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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
banques et du commerce

Fascicule 5 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 6 juin 1996

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, à qui a été renvoyé le projet de loi C-19, Loi de mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, se réunit aujourd'hui à 11 heures pour examiner la teneur du projet de loi.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-19 portant sur la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur. On le décrit également comme étant «le projet de loi visant à créer un marché commun au Canada».

Nos témoins sont des représentants du ministère de l'Industrie et du Secrétariat du commerce intérieur, qui est un organisme indépendant.

Je demanderai à M. Konrad von Finckenstein, qui est sous-ministre adjoint au ministère de l'Industrie, et qui a déjà comparu devant le comité, de nous présenter ses collègues. Je demanderai ensuite aux trois témoins s'ils veulent faire une déclaration préliminaire après quoi, nous passerons à la période des questions.

M. Konrad von Finckenstein, c.r., SMA (Droit des affaires), ministère de la Justice: Je suis accompagné aujourd'hui de M. Tom Wallace, directeur général, Commerce intérieur, ministère de l'Industrie. Quant à moi, je travaille au ministère de la Justice.

Le président: Vous avez déjà comparu devant notre comité au nom d'Industrie Canada.

M. von Finckenstein: Oui, ce ministère est mon principal client, mais je relève du ministère de la Justice.

M. André Dimitrijevic, directeur exécutif, Secrétariat du commerce intérieur, voudra peut-être commencer. Après son exposé, bien que nous ne souhaitions pas faire de déclaration préliminaire, M. Wallace et moi parcourrons le projet de loi avec vous et répondrons à vos questions.

Le président: Peut-être pourriez-vous nous donner d'abord plus de précisions au sujet du Secrétariat du commerce intérieur. Je sais que vous êtes établi à Winnipeg, mais ce serait bien d'avoir plus de détails sur les activités et la structure du Secrétariat. Ensuite, vous pourriez faire des observations précises sur le projet de loi.

M. André Dimitrijevic, directeur exécutif, Secrétariat du commerce intérieur: Dans mon bref exposé de ce matin, je tenterai d'aborder trois questions: la structure de l'Accord sur le commerce intérieur, les progrès réalisés à ce jour ainsi que la mise en oeuvre et l'application de l'Accord. Je n'ai aucune observation précise à faire sur le projet de loi comme tel.

Au départ, je dois vous dire que le 18 juillet 1994, les premiers ministres ont signé un Accord sur le commerce intérieur visant à supprimer les entraves à la libre circulation des personnes, des biens, des services et des investissements au Canada et à créer un marché intérieur ouvert, efficace et stable au Canada. L'Accord est entré en vigueur le 1er juillet 1995.

Afin d'atteindre son objectif, l'Accord sur le commerce intérieur prévoit diverses structures, dont six règles générales qui empêchent les gouvernements de dresser de nouveaux obstacles au commerce et qui les obligent à supprimer ceux qui existent. Ces règles sont les suivantes: non-discrimination réciproque, droit d'entrée et de sortie, absence d'obstacles, objectifs légitimes -- autrement dit, les gouvernements peuvent, dans certaines circonstances, dévier de ces règles --, conciliation des normes et transparence.

L'Accord prévoit des obligations précises dans dix secteurs économiques, à savoir: les marchés publics, l'investissement, la mobilité de la main-d'oeuvre, les mesures et normes en matière de consommation, les produits agricoles et les produits alimentaires, les boissons alcoolisées, la transformation des ressources naturelles, les communications, les transports et la protection de l'environnement.

L'Accord porte également sur la rationalisation et l'harmonisation des règlements et des normes. Il renferme un mécanisme de règlement des différends auquel peut accéder le secteur privé. Les parties se sont également engagées à libéraliser davantage les échanges commerciaux intérieurs par le biais de la négociation permanente, et on a prévu la création d'un secrétariat chargé de faciliter la mise en oeuvre de l'Accord.

Pour ce qui est des progrès réalisés depuis le 1er juillet 1995, voici les mesures qui ont été mises en oeuvre: on a adopté un processus d'appel d'offres ouvert pour les marchés publics de biens d'une valeur de plus de 25 000 $ ainsi que pour les services et les travaux de construction de plus de 100 000 $. Des procédures garantissent la non-discrimination réciproque en ce qui concerne les marchés publics. L'Accord renferme également un code de déontologie qui interdit l'adoption de mesures incitant une industrie à s'installer ailleurs, ce qui est considéré comme du maraudage. Pour ce qui est des investissements, de la mobilité de la main-d'oeuvre et des mesures en matière de consommation, on a supprimé les critères de résidence. On dispose maintenant d'un processus permettant d'harmoniser les exigences additionnelles des provinces à propos de la production des rapports sur l'enregistrement d'entreprises au Canada. Nous avons également un plan de travail pour la mise en oeuvre du chapitre sur la mobilité de la main-d'oeuvre. Les parties ont conclu une entente sur la reconnaissance des compétences professionnelles et un processus permettant d'aplanir les différences. Les règlements concernant le transport provincial ont été harmonisés, plus particulièrement en ce qui concerne les poids et mesures, et on a établi un connaissement national. Récemment, on a mis au point un système national de classification des vins.

Comme je l'ai précisé tout à l'heure, le secteur privé a accès au processus de règlement des différends qui est assorti de dispositions sur le recouvrement des coûts. Des consultations sont en marche avec les parties à l'Accord pour établir le programme des négociations futures et, comme je l'ai déjà dit, le Secrétariat du commerce intérieur a été créé.

En matière d'énergie, le Conseil des ministres de l'Énergie travaille actuellement à la rédaction d'un chapitre sur ce sujet qui sera ajouté à l'Accord. L'élargissement du chapitre sur les approvisionnements à ce que l'on appelle le secteur des municipalités, des établissements d'enseignement et des services sociaux et hôpitaux financés par l'État fait toujours l'objet de négociations entre les parties. On discute également de l'application des dispositions sur les approvisionnements aux sociétés d'État et aux autres entités gouvernementales exclues, de la réduction des obstacles au commerce -- on a dressé une liste des services exclus --, de la rédaction des rapports annuels et des examens que prévoit l'Accord, ainsi que d'autres obligations.

J'aimerais maintenant aborder la question de l'application de l'Accord. Le chapitre 16 porte sur les dispositions institutionnelles et prévoit ce qui suit: le comité du commerce intérieur, composé d'un représentant ministériel du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires, est chargé d'établir un secrétariat et de désigner un secrétaire pour le diriger. Le Secrétariat en soi est financé par les contributions des parties calculées de la façon suivante: le gouvernement fédéral fournit 50 p. 100 du budget total, les provinces et les territoires l'autre moitié. La part des provinces et des territoires est établie en fonction de leur population.

Afin d'orienter plus précisément les activités du Secrétariat, les parties à l'Accord ont également signé une entente sur l'établissement du Secrétariat du commerce intérieur à l'automne de 1995. Les parties ont alors convenu que le Secrétariat serait une personne morale. On a également créé un conseil de gestion composé de chaque représentant du commerce intérieur des parties et chargé d'orienter les activités générales du Secrétariat. L'entente établit les fonctions du conseil de gestion, les responsabilités du directeur exécutif ainsi que les conditions financières nécessaires pour assurer le fonctionnement du conseil de gestion et du Secrétariat.

J'ai été nommé directeur exécutif du Secrétariat le 8 août 1995. En réalité, le Secrétariat existe depuis ce temps-là. Ma tåche principale a consisté à établir un bureau et la structure organisationnelle nécessaire pour faire le travail. Le personnel du Secrétariat se compose actuellement du directeur exécutif, de deux conseillers de direction, d'un agent financier, d'un agent du SIG et d'un agent administratif. Je prévois qu'au total, l'effectif du Secrétariat sera de cinq à sept personnes.

Comme il est précisé dans l'Accord, le rôle du Secrétariat est d'offrir un soutien administratif et opérationnel au comité du commerce intérieur, aux groupes de travail et autres comités, et à fournir toute autre forme d'aide que le comité peut exiger. Plus précisément, les activités du Secrétariat consisteront surtout à assurer un soutien opérationnel. Le Secrétariat facilitera la tenue de réunions, la préparation des ordres du jour, la distribution des documents, la préparation des comptes rendus de décisions et assurera le suivi des réunions et des groupes de travail. Le Secrétariat offrira également son aide pour la création de groupes d'experts chargés du règlement des différends et d'autres comités établis aux termes de l'Accord.

Le Secrétariat fera également des recherches et mènera des consultations à la demande du comité. À ce jour, nous avons entrepris deux séries de consultations dans tout le pays. L'une a été menée auprès de diverses parties pour discuter de la possibilité d'assujettir le secteur des municipalités, des établissements d'enseignement, des services sociaux et des hôpitaux à la disposition de l'Accord sur les approvisionnements, l'autre a consisté en une réunion tenue récemment entre toutes les parties pour discuter de leurs opinions sur les négociations futures et les mesures à prendre pour élargir la portée de l'Accord.

Le Secrétariat veillera aussi à faire respecter les exigences en matière de rapports. Il s'assurera que toutes ces exigences prévues par l'Accord sont respectées et, plus précisément, nous recueillerons et analyserons l'information et préparerons les rapports qui seront soumis au comité et au conseil de gestion. Le nombre de rapports qui doivent être rédigés est établi dans l'Accord.

Le Secrétariat donnera également de l'information sur l'Accord au secteur privé, aux groupes d'entreprises, aux associations industrielles, et cetera, ainsi qu'au public dans son ensemble.

J'espère que ce bref exposé vous aura donné un aperçu des progrès réalisés à ce jour et de la mise en oeuvre de l'Accord. Je prévois que les activités du Secrétariat vont progresser au fur et à mesure de la mise en oeuvre de l'Accord et de son évolution, ainsi que des changements qui y seront apportés après les discussions et les négociations futures.

Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Je vais céder la parole à M. von Finckenstein dans quelques instants, mais je remarque que vous n'avez pas décrit en détail le mécanisme de règlement des différends. Avez-vous un rôle à jouer à l'égard de ce mécanisme?

M. Dimitrijevic: Seulement pour apporter notre aide aux groupes spéciaux qui sont créés à cet effet. L'Accord prévoit deux types de mécanisme de règlement des différends. L'un se situe au niveau individuel qui touche les marchés publics. L'autre porte sur la mobilité de la main-d'oeuvre. Il y a tout un chapitre sur le règlement des différends, le chapitre 17, qui prévoit la création de ces groupes qui seront composés de cinq membres choisis à partir d'une liste de personnes provenant de tout le pays. Autrement dit, chacune des parties à l'Accord nomme cinq membres, ce qui donne un groupe de 65 personnes à partir duquel on en choisit cinq pour constituer un groupe spécial. S'il y a désaccord entre deux parties, chacune choisit deux membres du groupe, à condition que ce ne soient pas les siens, après quoi ces quatre personnes en désignent une pour assumer la présidence. Si elles ne s'entendent pas sur le choix du président, c'est le Secrétariat qui le désignera.

Le président: À partir du groupe des 65?

M. Dimitrijevic: Oui.

Le sénateur Stewart: Quand vous utilisez le terme «partie», est-ce que vous voulez dire un gouvernement provincial, une société ou tout autre particulier?

M. Dimitrijevic: Lorsque j'utilise le terme «partie», j'entends les treize gouvernements qui ont signé l'Accord, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, les dix provinces et les deux territoires.

Le sénateur Stewart: N'y a-t-il pas une disposition qui, par exemple, permettrait à une société de demander le règlement d'un différend?

M. Dimitrijevic: Oui, il en existe une qui permet au secteur privé ou à un particulier de demander le règlement d'un différend. L'Accord le prévoit expressément. Dans l'Accord, on incite les particuliers à s'adresser à leur gouvernement provincial, mais s'ils ne sont pas satisfaits, on prévoit également qu'un particulier peut demander directement que soit constitué un groupe spécial chargé de régler le différend.

Le président: Est-ce que le mécanisme de règlement des différends a été utilisé depuis les dix mois que vous êtes là?

M. Dimitrijevic: Une fois, aux termes du chapitre 17. On n'a pas encore créé de groupe spécial, mais le processus de règlement est en marche.

Le président: De quoi s'agit-il?

M. Dimitrijevic: Il s'agit d'une cause entre la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick concernant le transfert du UPS de la Colombie-Britannique au Nouveau-Brunswick.

Le président: Vous a-t-on fait part du problème de la mobilité de la main-d'oeuvre entre le Québec et l'Ontario?

M. Dimitrijevic: Non. Diverses plaintes ont été déposées, mais c'est la seule qui ait déclenché le processus prévu au chapitre 17.

Le président: Nous avons d'autres questions à vous poser, mais nous allons permettre à M. von Finckenstein de faire d'abord sa déclaration préliminaire.

M. von Finckenstein: Je n'ai pas prévu de déclaration préliminaire, mais j'aimerais vous donner certains détails au sujet du projet de loi.

Le projet de loi vise la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur et, à l'instar de toutes nos lois en matière commerciale, nous respectons deux principes de base. Nous adoptons une approche minimaliste. Le projet de loi ne renferme que les dispositions dont a absolument besoin le gouvernement du Canada pour disposer des pouvoirs nécessaires lui permettant de respecter les engagements qu'il a contractés en signant l'Accord. La plupart de ces pouvoirs existent déjà dans les lois, si bien qu'on invoquera les dispositions du projet de loi seulement lorsque les lois actuelles ne renfermeront pas de disposition pertinente.

Par contre, rien n'est laissé au hasard. Toutes les dispositions que renferme le projet de loi sont nécessaires pour assurer la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur. Chaque article est relié à l'Accord. Le projet de loi est très court, comme vous le constatez, et je peux l'examiner avec vous article par article ou répondre à vos questions, si vous préférez.

Le président: Existe-t-il une loi parallèle dans les deux territoires et les dix provinces?

M. von Finckenstein: Non. Les exigences de chaque province diffèrent selon ses lois respectives. L'Assemblée nationale du Québec étudie actuellement un projet de loi visant à assurer la mise en oeuvre de l'Accord et à donner au gouvernement du Québec le pouvoir de le respecter. La Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve ont également présenté des projets de loi sur le commerce intérieur pour se doter des pouvoirs dont elles ont besoin pour respecter les modalités de l'Accord.

Le président: Qu'est-ce qui se passe dans tout le pays? Vous avez parlé de l'Assemblée nationale du Québec et de deux autres provinces qui ont présenté des projets de loi, mais il y a douze gouvernements au Canada. Qu'est-ce que font les neuf autres?

M. von Finckenstein: Il semble qu'ils aient étudié l'Accord, ils ont évalué s'ils pouvaient respecter les modalités de la loi actuelle et les pouvoirs et ils en sont venus à la conclusion que oui.

Le président: Vous dites «il semble». Pour avoir travaillé dans le domaine des relations fédérales-provinciales, je dois dire que cette expression signifie qu'elle n'a à peu près aucune application en pratique. Est-ce que vous savez ce qui se passe?

M. von Finckenstein: Je ne prétends pas parler au nom des gouvernements provinciaux pour dire de quels pouvoirs ils ont besoin.

Le président: Monsieur Wallace, vous avez probablement examiné l'Accord en tant que responsable des relations fédérales-provinciales au sein du ministère de l'Industrie, n'est-ce pas?

M. Tom Wallace, directeur général, Commerce intérieur, Consultations et relations fédérales-provinciales, ministère de l'Industrie du Canada: Nous n'avons pas effectué d'examen détaillé des mesures législatives présentées par les gouvernements provinciaux ni évalué ce qu'ils doivent faire pour mettre l'Accord en oeuvre. L'Accord laisse à chaque gouvernement le soin d'examiner ses propres lois et de proposer les changements qu'il estime nécessaires pour assurer sa mise en oeuvre, si bien que nous n'avons pas fait d'examen exhaustif des mesures que doivent prendre ou non les gouvernements provinciaux pour assurer la mise en oeuvre de l'Accord.

Le sénateur Angus: En réalité, la question est la suivante: savez-vous si tout va bien? L'Accord est-il mis en oeuvre ou non?

M. Wallace: Dans son exposé, M. Dimitrijevic a précisé un certain nombre de secteurs à l'égard desquels l'Accord est mis en oeuvre. Il existe maintenant un processus d'appel d'offres au Canada pour les biens de plus de 25 000 $ et les services de plus de 100 000 $. Tous les gouvernements respectent les exigences de l'Accord et font connaître les possibilités de soumissionner à l'aide de l'un des trois mécanismes d'information, de sorte que l'Accord est opérationnel à cet égard, et un certain nombre de programmes de travail ont été lancés en conformité avec l'Accord.

M. Dimitrijevic a parlé de la mobilité de la main-d'oeuvre. Il existe un programme très actif visant à harmoniser les normes professionnelles au Canada. Par exemple, on a entrepris des activités au chapitre des investissements. D'abord, on prévoit que les gouvernements devront dresser une liste de leurs critères de résidence pour ensuite les éliminer, comme le prévoit l'Accord. Si la question est la suivante: est-ce que des mesures sont prises en conformité de l'Accord, est-ce que l'Accord est appliqué? La réponse est oui, certainement.

Le sénateur Angus: Je ne crois pas que la question soit aussi complexe que vous voulez peut-être le prétendre. Nous croyons qu'il y a probablement beaucoup de collaboration entre les treize parties. Elles se sont toutes réunies dans un acte de foi et signé cet accord sachant qu'un certain travail de liaison se ferait, probablement par l'entremise du Secrétariat. La question est donc la suivante: y a-t-il des problèmes? Y a-t-il de la résistance ou si tout va bien?

M. von Finckenstein: Votre question recèle une hypothèse qui ne s'applique pas dans ce cas-ci. L'Accord prévoit ceci, à l'article 1814:

...le présent accord entre en vigueur le 1er juillet 1995, date à laquelle les Parties devront avoir pris toutes les mesures nécessaires pour lui donner effet.

Rien n'oblige les parties à soumettre une liste, à donner un préavis quelconque ou à proposer un mécanisme de déclenchement comme celui prévu dans d'autres ententes fédérales-provinciales. Par conséquent, l'Accord est en vigueur depuis le 1er juillet 1995. Si une partie estime qu'une autre ne respecte pas l'Accord, alors, elle peut entreprendre des mesures et peut demander le règlement d'un différend en vertu du chapitre 17. Il s'agit d'un accord autoréglementé qui ne nécessite pas de mécanisme de déclenchement.

Si vous avez l'impression que nous ne répondons pas directement à votre question, cela tient à la façon dont l'Accord a été établi et aux modalités régissant son entrée en vigueur.

Le sénateur Angus: À votre connaissance, le gouvernement fédéral a l'impression d'avoir besoin d'adopter le projet de loi C-19 pour respecter ses obligations, n'est-ce pas?

M. von Finckenstein: Oui.

Le sénateur Angus: Étant lui-même l'une des treize parties à l'Accord, le gouvernement fédéral a-t-il entendu parler d'une autre partie qui n'adoptait pas les mesures nécessaires? Est-ce que la réponse est non?

M. Wallace: Vous avez raison, la réponse est non. Si la question était: est-ce que l'Accord est bien mis en oeuvre? Je pense qu'on pourrait dire de façon générale que oui. Des questions qui étaient supposées être négociées avant une date butoir sont toujours en négociation. Certains délais n'ont pas été respectés, mais les responsables y travaillent. M. Dimitrijevic a dit que des négociations sont encore en cours dans le secteur de l'énergie. Nous n'avons pas été capables de conclure le chapitre sur l'énergie dans le délai prévu par l'Accord. De même, les ministres sont encore en train de discuter de l'application du chapitre sur les approvisionnements aux municipalités, établissements d'enseignement, écoles et hôpitaux, si bien que ce ne sont pas tous les délais qui ont été nécessairement respectés. Mais on travaille activement dans tous ces secteurs pour essayer d'avancer le plus possible.

Le président: Je crois que vous avez dit exactement il y a quelques instants que tous les délais n'avaient pas été respectés. Le fait est que l'Accord stipule qu'à partir du 1er juillet 1995, c'est-à-dire le 1er juillet de l'an dernier, tous les gouvernements devaient avoir pris les mesures nécessaires pour le mettre en application. Est-ce bien ce que prévoit l'Accord?

M. von Finckenstein: Oui.

Le président: Ai-je raison?

M. von Finckenstein: Oui.

Le président: Du point de vue du gouvernement fédéral, ce projet de loi est nécessaire pour mettre l'Accord en vigueur, n'est-ce pas?

M. von Finckenstein: À notre avis, l'Accord est exécutoire pour le gouvernement fédéral actuellement. Cependant, ce gouvernement n'a pas les pouvoirs nécessaires pour réaliser tout ce qu'il doit faire.

Le président: Êtes-vous en train de dire que nous n'avons jamais respecté le délai prévu dans l'Accord?

M. von Finckenstein: C'est exact. Nous avons entrepris le processus législatif l'an dernier avant la fin du délai. Nous n'avons pas encore terminé. Nous n'avons pas respecté l'échéance.

Le sénateur Stewart: Je vais d'abord poser une question pédante concernant l'article 6 qui, à tout le moins pour un profane, semble inutile. Pourquoi avez-vous voulu inclure l'article 6? Permettez-moi simplement de le lire pour le consigner au compte rendu:

Il est entendu que la présente loi n'a, ni par ses mentions expresses ni par ses omissions, pour effet de porter atteinte au pouvoir du Parlement d'adopter les dispositions législatives nécessaires à la mise en oeuvre d'une disposition de l'Accord ou à l'exécution des obligations contractées par le gouvernement du Canada aux termes de l'Accord.

Je croyais qu'il s'agissait là d'une réalité constitutionnelle qui n'avait pas besoin d'être réaffirmée. Il semble y avoir une raison subtile qui fait qu'on a jugé nécessaire d'insérer dans une loi un principe fondamental du droit constitutionnel.

M. von Finckenstein: Oui, sénateur, il y en a une. Le même article se trouve dans toutes nos lois sur les échanges commerciaux et dans ce contexte, il vise deux choses: premièrement, il s'agit d'une clause d'interprétation qui stipule que rien dans la loi ne limite ou n'élimine l'obligation que le gouvernement du Canada a contractée en signant l'Accord. C'est une clause d'interprétation à l'intention du lecteur, des juges qui l'interpréteront.

Deuxièmement, quand on dit «au pouvoir du Parlement d'adopter les dispositions législatives nécessaires à la mise en oeuvre d'une disposition de l'Accord», on veut dire en réalité que lorsque le gouvernement fédéral sera tenu d'adopter une loi afin de mettre en oeuvre certaines dispositions de cet accord -- lorsque le gouvernement fédéral devra recourir à son pouvoir constitutionnel --, il le fera pour concrétiser l'Accord.

Il y a dans le projet de loi un exemple de cela, les dispositions aux articles 17 et 18 qui portent sur la Loi sur l'intérêt. Ces dispositions ont été incluses pour appuyer une entente entre les provinces sur le coût du crédit. S'il devait y avoir entente entre les provinces sur le coût du crédit, puisque la question des intérêts relève du gouvernement fédéral, ce dernier modifierait sa Loi sur l'intérêt pour faire en sorte que l'entente soit efficace et mise en oeuvre. De leur propre chef, les provinces ne pourraient pas le faire.

L'article 6 stipule que pour donner effet à une entente interprovinciale, lorsqu'une mesure de soutien législatif fédérale est nécessaire pour l'appuyer, le gouvernement fédéral agira en ce sens.

Le sénateur Stewart: Pourrions-nous maintenant passer à l'article 9? Je suppose que lorsqu'on lit les mots «une province», on entend le gouvernement d'une province?

M. von Finckenstein: C'est exact.

Le sénateur Stewart: D'après ce que je comprends, certaines lois fédérales s'appliquent dans les provinces, par exemple en matière de droit criminel. Je fais ici la distinction entre le gouvernement dans une province et une province du Canada.

Ai-je raison de dire que le chapitre 17 de l'Accord porte sur le processus de règlement des différends?

M. von Finckenstein: Tout à fait.

Le sénateur Stewart: Ce qu'on veut dire ici, c'est que, dans le but de suspendre des avantages d'une province ou de prendre contre elle des mesures de rétorsion ayant un effet équivalent, conformément à l'article 1710 de l'Accord, le gouverneur en conseil peut prendre certaines mesures. Est-ce une interprétation raisonnable de l'article 9?

M. von Finckenstein: Oui, cet article, sénateur, a été rédigé en conformité de l'article 1710 qui ne s'applique pas très facilement. Il doit d'abord y avoir un différend entre les provinces qui doivent avoir essayé de le régler en recourant au mécanisme de règlement des différends. Si elles en sont incapables, elles peuvent alors invoquer le chapitre 17. Premièrement, il y a consultation. Si la consultation échoue, les parties s'adressent ensuite à un groupe spécial. Si le groupe spécial rend une décision favorable et que la province délinquante ne respecte pas la décision du groupe spécial, si elle ne remédie pas au problème, la question est renvoyée au comité du commerce intérieur qui en est saisi pendant un an. Si rien n'est fait, à ce moment-là, la province qui s'estime lésée peut prendre des mesures. Cependant, ces mesures sont restreintes par les dispositions de l'article 1710, ce qui est également prévu au paragraphe 9(3). C'est donc dire que l'avantage qui est suspendu, si possible, doit être un avantage offert dans le même domaine, dans la mesure où la santé économique de la province intéressée n'est pas menacée. Sinon, seulement dans un autre secteur régi par l'Accord, l'avantage doit être redonné dès que la province délinquante remédie à la situation.

Il s'agit d'un droit très circonscrit dont tous les éléments, bien sûr, sont conformes aux règles constitutionnelles. Rien ne permet au gouvernement fédéral de prendre une mesure que, sur le plan constitutionnel, il n'est pas autrement autorisé à prendre.

Le sénateur Stewart: Oui, mais dans ce cas, l'exécutif, le gouvernement du Canada, s'adresse au Parlement pour demander le pouvoir de faire certaines choses dans les circonstances que vous avez décrites. Il serait autorisé à suspendre des droits ou des privilèges accordés par le gouvernement du Canada à une province, et cela veut dire à un gouvernement provincial. Pourriez-vous nous donner un exemple de droit ou de privilège accordé par le gouvernement du Canada à un gouvernement provincial?

M. von Finckenstein: Vous me demandez là de faire des suppositions parce que, comme je l'ai dit, la mesure doit être pertinente à un chapitre précis. Il doit d'abord y avoir un différend dans l'un des secteurs couverts par l'Accord, par exemple, dans le domaine des ressources naturelles ou de la mobilité de la main-d'oeuvre entre les provinces. Il doit s'agir d'un secteur où le gouvernement fédéral s'estimerait lésé.

Dans le cadre de cet Accord, le gouvernement fédéral ne joue pas les policiers. Il ne peut prendre des mesures que dans des secteurs où une partie s'estime lésée à cause de son statut fédéral, de sa constitution en corporation ou d'un règlement. Il est difficile d'avancer une situation d'abord où cela se produirait et, ensuite, d'établir quel avantage serait suspendu qui serait équivalent afin de compenser l'autre partie. Sans avoir les détails d'un cas précis, je trouve très difficile de répondre à votre question.

Le sénateur Stewart: Oui, je comprends, et je ne vous demandais pas non plus de spéculer sur des situations possibles. Ma question avait trait au fait que des droits ou des privilèges sont accordés par le gouvernement du Canada aux gouvernements provinciaux. Je vous demandais un genre d'énoncé général avec peut-être, certains exemples de droits et de privilèges consentis par le gouvernement du Canada aux gouvernements provinciaux qui pourraient être suspendus.

M. von Finckenstein: Dans certains secteurs, on permet aux provinces d'exercer des pouvoirs au nom du gouvernement fédéral en vertu d'une entente, comme la perception des taxes. Nous avons des ententes avec certaines provinces où nous percevons les taxes pour elles ou elles le font pour nous. Je sais, par exemple, que la province de Québec perçoit la TPS au nom du gouvernement fédéral. Ce n'est pas un droit qu'elle a, c'est un privilège, une entente qu'elle a conclue et qui pourrait être révoquée.

C'est un exemple, mais pas un bon exemple. Il faut examiner tous les accords administratifs qui ont été signés au niveau fédéral et provincial, et il y en a des dizaines, et décider ensuite lequel on veut retenir et dans quelle mesure on est prêt à le faire.

Le sénateur Stewart: Ce que vous dites, c'est que la liste des droits et privilèges est suffisamment longue si bien que lorsqu'un gouvernement provincial omet de se conformer aux dispositions de l'Accord, le gouverneur en conseil a au moins un certain poids, n'est-ce pas?

M. von Finckenstein: Oui.

Le sénateur Stewart: Passons maintenant à l'alinéa 9(1)b), qui autorise le gouverneur en conseil à modifier ou à suspendre l'application d'un texte législatif fédéral à l'égard de la province. Je suppose que par «province», vous entendez le gouvernement d'une province et que «modifier ou suspendre l'application d'un texte législatif fédéral» pourrait vouloir dire, par exemple, la loi assurant le financement des programmes établis.

M. von Finckenstein: De nombreuses lois renferment une disposition permettant au gouverneur en conseil de les proclamer et de prévoir leur entrée en vigueur province par province, selon toutes sortes de conditions préalables. Par exemple, on peut révoquer, temporairement ou indéfiniment, une loi qui a été déclarée en vigueur dans la province de l'Alberta.

Le sénateur Stewart: Cette disposition m'intéresse parce qu'elle me paraît très lourde de conséquences, particulièrement quand je vois le mot «suspendre». Je pense à la Déclaration des droits qui a été proclamée à la fin du XVIIe siècle, et dont l'une des principales dispositions prévoyait que l'on pouvait empêcher le pouvoir exécutif de suspendre l'application du droit législatif. Je suis également attiré par le terme «modifier». Le projet de loi renferme-t-il une disposition prévoyant la production de rapports au Parlement lorsque des lois parlementaires ont été mises de côté soit par voie de modification ou de suspension?

M. von Finckenstein: Non, sénateur, le projet ne renferme pas une telle disposition. Cependant, il précise bien «aux termes de l'article 1710» et même si le paragraphe que vous citez dit «suspendre», une telle suspension est étroitement circonscrite par les limites établies à l'article 1710. Il n'est question ici que de la durée de la violation et de l'impact de cette violation.

Le sénateur Stewart: Je comprends. Ce qui m'inquiète, c'est de penser que le gouvernement du Canada puisse être partie à un différend qui n'est pas réglé à la satisfaction des deux parties et qu'il se soit ainsi armé pour agir contre un gouvernement provincial. C'est ça qui me dérange. Il ne semble pas y avoir d'exigences en matière de rapports à présenter au Parlement qui autorisent la suspension d'une loi fédérale.

M. von Finckenstein: Non, il n'y en a pas. Tout ce que je peux dire, sénateur, c'est qu'on trouve une disposition semblable à celle-ci dans l'accord de mise en oeuvre de l'Organisation mondiale du commerce et de l'ALÉNA qui est beaucoup plus restrictive. Les dispositions de l'ALÉNA et de l'OMC sont beaucoup plus vastes et beaucoup plus énergiques.

Le sénateur Angus: Monsieur von Finckenstein, ai-je raison de dire qu'il s'agit d'un projet de loi de mise en oeuvre et qu'il n'a rien à voir avec les avantages de l'Accord sur le commerce intérieur?

Les gens critiquent le projet de loi C-19 en disant qu'il ne supprimera pas les obstacles au commerce, qu'il n'est qu'une demi-mesure et ainsi de suite. Nous ne sommes pas ici pour discuter de politique -- à savoir si l'Accord sur le commerce intérieur est un bon accord ou non du point de vue fédéral --, notre travail est d'examiner le projet de loi et de voir s'il constituera un outil efficace pour assurer la mise en oeuvre de l'Accord. Est-ce exact?

M. von Finckenstein: C'est exact.

Le sénateur Angus: Cela dit, que se passerait-il si le projet de loi n'entrait pas en vigueur?

M. von Finckenstein: Je pense que le gouvernement fédéral contreviendrait à l'obligation qu'il a contractée en signant l'Accord, à savoir mettre toutes les mesures en oeuvre avant le 1er juillet de l'an dernier.

Le sénateur Meighen: Comme toutes les autres provinces qui ne l'ont pas fait, n'est-ce pas?

M. von Finckenstein: Oui. Pour vous donner un exemple pratique, le gouvernement fédéral est supposé nommer un groupe de cinq experts chargés de régler les différends. Cela n'a pas été fait parce que le pouvoir à cet égard doit découler de ce projet de loi. À ma connaissance, seulement deux provinces ont procédé à ces nominations. Par conséquent, plutôt que d'avoir un groupe de 65 personnes dans lequel on peut puiser actuellement, il y en a seulement 10. Ça, c'est un des aspects négatifs.

Le sénateur Angus: Si le Parlement, pour une raison quelconque, retient que l'Accord sur le commerce intérieur ne va pas assez loin parce qu'il renferme trop d'exemptions et qu'il décide de ne pas adopter le projet de loi, cela constituerait-il une protestation positive ou si cela ne ferait pas de différence?

M. von Finckenstein: Sénateur, je ne peux répondre qu'aux questions d'ordre juridique et non politique.

Le sénateur Angus: Je n'avais pas l'intention de poser une question d'ordre politique, mais une question pratique.

Lors du débat en deuxième lecture de ce projet de loi au Sénat -- et je suis certain que vous avez lu cela en vous préparant pour votre témoignage d'aujourd'hui --, un sénateur a déclaré qu'il s'agissait là d'un abus flagrant de procédure parce que le projet de loi ne nous était renvoyé qu'après l'adoption de l'Accord sur le commerce intérieur en 1994. Ai-je raison de supposer qu'il doit y avoir eu des problèmes techniques?

M. von Finckenstein: Il s'agit de problèmes d'ordre législatif et non technique. Le projet de loi n'a pas franchi toutes les étapes dans les deux Chambres du Parlement suffisamment à temps pour que nous puissions l'adopter avant le 1er juillet.

Le sénateur Angus: Pouvez-vous expliquer pourquoi on a mis tant de temps à nous renvoyer le projet de loi? Vous avez dit qu'il y avait eu des problèmes d'ordre législatif l'an dernier.

M. von Finckenstein: Oui. Si vous adoptez le projet de loi aujourd'hui et qu'il entre en vigueur, en gros, vous allez fermer la brèche. Il n'y aura pas d'effet négatif du fait qu'on est en retard d'un an. Il y a souvent des retards lorsqu'il s'agit d'assumer des obligations commerciales. On dispose d'une certaine marge de manoeuvre.

Le sénateur Angus: Monsieur Dimitrijevic, le Secrétariat est établi à Winnipeg, c'est bien cela?

M. Dimitrijevic: Oui.

Le sénateur Angus: Qui le finance?

M. Dimitrijevic: Le gouvernement fédéral, les dix provinces et les deux territoires, conjointement.

Le sénateur Angus: À parts égales ou selon une formule prévue dans l'Accord?

M. Dimitrijevic: Le gouvernement fédéral assume 50 p. 100 des dépenses, les provinces et les territoires l'autre moitié calculée au prorata de leur population.

Le sénateur Angus: À qui faites-vous rapport? Vous êtes en quelque sorte le PDG du Secrétariat et vous dites que vous avez sept ou huit collègues. Vous devez rendre compte à quelqu'un?

M. Dimitrijevic: Le comité du commerce intérieur, composé de ministres du gouvernement fédéral, des dix provinces et des deux territoires, a établi un conseil de gestion composé de représentants de chacun des treize gouvernements partie à l'Accord.

Le sénateur Angus: Un conseil de gestion semblable au conseil d'administration d'une entreprise?

M. Dimitrijevic: Oui, bien que nous ne soyons pas une entité constituée en personne morale.

Le sénateur Angus: Êtes-vous obligés, selon l'Accord, de déposer des rapports régulièrement?

M. Dimitrijevic: Nous sommes obligés de déposer un rapport annuel, d'effectuer une vérification, de demander à un vérificateur externe d'examiner nos livres et de faire rapport, oui.

Le sénateur Angus: Cette vérification est-elle assujettie à un examen par des vérificateurs externes ou par le vérificateur général?

M. Dimitrijevic: Conformément à l'Accord, le vérificateur doit être approuvé par le conseil de gestion, donc par les treize parties. Il s'agit d'un vérificateur externe et ce rapport sera présenté aux ministres conformément aux dispositions de l'entente visant à établir le Secrétariat du commerce intérieur.

Le sénateur Angus: Existe-t-il un mécanisme à cet effet, ou avez-vous l'intention de faire rapport à notre comité, le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, de façon régulière ou si cela n'est pas prévu?

M. Dimitrijevic: À ce que je sache, nous ne sommes pas tenus de faire rapport régulièrement à votre comité.

Le président: Est-ce que le rapport qui est présenté au gouvernement fédéral et aux douze autres gouvernements est un document public ou confidentiel?

M. Dimitrijevic: Bonne question. Il s'agit d'un rapport présenté par le Secrétariat aux treize ministres. Rien dans l'Accord ne stipule qu'il s'agit d'un rapport public ou privé, on est simplement tenu de fournir l'information financière aux treize parties.

Le président: Ce rapport ne renfermera pas seulement des données financières. Je suppose que dans votre rapport annuel, vous allez donner une sorte d'évaluation générale, dans laquelle vous ferez état des évaluations qui ont été faites, des différends qui ont été réglés et vous donnerez une liste exhaustive de toutes les questions sur lesquelles vous travaillez. Est-ce que j'ai raison de supposer cela?

M. Dimitrijevic: Oui, vous avez raison, et cette information sera disponible. Le Secrétariat a entre autres responsabilités d'informer le public au sujet du processus prévu par l'Accord. Votre question, d'après ce que j'ai compris, portait précisément sur la disponibilité des résultats de la vérification elle-même. Oui, bien sûr, des rapports seront présentés au public.

Le président: Est-ce que vous dites qu'ils sont disponibles pour le public?

M. Dimitrijevic: Ils le seront. Nous n'en avons pas encore produit.

Le président: Même si l'Accord ne renferme pas de disposition explicite à cet égard, si notre comité devait vous convoquer comme témoin, vous seriez alors tenu de comparaître. J'essayais de voir si le rapport nous sera remis officiellement, et si nous avons le pouvoir de discuter de cela.

Le sénateur Meighen: À votre avis, il ne s'agit pas d'un document public ou d'un document classé jusqu'à ce qu'il soit approuvé par les treize parties, n'est-ce pas?

M. Dimitrijevic: C'est exact.

Le président: Le document public sera-t-il une version édulcorée?

Le sénateur Meighen: Il s'agira d'un rapport qui devra avoir été approuvé par les treize parties. Tant que les treize parties ne se seront pas entendues, il s'agira d'un document interne que, l'on suppose, vous ne vous sentirez pas tellement libre de remettre à notre comité ou à tout autre organisme, n'est-ce pas?

M. Dimitrijevic: C'est juste. Je fais rapport à treize parties et je reçois mes directives du comité. Du même souffle, lorsque je présente un rapport aux treize parties, elles peuvent décider d'en faire ce qu'elles veulent.

Le sénateur Angus: Notre travail est de nous assurer qu'il y a transparence et que le public qui, je crois, est intéressé par la libéralisation des échanges interprovinciaux, puisse comprendre comment cela fonctionne.

Le projet de loi que nous étudions ne porte pas sur la politique gouvernementale ni sur le fond de l'Accord comme tel. Cependant, on a écrit, je pense que c'est David Schwanen du C.D. Howe Institute, qu'il est à espérer qu'avec les années, votre Secrétariat deviendra un organisme d'élaboration de politiques. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez parce qu'il me semble que vous avez véritablement une chance d'éliminer plus d'obstacles que ce qui a été prévu dans l'Accord actuel.

M. Dimitrijevic: Je pense que vous avez tout à fait raison. Les dispositions concernant les mesures que doit prendre le Secrétariat se résument à une ligne -- il s'agit d'offrir un soutien opérationnel et administratif --, et ces dispositions peuvent être interprétées de bien des façons. À mon point de vue, cela revient à trouver un équilibre entre l'orientation du comité quant à ce que moi je peux faire et l'interprétation de ce qu'on entend par «soutien administratif et opérationnel» à l'égard de la promotion et de la mise en oeuvre de l'Accord. J'ai l'impression que le rôle du Secrétariat va évoluer. Le Secrétariat est une entité nouvelle, les parties ne savent pas ce qu'il sera capable de faire ou non, donc il faut qu'un certain niveau d'assurance s'installe.

Lorsque j'examine d'autres secrétariats semblables, comme le Conseil canadien des ministres de l'Environnement qui existe depuis longtemps, mes collègues de ces ministères me parlent du changement de fonctions qui s'est opéré au début comparativement à ce qu'ils font maintenant. Plus de mesures politiques sont adoptées. Dans une certaine mesure, c'est ce que doit faire le Secrétariat, et les parties elles-mêmes doivent accepter le fait que cet organisme peut leur offrir ces services.

Le sénateur Angus: Je suis certain qu'avant d'être engagé à ce poste, vous aviez votre propre vision du rôle du Secrétariat. Quelle stratégie avez-vous en tête, pensez-vous notamment à jouer le rôle de surveillant des treize partenaires?

Peut-être devrais-je inclure ma dernière question là-dedans et vous laisser répondre. Tout à l'heure, vous avez parlé de «maraudage» où le premier ministre d'une province accapare les affaires d'une autre province; c'est assez courant aujourd'hui. Je pense à deux premiers ministres au moins qui ont pris des mesures provocatrices à cet égard, et avec un certain succès. Est-ce que cela fait partie de votre travail de leur rappeler que de tels agissements vont à l'encontre de l'esprit de l'Accord?

M. Dimitrijevic: Dans un sens, vous avez raison, le Secrétariat a véritablement un rôle de surveillant à jouer, à savoir que c'est le seul organisme qui a une vision globale et générale de ce qui se passe dans tous les treize gouvernements et que par conséquent, nous sommes en mesure d'en savoir le plus possible, pour autant qu'on nous informe de ce qui se passe, et de soulever les problèmes auprès des parties intéressées.

Vous avez dit qu'il se fait pas mal de maraudage. Il y a aussi autre chose qui se passe et j'en entends parler lorsque je discute avec mes collègues. Dans bien des cas, on n'agit pas comme on aurait agi si les dispositions de l'Accord n'étaient pas en place, plus particulièrement en ce qui concerne le maraudage. Les parties se rappelleront que certaines mesures ne sont plus permises et feront donc marche arrière. L'Accord a cet aspect positif.

Quant au rôle du Secrétariat, oui, je pense que le rôle d'un Secrétariat est également de favoriser la mise en oeuvre de l'Accord. Je suis là pour mettre en oeuvre l'Accord qui vise à réduire les obstacles au commerce interprovincial. Par conséquent, mon travail est de favoriser la mise en oeuvre de l'Accord pour m'assurer le plus possible que toutes les parties respectent leurs obligations, que les membres du groupe spécial sont désignés et que, en fait, leurs politiques internes sont examinées. Nous collaborons avec chaque groupe de travail. Nous rencontrons le président de chacun de ces groupes. Nous les informons des réunions et de ce qui se passe.

D'un côté, nous tentons de promouvoir la mise en oeuvre de l'Accord et de l'autre, comme je l'ai dit, nous devons tenir compte de directives que nous recevons du comité de gestion quant à savoir ce qu'il veut que nous fassions ou non. Il y a une sorte de tension dynamique entre nous.

Le sénateur Angus: Dans votre vision, est-ce que vous prévoyez supprimer certaines des exceptions et élargir la portée de l'Accord?

M. Dimitrijevic: C'est intéressant, car comme je l'ai dit, je suis à la fin d'une tournée où j'ai rencontré toutes les parties et consulté leurs ministères respectifs sur les négociations futures et un examen général des exemptions et des exceptions a été proposé comme activité qui devrait être entreprise à un moment donné par plus d'une des parties. Avec le temps, les exemptions et les exceptions seront réexaminées et feront l'objet d'analyses et de décisions quant à savoir si elles doivent demeurer.

Le sénateur Kenny: J'aimerais revenir au caractère précis de vos fonctions et à la façon dont vous vous acquitterez de votre tåche. Prévoyez-vous publier une liste d'obstacles par secteur? Est-ce que vous considérez que cela fait partie de votre rôle?

M. Dimitrijevic: Votre question est intéressante. Dans certains des échanges que j'ai eus avec des organismes comme la Chambre de commerce du Canada et la Fédération canadienne des entreprises indépendantes, on m'a dit qu'on aimerait avoir des exemples d'obstacles. La question a été portée à mon attention. Je songe à dresser une liste de certains exemples, mais ce n'est pas nécessairement une des exigences. Par contre, le rapport annuel portera sur les progrès réalisés à ce jour et sur toutes les plaintes qui ont été portées.

Le sénateur Kenny: Je suppose que d'une part, il s'agit d'une perspective historique, et que de l'autre, vous désirez faire connaître votre vision du monde. Vous trouverez inévitablement des façons de recueillir les renseignements au sujet des problèmes et, ce faisant, il serait intéressant pour des gens comme nous que vous cataloguiez les secteurs où vous percevez l'érection d'obstacles. Si vous ne faites rapport que sur les problèmes qu'on vous demande de traiter, vous serez en situation de réaction. Cependant, si vous repérez de façon constante les dix obstacles les plus importants chaque année, les gens vont vouloir peut-être alors se concentrer sur eux.

M. Dimitrijevic: Le Secrétariat a l'intention de signaler aux membres des questions et des problèmes qui se posent, particulièrement les plus importants.

Le sénateur Kenny: Sans que quelqu'un ne vous pressente officiellement pour le faire, autrement dit, vous agissez de votre propre chef?

M. Dimitrijevic: Oui. J'interprète la directive du comité de façon assez large. J'ai effectivement une certaine marge de manoeuvre quant aux décisions que je prends.

Le sénateur Kenny: Ce serait utile si vous nous donniez un exemple de la façon dont vous pourriez fonctionner. J'aimerais reprendre un exemple qui a été soulevé auprès d'un autre comité hier à Calgary. Cela concernait le projet de loi C-29, le projet de loi sur le «MMT» qui, essentiellement, interdit le transport et l'importation de ce produit au Canada. L'un des premiers ministres, le premier ministre Kline en l'occurrence, s'est dit inquiet de voir que les dispositions de ce projet de loi semblent contredire le chapitre de l'Accord portant sur l'environnement. Si le premier ministre Kline décidait de soulever la question et d'invoquer le projet de loi, comment devrait-il s'y prendre et comment le système fonctionnerait-il?

M. Dimitrijevic: Je crois qu'il y a déjà eu un échange entre fonctionnaires du gouvernement de l'Alberta et de l'Ontario au sujet de cette question; l'Alberta a demandé une réponse ou une explication concernant les dispositions touchant le MMT. D'après le libellé de l'Accord, on encourage le règlement des différends ou des plaintes d'abord au niveau des parties elles-mêmes. L'Accord est ainsi conçu pour tenter de régler le plus de plaintes possible entre les parties en cause, dans ce cas-ci, deux provinces, ou une province et le gouvernement fédéral selon le cas. À toutes les étapes, le Secrétariat est tenu au courant du processus. Si l'Alberta écrit à une autre province ou au gouvernement fédéral, nous en serons informés, nous suivrons l'évolution du dossier, mais essentiellement, tout se passe entre les deux parties, et non pas entre les parties et le Secrétariat.

Le sénateur Kenny: En gros, le premier ministre Kline écrirait à M. Marchi pour l'informer que le projet de loi cause des problèmes à son gouvernement parce que, à son avis, il viole une disposition précise de l'Accord, et on vous ferait parvenir un double de la lettre. Est-ce que c'est bien comme cela que ça fonctionnerait?

M. Dimitrijevic: Oui.

Le sénateur Kenny: Vous serez tenu au courant de ce qui se passe, mais vous n'aurez pas à intervenir?

M. Dimitrijevic: C'est exact.

Le sénateur Kenny: À quel moment, en tant que partie intéressée, intervenez-vous?

M. Dimitrijevic: J'interviendrai de deux façons. Premièrement, si le problème est soulevé au niveau des ministres, au niveau du comité du commerce intérieur, je dois remettre un mémoire aux ministres sur la question. Le Secrétariat ne joue pas un rôle de police ou de gardien. Il est là pour offrir de l'aide dans la mise en oeuvre de l'Accord. Comme je l'ai dit, si la question est soulevée au niveau ministériel, il existe des dispositions permettant de consulter les ministres. Deuxièmement, si la question est déférée à un groupe spécial, le Secrétariat devra alors veiller à la composition du groupe, il devra s'assurer que le groupe suit les règles de la procédure et que sa décision est rendue. C'est à ce niveau-là que le Secrétariat interviendrait.

Le sénateur Kenny: Comment déterminez-vous si oui ou non une mesure contrevient à l'Accord sur le commerce intérieur? Est-ce le travail du groupe spécial ou le vôtre? Comment décidez-vous si vous intervenez ou pas?

M. Dimitrijevic: C'est le groupe spécial qui décide. Le groupe spécial rendra sa décision quant à savoir s'il y a contravention ou non. En réalité, le groupe spécial peut convoquer des spécialistes techniques ou juridiques pour le conseiller au besoin, et nous donnerons tous les avis que nous pouvons, mais c'est le groupe spécial qui déterminera si l'Accord même est violé.

Le sénateur Kenny: Ensuite, le groupe spécial fait son rapport. Est-ce simplement une question de persuasion morale à ce moment-là?

M. Dimitrijevic: L'Accord prévoit, selon certaines conditions, une certaine persuasion morale et par la suite des mesures de rétorsion.

Le sénateur Kenny: Dans cet exemple, comment une province pourrait-elle adopter des mesures de rétorsion contre le gouvernement fédéral?

M. Dimitrijevic: Question intéressante, sénateur. Mon exemple était plutôt un exemple général.

Le sénateur Kenny: Je vous ai donné l'exemple d'une province qui porte plainte auprès du gouvernement fédéral au sujet d'un projet de loi qui doit être adopté.

M. Dimitrijevic: Une bonne partie du processus de règlement des différends tient au fait que la décision est publique, il y a donc un aspect de persuasion morale inclus là-dedans et c'est là que tout dépend de la mise en oeuvre de la décision.

Le sénateur Kenny: En bout de ligne, si M. Klein obtient gain de cause, il sera rassuré de voir que la question a été examinée par un groupe spécial indépendant qui a appuyé sa position, n'est-ce pas?

M. Dimitrijevic: C'est exact. La décision sera rendue publique et si le gouvernement fédéral n'apporte aucun changement conformément à la décision du groupe spécial, la question pourrait être ramenée au comité du commerce intérieur qui en discutera à nouveau.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je sais qu'il y a un contrat du gouvernement fédéral qui a été exécuté en Alberta où on exigeait dans le processus d'appel d'offres que le consortium ait déjà exécuté un contrat semblable dans cette province. Bien sûr, personne de l'extérieur de la province ne pouvait prétendre satisfaire à cette exigence. Toutes les entreprises ont été exclues, de même que certains Albertains. Il s'agissait d'un contrat de construction. J'ai fini par faire changer les règles dans ce cas.

Approvisionnements et Services établit toutes sortes de règles et d'exigences. Parfois, on impose des normes étranges qui, d'office, empêchent certaines provinces de présenter une soumission. Comment pouvons-nous mettre de l'ordre là-dedans?

Le sénateur Stewart: Pourrais-je poser une question complémentaire à celle-là, si bien que nous aurons une réponse commune?

L'article 9 prévoit ce que le gouvernement du Canada peut faire lorsqu'il est établi qu'une mesure adoptée par un gouvernement provincial diffère de la décision d'un groupe spécial. Le sénateur Kenny nous a parlé d'un cas général, et nous avons l'exemple marquant donné par le sénateur Hervieux-Payette. Qu'est-ce qu'un gouvernement provincial pourrait faire lorsque c'est le gouvernement du Canada qui ne tient pas compte de la décision du groupe spécial? Peut-il prendre des mesures de rétorsion?

Le sénateur Kenny: C'était la question de départ.

M. Wallace: Je peux vous répondre à tout le moins en ce qui concerne le volet touchant les marchés publics. L'Accord renferme des dispositions concernant les différends avec le gouvernement fédéral. Le cas dont vous avez parlé semblait concerner une question d'approvisionnement. Si une pratique quelconque viole les dispositions de l'Accord, il est alors prévu que les plaintes peuvent être examinées par la Commission de révision des marchés publics du Tribunal canadien du commerce extérieur. Il y a une disposition qui prévoit que l'organisme d'examen, dans ce cas-ci le TCCE, peut recommander d'accorder une indemnisation ou prendre diverses mesures pour corriger la situation. À tout le moins, dans le cas d'une violation des dispositions concernant les marchés publics du gouvernement fédéral, il existe des procédures pour les violations de l'Accord sur le commerce intérieur et, je crois, des violations d'autres politiques du gouvernement fédéral sur les marchés publics qui peuvent être examinées ainsi.

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce un mécanisme qui est suffisamment rapide pour corriger la demande de propositions de façon à faire en sorte qu'elle ne contrevienne pas aux règles?

M. Wallace: Je ne connais pas en détail toutes les procédures administratives du Tribunal, mais l'Accord stipule que l'organisme de réexamen peut recommander, s'il y a lieu, de retarder l'attribution du contrat en attendant que le processus d'appel d'offres soit rectifié.

Le Tribunal a le pouvoir, en supposant qu'il existe des mesures administratives à cet effet, d'adopter assez rapidement des mesures en ce sens.

Le sénateur Meighen: J'aimerais revenir à la question de la mise en oeuvre. Pour ce qui est du projet de loi que nous étudions, j'aimerais savoir si des décisions sont actuellement en suspens en attendant l'adoption du projet de loi.

En ce qui concerne les provinces qui ont ou n'ont pas adopté de projet de loi de mise en oeuvre, je crois comprendre, d'après votre réponse, qu'il n'est pas nécessairement obligatoire d'adopter une telle loi parce que les provinces peuvent déjà avoir les lois nécessaires. Est-ce que je dois en conclure que pour savoir si tel est le cas, nous devons attendre qu'un exemple précis se pose et que, si la province attend d'avoir les pouvoirs législatifs nécessaires, nous saurons alors qu'elle a adopté un projet de loi de mise en oeuvre?

Avez-vous en tête un exemple précis d'une décision qui serait actuellement «coincée» faute de lois provinciales de mise en oeuvre?

M. von Finckenstein: Je ne sais pas si je peux répondre aux trois questions, mais je peux certainement répondre à la première.

Vous avez demandé si des décisions sont actuellement en suspens. La loi renferme toutes sortes de dispositions habilitantes. On ne peut pas nommer de groupe spécial actuellement. Une disposition prévoit que le gouverneur en conseil peut donner des directives aux sociétés d'État et leur demander de se conformer à l'Accord sur le commerce intérieur. Si le gouvernement était informé aujourd'hui qu'une société d'État ne respecte pas l'Accord, en effet, il ne dispose d'aucun pouvoir pour la forcer à le faire. Ce projet de loi accorderait ce pouvoir.

L'article 15 du projet de loi prévoit le remboursement des coûts lorsqu'une partie privée a gain de cause contre le gouvernement fédéral. Rien de tel ne s'est produit, mais cela pourrait arriver n'importe quand. La seule chose qui est en suspens pour l'instant, comme je l'ai dit, c'est la nomination de certains membres du groupe spécial.

En ce qui concerne la mise en oeuvre au niveau provincial, lorsque cet accord a été négocié, on a beaucoup discuté de cette clause de mise en oeuvre qui entrera en vigueur. Toutes les parties étaient d'accord pour dire que le fait de prévoir un processus de règlement des différends, un mécanisme déclencheur et la présentation de lois ou de règlements afférents, compte tenu des contacts établis lors de précédentes rencontres constitutionnelles fédérale-provinciales, constituerait un problème et qu'il ne fallait pas adopter une telle solution. On croyait plutôt que chaque entente entrerait en vigueur à une date précise, où toutes les parties prendraient les mesures nécessaires pour l'appliquer et que si une partie omettait de le faire, elle serait alors assujettie au mécanisme de règlement des différends. À ce jour, je sais que ni les provinces ni le gouvernement fédéral ont accusé une autre partie de ne pas avoir respecté ses engagements et de ce fait de lui avoir causé des dommages. De là à dire que c'est parce qu'aucune industrie n'a porté plainte, que l'on n'était pas au courant de cette disposition ou parce que l'Accord a été respecté, je n'en sais rien.

Le sénateur Meighen: Si cela devait se produire, est-ce que ce serait au Secrétariat ou au gouvernement de soulever la question auprès des autorités provinciales? Monsieur Dimitrijevic, est-ce que vous considérez que c'est à vous qu'il incombe de signaler le fait qu'une province n'a pas le poids législatif nécessaire pour faire ce qu'elle a dit qu'elle ferait?

M. Dimitrijevic: Je considère que c'est mon travail de soulever la question auprès d'une province qui n'a pas respecté ses obligations et de lui demander de m'en donner les raisons. Je lui demanderais également quand elle respectera une obligation prévue par l'Accord au lieu de lui dire qu'elle est tenue de modifier la loi. Mon travail est de m'adresser aux provinces, de signaler les obligations qu'elles n'ont pas respectées et de leur demander de m'en aviser.

Le sénateur Meighen: Elles ont toutes l'obligation d'adopter une loi de mise en oeuvre.

M. Dimitrijevic: D'après ce que j'en sais, certaines provinces ont en réalité précisé qu'à leur avis, elles n'ont pas besoin d'adopter quelque loi que ce soit.

Le sénateur Meighen: On ne le saura que lorsqu'un cas précis nous sera soumis.

M. Dimitrijevic: C'est exact.

Le sénateur Meighen: À votre avis, est-ce que vous croyez que le Secrétariat a un rôle à jouer dans la promotion du commerce bilatéral entre certaines des treize parties? Je pense aux accords sur la main-d'oeuvre et à des choses du genre. Le Québec et l'Ontario viennent tout juste de conclure une telle entente, par exemple, et certains estiment que c'est là une approche probablement plus efficace pour supprimer les obstacles aux échanges interprovinciaux que l'approche préconisée par le projet de loi que nous étudions.

M. Dimitrijevic: Je ne crois pas que la promotion du commerce relève du Secrétariat, sénateur. L'Accord reconnaît certainement qu'il y aura conclusion d'accords bilatéraux et multilatéraux et nous croyons que c'est là une bonne chose. En fait, si des accords bilatéraux sont conclus, cela aura une certaine valeur pour nous parce qu'ils renfermeront peut-être des dispositions que d'autres parties pourraient juger utiles d'examiner. Cependant, je ne suis pas certain que la promotion d'une telle activité s'inscrive dans les responsabilités du Secrétariat.

Le sénateur Meighen: Lorsque nous avons étudié le projet de loi sur la SADC, nous avons discuté de la question de la superposition, c'est-à-dire la pratique qui consiste à diviser un dépôt important en petits dépôts de façon à ce que chaque dépôt soit couvert par l'assurance-dépôt. Le projet de loi d'aujourd'hui porte sur les contrats du gouvernement de 25 000 $ et plus. Renferme-t-il une disposition contre la superposition des contrats? Je crois savoir que dans le passé, dans certaines provinces et territoires, on fractionnait les marchés. Pouvez-vous me dire ce qu'il en est?

M. Dimitrijevic: L'Accord ne renferme aucune disposition précise visant à empêcher quelqu'un de fractionner un marché en appel d'offres de 25 000 $. Cependant, si nous avons des preuves qu'une telle pratique est monnaie courante et que l'on abuse du système, il y a alors deux façons de régler le problème: une partie peut soulever le problème et porter plainte, avec raison; ou encore, si la question est portée à l'attention du Secrétariat, nous pouvons soulever la question auprès de la partie intéressée.

Mon collègue a fait remarquer qu'il existe une disposition stipulant que l'on ne peut pas adopter une telle pratique -- on ne peut pas contourner l'Accord.

Le sénateur Meighen: Cela me rassure de vous entendre dire que vous considérez de votre devoir, entre autres, de donner le signal d'alarme si personne ne le fait.

M. Dimitrijevic: Si nous avons connaissance que l'Accord est contourné, oui, nous le dirons.

M. von Finckenstein: L'Accord renferme une disposition précise empêchant la superposition des marchés. Plus précisément, il s'agit du paragraphe 3 de l'article 505.

Le sénateur Meighen: Les choses ont été précipitées à la dernière minute, si bien que cette disposition m'a échappé.

M. von Finckenstein: S'il y a fractionnement d'un marché, comme M. Dimitrijevic l'a fait remarquer, la partie lésée pourrait soumettre la partie délinquante au processus de règlement des différends.

Le sénateur Meighen: Je ne connais pas de question qui fasse autant l'unanimité mais qui ait si peu d'effet en pratique. Ce que je veux dire, c'est que tout le monde est d'accord pour faire ce que vous essayez de faire, sauf si ces personnes font partie du gouvernement ou que leurs intérêts sont menacés. Si vous y arrivez, je crois que les questions que vous a posées le sénateur Angus au sujet de la publicité, des rapports, de l'établissement de certaines situations, sont absolument essentielles à votre succès. Si vous travaillez dans l'anonymat sans vous impliquer politiquement -- bien que je pense que vous pouvez certainement énoncer les faits et laisser le public décider des mesures qui devraient être prises --, vous allez disparaître et on n'entendra plus jamais parler de vous, ce qui serait très dommage.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je suis d'accord. C'est comme si on peignait un immeuble étage par étage et qu'on accordait le contrat étage par étage. Il faut vraiment faire preuve de vigilance pour surveiller l'exécution du contrat de peinture.

Le président: Mon expérience sur la scène provinciale m'amène à penser à des provinces qui le feraient.

Le sénateur Hervieux-Payette: Dans le discours du Trône, le gouvernement fédéral a fait part de son intention de transférer aux provinces des champs de compétence concernant les mines, l'environnement et ainsi de suite. Bien sûr, nous devons nous assurer que les sociétés n'abaisseront pas les normes de sécurité et de protection, plus particulièrement dans le domaine des mines. Nous avons été témoins de certains exemples à cet égard dernièrement. Je ne connais pas votre accord par coeur. Renferme-t-il une disposition concernant la sécurité?

Ce qui m'inquiète, c'est que si le gouvernement fédéral transfère effectivement des pouvoirs, comme il a dit qu'il le fera, il risque d'y avoir un fouillis. Est-ce que cet accord constitue le cadre adéquat permettant de régler ces problèmes? Nivellera-t-il les conditions de sorte que chacune des parties aura des chances égales lorsqu'elle décidera d'investir? De grosses sommes sont en cause.

M. Wallace: Je vais peut-être vous donner une réponse partielle à votre question. Dans le chapitre sur l'environnement, par exemple, on trouve une disposition sur l'harmonisation des règlements environnementaux, la reconnaissance mutuelle et d'autres moyens. Il y a aussi un article conçu pour empêcher une course vers le bas, comme on dit. L'Accord stipule que chaque partie doit s'assurer que des mesures confèrent un niveau élevé de protection environnementale.

Le sénateur Hervieux-Payette: La même situation s'appliquerait à la vente de types particuliers d'équipement dangereux où l'abaissement des normes de sécurité pourrait conférer un avantage concurrentiel à une entreprise sur une autre.

M. Wallace: Le paragraphe 5 de l'article 1505 stipule que:

Les Parties ne peuvent renoncer ou déroger de quelque façon, ni offrir de renoncer ou de déroger à leurs mesures environnementales en vue d'encourager l'établissement, l'acquisition, l'expansion, l'exploitation ou le maintien d'une entreprise sur leur territoire.

Le chapitre sur l'environnement a été négocié par les fonctionnaires du ministère de l'Environnement et je pense qu'ils étaient assez préoccupés par cette idée de «course vers le bas». Le paragraphe et d'autres dispositions sont conçus pour s'assurer que le processus d'harmonisation ne se traduit pas par une baisse du dénominateur commun.

M. von Finckenstein: Cette disposition se trouve tant dans le chapitre sur l'environnement que dans le chapitre sur les investissements, à l'article 610. Pour les fins d'investissement ou pour des fins environnementales, il ne peut pas y avoir de course vers le bas, c'est-à-dire que l'on ne peut pas supprimer les normes concernant la pollution pour attirer une industrie ou autre chose du genre.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je pense que c'est un bon départ. C'est une considération importante.

M. Wallace: J'aimerais aussi vous reporter au paragraphe 2 de l'article 1508 qui dit:

Dans l'harmonisation des mesures de protection de l'environnement, les Parties maintiennent les niveaux existants de protection de l'environnement et s'efforcent de les renforcer. Les Parties ne peuvent pas, par de telles mesures d'harmonisation, réduire les niveaux de protection de l'environnement.

C'est là une disposition relativement ferme et son objectif est d'établir clairement qu'il ne devrait pas y avoir de relåchement des normes environnementales en général.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je suis d'accord avec mon collègue pour dire que la transparence est la clé du succès de tout le processus. Ce qui m'inquiète, c'est la fonction du vérificateur général et sa capacité de veiller à ce que le public en général et nos chefs politiques soient bien informés.

Le sénateur Stewart: J'aimerais poser deux questions d'un autre ordre. Ma première question est d'ordre technique. L'article 11 dit:

Le gouvernement du Canada, conformément à l'annexe 1603.3 de l'Accord, paie sa quote-part du budget annuel de fonctionnement du Secrétariat visé à l'article 1603 de l'Accord.

Ensuite, à l'article 14, on dit:

1) Le gouverneur en conseil peut nommer les personnes à inscrire sur la liste de membres prévue à l'article 1705 de l'Accord.

Ensuite, il y a un article sur la rémunération de ces personnes.

Ai-je raison de supposer qu'il ne s'agit pas là de dépenses législatives distinctes des dépenses qui seraient incluses dans le processus budgétaire annuel?

M. von Finckenstein: Une fois que l'article 11 sera adopté, il s'agira d'une dépense législative.

Le sénateur Stewart: Qui ne sera donc pas incluse dans les crédits faisant l'objet d'un vote?

M. von Finckenstein: Non.

Le sénateur Stewart: Pouvez-vous nous donner une idée de l'ampleur des dépenses annuelles que cet article autorise?

M. von Finckenstein: La quote-part du fédéral est établie dans l'Accord.

Le sénateur Stewart: Mais le montant?

M. Dimitrijevic: Pour la première année d'exploitation du Secrétariat, le budget a été de 750 000 $. La quote-part du gouvernement fédéral est de 50 p. 100, donc de 375 000 $. Le budget de la deuxième année pourrait aller jusqu'à 823 000 $, donc la quote-part du gouvernement fédéral sera de 411 500 $.

Le sénateur Stewart: Pourriez-vous maintenant passer à l'autre article qui a un caractère plus spéculatif? Nous ne savons pas combien de personnes il y aura ou combien d'argent il faudra dépenser en vertu des dispositions de l'article 14.

M. von Finckenstein: Il s'agit en sorte d'une disposition «générale» concernant les nominations qui est nécessaire pour le fonctionnement de l'Accord. L'Accord prévoit la nomination de groupes spéciaux dont les parties exercent certaines fonctions. Par exemple, nous devons nommer une personne chargée de faire la sélection des plaintes du secteur privé pour voir si elles sont valides avant de les soumettre au processus de règlement des différends. Cet article porte sur ces postes.

Dans la plupart des cas, on tentera de nommer quelqu'un qui est déjà sur la liste de paye du gouvernement. Cette personne exécutera cette fonction en plus de celles qu'elle exerce déjà, si bien qu'il n'y aura pas de coûts additionnels. Cependant, dans les cas où il sera nécessaire de désigner quelqu'un qui ne fait pas partie de la fonction publique, cette disposition permet au gouverneur en conseil de fixer sa rémunération.

Le sénateur Stewart: Je ne veux pas ventiler ma colère sur les témoins d'aujourd'hui, monsieur le président, le processus budgétaire est devenu tellement insatisfaisant -- et ce n'est pas entièrement la faute de l'exécutif, mais plus celle de la Chambre des communes --, que lorsqu'on nous demande d'accorder ce genre de pouvoir, ça nous rend mal à l'aise. Cependant, je ne peux pas vous demander de régler le problème ce matin.

Permettez-moi de passer à une autre question. On a deux impressions en lisant l'Accord et le projet de loi. L'une est qu'il s'agit de deux mesures très importantes, l'autre est qu'il faut faire face à des irritants mineurs. Je reviens tout juste d'un voyage où j'ai constaté ce qui se passe au sein de l'Union européenne où l'on essaie de «perfectionner» le marché. Je ne crois pas que nous utiliserions ces termes, je pense plutôt que nous parlerions d'essayer «d'améliorer le marché». Avez-vous une idée de l'importance d'un tel travail? À quel point y a-t-il déformation dans ce cas-ci? Qu'est-ce qu'il en coûte dans le régime actuel? Quelles économies les gouvernements provinciaux réaliseront-ils? Quels seront les effets éventuels sur les investissements au Canada de l'amélioration du marché intérieur canadien?

M. Wallace: Je ne crois pas qu'il y ait d'études concluantes sur la taille des obstacles. À quelques reprises, des commissions royales ont tenté de faire cette évaluation et elles ont étudié l'aspect économique. L'estimation la plus connue est de 7 milliards de dollars, ou un pour cent du PIB, par l'Association des manufacturiers canadiens, qui a été réalisée au début des années 1990 avant la conclusion de l'Accord sur le commerce intérieur. Dans d'autres études, les gens en sont venus à la conclusion que les coûts pourraient être beaucoup plus bas que cela.

Le genre d'activités qui ont toujours été pointées du doigt dans les analyses économiques comme étant celles qui contribuent à ces coûts économiques sont des facteurs comme les politiques préférentielles d'achat des gouvernements et les politiques dans le secteur des alcools et des boissons. Nos accords internationaux et notre Accord sur le commerce intérieur s'intéressent largement à ces deux secteurs.

La plupart des études en viennent à la conclusion qu'il y a beaucoup d'aspects non quantifiables dans ce problème qui sont difficiles à saisir et que l'un des grands désavantages des obstacles au commerce intérieur, ce sont les restrictions qui empêchent les entreprises d'élargir leurs assises dans tout le pays et de prendre de l'expansion afin de pouvoir livrer concurrence sur les marchés internationaux. À mon avis, c'est là quelque chose que tout le monde réalise et qui est un aspect très important du problème que nous essayons de régler. Cependant, il est très difficile d'obtenir une estimation quantitative précise du coût qu'impliquent les obstacles au commerce dans notre pays.

Le sénateur Angus: Ma question s'adresse à vous, monsieur von Finckenstein. Le projet de loi C-19, le projet de loi actuel, succède au projet de loi C-88, n'est-ce pas?

Le président: En d'autres termes, le projet de loi C-88 était celui présenté à la session antérieure?

M. von Finckenstein: Oui, on le dit à la première page.

Le sénateur Angus: Je tenais à clarifier les questions que j'ai posées tout à l'heure au sujet des retards. Je sais que le projet de loi C-88 a franchi toutes les étapes du processus législatif, qu'il s'est rendu à l'étape du comité et que de nombreuses provinces se sont opposées fermement à certains des énormes pouvoirs qu'il conférait, plus particulièrement aux dispositions sur l'exécution et que, par conséquent, des amendements ont été proposés. Ensuite, le Parlement a été prorogé et après la prorogation, le projet de loi C-19 a été proposé et il porte sur les préoccupations antérieures soulevées par les provinces. Est-ce exact?

M. von Finckenstein: Tout à fait. On a amendé le contenu de l'article 9 par rapport à ce qu'il prévoyait dans le projet de loi C-88 en supprimant certains alinéas et en ajoutant l'alinéa 3 où il est dit qu'il demeure entendu que le pouvoir de prendre un décret doit être exercé dans les limites du chapitre 17 de l'Accord, particulièrement aux termes de l'article 1710.

Le sénateur Angus: Ce que je voulais dire, c'est que dans le cas du projet de loi C-88, les provinces ont fait connaître leur opposition à la mesure législative alors que dans le cas du projet de loi révisé C-19, on n'a pas entendu ces objections. Est-ce exact?

Peut-être M. Wallace devrait-il répondre à la question.

M. Wallace: Depuis que les changements ont été apportés, nous n'avons pas entendu d'opposition de la part des provinces à cet article. Une telle opposition a été soulevée aux réunions des ministres. Nous estimions que les changements que nous avons apportés clarifiaient, dans une grande mesure, ce que contenait l'ancien projet de loi, et que les pouvoirs de rétorsion s'appliquent seulement dans les circonstances prévues dans l'Accord. Il s'agit de pouvoirs très restreints et qui restreignent étroitement les mesures qui peuvent être prises en vertu de cette disposition du projet de loi. Puisque nous avons effectué les changements pour clarifier encore davantage les choses et dire que ces pouvoirs pouvaient être invoqués seulement dans les circonstances décrites dans l'Accord, nous ne décelons pas d'opposition importante et constante au projet de loi.

Le sénateur Angus: En particulier, est-ce que le Québec est d'accord pour ce que vous en savez?

M. Wallace: Le Québec ne nous a pas fait parvenir de lettre disant qu'il était d'accord, mais ses représentants n'ont pas continué d'exercer leurs pressions.

Le sénateur Angus: Ma dernière question porte sur les dispositions du projet de loi qui tendent à confirmer qu'on refuse l'accès aux tribunaux dans certaines circonstances -- je crois que c'est à l'article 5 --, non seulement aux parties à l'Accord, mais aux particuliers. Certaines personnes, et je ne suis pas nécessairement d'accord avec elles, croient que le gouvernement actuel a la fåcheuse manie de refuser l'accès aux tribunaux aux citoyens du Canada. Pouvez-vous expliquer l'objectif de l'article qui porte sur cette question et nous dire dans quelle mesure il y a refus d'accès aux tribunaux?

M. von Finckenstein: Vous parlez de l'article 5. Dans la première partie, on dit que le droit de poursuite en vertu des articles 9 ou 11 ne peut être exercé qu'avec le consentement du procureur général du Canada. L'article 9 est l'article sur les pouvoirs de rétorsion et l'article 11 concerne le budget annuel. En gros, l'Accord prévoit que s'il doit être appliqué, cela doit se faire entre les parties et que, ultimement, il y aura mesure de rétorsion entre les parties. En vertu de cet article, les parties ont accepté qu'un particulier ne puisse se prévaloir du droit d'exercer des mesures de rétorsion contre un gouvernement provincial. Il n'y a pas d'autre interprétation et, pour plus de sécurité, le projet de loi précise que cela ne peut être fait sans l'accord du procureur général. La même chose s'applique pour le budget annuel. Cela veut dire fondamentalement qu'une province ne peut pas intenter de poursuites contre le gouvernement fédéral s'il ne paie pas sa quote-part au Secrétariat, pas plus qu'un particulier ne peut le faire.

La deuxième partie concerne l'exception à la partie B du chapitre 17 qui porte sur les particuliers. Rien dans l'Accord ne donne à un particulier le droit d'intenter des poursuites parce que l'Accord est un accord intergouvernemental, il ne confère aucun droit aux particuliers, et aucun tribunal ne doit l'interpréter autrement. Là encore, on décrit l'intention des parties lorsqu'elles ont conclu cet accord. Il s'agit d'un accord intergouvernemental qui ne confère aucun droit aux particuliers en soi et c'est en s'adressant au gouvernement, sauf en recourant à la partie B du chapitre 17, que les droits d'un particulier sont accordés.

Le sénateur Angus: Je vous remercie de cette clarification. Pour les fins du compte rendu, pouvez-vous rassurer le comité et nous dire que, en tant que conseiller juridique du ministère de la Justice, du point de vue constitutionnel, vous et les autres avocats êtes convaincus que le projet de loi n'enfreint pas les règles de justice naturelle ou les droits constitutionnels d'accès aux tribunaux?

M. von Finckenstein: Toutes les lois que le ministère de la Justice rédige doivent être soumises à un «filtre interne». Dans le premier processus de filtrage, le projet de loi est examiné pour voir s'il est conforme à la Constitution et à la Charte, et cela a été fait dans ce cas-ci.

Le président: Monsieur Dimitrijevic, quand croyez-vous que votre premier rapport annuel sera prêt?

M. Dimitrijevic: Je crois que l'on s'est entendu pour dire qu'il devait être déposé 60 jours après la fin de l'année, donc très prochainement.

Le président: Par fin de l'année, vous voulez dire fin de l'exercice financier?

M. Dimitrijevic: Oui, c'est exact.

Le président: Donc ce sera cet été.

M. Dimitrijevic: Oui.

Le président: Monsieur Wallace, vous êtes le haut fonctionnaire fédéral chargé de ce dossier. N'est-ce pas?

M. Wallace: Je suis le représentant du commerce intérieur chargé de coordonner les activités fédérales en vertu de l'Accord.

Le président: Compte tenu de la nature de la discussion qui a porté autant sur la politique que sur le succès de sa mise en oeuvre, MM. Wallace et Dimitrijevic peuvent probablement s'attendre à recevoir une invitation de notre comité à l'automne pour revenir discuter de votre rapport annuel intégral et d'un certain nombre de questions relatives à la politique et au fond de la politique, plutôt qu'aux aspects juridiques. Peut-être devriez-vous en prendre note. Nous allons communiquer avec vous deux à l'automne.

Puisqu'il n'y a pas d'autres questions à poser aux témoins, puis-je supposer que l'on peut faire rapport du projet de loi au Sénat sans amendement?

Le sénateur Stewart: Je suis tout à fait d'accord, et je ne crois pas être gêné, dans ce cas précis, par l'alinéa 9(1)b), mais j'espère vraiment que dans notre rapport au Sénat, nous soulignerons que dans le projet de loi, le Parlement du Canada confère des pouvoirs énormes au gouvernement du Canada, c'est-à-dire qu'il lui donne le droit de modifier ou de suspendre l'application de toute loi fédérale concernant une province dans les circonstances. Il s'agit presque d'une question constitutionnelle, et je pense que nous devons prévenir le Sénat du fait que nous sommes conscients que le gouvernement délègue ici à l'exécutif des pouvoirs législatifs très étendus.

Le président: Nous le ferons. Nous ne ferons pas rapport du projet de loi aujourd'hui, mais au début de la semaine prochaine. Je vais rédiger certaines observations en conséquence et je les étudierai avec vous avant de faire rapport du projet de loi.

M. von Finckenstein: À ce sujet, sénateur, je tiens à vous dire que le paragraphe 9(3) stipule que le pouvoir de prendre un décret ne peut être exercé qu'en vertu du chapitre 17 de l'article 1710 qui est une réaffirmation des pouvoirs constitutionnels. On dit que tout doit se faire dans les limites de la Constitution. Le paragraphe 9(3) fait précisément référence à cela.

Le sénateur Stewart: Bien sûr, nous comprenons cela.

Le président: Merci, messieurs.


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