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Délibérations du comité sénatorial permanent des
banques et du commerce

Fascicule 7 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 3 juillet 1996

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour poursuivre son examen de l'état du système financier canadien.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, comme vous le savez tous, je pense, nous sommes ici ce matin pour discuter de trois sujets. Le premier sera la réponse que M. Manley donnera, au nom du gouvernement, à notre rapport sur les institutions financières de l'État que nous avons déposé au Sénat il y a environ trois mois et qui, il convient de le dire, a été la source de nombreux commentaires, favorables et défavorables, dans les médias des quatre coins du pays.

Merci, monsieur le ministre, de vous être rendu à notre invitation. Comme vous vous en souviendrez, quand nous avons accepté d'entreprendre cette étude, vous vous étiez gentiment proposé de venir rencontrer le comité peu après le dépôt de l'étude pour nous faire part de la réaction du gouvernement. Nous apprécions beaucoup que vous l'ayez fait.

Le ministre débutera par une déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.

L'honorable John Manley, ministre de l'Industrie: Merci beaucoup, monsieur le président et merci à vous honorables sénateurs. Permettez-moi de commencer par vous présenter M. Peter Sagar qui m'accompagne ce matin. Il est haut fonctionnaire à Industrie Canada et il m'aidera peut-être à répondre aux questions de nature plus technique auxquelles je n'aurais peut-être pas immédiatement réponse.

Monsieur le président, les médias n'ont fait que quelques allusions à ce que j'ai pu penser de votre rapport. En fait, ce n'est que tout de suite après sa diffusion, et avant que je n'aie eu la possibilité de l'étudier, qu'on m'a posé une question à son sujet. Cela étant, j'ai l'intention de vous livrer une déclaration complète après quoi nous pourrons passer aux questions.

Quand j'ai comparu devant vous il y a un an, votre comité étudiait la Loi sur la Banque de développement du Canada. Je vous avais alors invité à vous pencher sur le fonctionnement général des institutions financières du gouvernement fédéral en rapport avec le secteur privé, le rôle approprié qu'elles doivent jouer et le genre de failles qu'elles sont appelées à remplir. J'avais ajouté qu'une étude horizontale et qu'un examen en profondeur de ces questions par ce comité seraient très utiles au gouvernement.

[Français]

Au nom du gouvernement, je voudrais remercier les membres du comité pour le travail qu'ils ont accompli. Vous nous avez donné des conseils très précis sur l'évolution de nos politiques de développement des entreprises et de nos organismes de développement économique, c'est-à-dire les institutions financières et les organismes régionaux de développement économique.

Au cours de l'année, ces organismes ont été soumis à toute une série de changements substantiels. Généralement parlant, ces transformations ont amélioré nos services à la clientèle et contribué à la diminution du chevauchement et du dédoublement.

[Traduction]

Ces transformations donnent également lieu à une meilleure collaboration entre les intermédiaires financiers fédéraux -- la Banque de développement du Canada, la Société pour l'expansion des exportations, la Société du crédit agricole et la Corporation commerciale canadienne -- et au sein des organismes régionaux et des établissements du secteur privé. Ces efforts se poursuivront et nous continuerons de mettre l'emphase sur les besoins des clients qui dirigent les affaires dans les créneaux moins bien desservis.

Dans ma perspective, ce sont là encore aujourd'hui des objectifs qui formaient la force sous-jacente de vos recommandations. Ainsi, vous ne vous surprendrez pas en apprenant que le gouvernement est tombé d'accord avec plusieurs des principes majeurs qui servent de fondement à votre rapport. Même si, dans certains cas, nous avons opté pour différentes approches qui nous permettent d'atteindre les mêmes buts.

Votre comité a insisté pour que nous atteignions nos objectifs en effectuant des modifications structurelles et des changements institutionnels. Le gouvernement a choisi de mettre l'accent sur les besoins des clients plutôt que sur la réforme des institutions. Cela exige une collaboration opérationnelle accrue parmi les institutions et les organismes régionaux chargés de réaliser les objectifs que nous partageons. Permettez-moi de vous donner des exemples.

Le gouvernement a déjà pris certaines dispositions concrètes pour accroître la cohérence de la politique et de la coopération entre les organismes régionaux. Et ce faisant, nous avons préservé leur capacité de respecter les besoins spécifiques de régions très différentes et de bien les représenter.

[Français]

Le premier ministre faisait un pas décisif dans cette direction un peu plus tôt cette année. Il a placé les organismes régionaux sous le parapluie du ministère de l'Industrie, ministère qui comprenait déjà la Banque de développement du Canada.

Il a également pris des mesures pour solidifier, sous la responsabilité du ministre du Commerce international, les mécanismes des exportations canadiennes. Cela inclut le financement des exportations et les assurances dispensés par la Société pour l'expansion des exportations et les services de contrats d'exportation fournis par la Corporation commerciale canadienne.

Monsieur le président, considérées dans leur ensemble, le gouvernement perçoit ces initiatives comme étant en pleine concordance avec les principes à la base de vos recommandations.

[Traduction]

Nous avons également modifié les principales directives des organismes régionaux en travaillant de concert avec les intermédiaires financiers fédéraux et les établissements du secteur privé. Nous avons conclu que ces changements améliorent les services à la clientèle, intensifient la collaboration et permettent de dispenser des services uniformes continus. Cela exige que nous uniformisions également, dans la mesure du possible, nos activités à celles du secteur privé, que nous établissions les partenariats qui s'imposent et adoptions les approches requises.

Quoique les partenariats constituent une approche originale et importante, cela n'a pas modifié le rôle critique et permanent que doivent jouer les organismes régionaux dans la structure du ministère de l'Industrie. Rendre plus facile l'accès au financement n'est qu'une partie de ce rôle. Par exemple, dans le budget de 1995, nous avons confié aux organismes régionaux le mandat de servir, pour le gouvernement fédéral, de fenêtre d'accès unique à l'intention des petites entreprises. Cela signifie que nous devons administrer les réseaux intégrés de services à la clientèle comme le réseau des Centres de services aux entreprises du Canada qui comprend maintenant les bureaux de la Société d'aide au développement des collectivités, ainsi que bon nombre de Chambres de commerce locales. Les partenariats ouvrent également au gouvernement fédéral une fenêtre importante sur les besoins des régions. Grâce à la recherche pertinente et appliquée, cela continuera de donner forme à notre politique, à l'élaboration de nos programmes et aux décisions que nous prenons touchant nos dépenses. Ils agissent également au nom du gouvernement fédéral dans les négociations visant des approches régionales en vue de promouvoir la coopération et les synergies économiques, tâche pour laquelle les institutions financières fédérales sont mal équipées.

Les organismes régionaux ont également fourni au gouvernement un mécanisme efficace pour mettre en marche certaines initiatives telles le programme d'infrastructure et les programmes d'ajustement économique. Une étude publiée par l'OCDE, en 1994, révèle que le système d'organismes régionaux de développement économique semble être une amélioration importante par rapport au système centralisé qu'il remplace.

[Français]

Permettez-moi de vous entretenir maintenant des services financiers dispensés par les organismes régionaux.

Chacun des organismes a récemment annoncé des partenariats novateurs dont le mandat est d'exploiter les forces et les avantages spécifiques du secteur public et du secteur privé. Ce faisant, leur objectif est d'améliorer le service à la clientèle et le rapport efficacité-coût.

[Traduction]

Par exemple, depuis février 1995, le programme de Diversification de l'économie de l'Ouest a établi des alliances avec des établissements financiers fédéraux ainsi qu'avec des institutions financières du secteur privé. En établissant ces ententes, le programme de Diversification de l'économie de l'Ouest a conçu un modèle de prêt financier dont l'objectif est d'améliorer l'accès des petites et des moyennes entreprises au capital, là où il y a des failles. En utilisant des fonds publics pour partager le risque élevé de ces prêts, cela a un effet de levier sur les fonds et les activités du secteur privé. Le modèle de prêt incite les banques à risquer davantage et avec plus de célérité.

En vertu de ce modèle, le PDEO a investi 36 millions de dollars dans les projets de partenariats. Cela a généré des engagements de 280 millions de dollars de la part du secteur privé et de sociétés financières fédérales. Cela a permis au PDEO d'élever ses fonds de prêts de 8,1 points dans le domaine des prêts à termes souples et patients en faveur des petites entreprises.

Outre la participation financière, il y a un certain nombre d'organismes régionaux qui aident les entreprises à concevoir leur plan d'affaire, réduisant ainsi les coûts de diligence raisonnable reliée à des prêts de moindre valeur. Cela permet au secteur privé de prêter des fonds avec la plus grande aisance. C'est également un rôle qui produit des dividendes pour les entreprises dans les travaux de gestion des ressources.

En vertu de ce modèle de prêt, le PDEO, la FedNor et Ford (Québec) ont chacun établi une série de partenariats avec le secteur privé et des institutions financières fédérales.

L'APÉCA est un autre modèle qui a aidé à la constitution du Fonds d'investissement de l'Atlantique, fonds de capital de 30 millions de dollars. Ce fonds est à partenariat égal avec les quatre gouvernements des provinces de l'Atlantique et les banques à charte.

Les intermédiaires financiers de l'État un joué un rôle actif dans le développement de partenariats avec le secteur privé. Par exemple, la Société pour l'expansion des exportations a établi le Programme de garantie générale sur les créances, ce qui permet aux petits exportateurs d'avoir accès au financement à l'exportation de la part des grandes banques à charte. La Société pour l'expansion des exportations a également pris un certain nombre de nouvelles initiatives visant à améliorer les services aux exportateurs débutants.

La Corporation commerciale canadienne a établi un Programme de paiements progressifs. Ce programme accorde aux petits exportateurs un meilleur accès au financement pré-expédition sur les exportations individuelles grâce à des sources commerciales. Cela leur ouvre également l'expertise des services de contrat à l'exportation de la CCC.

[Français]

La semaine dernière, la Banque de développement du Canada et la Banque de Nouvelle-Écosse annonçaient une alliance stratégique pour améliorer les services aux petites et aux moyennes entreprises dans toutes les régions du pays. Plus tôt cette année, la Banque de développement du Canada et la Banque Royale établissaient une entente en vue d'accorder des prêts et des services connexes aux entreprises à base de connaissances dans plusieurs régions de l'Ontario. En outre, la Banque de développement du Canada a récemment participé avec les organismes régionaux à plusieurs des ententes générées par le modèle de prêt dont j'ai parlé plus haut.

[Traduction]

Bien qu'il s'agisse là de nouvelles initiatives qui me paraissent considérables, je crois que nous pouvons faire d'avantage pour accroître la collaboration entre les intermédiaires financiers fédéraux. À cette fin, le gouvernement encouragera de telles institutions à développer des pratiques de collaboration administrative entre la BDC et la SCA d'une part, et, d'autre part, la BDC et la SEE; et à améliorer la collaboration entre la SEE, la CCC et la BDC. Ces ententes devraient mener à des prestations uniformisées des services à la clientèle, à un meilleur accès aux capitaux et à une réduction des chevauchements administratifs.

Afin d'assurer la continuation du progrès, je suis heureux de vous annoncer que le gouvernement créera un Conseil des institutions financières fédérales. Ce conseil va rassembler les présidents des institutions visées ainsi que les sous-ministres intéressés. Le conseil recherchera les occasions de collaboration et deviendra un forum d'information et d'échanges d'idées susceptibles d'améliorer les services aux clients. Il servira également de force motrice pour véhiculer l'une des importantes recommandations de votre comité.

Vous avez en effet recommandé que les données touchant les services financiers aux PME soient fournies par les intermédiaires financiers de l'État, d'une manière compatible avec les règlements de prêt établis pour les banques à charte par le comité de l'industrie.

[Français]

Monsieur le président, dans votre lettre du 19 juin 1996, vous soulignez encore une fois l'importance de cette recommandation. Je suis heureux de prendre cet engagement au nom du gouvernement.

Vous reconnaîtrez cependant que plusieurs produits et services fournis par les intermédiaires financiers fédéraux et les organismes régionaux ne sont pas directement comparables à ceux que dispensent les banques.

[Traduction]

Comme je l'ai indiqué plus tôt, les services rendus par le secteur public à ses clients dépendent de plus en plus de l'effet de levier et de la contribution des partenariats. Les règlements de prêt élaborés pour les banques n'offrent pas nécessairement une base solide pour l'analyse comparative. Il se peut que nous ayons besoin de normes de prêts. Le Conseil des institutions financières fédérales constituera un forum où discuter du développement coopératif des normes de rapport.

La Société du crédit agricole du Canada et la Banque de développement du Canada se sont engagées à fournir aux petites entreprises des données de prêts comparables -- là où la chose est possible -- à celles que distribuent les banques. En outre, la SEE et la CCC vont travailler à élaborer des données similaires, même si elles ne fournissent pas le même type de produits et de services que les banques. Je m'attends à ce que ces renseignements supplémentaires apparaissent dans les prochains rapports annuels des établissements et dans les rapports ultérieurs.

Monsieur le président, je voudrais maintenant aborder une autre préoccupation que vous avez exprimée dans la lettre que vous m'avez fait parvenir le 19 juin, c'est-à-dire l'identification des failles sur les marchés de capitaux. Je voudrais ici soulever deux points.

Premièrement, je dirais que la meilleure façon pour nous d'identifier les failles c'est de nous mettre à l'écoute des gens d'affaires du Canada. Ce que je vois pour ma part, c'est que nous avons de plus en plus besoin -- clairement besoin -- des institutions financières fédérales et des organismes régionaux. Compte tenu de la croissance de la demande pour les services financiers offerts par ces établissements, il est évident que nos clients perçoivent également ce besoin.

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada et la Fédération canadienne de l'agriculture tombent d'accord pour affirmer que ces institutions jouent un rôle clé sur les marchés financiers parce qu'elles fournissent des produits et des services que le secteur privé n'a pas l'habitude d'offrir. Ces institutions insistent sur les créneaux généralement moins bien desservis, où les risques sont plus élevés; elles aident à rencontrer les besoins des entreprises des secteurs nouveaux comme la haute technologie. En outre, ces organismes procurent des services financiers sans tenir compte du mouvement cyclique de plusieurs industries.

En 1994, le comité permanent de l'industrie et le comité de travail sur la petite entreprise ainsi que d'autres études ont retenu quatre déficiences sur le marché du capital que les petites entreprises perçoivent parfois comme étant des failles: une «faille associée au risque» renvoie aux prêteurs qui refusent de prêter à n'importe quel prix aux entreprises qui présentent des risques plus nombreux que la moyenne; une «faille d'importance» qui fait que les prêteurs refusent de prêter des sommes inférieures à 100 000 $ parce que ces prêts paraissent non rentables; une «faille considérée» qui rend les prêteurs hésitants à financer des entreprises à peu de valeur active qui développent de nouvelles technologies ou s'installent dans de nouveaux marchés d'exportation; et une «faille relative à la flexibilité» qui fait que le prêteur attend des remboursements réguliers, sans tenir compte d'un mouvement de trésorerie instable, ce qui est le cas de nombreuses petites entreprises en croissance. Ces failles existent. Le rôle de ces institutions et de ces organismes, en vue de remplir ces failles, a rapidement évolué.

Enfin, monsieur le président, vous avez soutenu que le rôle du gouvernement, dans la dernière moitié des années 1990, est non pas de concurrencer le secteur privé, mais de remplir les failles que le secteur privé refuse de combler. Alors que je serais porté à marquer mon assentiment jusqu'à un certain point, je dois dire que chaque organisme qui fait de la concurrence dans un rayon limité de ses services est souvent le seul fournisseur de ses services dans d'autres rayons. Par exemple, le Parlement a donné à la SCA le mandat de concurrencer, mais il le fait en réponse aux demandes de la clientèle. Sur plusieurs marchés, il opère dans des créneaux qui ne sont pas généralement desservis par les banques, sauf durant les bonnes périodes.

Comme je l'ai déjà souligné, la plupart des institutions cherchent de bonnes occasions pour collaborer avec le secteur privé. Cela leur permettra de s'assurer qu'elles travaillent avec des organismes qui leur sont vraiment complémentaires. Cependant, le processus visant à améliorer la perspective et l'activité de ces organismes n'est jamais terminé.

[Français]

Comme je l'ai affirmé au départ, nous avons été témoins de nombreux changements dans le fonctionnement de plusieurs de ces organismes. Comme vous, je sais que le public s'attend à ce que nous minimisions les chevauchements et que nous maximisions l'efficacité et le sens de la responsabilité de nos efforts pour permettre aux petites entreprises un meilleur accès au capital. Nous nous sommes engagés à agir dans ce sens.

[Traduction]

Nous allons veiller à ce que les institutions financières fédérales et les organismes régionaux aient la souplesse voulue pour faire face aux besoins renouvelés des PME canadiennes oeuvrant dans des créneaux de marchés moins bien desservis que les autres.

Monsieur le président, il peut nous arriver de n'être pas d'accord sur les méthodes, mais je suis convaincu que votre comité et le gouvernement partagent les mêmes objectifs.

Une copie de mon discours vous sera distribuée ainsi qu'un argumentaire traitant de chacune de vos recommandations. Vous trouverez, jointes à cette déclaration, des notes plus détaillées portant sur les questions que vous soulevez dans votre rapport. Je serais à présent heureux de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser et de commenter l'approche que nous avons retenue.

Le sénateur Angus: Bonjour, monsieur le ministre, et merci beaucoup de comparaître devant nous aujourd'hui en compagnie de votre collègue. J'ai trouvé vos commentaires très intéressants.

Je suppose que la déclaration que vous venez juste de nous lire représente l'actuel énoncé de politique du gouvernement au sujet des institutions financières de l'État.

M. Manley: Effectivement, je suis ici en tant que ministre s'exprimant au nom du gouvernement.

Le sénateur Angus: On est juste en train de me remettre un exemplaire de votre déclaration, mais je vous ai écouté attentivement. Je m'interrogeais au sujet du processus. Vous avez parlé d'un réaménagement et d'une approche plus conviviale ou plus axée sur le client. Nous avons recommandé des changements d'ordre structurel. Que sera la prochaine étape? Envisagez-vous de présenter une mesure législative?

M. Manley: Ce que j'ai dit, en fait, à propos des intermédiaires financiers et des organismes de développement régional, c'est que nous nous sommes lancés dans un processus de changement. Le projet de loi sur la BDC, qui en fait est à l'origine de tout cet exercice, remonte à moins d'un an. Il faudra attendre un certain temps pour en percevoir les effets et mesurer les retombées du changement que nous essayons d'apporter à cette institution.

Comme je l'ai dit en introduction, nous avons entrepris d'évaluer les pratiques de la BDC. D'ici le prochain rapport financier, nous devrions avoir obtenu les évaluations concernant la BDC et la SCA. Nous comprenons de mieux en mieux la situation et recueillons des informations au fur et à mesure que nous progressons.

Je crois savoir que mon collègue, M. Goodale, veut réexaminer le mandat de la SCA. Cela pourrait donner lieu à une proposition législative, mais le Conseil des institutions financières de l'État ne l'exige pas. Cependant, je crois qu'il s'agit là d'un pas important dans la direction que vous voulez nous voir prendre, à savoir l'amélioration de la coordination des activités de ces institutions.

Je dois vous avouer que j'ai été étonné d'apprendre que le président du Conseil et les présidents de nos institutions financières fédérales ne se rencontrent pas régulièrement. On aurait pu penser que cela se produisait régulièrement. Après tout, Ottawa n'est pas une grande ville et il n'est pas, non plus, difficile de rencontrer ceux qui se trouvent ailleurs. Mais tel n'est pas le cas. Ainsi, nous faisons un pas dans la bonne direction en instaurant un tel conseil. Les organismes doivent s'efforcer d'avoir une idée claire de leurs mandats respectifs, autrement dit, ils doivent savoir où se trouve la limite de leur compétence et comment ils peuvent collaborer entre eux. Par exemple, pour ce qui est de la SCA et de la BDC, où commencent les prêts agricoles et où finissent-ils? C'est là une zone grise. Comment allons-nous coordonner leurs activités? Je crois que nous progresserons dans ce domaine sans nécessairement avoir recours à un changement législatif.

Le sénateur Angus: Je comprends bien.

J'étais ici quand vous avez comparu devant nous il y a un an ou moins, et que vous nous avez invités à entreprendre cette étude. Nous y avons beaucoup travaillé. Le lendemain du dépôt de notre rapport, on a lu dans la presse que vous vous y opposiez. Nous en avons été consternés. Mais je crois vous avoir entendu dire, au début de votre intervention, qu'on a peut-être mal interprété votre point de vue à l'époque. Était-ce le cas?

M. Manley: La seule déclaration que j'ai faite à ce sujet faisait réponse à une question tout à fait inopinée qui m'a été posée dans le cadre d'une entrevue que j'ai donnée depuis la France, où je participais au sommet du G-7. Je répondais aux médias sur ce qui se passait au sommet. On m'a alors demandé si j'allais éliminer les organismes de développement régional qui venaient juste d'être transférés dans mon portefeuille. La réponse que j'ai fournie alors était tout à fait conforme à ce que je vous ai déclaré aujourd'hui. Nous voulons que ces organismes répondent à certains besoins.

Le sénateur Angus: Plutôt que de vous en débarrasser.

M. Manley: Le fond de la question n'est pas de modifier encore une fois la machinerie. Ce qui importe, c'est la façon dont les organismes se comportent.

Le sénateur Angus: Quand nous avons donné suite à votre demande, nous sommes revenus au fondement même de la question -- autrement dit, quand ces institutions ont été mises sur pied, à une certaine époque pour combler les lacunes dans le domaine du crédit, on n'a jamais envisagé qu'elles seraient en concurrence avec le secteur privé ni qu'elles s'y substitueraient. Dans notre examen, nous devions déterminer si elles étaient allées au-delà de ce qu'on avait envisagé à l'origine et leur existence était encore justifiée. Dans certains cas, nos recommandations étaient plutôt controversées. Je me rappelle vous avoir entendu dire qu'il convenait d'abord de tenir un débat sur ces questions. Eh bien, nous les avons effectivement livrées à la discussion et nous avons tenu un bon débat. Mais je suis un peu déçu que vous n'ayez pas suivi le même processus que celui que vous avez recommandé.

Je veux vous parler plus précisément de l'APÉCA, puisqu'il semble que c'est elle qui a le plus retenu l'attention dans le débat, à tous les paliers, et très certainement au sein de mon caucus.

M. Manley: Je ne crois pas que le sénateur Kirby ait eu cette impression.

Le sénateur Angus: Il n'est pas venu au caucus depuis lors.

Le président: Le sénateur Angus et moi-même avons mutuellement protégé nos flancs sur cette question, pour savoir d'où viendraient les coups.

Le sénateur Angus: Monsieur Manley, vous avez lu l'éditorial de ce matin dans le Globe and Mail. J'ai cru y voir que, pour le Globe and Mail, notre rapport était probablement l'oracle et que vous suivriez notre recommandation et élimineriez l'APÉCA. Quoi qu'il en soit, tel n'est pas le cas, à en croire ce que vous venez de nous déclarer. D'ailleurs, vous n'avez pas parlé spécifiquement de l'APÉCA ce matin.

Qu'envisagez-vous pour cet organisme, outre que la personne -- quelle qu'elle soit, qui en dirigera les destinées devra rencontrer le président du conseil?

M. Manley: Tout d'abord, faisons la différence entre les intermédiaires financiers et les organismes régionaux. Quand je traite avec le conseil, je traite en fait avec les quatre intermédiaires financiers de l'État, plutôt qu'avec les organismes de développement régional qui fonctionnent de façon très différente et qui remplissent des rôles différents.

Par exemple, pour ce qui est de l'APÉCA, j'estime qu'il s'agit d'un organisme de terrain, d'un organisme régional. Son rôle a considérablement changé dans le temps et son niveau de financement a diminué.

L'éditorial auquel vous faites allusion, sénateur, soulève en fait deux questions. Tout d'abord, le rapport du vérificateur général, qui portait sur une époque où l'APÉCA avait beaucoup plus d'argent à dépenser qu'à l'heure actuelle. Il était alors courant d'accorder des subventions non remboursables aux entreprises privées. Cela ne fait plus partie de ses attributions et son budget n'est plus aussi important. L'organisme n'en est vraiment plus là.

Le sénateur Angus: Autrement dit, d'après ce que vous nous dites, il est à présent beaucoup plus un organe consultatif qu'un organisme de financement?

M. Manley: Oui. Mais le mandat relatif à l'accès aux capitaux pour les petites entreprises demeure. Cependant, l'APÉCA n'accorde plus de subventions non remboursables, toutes doivent être remboursées. Certes, les conditions peuvent être plus intéressantes. Ce qui est dit dans l'éditorial auquel vous faites allusion, à propos du rapport du vérificateur général, porte sur une époque où l'on estimait que l'organisme devait simplement distribuer de l'argent.

Le second point, soulevé dans cet éditorial, concerne la décision de M. Spector de s'adresser au secteur privé. On y cite deux ou trois députés. Je dois dire que dans le temps très court où j'ai été ministre responsable de l'APÉCA, j'ai très bien fonctionné avec Norman Spector. C'est un fonctionnaire en qui j'ai eu et j'ai toujours confiance, et qui m'a toujours offert toute sa collaboration. Son départ est une perte pour la fonction publique fédérale. Il m'a expliqué qu'il avait pris cette décision parce que le secteur privé lui avait fait une offre qui tombait à pic dans sa vie. C'est le genre de décision que nous sommes tous appelés à prendre à un moment ou à un autre.

Ce qu'on sous-entend dans cet éditorial est tout à fait malheureux, parce que celui-ci ne correspond pas aux faits, tels que je les comprends, ni en ce qui concerne les motifs de M. Spector, ni en ce qui concerne l'approche que j'ai retenue pour l'APÉCA et pour les autres organismes régionaux.

Je pense que ces organismes sont aptes à remplir un rôle très efficace. J'en ai fait état dans mes remarques. Par exemple, on les a mis sur le terrain pour administrer les programmes d'infrastructure quand nous avons décidé que c'est ce qu'il fallait faire. Ces gens-là savent ce qui se passe sur le terrain, autrement dit ils savent quelles sont les possibilités de développement économique. À l'heure où nous faisons porter notre action sur la nécessité de stimuler la prise de responsabilité à l'échelon local en matière de développement économique des collectivités, à l'heure où nous nous concentrons sur des thèmes comme le commerce, la technologie et l'accroissement de la valeur ajoutée, on ne peut se permettre de rester dans nos tours à Ottawa. Il faut avoir des gens sur le terrain qui savent comment s'y prendre.

Nous sommes en train de modifier nos mécanismes. Nous n'estimons plus que nous parviendrons à cet objectif en donnant de l'argent aux entreprises, surtout pas si c'est pour lancer sur le marché des concurrents marginaux, et donc de donner naissance à des entreprises non viables. Nous voulons que les organismes s'acquittent d'un rôle plus important, celui d'instaurer un développement économique viable et durable.

Quand je suis allé dans la région de l'Atlantique, j'ai dit aux gens de là-bas: «Si vous voulez créer des emplois, c'est facile. Donnez-moi de l'argent et nous peindrons les clochers de toutes les églises de la région. Des emplois, vous en aurez, et beaucoup. Mais quand la peinture sera sèche et qu'il n'y aura plus d'argent, il n'y aura plus d'emplois non plus». Ce n'est pas cela que nous voulons faire. Nous voulons créer le genre d'infrastructures, de connaissances et de débouchés qui seront synonymes de création d'emplois à long terme. Cela, c'est beaucoup plus difficile. Il faut adopter une approche différente en matière de développement économique. Ce peut être frustrant pour ceux et celles qui veulent obtenir des emplois tout de suite en gérant l'argent que nous leur donnerions. Mais voilà, ce n'est pas la voie que nous avons choisie.

Le comité a formulé des recommandations à propos de ces organismes en s'intéressant de très près à la question de l'utilité. En fait, dans une certaine mesure, même si c'est moins vrai dans le cas de l'APÉCA que dans celui du PDEO, de Ford (Québec) et de FedNor, nous faisons ce que vous avez recommandé mais un peu différemment. Nous avons recours à la BDC dans certains cas et pour certains segments. Nous avons également recours aux banques à charte pour favoriser l'accès aux capitaux et créer ainsi un effet de levier dans les activités de prêts que les banques mènent auprès des petites entreprises, parfois, par l'intermédiaire de la BDC. Ce sont les banquiers qui décident d'attribuer les fonds. Nous essayons d'influer sur le comportement des banques en assumant une partie du risque. C'est essentiellement ce que vous avez recommandé relativement au rôle des organismes régionaux en matière d'accès aux capitaux. Vous aviez recommandé que, plutôt que d'être des prêteurs, ces organismes devaient faire office de leviers et obtenir des fonds par l'intermédiaire des institutions financières de l'État.

Dans une très grande mesure, c'est ce qui se fait en pratique. Cependant, à l'heure actuelle, je suis convaincu que nous devrions maintenir les activités des organismes sur le terrain, activités qui ont pour objet de stimuler les responsabilités locales en matière de développement économique et de continuer à assurer l'encadrement et la formation.

Le sénateur Angus: Je comprends cela, monsieur Manley. Il y a toujours des considérations d'ordre politique. Ce qui a surtout retenu notre attention à cet égard, ce n'est pas tant l'accessibilité aux liquidités, comme vous semblez le laisser entendre, mais plutôt les regroupements d'un point de vue administratif. Quand nous avons recommandé de regrouper ces organismes, nous ne voulions pas forcément dire dans une des tours d'Ottawa, mais plutôt au sein d'une même structure administrative. À titre d'analogie, rappelez-vous l'expression du président qui a parlé de «société de portefeuille». Nous avons eu l'impression qu'on pourrait ainsi réaliser de très importantes économies. Mais je suppose que vos experts ont dû analyser la question et vous dire que nous avions tort.

M. Manley: Je ne le formulerai pas aussi simplement que cela. Il est certes possible de réduire une partie des coûts administratifs, mais tout regroupement entraînerait, à court terme, des coûts supplémentaires très élevés.

Prenez mon institution, par exemple, la Banque de développement du Canada. Je suis certainement le seul ministre de ce gouvernement -- bien que je n'en sois pas certain -- à s'être adressé au premier ministre pour lui demander de lui retirer quelque chose, et je suis désolé qu'il l'ait fait. Je veux parler de la Société de développement du Cap Breton.

Dans le cas de la BDC, je me suis surtout attardé à modifier la culture de l'organisme. On ne peut pas dire que la BFD était respectée par ses clients, par les corps professionnels qui traitaient avec elle, ni par le gouvernement. On y voyait une banque fortement influencée par la politique, qui a fait énormément de choses stupides dans le passé. Nous nous rappellerons tous le cas du club de strip-tease, à Hull, et tout le reste.

Je pourrais consacrer tout mon temps à essayer de modifier la culture de cet organisme afin qu'il soit plus orienté vers la clientèle et qu'il réponde mieux aux défauts constatés en matière de prêts, ou je pourrais passer mon temps à constituer une compagnie de portefeuille et à coller les morceaux ensemble. J'ai estimé qu'il valait mieux appliquer la première formule et essayer de faire en sorte que cette institution réponde aux besoins de ses clients. Mais ce n'est pas une mince tâche. Si nous y parvenons, nous pourrons alors nous demander s'il n'existe pas d'autres façons d'épargner en coûts administratifs à long terme, en regroupant les activités des autres institutions financières. Mais ma première tâche a consisté à faire en sorte que les choses fonctionnent, telles qu'elles sont.

Je pense que nous avons accompli des progrès intéressants au cours de la dernière année. Les montants de prêts accordés sont nettement à la hausse, ce qui traduit une partie des changements apportés à la loi que vous avez approuvée l'année dernière. Les réactions que nous recueillons de groupes clients un peu partout au pays sont très positives et les activités de partenariat auxquelles participe la BDC, notamment avec les banques à charte, ont donné d'excellents résultats. J'ai demandé à ces organismes de s'inscrire en complément des banques, et pas de leur faire concurrence, mais je veux qu'ils le fassent de façon agressive pour que nous fassions monter la barre d'un cran à chaque fois. C'est sur cela que je préfère me concentrer pour l'instant.

Le sénateur Stewart: De combien de ces prétendus intermédiaires financiers et de ces prétendus organismes de développement régional êtes-vous responsable en tant que ministre?

M. Manley: Je suis responsable de la Banque de développement du Canada, qui est le seul intermédiaire financier. M. Goodale est responsable de la Société du crédit agricole et M. Eggleton est maintenant responsable de la Société d'expansion des exportations et de la Corporation commerciale canadienne.

À l'époque où j'ai comparu devant vous l'année dernière, et jusqu'au moment du remaniement ministériel de janvier, la Corporation commerciale canadienne relevait du ministère des Travaux publics et elle était une entité distincte de la SEE. Depuis, on a regroupé les deux organismes dans un même portefeuille.

S'agissant des organismes de développement régional, tous ont été transférés au portefeuille de l'industrie. Je suis donc responsable du programme de Diversification de l'économie de l'Ouest, de l'APÉCA, de Ford (Québec) et de FedNor, que je chapeautais déjà à l'Industrie.

Le sénateur Stewart: Un regroupement structurel aurait eu pour objet de permettre de réaliser des économies en frais de fonctionnement et de supprimer les chevauchements de responsabilités, mais on peut supposer que cet exercice aurait également eu pour objet de veiller à ce qu'il y ait des incitatifs suffisants pour éviter que ces organismes ne tombent dans des opérations routinières.

Prenons d'abord le cas de l'intermédiaire financier, puisqu'il n'y en a qu'un. Combien de temps consacrez-vous à la BDC en tant que ministre?

M. Manley: Il est très difficile de déterminer comment mon temps se répartit. Je ne tiens pas de relevé. Je consulte régulièrement le président du conseil ou le président de la banque. Je les consulte tous les mois.

En outre, mon sous-ministre est membre du conseil d'administration. Le sous-ministre de l'Industrie est membre du conseil d'administration et un sous-ministre d'un des organismes de développement régional siège également au conseil d'administration. À l'heure actuelle, il s'agit du sous-ministre de Ford (Québec). Ils me font part des décisions prises par le conseil.

Donc, j'y consacre certainement une partie de mon temps, mais les responsabilités sont partagées.

Le sénateur Stewart: N'interprétez pas mal ce que je vais dire, mais je suppose qu'ils vous racontent que, dans ces réunions, mensuelles, tout baigne dans l'huile.

M. Manley: Non. Si vous insinuez qu'ils essaient de masquer les problèmes, ce n'est pas le cas. Nous avons traité de nombreux problèmes. Nous essayons de modifier le mandat et le fonctionnement de la BDC, pour en arriver à quelque chose de différent, mais ce n'est pas du tout facile.

Le sénateur Stewart: J'essaie de savoir jusqu'à quel point votre participation à ce dialogue peut-être indépendante. Ne dépendez-vous pas de ceux-là même dont vous essayez d'améliorer le comportement, pour reprendre un mot que vous avez employé plus tôt? C'est peut être là une façon caricaturale de décrire la chose, mais je pense que voyez ce que je veux dire.

M. Manley: Il y a toujours certainement une tension très saine entre le palier politique et le palier bureaucratique dans notre système de gouvernement, et les sociétés d'État ainsi que les autres organismes gouvernementaux ont une certaine indépendance, qui fait nécessairement partie du système.

Ce que nous avons fait, dans le cas de la Banque de développement du Canada, diffère un peu du genre de relations habituelles qu'une société d'État entretien avec le ministre, parce que nous avons élaboré ensemble le nouveau mandat proposé. Celui-ci reflète mon point de vue quant aux orientations que la banque devrait suivre. En collaboration avec mon sous- ministre -- qui, comme je le disais, siège au conseil -- j'ai énoncé les objectifs que la banque devra suivre quant à la mise en oeuvre de son mandat et je reçois des rapports d'étape. Quand nous obtiendrons les statistiques repères, nous serons mieux placés pour évaluer la performance de l'institution en regard des objectifs que nous avons fixés.

Je ne me fais pas d'illusion quant à l'ampleur du défi à relever. Dans mes réponses, j'ai bien précisé que nous n'allions pas venir ici, aujourd'hui, pour vous dire que nous avions trouvé ce qui se fait de mieux en matière d'institutions financières gouvernementales. Nous avons fait des progrès, et je me réjouis de le revendiquer, mais nous avons, aussi, dû composer avec une institution affublée d'une image très dépréciée. Il a donc été difficile d'attirer un personnel hautement qualifié. Nous avons dû investir dans le perfectionnement, dans la restructuration et dans la réorientation de la vocation de l'institution qui doit être résolument tournée vers le client. Nous n'avons pas fini. C'est en route, malgré quelques petits incidents de parcours, mais nous y arriverons.

Le sénateur Stewart: Peut-être pourrions-nous passer, pour un instant, aux organismes de développement régional. Faites-vous des progrès comparables dans leur cas?

M. Manley: Il y a quatre organismes de développement régional. FedNor fait partie du ministère de l'Industrie et s'y trouve depuis mon arrivée. Ce n'est pas un organisme isolé, puisqu'il y en a trois. Quand on me les a confiés, tous appliquaient des pratiques et des politiques relativement différentes, ce qui n'est pas étonnant puisque les régions ont des approches différentes.

Par exemple, le programme de Diversification de l'économie de l'Ouest n'offre absolument aucune assistance directe aux entreprises. Il apporte son aide financière par le truchement d'intermédiaires, essentiellement le programme de Développement des collectivités.

Au cours des derniers mois, nous avons restructuré FedNor. Désormais, cet organisme fonctionnera beaucoup plus à la façon du programme de Diversification de l'économie de l'Ouest. Autrement dit, il ne prêtera plus directement aux entreprises et n'apportera plus directement de soutien financier au milieu des affaires. Il le fera strictement de façon indirecte, par le biais d'autres institutions financières, notamment la Banque de développement du Canada, mais il offrira une base pour les activités menées à l'échelon des collectivités.

Ford(Québec) est désormais entièrement tourné vers les petites entreprises et constitue un point d'accès pour la PME. De même, l'APÉCA, qui s'est exclusivement intéressée aux PME, continuera dans cette voie, mais offrira une aide financière directe, bien que remboursable, au milieu des affaires.

Je peux m'appuyer sur trois secrétaires d'État qui coiffent chacun un organisme régional. Ils sont responsables de l'administration quotidienne. Nous nous efforçons d'axer de plus en plus le travail des trois organismes sur les thèmes prioritaires pour le gouvernement, thèmes qu'il a énoncé dans son budget de cette année, à savoir la jeunesse, le commerce et la technologie. Dans chacun de ces domaines, nous nous efforçons, autant que faire se peut, de faire en sorte que les ressources soient destinées à répondre à ce que nous estimons être des besoins essentiels. Sur un plan pratique, cela veut dire que nous essayons d'élaborer des approches traduisant la nécessité d'instaurer une activité économique soutenue. Cela revient à dire que nous devons acquérir et exploiter la technologie voulue et que nous devons nous concentrer sur des marchés plus larges que les marchés locaux. Sinon, nous nous trouverons inévitablement dans la position où ces organismes offriront le même genre de programmes que ceux pour lesquels ils ont été critiqués dans le passé. Ce n'est pas là notre objectif. Encore une fois, il nous faudra du temps pour modifier les attentes des régions et pour véritablement mettre en oeuvre ce genre d'approche, mais je pense que nous sommes en train d'accomplir des progrès.

Le sénateur Stewart: Vous dites «nous», ce qui m'amène à vous demander ce que vous entendez par là. Prenons le cas de l'APÉCA, par exemple. Quand celle-ci a été transférée sous votre aile, elle avait une structure. À présent, vous parlez d'un nouveau régime de fonctionnement. D'une certaine façon, vous dites que dans les mauvais jours du temps passé, l'APÉCA ne fonctionnait pas très bien, mais que «nous» essayons de modifier cela. Je suppose que vous avez quelque chose à voir avec cela. Qui y a-t-il d'autre?

M. Manley: Effectivement, j'ai quelque chose à y voir.

On avait commencé à modifier le mode de fonctionnement de l'APÉCA avant mon arrivée. Par exemple, le ministre qui s'en occupait précédemment, M. Dingwall, a mis un terme à la politique qui consistait à verser des subventions et des contributions non remboursables aux entreprises. Ce changement d'orientation, ce passage à des prêts entièrement remboursables, découlait déjà d'une orientation gouvernementale relativement aux organismes régionaux, avant donc que ceux-ci ne passent au portefeuille de l'Industrie.

Après cela, quand il a transféré la responsabilité de ces organismes au ministère de l'Industrie, le premier ministre a nommé un secrétaire d'État chargé de chapeauter chaque organisme régional. J'ai beaucoup travaillé à l'élaboration d'un plan de coordination à l'échelon du portefeuille qui vise, au niveau politique, les trois secrétaires d'État ainsi que moi-même. Au plan bureaucratique, celui-ci concerne le sous-ministre de l'Industrie, ainsi que les trois sous-ministres chapeautant les organismes régionaux. S'ajoute à cela un plan de coordination dans les grands domaines d'activités du portefeuille -- comme la science et la technologie, les services aux petites entreprises, la prestation de service et les communications --, qui s'adresse à un sous-ministre adjoint de l'Industrie. Donc, le «nous» dont vous parliez concerne les quatre personnes dont je viens de vous parler sur un plan politique, et l'ensemble de l'équipe sur un plan administratif. Nous essayons de faire en sorte que tous les éléments de ce portefeuille très important se déplacent dans la même direction. Tout cela ne concerne pas simplement le ministère de l'Industrie et les trois organismes régionaux. Il y a aussi la Banque de développement du Canada, le Conseil national de recherches du Canada et les conseils subventionnaires des universités, dont deux relèvent de mon portefeuille. Il est question d'axer tout notre fonctionnement sur les thèmes communs de l'élaboration d'une économie novatrice fondée sur la nécessité d'élaborer, de diffuser et de mettre en oeuvre la technologie la plus récente, et également fondée sur nos actuels points forts de même que sur la façon dont nous parvenons à remporter des marchés internationaux, preuve ultime de la qualité de nos produits. C'est cela que nous essayons de faire. C'est un vaste projet et il transcende les organismes régionaux, Industrie Canada et toutes les composantes du portefeuille. C'est un peu comme ce qui se passe dans les pique-niques des écoles, le dimanche, quand on attache les jambes de tout le monde et qu'il faut aller dans la même direction en même temps. C'est cela que nous nous efforçons de faire. Si nous y arrivons, alors nous disposerons d'un moteur qui nous permettra véritablement de creuser la différence dans la façon dont l'économie canadienne abordera le 21e siècle.

Le sénateur Stewart: Le comité permanent du Sénat sur les affaires étrangères s'est penché sur la question des relations du Canada avec l'Europe. On assiste notamment, là-bas, à une expansion de l'Union européenne vers le Sud et vers l'Est. Cela soulève immédiatement la possibilité que l'Europe adopte des programmes de développement régional. Est-ce que ceux que vous englobez dans votre «nous» s'intéressent aux stratégies mises en oeuvre en Europe?

M. Manley: Je me dois d'employer la première personne du pluriel, parce que le portefeuille d'Industrie Canada est vaste. Le ministère a une composante politique très forte, certains agents étant responsables de se tenir aussi bien au courant de la pensée économique des autres pays en matière de développement que de la nôtre. Ils doivent se tenir au courant de ce que les gens disent et font. À l'échelon du ministère, nous avons aussi beaucoup investi -- et votre comité voudra peut-être s'y intéresser à un moment donné -- dans des études micro-économiques qui pourraient nous permettre de bâtir une économie novatrice, et cela s'entend notamment de l'analyse des mesures effectuées ailleurs.

Michael Porter est célèbre pour le rapport qu'il a produit en 1990 sur l'état de l'économie canadienne. Dans sa communication à Montréal, il y a deux ou trois semaines, il a indiqué qu'il fallait s'intéresser à la micro-économie pour faire avancer nos économies. C'est précisément ce que nous nous efforçons de faire et cela répond directement à votre question.

Le sénateur Stewart: Monsieur le président, je crois qu'il serait intéressant pour le comité, en un temps opportun, d'entendre M. Manley et d'autres au sujet de cette approche micro-économique et d'en profiter, peut-être, pour en appliquer les enseignements à ce qui se fait dans le cas de l'APÉCA.

Le président: Merci, sénateur.

Le sénateur Kolber: Je comprends bien qu'il y a une différence entre secteur privé et gouvernement, mais quand la plupart des entreprises font un investissement, au bout d'une année ou deux, elles se livrent à une analyse a posteriori pour voir ce qu'elles ont récupéré de cet investissement. A-t-on jamais effectué une étude pour savoir ce que les contribuables canadiens ont récupéré de tout ce conglomérat d'organismes et de banques que nous avons administrés au cours des cinq dernières années? Qu'avons-nous réalisé? Avez-vous récupéré quoi que ce soit de ce que vous avez investi?

M. Manley: Nous effectuons régulièrement ce genre d'analyse. Elle se retrouve bien sûr dans le rapport annuel des organismes.

Le sénateur Kolber: Ce qui vous intéresse, pour vous citer, c'est le long terme. Un rapport annuel, même s'il n'est pas tout à fait inutile, ne m'apporte pas les réponses que je cherche. Autrement dit, existe-t-il un rapport quinquennal? Vous avez dépensé des dizaines de millions de dollars. Qu'a-t-on reçu en retour?

M. Manley: C'est vrai. Mais nous n'avons pas de rapport à long terme sur ce qui s'est fait au regard des changements apportés au cours des 12 derniers mois. C'est en fait là une de mes réponses à votre rapport. Nous avons apporté des changements de taille au cours des 12 derniers mois, notamment en ce qui concerne le transfert des organismes régionaux au portefeuille de l'Industrie et la formulation du nouveau mandat de la Banque de développement du Canada. Nous en sommes au point où nous attendons de récupérer les fruits sur l'arbre. L'établissement de repères -- ce qui est une des recommandations que vous avez formulées au sujet des intermédiaires financiers --, devient un élément important grâce auquel nous pourrons effectuer l'évaluation de la performance dans l'avenir.

Les renseignements produits jusqu'ici ont-ils été insuffisants? Je pense qu'on peut l'affirmer. C'est une des raisons pour lesquelles je me trouve ici aujourd'hui pour vous dire que les organismes intermédiaires, dont deux fonctionnent à la manière des banques à charte -- la SCA et la BDC -- fourniront des données à la façon dont le font les banques commerciales. Grâce à cela, nous disposerons de meilleurs renseignements pour nous livrer à une analyse comparative et pour nous demander si ces organismes parviennent à des résultats tangibles, valables.

Le regroupement des organismes dans un même portefeuille constitue une étape dans le sens de la coordination de leurs activités, coordination qui nous permettra de mieux évaluer leur contribution potentielle.

L'APÉCA m'a remis un de ses rapports sur les réussites commerciales des entrepreneurs dans le Canada Atlantique. Ce genre d'information est produit de façon régulière. Les gens peuvent l'examiner et s'en servir. Dans le cadre de notre examen des crédits parlementaires, on pourrait affirmer que cette responsabilité est plus continue, plus directe et plus publique que celle qu'on retrouve dans la plupart des entreprises du secteur privé.

Le sénateur Meighen: J'aimerais commencer par le Conseil des institutions financières fédérales. Est-ce qu'il va simplement s'agir d'une tribune où se rencontreront les différents responsables des organismes d'État et des intermédiaires financiers, ou va-t-il disposer d'un secrétariat et aura-t-il une existence en propre?

M. Manley: Je ne m'attends pas à ce que cela exige l'instauration d'un appareil institutionnel ou d'un secrétariat, et que tout le travail pourra se faire de façon coopérative. Il ne devrait pas être difficile, entre tous les organismes et tous les sous-ministres concernés, de dresser les procès-verbaux nécessaires et de préparer les ordres du jour.

Le sénateur Meighen: Qui présidera le comité, monsieur le ministre? Vous-même?

M. Manley: Ce ne sera pas moi, mais j'y siégerai. Comme il y a trois ministres responsables des institutions financières, nous pourrions au besoin leur demander d'occuper la présidence à tour de rôle ou nous pourrions avoir recours à une structure moins officielle que celle à laquelle une présidence permanente pourrait faire penser.

Le sénateur Meighen: On pourrait imaginer un échange d'information qui permettrait de pourrait prendre toutes les décisions jugées nécessaires. Eh bien, est-ce que ces informations seraient publiques ou seraient-elles limitées à la diffusion interne?

M. Manley: La plupart des renseignements sont publics, à cause de la nécessité, pour les institutions, de faire annuellement rapport de leurs activités et à cause aussi de la reddition de compte découlant du processus parlementaire. Comme les ministres responsables, ainsi que les chefs des organismes répondent auprès du Parlement, je croirais que c'est ainsi que les choses se passeront. Grâce à ce mécanisme de coopération, tout ce qui touche à la coordination, au recoupement et au dédoublement pourrait être revu.

Le sénateur Meighen: Le mécanisme de coopération dont vous parlez, c'est le conseil?

M. Manley: Oui.

Le sénateur Meighen: Et le pouvoir du conseil réside sans doute dans la présence des trois ministres.

M. Manley: Le pouvoir?

Le sénateur Meighen: On peut supposer que vous vous réunirez pour autre chose que de vous dire: «Tout va bien de mon côté; le volume des prêts augmente et la collaboration avec le secteur privé est bonne». Où est la substance? D'après ce que j'ai cru comprendre, monsieur le ministre, vous avez préféré cette formule à celle d'une prétendue société de portefeuille d'État comme le comité le recommandait dans son rapport. Nous conviendrons, je pense, que les objectifs sont essentiellement les mêmes. Avez-vous la certitude que le genre d'échange d'information qui aura certainement lieu lors des réunions du Conseil permettra aux participants de prendre rapidement les mesures qui s'imposent pour corriger les défauts constatés?

M. Manley: Avant que nous n'établissions le Conseil, comme je l'ai dit plus tôt, toutes ces entités existaient déjà et gravitaient sur leur propre orbite. Il n'y avait pas de consultation; les responsables des organismes ne se rencontraient même pas. Jusqu'au remaniement, les présidents, les fonctionnaires et les sous-ministres étaient répartis dans quatre ministères. Au moins, nous avons réduit ce nombre à trois.

Nous passons d'une situation où il y avait une absence complète de coordination à une structure qui permettra au moins aux divers organismes de mieux comprendre ce que font les uns et les autres. Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple typique de la limite entre la Société du crédit agricole et la BDC, au regard des pressions -- de plus en plus présentes dans le milieu rural -- des agriculteurs qui se lancent dans d'autres genres d'entreprise pour subvenir à leurs besoins. Doivent-ils s'adresser à la SCA pour obtenir le soutien financier nécessaire et ne risquent-ils pas de se faire dire, dès que leur projet portera sur autre chose que sur des produits agricoles, qu'ils doivent s'adresser ailleurs? Comment allons-nous gérer la transition? Que peut-on faire, par exemple, dans le cas des bureaux coimplantés si nous décidons de maintenir des opérations distinctes dans le milieu agricole?

Malgré toute la sagesse du monde, tant que nous n'aurons pas mieux fait le tour de ces problèmes et élaboré certains exemples, personne ne pourra être certain de pouvoir formuler les meilleures recommandations qui soient, pas plus vous, à ce comité, que les employés des sections chargées de l'élaboration de la politique à Industrie Canada. Nous devons raffiner notre approche. Je pense qu'il faudra certainement plusieurs années au Conseil pour en arriver à la conclusion que l'orbite de telle ou telle institution est en train de se stabiliser et qu'il faudrait peut-être n'en garder plus qu'une, ou qu'il n'est plus nécessaire de faire ce que fait la BDC et qu'il vaudrait mieux confier à la SEE l'ensemble des opérations liées aux capitaux, et donc détourner la BDC de ce qu'elle faisait auparavant.

Voilà autant de sujets que vous pouvez analyser, mais nous devons progresser encore un peu avant d'en arriver à tirer des conclusions.

Le sénateur Meighen: Ce qui nous diffère de vous, c'est que nous avons prêché pour un organisme ayant un certain pouvoir. Je vous souhaite bonne chance avec votre approche. J'espère qu'elle fonctionnera. J'aimerais vous en reparler dans deux ans pour voir si vous avez fait des progrès. Nous avons eu vent de nombreux cas où la main gauche ne sait pas ce que fait la main droite. Il est possible que de telles réunions, au sein d'un même conseil, permettront de régler ce genre de problème. Je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse là de la meilleure approche qui soit, mais je vous souhaite bonne chance.

Le président: Monsieur le ministre, je peux peut-être me permettre d'être un peu moins poli que le sénateur Meighen. En toute modestie, peut-être parce que j'ai présidé plusieurs comités interministériels et interorganismes dans cette ville. Très franchement, l'idée même que ces organismes puissent être disposés à collaborer volontairement entre eux, de façon véritable, est tout à fait naïve.

Quand nous avons analysé les recommandations que nous voulions formuler, nous avons reconnu que, par leur nature, ces organismes, qui sont tout à fait autonomes, sont enclins à résister fermement à toute idée d'abandon de cette indépendance sauf, pour reprendre les mots du sénateur Meighen, si le mécanisme mis en place s'accompagne de certains pouvoirs. Dans notre proposition, nous ne tenions pas mordicus à une société de portefeuille. Mais nous étions convaincus que ce mécanisme devrait s'accompagner de pouvoirs pour briser les barrières et ne pas s'en tenir au simple voeu pieux que les gens feraient ce que nous allions leur demander par simple croyance dans le bien commun, et parce que personne ne veut vraiment protéger son empire.

Personnellement, je pense que le Conseil est une idée intéressante mais, franchement, elle ne fonctionnera pas. Je fonde mon jugement sur 15 années passées de l'autre côté de la barrière, mais uniquement du côté du législateur. J'aimerais vous entendre réagir à cela.

Par ailleurs, vous pourriez peut-être répondre à une question connexe. Si vous ne voulez pas mettre en place une société de portefeuille, peut-être qu'une des façons de contraindre les gens à collaborer entre eux -- le parrain dirait «une des façons de leur faire une offre qu'ils ne peuvent refuser» --, consisterait à envisager des mécanismes comme, par exemple, le fait d'avoir une même personne présidant plus d'une institution financière de l'État de sorte que, même si vous n'avez pas de société de portefeuille structurée, il y aura assez de recoupement au niveau des conseils d'administration pour que les différentes institutions concernées imposent le changement qui, autrement, selon moi, ne se produira jamais.

M. Manley: Quant à savoir si la chose va fonctionner ou pas, monsieur le président, je m'en remets à votre expérience puisque, à l'évidence, vous êtes beaucoup plus vieux que moi.

Le président: Non, juste un peu plus frustré et nettement plus cynique.

M. Manley: Ce que je crois, c'est essentiellement ce que j'ai essayé d'énoncer plus tôt. Nous nous sommes engagés à imprimer des changements fondamentaux dans ces organismes. Il n'y a qu'un certain nombre d'unités d'énergie que nous pouvons investir. Si nous consacrons toutes ces unités d'énergie à modifier les structures et les mécanismes, nous ne les consacrerons pas à modifier le comportement des institutions concernées.

Je suis tout à fait ouvert quant aux résultats possibles de notre évaluation de cette partie de l'approche. Je crois que nous pourrons examiner la chose dans un an ou deux et nous dire que nous avons créé le Conseil pour les bonnes raisons, et s'il n'est pas parvenu à régler certains problèmes de recoupement et de dédoublement, alors nous devrons peut-être songer à appliquer votre recommandation. Quoi qu'il en soit, pour ce qui est de l'institution financière dont je suis responsable, je suis convaincu que le changement de mandat et le changement de méthode feront une grande différence dans la façon dont les clients sont servis par cette institution. Je tolérerais beaucoup plus facilement des dédoublements et des recoupements si les clients obtiennent à un meilleur service, que je n'accepterais la suppression de tout dédoublement et recoupement si cela devait se signifier un service à la clientèle de moins bonne qualité. Je suis prêt à dire que nous analyserons la chose a posteriori, et nous verrons s'il y a une différence ou pas ou s'il s'agit d'une étape de tout processus. Je n'en demeure pas moins convaincu que ce que nous avons mis sur pied peut fonctionner pour régler une partie des questions connexes. Ça ne peut faire de mal d'accroître le niveau de coordination.

Je crois que votre suggestion de créer un conseil chargé de plusieurs organismes est très intéressante. Je m'engage à recommander à mes collègues d'envisager la nomination de mêmes personnes à plusieurs conseils, et peut-être même la nomination d'un seul président à la tête de tous les conseils.

Le président: Je pensais surtout au président.

M. Manley: Le problème sera peut-être de parvenir à trouver quelqu'un qui soit disposé à consacrer autant de temps que nécessaire. Il ne s'agit pas d'un poste à temps plein. Mais c'est ouvert à discussion.

Le sénateur Kelleher: Je partage le point de vue du sénateur Kirby quant aux chances de succès de ce conseil. Je n'ai bien sûr pas autant d'expérience que lui, mais j'en ai tout de même une certaine. Ce qui m'inquiète, notamment, c'est l'absence d'objectifs consignés noir sur blanc pour ce conseil. Y a-t-il un énoncé de mission? A-t-on précisé quelque part ce que seront les objectifs de ce conseil? Existe-t-il un document quelconque qui nous permettra d'évaluer sa performance? Par exemple, qui en sera responsable? Vous avez trois ministres, et je sais que vous aussi pouvez vous en occuper. Pendant le temps que j'ai passé au gouvernement, je n'ai pas manqué de constater que les ministres progressent dans les postes du Cabinet. Pouvez-vous vous appuyer sur quoi que ce soit d'autre pour évaluer objectivement la performance de ce conseil?

M. Manley: L'un des problèmes auxquels nous nous sommes heurtés, même dans l'évaluation des institutions financières, a été l'établissement d'une sorte de repère pour comparer les résultats. Nous progressons dans ce sens.

Le conseil a véritablement pour objet de régler les problèmes de recoupement et de dédoublement, mission, je pense, que votre comité a jugé importante. Il convient de dégager les possibilités de collaboration et donc de réduire les recoupements et les dédoublements; il convient aussi d'instaurer une tribune favorisant la diffusion et l'analyse de toutes les idées formulées pour améliorer le service à la clientèle par le biais d'un développement de produit coopératif et d'une commercialisation commune, ce qui a été de plus en plus le cas, par exemple, entre certaines institutions financières relevant des organismes de développement régional. Cette tribune doit être aussi le lieu où les responsables des institutions pourront s'entendre sur des méthodes communes de compte rendu grâce auxquelles nous serons en fait capables d'évaluer objectivement leur performance. Pour l'instant, rien de cela n'existe.

Le sénateur Kelleher: Est-ce que ces objectifs et ces mandats ont été consignés par écrit?

M. Manley: Il existe un texte, joint en annexe des notes d'intervention, que j'ai fait préparer pour diffusion. La réponse à la question cinq correspond à ce que nous avons produit jusqu'ici. Il s'agit de l'annonce d'aujourd'hui qui explique la façon dont cela fonctionnera et quels en seront les éléments clés. Mais je pense qu'on peut aller encore plus loin dans ce développement, dans le cas de la réponse fournie à l'occasion du processus de décision des crédits parlementaires.

Le sénateur Kelleher: Je vous souhaite bonne chance.

Le président: Puisque nous en sommes là, je voudrais éclaircir trois points.

Vous étiez d'accord avec notre première recommandation où nous demandions que les institutions financières de l'État préparent et diffusent des données à la façon des institutions financières du secteur privé?

M. Manley: Nous étions d'accord pour les aspects qui sont comparables.

Le président: Vous avez parlé du problème des failles ou des lacunes. Le comité voulait savoir quelles lacunes les institutions financières de l'État allaient essayer de combler.

Dans votre déclaration, vous faites état de quatre lacunes mentionnées dans un rapport de 1994 du comité de la Chambre des communes. Peut-on raisonnablement déduire de ce que vous nous dites que les institutions financières de l'État, dans leurs futurs rapports ou communications annuelles au Parlement, préciseront en quoi elles comblent ces lacunes et indiqueront aussi si elles estiment que d'autres lacunes doivent être comblées, en en précisant la nature?

M. Manley: C'est ce qu'on peut certainement déduire dans le cas de la Banque de développement du Canada et je suis très sympathique à cette idée dans le cas des autres organismes.

Le président: Alors, je pense que nous devons bien comprendre que tel est le cas, parce que cela va dans le sens de notre deuxième recommandation.

M. Manley: Précisément.

Le président: Pour ce qui est du troisième point, j'admets que je suis troublé. Vous avez déclaré que notre rapport s'articule autour d'un même thème, à savoir que les institutions financières de l'État devraient avoir pour rôle d'éviter la concurrence parce que le secteur public n'a pas à livrer une concurrence directe au secteur privé. Dans vos remarques liminaires, vous avez pris la SCA pour exemple, donc, ne croyez pas que je m'en prenne particulièrement à elle. Vous avez dit que le Parlement a confié à la SCA le mandat d'être concurrentielle uniquement en réponse aux demandes de la clientèle. D'abord, s'il n'existe aucune demande, s'il n'y a pas de demande de service, il n'y a pas de concurrence. On ne peut faire concurrence pour un service que les clients ne veulent pas. Dès lors, j'en déduirai -- si je supprime la fin de cette phrase -- que le sens véritable à donner à la phrase, c'est que la SCA a pour mandat d'être concurrentielle. Cependant, dans un article du 27 juin paru dans le Globe and Mail, M. Beaudoin, le fonctionnaire en chef de la Banque de développement du Canada, déclarait que la BDC a enregistré des profits records dans son dernier exercice. D'après l'article, il aurait déclaré qu'il ne faut pas prendre de risques quand s'expose à perdre de l'argent. Selon lui, ce serait merveilleux si nous pouvions trouver une façon d'investir sans prendre de risques, en faisant tout de même de l'argent.

Pour moi, de telles déclarations, analysées au regard de ce que vous avez dit au sujet de la concurrence et de la SCA, ainsi que des profits records de la BDC dans son dernier exercice, me portent à croire que ces institutions, qui obéissent presque essentiellement aux critères de la pérennité sociale, font exactement l'inverse de ce qu'a proposé le comité et qui aurait permis de mettre un terme à leur pratique consistant à n'être concurrentes que dans de tous petits créneaux, et presque par accident. Je commence à avoir l'impression que ces institutions sont sur le marché et qu'elles livrent une concurrence directe au secteur privé. Ai-je raison de conclure cela? Si oui, s'agit-il d'une politique gouvernementale?

M. Manley: D'abord, plaçons les choses en perspective. Je me concentrerai sur la BDC, parce que c'est la seule institution que je connaisse vraiment. Comment pourrait-on dire que la BDC fait concurrence aux banques à charte alors qu'elle n'est pas une institution de dépôt?

Le sénateur Angus: Elle leur fait concurrence dans le domaine des prêts.

M. Manley: Oui, dans les prêts, mais contrairement aux banques à charte, elle n'a pas accès à d'énormes volumes de dépôts à faible coût. Vous comparez la BDC, ayant des actifs d'environ trois milliards de dollars, à des banques à charte dont les actifs peuvent se chiffrer à 800 ou 900 milliards de dollars. Ne craignez pas que ce nain fasse concurrence aux grandes banques, ils n'ont rien de comparable.

Le président: Ce n'est pas cela.

M. Manley: J'ai demandé à la BDC de mener une action complémentaire, mais de le faire de façon dynamique, autrement dit d'être présente là où les banques à charte pourraient également être présentes, si elles le décidaient. J'espère que cela permettra d'infléchir le comportement des banques commerciales. La BDC se chargera peut-être de dossiers que les banques à charte hésitent à prendre. Elle pourra, à l'occasion, avoir recours à des leviers pour prêter de l'argent dans des secteurs où elle n'est normalement pas présente. Voilà, pour moi, quel doit être son rôle. C'est un changement par rapport à son statut de prêteur de dernier recours, statut qui était très différent des méthodes associées au nouveau mandat.

Va-t-elle concurrencer les banques à charte? Eh bien, elle devrait les talonner, les interpeller et se montrer dynamique.

Le président: Je pense que ce comité est tout à fait d'accord avec vous quand vous voulez inciter les institutions financières privées à se retrouver dans des secteurs où elles n'ont pas l'habitude d'évoluer. Toutefois, quand je vois que le président de la BDC fait le genre de déclaration qu'il a faite, il ne faut pas prendre de risque, je me dis «si la BDC doit pousser le secteur privé dans des secteurs qui ne sont pas traditionnellement les siens, alors elle devrait prendre les risques que le secteur privé n'est pas disposé à prendre, pour tout un tas de raisons». Une déclaration si prudente que celle que j'ai lue me paraît en contradiction avec l'orientation que vous recommandez.

M. Manley: Je conviens que la déclaration de M. Beaudoin à laquelle vous faites allusion est une déclaration de banquier.

Le sénateur Stewart: Vous êtes dur.

M. Manley: Pour accorder le bénéfice du doute à M. Beaudoin, je dois dire que je ne sais pas exactement ce qu'il a déclaré ni dans quel contexte il l'a fait. Je vous encourage à l'inviter à venir s'expliquer. Pour ce qui est des pratiques passées, vous avez mis le doigt sur le bobo. Quand je demande à la Banque d'être financièrement autonome, je sais qu'elle devra forcément gérer son portefeuille pour faire de l'argent afin de compenser ses pertes. C'est simple. Quand j'ai parlé de niveau d'activité avec le président de la Banque, je lui ai indiqué que je ne m'attendais pas à ce que la BDC dégage des profits comparables à ceux des banques à charte. Je m'attendais à ce qu'il s'assure que son organisme dégage suffisamment de profits pour pouvoir financer lui-même l'expansion de ses activités, sans s'attendre à ce que le gouvernement injecte des fonds complémentaires. Nous avons déjà injecté un certain capital à l'occasion du dernier budget, en achetant des actions privilégiées, ce qui, je pense, accélérera la mise en oeuvre du nouveau mandat. Si nous devons essayer de combler les besoins financiers des entreprises que les banques beaucoup plus axées sur le profit et beaucoup plus prudentes hésitent à combler, alors il faut vraiment avoir le goût du risque; sinon, vous avez raison, autant mettre la clé dans la porte.

Le sénateur Meighen: Monsieur le président, vous venez de soulever un point qui me préoccupe.

Monsieur le ministre, vous avez parlé au nom de la BDC. Je suppose que vous avez discuté des mêmes problèmes avec vos collègues et que vous connaissez leur point de vue. Il peut être semblable au vôtre, mais il peut aussi être différent. Peut-être que votre conseil permettra d'aplanir les différences. Si vous me permettez une dernière remarque sur la forme, surtout en ce qui concerne la SCA, je dirais que si son mandat est élargi et si elle doit effectivement concurrencer les banques dans les Prairies, où on ne compte qu'une seule banque dans bien des villages, le nombre de succursales bancaires dans cette région risque fort d'être réduit. Et je ne crois pas que l'effet sera salutaire sur l'économie des Prairies.

M. Manley: Je crois que le ministre Goodale veut examiner le mandat de la SCA et je suis certain qu'il se trouvera bien quelqu'un dans cette pièce pour faire part de vos commentaires à son cabinet.

Le sénateur Meighen: Alors, il ne fait aucun doute qu'il envisagera de limiter et non d'élargir le mandat de la SCA.

M. Manley: Vous devrez lui poser la question.

Le président: Monsieur le ministre, merci beaucoup d'avoir accepté de comparaître devant le comité aujourd'hui.

Nos prochains témoins nous viennent du ministère des Finances. Nous allons demander aux fonctionnaires des Finances de nous commenter le document produit par leur ministère et intitulé Examen de 1997 de la législation régissant les institutions financières: Propositions de modifications. L'idée n'est pas ici de nous lancer dans un débat en profondeur avec ces personnes à propos des fondements de ce document. Cela, nous le ferons quand le comité tiendra des audiences à ce sujet, à la fin septembre. Il est principalement ici question de leur demander d'en couvrir les grands points et de répondre à nos questions, plutôt que de débattre des concepts de politique.

Le comité a convenu que nous tiendrions des audiences sur ce document les 1er, 2, 3 et 4 octobre et, si le Sénat siège alors, nous aurons la permission de nous réunir toute la journée en comité. Le greffier adressera des lettres d'invitation aux groupes disposés à comparaître devant nous sur la grande question des services financiers en général.

À la fin de nos audiences, le vendredi 4 octobre, nous devrions accueillir le ministre. Je vous demanderais d'arrêter une date avec lui.

Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant Bob Hamilton, sous-ministre adjoint par intérim, Direction de la politique du secteur financier; Frank Swedlove, directeur, Division du secteur financier; et Martine Doyon, chef, développement de politique, Division du secteur financier.

Monsieur Hamilton, c'est la première fois que vous nous rendez visite en cette qualité et je vous adresse d'avance nos condoléances.

M. Bob Hamilton, sous-ministre adjoint par intérim, Direction de la politique su secteur financier: Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Quand j'ai comparu la dernière fois devant vous, à un autre titre, c'était pour parler de la TPS et je ne mettrai pas dans la balance les mérites relatifs de ces deux fonctions.

Je suis heureux d'être ici. Je reconnais le rôle important que joue ce comité dans l'élaboration de la législation du secteur financier et je suis donc très heureux aujourd'hui de pouvoir parcourir le document que l'honorable Douglas Peters, le secrétaire d'État (Institutions financières internationales) a déposé le 19 juin dernier.

J'ai avec moi des notes à distribuer qui présentent les grandes lignes du document en question, et sur lesquelles je m'appuierai pour vous commenter le contenu du document.

Permettez-moi de vous replacer d'abord un peu dans le contexte de ces changements. Comme vous le savez, d'importants changements ont été apportés à la législation sur les secteurs financiers en 1992 et une réforme en profondeur a permis de faire sauter un grand nombre des verrous qui empêchaient les institutions financières de se livrer véritablement concurrence entre elles; cela leur a permis de diversifier leur action dans d'autres secteurs de l'activité financière. Il y a également eu des changements dans le domaine de la régie interne des sociétés et dans celui des délits d'initiés. Étant donné l'ampleur et la portée de ces changements, il a été décidé de les revoir à terme de cinq ans. Nous avons maintenant entrepris l'examen de 1997.

Depuis les réformes de 1992, de grands changements sont intervenus dans le secteur, comme en fait état le document que le ministère a fait remettre au comité il y a environ un an. Tout un travail de restructuration et de consolidation a été accompli. De toute évidence, la tendance à la mondialisation et à la fourniture, à l'échelle internationale, de services financiers et de capitaux, s'est maintenue. Une mesure législative, le projet de loi C-15, a même été proposée pour améliorer la sécurité et la stabilité du système. Tous ces développements récents ont précédé l'amorce du processus d'examen de 1997.

Nous poursuivons deux grands objectifs. Le premier consiste à déterminer si les changements législatifs radicaux adoptés en 1992 donnent les résultats prévus. Le deuxième consiste à savoir si le cadre législatif retenu est adéquat au regard des développements constatés dans le secteur financier.

Nous avons entamé ce processus en décembre 1994 par la production d'un document à l'intention de ce comité, document intitulé «Développement dans l'industrie des services financiers depuis la réforme du secteur financier». Depuis cette époque, nous avons tenu des consultations poussées avec le comité. Le secrétaire d'État Peters a demandé à ce qu'on lui adresse des soumissions en mars 1995. Nous en avons reçues une trentaine. Depuis lors, nous avons consulté plusieurs parties intéressées et l'on peut résumer en une seule déclaration la plupart des points soulevés à l'occasion de ces consultations: le régime fonctionne très bien dans l'ensemble. Le système adopté en 1992 semble être encore approprié. Il n'est pas nécessaire de le retravailler en profondeur à cette étape. Cela étant dit, plusieurs problèmes ont été soulevés à l'occasion de tout ce processus et nous comptons y donner suite, dans ce document et plus tard.

L'un des aspects qui a été soulevé est celui de la concentration et de la concurrence. À la suite des changements de 1992, certains ont craint que l'industrie des services financiers ne devienne trop concentrée et qu'il n'y ait donc plus de concurrence. Nous avons passé beaucoup de temps à examiner cette question. Nous nous sommes entretenus avec des universitaires, avec le Bureau de la concurrence et avec d'autres parties intéressées. Nous en sommes arrivés à la conclusion que, même s'il y a effectivement eu concentration dans les secteurs de la banque et des assurances, rien ne prouve que cela ait eu un effet négatif sur la concurrence. Donc, nous ne voyons pas, pour l'instant, la nécessité de retravailler en profondeur la législation sur le secteur financier. Cependant, c'est un aspect qui demeure important et que nous continuons de suivre de près.

Une autre question qui a été soulevée à l'occasion de l'examen de 1997 concerne les pouvoirs commerciaux, qu'il s'agisse de mise en réseau des compagnies d'assurance ou de crédit-bail. Comme on peut le constater dans le document de politique, le gouvernement a décidé que le moment était venu de modifier fondamentalement les pouvoirs commerciaux des institutions financières. Mais nous reviendrons plus tard sur cette question et nous la relierons à la création d'un groupe de travail.

Les intervenants du milieu ont fait état de plusieurs autres domaines dans lesquels ils aimeraient que des changements soient apportés. Les groupes de consommateurs réclament une plus grande protection. La protection de la vie privée a été mentionnée comme étant un élément important. Ce comité en a d'ailleurs fait état dans son rapport et il en a été de nouveau question dans les consultations. Ce comité et d'autres ont cherché des façons d'assouplir le cadre réglementaire. Sommes-nous persuadés que les règlements en place sont nécessaires? Y a-t-il quoi que ce soit que nous puissions faire pour les peaufiner?

En outre, certains ont soulevé des questions à propos de la Loi sur l'association canadienne des paiements qui, même si elle n'arrive pas à expiration en 1997 comme les quatre autres, a un effet marquant sur le secteur financier. C'est là quelque chose sur lequel nous comptons travailler et j'y reviendrai dans un moment. Voilà les changements qui ont conduit aux propositions contenues dans le document.

Au-delà de cela, constatant que ce secteur est en pleine évolution, certains ont soulevé des questions fondamentales quant à l'avenir du secteur des services financiers. Ils pressent le gouvernement de régler ces problèmes et de se préparer en vue du prochain examen législatif. Ce faisant, le gouvernement a décidé de mettre sur pied un groupe de travail. Je vous en dirai plus à ce sujet dans un instant.

En conclusion, on peut affirmer que, même si le cadre mis en place en 1992 est largement perçu comme ayant bien servi le secteur financier -- il nous a en effet permis de nous doter d'un secteur financier fort et concurrentiel --, nous proposons d'apporter certains ajustements notoires. Un travail supplémentaire nous paraît nécessaire pour préparer le secteur financier à aborder le siècle prochain.

J'aimerais à présent que nous parcourions les propositions contenues dans ce document. Vous pourrez vous appuyer sur les feuillets que je vous ai fait remettre. À la première page, il est question des éléments clés du document. Il s'agit des propositions visant à renforcer les mesures de protection des consommateurs, et c'est là un des éléments clés de ce document. Il est également question des propositions visant la mise à jour et la rationalisation de la législation. Enfin, on annonce la tenue d'un examen complet du cadre approprié pour le secteur financier, et l'établissement d'un groupe de travail.

Pour ce qui est de l'amélioration de la protection des consommateurs, nous avons dégagé trois axes, le premier étant la protection des renseignements personnels. À l'occasion des discussions que nous avons eues avec plusieurs parties, nous avons constaté que la protection des renseignements personnels est un sujet de préoccupation, les gens reconnaissant le lien spécial qui unit les institutions financières et leurs clients. Mais les institutions ont fait des efforts pour trouver une réponse à ce problème. Elles ont notamment participé à l'élaboration du nouveau Code de protection des renseignements personnels de l'Association canadienne de normalisation, code dont l'adoption est volontairement.

Dans ce document, nous nous proposons de nous appuyer sur les efforts déjà déployés en vue de formaliser et de consolider ces mesures d'autoréglementation. Nous proposons l'adoption de nouveaux règlements sur la protection des renseignements personnels, qui exigeraient des institutions financières l'adoption d'un code de conduite régissant la collecte, l'exploitation et la divulgation des renseignements et qui exigeraient également qu'elles informent leurs clients à propos de ce code et de la façon de formuler des plaintes, et elles seraient tenues de faire rapport au sujet des plaintes reçues.

Nous encourageons l'application du code de l'ACN en tant que norme minimale. Celui-ci présente en effet plusieurs caractéristiques intéressantes. Par exemple, il exige le consentement des particuliers pour recueillir, exploiter et diffuser les renseignements les concernant. Nous encourageons les institutions à s'inspirer des efforts de l'ACN et à retenir ce code comme norme minimale dans l'élaboration de leur propre code de conduite.

En outre, nous reconnaissons qu'Industrie Canada envisage la question de la protection des renseignements personnels de façon plus large. Nous estimons que la réglementation des institutions financières en la matière doit être cohérente. Nous pensons que ce que nous proposons ici sera conforme au cadre plus général que nous percevons, mais nous garderons un oeil sur les progrès réalisés à un niveau plus général, pour veiller à ce que tout ce que nous jugerons nécessaire soit incorporé dans les règlements.

Les points suivants concernent les coûts, la disponibilité et la communication des services financiers. Nous avons eu vent de certaines inquiétudes à propos des frais de gestion des comptes, de la communication de ces frais, de la communication du coût du crédit et de la capacité des personnes à faible revenu d'accéder aux services financiers de base offerts par les institutions. Nous ne proposons pas, à cet égard, d'apporter des changements d'ordre législatif, mais plutôt de travailler en collaboration avec les institutions financières afin d'améliorer la diffusion des renseignements sur les frais d'administration des comptes, et de mettre en oeuvre une stratégie visant à améliorer l'accès aux services financiers pour les Canadiennes et les Canadiens à faible revenu. Nous savons que les institutions financières sont intéressées à continuer d'apporter des changements dans ce domaine. Nous voulons travailler avec elles. En fait, nous avons amorcé le processus sur ce chapitre pour voir ce qu'il est possible de faire dans ce domaine.

Le sénateur Meighen: S'agissant du coût des services financiers, avez-vous obtenu ou pourrez-vous obtenir des statistiques comparatives d'autres pays?

M. Hamilton: Nous disposons de statistiques comparatives des États-Unis et d'autres pays. Nous espérons en recueillir plus à l'occasion de cet exercice afin de comparer ce qui se passe ici et ailleurs. D'après certaines données, les frais bancaires et les écarts au Canada sont inférieurs à ceux qu'ils sont aux États-Unis. Nous disposons déjà de certains renseignements et nous espérons pouvoir compléter cette information à l'occasion du processus que nous avons entrepris.

Le président: Je voudrais enchaîner sur cette question, pendant un instant.

Les données dont vous parlez, je pense, sont celles que le comité avait réclamées il y a environ un an. Je veux clarifier vos propos. Vous disiez espérer retirer plus de cet exercice. Personnellement, je pense que vous n'obtiendrez pas plus. Pour interpréter ce que le sénateur Meighen vient de dire, si je le peux, il nous serait utile, à nous membres du comité, de disposer des meilleures données comparables que vous possédez éventuellement avant de débuter nos audiences de sorte que, quand les témoins viendront arguer du pour et du contre des différents aspects des coûts du service, nous aurons quelque chose sur quoi vous appuyer? Est-ce que vous pourriez nous faire parvenir les meilleures données dont vous disposez d'ici la mi-septembre?

M. Hamilton: Nous essaierons.

Le sénateur Kolber: À la rubrique «Protection des consommateurs», vous dites que vous avez décidé que les banques ne pourraient vendre ni assurance ni crédit-bail pour voiture. Je crois savoir que ces deux décisions sont de nature politique, mais les consommateurs ne vont-ils pas estimer que cela va à l'encontre de leurs intérêts. Vous augmentez les coûts imputés aux clients dans ces deux domaines. Comment en êtes-vous venu à prendre cette décision?

M. Hamilton: À l'époque, il n'était pas question de modifier en profondeur les pouvoirs commerciaux des institutions financières. Nous parlerons dans un moment du groupe de travail qui se penchera sur les futures orientations à donner au secteur financier et je m'attends à ce qu'on débatte de ces questions à cette occasion. Dans l'avenir, nous devrons nous demander ce qu'il y a de mieux pour les consommateurs et nous devrons déterminer comment le secteur financier pourra répondre au mieux aux besoins constatés. Pour l'instant, cependant il a été décidé qu'il serait inapproprié de modifier en profondeur les pouvoirs commerciaux des institutions.

Le sénateur Kolber: Pourquoi inapproprié?

M. Hamilton: Par exemple, dans le domaine de l'assurance, comme on l'a indiqué dans le budget, l'industrie est encore en train de s'adapter aux grands bouleversements qui ont suivi les réformes de 1992 et nous avons estimé qu'il serait non productif ou inapproprié pour l'instant de modifier en profondeur les pouvoirs commerciaux.

Le sénateur Kolber: Et pour ce qui est du crédit-bail pour voiture?

M. Hamilton: Il y a eu des pour et des contres. Je ne suis pas certain que nous ayons entendu tout ce que les consommateurs avaient à dire à ce sujet, mais il est certain que le débat a eu lieu entre les institutions financières désireuses de pénétrer dans le domaine et les autres entreprises désireuses de les y en empêcher. On en a déduit que le moment était mal choisi pour prendre cette décision. On en est plutôt venu à la conclusion qu'il fallait, maintenant, effectuer les changements nécessaires pour peaufiner ceux qui avaient été mis en oeuvre en 1992. Dans l'avenir, le groupe de travail envisagera les choses de façon beaucoup plus large. Nous croyons que c'est là la meilleure façon de décider de ce qu'il faudra faire en matière de pouvoirs commerciaux.

Le sénateur Kolber: Vous ne pensez pas que cette décision a obéi à des motifs strictement politiques.

Le président: Un fonctionnaire ne peut répondre à une telle question.

Peut-être pourrais-je apporter une précision, monsieur Hamilton. Est-ce que le mandat du groupe de travail inclura la question des pouvoirs commerciaux?

M. Hamilton: Nous n'avons pas rédigé le mandat, mais on s'attend à ce que le groupe de travail examine de la façon la plus large possible tout le secteur financier, ce qui englobe forcément cette question.

Le président: Ma deuxième question concerne la protection des renseignements personnels. J'ai l'impression que la question fondamentale à laquelle il faut commencer par répondre en matière de protection des renseignements personnels, c'est celle de la propriété des données. Si je communique des renseignements me concernant, est-ce qu'ils m'appartiennent ou est-ce qu'ils appartiennent au destinataire? J'ai l'impression que la façon dont vous pourrez régler toute cette question des renseignements personnels dépend en fait de la détermination du véritable propriétaire de l'information. Je ne vous demande pas votre avis quant à ce que devrait être la réponse. Ma question est la suivante: ai-je raison de supposer qu'en fin de compte cette question sera réglée dans le cadre de la protection de la vie privée? Si ce sont les institutions financières qui sont propriétaires de tels renseignements, alors nous devrons les soumettre à toutes sortes de contrainte. En revanche, si ce sont les particuliers qui demeurent propriétaires de ces informations, nous aborderons la question réglementaire sous un angle radicalement différent.

M. Hamilton: Je vais laisser mes collègues répondre à cette question. Mme Doyon est très bien placée pour le faire, puisqu'elle a suivi le dossier de très près.

Mme Martine Doyon, chef, Développement de politique, Division du secteur financier, ministère des Finances: Je ne suis pas certaine de vouloir directement répondre à cette question de la propriété des renseignements. Peut-être devrais-je m'en tenir à une remarque.

Le code de l'ACN part du principe qu'un client consent à communiquer certains renseignements le concernant à une institution financière. En fait, ces renseignements concernent les services financiers particuliers que le client veut obtenir et il est tout à fait libre de permettre aux institutions de se servir des renseignements en question pour d'autres fins. Si cela ne le dérange pas que ses renseignements soient utilisés à des fins de marketing, il pourra y consentir. Cependant, comme il conserve la pleine maîtrise sur la destination de ces renseignements, il pourra, s'il le préfère, décider que ceux-ci ne devront servir à rien d'autre qu'aux fins pour lesquelles il les aura communiquer dans un premier temps.

Cette réponse vous éclaire-t-elle?

Le président: Je n'en suis pas sûr. Je ne voulais pas obtenir réponse à la question. En fin de compte, c'est pour y répondre que nous tenons des audiences. Ma question concernait la protection de la vie privée. Est-ce la propriété des données qui se trouve au coeur du débat ou suppose-t-on que, si je communique des données à des institutions financières, celles-ci leur appartiennent automatiquement?

Mme Doyon: Je dirais que si vous fournissez des renseignements à une institution, ceux-ci ne lui appartiennent pas automatiquement. Vous conservez votre mot à dire sur la façon dont les renseignements peuvent être utilisés et communiqués. Vous pouvez y avoir accès. Le client conserve la pleine maîtrise sur l'utilisation des renseignements qu'il fournit.

M. Hamilton: J'ai une dernière question dont j'aimerais que nous parlions. Elle concerne le point centré du milieu de cette page, celui qui traite de la disponibilité et de la communication des services financiers. Les règlements sur la communication du coût du crédit sont sujets à une initiative commerciale interne et ils font actuellement l'objet d'échanges entre le gouvernement fédéral et les provinces. On espère que certains progrès pourront être accomplis et que ces règlements pourront, en fait, être harmonisés et mis à jour.

J'espère que cela se fera à un moment donné cet automne, parce nous pourrons ainsi améliorer la connaissance que les clients possèdent du coût du crédit ainsi que du coût des emprunts et du crédit-bail. Il s'agit-là d'un autre élément qui, je l'espère, portera fruit dans le courant de cette année.

Comme on peut le constater au troisième point de cette page, nous nous proposons d'examiner plus à fond d'autres aspects, comme les ventes liées et le droit de remboursement anticipé de prêts hypothécaires.

À propos des ventes liées, à l'occasion de nos consultations, certains nous ont dit craindre que les clients ne soient vulnérables aux pressions exercées par les institutions financières. Certains ont prétendu que ni les forces du marché ni les règles énoncées dans la Loi sur la concurrence n'offraient des protections suffisantes. Il est juste, je crois, de dire que personne ne nous a prouvé la chose, mais nous en avons entendu suffisamment pour conclure qu'il faut analyser la question plus à fond. À cette occasion, nous voulons faire reconnaître que nous avons besoin d'une approche équilibrée dans ce domaine et que si les institutions relient les produits entre eux et offrent des escomptes, cela ne peut être que bénéfique pour les clients. Il ne faut pas décourager ce genre d'activités légitimes. D'un autre côté, nous voulons veiller à assurer une protection suffisante contre la coercition et les pratiques anticoncurrentielles. Comme nous le précisons dans le document, c'est là un domaine sur lequel nous voulons en apprendre plus. Nous en avons entendu suffisamment pour nous donner à penser qu'il faut recueillir encore d'autres témoignages, mais nous ne sommes pas allés assez loin pour pouvoir formuler des propositions spécifiques.

Une partie des préoccupations dont on nous a fait part concerne la mise en réseau dans le secteur des assurances; celle-ci ne fait l'objet d'aucune proposition dans ce document, mais nous voulons nous faire une meilleure idée du niveau d'inquiétude à ce sujet.

Le président: Les Américains sont en train d'assouplir leurs règles en matière de vente liée. Avez-vous un document décrivant les règles sur les ventes liées aux États-Unis, les problèmes qui ont incité les Américains à vouloir assouplir ces règles et quelles règles ils sont susceptibles d'adopter?

M. Hamilton: Nous avons effectivement analysé ce qui se passe aux États-Unis à ce sujet et nous disposons de descriptions sur le système américain ainsi que sur les changements dont il fait l'objet.

Le président: J'aimerais demander à M. Swedlove de remettre à l'attachée de recherche du comité tout ce qu'il possède à ce sujet parce qu'il s'agit là, je crois, d'un autre sujet que nous voudrons appréhender avant d'entamer nos audiences publiques.

M. Hamilton: Nous le pouvons certainement.

L'autre proposition concerne le remboursement anticipé de frais hypothécaires. Nous avons, là aussi, eu vent de certaines préoccupations. En fonction de la loi actuelle, pour les hypothèques de plus de cinq ans, la pénalité maximale pour un remboursement anticipé est de trois mois d'intérêt. Pour les hypothèques de moins de cinq ans, il n'y a aucune loi et les institutions ne sont pas tenues d'autoriser un remboursement anticipé et elles peuvent fixer les pénalités au niveau qu'elles veulent.

Nous avons constaté un désir d'examiner cette question pour voir s'il ne serait pas possible d'accorder les droits de remboursement anticipés dans tous les cas de figure et d'adopter une certaine approche normalisée pour calculer les pénalités en cas de remboursement anticipé. Encore une fois, ce document ne contient pas de propositions particulières à cet égard, mais nous envisageons d'en parler plus amplement avec les parties concernées pour savoir si la modification de la Loi sur l'intérêt pourrait être d'une aide quelconque.

Le sénateur Kolber: Cela ne concerne que les hypothèques de plus de cinq ans?

M. Hamilton: Il y a deux volets. Les titulaires d'hypothèque de plus de cinq ans doivent payer l'équivalent de trois mois d'intérêt au moment du règlement anticipé. Reste à savoir si cette pénalité est raisonnable. Dans le cas des hypothèques de moins de cinq ans, à propos desquelles il n'y a rien dans la loi, faudrait-il énoncer les conditions de remboursement anticipé, préciser ce que la pénalité devrait être et peut-être même envisager d'adopter une approche normalisée afin de fixer la pénalité pour tout l'éventail des formules offertes? Pour l'instant, il y a une différence entre les hypothèques de moins de cinq ans et les hypothèques de plus de cinq ans. Une solution consisterait à éliminer ce genre de différence et à adopter une seule et même approche pour toutes les durées d'hypothèque.

Le sénateur Kolber: Mais est-ce que cela ne pose pas un problème de financement aux institutions?

M. Hamilton: Je vais laisser M. Swedlove vous répondre, parce qu'il suit ce dossier de près depuis plusieurs années.

M. Frank Swedlove, Directeur, Division du secteur financier, ministère des Finances: L'Association canadienne de l'immeuble a exprimé avec vigueur ses préoccupations quant au fait que les hypothèques de plus de cinq ans ne sont pas aussi accessibles qu'elles devraient l'être, au Canada, à cause de la pénalité de trois mois en cas de paiement anticipé. Elle a donc proposé, avec d'autres, l'établissement d'une méthode uniforme de calcul de la pénalité pour paiement anticipé, afin d'encourager l'offre d'hypothèques de plus de cinq ans.

À l'heure actuelle, les institutions tentent de faire correspondre les besoins de crédit à la durée de l'hypothèque. Dans un sens, cela les aiderait à assumer cette responsabilité car il y a toujours le problème de la pénalité. On pourrait avoir des hypothèques de dix ans. Au bout de cinq ans, si le client décidait de solder son hypothèque à l'avance en acquittant la pénalité de trois mois, l'institution serait toujours engagée pour les cinq dernières années et la pénalité de trois mois serait insuffisante pour couvrir cet engagement.

Le sénateur Kolber: Il est clair que c'est seulement en cas de baisse des taux que les clients voudraient rembourser leur hypothèque à l'avance.

M. Swedlove: Exact.

Le président: Si le gouvernement en arrive à fixer lui-même les modalités des prêts hypothécaires, il ne sera pas loin d'assumer en détail la gestion des institutions financières.

Si je comprends bien votre réponse au sénateur Kolber, il existe actuellement des règles concernant le montant maximum de la pénalité pouvant être exigée en cas de remboursement anticipé d'une hypothèque de plus de cinq ans, alors qu'il n'y en a pas pour les hypothèques de moins de cinq ans.

M. Swedlove: C'est cela.

Le président: Cela ne veut-il pas dire que vous avez en fait conclu que les forces du marché ne fonctionnent pas? Si elles fonctionnaient, les organismes de prêt auraient intérêt à n'exiger qu'une pénalité minime, voire à ne pas en exiger du tout. Donc, vous considérez que les forces du marché ne fonctionnent pas pour les hypothèques de moins de cinq ans, et c'est ce qui vous amène à envisager d'imposer une solution législative. C'est la seule conclusion que l'on peut tirer de cette idée.

À une époque où toutes les politiques gouvernementales semblent axées sur la libéralisation des marchés, je trouve bizarre que vous ne songiez pas purement et simplement à abolir la règle imposant une pénalité au-delà de cinq ans. Y a-t-il quelque chose que je n'ai pas compris?

Cela dit, je comprends bien l'aspect politique de votre proposition, bien que nous ne soyons pas ici pour parler de politique mais de questions d'intérêt public.

M. Swedlove: Comme l'a dit M. Hamilton, ce n'est encore qu'une proposition.

Le président: Mon interprétation est-elle exacte?

M. Swedlove: Je crois qu'il y a deux objectifs à prendre en considération. Le premier est de résoudre le problème des hypothèques de plus de cinq ans, pour lesquelles il y a une pénalité de trois mois qui, selon certains organismes de prêt, entrave l'offre de telles hypothèques.

Le président: Comment? La pénalité est-elle trop lourde ou pas assez?

M. Swedlove: Elle est insuffisante. Les institutions financières assument un risque accru lorsqu'elles offrent des hypothèques de plus de cinq ans, étant donné que la différence des taux d'intérêt peut être trop élevée par rapport à la pénalité de trois mois. Voilà pourquoi on dit que le marché hypothécaire est en pratique plafonné à cinq ans.

Le président: Une solution tout à fait concevable serait d'abolir purement et simplement la pénalité imposée par la loi et de laisser le marché l'établir.

M. Swedlove: C'est juste.

Le président: Mais je pensais que votre proposition allait dans l'autre sens. Je n'aurais aucun problème à laisser le marché régler la question.

M. Swedlove: L'Association canadienne de l'immeuble et d'autres parties ont recommandé que l'on fixe un maximum fondé sur la valeur actualisée de la différence des taux d'intérêt.

Le sénateur Kolber: Dans ce cas, il n'y aurait aucune raison d'abroger la pénalité.

M. Swedlove: Cela donnerait aux consommateurs la possibilité de rembourser leur hypothèque en cas de changement de situation.

Le président: Si l'on fait un calcul actualisé de tous les versements futurs, comme le dit le sénateur Kolber, le client n'a plus aucun intérêt à rembourser à l'avance.

M. Swedlove: Cela peut quand même être utile lorsque la situation du client change radicalement, par exemple en cas de divorce.

Le sénateur Kolber: Je voudrais faire une mise en garde. Les compagnies d'assurances comptabilisent leur portefeuille d'hypothèques au prix coûtant et non pas à la valeur du marché. Si elles consentent des taux faibles et que les taux d'intérêt remontent, elles n'enregistrent pas de réduction de la valeur de leur portefeuille. Il faut donc faire bien attention à ne pas jeter la pagaille dans leurs bilans.

M. Hamilton: Comme nous l'avons dit, cette proposition n'est pas définitive et fera l'objet d'autres discussions. Tous les facteurs pertinents seront examinés attentivement avant d'apporter des changements au système.

Cela nous amène à la question de la protection des consommateurs. Je vais donc aborder un autre domaine qui intéresse votre comité, la rationalisation ou l'allégement du fardeau réglementaire. Vous trouverez dans le document plusieurs mesures destinées à réorganiser les règles actuelles pour les rendre plus efficaces et plus efficientes.

Le premier domaine que je souhaite aborder, et qui revient constamment lorsqu'on aborde cette question, est celui des chevauchements et des dédoublements au niveau des règlements fédéraux et provinciaux. Il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet. Certes, comme on l'a déjà souligné, les progrès sont lents, ce qui est inévitable en matière de questions fédérales-provinciales, mais ils ne sont quand même pas négligeables.

L'un des trois secteurs auxquels nous allons nous intéresser activement est celui des prêts et des fiducies. Nous avons déjà eu beaucoup de pourparlers avec nos homologues provinciaux à ce sujet. Certains progrès ont été réalisés et nous avons pris l'engagement de mettre en oeuvre certains changements concrets. Bien qu'ils ne soient pas fondamentaux, ils ne seront pas inutiles.

Je constate également qu'il y avait dans le dernier budget de l'Ontario des déclarations fort prometteuses au sujet de l'élimination de certains chevauchements et dédoublements dans le secteur des prêts et fiducies, ce qui est encourageant.

On a déjà déployé beaucoup d'efforts dans ce domaine et nous commençons à enregistrer quelques progrès. Les choses iront peut-être plus vite dans les mois à venir car les pourparlers continuent entre les deux paliers de gouvernement.

Le deuxième domaine est celui de la réglementation boursière. On a beaucoup parlé ces derniers temps d'un projet de création d'une commission boursière canadienne, dans le cadre de laquelle les provinces délégueraient leurs responsabilités au gouvernement fédéral. Si vous le voulez, nous pourrons en parler de manière plus détaillée. Il s'agirait d'une commission à participation facultative, les provinces étant libres de décider. Bon nombre d'analystes ont souligné l'attrait de cette proposition qui rendrait les marchés boursiers canadiens plus efficients et rendrait la réglementation de ce secteur plus efficace et plus efficiente.

Le président: Le sénateur Kelleher dirige depuis environ un an un comité qui se penche sur cette question. Cette proposition lui sera-t-elle soumise ou fera-t-elle l'objet d'audiences distinctes?

Je suppose que nous voudrons tenir des audiences lorsque les gouvernements auront mis la dernière main à leur projet. La question qui se pose est donc celle-ci: cela devrait-il faire partie de nos audiences d'octobre ou le projet ne sera-t-il pas suffisamment avancé à ce moment-là? Si c'est le cas, pourriez-vous nous donner une date? Doit-on envisager des audiences au printemps ou à l'automne?

M. Hamilton: Je crois qu'il serait préférable d'y consacrer des audiences distinctes de celles concernant la révision de 1997. Si des progrès sont réalisés sur ce projet, celui-ci sera de toute façon suffisamment important pour justifier des audiences distinctes.

Il est difficile de prévoir des dates car nous dépendons des provinces, qui sont à l'origine de cette initiative. Nous collaborons avec elles pour voir lesquelles sont vraiment intéressées, quelles sont les questions en jeu, et combien il faudrait de temps pour que le projet aboutisse. L'idée semble intéresser certaines provinces. Il se peut que nous puissions avancer assez rapidement pour parvenir à une entente avec certaines d'entre elles, mais il est difficile de spéculer à ce sujet. Quoi qu'il en soit, je ne pense pas que les choses auront assez avancé pour l'automne.

Le sénateur Angus: On a dit que d'autres progrès avaient été réalisés dans ce domaine à la conférence des premiers ministres. Que pouvez-vous nous dire là-dessus? Si le Québec et la Colombie-Britannique refusent de participer au projet, pensez-vous que celui-ci puisse aller de l'avant sans ces deux provinces?

M. Hamilton: D'un point de vue purement technique, ce serait tout à fait possible. De fait, le projet que l'on envisage actuellement pourrait être mis en oeuvre même si toutes les provinces n'y participaient pas. Cela ne causerait pas de difficultés du point de vue technique. Par contre, je ne peux faire aucun commentaire au sujet de l'attrait ou de la faisabilité du projet dans un tel contexte. Du point de vue technique, il n'est pas nécessaire que toutes les provinces y participent.

Le sénateur Angus: Je voudrais voir où vous en êtes à ce sujet. Nonobstant vos remarques sur l'échéancier, je crois comprendre qu'il faudra un protocole d'entente pour passer à l'étape concrète. Y en a-t-il un en ce moment?

M. Hamilton: Il existe un projet de protocole d'entente qui fait l'objet de discussions avec les provinces. La chose a assez évolué pour que les parties intéressées puissent en discuter concrètement. Certes, c'est encore très général pour le moment mais c'est quelque chose de concret qui donne une bonne idée de la manière dont une telle commission pourrait fonctionner. Cela ne veut pas dire que tout le monde s'entende sur la teneur du protocole d'entente. Les discussions vont donc continuer.

Le sénateur Angus: S'agit-il d'un document public?

M. Hamilton: Non, il n'y a encore aucun document public.

M. Swedlove: Une ébauche de protocole d'entente a été rendue publique en juin 1994. Elle a fait l'objet de discussions, ce qui a débouché sur d'autres ébauches. Les concepts dont on discute aujourd'hui sont encore très proches des principes énoncés dans ce document de juin 1994.

Pour revenir sur ce que disait M. Hamilton au sujet d'audiences séparées, je peux préciser qu'il n'y aura dans le cadre de la réforme de 1997 aucune proposition législative concernant une éventuelle commission boursière canadienne.

Le président: Je pensais que cette question serait traitée à part.

M. Swedlove: Elle le sera en tout cas sur le plan législatif.

M. Hamilton: Nous avons parlé des prêts et des fiducies, ainsi que de la réglementation des titres boursiers. Le dernier domaine concerne les caisses de crédit.

À l'échelle fédérale, le gouvernement réglemente la Centrale des caisses de crédit du Canada et six des caisses de crédit centrales des provinces. Ces dernières réglementent les caisses de crédit locales et les centrales provinciales. Nous pensons qu'il s'agit là d'un domaine caractérisé par bien des chevauchements et dédoublements. Nous disons dans le document que nous sommes prêts à discuter avec les provinces d'un éventuel retrait du gouvernement fédéral de la réglementation des centrales provinciales. Cette idée n'a pas encore fait l'objet de pourparlers fédéraux-provinciaux mais nous avons l'intention d'engager dans les prochains mois des discussions avec les provinces pour faire le point sur les conséquences éventuelles d'un tel changement, afin de vérifier si celui-ci serait souhaitable.

Le président: Les caisses de crédit vous ont-elles demandé de ne plus vous occuper de la réglementation des centrales?

M. Swedlove: Les caisses de crédit elles-mêmes sont réglementées par les provinces. Le problème qui se pose concerne les centrales provinciales et nous devrons poursuivre les discussions pour cerner exactement leur position. Je dois dire qu'il y a eu des demandes en ce sens de certaines provinces ces dernières années.

Le président: De gouvernements provinciaux?

M. Swedlove: Oui.

Le président: Les gouvernements provinciaux souhaitent de toute façon que le gouvernement fédéral se retire de tout. On peut tenir cela pour acquis.

Les centrales appartiennent aux caisses de crédit elles-mêmes. Notre comité a déjà accueilli certains de leurs représentants qui disaient, si je me souviens bien, que la réglementation fédérale est une bonne idée. J'espère que vous n'allez donc pas prendre votre décision en fonction de ce que veulent les gouvernements provinciaux mais plutôt de ce que veulent les caisses de crédit et les centrales elles-mêmes.

M. Swedlove: La CCCC continuerait d'être réglementée par le gouvernement fédéral. Il n'est aucunement question que le gouvernement fédéral ne réglemente pas l'organisme de tutelle de toutes les caisses de crédit. La question concerne uniquement les centrales provinciales, et il faudra de longues discussions avec le mouvement des caisses de crédit et avec les gouvernements provinciaux pour arriver à une décision.

M. Hamilton: C'est la couche intermédiaire qui nous préoccupe. Nous réglementons la couche supérieure, et les provinces, la couche inférieure, mais c'est au sujet de la couche intermédiaire que nous voulons avoir des discussions avec les provinces.

Passons maintenant au deuxième point de cette diapositive, le régime relatif aux transactions intéressées. Nous avons conclu que la structure établie en 1992 est foncièrement saine et nous ne proposons donc aucun changement fondamental à ce régime. Toutefois, les institutions ont avancé plusieurs idées pour rendre ce régime plus efficient et plus efficace.

Nous examinons actuellement des changements visant à recentrer le rôle du comité de révision. À l'heure actuelle, ce comité revoit toutes les transactions avec des parties reliées. Selon les institutions, cela n'est pas réaliste et il serait préférable de revoir le rôle du comité pour qu'il établisse des procédures internes adéquates, le conseil d'administration continuant de faire rapport au surintendant. Notre objectif n'est pas de faire vérifier chaque transaction mais plutôt de veiller à ce que le comité dispose de procédures internes adéquates. Voilà la proposition que nous aimerions formuler à ce sujet.

Nous nous penchons aussi sur la définition des «parties apparentées», qu'il serait peut-être possible de circonscrire un peu. Des idées sont proposées dans le document pour essayer d'éliminer la situation. À l'heure actuelle, les parties apparentées à une institution peuvent être extrêmement nombreuses. Il devrait être possible de mieux circonscrire la définition sans porter atteinte à l'objectif visé, dans le but de rendre le système un peu mieux gérable.

En ce qui concerne les besoins des filiales, vous verrez que les établissements financiers ont été autorisés en 1992 à gérer certaines des leurs activités par le truchement de filiales. Ce changement s'expliquait par le souci de leur permettre de séparer ces activités centrales de façon à mieux circonscrire les risques. Les établissements nous ont demandé de revoir la situation pour envisager de les autoriser à gérer certaines de ces activités directement, pour réduire leurs frais d'exploitation.

Nous nous sommes penchés sur la question avec le BSIF et avons inclus dans ce document des propositions d'assouplissement des exigences actuelles. Les domaines envisagés à cet égard sont le traitement des informations et les activités de crédit spécialisées, qui doivent actuellement être gérées par le truchement d'une filiale.

Le sénateur Angus: Pourriez-vous nous donner des exemples? Je ne vois pas ce que vous voulez dire par «traitement des informations».

M. Hamilton: À l'heure actuelle, si les institutions financières veulent qu'une entreprise assure le traitement des données et des informations, elles doivent le faire par le truchement d'une filiale.

Le sénateur Angus: À des fins commerciales ou à leurs propres fins?

M. Hamilton: Je suppose que cela pourrait être pour les deux.

Mme Doyon: Considérant la nature de leur travail, les institutions financières se sont dotées d'une bonne technologie de traitement des données à caractère économique. De plus en plus, cependant, elles vendent cette technologie à des tierces parties pour la prestation de ce genre de service.

Le sénateur Angus: Et l'autre élément?

Mme Doyon: Il s'agit des activités de crédit spécialisées, c'est-à-dire, au fond, de capital-risque. Peut-être aurions-nous dû appeler parler d'«activités de capital-risque» plutôt que d'«activités de crédit spécialisées».

M. Hamilton: Notre proposition est de permettre aux institutions de gérer ces activités elles-mêmes au lieu de le faire par le truchement d'une société spécialement constituée à cette fin, pour appuyer les petites entreprises.

Nous proposons également de modifier légèrement le règles pour leur permettre de conserver ces investissements un peu plus longtemps. À l'heure actuelle, elles doivent s'en départir au plus tard au bout de dix ans. Si elles veulent les garder plus longtemps, elles doivent nous le demander. Considérant l'échéance de rentabilité de ces investissements, elles considèrent que c'est un peu trop tôt. Voilà pourquoi nous proposons de leur accorder jusqu'à 13 ans.

Le sénateur Angus: Quelle était la justification de cette limite?

M. Hamilton: La limite de 10 ans?

Le sénateur Angus: De n'importe quelle limite.

M. Swedlove: Il devait s'agir uniquement d'investissement de capital-risque, c'est-à-dire de fournir à des entreprises du capital de démarrage, après quoi l'institution devait se départir de l'investissement. Cela était parfaitement conforme au principe voulant que le secteur bancaire soit généralement séparé du secteur commercial.

M. Hamilton: En ce qui concerne la durée exacte de cette période, 10 ans ou 13 ans, ce n'était pas très scientifique. Il se trouve simplement que les institutions financières nous ont dit qu'une période de 10 ans ne semblait pas assez longue. Nous avons donc proposé de passer à 13 ans.

Le prochain élément mentionné est l'option dérogatoire concernant l'assurance-dépôt. Cela fait suite aux préoccupations exprimées par des banques étrangères au sujet de l'obligation qui leur est faite d'adhérer à la SADC même si leur clientèle se compose de grandes entreprises. Du fait de cette obligation, elles sont assujetties aux exigences de rapport imposées par la SADC alors que, bien souvent, la grande majorité de leurs dépôts proviennent d'entreprises et dépassent largement le maximum assurable. Ces institutions ont donc demandé le droit de pouvoir se soustraire à la protection de la SADC, et vous trouverez dans le document une proposition en ce sens.

Nous allons continuer de consulter les institutions à ce sujet. Nous tenons en effet à établir avec exactitude les conditions d'admissibilité à cette dérogation, et il s'agit de savoir si celles-ci seront fondées sur la taille du dépôt ou la nature du déposant. Nous tenons également à ce que les institutions divulguent complètement à leurs clients leur statut en matière d'assurance- dépôt.

D'autres questions de transition devront être réglées au sujet de ce droit de dérogation et il faudra établir des règles spéciales à cet égard.

Le président: Le comité avait proposé ce changement dans le rapport qu'il a publié suite à ses audiences sur la Confédération Vie en 1994.

M. Hamilton: Le dernier élément de cette page concerne le régime d'entrée des banques étrangères. Vous savez que notre politique à ce sujet est vieille de 15 ans et qu'elle n'a jamais été révisée. Nous proposons dans ce document des dispositions visant à réduire le fardeau réglementaire et à garantir un traitement cohérent entre les banques étrangères et les banques nationales.

Dans nos propositions, nous envisageons deux types d'institutions. Il y aurait d'une part les banques étrangères réglementées, catégorie qui comprendrait les institutions réglementées sous forme de banques dans leur pays d'origine. Ces institutions seraient autorisées à exercer des activités de service financier au Canada uniquement par le truchement de filiales réglementées à l'échelle fédérale. Nous voulons ainsi essayer de préserver un équilibre en ce qui concerne le traitement des banques étrangères et celui des banques nationales.

De même, si ces banques étrangères réglementées possèdent une banque inscrite à l'Annexe 2, elles seront tenues de posséder toutes leurs institutions financières filiales par le truchement de cette banque. Le changement proposé dans notre document vise à leur imposer cette obligation. Elles pourraient avoir une banque de l'Annexe 2 mais posséder une institution financière filiale directement plutôt que par le truchement de la banque de l'Annexe 2.

Le sénateur Angus: Qu'en est-il du problème des activités exercées non pas par le truchement d'une filiale au Canada mais par le truchement d'une succursale? Je crois comprendre que l'une des préoccupations importantes des banques étrangères est que cette question n'est pas traitée dans le document.

M. Hamilton: C'est une autre question qui a été soulevée pendant les consultations.

Le sénateur Angus: Elles pensent que cela garantirait une meilleure sécurité, un pouvoir d'emprunt plus élevé ainsi que des capitaux plus élevés.

M. Hamilton: Certes, elles n'ont pas manqué de nous présenter l'attrait qu'il y aurait à les autoriser à exploiter des succursales. Le SBIF et notre ministère avons déjà examiné cette question dans le passé, du point de vue de la réglementation. En dernière analyse, nous avons décidé qu'il n'était pas nécessaire de modifier dès maintenant le régime relatif aux succursales étrangères.

Je suppose toutefois que le rôle des institutions financières fera l'objet d'autres débats dans le cadre de la restructuration du secteur financier dans les années à venir.

Le sénateur Angus: Pensez-vous donner un mandat précis à ce sujet au groupe de travail?

M. Hamilton: Lorsque le groupe de travail se penchera sur la structure globale du secteur financier de l'avenir, je suppose qu'il sera naturellement porté à examiner le rôle des institutions étrangères.

Le sénateur Angus: Est-ce une question importante pour les banques nationales? Y a-t-il une forte opposition à ce que les banques étrangères exploitent des succursales?

M. Hamilton: Non. Frank Swedlove va vous donner des précisions.

M. Swedlove: L'opinion qui nous a été communiquée par les banques nationales est qu'elles sont généralement favorables à la notion de succursales étrangères au Canada mais à condition que les banques canadiennes jouissent d'un accès équivalent dans les autres pays, notamment aux États-Unis. Les banques nationales ont exprimé des préoccupations au sujet de leur possibilité d'exploiter des services boursiers aux États-Unis, du fait des restrictions de la loi Glass-Steagall et de restrictions concernant les succursales inter-États.

Le sénateur Angus: Il s'agit donc de questions de réciprocité, n'est-ce pas?

M. Swedlove: Avec les États-Unis, oui.

Le sénateur Angus: Mais je suppose qu'il faut assurer une certaine cohérence entre les États-Unis et les autres pays comme la Hollande, le Royaume-Uni ou l'Italie.

M. Swedlove: C'est cela.

Le sénateur Angus: Il faut qu'il y ait un régime uniforme.

M. Swedlove: Du fait de nos obligations en vertu de l'ALÉNA et de l'Organisation mondiale du Commerce, il nous serait impossible de faire de la discrimination en faveur des pays européens aux dépens des États-Unis, par exemple.

Le sénateur Kelleher: Si je comprends bien, vos études ont également porté sur nos obligations commerciales?

M. Swedlove: Absolument, sénateur.

Le sénateur Kelleher: On ne peut pas vraiment dire que le Canada soit un chef de file à cet égard. Pour ce qui est du commerce, on estime généralement que notre régime est relativement plus restrictif que les autres, n'est-ce-pas?

M. Swedlove: Lors des négociations du GATT, le Canada a éliminé toutes ses lois discriminatoires à l'égard des institutions financières étrangères. Nous avions autrefois ce qu'on appelait les règles 10-25 pour les compagnies de fiducie et les compagnies d'assurance, et une règle de 25 p. 100 pour les banques de l'Annexe 1. Toutes ces dispositions ont été abrogées.

Nous avons également aboli le plafond de 12 p. 100 sur les capitaux propres des banques étrangères.

Il n'y a donc aucune discrimination en ce qui concerne les droits et obligations des institutions financières étrangères et nationales. Notre régime est parfaitement conforme aux principes du traitement national dans le secteur des services financiers.

Le sénateur Kelleher: Pour ce qui est des banques étrangères envisagées comme filiales et non pas comme succursales?

M. Swedlove: Certains pays estiment que cette disposition est restrictive. Mais cela prête à débat car une banque étrangère peut s'établir au Canada et y exercer ses activités en fonction des mêmes règles que les banques canadiennes. L'obligation qui leur est faite est de se constituer juridiquement en banques canadiennes.

Le président: Quelles sont les conséquences de ces changements pour les institutions financières qui ne sont pas des banques? Je songe par exemple à GE Capital, Ford Credit ou GMAC.

M. Swedlove: À l'heure actuelle, GE Capital est considérée comme une banque étrangère en vertu de la Loi sur les banques. En conséquence, pour s'établir au Canada, elle devrait obtenir l'approbation du gouvernement, et cette exigence est maintenue.

Le président: Pourquoi est-ce une banque étrangère? Je ne considère pas GE Capital soit une banque, pas plus que Ford Credit.

M. Swedlove: La règle concernant les banques étrangères est que toute banque de l'étranger ou toute institution affiliée à une banque de n'importe quel autre pays est en pratique définie comme une banque étrangère. Vous voyez que le filet est très large.

Le président: Il pourrait difficilement l'être plus.

M. Swedlove: C'est juste. Nous convenons que cette disposition est excessive.

En vertu du régime actuel, GE Capital est établie au Canada comme entité non bancaire mais elle est tenue d'obtenir une approbation chaque fois qu'elle établit une nouvelle entité et chaque fois qu'elle transfère des actifs importants d'une entité à une autre. Elle est également tenue d'obtenir une approbation chaque fois qu'elle exécute une transaction commerciale.

En vertu du nouveau régime proposé, il ne serait plus nécessaire, une fois obtenue l'approbation initiale, de demander d'autres approbations au gouvernement, à condition bien sûr de ne pas accepter de dépôts.

Le président: Est-ce la même chose pour la filiale de crédit de Ford?

M. Swedlove: Cette entité a été constituée et exploitée sous l'égide de la Loi sur les sociétés d'investissement, mais celle-ci n'existe plus. S'il s'agit effectivement d'une banque étrangère, je suppose qu'elle serait considérée comme une quasi-banque dans le nouveau système, ce qui lui permettrait d'opérer sans restrictions au Canada.

M. Hamilton: Il s'agissait là de la deuxième partie. Je parlais en effet des banques étrangères réglementées, d'une part, et j'allais aborder le nouveau concept de quasi-banque.

Après avoir décidé d'alléger le fardeau réglementaire, nous avons voulu régler tous les détails législatifs, que l'on peut regrouper dans quatre domaines: la régie d'entreprise, les entreprises en participation, l'accès des compagnies d'assurance mutuelle au capital, et les modifications à la Loi sur la Banque du Canada. Voyons de quoi il s'agit à tour de rôle.

La régie d'entreprise est une question qui intéresse votre comité d'un point de vue très général. Beaucoup d'études y ont été consacrées ces derniers temps, comme le rapport Dey, les travaux d'Industrie Canada, et les travaux de votre comité. Notre position, du point de vue des institutions financières, est que les dispositions qui ont été actualisées en 1992 ont généralement donné de bons résultats, mais il conviendrait d'y apporter quelques modifications pour tenir compte de l'évolution des normes, suite à toutes les autres études qui ont été réalisées. Pour vous donner une idée de ce à quoi nous pensons, le BSIF assurera la promotion des meilleures méthodes. Autrement dit, il va préparer à l'intention des institutions financières un recueil des meilleures méthodes garantissant que les conseils d'administration peuvent agir en toute indépendance des gestionnaires. Le BSIF jouera un rôle plus proactif à cet égard. Je répète que je ne parle pas ici de législation mais simplement de recueil des meilleures méthodes.

Des efforts seront déployés pour préciser les devoirs juridiques du comité de vérification. À l'heure actuelle, le rôle de ce comité est de veiller à ce qu'il existe des procédures adéquates de contrôle interne. Nous avons l'intention d'aller un peu plus loin de façon à remplacer cet engagement vague et irréaliste par quelque chose de plus ferme. Encore une fois, il ne s'agit pas ici de changement radical d'orientation mais simplement de veiller à ce que le comité de vérification oblige la gestion de l'entreprise à se doter de procédures de contrôle adéquates. Le comité devra donc examiner, évaluer et approuver ces procédures. Il s'agit en fin de compte d'une reformulation des mêmes dispositions, dans le but d'exprimer de manière plus précise et plus réaliste ce que peut faire le comité.

Nous envisageons d'imposer certaines restrictions au conseil d'administration des filiales des institutions financières oeuvrant dans des domaines d'activités différents à ceux de la maison mère.

Je termine sur ce sujet en parlant des compagnies d'assurance et des droits des souscripteurs de polices. Le régime a été profondément remanié en 1992. Encore une fois, nous pensons qu'il donne des résultats satisfaisants, mais il y a quelques domaines que nous voudrions revoir, par exemple pour qu'il soit plus facile aux souscripteurs de polices de faire circuler des propositions. Il y a dans notre document des propositions sur la régie d'entreprise qui feront l'objet de discussions un peu plus tard.

Le sénateur Kelleher: Pendant notre étude du problème de la Confédération Vie et notre étude de la régie d'entreprise, nous avons constaté qu'il est extrêmement plus facile de devenir président du conseil, président ou PDG d'une compagnie mutuelle que d'une compagnie dont les actions sont cotées en bourse. Vous êtes-vous penchés sur cette question? Vous savez qu'il n'y a quasiment jamais d'assemblée annuelle pendant laquelle les actionnaires ou les souscripteurs de polices agissent de manière concertée. Les actionnaires sont les souscripteurs de polices. Par exemple, les caisses de retraite n'investissent pas dans les sociétés d'assurance mutuelle. Si quelqu'un veut faire quelque chose, c'est extrêmement difficile, comme nous l'avons vu avec la Confédération Vie.

M. Hamilton: Ces règles sont destinées à élargir les pouvoirs des détenteurs de polices, par exemple pour leur permettre de formuler des propositions. À mon avis, cela va dans la bonne voie. Je vais demander à Mme Doyon de vous donner des précisions.

Mme Doyon: Il ne fait aucun doute que les actionnaires jouent généralement un rôle plus actif que les détenteurs de polices dans les affaires de leur entreprise. Comme vient de le dire M. Hamilton, des mesures importantes ont été adoptées en 1992 pour moderniser le régime s'appliquant aux détenteurs de polices. Des droits leur ont été accordés, ainsi que le moyen d'exercer ces droits pour obtenir plus facilement accès aux informations, pour être informés de la tenue des assemblées, et cetera.

Notre conclusion est que ces mesures allaient globalement dans la bonne voie mais qu'il est peut-être temps maintenant d'aller plus loin. Il reste en effet évident que les détenteurs de polices ne jouent pas un rôle aussi proactif que les actionnaires. Notre rôle est de veiller à ce qu'ils aient toutes les informations nécessaires pour jouer ce rôle plus proactif s'ils le veulent.

Le sénateur Kelleher: Il ne s'agit pas tant de leur faire jouer un rôle plus actif que d'imposer des règles de responsabilité plus rigoureuses aux sociétés d'assurance mutuelle qu'aux sociétés cotées en bourse. Considérant le fiasco de la Confédération Vie, j'aimerais croire que le ministère des Finances s'apprête à examiner la chose de manière plus attentive.

M. Hamilton: Votre remarque est très juste.

Je vais maintenant passer de la régie d'entreprise aux projets en participation, au sujet desquels votre comité a dit souhaiter des changements. En gros, les institutions financières nous disent que les règles concernant les projets en participation sont trop restrictives, aussi bien pour entreprendre des projets au Canada qu'à l'étranger. Cela résulte de la règle dite 10-50. Nous nous proposons de la modifier. Nous avons évidemment consulté le Bureau du surintendant à ce sujet et nous sommes parvenus à la conclusion que modifier cette règle donnerait plus de souplesse à celles de nos institutions qui désirent entreprendre des projets en participation sans avoir d'inquiétudes du point de vue de la solvabilité. Voilà donc un autre changement positif.

Le troisième domaine concerne l'obtention de capital par les sociétés d'assurance mutuelle, et nous proposons deux changements dans ce domaine.

Des mesures ont été adoptées à ce sujet en 1992 pour faciliter l'accès des sociétés d'assurance mutuelle au capital. En effet, celles-ci ont alors été autorisées à émettre des actions privilégiées, et les petites sociétés mutuelles ont été autorisées à se démutualiser. Bien que ces mesures aient généralement été jugées positives, elles ont soulevé quelques préoccupations. L'une d'entre elles est que le droit d'émettre des actions privilégiées ne donne pas assez de souplesse. En outre, on estime que le processus de démutualisation est trop complexe et trop long. Finalement, de grandes sociétés ont également réclamé le droit de pouvoir se démutualiser.

Voici les deux changements que nous proposons. Le premier consisterait à autoriser les sociétés d'assurance mutuelle à émettre des actions participatives, c'est-à-dire des actions ordinaires sans droit de vote. Les actionnaires pourraient donc simplement participer à la distribution des profits proportionnellement à leur investissement. Il appartiendrait aux sociétés d'établir une méthode de répartition des gains et des dépenses entre les détenteurs de polices et les détenteurs d'actions.

Le deuxième changement serait destiné à simplifier le processus de démutualisation en permettant à toutes les sociétés, et pas seulement aux petites, d'y avoir accès.

Nous avons l'intention de discuter de ces propositions avec les sociétés d'assurance au cours de la prochaine période.

Le président: La simplification du processus permettra-t-elle d'accélérer les choses? L'une des conclusions auxquelles nous sommes parvenus lors de nos audiences sur la Confédération Vie -- à part l'élément mineur que le processus est quasiment incompréhensible, même pour les gens qui en sont responsables -- était que la Confédération Vie aurait été depuis longtemps morte et enterrée s'il avait fallu suivre le processus à la lettre. D'après nous, dans une telle situation, il est essentiel d'agir très rapidement, même si cela débouche sur une justice plus ou moins sommaire. Si on cherche la perfection en essayant d'être absolument équitable envers tout le monde, on risque de ne l'être envers personne. L'objectif ne doit donc pas être d'atteindre la perfection. Le seul cas où l'on doive vraiment invoquer un tel processus est lorsqu'une société d'assurance mutuelle est en sérieuse difficulté.

M. Hamilton: Vous avez parfaitement raison. Voilà pourquoi nous proposons que le surintendant soit habilité à dispenser les sociétés de certains aspects de la réglementation, selon leur situation particulière, et que le ministre des Finances détienne le même pouvoir pour les sociétés connaissant de graves difficultés financières. Certes, il y a d'autres aspects à prendre en considération, mais cela permettrait quand même de régler ces problèmes de manière efficace et pragmatique.

Le président: Quelqu'un a-t-il étudié la question en détail? Dispenser une société de quelque chose ne veut pas nécessairement dire que le processus sera plus rapide ou plus efficace. Avez-vous examiné en détail la manière dont fonctionnerait ce nouveau régime?

Mme Doyon: Les études se font en ce moment. Vous verrez dans le document que nous envisageons, au sujet du pouvoir de dispense du surintendant, de préciser exactement dans les lignes directrices à quels aspects de la réglementation cette dispense pourrait s'appliquer. Pour ce qui est des pouvoirs du ministre, ils seraient plus étendus puisqu'il s'agirait de dispenser une société qui est en difficulté financière. Nous avons formulé ces propositions en sachant bien qu'une action rapide est très souvent essentielle. Pour cela, il fallait assouplir le régime.

Le président: Si vous avez l'intention de consulter le secteur des assurances à ce sujet, je suppose que vous le ferez au moyen d'un mémoire.

Mme Doyon: Il est en cours de rédaction à l'heure actuelle, ce qui veut dire que nous n'avons pas encore formulé les propositions définitives.

Le président: Les aurez-vous en septembre?

Mme Doyon: Pour l'automne, c'est sûr.

Le président: Vous pensez peut-être que je fais des difficultés mais j'essaie surtout d'être concret. Il se trouve que cette question est très importante à nos yeux. Or, il ne serait pas très utile d'entreprendre des consultations sur des propositions trop vagues. Certes, nous sommes tous d'accord avec les affirmations banales qu'il y a dans le rapport, mais ce n'est pas cela le problème. Le problème est de savoir comment le système fonctionnera dans la réalité. Je ne sais pas comment nous pourrions vous communiquer des réactions utiles sur le processus de démutualisation si nos n'avons pas les moyens de le comprendre, même si nous en saisissons les objectifs. Je puis vous dire que nous sommes d'accord avec les objectifs. La question est maintenant de savoir ce que sera le processus. Allons-nous devoir laisser cette question de côté jusqu'à l'automne parce que vos détails ne sont pas prêts?

M. Hamilton: Je puis vous dire que la rédaction du document est déjà bien avancée. Nous reprendrons contact avec vous le plus rapidement possible.

Le président: Comprenez-vous notre problème?

M. Hamilton: Oui.

Le président: L'incidence politique et commerciale du système dépend des détails, pas des objectifs.

M. Hamilton: Comme nous allons discuter avec le secteur des assurances, nous vous remettrons un document le plus rapidement possible. Je ne peux cependant pas vous donner de date précise pour le moment, même si je suis tout à fait sensible à votre problème, monsieur le président.

Le dernier sujet abordé sur cette page concerne des modifications d'ordre technique visant à moderniser la Loi sur la Banque du Canada. Il ne s'agit que de changements techniques que nous allons élaborer avec la collaboration de la Banque.

Le sénateur Angus: S'agit-il du système des paiements?

M. Hamilton: J'y arrive.

Le sénateur Angus: Concernant la Banque du Canada?

M. Hamilton: Non. Ces changements concernent des choses telles que les soldes non réclamés et la modernisation des mécanismes d'achat et de vente. Le système des paiements est un domaine à part.

Cela nous amène à la fin du document concernant les changements techniques que nous avons l'intention de mettre en oeuvre avant la date limite du 31 mars. Je reviendrai vous parler du processus lors d'une autre séance.

Cela dit, il y a une autre question importante qui se pose: que faisons-nous ensuite? Nous entendons dire partout que le secteur des services financiers évolue très rapidement, et il nous semble important de réfléchir sérieusement à la manière dont nous voulons le structurer à l'aube du 21e siècle. La question est de veiller à ce qu'il reste compétitif, à ce que les consommateurs jouissent du choix le plus large possible à des tarifs raisonnables, et d'assurer la solidité et la sécurité du système. Bien que nous ne proposions pas de changements précis dans le document sur ces questions de portée générale, nous avons indiqué qu'il faudrait entreprendre une étude exhaustive à ce sujet. Le gouvernement va mettre sur pied un groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers pour entreprendre une étude globale de la question, en vue des modifications qu'il faudra apporter sur le plan législatif. Il s'agira donc d'examiner le secteur des services financiers d'un point de vue très général en essayant de sérier les questions importantes pour l'avenir. Certes, des questions ponctuelles devront être abordées en cours de route, mais l'objectif est d'entreprendre l'étude la plus large possible, en tenant compte des grands changements technologiques qui transforment la manière dont les institutions financières font leur travail. Nous voulons donc savoir ce qu'il faut faire pour nous assurer que le Canada a un secteur financier adéquat.

Le groupe de travail va se pencher sur ces questions. Pour l'instant, son mandat et sa composition ne sont pas encore arrêtés de manière détaillée. Nous croyons que le groupe devrait comprendre une demi-douzaine de personnes. Nous nous efforcerons de recruter des gens capables d'analyser le secteur de manière globale et impartiale, et connaissant bien ses activités. Nous avons l'intention de vous communiquer à l'automne les détails relatifs à la composition et au mandat du groupe.

Pour le moment, je puis vous indiquer les grandes orientations et les questions au sujet desquelles le groupe de travail devra conseiller le gouvernement. Nous pensons que le groupe devrait être capable de produire son rapport dans un délai de 18 mois. Cela établira les paramètres de la prochaine révision de la législation relative aux institutions financières qui, comme je le dis dans le document, devra se faire au plus tard cinq ans après l'adoption de cette législation.

Bien qu'il soit à nos yeux important de mettre ces changements en oeuvre avant la date limite, il est clair que le ministère doit également aller plus loin dans ce domaine. Il est important que le groupe de travail nous donne un rapport exhaustif sur l'avenir du secteur financier.

Le sénateur Angus: Le groupe de travail produira-t-il son rapport avant les prochaines élections?

M. Hamilton: Je ne sais pas quand se tiendront les prochaines élections. Tout ce que je sais, c'est que nous établirons le mandat et la composition du groupe de travail à l'automne. Bien que nous ne puissions indiquer exactement combien de temps il faudra au groupe de travail pour produire son rapport, nous aimerions que tout soit fait en 18 mois.

Le sénateur Meighen: Monsieur le président, quelles seront les relations entre le groupe de travail et notre comité?

Le président: Je ne sais pas. Quelqu'un avait proposé à un certain moment que le groupe de travail soit mis sur pied par le comité mais le gouvernement en a décidé autrement. Tout ce que je puis dire, c'est que nous consacrerons probablement des audiences au rapport du groupe de travail.

M. Hamilton: C'est comme cela que je vois les choses. Le groupe de travail produira son rapport et celui-ci fera l'objet d'audiences. Le comité aura donc son mot à dire, tout comme un certain nombre d'autres parties.

Le sénateur Kelleher: Considérant les résultats que nous avons obtenus avec certains de nos derniers rapports, le gouvernement ne tient peut-être pas à ce que nous nous penchions sur cette question.

Le président: Pour ce qui est des propositions de réforme, on n'a rien à nous reprocher.

On a spéculé dans la presse sur le fait que le mandat du groupe de travail ne porterait pas sur les pouvoirs des institutions financières. Je suppose que c'était une erreur. En effet, si l'on veut analyser l'avenir de ce secteur, il me semble que les pouvoirs des institutions sont un élément crucial, n'est-ce-pas?

M. Hamilton: Le groupe de travail se penchera sur la structure globale du secteur financier. Évidemment, cet examen devrait normalement déboucher sur l'analyse des pouvoirs, entre autres choses. À mon avis, on aurait tort de dire que le mandat du groupe de travail ne portera pas sur les pouvoirs des institutions. Nous tenons à ce que le groupe de travail exprime des avis très solides sur ce que devrait être la structure du secteur financier.

Le président: Il est évident que structure et pouvoirs vont ensemble.

M. Hamilton: À l'évidence.

Le sénateur Angus: Il y aura combien de personnes dans votre groupe de travail?

M. Hamilton: On n'a pas encore pris de décision définitive à ce sujet mais je pense qu'il y en aura une demi-douzaine. Nous tenons à ce qu'il n'y en ait pas trop, pour que le groupe soit efficace.

Le président: Vous parlez également dans votre document d'une sorte de comité consultatif sur le système des paiements. Est-ce relié au groupe de travail? Ce comité ou le groupe de travail pourront-ils se pencher sur les restrictions existant dans l'accord actuel sur le système Interac? Vous aurez sans doute constaté que les plaignants -- si on peut les appeler ainsi -- affirment qu'ils n'ont pas pu obtenir tout ce qu'ils voulaient à cause des caractéristiques de la législation. Le groupe de travail ou le comité consultatif seront-ils saisis de cette question? Je fais comme si j'étais parfaitement objectif à ce sujet, c'est mon rôle.

M. Hamilton: Je vous remercie de cette excellente introduction pour la diapositive suivante qui concerne le système des paiements.

Comme nous l'indiquons dans le document, nous allons revoir ce système de fond en comble. Il s'agira donc de revoir la décision Interac ainsi qu'une foule d'autres questions qui se sont posées au sujet du système des paiements, lequel n'a fait l'objet d'aucune révision depuis sa mise en place en 1980.

Si vous voulez saisir le lien entre le groupe de travail et le comité du système des paiements, je puis vous dire que le premier se penchera sur des questions structurelles de portée très générale, alors que le deuxième se penchera sur un domaine technique assez complexe. C'est pour cette raison que le ministère des Finances souhaite confier ce problème à une entité distincte.

Certes, le système des paiements aura une incidence sur les conclusions du groupe de travail et il y aura manifestement des liens entre le groupe de travail et le comité examinant le système des paiements, surtout en ce qui concerne l'accès au système. Le comité examinera la question de manière beaucoup plus détaillée que le groupe de travail.

Il y a beaucoup de choses à examiner en détail en ce qui concerne le système des paiements et le groupe de travail ne se penchera pas nécessairement sur tous ces détails. Il voudra simplement traiter des aspects généraux. C'est donc le groupe saisi du système des paiements qui étudiera les questions techniques, lesquelles auront cependant à l'évidence une influence sur l'analyse des questions globales. Il y aura donc un lien entre les deux entités.

Le sénateur Kolber: Est-ce vous qui allez choisir les membres du comité?

M. Hamilton: Du comité des paiements?

Le sénateur Kolber: Oui.

M. Hamilton: Nous souhaitons retenir les services de personnes représentatives du système des paiements, mais aussi d'autres participants, comme les détaillants et diverses associations. Nous voulons assurer une large représentation des établissements de dépôt, des détaillants et des assureurs. Notre objectif est que le comité nous donne des avis extrêmement solides et cohérents.

Le sénateur Kolber: Comment peut-on vous recommander quelqu'un? À qui doit-on s'adresser?

M. Hamilton: À moi.

Le sénateur Kolber: Des études universitaires remarquables ont été publiées dans ce domaine.

M. Hamilton: Je n'avais pas parlé des universitaires. Il est évident qu'il y en aura.

Le sénateur Kolber: Connaissez-vous le doyen de l'école de commerce de Concordia?

M. Hamilton: Je ne connais pas cette personne.

Le sénateur Kolber: Il fait un travail remarquable sur le système des paiements. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec lui. Je vous donnerai son nom.

M. Hamilton: Je vous en remercie. Les spécialistes du système des paiements ne sont pas très nombreux.

Le sénateur Kolber: C'est un domaine très ésotérique.

M. Hamilton: Je ne me considère pas comme un spécialiste en la matière. Les spécialistes sont relativement peu nombreux et nous tenons à trouver les meilleurs.

Il est évident que le Bureau de la concurrence et le Tribunal se sont penchés sur le dossier Interac, mais ce n'est là qu'un aspect du système des paiements. Cette décision a montré qu'il est nécessaire d'examiner le système des paiements de manière plus globale. C'est exactement ce que devra faire ce groupe.

Le président: Je n'ai mentionné Interac que pour donner un exemple. Comme vous le dites, ce n'est qu'un aspect du système. Je tiens cependant à ce que le groupe de travail et le comité consultatif sur le système des paiements examinent attentivement les remarques formulées par le tribunal sur l'entente Interac.

M. Hamilton: Oui, cela concerne incontestablement le système des paiements.

J'en arrive ainsi à ma conclusion, que je voudrais consacrer au processus.

Comme je l'ai dit, il y a deux aspects à ce document. Il y a, d'une part, les changements qui résulteront de la révision de 1997 et que nous avons l'intention de mettre en oeuvre sur le plan législatif avant la date limite du 31 mars 1997. Nous voulons recevoir les commentaires d'ici au 30 août et nous savons que votre comité et le comité des finances de la Chambre des Communes s'intéressent à cette question.

Au début de la séance, monsieur le président, vous avez parlé de l'échéancier de ce comité. Nous espérons qu'un projet de loi sera déposé en Chambre à l'automne, afin qu'il puisse être adopté avant la date limite du 31 mars 1997. Voilà l'échéancier fixé par le ministère.

À l'automne, nous annoncerons également d'autres détails sur le mandat et la composition du groupe de travail. Il y aura encore beaucoup de discussions d'ici là sur ces questions car il est très important à nos yeux de donner un mandat cohérent au groupe de travail. Nous voulons pouvoir en parler aux gens qui ont réfléchi à la question.

Pour ce qui est du comité consultatif sur le système des paiements, nous espérons pouvoir annoncer avant la fin du mois d'autres détails sur sa composition, son mandat et son processus. Nous voudrions que le comité puisse commencer à se réunir au début de l'automne.

Nous proposons par ailleurs, dans le document, que la prochaine révision des lois relatives aux institutions financières se fasse au plus tard cinq ans après la date limite d'entrée en vigueur des modifications que nous allons proposer, soit cinq ans après le 31 mars 1997.

C'est tout ce que j'avais à dire. Si vous le voulez, je peux répondre à d'autres questions.

Le président: Je crois que nous les avons posées en cours de route. Nous vous remercions d'être venu témoigner devant notre comité. Je me souviens de votre comparution à l'époque de la TPS. Je crois que celle-ci constitue tant pour vous que pour nous un progrès considérable. Toutefois, nous ne vous garantissons pas que vous aurez la vie aussi facile la prochaine fois.

S'il y a d'autres documents de caractère général qui pourraient nous aider à entreprendre nos prochaines audiences, je vous invite à nous les communiquer d'avance. C'est important pour assurer la pertinence et l'utilité des audiences.

M. Hamilton: Nous ferons tout notre possible.

Le président: Merci beaucoup.

La séance se poursuit à huis clos.


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