur de l'administration de l'impôt.
C'est là le problème majeur que nous discernons.
Sur le plan des avantages, il faut être juste et reconnaître que le service aux contribuables, sur le plan impôt, sera amélioré. Les fonctionnaires du ministère, surtout du côté impôt, encore une fois, auront la possibilité d'offrir un meilleur service. Le service au client, le service au public, sur le plan impôt, représente certainement un élément positif.
Le président: J'ai juste une autre question, qui porte sur votre témoignage d'il y a deux ans. Vous demandiez alors que les agents des douanes reçoivent le statut d'agents de la paix. Vous vous souviendrez que certains syndicats de police sont même venus vous appuyer à cet égard. Vous ne parlez guère de cet aspect dans votre mémoire. Pouvez-vous me dire ce qu'il est advenu de cette demande?
M. Legacy: Oui. Je dois d'abord vous expliquer que les inspecteurs des douanes sont des agents de la paix, en vertu du Code criminel, aux fins de l'application de la Loi sur les douanes.
Le président: Oui.
M. Legacy: Cependant, nous n'avons pas le statut d'agents de la paix lorsqu'il s'agit d'exécuter le Code criminel ou les diverses lois sur la circulation routière, ou ce genre de législation. Lorsque nous avons comparu ici il y a 18 mois environ, le meilleur exemple que nous pouvions vous donner était le cas des conducteurs en état d'ébriété à la frontière.
Le président: Exact. C'est l'exemple que vous avez utilisé.
M. Legacy: Oui. Nous le reprenons aujourd'hui, car c'est l'exemple le plus parlant. Bon nombre de nos postes frontières sont évidemment situés près d'agglomérations, grandes et moins grandes, et entre minuit et 4 heures du matin, nous voyons passer nombre de conducteurs en état d'ébriété ou aux facultés amoindries. Nous n'avons aucun pouvoir de les arrêter ou de les détenir, s'ils sont citoyens canadiens, à moins qu'ils n'aient contrevenu à la Loi sur les douanes, ce qui signifie que le mieux que nous puissions faire, c'est de les laisser repartir et appeler la police municipale ou la GRC, selon les cas. Ce n'est qu'un exemple de l'utilité qu'il y aurait pour nous d'être davantage couverts par le Code criminel.
Le président: Je vous remercie. Je donne maintenant la parole au sénateur St. Germain.
Le sénateur St. Germain: Je tiens à remercier M. Legacy et ses collègues du mémoire qu'ils nous ont remis. Je l'ai lu et c'est un bon mémoire.
Toujours sur la question du statut de policier, si vous l'obteniez, est-ce que les douaniers auraient besoin d'une formation supplémentaire ou bien pensez-vous que celle qu'ils possèdent déjà leur suffirait pour appliquer le Code criminel? Si vous avez le pouvoir d'appliquer le Code criminel, vous avez celui d'appliquer tout code de la route.
M. Legacy: Il faudrait certainement une formation dans certains domaines, selon l'étendue des pouvoirs qui seraient confiés aux douaniers en vertu du Code criminel. Un rapport a été commandé par le ministère à M. Roger Tassé, que vous connaissez peut-être. Il était anciennement sous-ministre de la Justice.
Nous avons rencontré M. Tassé et les questions qu'il nous a posées visaient à déterminer quels éléments du Code criminel seraient concernés ou requis. Notre réponse a été qu'il serait plus pratique d'accorder aux douaniers le statut complet d'agents de la paix en vertu du Code criminel et de préciser ensuite par règlement les fonctions dont nous serions chargés.
Pour dire les choses simplement, si nous recevions certains pouvoirs prévus par le Code criminel et si le ministère les jugeait ensuite trop importants ou trop restreints, il faudrait de nouveau modifier la loi. En revanche, si nous recevions le statut complet d'agent de la paix et si l'on précisait par règlement les fonctions, il suffirait d'un décret pour élargir ou restreindre les pouvoirs qui nous sont confiés.
Le sénateur St. Germain: En tant qu'ancien policier, j'ai du mal à voir comment on pourrait graduer les responsabilités, mais c'est peut-être possible.
Ma question suivante porte également sur le contrôle d'application des lois. Il s'agit du contrôle des armes à feu qui vient de faire l'objet d'une loi, comme vous le savez sans aucun doute.
M. Legacy: Oui.
Le sénateur St. Germain: Le gouvernement cherche à contrôler davantage l'utilisation et la propriété des armes à feu, mais nous sommes un certain nombre à considérer que sa méthode revient à pénaliser les citoyens respectueux des lois, en ce sens que l'une des préoccupations majeures était la contrebande, activité qui vous intéresse directement. Vous dites que vous ne pouvez faire correctement votre travail de douanier si vous n'avez pas le statut d'agent de la paix. Ai-je bien saisi votre position, à savoir que vous ne pouvez contrôler efficacement la frontière et le passage des armes à feu sans jouir du statut d'agent de la paix? Pouvez-vous nous en parler?
M. Legacy: Oui. Bien entendu, le passage d'armes à feu à la frontière n'est qu'un des aspects. De toute évidence, nous voyons les saisies d'armes à feu qui interviennent à la frontière et nous voyons également la contrebande qui se pratique. Pour ce qui est de la Loi sur le contrôle des armes à feu elle-même, nous n'avons pris parti ni pour ni contre dans ce débat. Nous sommes neutres. Notre position est simplement que nous ferons le travail qui est à faire, quoi que dise le projet de loi et la loi finalement adoptée.
La contrebande d'armes à feu est tellement répandue et notre statut et la théorie de l'observation volontaire font que nous avons du mal à faire un travail correct, principalement aux postes frontières isolés ou aux postes «chauds», là où la criminalité est forte, comme à la frontière Windsor-Détroit. La plupart de nos agents ont parfois peur de faire leur travail car ils sont très mal formés à l'autodéfense. Dans certains endroits, nous ne sommes pas armés.
Je précise bien que l'Union Douanes Accise ne demande pas que tous les inspecteurs des douanes soient armés, d'un bout à l'autre du pays, mais nous considérons que ce devrait être le cas dans certaines régions et de certains groupes au sein de Douanes Canada, notamment les équipes spécialisées dans la drogue et les douaniers affectés aux postes frontières dangereux et cetera. Cependant, nous ne sommes pas partisans, à l'heure actuelle, d'armer la totalité des inspecteurs des douanes.
Le sénateur St. Germain: Mais vos homologues américains ont pleinement le statut d'agents de la paix et peuvent procéder à des arrestations et détentions, contrairement à vous?
M. Legacy: Oui, je pense. Cela m'amène à autre chose. Dans maintes régions, nous dépendons de ressortissants étrangers pour protéger nos agents -- par exemple, les inspecteurs des douanes américains. Je fais fréquemment des tournées à travers le pays. Je me rends dans les ports isolés et sur la frontière entre le Yukon et l'Alaska, et cetera. Il m'arrive de parler à nos homologues américains. Ils nous disent qu'ils apprécient beaucoup leurs homologues canadiens, mais qu'ils ne peuvent introduire leurs armes au Canada. Par conséquent, autant ils aimeraient nous aider, autant ils refusent d'intervenir et d'appuyer nos agents dans toute situation dangereuse s'ils doivent laisser de l'autre côté leurs armes.
Donc, si d'aucuns pensent que les agents américains nous offrent une protection, je sais, pour leur avoir parlé personnellement, qu'ils n'ont nulle intention de venir à la rescousse des douaniers canadiens à moins de pouvoir emporter leurs armes avec eux, ce qui est évidemment interdit.
Le sénateur St. Germain: Vous dites donc, en substance, que si l'on vous demande d'exercer un contrôle plus serré et si nous adoptons une attitude beaucoup plus restrictive dans notre pays à l'égard des armes à feu -- avec le nombre croissant d'armes à feu qui vont inévitablement être introduites chez nous en provenance des États-Unis -- il devient d'autant plus nécessaire pour vous d'avoir le statut d'agents de la paix à part entière et, éventuellement, d'être armés?
M. Legacy: Ce n'est qu'un aspect parmi d'autres. Nous avons déjà le pouvoir de saisir les armes et cetera. Les ressources dont nous disposons pour effectuer ce travail sont un autre aspect. Nous saisissons à la frontière les armes cachées dans des camions ou les bagages de touristes, mais le réel problème n'est pas là, c'est celui de la contrebande lucrative. Ceux qui font de la contrebande pour le profit ne franchissent pas la frontière aux points de passage autorisés. Les armes passent là où il n'y a pas de douaniers, n'importe où le long des milles et des milles de frontière non gardée et non patrouillée, et elles arrivent par navires entiers dans les ports de la côte Est et de la côte Ouest. Nous n'avons tout simplement pas les ressources voulues et celles dont nous disposons sont graduellement démantelées.
Le sénateur St. Germain: Je suis tout à fait d'accord avec vous sur les aspects dont nous venons de traiter. Là où je suis moins d'accord, c'est lorsque vous parlez des objectifs ou de l'orientation du gouvernement. Je ne sais pas pendant combien de temps ce projet de loi, le projet de loi C-2, a été en préparation, mais je suis sûr que son origine remonte à plusieurs gouvernements.
Pour ce qui est de la rationalisation, les gouvernements n'ont d'autre choix que d'opérer des coupures, à mon avis. Ils ne peuvent faire autrement que de s'attaquer au déficit et à la dette. Je pense que nous sommes d'accord là-dessus. Hormis la rationalisation, que pourrait faire le gouvernement pour réduire les coûts, selon vous? Il se trouve que je suis fervent partisan de la réduction du déficit et de la dette et je pense que ce qu'il a essayé de faire ici, par l'unification et les économies d'échelle et la réduction du nombre de sous-ministres, est bon. Je sais bien que vous dites dans votre mémoire qu'il n'a pas réduit les dépenses, mais je suis persuadé du contraire, car j'ai fait partie du gouvernement précédent jusqu'en 1988 et je sais ce qu'il a fait à l'époque et je sais ce que fait le gouvernement actuel, et je l'applaudis pour cela. La ministre comparaîtra tout à l'heure et pourra en parler.
Je vous demande donc comment ces économies, qui sont nécessaires en vue de réduire le déficit et la dette, pourraient être réalisées autrement? Comment peut-on réduire le déficit et la dette et rendre l'administration publique plus efficiente?
M. Legacy: Le gouvernement précédent a été à un doigt de faire ce qu'il aurait fallu faire depuis longtemps, à notre avis, à savoir ériger un ministère de la Sécurité publique. Je tiens simplement à le mentionner. Évidemment, ce projet est tombé à l'eau lorsque le nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir.
La réduction de la dette est impérative, bien évidemment. Nous sommes tout à fait d'accord, car nous payons tous l'impôt sur le revenu et les autres taxes et nous savons combien c'est dur par les temps qui courent. Nous pensons que l'unification du côté impôt a permis de réaliser certaines économies. Cependant, il y a encore un autre aspect. La réduction de la dette ne signifie pas nécessairement qu'il faille réduire les dépenses; il peut suffire de faire rentrer l'argent qui est dû au gouvernement, et il y a actuellement des impayés énormes au niveau de la TPS et cetera, sans parler de l'économie clandestine, que l'on ne parvient même pas à chiffrer. Encore une fois, nous parlons de ressources et nous parlons de faire le travail que l'on nous a engagés pour accomplir.
Je pense qu'une courte intervention de l'un de mes collègues vous donnera une petite idée des montants que le gouvernement laisse échapper.
M. Wayne Mercer, quatrième vice-président national, Union Douanes Accise: Le gouvernement a décidé d'investir de l'argent dans la création d'un centre téléphonique de recouvrement dans une localité appelée Saint Stephen, au Nouveau-Brunswick. Ce centre a coûté plus de 1,5 million de dollars à installer, alors que nous avions déjà un centre à Summerside, dans l'Île-du-Prince-Édouard, disposant d'un personnel pleinement formé, de tout le matériel et de tout le nécessaire, et dont la charge de travail est irrégulière. Si l'on avait établi ce centre à Summerside, il aurait coûté bien moins cher et aurait été plus productif.
Ce centre était censé travailler conjointement sur les comptes en souffrance de TPS et les petits comptes d'impôt sur le revenu. En mars, lorsque j'ai visité le centre, les 18 employés travaillaient exclusivement sur les comptes de TPS. Il n'y avait pas de recoupement, il n'y avait aucune économie.
À Summerside, nous avons une charge de travail irrégulière, au lieu que chacun travaille régulièrement à son niveau optimum; pourtant, ils sont allés dépenser 1,5 million de dollars pour ouvrir un centre au Nouveau-Brunswick, alors que nous aurions pu faire le travail avec les effectifs et les équipements dont nous disposons déjà.
Le sénateur St. Germain: Je comprends ce que vous dites. C'est l'une des anomalies de notre pays. J'ai siégé au gouvernement et j'ai vu comment il s'efforce de créer ou d'offrir des emplois un peu partout dans le pays, par le biais des administrations publiques. On pourrait débattre à l'infini de la question de savoir si le gouvernement devrait ou non regrouper toutes les administrations ici, à Ottawa. Je suis de Colombie-Britannique et mon plus grand fléau, lorsque je rentre chez moi, c'est que l'on me dit: «Nous vous envoyons à Ottawa, et au lieu de nous y représenter, vous venez ici représenter Ottawa». Je connais cet argument.
Les activités illégales qui se déroulent, monsieur Legacy, doivent être combattues mais, en toute équité, le gouvernement a une responsabilité. Je ne pense pas que l'on puisse comparer les deux choses. S'il y a une économie clandestine, il faut la combattre. Ces impôts devraient être payés et perçus et il faut tout faire pour réprimer cette fraude. Mais cela n'absout pas le ministère de son obligation d'essayer d'améliorer son efficience.
Bien que je sois d'accord avec vous sur le plan des douanes et de l'application des lois, l'argument que des impôts restent impayés ne diminue pas, je pense, l'obligation pour la ministre, qui nous écoute, de rendre son ministère aussi efficient que possible par la diminution du nombre des sous-ministres. Autant j'apprécie la plupart des sous-ministres, autant je pense que deux dans un ministère suffisent largement, surtout lorsqu'on songe à tous les chefs de service subalternes qu'un poste de sous-ministre suppose. Je pense donc que si l'on veut améliorer l'efficience, ce genre de chose est inévitable.
Là-dessus, je vous remercie de vos remarques. S'il vous vient à l'esprit pendant la réunion une autre chose avec laquelle nous pouvons vous aider, nous nous ferons un plaisir d'essayer.
M. Legacy: Si je puis juste ajouter un mot là-dessus, indépendamment des impôts impayés, nous savons qu'il y a de très fortes contraintes et nous ne sommes pas naïfs au point de penser que la réduction des coûts n'est pas un facteur, mais il y a beaucoup d'autres domaines au sein du ministère où l'on ne fait rien pour réduire les coûts.
Nous pensons qu'il serait plus rationnel de réduire le nombre des directeurs suppléants et par intérim, qui sillonnent le pays aux frais des contribuables pendant tout ce processus d'unification, au lieu de réduire le nombre des douaniers, qui sont là pour protéger le public, et protéger également l'industrie canadienne, car c'est là notre principale raison d'être. Dans une seule région -- je ne vais pas la nommer, mais je peux vous montrer les chiffres --, un certain nombre de personnes occupent des postes de suppléant en situation de déplacement, mais chacun dans la ville de l'autre. On ne les a pas affectés dans leur propre ville, ils sont chacun dans la ville de l'autre.
J'ai ici des chiffres du 18 décembre 1994 au 30 juin 1995; nous les avons eus sous le régime de l'Accès à l'information, et c'est l'une des rares fois où nous avons pu leur soutirer des chiffres, je le précise. Pendant cette période qui va jusqu'au 30 juin, une de ces personnes a dépensé 10 000 $ en frais de voyage; d'autres ont dépensé 5 000 $, 6 000 $, 3 500 $, 2 500 $. Cet argent aurait pu être économisé avec une meilleure gestion, et aurait permis de laisser en poste un inspecteur des douanes à un poste frontière, là où il aurait pu faire quelque chose d'utile pour le public canadien.
Nous convenons qu'il faut réduire les coûts. Cela ne nous effraie pas. Mais nous estimons qu'il y a d'autres endroits, des endroits plus appropriés, pour effectuer des coupures.
Le sénateur St. Germain: Une question rapide, monsieur le président, si vous le permettez. Est-ce que le directeur vous invite jamais à venir le voir pour vous demander votre avis sur les économies possibles?
M. Legacy: En fait, je vous signale que M. Cocksedge est ici. Une réunion est prévue précisément dans ce but dans les Cantons de l'Est, où certains de nos membres ont discerné des possibilités, notamment la fermeture de certains postes frontières relativement peu fréquentés. Par conséquent, oui, c'est un facteur. Ce sera la première fois que les choses se passent ainsi, mais nous espérons que ces réunions se multiplieront dans tout le pays.
Le président: Le sénateur Kenny, suivi du sénateur Angus, et nous entendrons ensuite la ministre. Nous passerons ensuite à la ministre et au sous-ministre.
Le sénateur Kenny: Juste une petite précision. Existe-t-il au sein du ministère un programme d'encouragement à faire des économies?
M. Legacy: Je ne sais pas. Il faudrait demander au sous-ministre. Je n'en connais pas, mais il y en a peut-être au niveau des gestionnaires; pour ma part, je n'en connais pas.
Le sénateur Kenny: Pensez-vous que ce serait une bonne idée?
M. Legacy: Bien entendu. Comme je l'ai toujours dit et comme je continuerai à le dire, les travailleurs à la base ont conscience de ces choses, car ils font le travail chaque jour, et ils sont une mine d'information qui n'attend que d'être exploitée. J'espère qu'elle le sera par le biais du syndicat. Nous avons un programme de relations de travail, et même si nous ne sommes pas toujours d'accord avec la direction, ce programme fonctionne assez bien dans tout le pays et nous dialoguons sur diverses autres choses.
Nous sommes pleinement convaincus que, si l'on veut avoir de bonnes relations de travail, il faut savoir scinder les problèmes. Nous ne transférons pas sur d'autres programmes les divergences de vues que nous pouvons avoir sur un autre sujet. Nous les laissons là où elles sont et travaillons à autre chose, et parfois dans la cordialité et avec succès.
Le sénateur Kenny: Le syndicat a fait état par le passé, ici, du rapport Ekos. Pourriez-vous nous rafraîchir la mémoire sur le sujet de ce rapport et nous dire s'il a été suivi d'effet?
M. Legacy: Oui. Vous remontez là pas mal loin en arrière. C'était une étude commandée initialement par le ministère de l'Immigration. Il montrait qu'à la ligne PIAPE, ou la ligne primaire -- pour le profane, c'est le moment où vous traversez la frontière ou atterrissez dans un aéroport et que vous parlez au premier agent, l'agent primaire --, on laisse passer jusqu'à 50 000 immigrants illégaux pendant une certaine période. Je ne peux pas vous donner les chiffres exacts à l'heure actuelle, mais je crois qu'ils sont toujours très élevés, aux alentours de 50 000.
Ces entrées illégales étaient dues à un certain nombre de facteurs, dont une piètre formation; mais je pense que la cause principale était un manque de zèle de la part des agents qui recevaient de la direction des signaux confus quant à leur mission réelle. Était-ce d'appliquer strictement la loi ou bien de faciliter les choses aux arrivants? Il y avait beaucoup de confusion à ce sujet. Voilà la substance du rapport Ekos.
Une étude plus importante, cependant, est le rapport Tassé, qui se penchait sur le pouvoir des agents. Nous tentons de mettre la main sur ce rapport depuis un an, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. J'ai découvert l'année dernière combien cette loi comporte de lacunes. C'est le dernier document qui, à mon avis, devrait être rendu public -- ou que nous devrions pouvoir lire car il pourrait calmer certaines de nos préoccupations, ou peut-être faire apparaître de nouveaux problèmes.
Quoi qu'il en soit, je pense que le rapport Tassé mettra en évidence à peu près les mêmes caractéristiques ou problèmes à la frontière que le rapport Ekos. Cependant, je ne peux parler actuellement que du rapport Ekos, car nous n'avons pas vu le rapport Tassé.
Le sénateur Kenny: Les communications se sont-elles améliorées ou les missions ont-elles été précisées depuis le rapport Ekos?
M. Legacy: Le rapport a été déposé juste avant ou juste au moment de l'unification administrative. À mon avis, cette dernière fait plus que réaménager certaines de ces missions. Les missions sont davantage en évolution du fait que toutes sortes de choses se passent en même temps. La dernière est la nouvelle commission du revenu, qui remet tout sens dessus dessous car nous voyons maintenant se profiler toute une structure entièrement nouvelle, ou du moins sensiblement différente.
Je ne pense pas que les missions des agents pourront être précisées tant que le ministère ne saura pas lui-même quel est son mandat. Il en a une certaine idée, mais la nouvelle commission suscite certainement un nouveau point d'interrogation.
Le sénateur Angus: Monsieur Legacy, je veux moi aussi vous souhaiter la bienvenue. Je vous félicite de la franchise avec laquelle vous exposez vos vues au comité.
J'ai plusieurs questions qui ne sont pas directement liées à votre mémoire. Peut-être ne sont-elles pas pertinentes. Je n'ai jamais bien compris l'articulation entre le rôle de l'agent d'immigration et celui de l'inspecteur des douanes, et je me suis souvent demandé s'il n'y a pas là un chevauchement de fonctions ou la possibilité de réaliser de grandes économies.
Prenons par exemple un aéroport comme Dorval ou Mirabel. J'ai atterri à Mirabel cette semaine même; on a toujours l'impression de s'y retrouver dans un zoo, alors qu'il n'y a qu'environ huit vols par jour. Mais ils semblent tous arriver en même temps et les gens se plaignent de la lenteur des formalités: «Ces maudits douaniers, ne pourraient-ils pas s'organiser un peu mieux?» Mais je me dis que le problème, ce ne sont pas les douaniers, ce sont les services d'immigration, ceux qui s'occupent de la vérification des passeports et cetera. Je dois dire que je ne m'y retrouve pas du tout.
Pourriez-vous nous expliquer la différence et comment il serait possible d'améliorer les choses?
M. Legacy: Dans mes fonctions antérieures, j'étais inspecteur des douanes et jusqu'à ce jour certains de mes amis, et même de mes parents, continuent à penser que je suis agent d'immigration, car il y a beaucoup de confusion à ce niveau.
Prenons comme exemple le côté américain et le côté canadien. Lorsque vous arrivez à un poste frontière américain, au premier contact, vous pouvez avoir affaire soit à un inspecteur des douanes soit à un agent d'immigration. C'est le même uniforme, les mêmes questions, mais des écussons d'épaule différents. Ils appartiennent en fait à deux services différents, mais ils se relaient sur la ligne primaire et vous pouvez être interrogé par l'un ou l'autre.
Le sénateur Angus: Sur l'un ou l'autre sujet?
M. Legacy: C'est juste.
Le sénateur Angus: Un agent d'immigration peut vous demander si vous avez quelque chose à déclarer. Il ramasse toujours vos déclarations de douane et cetera.
M. Legacy: C'est juste. Au Canada, lorsque vous arrivez à la ligne primaire, vous avez toujours affaire à un inspecteur des douanes en uniforme. Les inspecteurs d'immigration ne sont pas postés sur la ligne primaire. Ils sont dans un bureau et ils s'occupent de ce que nous appelons les renvois à l'examen secondaire.
Le président: Je sais que la question peut sembler triviale, mais vous voulez dire que lorsque je passe la ligne à l'aéroport Pearson, la personne à laquelle je montre mon passeport est un douanier?
M. Legacy: C'est juste.
Le président: Mais au-dessus du comptoir, il y a un panneau qui dit «Immigration».
M. Legacy: Je demanderai à quelqu'un d'autre de parler de la situation dans les aéroports, mais à un poste frontière terrestre...
Le président: Je suis très surpris. Je pensais que c'étaient tous des agents d'immigration.
M. Legacy: Vous n'avez affaire à l'agent d'immigration que si un inspecteur des douanes vous renvoie à lui. En d'autres termes, nous appliquons certaines normes. Si l'inspecteur des douanes n'est pas convaincu que vous êtes qui vous prétendez être, ou s'il semble y avoir une difficulté avec votre pays d'origine, ou si vous venez pour travailler et que vous êtes ressortissant des États-Unis, nous vous envoyons dans tous les cas voir l'agent d'immigration dans son bureau, qui s'occupe de ce que nous appelons les renvois d'examen secondaire, et c'est lui qui autorise ou refuse votre entrée au Canada. Mais vous parlez toujours d'abord à l'inspecteur des douanes.
Le sénateur Angus: Juste pour m'assurer que vous comprenez bien ce que je veux déterminer, et je le crois, il y a un chevauchement des fonctions à ce niveau primaire. Les membres de votre syndicat font un travail d'agent d'immigration, en sus de leur travail de douanier.
M. Legacy: Oui.
Le sénateur Angus: Et c'est une grande source de confusion.
M. Legacy: Oui, car la plupart des gens, vu qu'on leur demande où ils habitent et s'ils ont un passeport et cetera, pensent automatiquement qu'il s'agit d'un agent d'immigration. On les comprend. Ce sont des questions de type immigration, mais c'est un inspecteur des douanes qui vous les pose.
C'est là quelque chose de nouveau. Il y a des années, jusqu'au milieu des années 60 environ, c'est un agent d'immigration qui posait les questions. Une fois que vous aviez franchi cette ligne, vous deviez répondre aux questions d'un inspecteur des douanes.
Le sénateur Angus: C'est ainsi que cela fonctionne partout en Europe. C'est ainsi que cela se fait en Europe.
M. Legacy: C'est juste. Chez nous, on a cessé de procéder ainsi au début ou au milieu des années 60. Les douanes effectuent depuis tous les interrogatoires primaires. M. Kosakowski voudra peut-être dire un mot à ce sujet.
M. Doug Kosakowski, troisième vice-président national, Union Douanes Accise: Je travaille à Niagara Falls, au pont Whirlpool, qui est un point d'entrée. Comme M. Legacy le disait, chaque inspecteur des douanes effectue les interrogatoires d'immigration primaires. Certains arrivants sont renvoyés pour examen secondaire. Les agents d'immigration ne s'occupent pas d'inspections douanières. Des protocoles d'entente ont été signés avec les services d'immigration, prévoyant que certains inspecteurs des douanes fassent même plus que l'interrogatoire d'immigration primaire. Ils font plus que les interrogatoires primaires dans les petits postes frontières. De ce fait, le chevauchement est encore plus grand que cela en certains lieux -- mettons dans l'Ouest, dans les postes frontières isolés, les endroits de ce genre. J'espère que cela vous éclaire un peu.
Le sénateur Angus: Ce à quoi je veux en venir, mesdames et messieurs, c'est qu'il me semble que l'on gaspille une trop grande partie du temps précieux des douaniers dans ces postes à faible risque -- j'entends du point de vue de la contrebande, qui représente le problème réel pour lequel vous dites manquer de ressources et à l'égard duquel notre noble tradition de bonne exécution des lois subit une érosion. J'ai l'impression que dans les aéroports, les postes par lesquels passe la grande majorité du public voyageur canadien, tous ces agents des douanes font un travail d'immigration, et que leur fonction douanière ne représente presque rien.
Il suffit de regarder et de voir passer des centaines et des centaines de personnes qui disent: «Je n'ai rien à déclarer». Elles passent sans contrôle, mais chacune accapare cinq ou dix minutes du temps de cet agent, qui pourrait autrement être à Kanesatake, ou dans une affectation utile, à s'occuper des vrais problèmes. Je me demande simplement si vous avez une recommandation à faire à ce sujet, si nous ne sommes pas en train de rater le train.
Je ne sais pas si le libre-échange a des répercussions sur votre travail, mais je pensais que nous étions censés, en vertu de l'ALÉNA et de l'ALÉ, ne plus avoir besoin d'agents des douanes, surtout dans ces postes à faible risque.
M. Legacy: Oui. Nous nous sommes effectivement penchés là-dessus à plusieurs reprises. Cependant, c'est une question qu'il vaudrait probablement mieux poser au ministre, pour savoir quelles dispositions sont ou ont été envisagées en vue d'une rationalisation ou de quelque protocole conjoint.
Cependant, vous apprécierez encore plus ce que je vais vous apprendre. Si vous achetez un laissez-passer de 50 $, vous n'avez besoin de parler à personne. Vous pouvez passer sans autre formalité.
Le sénateur Angus: Que voulez-vous dire par là?
M. Legacy: Je parle du projet CANPASS.
Le sénateur St. Germain: Mais vous pouvez faire des vérifications ponctuelles à tout moment, n'est-ce pas?
M. Legacy: Oui, bien entendu.
Le sénateur St. Germain: Ne pensez-vous pas que c'est encore plus compliqué?
M. Legacy: Je ne voulais réellement pas ajouter à la confusion.
Le sénateur St. Germain: Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais m'attarder sur cette question. Dans la ligne à 50 $, votre ligne express, vous effectuez des vérifications surprises, mais la question -- et c'est vous les experts et c'est pourquoi je vous le demande -- ne pensez-vous pas que cela crée un plus grand sentiment de responsabilité et suscite une plus grande crainte, si vous faites uniquement des vérifications surprises? Si l'arrivant sait qu'il va être contrôlé, il va faire attention, il est obligé. La raison pour laquelle je vous demande cela, c'est que je sais que votre syndicat y était opposé.
M. Legacy: Au contraire. Ce n'était qu'une remarque anecdotique et j'aurais peut-être dû ne pas la faire; mais j'aimerais répondre, si je puis. Nous sommes réellement en faveur du programme CANPASS qui illustre bien mon propos. Je l'ai mentionné uniquement à titre d'illustration. Nous sommes en faveur du programme CANPASS et nous avons pleinement conscience qu'il existe un trafic à faible risque et un trafic à haut risque.
Pour dire les choses simplement, nous ne devrions pas gaspiller notre temps et nos rares ressources sur le trafic à faible risque. Nous sommes d'accord sur ce principe. Notre seule réserve est que, si l'on va opter pour ce système, il faut disposer d'une bonne source de renseignements, avec une bonne infrastructure, de façon à pouvoir distinguer les niveaux de risque.
Deuxièmement, oui, il faut effectuer des contrôles-surprises. Les sanctions doivent être suffisamment sévères pour être dissuasives afin que les détenteurs de ces laissez-passer ne violent pas la confiance qui leur est faite. Si ces conditions sont remplies, nous sommes en faveur du système, car c'est une façon de pouvoir déployer nos ressources là où elles sont requises. Toute plaisanterie mise à part, c'est un bon programme à l'époque actuelle, vu les problèmes qui se posent, et à condition que toutes les autres choses soient faites.
Le président: Le sénateur Angus a une dernière question, et puis le sénateur Perrault en aura une petite et le sénateur Austin, et nous passerons ensuite à la ministre.
Le sénateur Angus: Juste pour résumer, si j'ai bien suivi, vous, du syndicat, étiez vigoureusement opposé à cette mesure, le projet de loi C-2 et au mariage forcé entre Douanes et Accise et Revenu Canada, Impôt. Le projet de loi a été néanmoins adopté. Vous dites maintenant, sans ambages, que cette mesure a été prise contre votre gré et que la mise en oeuvre laisse à désirer, et que nombre des mesures promises et des engagements pris n'ont pas été tenus, notamment le déblocage de crédits, et cetera et l'engagement de personnel nouveau pour renforcer votre côté de l'administration. Ces choses n'ont pas été faites. Ai-je bien saisi?
M. Legacy: À notre connaissance, c'est ainsi.
Le sénateur Angus: Par conséquent, votre doléance est que, aussi mal avisée qu'ait été la mesure au départ, les aspects compensateurs positifs qui devaient l'accompagner ne se sont pas matérialisés.
Si je puis interpréter votre propos ou votre point de vue, vous considérez en fin de compte que les fonctions que les douaniers devraient remplir dans l'environnement actuel sont plutôt incompatibles avec la perception d'impôts et vous aimeriez que ces fonctions soient totalement différentes, et plutôt du type sécurité publique ou quelque chose du genre. Ai-je raison?
M. Legacy: Oui, c'est juste.
Le sénateur Angus: Je déteste schématiser, mais c'est en gros votre position.
M. Legacy: Je pense que vous l'avez assez bien résumée.
Le président: Le sénateur Austin, puis le sénateur Perrault, et ensuite nous passons à la ministre.
Le sénateur Austin: Je voudrais simplement poser cette question qui fait suite à celle du sénateur Angus: si vous aviez le choix, retourneriez-vous au statu quo ante, à la situation antérieure, ou visez-vous plutôt, comme c'est mon impression, à mieux faire fonctionner ce qui existe? Lequel des deux?
M. Legacy: En fait, aucun des deux. Nous pensons qu'il devrait exister une structure d'exécution des lois au niveau fédéral. Même lorsque nous étions séparés, antérieurement, nous n'étions pas totalement satisfaits de cette situation non plus. Nous pensons que nous devrions faire partie d'un groupe de maintien de l'ordre. Bien que nous percevions des taxes, nous travaillons également pour d'autres organismes et nous estimons que Douanes et Accise devrait faire partie d'une sorte de structure fédérale de maintien de l'ordre.
De fait, l'Association canadienne des policiers, en collaboration étroite, me semble-t-il, avec les chefs de police, fait pression en vue de la création d'une structure fédérale de maintien de l'ordre qui engloberait, comme une sorte de ministère de la Sécurité publique, tous les agents fédéraux chargés d'exécuter les lois, les agents des pêches, les agents d'immigration, les inspecteurs des douanes, la police portuaire, et cetera.
S'il peut sembler que nous préconisons cela depuis la fusion, c'est en fait un mouvement qui a commencé bien avant. Mais c'est devenu d'autant plus important depuis que nous sommes amalgamés avec un groupe aussi important de percepteurs d'impôt avec lesquels nous n'avons aucune communauté d'intérêt réelle, hormis le fait que nous percevons quelques taxes. Cependant, les recettes fiscales que nous percevons sont passées de 4,2 p. 100 des recettes fédérales en 1994 à près de 2,2 p. 100 en 1995. C'est dû au fait qu'avec le libre-échange et l'ALÉNA, il y a moins de droits de douane à percevoir, car la plupart des marchandises sont exonérées; mais il existe un grand besoin nouveau au niveau de l'application des lois, car nous voyons entrer toutes sortes de choses au Canada en provenance des États-Unis, et nous savons tous ce qu'elles sont.
Alors que nous venons de traverser deux réformes successives, nous avons maintenant une troisième situation avec la nouvelle commission du revenu, qui rend encore moins probable que la première ligne de défense du Canada soit privatisée et confiée à une commission ou un organisme indépendant.
Le sénateur Austin: Votre désaccord fondamental porte sur toute la conception du gouvernement du travail dans ce secteur. Vous estimez, en gros, que l'application des lois cède le pas à d'autres objectifs?
M. Legacy: Je le pense.
Le sénateur Austin: C'est votre préoccupation fondamentale.
M. Legacy: Oui, c'est juste.
Le sénateur Austin: Pourrais-je juste poser une question supplémentaire? Est-ce que le nombre des membres de l'Union Douanes Accise a changé depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-2? Avez-vous le même nombre de syndiqués? Ou bien ce nombre a-t-il augmenté ou diminué?
M. Legacy: Nous avons environ 1 000 membres de moins qu'il y a deux ou trois ans. Ils n'ont pas été nécessairement tous retranchés du secteur Douanes, car nous représentons également les agents de la TPS. Je ne connais pas la ventilation entre agents des douanes et agents de la TPS, mais nous avons certainement perdu un millier de membres.
Le sénateur Austin: Vous ne dites pas que cette compression d'effectifs est nécessairement attribuable au projet de loi C-2?
M. Legacy: Je pense que les compressions d'effectifs du gouvernement sont en grande partie responsables.
Le sénateur Austin: Les compressions d'effectifs générales.
M. Mercer: Oui, mais il y a eu aussi des réductions lorsqu'ils ont transféré les agents d'Accise/TPS dans un bureau de service fiscal -- et ce mariage est un bon mariage en ce sens qu'il produit des revenus pour le ministère, car les deux catégories d'agents faisaient le même travail. Les uns font des vérifications aux fins de l'impôt sur le revenu, les autres aux fins de la TPS, et il y a une logique dans ce regroupement. Nous ne le contestons pas du tout. Cependant, lorsque cela a été fait, le secteur Accise/TPS du ministère a perdu beaucoup plus de gens, si vous faites la comparaison. En pourcentage, c'est plutôt le secteur Impôt qui en a perdu le plus. Dans la section dans laquelle je travaille, avant le regroupement, nous étions 25. Nous ne sommes plus que neuf. Les autres ont été replacés dans des postes du secteur Impôt.
Le sénateur Austin: Mais ils restent syndiqués?
M. Legacy: Dans un autre syndicat.
M. Mercer: Oui, mais le problème c'est que, en tant que percepteurs d'impôt, ils font un travail très différent de celui de douanier.
Le sénateur Austin: Je saisis bien.
M. Mercer: Nous ne pensons pas que ce mariage fonctionne bien.
Le sénateur Perrault: Monsieur le président, je suis heureux de pouvoir enfin poser une question. Nous avons quelques sénateurs volubiles. Ce sont de bons gars, mais il n'y a parfois pas moyen de les arrêter. J'avais plusieurs questions à poser, mais j'y renoncerai car je tiens à entendre la ministre. Je pense que son témoignage est important.
Monsieur Legacy, pour ce qui est du résultat net de ces changements, vous les résumez à la page 25, lorsque vous dites: «...on a jouté du poison au potage». C'est une appréciation pas mal négative.
Vous nous avez fait part de certaines de vos préoccupations aujourd'hui. J'aimerais répéter ce que divers sénateurs vous ont déjà dit aujourd'hui, à savoir que nous souhaitons entendre vos suggestions sur la façon de mieux rentabiliser les sommes provenant de la poche du contribuable consacrées à toute cette activité. Vous avez dressé la liste de toutes les raisons qui font que le système actuel est défectueux. Nous serions tout à fait désireux d'entendre les suggestions que vous pourriez faire, indépendamment de votre affiliation politique, en vue de rendre cette activité plus productive et plus efficiente.
Je vais vous poser encore une courte question avant que nous passions à la ministre. À la page 24, vous critiquez très fortement la collaboration avec la GRC à la frontière. Vous dites que:
Beaucoup de nos membres nous ont affirmé qu'ils ne pourraient pas reconnaître un seul des agents de la GRC de leur poste local. Nous apprenons aussi du niveau local que les communications téléphoniques entre les deux organisations sont inexistantes. Ainsi, par exemple, la GRC a hésité à prêter main forte à Douanes Canada dans ses efforts en vue de contrôler les exportations illégales de céréales. La GRC ne veut tout simplement pas participer aux opérations, pour des raisons inconnues. Il n'y a tout simplement pas de coordination des activités d'exécution avec la GRC à la frontière.
C'est assez incroyable.
Monsieur le président, je pense qu'il nous faut des preuves car, si c'est vrai, il est aberrant qu'il n'y ait absolument aucune coordination avec la GRC, et même pas de contact téléphonique, à nos frontières.
Le sénateur Angus: Vous auriez dû être sur le navire dans le port de Halifax, hier, pour voir les hommes en action.
Le sénateur Perrault: Nous avons besoin de précisions. J'aimerais entendre ce que vous pouvez nous dire.
M. Legacy: En ce qui concerne votre déclaration antérieure à l'effet qu'il faut collaborer pour améliorer les choses, j'ai déjà dit, et je le répète, que nous avons une divergence de vue avec notre ministère et avec le gouvernement sur cette question. Mais il y en a beaucoup d'autres sur lesquelles nous ne sommes pas en désaccord et sur lesquelles nous collaborons extrêmement bien, et la communication est bonne. Nous donnons notre avis sur un certain nombre de politiques et programmes. Cependant, nous ne pouvons être d'accord sur tout et il se trouve que nous sommes en désaccord sur cet aspect. Ce n'est pas réellement une condamnation du ministère ou du gouvernement. Simplement, nous avons une divergence de vue sur cette question, mais il y en a beaucoup d'autres sur lesquelles nous sommes d'accord.
Pour ce qui est de la GRC, nous avons envoyé un questionnaire à nos membres de base, dans tout le pays. Le mémoire résume les réponses que nous avons reçues.
Le sénateur Perrault: C'est très inquiétant.
M. Legacy: Oui, ça l'est. Cependant, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des endroits où les choses vont bien. Cela marche peut-être dans certains endroits. Il ne faut pas oublier que nombre de nos membres travaillent dans des régions où la GRC assure seule tous les services de police; ce sont des régions moins peuplées que celles où vous avez une police municipale ou, par exemple, l'OPP. Cela signifie que les agents de la GRC peuvent avoir à couvrir des centaines de milles de territoire pendant chaque quart -- et je suppose qu'elle n'est pas non plus exempte des compressions d'effectif que l'on voit partout. Elle a donc ses propres difficultés. Je pense effectivement qu'elle manque encore davantage de personnel qu'auparavant. Si nous avons un problème, nous pouvons téléphoner. Si nous téléphonons des Cantons de l'Est, par exemple, l'appel va sans doute être acheminé à Montréal, et là elle voit si elle a un agent disponible; mais la plupart du temps, elle n'en a pas.
Le sénateur Perrault: C'est une région qui exige une surveillance.
M. Legacy: C'est juste. Les agglomérations exigent moins d'attention, là où on trouve des détachements de la GRC dans les aéroports et cetera; mais je crois savoir que cette présence aussi est remise en cause. Le problème se pose davantage dans les régions isolées, où il n'y a pas beaucoup de population et pas de force de police disponible la plupart du temps.
Mais ne pensez pas qu'il y ait là une controverse entre nous et la GRC. C'est dû simplement au fait que la GRC non plus ne possède pas la main-d'oeuvre voulue.
Le sénateur Perrault: Il faut faire quelque chose pour y remédier.
Le président: Merci à vous d'être venu, monsieur Legacy, ainsi qu'à vos collègues. Bien entendu, vous êtes plus que les bienvenus si vous voulez rester. Je sais que vous êtes impatients d'entendre la ministre et le sous-ministre.
Sénateurs, nos prochains témoins sont la ministre du Revenu national, l'honorable Jane Stewart, et le sous-ministre du Revenu, Pierre Gravelle. Certains d'entre vous se souviendront que M. Gravelle a déjà comparu ici à plusieurs reprises sur ce sujet et sur d'autres. C'est la première comparution de Mme Stewart devant le comité, et nous la remercions infiniment d'être venue.
L'hon. Jane Stewart, c.p., députée, ministre du Revenu national: Je vous remercie, sénateur.
Le président: Vous constaterez que, contrairement au comité de la Chambre, les questions ici sont un peu moins politiques mais beaucoup plus fouillées et fréquemment plus difficiles, si je puis le dire moi-même sans me vanter.
Nous avons lu votre mémoire et je crois savoir que vous avez une déclaration liminaire à faire et que vous voudrez bien répondre ensuite à nos questions.
Mme Stewart: Comme vous l'avez dit, je suis nouvelle, mais mes amis ne le sont pas, le sous-ministre Pierre Gravelle, le sous-ministre adjoint Allan Cocksedge et le sous-ministre adjoint Bill Crandall. Vous les avez déjà vus.
Si vous voulez bien me pardonner, en tant que nouvelle ministre, j'aimerais vous parler un peu de la façon dont je perçois le ministère, et particulièrement le secteur de Revenu Canada qui s'occupe des douanes. J'espère pouvoir vous éclairer et vous convaincre que la vision que nous avons de cet élément très important de notre ministère est claire, focalisée et tournée vers l'avenir.
Je commencerai par souligner l'excellent travail accompli par la CEUDA et nous voulons certainement féliciter M. Mansel Legacy, qui est le président du syndicat depuis 15 ans mais qui, m'a-t-on dit, ne se représentera pas. Il a remarquablement représenté nos employés et tous nos voeux l'accompagneront après le mois d'octobre, lorsqu'il se consacrera à ses autres centres d'intérêt.
Sénateurs, je dois dire qu'à mon arrivée dans le ministère, j'ai été renversée par l'étendue des changements qui y ont été entrepris. Je sais que tout changement se répercute sur les gens et je suis très consciente des difficultés qu'il peut entraîner, mais je dois dire à quel point je suis impressionnée de voir comment nos employés réagissent au changement et continuent à fournir des services de grande qualité aux Canadiens.
Indépendamment de cela, nous savons que le statu quo n'est tout simplement pas acceptable. Il n'est pas acceptable aujourd'hui, il ne sera pas acceptable demain. Nous devons tous évoluer pour nous améliorer, et la responsabilité que nous avons en tant que gouvernement est d'imprimer cette évolution. Le changement est nécessaire et il aidera le Canada à mieux fonctionner. Les enjeux sont plus grands que jamais. Nous sommes plus professionnels, plus innovateurs, plus souples et plus au diapason de ce que les Canadiens veulent et attendent d'une administration fiscale et douanière moderne.
Je suis sûre que vous n'êtes pas surpris d'apprendre qu'une révolution est en cours. Les pouvoirs publics au Canada sont sans cesse pressés de réduire l'endettement public et privé, de mettre de l'ordre dans les finances du pays et d'investir des ressources là où le besoin s'en fait le plus sentir. Revenu Canada doit réagir, et ce avec rapidité.
Nous avons toujours un choix. Nous pouvons combattre le changement ou nous pouvons l'utiliser comme locomotive du progrès. Nous devons travailler plus intelligemment et devenir plus réceptifs. Nous devons mettre à contribution l'énergie et l'enthousiasme de nos employés parce que nous pouvons réellement faire une différence.
À Revenu Canada, nous sommes au milieu du programme de restructuration le plus ambitieux jamais entrepris au pays. Nous faisons de réels progrès qui sont attribuables en large partie au travail acharné de nos 40 000 employés. L'élément clé est l'unification administrative de l'Accise, des Douanes et de l'Impôt.
L'unification n'est pas un simple remaniement d'organigrammes, c'est une façon de mieux travailler. Il s'agit de créer une administration du revenu et des douanes meilleure et plus efficace, une administration qui améliore l'observation de la loi, qui réduit le fardeau et les coûts supportés par les entreprises, les particuliers et les contribuables et qui accroît l'accessibilité et le service.
Le volet douanes de Revenu Canada nous offre des perspectives toutes particulières. Les administrations douanières dans le monde sont à un tournant de leur longue histoire où elles ont servi de borne-frontière de leur État respectif.
Encore une fois, l'heure n'est pas au statu quo, étant donné les changements qui interviennent dans le monde. Notre milieu de travail évolue à un rythme époustouflant. Il y a peu, les entreprises transigeaient encore par téléphone et télégraphe et les marchandises étaient transportées par navire. Les droits de douane étaient élevés, les biens et les gens circulaient lentement et le protectionnisme était la norme.
Aujourd'hui, ici au Canada, 34 p. 100 de notre économie est tributaire des marchés d'exportation. Les droits de douane tendent à disparaître, la technologie de l'information permet aujourd'hui de communiquer et de conclure des affaires à la vitesse de l'éclair.
Une gestion frontalière efficace et efficiente suppose trouver les moyens de laisser les «biens et personnes à faible risque» passer rapidement à la douane, afin que celle-ci puisse concentrer ses efforts sur les «biens et personnes sujets à caution». Ce n'est pas une diminution du contrôle d'application des lois, c'est un contrôle amélioré et plus intelligent.
Si les gouvernements se concurrencent dans certains domaines, les compressions des dépenses les forcent aussi à trouver des solutions innovatrices. Le nouvel ordre international, la mondialisation et la concurrence obligent tous à penser plus intelligemment et à trouver de meilleures façons de faire les choses.
Nous attendons des employés des douanes de Revenu Canada, en tant que représentants du pays, qu'ils deviennent les champions de la fierté nationale et les apôtres du tourisme et du commerce. Mais ils doivent en même temps s'acquitter de la mission consistant à faire respecter la loi. Ils mettent à exécution des lois qui protègent nos collectivités contre les armes à feu et les drogues illégales, des lois qui protègent nos entreprises contre la concurrence étrangère déloyale, ainsi que des lois qui régissent l'entrée des gens au Canada. Ils perçoivent en outre divers droits et taxes. Ces responsabilités sont importantes, complexes et souvent contradictoires.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples pour illustrer cette complexité. Imaginez que vous êtes un agent de douane. Il est 15 heures et vous êtes de service au tunnel de Windsor. Il fait chaud, vous êtes fatigué et il y a une longue file de camions, des centaines de camions, et vous savez que certains transportent des marchandises prohibées, des armes et de la drogue. Que faites-vous dans une telle situation? Il faut que le trafic s'écoule, mais vous avez cette responsabilité d'appliquer la loi. Une chose est certaine: il n'est pas question de compromettre la protection du public.
Pour vous donner un autre exemple, imaginez qu'il fait nuit, et que vous assistez à l'arrivée d'un 747 en provenance de Heathrow dont descendent 400 personnes fatiguées qui n'ont qu'un seul désir: sortir de l'aérogare et rejoindre leur famille ou ne pas manquer leur vol de correspondance. Mais certains des passagers viennent d'un pays touché par une épidémie du virus mortel Ebola, un virus très contagieux qui se transmet par les fluides corporels, la toux ou l'éternuement. C'est une situation difficile, mais soyez assurés que nous n'autoriserons jamais l'entrée d'une personne dont nous savons qu'elle met en danger la santé des Canadiens.
Avant de poursuivre, j'aimerais ajouter quelques exemples tirés d'un autre contexte. Imaginez que vous travaillez dans une aciérie de Hamilton qui lutte pour survivre dans un secteur où la concurrence est très vive. Chaque emploi est capital, chaque sou compte pour développer l'entreprise et créer d'autres emplois. Vos sujets de préoccupation ne sont pas les relations commerciales internationales ou les sanctions commerciales, ni la facilitation du commerce. Ce qui vous préoccupe, c'est la santé de l'entreprise et votre gagne-pain.
Ou bien mettons que vous êtes un voyagiste de Colombie-Britannique. Votre réussite et la paie de vos employés dépendent de la réputation du Canada comme pays accueillant et chaleureux. Vous voulez une frontière ouverte, que le voyageur franchit sans retard et en bénéficiant de services cordiaux et rapides, et peu vous importe les autres problèmes, vous en avez bien assez des vôtres.
On pourrait donner bien d'autres exemples des décisions difficiles et concrètes que les agents de douane doivent prendre chaque jour, sept jours sur sept et 24 heures sur 24, d'un bout à l'autre du pays.
Ces exemples montrent l'incroyable défi que doivent relever nos employés et je dois dire que les Canadiens ont des raisons d'être fiers du travail qu'ils font. Il nous faut intercepter les «méchants», mais nous ne pouvons incommoder les «bons».
Quelle est donc la solution? Toute cette complexité et les autres problèmes découlant de lois désuètes, de ressources réduites, de l'augmentation substantielle du volume des transactions et de la demande de services, ainsi que de l'évolution rapide des règles du commerce international, sont bien réels et ne disparaîtront pas.
Il nous faut un service frontalier moderne, souple et adaptable. Nous avons besoin d'une frontière intelligente. Il nous faut confronter les problèmes réels sans compromettre la santé et la sécurité des Canadiens, leurs emplois ou leur compétitivité commerciale. Nous devons gagner la guerre contre le trafic de drogue et la contrebande des armes. Nous devons nous préparer à répondre aux nouvelles préoccupations qui surgissent à l'échelle internationale, notamment en ce qui concerne les matières nuisibles à l'environnement, les déchets nucléaires et les maladies. Et nous avons besoin aussi d'une frontière qui soit accueillante pour les visiteurs venant du monde entier. C'est une véritable gageure.
Mon objectif, en tant que ministre responsable des Douanes canadiennes, est d'instituer une frontière intelligente. Nous avons un plan. Il est novateur, il est audacieux. Il tire pleinement avantage des compétences d'un personnel professionnel et dévoué, des nouvelles technologies et des pratiques commerciales modernes. C'est un plan ambitieux qui requiert toute notre énergie et un véritable partenariat avec les employés et les Canadiens.
Une frontière intelligente sait reconnaître que la plupart des gens respectent la loi. Une frontière intelligente permet de satisfaire simultanément à cette double exigence: faciliter le commerce et le tourisme et protéger le Canada et ses citoyens.
La stratégie que nous mettons en oeuvre vise à simplifier notre procédure à l'égard des personnes et des activités commerciales à faible risque. Cela nous permet de libérer notre personnel et nos ressources pour améliorer le service et nous concentrer particulièrement sur la circulation à risque élevé.
Nous voulons affecter le personnel à des tåches à valeur ajoutée qui fassent une différence. Nous voulons que notre personnel sorte de la routine et mette à profit ses connaissances, ses compétences et son discernement. Nous éliminons les formalités et les paperasses archaïques qui contribuent de façon minimale à la réalisation de nos objectifs. Nous nous servons de la technologie comme d'un instrument stratégique pour permettre à notre personnel de se concentrer sur les choses essentielles.
Notre plan d'action comprend quatre éléments clés. Premièrement, nous sommes en train de restructurer complètement nos processus commerciaux. Il faut accélérer l'entrée au Canada des marchandises et réduire le fardeau et le coût des formalités que les entreprises doivent remplir pour respecter la loi. Nous devons être plus compétitifs. Nous devons être meilleurs que les États-Unis. Nous devons être meilleurs que nos dynamiques partenaires commerciaux de l'Asie et du Pacifique.
Par exemple, nous avons mis en oeuvre le système de soutien de la mainlevée accélérée des expéditions commerciales, le SSMAEC. Celui-ci permet l'échange électronique de données sur les licences, données qui peuvent être traitées en un seul endroit pour le compte de plusieurs bureaux de douane. Songez à la commodité et au gain de temps qui en découlent pour les entreprises. Elles n'ont plus à se rendre à un bureau de Revenu Canada, c'est Revenu Canada qui vient à elles. Les entreprises n'ont plus à faire la queue et à remplir des formulaires, elles peuvent s'occuper de leurs affaires et de leurs clients. Les marchandises importées ne restent pas en souffrance à la frontière; elles sont dans les salles d'exposition, les entrepôts et sur les rayonnages, à la disposition des Canadiens. Les usines ne sont pas silencieuses, elles vrombissent.
Deuxièmement, nous sommes en train de restructurer nos processus à l'égard des voyageurs. Notre but est d'offrir un bon service en assurant un bon équilibre entre les contrôles ciblés et la facilitation de la circulation. L'ouverture récente de la nouvelle aérogare internationale de Vancouver constitue un excellent exemple du mariage d'installations à la pointe du progrès et de nouvelles méthodes douanières. Le projet pilote CANPASS de Vancouver est un bon exemple d'une façon de travailler plus intelligente, qui bénéficie aux voyageurs sans compromettre notre mission de protection. Nous espérons pouvoir offrir bientôt aux voyageurs à faible risque une «carte intelligente» qui leur permettra de passer la frontière après un simple «balayage de carte» dans un kiosque.
Troisièmement, nous avons besoin d'un fondement législatif qui nous permette d'atteindre nos buts. Il ne faut pas oublier que bon nombre des lois que nous appliquons sont vieilles de plus d'un siècle. Nous avons pris des mesures en ce sens. Le projet de loi C-102 a permis une modernisation remarquable de notre programme de report et d'exonération des droits de douane. Une loi cadre nous a permis de rationaliser nos procédures et d'autres modifications statutaires et réglementaires sont déjà en train.
Bien entendu, il ne faut pas oublier que la mesure dont nous parlons aujourd'hui, le projet de loi C-2, a modifié une loi vieille de 75 ans, nous permettant d'apporter des changements administratifs qui s'imposaient pour concentrer notre énergie là où elle est nécessaire.
Le quatrième élément est notre volonté de préserver une exécution des lois responsable. La stratégie de lutte contre la contrebande de Revenu Canada pour 1996-1997 vise à intensifier les activités de répression dans les secteurs à risque élevé tout en les réduisant dans les secteurs à faible risque. Elle renforcera nos liens de travail avec nos partenaires en matière d'application de la loi, nos intervenants et nos clients. Elle vise à accroître et optimiser nos investissements en ce qui concerne la technologie de détection de la contrebande et les chiens détecteurs; à renforcer nos capacités sur le plan de l'évaluation des risques, du renseignement et du ciblage avec, par exemple, le système intégré d'exécution des douanes, ou SIEED; enfin, à renforcer le programme de contrôle des exportations stratégiques.
Honorables sénateurs, notre gouvernement a mis en oeuvre des initiatives de lutte contre la contrebande et la stratégie canadienne anti-drogue, dans le cadre de sa stratégie d'exécution responsable. Le financement de ces programmes a été approuvé jusqu'à la fin de l'exercice. Je peux vous dire que mes collègues du Cabinet et moi-même continuons de discuter du financement futur de ces programmes et je sais que nos collègues de la CEUDA les appuient.
Le mois dernier, à Windsor, j'ai visité le poste frontalier du pont Ambassador, à minuit, parce que je voulais me rendre compte par moi-même des conditions dans lesquelles notre personnel travaille de nuit. Je ne peux que vous dire qu'il travaillait de façon efficace et positive dans un esprit d'équipe. Le président de la section locale du syndicat était là à minuit pour me parler, et il a exposé ses préoccupations très clairement et très franchement. Voilà le genre de choses que nous devons continuer à faire.
J'ai été impressionnée cette nuit-là par le dévouement du personnel et la bonne marche des opérations à la frontière. Plus tôt dans la journée, j'avais rencontré des représentants locaux des forces de l'ordre, de la police de Windsor, de l'OPP, de la GRC et nos amis du service d'Immigration du gouvernement fédéral. Nous étions assis ensemble à une table comme celle-ci et parlions du partenariat qu'il nous faut établir pour garantir aux Canadiens la sécurité chez eux et dans la rue. J'ai conclu de cet entretien que nous sommes sur la bonne voie. Nous avons nos stratégies en place, nous avons nos objectifs et nos priorités clairement à l'esprit.
L'aspect auquel je me suis particulièrement intéressée est précisément celui sur lequel M. Mansel Legacy a attiré votre attention, à savoir l'élargissement des pouvoirs en vertu du Code criminel. Je devais m'assurer que nos partenaires, nos partenaires locaux, étaient d'accord avec cela, et j'entends par là les policiers qui exercent déjà ces pouvoirs. Est-ce que ce partenariat leur paraît utile? Il ressort de ces entretiens qu'ils en sont partisans et je vais donc continuer à travailler en ce sens avec mes deux partenaires, le solliciteur général et le ministre de la Justice.
À Montréal, j'ai rencontré des employés des douanes et j'ai célébré en leur compagnie une stratégie très différente, un protocole d'entente que nous avons signé avec la fédération maritime en matière de lutte anti-drogue. Je précise que ce n'est pas quelque chose qui est imposé par la loi. Ce n'est pas une loi; c'est simplement une façon plus intelligente de travailler et de collaborer étroitement avec nos partenaires pour régler ce problème de l'importation illégale de drogues dans notre pays.
J'ai été impressionnée par notre personnel, sa détermination, sa compétence et son utilisation de la technologie. Ces employés sont très fiers de leur matériel de détection de la contrebande. De meilleures stratégies de ciblage, une meilleure formation et de meilleurs outils leur ont permis d'accroître les saisies de drogues.
En 1995, nous avons saisi des drogues d'une valeur de 751 millions de dollars. Et déjà, au cours des quatre premiers mois de 1996, nous en avons saisi pour une valeur de 536 millions de dollars.
Nous partageons avec les États-Unis la plus longue frontière non protégée de la planète. Les Américains sont nos amis et nous veillons avec eux à ce que cette frontière soit la mieux administrée du monde.
Cet accord canado-américain nous a énormément aidés à mettre en oeuvre les éléments clés de notre stratégie, mais la meilleure stratégie, les meilleurs outils et la meilleure organisation du monde ne serviront de rien si les douaniers ne peuvent pas ou ne veulent pas s'acquitter de leurs responsabilités. Le zèle et le professionnalisme de notre personnel sont le carburant qui alimente le moteur du changement. Nous devons faire en sorte que les employés des douanes soient au bon endroit, pour faire le travail voulu et disposent de la formation et des outils nécessaires à leur efficacité.
En 1994-1995, le budget de formation de Revenu Canada s'élevait à 26,4 millions de dollars. Dans une année moyenne, le ministère dispense plus de dix journées entières de formation à chacun de ses 42 000 employés.
Des exemples comme ceux-ci illustrent bien la volonté qu'a le ministère d'encadrer les talents et les énergies des employés en vue de réaliser un objectif commun: l'engagement et la qualité du service.
Le ministère continue d'offrir la formation dans les nouveaux domaines de façon que tous les inspecteurs puissent satisfaire aux besoins changeants. Je mentionnerai, entre autres, la formation sur les nouveaux systèmes informatisés, à la lutte contre le terrorisme, ainsi que la sensibilisation au sida et aux différences culturelles.
Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser 20 p. 100 de notre effectif s'acquitter de 5 p. 100 de la charge de travail, simplement parce que nous avons toujours procédé de cette façon. Nous concentrons nos précieuses ressources là où elles sont les plus utiles. Nous serons plus efficaces. Le service sera maintenu, même s'il est fourni différemment.
En conclusion, je dirais que le dynamisme et la démarche stratégique de restructuration de Revenu Canada sont à l'image des principes du gouvernement fédéral: accroître l'efficience, adopter une démarche professionnelle et fournir les services dont les Canadiens veulent et ont besoin. Nous sommes davantage axés sur la clientèle, c'est-à-dire, à titre de gouvernement, sur les citoyens. Nous faisons notre part pour favoriser l'instauration d'un climat économique propice à une forte croissance et à la création d'emplois et dans lequel le gouvernement canadien se montre réceptif aux besoins des Canadiens. Nous devons également faire notre part pour assurer que le Canada soit bien placé pour mettre à profit les perspectives économiques du prochain siècle. Nous voulons travailler avec les Canadiens, et non être un obstacle sur leur chemin. Nous ferons une différence. Une frontière intelligente assurera la réussite du Canada. Nous ferons notre part pour que le Canada reste un pays prospère et sûr, un pays qui fait l'envie du monde.
Tout cela représente une lourde tåche; elle est difficile pour tout le monde. Un régime qui fonctionnait bien dans les années 1840 doit être adapté si l'on veut qu'il réponde aux besoins des années 1990 et au-delà.
Encore une fois, monsieur le président et honorables sénateurs, je tiens à rappeler à tous que ce sont nos employés qui accomplissent un travail merveilleux pour nous aider à gérer le quotidien actuel et l'avenir. Je m'engage, en tant que ministre, à faire en sorte que nous marchions tous la main dans la main, de manière bénéfique et efficace, de façon à être au service des Canadiens.
Le président: Je vous remercie, madame la ministre, de ces remarques liminaires.
Le sénateur St. Germain: Madame, ma première question intéresse le rapport Tassé, l'étude concernant les pouvoirs des inspecteurs des douanes. A-t-il été publié ou non? Dans la négative, que recommande-t-il, si je puis avoir l'audace de vous le demander?
Mme Stewart: Cette étude a effectivement porté sur les responsabilités que beaucoup de nos employés souhaitent obtenir, et dont il a été question tout à l'heure, à savoir l'opportunité de conférer à nos agents des douanes les pouvoirs d'agent de la paix en vertu du Code criminel. Nous étudions actuellement les recommandations.
Je peux vous dire, comme je l'ai déjà indiqué dans mon exposé, que les exemples donnés par M. Legacy tout à l'heure, la nécessité de pouvoir détenir les conducteurs ivres, de pouvoir arrêter les ravisseurs qui veulent faire traverser la frontière à un enfant, méritent ample réflexion. Les Canadiens, lorsqu'ils voient cela et savent que les douaniers n'ont pas le pouvoir en droit de faire cela, ne comprennent pas. Ils se disent que cela n'a pas de sens.
Comme je l'ai dit, je travaille avec le solliciteur général et le ministre de la Justice pour cerner tout ce que cela implique. J'ai tendance à être d'accord avec vous, sénateur, si nous allons le faire, on ne peut se montrer sélectif. Il serait très difficile de restreindre le champ d'application, de sélectionner précisément tel ou tel domaine. Je pense comme vous.
Je veux donc juste confirmer que c'est l'un des premiers dossiers qui a été déposé sur mon bureau, gråce au sous-ministre, et je tiens à m'assurer, comme je l'ai dit, que nos partenaires, nos collègues de tout à l'heure, conviennent que c'est la bonne stratégie. D'après les entretiens que j'ai eus, il semble que ce soit le cas.
Le sénateur St. Germain: Je pense que cela a été confirmé par M. Legacy tout à l'heure. S'ils travaillent dans la crainte, et puisque leurs responsabilités vont devenir plus lourdes, surtout avec la Loi sur le contrôle des armes à feu, ils vont être davantage sous pression car on attendra d'eux davantage. Par conséquent, je vous exhorte à avancer là-dessus aussi rapidement que possible.
Un bulletin distribué par Revenu Canada au sujet d'initiatives gouvernementales en matière de contrôle des armes à feu disait en substance que «le service ne doit pas être aux dépens de l'application de la loi». J'ai peut-être mal suivi, mais il me semble que les représentants syndicaux que nous avons entendus tout à l'heure, M. Legacy et sa délégation, donnaient à entendre que c'est bien le cas.
Pourriez-vous brièvement répondre à cela, s'il vous plaît?
Mme Stewart: J'espère avoir bien montré dans mon exposé que je considère qu'il m'incombe de réaliser la frontière intelligente de telle façon que notre activité d'application de la loi s'adresse véritablement aux personnes suspectes. Cela signifie qu'il faut intensifier notre collaboration avec la GRC, avec nos voisins américains, avec nos amis du service d'Immigration et avec Agriculture Canada, et aussi avec les provinces car, bien entendu, nous sommes responsables de l'exécution de certaines lois provinciales dans les domaines de la santé, de l'environnement et du transport.
Nous devons nous préparer à une plus grande liberté des échanges et de circulation, mais nous devons aussi nous prémunir contre les indésirables. Avec une frontière intelligente, en nous servant des capacités et des ressources de nos employés individuels, nous pouvons le faire avec des méthodes différentes.
Dans l'ancien temps, on fermait la porte à tout le monde. Nous étions protectionnistes. La devise était: «Halte-là, nous ne laissons passer personne». Il n'en est plus ainsi. Nous devons nous moderniser pour tenir compte de la différence, tout en reconnaissant absolument et clairement que le contrôle du respect des lois est un élément essentiel.
Le sénateur St. Germain: Pour apporter une précision sur un sujet que le sénateur Perrault a évoqué, je pense que la raison pour laquelle la GRC a été réticente à intervenir pour empêcher l'exportation des chargements de céréales est qu'il s'agit là d'une affaire politique, par opposition à une affaire criminelle ou une situation de danger. Elle pose la question de savoir si nous avons besoin de la Commission canadienne du blé. C'était sans doute la raison pour laquelle la GRC a hésité à répondre à la requête des douaniers. Êtes-vous d'accord ou non? J'aimerais connaître votre avis.
Mme Stewart: En fait, j'ai examiné de près ce dossier et je félicite pleinement nos employés du travail qu'ils ont fait dans des circonstances très difficiles. La GRC a collaboré avec nous de manière très réelle et appropriée. Cela ne signifie pas qu'il ne nous incombe pas de mettre de l'ordre dans nos lois, mais comme M. Legacy l'a dit, son rôle n'est pas nécessairement de juger du bien-fondé des lois, mais de les appliquer. Elle fait un très bon travail à cet égard.
Le sénateur St. Germain: Voici ma dernière question: quelles économies ce projet de loi a-t-il autorisées? Combien de postes de cadre supérieur ont-ils été supprimés, et les économies faites ont-elles servi à engager plus de douaniers ou davantage de personnel sur le terrain?
Mme Stewart: Je demanderai à M. Cocksedge de répondre en détail, mais je dirai que, par suite de l'examen des programmes, nous, à Revenu Canada, devons trouver 300 millions de dollars d'économies. Ce n'est pas une petite somme. C'est 300 millions de dollars d'ici 1997-1998. Nous en sommes à environ 150 millions de dollars maintenant. Nous sommes donc à mi-chemin, et une bonne partie a été obtenue gråce à l'unification, à une structure différente de l'administration.
M. Cocksedge pourra vous parler plus précisément des chiffres.
M. Allan Cocksedge, sous-ministre adjoint, Direction générale des Services frontaliers des douanes, ministère du Revenu national: Je répondrai brièvement et M. Bill Crandall pourra éventuellement compléter.
Avec l'unification, les dix régions opérationnelles des douanes qui existaient auparavant ont été ramenées à sept, ce qui signifie que tous les postes d'encadrement correspondants ont été réduits en conséquence.
Sur le chiffre global d'économies que la ministre a cité, nous devons, pour notre part, trouver 45 millions de dollars sur trois ans, et nous sommes en bonne voie de le faire. C'est là notre contribution au chiffre d'économies global du ministère. Les économies ont non seulement été réellement faites, mais elles l'ont été faites dans les domaines qu'il fallait.
Comme la ministre l'a dit, nous devons travailler de façon intelligente, et c'est donc dans les bureaux intérieurs, là où la charge de travail était faible, que nous avons réduit nos frais de fonctionnement. Il était indiqué d'offrir nos services selon des modalités différentes à cause de l'existence des techniques du commerce électronique pour le dédouanement intérieur des marchandises. En agissant ainsi, nous avons maintenu la présence à la frontière physique, qui est essentielle pour les raisons que la ministre a indiquées.
M. William Crandall, sous-ministre adjoint, Direction générale des finances et de l'administration, ministère du Revenu national: La seule chose que j'ajouterais, sénateur, c'est que, pour trouver les 300 millions de dollars d'économies, nous avons ponctionné plus lourdement les frais administratifs et généraux et l'informatique. Ainsi, sur les 300 millions de dollars, près de 45 p. 100 doivent provenir de ces postes de dépenses, alors qu'ils ne représentent qu'environ un quart du budget ministériel. Nous nous sommes réellement efforcés de protéger autant que nous le pouvions les programmes clés de Revenu Canada, tels que les douanes, l'administration des échanges commerciaux, la perception des impôts et la vérification.
Le sénateur Perrault: J'ai trouvé très positif l'exposé de la ministre, et je sais que mes collègues seront d'accord avec moi.
Vous nous avez donné quelques chiffres très intéressants concernant la lutte contre le trafic de drogue. Vous dites que l'on a saisi pour 751 millions de dollars en 1995, et que l'on est déjà à 536 millions de dollars pour les quatre premiers mois de 1996. Quel pourcentage cela représente-t-il de l'afflux total de drogue au Canada, selon votre estimation?
Mme Stewart: Sénateur, je ne me hasarderai pas à estimer ce chiffre.
Le sénateur Perrault: C'est une question difficile.
Mme Stewart: Je ne m'aventurerai pas à l'estimer. Encore une fois, il a été fascinant de voir le travail effectué dans ce domaine. Avec la relation que nous sommes en train d'édifier avec la GRC, nous travaillons de concert sur pratiquement chacune de ces saisies de drogue.
Je signale également que nous avons adopté une façon totalement différente de faire les choses. Nous avons signé ces protocoles d'entente avec la Fédération maritime. Nous espérons en signer également avec les compagnies aériennes et les transporteurs de fret aériens. C'est réellement une entente par laquelle nous partageons les renseignements sur ce qui se profile, sur qui sont les trafiquants et où se situent les points de risque. Nous avons acquis une meilleure connaissance de la structure des navires et des endroits où il faut chercher. Comme je l'ai dit, tout cela s'est fait sans texte de loi; c'est simplement une façon différente de travailler, la reconnaissance que nous devons être partenaires et non des joueurs solitaires.
Le sénateur Perrault: Pour ce qui est du travail de renseignement, vous avez de toute évidence des contacts informatisés avec tous les pays du monde. Y a-t-il un partage suffisant des renseignements avec d'autres pays, afin que ceux-ci nous avertissent, par exemple, qu'un chargement de drogue est en route pour le Canada? Sommes-nous bien informés sur ce plan?
Mme Stewart: Oui, ces contacts existent. Avec les progrès de la technologie, nous serons encore mieux informés. Évidemment, les contacts avec Interpol exigent une collaboration continue avec la GRC, chez nous, et ces contacts sont un impératif.
À Windsor, pendant cette réunion de concertation avec nos partenaires, nous n'avons cessé d'avoir des échanges avec la GRC. Nous avons même convenu qu'à ce niveau nous devions mieux partager l'information. Je pense que ces portes s'ouvrent au fur et à mesure que nous comprenons mieux les possibilités qu'offre le partenariat et aussi les responsabilités qu'il implique.
Le sénateur Angus: Madame la ministre, je tiens à vous souhaiter moi aussi la bienvenue, ainsi qu'à vos sous-ministres, et à vous féliciter de votre nomination à ce portefeuille aux responsabilités très lourdes. Je suis sûr que vous allez vous en tirer brillamment.
De toute évidence, ainsi que vous l'avez indiqué dans votre exposé, le fait de vivre en cette période de mutations étonnantes, ce que l'on fait un jour devient pratiquement désuet le lendemain. Pour ma part, je suis ravi de vous voir mettre l'accent sur les solutions intelligentes, non seulement aux problèmes qui se posent à la frontière, mais également en ce qui concerne la collaboration avec le secteur privé.
J'ai passé la plus grande partie de ma carrière comme avocat maritime, à m'occuper des formalités douanières à l'arrivée et au départ des marchandises, principalement dans les ports de la côte est et à Montréal. Les douanes se cantonnaient dans leur tour d'ivoire. Elles cherchaient essentiellement à percevoir les droits, sans s'intéresser à autre chose. J'ai déjà constaté une amélioration majeure. Je trouve cela formidable.
J'aimerais aborder avec vous certaines questions, si vous le permettez. Tout d'abord, vous avez pris grand soin -- et avec beaucoup de sentiment, ai-je trouvé --, de dire des choses agréables au sujet du personnel, et particulièrement de M. Legacy et de son syndicat. Néanmoins, vous étiez là ce matin lorsqu'il a témoigné. De son propre aveu, une partie de ses propos étaient très critiques. Aimeriez-vous répondre à certaines de ces critiques directes?
Par ailleurs, certaines de nos questions portaient sur la qualité du dialogue que vous avez avec le syndicat, et avec M. Legacy en particulier. J'aimerais entendre votre version pour voir comment les choses se déroulent. Il me semble que si le dialogue était bon, il n'y aurait pas cette rafale de critiques dans le mémoire.
Mme Stewart: Non, et je comprends votre point de vue. Je pense que c'était au cours de la première ou de la deuxième semaine après mon arrivée que j'ai ressenti le besoin de nouer contact avec les présidents des syndicats et j'ai appelé Mansel. Nous avons eu une conversation, et nous avons déjeuné ensemble et parlé des préoccupations qu'il a exprimées, dont beaucoup se retrouvent dans son intervention d'aujourd'hui. C'était pour moi un premier pas important, particulièrement pour comprendre la revendication de l'élargissement des pouvoirs en vertu du Code criminel, pour prendre un peu le pouls des syndiqués face à ces changements incroyables que nous traversons.
Je tiens à indiquer que, même si nous sommes devenus un gros ministère unifié, il y a place pour tout le monde. Je dois dire que je trouve assez curieux qu'au sein du syndicat lui-même, les agents de l'impôt et les douaniers semblent s'entendre très bien. J'espère seulement que cette bonne entente se retrouvera au sein du ministère lui-même au fur et à mesure que nous avancerons.
Il y a toujours des inquiétudes. Je suis heureuse qu'Allan Cocksedge doive travailler avec le syndicat en vue de déterminer les améliorations possibles -- et l'amélioration continue est la prochaine étape. C'est fondamental. Tout ce changement d'orientation de la fonction gouvernementale en faveur d'une stratégie axée sur le client ou, comme nous disons, axée sur le citoyen, doit se manifester également au niveau interne.
Je dis souvent aux employés que, aux yeux de très nombreux Canadiens, le gouvernement, c'est Revenu Canada. C'est à nous qu'ils ont affaire à la frontière ou avec leurs problèmes d'impôt. Si nous ne pouvons rendre plus positive ou plus coopérative notre relation avec les citoyens du pays, nous ne parviendrons jamais à dépasser cette perception qui fait voir le gouvernement comme une sorte de gros monstre distant.
J'ai été très impressionnée par les membres du personnel que j'ai eu l'occasion de rencontrer, soit aux postes frontières soit ici, à Ottawa.
Le sénateur Angus: Les critiques formulées ce matin étaient très précises. Si vous les rejetez, c'est bien. Si vous estimez qu'elles ne sont pas légitimes, j'aimerais le savoir. Si vous reconnaissez qu'elles sont positives, en ce sens qu'elles sont fondées et que vous allez vous attaquer prioritairement à ces problèmes, je serai satisfait.
Tout d'abord, pouvez-vous nous dire si elles sont fondées, à votre connaissance?
Mme Stewart: L'orientation du mémoire -- et je l'ai lu et je remercie Mansel de me l'avoir communiqué par avance -- me paraît bonne. Les problèmes soulevés sont une préoccupation, mais le mémoire continue à nous enfermer dans l'ancienne stratégie, l'ancien paradigme du «eux contre nous». Il faut justement sortir de ce paradigme. Il faut comprendre que ce n'est plus une question de savoir «combien de ceux-ci et combien de ceux-là», mais «combien d'entre nous». Il faudra du temps pour changer cette mentalité.
Nous parlons ici de changements, de changements profonds, de changements structurels. Il est difficile pour tout le monde de s'y adapter. Je reconnais la préoccupation, particulièrement sur le plan du contrôle de l'application des lois, et du souci des employés de disposer des outils et de la formation et des appuis de la hiérarchie pour assurer la sécurité de nos foyers et de nos rues. C'est ce que je suis résolue à faire.
Nous allons examiner tous ces éléments de près, poursuivre ce travail, et veiller à le faire en concertation avec le personnel. Cela aussi est la mission de notre nouvelle administration.
Le sénateur Angus: Pourriez-vous nous dire, madame la ministre, peut-être avec le renfort soit de M. Gravelle soit de M. Cocksedge, si c'est le critère qui a présidé à la fermeture de certains des postes de douane? Par exemple, on me dit qu'à Terre-Neuve, près de cinq postes sur dix, plus Saint-Pierre-et-Miquelon, ont été fermés.
Mme Stewart: J'ai indiqué, en passant, dans mon exposé, que nous ne pouvons plus permettre que 20 p. 100 de notre main-d'oeuvre fasse 5 p. 100 du travail. Nous avons constaté qu'à nombre de nos postes de douane intérieurs le personnel se tournait les pouces en attendant que les marchandises arrivent et, comme Mansel l'a indiqué, c'est sur la frontière elle-même que nous devons concentrer notre attention et notre travail à valeur ajoutée.
Nous nous efforçons de mettre en oeuvre la technologie de manière plus efficace, non pas en réduisant le service mais en le fournissant différemment. C'est le principe qui préside au redéploiement de nos ressources humaines. Je demanderai au sous-ministre de vous en dire plus, s'il le souhaite. Si vous parlez du redéploiement des effectifs, c'est surtout à ce niveau qu'il y a eu des coupures.
M. Pierre Gravelle, sous-ministre, ministère du Revenu national: Une chose que j'aimerais dire, sénateur, est que la liste des postes intérieurs où une présence continue n'est pas justifiée a été dressée sur la base de critères objectifs et en pleine concertation avec les diverses parties intéressées. J'entends par là les employés touchés, les élus locaux et cetera. Nous n'avons pas fermé ces bureaux d'un seul coup, du jour au lendemain. Nous avons ajusté notre stratégie et avons étalé les fermetures de façon à répondre aux préoccupations de nos employés, et pas seulement des employés, mais aussi celles des clients et autres parties intéressées. Le but ultime, en substance, n'est pas de procéder à des fermetures de bureau, mais, comme la ministre l'a dit, de fournir le service de façon différente. Nous pensons que la notion de frontière intelligente nous aidera à mieux évaluer les risques et à mieux cibler les activités ce qui, avec l'introduction de technologies nouvelles, nous permettra de faire bien meilleur usage de nos très précieuses ressources, le long de la frontière.
Le sénateur Angus: J'aimerais aborder encore un domaine, si vous le permettez, au sujet duquel j'ai reçu des doléances touchant les douanes au cours des trois ou quatre dernières années. Je sais que cela a également été porté à l'attention de M. Gravelle très récemment par un de mes collègues, un ancien ministre. Il s'agit du dédouanement anticipé mis en place par nos amis du Sud, les Américains. J'aimerais savoir où nous en sommes à cet égard. Les voyageurs qui s'envolent de Montréal à destination d'Atlanta ou de New York effectuent les formalités douanières américaines au guichet du contrôle d'immigration et n'ont plus à se préoccuper de rien à l'arrivée.
Pauvres Canadiens. Tout d'abord, les transporteurs en souffrent, de même que le public voyageur qui fait le trajet en sens inverse. Où en sommes-nous, et s'agit-il là d'une impasse internationale ou bien avez-vous quelques bonnes nouvelles à nous annoncer?
M. Gravelle: Nous avons de bonnes nouvelles. Je vais laisser M. Cocksedge vous donner les bonnes nouvelles, mais j'aimerais préfacer ce qu'il dira en indiquant que nous avons réalisé des progrès substantiels avec nos homologues américains, c'est-à-dire entre nos services d'immigration et de douanes respectifs.
Nous avons négocié un accord frontalier Canada-États-Unis de façon à administrer conjointement la frontière de manière intelligente, répondre à nos besoins divergents et réaliser nos objectifs respectifs face aux contraintes identiques que nous connaissons de part et d'autre de la frontière. Cela est lié à l'introduction des programmes CANPASS, la possibilité de partager des locaux et du matériel à l'avenir, un meilleur partage de l'information aux fins des activités de répression, et cetera, et cetera.
Un volet de tout cela consiste à faciliter les choses aux voyageurs et cela nous amène à la question du prédédouanement.
M. Cocksedge: En ce qui concerne le prédédouanement, vous vous souviendrez que lorsque l'accord Ciels ouverts a été annoncé, l'un des points d'accord était d'instaurer le prédédouanement dans un aussi grand nombre d'aéroports que possible, au-delà des six où il est déjà pratiqué. C'est ce que nous faisons et, justement, nous venons d'annoncer que cela va être le cas à Ottawa.
Les négociations sur le prédédouanement englobent également la simplification et la rationalisation de la circulation des voyageurs dans nos aéroports, afin que ces derniers deviennent des portes d'accès commodes pour toute l'Amérique du Nord.
Le sénateur Perrault: Comme Vancouver.
M. Cocksedge: Effectivement. En ce qui concerne l'aérogare trois de Vancouver, par exemple, sa compétitivité et son attrait en tant que porte d'accès, non seulement au Canada mais à toute l'Amérique du Nord, sont vitaux pour l'avenir économique de cet aéroport et pour d'autres aéroports du pays.
Nous négocions actuellement avec les autorités américaines la rationalisation de nos procédures douanières dans les installations de transit aéroportuaires, de façon à ce qu'un voyageur en transit, venant par exemple du Japon à destination du Midwest américain, n'ait pas à subir deux inspections. Nous négocions un processus à une seule étape susceptible de répondre en même temps aux préoccupations très légitimes des autorités américaines touchant les voyageurs à haut risque. Ces négociations sont sur le point d'aboutir et nous espérons pouvoir annoncer quelque chose bientôt.
Le sénateur Angus: Est-ce que la solution ultime que vous visez est d'offrir le prédédouanement des voyageurs partant de l'aéroport LaGuardia, à New York, ou de l'aéroport O'Hare, à Chicago, à destination du Canada. Y aura-t-il un prédédouanement aux États-Unis? Actuellement, ce prédédouanement est assuré par les services américains, ici au Canada, mais la réciproque n'existe pas.
M. Cocksedge: Effectivement.
Le sénateur Angus: C'est un désavantage majeur pour nous.
M. Cocksedge: La question du prédédouanement dans l'autre direction est l'un des sujets de négociation. En fait, nous explorons même, de façon préliminaire, la notion d'un prédédouanement entre l'Amérique du Nord et l'Europe.
Un fléau commun à tous les aéroports à certaines heures critiques est l'engorgement et tout ce que l'on peut faire pour faciliter les procédures d'inspection à l'une ou l'autre extrémité contribue à une meilleure circulation. La question du prédédouanement met en jeu les Américains car elle suppose que nous ayons des agents en poste aux États-Unis. Cela soulève des problèmes juridiques et financiers qu'il faut régler.
Nous sommes actuellement en pourparlers avec nos parties prenantes, par exemple les compagnies aériennes canadiennes et certaines américaines, pour voir si elles sont disposées à prendre en charge tout ou partie de ces frais, comme elles le font actuellement dans le cas des agents américains. Il s'agit donc de voir comment le monde des ciels ouverts va se concrétiser et dans quels aéroports américains il est économiquement rationnel d'offrir le prédédouanement.
Le sénateur Angus: C'est une bonne nouvelle.
Le sénateur Kenny: Soyez la bienvenue, madame la ministre. C'est un grand plaisir que de vous voir ici. Votre exposé était remarquable. En fait, c'est un duo dynamique que je vois devant moi. M. Gravelle protège les politiciens des ennuis depuis 25 ans. Je le connais depuis l'époque où il était au Bureau du Conseil privé. À vous deux, vous constituez une équipe formidable.
Tout comme le sénateur Angus, j'espérais que vous répondriez davantage aux critiques que nous avons entendues ce matin. Le message qui se dégage de votre réponse au sénateur Angus est que vous allez en parler, peut-être pas ici, mais que vous allez vous attaquer à ces questions. Je vous signale que les comités sénatoriaux jouissent d'une assez bonne continuité et que nous avons tendance à durer un peu plus longtemps. Nous comptons être encore là l'année prochaine et peut-être même l'année suivante. Nous pourrions peut-être considérer la liste des critiques comme point de référence pour vos visites futures, à vous et à M. Gravelle, et la prochaine fois que nous nous rencontrerons, nous pourrions commencer par la liste et voir lesquels des problèmes ont été réglés dans l'intervalle.
Mme Stewart: Nous sommes toujours à votre service, vous le savez. Cependant, je dirais simplement que si vous regardez les doléances exprimées par le témoin précédent, c'est la question de l'exécution des lois qui prédomine.
Je ne voulais en aucune façon, dans ma déclaration, éluder les questions portées à l'attention du comité par M. Legacy. Je parlais de la question de l'exécution et de l'élargissement des pouvoirs en vertu du Code criminel. Nous avons parlé de la nécessité de mieux cibler les efforts de façon à faire un usage plus intelligent de nos ressources. Nous avons parlé de la nécessité de poursuivre le programme de lutte contre la contrebande. Nous avons parlé de la nécessité de faire en sorte que nos employés offrent des services à valeur ajoutée, afin que chacun d'eux utilise au maximum son potentiel et ses qualifications, afin de ne pas être seulement au service d'une technologie mais d'utiliser la technologie comme outil pour accomplir le travail.
Même si mon exposé a été peut-être moins précis ou n'a pas esquissé une stratégie point par point, j'espère avoir répondu à certain nombre des préoccupations énoncées dans le mémoire de la CEUDA. En tout cas, si les sénateurs veulent nous voir, nous viendrons.
Le sénateur Kenny: Formidable. Ma dernière question, monsieur le président, intéresse la ministre. Nous savons qu'elle a été la marraine de...
Mme Stewart: Un projet de loi très important.
Le sénateur Kenny: ...du projet de loi S-7 à la Chambre des communes. On nous a beaucoup parlé aujourd'hui de changement et de l'adaptation...
Mme Stewart: L'éthanol. Je consomme de l'éthanol dans ma voiture, si c'est là votre question.
Le sénateur Kenny: ...de nouvelles approches au sein du ministère, et je me demandais quels progrès le ministère a réalisés sur le plan de l'utilisation des carburants de remplacement.
Mme Stewart: Peut-être M. Crandall aimerait-il répondre à cette question. Je précise simplement que ma voiture marche à l'éthanol.
M. Crandall: Je dirais simplement, sénateur, que nous sommes informés du projet de loi. Nous connaissons les objectifs, et une somme énorme de travail nous attend, pour convaincre les gestionnaires sur le terrain que ces véhicules à carburant de remplacement sont opérationnels et valent l'effort. Nous avons commencé à le faire et nous avons dit à la ministre que nous avons l'intention de remplir tous les objectifs.
Le sénateur Kenny: Je ne connais pas de meilleure façon de conclure cette séance, monsieur le président.
Le président: Je n'ai qu'une courte question, madame la ministre. Dans votre mémoire et dans un certain nombre de vos réponses, vous avez parlé de l'utilisation de technologie. Notre comité connaît très bien la manière dont la technologie révolutionne d'autres secteurs de l'économie canadienne, notamment celui des services financiers. Cette révolution se matérialise en gros de deux façons: d'une part en améliorant le service à la clientèle et, d'autre part, en faisant baisser les frais d'exploitation.
Pourriez-vous nous donner quelques exemples illustrant ce que la technologie signifie chez vous? Franchement, étant donné les contraintes budgétaires que connaît le gouvernement, mon petit doigt me dit que l'investissement dans la technologie n'est probablement pas aussi facilement accepté par le ministère des Finances et le Conseil du Trésor que par le passé, en ce sens qu'il faut aligner l'argent immédiatement pour donner un meilleur service ensuite, même si c'est un investissement judicieux lorsque votre activité consiste à offrir des services.
Cela m'amène à vous poser deux questions: premièrement, pouvez-vous nous donner quelques exemples pour illustrer ce que vous faites; et deuxièmement, pouvons-nous vous être de quelque secours, en exerçant des pressions pour assurer que les contraintes financières ne vous empêchent pas d'obtenir les crédits dont vous avez besoin pour les améliorations technologiques légitimes et le service à la clientèle?
Mme Stewart: Absolument. La technologie est essentielle à notre survie et à notre avenir, cela ne fait aucun doute. J'ai parlé du système croisé qui nous aide à accélérer les formalités pour les transporteurs commerciaux. Comme vous le savez, les chauffeurs des camions devaient se rendre dans ces bureaux aux longs couloirs, et remplir toutes sortes de paperasses. Tout cela peut se faire aujourd'hui automatiquement, sans papier.
Le projet pilote a démarré le 24 avril. Cela va révolutionner les activités aux postes frontières.
Le président: C'est uniquement pour les camions, n'est-ce pas?
Mme Stewart: Uniquement les camions, le trafic commercial. Un autre exemple que nous donnons est le système SIED, qui nous met en rapport avec nos partenaires qui possèdent des profils de criminels.
Aux postes frontières, nous avons une technologie qui permet d'afficher à l'écran des profils individuels de personnes recherchées. En outre, nous avons également des lecteurs de plaque d'immatriculation. Ils déchiffrent la plaque d'immatriculation et le profil du propriétaire s'affiche à l'écran. Ce sont là des outils précieux qui permettent de se concentrer sur les suspects et d'accélérer le passage en douane de tous les autres.
Sur le plan structurel, nous introduisons des changements réels dans les postes frontières, en collaboration avec nos partenaires du secteur privé, dont nous nous faisons des alliés pour accélérer le trafic touristique. Ainsi, lorsqu'il y a une file de 100 camions à la frontière avec quelques voitures de touristes au milieu, nous essayons de faire passer les touristes d'abord. Nous cherchons à distinguer entre les différentes catégories de personnes et de marchandises qui franchissent la frontière.
Nous pouvons donner toutes sortes d'exemples. Sur le plan de la lutte contre la drogue, j'aimerais pouvoir amener ici les chiens détecteurs afin que vous puissiez voir comment ils travaillent. Nous avons les machines à rayons X et il est vraiment étonnant de voir comment nos douaniers utilisent ce matériel. Les résultats que nous obtenons au port de Montréal avec ces outils sont tout simplement incroyables et on peut voir à quel point les employés sont fiers de ce matériel qui décuple leur efficacité. Le détecteur d'ions est formidable. Il faut que vous veniez avec moi dans un poste frontière pour le voir. C'est une machine incroyable. On passe un tampon de gaze sur un volant ou sur une personne, et on le place dans le détecteur d'ions. S'il y a la moindre trace de drogue, elle va apparaître. J'étais au pont de Windsor lorsqu'une petite Mustang s'est présentée et les agents ont utilisé le détecteur d'ions. Ils sont arrivés avec ce petit tampon de gaze et la machine a affiché «cocaïne, cocaïne, cocaïne».
Ce matériel exige une formation de nos employés. Ils doivent apprendre à se servir de la machine et se familiariser avec tous les aspects juridiques qui influent sur son utilisation. C'est complexe. Cela revient à dire que nous aurons une frontière intelligente avec du personnel intelligent.
Le président: Merci beaucoup de votre comparution, madame la ministre. Vous n'avez peut-être commis qu'une seule erreur aujourd'hui. Étant donné que ce comité tend à apprécier les bons témoins, nous trouverons peut-être d'autres raisons de vous demander de revenir.
Mme Stewart: Je vous remercie.
La séance est levée.