Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 9 - Témoignages - Séance du matin
OTTAWA, le mardi 1er octobre 1996
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 10 heures pour examiner l'état du système financier canadien, et plus particulièrement la législation régissant les institutions financières.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Notre premier témoin ce matin est M. Bill Knight, chef de la direction de la Centrale des caisses de crédit du Canada. Certains d'entre vous se rappelleront peut-être que la dernière comparution de M. Knight devant le comité a eu lieu deux jours avant qu'il ne passe du poste de vice-président à celui de chef de la direction. C'est aujourd'hui sa première comparution à titre de chef de la direction.
Je crois savoir, monsieur Knight, que vous avez une brève déclaration d'ouverture à faire. Vous avez également fait distribuer une page sur laquelle sont énumérés les sujets précis que vous voudriez commenter. Nous passerons ensuite aux questions. Je vous en prie.
M. William Knight, chef de la direction, Centrale des caisses de crédit du Canada: J'occupe le poste de président et chef de la direction à la Centrale des caisses de crédit du Canada depuis environ un an. La lune de miel est terminée, c'est certain.
J'ai comparu devant le comité aux environs du 31 octobre. Nous avons alors discuté des sociétés d'État fédérales et des organismes de crédit de l'État. Depuis, le comité a remis un rapport. Réagissant à notre proposition, le ministère des Finances, par l'entremise du ministre des Finances, nous a fait remarquer quelques mesures de suivi prises après la publication du rapport du comité, dont nous avons discuté l'an dernier. On a évoqué la possibilité que le gouvernement crée un conseil des intermédiaires financiers de l'État, et la question m'intéresse. J'ai eu de nombreux contacts avec les sociétés d'État, et, si le ministère des Finances décidait de donner suite à cette idée, je serais heureux de participer au suivi de l'examen de ces sociétés d'État.
À notre dernière présentation, j'ai expliqué, vous vous en souviendrez, que les caisses de crédit du Canada forment une coopérative financière indépendante du réseau Desjardins, situé au Québec. Elles occupent une part importante du marché, surtout dans l'Ouest. Cette part peut aller jusqu'à 34 p. 100, comme en Saskatchewan, et elle dépasse largement les 20 p. 100 en Colombie-Britannique.
Notre actif est d'environ 44 milliards de dollars, et nous comptons quelque 4,5 millions de membres dans tout le Canada. Sur le marché, nous essayons de proposer des services qui concurrencent ceux des banques en améliorant notre service de fiducie, grâce à nos sociétés de fiducie, et notre service d'assurance, par nos sociétés d'assurance. Nous possédons une nouvelle société de courtage qui démarre en Colombie- Britannique, Credential Securities, et je suis heureux de faire partie de son conseil d'administration. Elle a dû faire le parcours du combattant, comme cela est inévitable au Canada, passant d'un organisme de réglementation à l'autre, pour assurer des services de courtage complets dans tout le pays.
Nous avons aussi une société de fonds mutuels en pleine croissance, Ethical Funds Inc. Par l'intermédiaire de VanCity, notre plus importante caisse de crédit à Vancouver, nous demandons une charte de banque pour démarrer une «banque virtuelle» à l'intention des clients qui voudraient faire leurs transactions bancaires sur Internet et être les clients d'une banque de l'avenir.
À la faveur de l'examen de la législation, nous nous intéressons à quatre domaines spécifiques, intéressés que nous sommes à avoir une plus grande souplesse sur le marché, à continuer d'améliorer la gamme complète de services que nous proposons à nos membres et à élargir le choix pour les consommateurs.
Nous avons remis aux membres du comité et au ministère des Finances un document détaillé sur ces questions. Tout d'abord, l'élimination de la réglementation fédérale des centrales régionales, proposée dans le livre blanc, est une mesure qui va dans la mauvaise direction. Après avoir étudié la réglementation fédérale, nous sommes profondément convaincus que cette réglementation qui régit nos centrales provinciales et la centrale canadienne doit être maintenue, car elle instaure des règles communes, donne à tout notre réseau une conception commune de nos activités.
Dans tous les secteurs d'activité que je viens d'énumérer, ainsi que dans d'autres services commerciaux, le réseau des caisses de crédit devra avoir des activités transfrontalières plus importantes. C'est pourquoi nous estimons qu'il est rétrograde de ramener au niveau provincial la réglementation de notre réseau. Nous demandons le maintien de la loi et de la réglementation fédérales.
Deuxièmement, les restrictions sur la prestation de services financiers de détail au niveau des centrales nous empêcheront de fournir des services complets aux caisses de crédit et aux membres, aussi bien à l'intérieur de chaque province que d'une province à l'autre. Nous songions à étendre nos activités de ce côté après les réformes apportées aux institutions financières en 1992.
Il arrive souvent que les caisses de crédit soient les seules institutions qui offrent des services dans certaines localités. Pour offrir des services de détail, elles doivent souvent s'adresser à la centrale provinciale. Elles veulent donc que la centrale provinciale mette sur pied une entité qui assure ces services financiers à toutes les caisses de crédit de la province.
En 1992, nous avons sous-estimé l'ampleur du mouvement de regroupement des services de détail dans les centrales. Lors des réformes de 1992, nous n'avons pas insisté pour obtenir le droit de fournir ces services au niveau de la centrale provinciale.
Troisièmement, le projet de loi exige que les sociétés chargées d'activités connexes soient contrôlées par une seule centrale.
À ce propos, je dois dire que, étant donné que le marché évolue très rapidement, nous essayons de rationaliser la prestation des services dans notre réseau. Par exemple, une centrale donnée, celle de l'Ontario ou du Manitoba, devra accepter que la société chargée de la carte de crédit relève au premier chef des centrales de la Saskatchewan et de l'Alberta. Ainsi, il y aura réaménagement de la propriété autour de la société en question, et il se fera en faveur des deux provinces des Prairies.
Cependant, la règle 10-50 qui nous régit au niveau national dit qu'une seule centrale doit être propriétaire. Toute possibilité de propriété partagée, commune, est exclue pour les centrales provinciales et la centrale canadienne. Si nous pouvons avoir une certaine souplesse sur ce plan, nous pourrons améliorer certaines de sociétés que nous avons déjà, et la question de la propriété pourra se résoudre lorsque nous en créerons de nouvelles.
Quatrièmement, des restrictions sont imposées sur les accords de coentreprise. J'ai parlé tout à l'heure de notre société de courtage, Credential Securities. En ce moment, Midland Walwyn, dernière grande société de courtage vraiment indépendante au Canada, s'est associée à nous dans cette entreprise. Nous avons ainsi la possibilité, étant donné ce partenariat et la taille de notre marché, de nous positionner face aux banques et aux autres concurrents.
Ce partenariat fonctionne à merveille en Colombie-Britannique. Nous devrons recourir davantage à la formule de la coentreprise. Les règles de 1992 prévoyaient qu'une grande partie des activités de nos entités se dérouleraient strictement à l'intérieur de la famille des sociétés d'exploitation et des centrales du réseau des caisses de crédit. À notre époque, nous devons chercher sur une douzaine de fronts des associés qui, jadis, auraient pu être des concurrents, ou dont une partie des activités aurait pu nous faire concurrence, mais nous avons maintenant besoin d'eux comme associés pour nous implanter sur certains marchés. Nous cherchons des assouplissements.
Monsieur le président, je me ferai un plaisir de répondre aux questions.
Le président: Merci, monsieur Knight. Vous semblez dire que, dans un certain nombre de cas où des caisses de crédit prises individuellement, à l'intérieur d'une province, sont autorisées à offrir certains types de services, il devient illégal de les fournir s'ils sont regroupés au niveau de la centrale provinciale ou de la centrale nationale, étant donné que ce regroupement vous fait passer du régime de réglementation provincial au régime fédéral.
Est-ce que je vous ai bien compris? Si oui, pourriez-vous nous donner un ou deux exemples concrets, pour que nous puissions vraiment saisir le problème?
M. Knight: Les diverses caisses de crédit nous disent, comme cela a été affirmé dans cette ville même, que nous devons commencer à offrir des prêts aux PME. Or, pour le faire, nous devons proposer l'éventail complet des services. Si on traite avec une société de biotechnologie de Saskatoon, par exemple, on peut avoir à lui offrir plus qu'un simple prêt. On peut lui proposer une carte et d'autres services.
Nous sommes en train de mettre sur pied une entité chargée des services bancaires aux entreprises pour offrir l'ensemble des services financiers de manière intégrée et ainsi répondre à la demande de nos caisses de crédit et de certains de nos membres. Dans la prestation de certains services à partir de la caisse de crédit locale, notre bilan est excellent. Nous voulons maintenant regrouper ces services. Essentiellement, nous allons assurer ces services au détail à partir d'une centrale. Nous n'avions pas prévu de regrouper ainsi nos forces pour donner les services de détail à partir de la centrale. Nous voudrions avoir une plus grande souplesse pour pouvoir le faire.
Le président: Sauf erreur, vos membres, à titre individuel, peuvent offrir le service parce que la réglementation de la Saskatchewan, pour reprendre votre exemple, les autorise à le faire. Par contre, la centrale ne peut pas le faire parce qu'elle relève de la réglementation fédérale. Est-ce là le noeud du problème?
M. Knight: Effectivement. Et puis il y a la difficulté que présente le montant des prêts, car on s'adresse à des entreprises d'une certaine taille. Gardons la même région comme exemple. On peut avoir une entreprise située à Wakaw ou dans une localité plus petite, où il lui convient parfaitement de faire ses dépôts et toutes ses autres transactions à la caisse de crédit local qui fait partie du réseau. Mais s'il s'agit de consentir des prêts d'un certain montant, nous voulons que la transaction soit confiée aux services bancaires aux entreprises. En ce moment, notre propre règlement intérieur nous impose des limites à cet égard, car il ne permet pas à la caisse locale de consentir des prêts qui dépassent un certain montant. Si elle est autorisée à prêter 1 million de dollars, par exemple, il se peut que l'entreprise ait besoin d'une ligne de crédit de 5 à 10 millions de dollars. Nous devons regrouper nos forces pour offrir ce genre de prêt. Ce serait la centrale qui pourrait le faire, car elle est régie par les deux réglementations, fédérale et provinciale.
Le président: Vu les différences entre les deux réglementations, ce qui est la source de vos difficultés, il y a deux solutions. La première est celle proposée dans le livre blanc, c'est-à-dire la disparition de la réglementation fédérale, les centrales étant alors régies par la réglementation provinciale. Vous avez écarté cette solution, lui préférant un régime de réglementation fédérale plus souple. Pourquoi avez-vous rejeté la première solution?
M. Knight: Notre champ d'activité n'est pas circonscrit à l'intérieur des limites d'une province. Nous pourrions fort bien faire des prêts commerciaux entre centrales provinciales. À cet égard, nous en sommes au même point que vous.
Disons, par souci de justice pour le gouvernement, qu'un certain nombre de nos centrales provinciales peuvent avoir réagi instinctivement en disant: «Contentons-nous de la seule réglementation provinciale. Nous voulons échapper à la double inspection, parce que cela nous coûte cher.» Cependant, dans les prêts commerciaux aux entreprises, elles ne se soucient pas des frontières. En réalité, elles ne tiennent pas compte de la frontière canadienne, ni, à plus forte raison, des limites interprovinciales.
Nous avons dû nous raviser et déclarer: «Nous tenons à préserver la souplesse que donne la coexistence des législations fédérale et provinciale au niveau de la centrale provinciale, mais les deux niveaux de gouvernement devraient s'entendre pour que disparaissent un grand nombre des difficultés administratives, comme celles de l'inspection.» Nous avons encore l'espoir de résoudre le problème pour que la Colombie-Britannique, par exemple, n'ait pas à dépenser de 300 000 $ à 500 000 $ de plus pour les inspections.
Certains changements dans la réglementation fédérale nous garantiraient la souplesse voulue. La loi fédérale instaure des règles communes dans notre secteur d'activité, ce qui est avantageux.
Le sénateur Angus: Avez-vous discuté du problème avec des représentants du ministère des Finances? Quels sont leurs principaux arguments? S'agit-il de satisfaire vos membres provinciaux ou d'assurer une harmonisation? Je ne vois pas très bien quelle est l'importance du problème.
M. Knight: La situation évolue à l'intérieur de notre propre réseau. Nous avons d'excellentes relations de travail avec le ministère des Finances et le BSIF. Au gré de l'évolution de la situation, il nous est apparu clairement que, en matière de prestation de services, tout se passe au niveau interprovincial. Il n'y a rien de nettement circonscrit, si on veut, ni au niveau local, ni au niveau de la province. Nous devons dépasser la notion de territoire. Nous sommes parfaitement à l'image du pays. Si nos actifs sont de 16 milliards de dollars en Colombie-Britannique, nous n'avons pas à nous limiter au reste du pays pour faire des affaires. Il faut prêter attention à ses affaires.
Pour que l'entreprise s'étende selon le modèle de la banque virtuelle, par exemple, il faut encore, nous le constatons, dépasser les frontières de la Colombie-Britannique. Il nous semble que la loi fédérale est adaptée à cette situation.
Parallèlement à notre comparution devant le comité de la Chambre et devant ce comité-ci, nous avons des entretiens avec le ministère des Finances et le BSIF. À dire vrai, nous sommes en train de rendre la question encore plus claire. Fait intéressant, nous ne voulons pas que notre champ d'activité soit confié aux provinces.
Dans ce contexte, nous croyons comprendre que nos cousins du Québec, le réseau Desjardins, sont soumis à une loi strictement provinciale. Nous avons avec eux de bonnes relations de travail. Je les rencontrerai en octobre ou en novembre pour discuter des moyens de faire davantage d'affaires ensemble.
Leur histoire est différente. Il n'est pas facile de les comparer au réseau national des caisses de crédit, qui a dû traiter avec les provinces pour offrir des services communs dans tout le pays. Ils ont une histoire fondée sur la culture et l'unité qui leur permet de mener leurs activités au Québec. Ils se sont positionnés stratégiquement à l'intérieur de leur contexte, car ils ont la possibilité, beaucoup plus facilement que nous, de s'attaquer à une banque et de mettre sur pied des sociétés d'assurance et de fiducie sur un marché unifié. Nous devons surmonter davantage d'obstacles. Ils ont relevé le défi en s'attaquant à la Banque laurentienne, et cetera.
Le sénateur Angus: Les caisses se limitent à la province, n'est-ce pas?
M. Knight: Ils sont très habiles pour franchir les frontières de la province en faisant appel à une autre société et donner des services par l'entremise de leurs filiales. Ils ont une société de portefeuille. Ils sont dynamiques et réussissent sur les marchés internationaux, parce qu'ils font appel à des sociétés d'exploitation. De ma part, c'est un compliment. D'autres le diraient peut-être sur un ton différent.
Dans le contexte de notre marché et de nos structures nationales, à trois niveaux, une modification de la loi fédérale nous donnera la souplesse voulue pour ne pas être limités à l'intérieur des frontières provinciales. Cela ne peut plus marcher.
Le sénateur Angus: Par rapport au livre blanc, un seul de vos quatre points est négatif. Je songe à la question des compétences provinciales et fédérales. Y a-t-il dans le livre blanc d'autres éléments qui vous préoccupent?
M. Knight: Soyons clairs. Nous croyons que le livre blanc est fidèle à l'orientation fixée en 1992. Il a été dit alors que, au besoin, on apporterait des rajustements pour corriger ce qui n'allait pas dans la loi de 1992. En ce qui concerne les dépôts, le secteur des services financiers a dû procéder à une évaluation prudente, car les temps ont changé.
Autrefois, pour nous attaquer à un problème dans le secteur des institutions financières, nous nous disions: «Nous avons deux ou trois ans pour trouver une solution.» Aujourd'hui, les délais ne sont plus que de 90 à 120 jours. C'est un changement radical dans la structure et le style de gestion des institutions financières. Collectivement, nous nous adaptons tous.
Le problème de législation et de réglementation ne va pas se résoudre facilement. On est en train de créer un comité pour examiner l'association des paiements. Nous allons mettre à l'essai la formule du groupe de travail. Si c'est bien ce que nous voulons faire, allons-y, agissons le plus rapidement possible. Il nous faut un rapport de fond sur ces deux domaines d'activité et en saisir des comités comme celui-ci pour que, collectivement, nous décidions des règles qui vont nous régir, car l'évolution est constante.
Le sénateur Angus: Voilà ce à quoi je voulais en venir. De toute évidence, ce sont là les questions, présentées de façon plus étoffée, que vous allez soumettre au groupe de travail.
M. Knight: Nous prenons très au sérieux l'initiative du gouvernement. Elle est complexe et stimulante. Nous devons revoir nos relations avec les banques étrangères. Nous voulons à l'intérieur du Canada un marché concurrentiel. Pour parler franchement, nous voulons nous imposer comme l'un des protagonistes sur ce marché. Les banques ont fort bien réussi à se positionner sur le marché canadien, mais nous offrons un autre choix au consommateur.
Le sénateur Angus: Dans vos observations et dans ce document-ci, vous avez parlé de votre participation sur la scène internationale. Je ne veux pas entrer dans les détails de la question des banques étrangères, qui préoccupe bien du monde, mais à quelles restrictions faites-vous face lorsque vous vous aventurez à l'extérieur du Canada?
M. Knight: Nous devons concilier deux points de vue, ici. Par le passé, nos activités à l'étranger se sont réduites à une aide au développement. Nous avons participé à la mise sur pied de caisses de crédit partout dans le monde. Notre réseau a été le premier à s'intéresser à la Corée du Sud, par exemple. Nous avons aidé les Coréens à se doter d'un réseau de caisses de crédit. Il s'agit d'un travail de développement tout à fait élémentaire.
Par le passé, nos contacts avec eux -- nous avons collaboré avec l'ACDI et le gouvernement fédéral à cet égard -- ont gravité autour des problèmes de développement. Nous leur demandions par exemple: «Est-ce qu'il vous faut encore de l'assistance? Avez-vous besoin de techniciens?» Cet automne, les Coréens rencontreront la centrale canadienne et certaines de nos sociétés d'exploitation. Un marché de 100 millions de dollars sur des logiciels est envisagé, par exemple. Cela n'a rien à voir avec le développement. C'est probablement la meilleure preuve qu'il vaut la peine de s'intéresser au développement et d'y investir de l'argent. Il a peut-être fallu plus de 20 ans, mais nous sommes maintenant l'âme soeur du réseau de caisses de crédit qui affiche la plus forte croissance dans le monde, et les affaires commerciales se chiffreront à des centaines de millions de dollars. Nous allons devoir nous structurer au niveau national et sur d'autres plans pour pouvoir nous en occuper. Nous pouvons déjà faire beaucoup, mais, si nous dépassons les simples prêts, nous devons vérifier les bases fiduciaires. Pour l'instant, le partenariat et les affaires commerciales constituent l'essentiel.
Le sénateur Angus: À propos des banques étrangères, vous me corrigerez si je me trompe, mais il découle nécessairement de ce que vous dites que vous seriez en faveur d'une réglementation beaucoup moins lourde et d'un assouplissement de règles qui sont excessives.
M. Knight: Nous ne voyons pas comment vous pouvez résister à ce mouvement, à dire vrai, vu la force du marché. Cela dit, nous sommes toujours prêts à accepter plus de latitude sur le marché pour croître, prendre de l'expansion, nous adapter. Nous examinons notre propre fonctionnement interne dans cette optique.
Je vais être très franc avec vous. Si le temps jouait pour nous, eh bien, il existe sur la scène internationale un certain nombre de grandes banques coopératives qui réussissent bien. Nous n'avons pas encore eu l'occasion de le faire, mais je voudrais leur demander: «Quel rôle voudriez-vous jouer? Peut-être voudriez-vous être un membre international de la Centrale des caisses de crédit du Canada, y injecter des capitaux, payer des droits, obtenir des services et offrir un soutien, pour certains aspects des activités de prêt, à nos 950 caisses qui s'occupent de crédit financier ou de crédit au détail, et cetera.» Nous n'en sommes pas là. Nous préférons faire preuve de prudence dans nos initiatives.
Le sénateur Angus: Aborderez-vous cette question à l'intérieur du groupe de travail.
M. Knight: Nous le ferons.
Le sénateur Angus: Je ne suis pas sûr que vous ayez vraiment répondu à ma question initiale. Dans vos entretiens avec le ministère des finances et le BSIF, quels arguments précis vous a-t-on donnés pour faire disparaître la réglementation fédérale?
M. Knight: Jusqu'à un certain point, ils ont réagi à un intérêt qui s'est manifesté dans notre propre réseau. Maintenant que tous les enjeux sont connus, nous allons revoir toute la situation dans un esprit de coopération, fidèles à notre façon de procéder.
Le sénateur Stewart: Pourriez-vous préciser votre dernière observation? À quoi ont-ils réagi?
M. Knight: Ils ont réagi, bien légitimement, à quelques-unes de nos grandes centrales provinciales. Je crois que, au premier abord, elles ont cru qu'elles auraient la tâche plus facile si elles n'étaient plus soumises à l'autorité fédérale. À la réflexion, et après avoir examiné notre façon de traiter entre nous, nous en sommes arrivés à la conclusion que, au niveau de la centrale, nous préférions le maintien de la loi fédérale.
Le sénateur Stewart: Je vous ai demandé de préciser parce que ma première question porte sur les motivations que vous prêtez aux autorités fédérales. Je voulais vous demander si les responsables reprennent le modèle québécois et tentent de l'appliquer aux autres provinces, ou s'il s'agit avant tout de simplifier les choses et de supprimer la réglementation fédérale dans ce domaine.
M. Knight: Nous avons collaboré très étroitement, et nous continuerons de le faire. Il est tout à fait normal qu'il y ait une combinaison d'éléments divers. Cette combinaison englobe le modèle québécois, mais, en dehors du Québec, il n'est pas aussi bien adapté au marché. Nous avons dans les provinces des centrales de tailles différentes, qui ont des moyens différents. Toutes les provinces n'ont pas un marché aussi important que celui du Québec. Le modèle ne convient donc pas.
De plus, c'était une façon de résoudre le problème de la double inspection, de simplifier l'inspection. Je ne crois pas qu'il faille légiférer pour cela; il suffit de prendre des mesures administratives. Si nous avons tous les moyens qu'il faut pour y parvenir, nous pouvons réduire nos coûts et simplifier les choses pour le gouvernement fédéral.
Le sénateur Stewart: À vous écouter décrire tout ce que vous faites sur les plans provincial, fédéral et international, je commence à me demander si les caisses de crédit ne sont pas en train de devenir des banques, virtuellement. Je ne m'y oppose pas, mais je voudrais comprendre ce qui se passe. Est-ce en fait ce qui est en train de se passer, si on fait abstraction du type de propriété des caisses? Il ne serait probablement pas juste de vous demander de faire une comparaison entre le réseau des caisses de crédit et le réseau bancaire, mais pourrait-on trouver quelque part une description fiable des différences entre les deux?
M. Knight: Oui. Nous pouvons remettre au comité des documents décrivant nos structures, nos systèmes et les valeurs qui inspirent notre conception et nous guident dans notre mission. Pour ce qui est de nos assises collectives, nous demeurons cohérents. C'est toujours une voix par membre, et rien n'a changé sur le plan de la propriété du capital. Nous n'avons pas pris nos distances par rapport à cette structure.
L'un des principes des coopératives financières est la coopération entre coopératives. Nous avons donc pu faire alliance pour offrir ces services.
De temps à autre, étant donné que notre réseau est vaste et divers, il peut arriver qu'une caisse de crédit donnée songe à devenir virtuellement une banque, et non une banque virtuelle. Mais cela ne marche jamais, étant donné que les principes et les valeurs qui inspirent nos structures sont différents de ceux des banques. Nous avons dû être cinq fois plus habiles pour nous adapter au changement, pour aller dans le sens du changement.
Permettez-moi une courte digression, car je n'ai pas de réponse à cette question. À dire vrai, je pense qu'aucune institution financière n'a la réponse. Il est probable que la plupart d'entre elles essaient de faire croire qu'elles l'ont. Nous sommes maintenant en présence de cette imposante structure mondiale qu'est le réseau Internet, qui promet les changements les plus enthousiasmants de l'ère de l'information. Il crée une collectivité à part, en fait. Les internautes auront des intérêts communs qu'ils partageront grâce au réseau, ce qui fait apparaître une conception toute nouvelle de la collectivité.
Au niveau de la collectivité, nous sommes très adroits. C'est ce qui explique notre succès.
La collectivité, pour nous, il y a 40 ans, ce pouvait être une coopérative de crédit fermée pour tous les travailleurs de GM ou les membres d'une association d'infirmières, d'enseignants, et cetera. Puis, nous sommes passés à la coopérative fermée pour une collectivité, afin de tenir compte du fait que certaines collectivités couvraient un grand territoire, par exemple, VanCity, East End.
Nous entrons maintenant dans une nouvelle ère. Il existe encore une collectivité, même sur les réseaux de communication les plus modernes, auxquels les consommateurs s'abonnent parce qu'ils ont un intérêt commun. C'est peut-être ce qui fait l'intérêt d'Internet.
Notre modèle de travail, VanCity, est celui d'une banque virtuelle, qui nous permettra de commencer à offrir ces services, lorsque nous obtiendrons une charte. Le grand défi, d'ici un à cinq ans -- et nous ne sommes pas les seuls à devoir nous adapter à ces marchés -- est le défi de la réglementation.
C'est pourquoi nous parlons du groupe de travail et de l'examen de l'association des paiements. Nous devons en faire partie et y travailler ferme. Tout cela se rapporte à ce dont vous parlez.
Nous croyons que notre système de valeurs est intact, tout comme le sont les grands principes qui guident notre fonctionnement. Nous sommes très adroits lorsqu'il s'agit de manoeuvrer sur ce marché. Nous essayons de maintenir des services complets.
C'est comme l'armada espagnole. Nous savons que nous devons affronter de puissants adversaires qui ont toutes les troupes et tout le matériel voulus. Tout ce que nous avons à faire, c'est trouver le moyen de les contourner pour nous emparer d'une partie du marché.
Le sénateur Stewart: Vous allez nous fournir votre documentation, n'est-ce pas?
M. Knight: Oui. Il m'a semblé bon de donner aussi les explications de vive voix pour qu'elles figurent dans le compte rendu.
Le sénateur Meighen: Monsieur Knight, voulez-vous dire que vous allez finir par agir comme les banques, vous présenter comme les banques, mais sans être réglementées comme elles?
M. Knight: Nous sommes probablement soumis à deux fois plus de règlements, étant donné que notre structure nous assujettit aux autorités fédérales et provinciales, en matière de réglementation. D'un autre côté, nous devons satisfaire aux mêmes exigences fiduciaires que les autres institutions financières. Nous avons l'assurance-dépôts et tout le reste. Nous devons fournir des services semblables à ceux des banques, mais, étant donné notre structure, nous devons les assurer différemment, en innovant sur le plan des structures.
Nous voulons être un fournisseur différent de services financiers complets, mais, avec le temps, il arrive que ces services varient d'une localité à l'autre.
Le sénateur Meighen: Si les choses se passaient comme la Centrale le souhaite, comment, dans le secteur financier au Canada, les caisses de crédit et les banques se situeront-elles les unes par rapport aux autres, dans 20 ans?
M. Knight: Si les choses se passent comme je le souhaite, voici ce qui arrivera, selon moi. La vieille conception des institutions identifiées à des immeubles et à des bureaux disparaîtra. Si un distingué sénateur est exaspéré par son institution financière, qui se trouve être une banque, il songera tout de suite à s'adresser à sa caisse de crédit. Au Québec, cela ne pose peut-être pas de problème.
Le président: Vous avez parlé des problèmes actuels de réglementation. Oublions un moment le groupe de travail et l'étude sur l'association des paiements. Pour l'instant, vous avez du mal à vous implanter dans certains secteurs comme les coentreprises, les services de détail, et cetera. Est-ce que ces difficultés tiennent à la législation ou à la réglementation?
Serait-il possible d'apporter des changements relativement simples dès maintenant, avant que le groupe de travail n'ait terminé son étude, pour supprimer ces entraves, étant donné que, d'ici que soit adoptée la loi qui découlera de cette étude, nous serons au mieux en 1999 ou, ce qui est plus réaliste, en l'an 2000?
Pouvons-nous recommander quelque chose dès maintenant pour alléger le fardeau de la réglementation sans miner tout le système que le groupe de travail étudiera? Y a-t-il des changements progressifs ou accessoires que nous pouvons apporter pour vous être utiles et qui régleraient certains problèmes, quitte à laisser au groupe de travail le soin d'étudier les questions plus générales? S'agirait-il de modifications à apporter aux lois ou aux règlements? Je ne suis pas sûr de ce qu'il vous faut.
M. Knight: Nous avons besoin de modifications aux règlements, c'est juste, mais, au bout du compte, nous aurions aussi besoin de modifications législatives. Il y a les deux. C'est pourquoi nous avons des relations de travail suivies avec le BSIF et le ministère des Finances. Nous cherchons à évoluer progressivement dans cette direction, vous avez raison.
Le président: Certains de ces changements progressifs pourraient se faire sans usurper le mandat plus vaste du groupe de travail.
M. Knight: Assurément.
Le président: Allez-vous nous les communiquer?
M. Knight: Nous allons donner les détails dans un document de suivi. Nous allons montrer comment ils s'articulent. Pour ce qui est des services financiers de détail en général, nous avons besoin d'une modification législative. Par exemple, il peut y avoir des modifications des règlements qui sont possibles à cet égard. C'est un simple exemple.
La règle 10-50 est un changement qui concerne probablement toutes les institutions financières. Nous allons devoir vous reparler de cette question.
Le président: Pourriez-vous le faire le plus tôt possible, c'est-à-dire au cours des quatre prochaines semaines?
M. Knight: Oui. Aucun problème.
Le président: Il serait utile que nous comprenions très exactement les modifications qui s'imposent.
Monsieur Knight, merci beaucoup d'être venu témoigner aujourd'hui.
Nos prochains témoins représentent l'Association des banquiers canadiens.
M. Gordon J. Feeney, président du conseil exécutif de l'Association des banquiers canadiens et vice-président, Banque Royale du Canada: Merci, monsieur le président, de nous accueillir aujourd'hui.
Je suis accompagné par M. Ray Protti, président et chef de la direction, David Phillips, vice-président et avocat général, et Doug Melville, chef du Groupe de la politique du secteur financier.
Je suis président du conseil exécutif de l'ABC depuis juin dernier. C'est la première fois que je comparais devant votre comité, mais je suis actif au sein de l'Association depuis de longues années. Pendant cette période, le secteur bancaire a eu un dialogue très fructueux avec votre comité, et il a profité d'un leadership précieux et du débat sur les réformes touchant le secteur canadien des services financiers. Les opinions du comité sur la surveillance du secteur et la protection des consommateurs se reflètent nettement dans nombre de modifications prévues au projet de loi C-15, adopté plus tôt cette année.
Nous traversons une période cruciale dans le développement de nos secteurs financiers. Je suis persuadé que le comité va continuer de jouer un rôle de premier plan dans ce processus. C'est avec empressement que nous allons poursuivre ce dialogue utile et fructueux avec vous aujourd'hui et à l'avenir.
Dans notre évaluation préliminaire des changements qui s'imposent pour 1997, vous avez énoncé des critères importants pour évaluer la qualité des réformes. Le premier de ces critères, c'est que les réformes doivent servir le consommateur de services financiers et non le fournisseur des services. Nous approuvons ce principe sans aucune réserve.
Dans les discussions qui ont précédé la publication du livre blanc, quelques questions ont été soulevées, dont celles des banques qui s'occupent d'assurance ou de crédit-bail automobile. Il y avait aussi d'autres questions. Les sociétés d'assurance doivent-elles pouvoir recevoir des dépôts ou participer plus pleinement au système des paiements? Les banques doivent-elles pouvoir se fusionner ou non? Faut-il une nouvelle réforme de l'assurance-dépôts? Faut-il assouplir davantage les règles régissant l'entrée d'institutions étrangères?
Nombre de ces questions doivent être examinées par le Groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers et le comité consultatif du ministère des Finances chargé d'examiner le système des paiements.
Je ne vais pas abuser du temps du comité en revenant sur ces questions. Je suis persuadé qu'il y aura d'autres occasions de les examiner au cours de la prochaine année.
Nous sommes heureux que le gouvernement ait manifesté l'intention de mener à bien un examen complet et se soit engagé à donner suite aux conclusions du groupe de travail sans tarder.
Je tiens néanmoins à faire deux observations d'ordre général sur deux thèmes qui se rapportent aux avantages pour les consommateurs. Il s'agit de la concentration du pouvoir entre les mains des banques et du degré de concurrence sur les marchés financiers au Canada.
D'aucuns ont l'impression que la concentration du pouvoir entre les mains des banques a atteint un niveau sans précédent. C'est regrettable, car cette impression n'est pas confirmée par les faits. En réalité, la part détenue par les plus grandes banques dans le secteur des services financiers au Canada a généralement diminué depuis la Confédération. En 1870, elles détenaient 79 p. 100 du secteur canadien des services financiers appartenant à des intérêts privés. En 1945, leur part n'était que de 58 p. 100. En 1982, elle n'était plus que de 50 p. 100 et, en 1994, de 45 p. 100, malgré toutes les acquisitions récentes, par les grandes banques, de sociétés de fiducie et de maisons de courtage en valeurs mobilières.
En réalité, la part des grandes banques dans le secteur privé des services financiers au Canada est plus faible qu'elle ne l'a jamais été au cours de l'histoire, et rien ne permet de croire qu'elles regagneront le terrain perdu. L'une des grandes causes de ce phénomène est l'apparition de nouveaux types d'intermédiaires financiers dans l'après-guerre, intermédiaires qui concurrencent les banques auprès des déposants et des emprunteurs. Une autre cause est l'intégration transfrontalière plus poussée des marchés financiers indépendants. Ces deux tendances devraient se maintenir et même s'intensifier.
Le même déclin relatif des banques canadiennes se vérifie sur la scène internationale. Alors que la concentration globale des banques au Canada a diminué, les banques ont accru leur part sur certains marchés tout en se repliant sur d'autres. Les quatre marchés importants sur lesquels les banques ont gagné du terrain sont les suivants: crédit à la consommation, crédit hypothécaire résidentiel, courtage en valeurs mobilières et fonds mutuels. L'entrée des banques sur chacun de ces marchés a stimulé l'innovation dans les produits, facilité l'accès pour les consommateurs et généralement fait fléchir les prix des services, autant de caractéristiques propres aux marchés concurrentiels.
Prenons l'exemple du crédit à la consommation. Dans les années 60, un prêt-auto pouvait coûter jusqu'à quatre fois le taux préférentiel. Lorsque, dans les années 60, ce marché a été ouvert aux banques, celles-ci ont offert une concurrence plus vive et la marge sur les prêts a littéralement fondu. Aujourd'hui, le taux d'un prêt-auto peut fort bien n'être supérieur au taux préférentiel que de un ou deux points.
Le même phénomène, quoique moins frappant, s'est produit sur le marché du crédit hypothécaire résidentiel, sur lequel les banques ne sont entrées de plein pied que dans les années 60. Les prix, sur ce marché, étaient plus raisonnables au départ; ce que les banques ont apporté, ce sont des prix uniformes et cohérents d'un océan à l'autre, une extraordinaire innovation dans les produits et des options souples convenant aux besoins des consommateurs.
En juillet dernier, le portefeuille des hypothèques résidentielles financées par les banques s'élevait à 192 milliards de dollars, contre un peu plus de un milliard en 1960. À l'époque, les banques détenaient 9 p. 100 du marché. Aujourd'hui, elles détiennent à elles toutes 55 p. 100 du marché, et les six plus grandes, 49 p. 100. Les banques ont conquis cette part de marché parce qu'elles étaient là pour répondre aux besoins d'une population croissante de jeunes Canadiens, alors que beaucoup d'institutions qui servaient jusque-là ce marché ne voulaient pas ou ne pouvaient pas satisfaire cette demande.
Plus récemment, cette même vigueur de la concurrence a pu être observée sur d'autres marchés ouverts à une plus grande concurrence. Le meilleur exemple est celui des fonds mutuels. Depuis 1987, année où ce marché a été ouvert à une plus grande concurrence, notamment celle des banques, ce secteur a été multiplié par six, et il existe maintenant une légion de fonds et d'options diverses.
Autre exemple, le courtage en valeurs mobilières. Les commissions ont beaucoup diminué depuis 1987, c'est-à-dire depuis que les banques et d'autres institutions, étrangères et canadiennes, ont fait leur entrée sur ce marché, y apportant des innovations comme le courtage réduit.
Une caractéristique fondamentale de tout marché est que plus il est ouvert et libre de restrictions à la participation, plus la concurrence s'intensifie, plus la qualité des produits et services s'améliore, plus les prix baissent et, généralement, plus les services sont accessibles et disponibles pour les consommateurs.
Les exemples que j'ai donnés confirment cette observation. Il n'y a pas que les banques qui aient pénétré de nouveaux marchés. Les réformes antérieures du secteur financier ont facilité l'entrée sur le marché bancaire. Si de nouvelles occasions se sont offertes aux banques, le secteur non bancaire a également obtenu des pouvoirs bancaires et intensifié la concurrence. Ainsi, les sociétés d'assurance et de fiducie ont maintenant tous les pouvoirs voulus pour consentir des prêts commerciaux. Nous nous félicitons de cette concurrence et nous affirmons que cette évolution a bien servi les consommateurs et les clients commerciaux.
On soutient parfois qu'il faut limiter la concurrence pour protéger certaines institutions ou leur donner le temps de s'adapter. S'il est vrai que les réformes doivent servir le consommateur, il est difficile de soutenir pareils arguments en 1996, d'autant plus que, depuis le milieu des années 80, on a annoncé et, à des degrés divers, pris des initiatives pour ouvrir le marché. Ceux qui risquent le plus d'y perdre, si on tarde à intensifier la concurrence, ce sont les consommateurs canadiens.
L'un des points forts du système financier au Canada est que les législateurs ont en général agi promptement pour éliminer les restrictions qui entravent la concurrence. Les changements apportés périodiquement à la législation bancaire et non bancaire ont favorisé l'apparition d'un secteur financier très vigoureux et efficace. Cela tranche de façon frappante avec la situation qui existe chez nos voisins du sud: faillites nombreuses, instabilité, services financiers généralement plus coûteux. Nous espérons que le Canada restera fidèle à son approche.
À cet égard, je voudrais soulever la question de notre ouverture à la concurrence dans le système des paiements. Permettez-moi d'affirmer clairement que l'ABC appuie la décision du gouvernement d'examiner le système des paiements. Nous convenons que l'important problème du risque systémique doit être examiné à fond et que, sous réserve des considérations relatives au risque systémique, il faut permettre la participation du plus grand nombre de joueurs possible. En dépit des observations de certains critiques, nous ne réclamons pas une «chasse gardée», mais nous estimons qu'il faut préserver l'intégrité du système des paiements.
Dans le même ordre d'idées, je voudrais ajouter un mot sur la réglementation des banques étrangères. La présence des banques étrangères au Canada est d'une importance cruciale. Après la modification de la Loi sur les banques, en 1981, de nombreuses banques étrangères, déjà présentes chez nous comme institutions financières de ressort provincial, sont devenues des banques de l'annexe II alors que d'autres se sont implantées en ouvrant des services entièrement nouveaux. Au début, la croissance de ces banques s'est heurtée à certaines restrictions, mais les banques américaines sont soustraites à ces restrictions depuis 1989, et toutes les autres banques étrangères le sont depuis janvier 1995.
En 1987, année où on a autorisé des institutions étrangères à s'implanter dans le secteur des valeurs mobilières, un nombre encore plus grand d'institutions financières étrangères se sont établies au Canada. Vous aurez remarqué, tout récemment, qu'ING, important groupe d'assurance hollandais, a annoncé son intention d'ouvrir au Canada une succursale qui accepterait les dépôts. Cela montre bien comment les marchés évoluent, car il s'agira d'une institution financière entièrement électronique ou, pour reprendre le jargon qui a cours, d'une «banque virtuelle».
Même si les portes ont été ouvertes de plus en plus grandes aux sociétés étrangères, leur expérience, globalement, n'a guère été encourageante. À quelques rares exceptions près, elles n'ont pas pu s'emparer d'une part du marché ou réaliser des bénéfices suffisants.
Jusqu'à un certain point, c'était inévitable, étant donné le caractère très concurrentiel du secteur des services financiers au Canada. Néanmoins, même si toutes les restrictions à leur participation ont été levées et même si elles peuvent se comporter à peu près comme n'importe quelle banque canadienne, il n'est pas impossible que des mesures supplémentaires s'imposent.
Le fait que les banques doivent s'implanter au Canada en ouvrant des filiales et non des succursales peut constituer un problème. Sauf erreur, la question ne sera pas mise sur le tapis en prévision de la série de changements de 1997, mais elle est importante, et nous espérons qu'elle sera étudiée.
Les banques canadiennes ont toujours été en faveur de marchés ouverts et de mesures qui stimulent la concurrence. Une présence dynamique des banques étrangères au Canada, pourvu que les règles soient les mêmes pour tous, est essentielle au maintien de la compétitivité du marché financier canadien, et des avantages qu'elle assure aux clients canadiens, qui sont de plus en plus ouverts sur le monde.
Reste toutefois la question des fournisseurs de services financiers non réglementés au Canada, dont certains sont très importants et appartiennent à des intérêts étrangers. Par exemple, la branche financière de Ford a des revenus globaux d'environ 2 milliards de dollars américains. Il nous semble que ces joueurs très importants qui nous concurrencent au Canada sur les marchés du crédit devraient être assujettis à la même réglementation que nous.
On devrait donner la priorité à l'amélioration de la concurrence plutôt qu'à la protection d'un type particulier de joueur sur le marché. Par conséquent, on ne peut pas soutenir que des restrictions sont nécessaires pour protéger les banques canadiennes ou quelque autre institution financière sur le marché intérieur canadien. De toute façon, les institutions financières canadiennes, banques comprises, sont à la hauteur du défi. Elles n'ont pas besoin de protection et n'en veulent certainement aucune. La même argumentation en faveur d'une stimulation de la concurrence vaut dans les autres domaines, qu'il s'agisse de l'assurance, du crédit-bail ou des systèmes de paiement.
Je voudrais maintenant aborder les problèmes immédiats et les propositions spécifiques avancées dans le livre blanc pour application en 1997, et qui figurent dans l'invitation que vous nous avez adressée.
Le comité a reçu notre mémoire sur ces questions. Le secteur bancaire est d'accord sur presque toutes les propositions. Plus particulièrement, nous appuyons les objectifs du livre blanc, qui consistent à renforcer la protection du consommateur, à alléger le fardeau de la réglementation qui pèse sur les institutions financières et à actualiser la législation en fonction des tendances d'aujourd'hui.
J'ai déjà abordé certains de ces thèmes. Je voudrais maintenant vous livrer l'essentiel de notre opinion sur l'un des thèmes les plus importants du livre blanc, soit la protection du consommateur. Je tire ces faits saillants du résumé de deux pages qui se trouve au début de notre mémoire.
Dans le domaine général de la protection du consommateur, une question importante est la protection des renseignements personnels. La protection des renseignements personnels du client est l'un des grands fondements du secteur bancaire. Le secteur bancaire canadien a joué un rôle de chef de file en adoptant des normes de protection des renseignements personnels qui figurent parmi les plus exigeantes du secteur privé. Nous sommes déterminés à perfectionner nos méthodes afin de préserver ces normes rigoureuses malgré l'évolution du marché et des besoins du client.
Je dois dire que notre secteur a trouvé des encouragements extraordinaires dans les initiatives récentes, grâce à l'intérêt manifesté par le comité et aux idées qu'il a émises.
Un autre aspect important de la protection du consommateur est celui de la communication aux clients de renseignements sur les frais et les services. Nous tenons à continuer d'apporter des améliorations à cet égard, bien que nos pratiques soient déjà comparables ou supérieures à celles d'autres institutions qui offrent des services financiers au Canada. Nous continuerons de collaborer avec le gouvernement et d'autres parties intéressées pour adopter si possible d'autres mesures d'application volontaire afin d'aider les clients à comprendre les particularités et les prix des produits et services financiers sans limiter la gamme des produits et services fournis pour répondre à leurs besoins divers.
Nous sommes tout à fait résolus à assurer un accès adéquat aux services bancaires de base aux personnes à faible revenu et défavorisées. Les banques continuent de travailler avec des groupes de consommateurs, des groupes sociaux et des groupes de citoyens pour cerner et résoudre les problèmes sous-jacents de manière que soient entièrement satisfaits les besoins de tous les Canadiens en matière bancaire.
En outre, les banques prévoient rencontrer tous les niveaux de gouvernement dans les mois à venir pour voir comment les pouvoirs publics peuvent fournir à leurs administrés des moyens appropriés d'identification et comment les banques peuvent faciliter l'accès aux prestations d'aide sociale.
Les ventes liées sont un autre problème de consommation qui a été soulevé au cours des témoignages devant le comité des finances de la Chambre ces dernières semaines. Nous sommes d'accord avec le ministre Peters, qui a déclaré dans son témoignage devant ce comité de la Chambre que rien ne prouvait l'existence d'un problème de ventes liées. Des représentants du Bureau fédéral de la concurrence ont exprimé la même opinion à l'occasion de témoignages antérieurs devant des comités parlementaires.
Il y a eu une certaine confusion entre la vente croisée de produits et services et les ventes liées anticoncurrentielles qui sont visées par la Loi sur la concurrence. Nous estimons que les dispositions législatives actuelles, alliées à un marché où joue une vive concurrence, assurent une solide protection aux consommateurs sur ce plan.
Le livre blanc soulève également un certain nombre d'autres questions relatives à la protection du consommateur, par exemple le remboursement anticipé de prêts hypothécaires. Notre mémoire expose de façon assez détaillée notre opinion sur la question. Je me ferai un plaisir de donner plus de précisions au cours de la période de questions, si vous le souhaitez.
Les banques canadiennes ne demandent pas mieux que de s'allier à toutes les autres parties intéressées pour relever les défis qui ont une incidence sur la capacité du secteur des services financiers de répondre aux besoins à venir des entreprises et des consommateurs canadiens, à l'aube d'un siècle nouveau.
Voilà qui met fin à mon exposé d'ouverture et à cet aperçu sur notre mémoire. Mes collègues et moi nous ferons un plaisir de discuter avec vous et de donner davantage d'explications sur divers sujets.
Le président: Vous pourriez peut-être élucider un point, qui peut se subdiviser en plusieurs parties.
Nous entendrons au cours des trois prochains jours le point de vue d'un certain nombre de témoins, notamment de diverses institutions étrangères, qui considèrent la réglementation imposée aux banques étrangères comme trop restrictive, puisque ces institutions ne veulent pas s'implanter au Canada pour y être des banques, mais pour offrir des services spécifiques. Capital One Financial Corporation, par exemple, souhaite s'implanter au Canada pour offrir un service de carte de crédit. Wells Fargo est une banque qui voudrait s'installer au Canada pour proposer des prêts aux petites entreprises.
Je ne vois pas très bien quelle est votre opinion sur la réponse à donner à une institution qui veut s'installer au Canada sans y offrir toute la gamme des services financiers, qui veut seulement pour proposer à un segment précis du marché canadien un produit ou un service unique et bien spécifique. Croyez-vous que ce type d'activité doit être assujetti à toutes les contraintes actuellement imposées à une banque étrangère, ou pensez-vous qu'il doit y avoir un ensemble de règles plus souples pour ces institutions qui s'intéressent seulement à certains créneaux?
M. Feeney: Notre réponse serait assez simple. Ceux qui veulent offrir des services bancaires doivent être soumis à une réglementation, ce qui protège les consommateurs et garantit la stabilité du système. Or, il y a des institutions financières qui peuvent très bien vouloir être réglementées sur une base fonctionnelle plutôt qu'institutionnelle. Toutefois, seul le gouvernement fédéral a le pouvoir de réglementer les banques. En fait, les sociétés qui veulent avoir chez nous des activités bancaires telles qu'on les définit au Canada, doivent être assujetties à cette réglementation.
Par ailleurs, si les institutions financières au Canada étaient réglementées sur une base fonctionnelle, il est évident que les banques canadiennes de l'annexe I se structureraient différemment, elles aussi. Il y aurait de nombreux avantages à être réglementé sur une base fonctionnelle plutôt que comme une banque.
J'en reviens à cette expression usée, les «règles du jeu équitables». Cela est dans l'intérêt du consommateur et dans l'intérêt du Canada en général et du gouvernement fédéral.
Nous sommes convaincus qu'il ne faut pas s'engager dans la voie de la réglementation fonctionnelle, si des sociétés veulent avoir des activités dans le domaine bancaire. La situation n'est pas différente de celle des institutions canadiennes qui veulent s'implanter à l'étranger.
Le président: En somme, vous dites que, même si une institution qui est une banque dans son pays d'origine voulait s'implanter au Canada pour offrir un seul service, elle devrait être soumise aux mêmes dispositions réglementaires que les banques de l'annexe II, c'est-à-dire qu'elle devrait respecter les mêmes règles qu'une banque de l'annexe II.
M. Feeney: Seulement si le service qu'elle veut offrir est actuellement défini comme une activité bancaire au Canada.
Le président: Sur la question des filiales ou des succursales des banques étrangères, vous êtes disposés à accepter qu'il y ait ici des succursales. Ai-je raison? Si vous pouvez accepter cela, beaucoup de problèmes sont éliminés du même fait.
M. Feeney: Oui, peut-être.
Le président: C'est comme «oui, mais».
M. Feeney: Il y a une certaine confusion sur ce qu'on entend vraiment par «succursale de banque étrangère». Nous envisageons cette question de la même manière que la vente d'assurance, le crédit-bail automobile et la vente de rentes. Dans chaque cas, il y a possibilité d'intensifier la concurrence sur le marché canadien des services financiers et d'aider les consommateurs et les clients commerciaux au Canada. Ce n'est pas parce que les succursales de banques étrangères vont être acceptées au Canada qu'on en trouvera à tous les coins de rue.
Une certaine confusion règne à ce sujet dans tout le pays. Ces institutions n'ont pas l'intention d'offrir des services aux consommateurs à tous les coins de rue.
Essentiellement, les succursales donneront aux institutions étrangères la possibilité d'offrir des services bancaires de gros dans des conditions légèrement différentes de celles d'aujourd'hui. Cette formule permet d'éviter les contraintes réglementaires coûteuses comme la mise sur pied d'une filiale, la production de rapports distincts, et cetera. Ici encore, les règles du jeu doivent être équitables pour tous. Ceux qui souhaitent avoir un certain type d'activité doivent être assujettis à une réglementation.
M. Raymond J. Protti, président et chef de la direction, Association des banquiers canadiens: Je voudrais ajouter un mot aux observations de mon président. Nous sommes en faveur des succursales des banques étrangères. C'est très simple. M. Feeney a dit qu'on se faisait des idées différentes de ce que cela voulait dire. Nous voulons qu'il soit clair qu'il n'y aura pas du jour au lendemain une explosion du nombre de succursales qui offrent des services de détail partout au Canada. Il s'agit d'un marché intermédiaire.
Bien qu'il ne s'agisse aucunement d'une condition préalable à notre appui, nous soulevons un certain nombre de questions de politique dont le gouvernement doit tenir compte. Est-ce que les conséquences de ce choix sur le plan de la réglementation sont bien comprises? Est-ce que l'on comprend ce que cela veut dire sur le plan de la surveillance? Sur celui de la fiscalité? Est-ce que l'on comprend les conséquences du risque plus élevé que présenteront les banques qui ont des activités au Canada sans y détenir un capital?
Ce sont des questions auxquelles le gouvernement doit réfléchir pour arrêter sa politique officielle. Si le gouvernement est satisfait des réponses qu'il trouvera à ces questions, très bien, allons-y. Nous sommes prêts.
Le président: Vous avez quant à vous tiré une conclusion claire: on peut donner à ces questions des réponses qui permettront de conclure que les succursales de banques étrangères peuvent être acceptées au Canada.
M. Protti: C'est fort possible, dans l'optique de la politique gouvernementale.
Le sénateur Angus: Je vous souhaite la bienvenue, messieurs Feeney et Protti, ainsi qu'à vos collègues. Nous avions hâte que vous comparaissiez devant nos comités.
Au début de votre exposé, vous avez dit qu'on avait l'impression, au Canada, au niveau des gouvernements fédéral et provinciaux, dans tout le système et chez les consommateurs, que trop de pouvoir était concentré entre les mains des grandes banques.
M. Feeney: C'est juste.
Le sénateur Angus: Vous avez ajouté que cette perception était fausse et vous avez livré un plaidoyer éloquent pour le démontrer.
Comment expliquez-vous cette fausse perception?
M. Feeney: Surtout par le fait que, depuis 12 mois, pour ne pas dire 12 ans, le grand argument qui est brandi dans de nombreux secteurs des services financiers, et à l'occasion au niveau politique, est qu'il existe une terrible concentration, qu'il faut faire quelque chose, qu'il ne faut pas tolérer un renforcement de cette concentration.
Aujourd'hui, les six grandes banques ont 60 p. 100 des dépôts au Canada, mais elles assurent 68 p. 100 du crédit à la consommation. Il est certain qu'elles contribuent à répondre aux besoins financiers, surtout ceux des jeunes consommateurs canadiens, qui détiennent un pourcentage plus faible des dépôts.
Sur l'ensemble du marché, nous détenons 49 p. 100 des prêts hypothécaires résidentiels et 24 p. 100 des fonds mutuels. Pour ce qui est des prêts hypothécaires non résidentiels, le pourcentage se situe à 19 p. 100 -- c'est davantage votre champ d'activité. Quant au crédit à court terme, notre part est de 80 p. 100.
Si j'énumère ces chiffres, c'est uniquement parce qu'ils montrent que les grandes banques canadiennes s'acquittent de leur rôle d'intermédiaire, d'autant plus que le degré de concentration dans les prêts aux petites entreprises et aux consommateurs est beaucoup plus élevé que du côté des dépôts des consommateurs. Cela est tout à l'honneur des banques, mais tous ces pourcentages semblent montrer qu'il n'existe pas une concentration déraisonnable. En fait, dans beaucoup d'autres secteurs d'activité au Canada, le pouvoir est beaucoup plus fortement concentré entre les mains des trois ou quatre plus grandes sociétés. Ne parlons pas des lignes aériennes, car il n'y en a que deux, mais c'est le cas pour les pétrolières et les sociétés d'assurance. Le secteur bancaire n'est pas un cas à part au Canada.
M. Protti: J'occupe mon poste depuis trois mois et demi. J'ai eu beaucoup de mal à m'y retrouver dans les affirmations contradictoires qui fusent de toutes parts au sujet de la taille du secteur des services financiers au Canada, du rôle des différents acteurs dans les divers domaines et de leurs parts respectives du marché. L'un des effets salutaires qu'aura le groupe de travail est que, avant longtemps, il nous donnera une évaluation complète et impartiale de la taille du secteur des services financiers chez nous et de sa répartition entre les différents joueurs. J'ai hâte de connaître cette évaluation, car il y a là une série de données déroutantes.
Le sénateur Angus: Exactement. Votre prédécesseur, monsieur Brock, a déploré, lorsqu'il a comparu ici cette année, cette campagne de dénigrement menée contre les banques. Il est temps de mettre les pendules à l'heure. À dire vrai, il y a aussi des perceptions différentes. On dit par exemple que nous avons l'un des meilleurs réseaux bancaires du monde, que le risque systémique est minime dans notre pays, si on compare le réseau à certains autres dans des pays de l'OCDE, que notre système de paiements est très solide, et cetera. Ce sont des éléments positifs.
Comment vous y prendrez-vous pour faire disparaître ces perceptions négatives? Nous pouvons faire bien des choses avec des statistiques. J'ai soigneusement pris note de celles que vous venez de donner. Pour ce qui est de la part de marché, il semble que la concentration du pouvoir entre les mains des banques diminue sur les plans national, intérieur et mondial. Vous trouvez donc ici une oreille sympathique.
Revenons à votre exemple du système de paiements et à l'équité des règles pour tous. Si l'objectif est de réduire les risques et de préserver l'intégrité de notre système, y a-t-il d'autres joueurs qui peuvent concurrencer efficacement les banques sans qu'apparaisse un certain élément de risque?
M. Feeney: Je dois répondre oui. Personne ne dit que le risque systémique serait accru. Au cours de son étude, pendant l'année qui vient, à peu près, le groupe de travail ne doit pas perdre de vue l'objectif, qui est la protection du consommateur et des entreprises au Canada, de manière que, lorsqu'ils reçoivent un paiement, le caractère définitif de ce paiement soit également garanti. C'est pourquoi nous disons: «Ouvrez tout le secteur. Établissez des règles propres à donner cette garantie aux Canadiens, et acceptez tous les joueurs qui satisfont aux lignes directrices.» Chacun décidera ensuite s'il veut participer ou non.
Aujourd'hui, de nombreuses institutions peuvent être membres adhérents du système de paiements. Elles préfèrent ne pas l'être et faire appel à un membre adhérent, surtout en raison du volume de leurs paiements, par rapport au coût des systèmes qu'elles devraient mettre en place pour satisfaire aux exigences de la réglementation, pour régler les paiements, et cetera. Généralement, il est plus facile de confier cette fonction aux grandes banques qui fournissent ce service. Pendant de longues années, les banques l'ont fourni à des sociétés de fiducie assez importantes au même titre que n'importe quel autre service aux sociétés.
Un grand nombre d'institutions qui ont aujourd'hui cette possibilité ne s'en prévalent pas. Tout ce bruit autour du système des paiements vient en grande partie d'institutions non financières. C'est de ce côté que le ministère des Finances et les organismes de réglementation doivent se tourner pour élaborer une réglementation à ce sujet.
L'Association canadienne des paiements est présidée par un haut fonctionnaire de la Banque du Canada. Au sein du conseil, les administrateurs de banque constituent une minorité. Ce n'est pas un club à la solde des banques. Ce changement a été apporté il y a sept ou huit ans, voire il y a plus longtemps.
Le sénateur Angus: Je suis de ceux qui voudraient que ces mythes sans fondement disparaissent. Selon moi, on peut emprunter une autre approche. Vous avez dit que vous teniez à ce que les règles du jeu soient équitables pour tous ceux qui veulent offrir des services financiers ou bancaires tels qu'ils sont actuellement définis. L'accent est mis sur le terme «actuellement». Dois-je déduire qu'il serait possible de redéfinir ce qui constitue un service bancaire et de mettre à part un ensemble de services financiers qui ne présentent pas le même genre de risque pour le système et qui, par conséquent, ne nécessiteraient pas le même niveau de réglementation? Vous peignez la situation à très grands traits.
M. Feeney: Le risque pour le système fait intervenir le système des paiements comme tel, que nous mettons de côté. Toutefois, sur le plan de la politique du gouvernement, celui-ci s'interroger sur cette idée de mettre des services à part.
Comme M. Protti l'a dit, il faut examiner cinq ou six questions, dont la moindre n'est pas la réserve de capitaux à détenir au Canada, au cas où une institution serait mise en difficulté; je veux parler du paiement de l'impôt sur le revenu des sociétés. Tout le monde sait quel est le secteur d'activité le plus lourdement imposé au Canada. Si on mettait certains services à part et si, à certains égards, on laissait des institutions étrangères jouer selon des règles différentes pour éviter certaines contraintes, ce ne serait pas une saine politique pour le Canada. Voilà une des questions qui se posent.
Le sénateur Angus: C'est l'une des questions qui se posent pour le contribuable, effectivement.
M. Protti: Au cours des trois derniers mois, il y a eu quatre annonces différentes qui se rapportent directement au point que le sénateur Angus a soulevé. Elles concernent Trimark, AGF, VanCity et ING, ce qui témoigne du rythme, de la rapidité incroyables des changements qui se produisent dans l'industrie. Fondamentalement, ces annonces soulèvent les questions que vous venez de mettre sur le tapis, sénateur Angus.
Nous nous félicitons de la création du groupe de travail. Nous espérons que les choses se passeront rondement, car tout change si vite autour de nous. Depuis une dizaine d'années -- et le phénomène est encore plus rapide maintenant --, les distinctions se brouillent entre les différents types de joueurs dans les services financiers. Une société d'assurance-vie est-elle une société de fiducie, une banque, une maison de courtage ou une société d'assurance? Tous ensemble, nous devons nous demander ce que cela signifie pour notre pays. Plus important encore, nous devons nous interroger sur les conséquences pour notre régime de réglementation.
Au cours des 12 à 18 prochains mois, nous mettrons l'accent sur deux ou trois points de principe. Tout d'abord, la concurrence. Nous y croyons fermement. Nous croyons pouvoir l'affronter avec succès. Deuxièmement, le secteur des services financiers doit servir les intérêts des consommateurs. C'est ce que nous allons tâcher de faire. Nous allons examiner toutes les propositions qui vont dans ce sens. Troisièmement, nous voulons que les règles du jeu soient équitables pour tous.
Vous demandez en fait si nous avons besoin de plus de souplesse dans la façon dont nous nous organisons et nous réglementons? Peut-être que oui, mais notre principe sera que, si vous donnez cette souplesse à une institution qui vend un produit particulier, vous devez nous l'accorder aussi. Autrement, nous serons incapables de livrer concurrence. À elle seule, cette question peut transformer profondément la manière dont les gouvernements réglementent les institutions financières au Canada.
Le sénateur Angus: À propos de l'équité des règles du jeu, vous avez parlé de joueurs non réglementés qui s'implantent sur le marché canadien du crédit. Vous avez donné un exemple, la branche de Ford qui s'occupe du crédit-bail automobile et du financement. Auriez-vous d'autres exemples d'entités non réglementées? Ford ne suscite pas beaucoup d'inquiétudes, mais il peut y avoir d'autres joueurs qui présentent plus de risques pour le système.
M. Feeney: Il y en a plusieurs autres qui sont dans la même catégorie. GM ou GE Capital, par exemple. Le problème n'est pas tant de savoir combien il y en a ici aujourd'hui, mais combien il y en aura dans deux ans, dans cinq ans, si nous ne nous dotons pas d'une réglementation.
Toutes les institutions financières et les institutions dites non financières du monde sont à la recherche de nouveaux marchés en dehors de leur marché intérieur. ING, qui s'implante comme une banque virtuelle, est un exemple d'institution financière, de grande société d'assurance, qui est en quête de nouveaux marchés. C'est pourquoi nous croyons que, s'il y a jamais eu un moment où il fallait revoir le régime de réglementation du Canada et le rectifier pour nous protéger, nous et les Canadiens, à l'aube du XXIe siècle, c'est bien maintenant.
Le sénateur Angus: Je ne voudrais pas qu'on interprète mal cette remarque, mais il est dans votre intérêt de ne pas avoir l'air de vouloir gagner sur les deux tableaux.
M. Feeney: Parfaitement juste.
Le sénateur Angus: Nous, sénateurs, pouvons parfois y arriver. Vous nous dites que vous êtes prêts à avoir une concurrence libre dans tous les segments du marché. Au début de la période des questions, le président vous a interrogé au sujet des banques étrangères. J'ai eu l'impression que vous disiez à peu près ceci: bien sûr, nous sommes heureux qu'elles s'implantent chez nous, mais... Puis, vous avez donné quelques exemples. Je voudrais être sûr que l'ABC et ses membres n'y voient aucun problème.
La semaine dernière, je crois, une ministre britannique nous a rendu visite, et elle a déploré le fait que le nombre de banques étrangères au Canada ait diminué de 59 à 47, et qu'il n'y ait que deux banques britanniques chez nous à cause du fardeau très lourd de la réglementation et parce qu'elles n'arrivent pas à obtenir de rendement sur leurs capitaux. Elle a ajouté que c'était dommage pour les consommateurs canadiens et l'ensemble du secteur, en ce qui concerne l'accès aux capitaux. Selon elle, nous faisons complètement fausse route. Elle a présenté une argumentation convaincante. J'espérais que vous alliez vous dire entièrement d'accord avec elle.
M. Feeney: Nous ne voulons pas multiplier les «mais». Nous voulons simplement faire une mise en garde tout au début ou tout à la fin: il faut que la réglementation traite de la même façon toutes les institutions présentes dans un secteur d'activité, comme les affaires bancaires. Essentiellement, c'est notre seule réserve. Mais il y a bien des questions d'ordre technique qui se posent.
Le sénateur Angus: Mais elles sont énormes, car elles deviennent le pire obstacle.
M. Protti: Si le gouvernement du Canada estime que c'est une bonne idée, nous n'avons pas d'objection. Nous sommes prêts.
Le sénateur Angus: Sans réserves?
M. Protti: Sans réserves. La réflexion sur cette question chemine depuis un certain temps à l'intérieur du gouvernement canadien. Pour arrêter la politique gouvernementale, il faut veiller à ce que les conséquences sur le plan de la réglementation soient bien comprises. Il ne faut pas être surpris de ce qui risque de se passer en matière de fiscalité. Si le gouvernement du Canada décide qu'il est bon de s'engager dans cette voie, nous sommes prêts.
Le sénateur Angus: J'ai fait exprès de ne pas parler de fusions entre les six grandes banques. Je laisse à mes collègues le soin d'aborder la question.
Le sénateur Kenny: Monsieur Feeney, je vous remercie d'avoir accepté de comparaître. Si je vous ai bien compris, vous avez dit que toute forme d'activité bancaire devait être conforme aux exigences réglementaires imposées aux banques. Dans les faits, cela dresse une sorte de barrière devant ceux qui voudraient s'occuper de seulement certains éléments de l'activité des banques. On pourrait soutenir que, au bout du compte, cela a des répercussions sur la compétitivité dans ce secteur.
Le sénateur Kirby ou l'un d'entre vous a ensuite posé la question suivante: «Vous êtes-vous demandé si, oui ou non, il devait y avoir une réglementation par secteur?» Vous avez réagi rapidement en disant en somme que vous ne pensiez pas que nous devions faire ce choix, qu'il valait mieux s'en tenir au statu quo.
Est-ce que c'était là une réponse mûrement réfléchie, ou une réponse sur laquelle vous vous réservez le droit de revenir pour la commenter ou d'y penser encore? Est-ce que c'est la réponse définitive de l'Association des banquiers canadiens là-dessus?
M. Feeney: Au fond, j'ai aussi ajouté que, s'il était décidé, dans la sagesse du peuple, d'imposer une réglementation par produit, il faudrait tout au moins que la même approche s'applique aux banques canadiennes. Voilà ce que nous disons, pour l'essentiel.
Le sénateur Kenny: Ma question est la suivante: souhaitez-vous cette évolution pour les banques canadiennes? Votre association a-t-elle réfléchi à la question? Si oui, quelle est votre conclusion?
M. Protti: Il y a deux enjeux ici. Tout d'abord, si ces institutions viennent choisir sur le marché les activités qui leur conviennent, comme vous l'avez dit, sénateur Kenny, selon quelles règles pourraient-elles le faire? Les règles existantes, qui s'appliquent à tous les joueurs, ou un nouvel ensemble de règles spéciales qui ne s'appliquent qu'à ces institutions? Notre réponse, là-dessus, c'est qu'il ne doit pas y avoir de règles spéciales.
Deuxième question: devrions-nous modifier les bases sur lesquelles nous réglementons au Canada les produits financiers et les institutions? C'est une excellente question, mais nous ne sommes pas encore arrivés à une réponse définitive.
Le sénateur Kenny: C'était justement ma question. Votre association entend-elle faire une réflexion là-dessus et nous communiquer ensuite son opinion?
M. Protti: Il est certain que nous allons beaucoup y réfléchir, car c'est l'une des principales questions que le groupe de travail va nous poser. Avons-nous une position définitive sur cette question? Est-ce que nous préférons la réglementation des produits à celle des institutions? Pour l'instant, nous n'avons pas la réponse.
Le sénateur Kenny: Vous ne l'avez pas maintenant, mais, dans six mois, vous pourriez revenir nous présenter une position différente?
M. Protti: C'est exact.
M. Feeney: Si telle était la conclusion ou la préférence du groupe de travail que le Canada doit s'engager dans cette voie, nous voudrions, forts de l'expérience de longues années dans ce secteur d'activité, exposer notre position pour nous assurer que tout le monde est au courant de toute lacune dans la réglementation, ou de tous les écueils éventuels. La décision pourrait ensuite être prise.
Le sénateur Kolber: Je suis un peu perdu au sujet de la question des succursales de banques étrangères. D'après ce que j'ai compris, je ne crois pas qu'il s'agisse d'ouvrir des succursales à tous les coins de rue au Canada, comme vous l'avez dit. Est-ce que c'est une question de capitalisation?
M. Feeney: Absolument.
Le sénateur Kolber: Je ne pense pas que cela a été bien compris. Ce que je comprends, c'est qu'une banque étrangère, la Chase Manhattan ou Citicorp, par exemple, pourrait ouvrir ici une succursale sans avoir un sou au Canada et concurrencer ensuite les banques canadiennes en choisissant les secteurs qui l'intéressent, pour faire de gros prêts aux entreprises ou obtenir la clientèle des gouvernements. Avec des institutions comme Goldman, Sachs & Company, dix fois plus importantes que Dominion Securities, est-ce que tout le marché des valeurs mobilières au Canada ne risque pas de se retrouver à Wall Street?
M. Feeney: Bien sûr. C'est ce que nous essayons de faire ressortir. Bien des Canadiens, bien des personnes qui participent au débat se méprennent en croyant que cela intensifiera la concurrence à l'avantage du consommateur. Nous disons que c'est exactement le contraire qui se produira.
Le sénateur Kolber: Vous ne l'avez pas fait comprendre clairement. Vous avez parlé de la possibilité que des succursales ouvrent leurs portes à tous les coins de rue. Les deux choses n'ont rien à voir l'une avec l'autre.
M. Feeney: Non. Je vais préciser ce que j'ai dit. Cela ne veut pas dire des succursales à tous les coins de rue, et cela ne veut pas dire non plus ce que bien des Canadiens pensent. Il n'y aura pas plus de concurrence au niveau du consommateur. Au fond, il s'agit de services bancaires de gros, et ce peut fort bien être une manière de se structurer du point de vue du capital. Vous avez absolument raison.
Le sénateur Kolber: Si cela risque de mettre en péril une partie de notre secteur bancaire, nous devrions être au courant. Il nous serait utile que vous nous présentiez un document à ce sujet.
M. Feeney: Nous le ferons.
Le président: Je veux être sûr de comprendre la réponse que vous avez faite au sénateur Kolber.
Vous semblez dire que les banques canadiennes ont besoin d'une protection contre les grands concurrents étrangers, qui risqueraient de s'emparer d'un segment important du marché. Goldman, Sachs & Company, par exemple. Voilà comment j'interprète votre réponse. Est-ce que j'ai raison?
M. Feeney: Nous disons que la concurrence ne nous fait pas peur. Cependant, le gouvernement et les artisans de la politique doivent comprendre clairement la situation, du point de vue de l'intérêt public, et réglementer certains aspects pour protéger les Canadiens et le Canada.
Le sénateur Angus: Les protéger de quoi?
Le sénateur Meighen: De quoi?
M. Feeney: Monsieur Protti, pourriez-vous répondre?
M. Protti: Je voudrais tirer au clair ce qu'ont dit aussi bien le sénateur Kolber que M. Feeney.
Quand nous parlons de succursales, il ne s'agit pas de services bancaires de détail, de services au consommateur, mais de services de gros.
Le président: Nous connaissons bien cette question. Nous comprenons.
M. Protti: Nous accepterons sans difficultés ce que le gouvernement du Canada décidera à propos des succursales. Nous sommes prêts à affronter la concurrence, peu importe la forme qu'elle prendra. Mais il y a deux ou trois questions que le gouvernement doit examiner avec soin. Il doit réfléchir à la question de la réglementation, à celle de l'impôt sur le capital et à celle des actifs, en cas de problème d'insolvabilité. C'est tout ce que nous avons dit. Au ministère des Finances et au BSIF, on a réfléchi à ces questions. S'ils arrivent à se faire une idée et concluent que cela a du bon sens, nous sommes prêts.
Le sénateur Meighen: Éventuellement, vous seriez prêts, même si ces institutions ont accès à d'énormes réserves de capitaux au sud de la frontière, à accepter les conséquences que cela pourrait avoir sur le nombre de succursales qui ouvriraient leurs portes?
M. Feeney: Absolument.
M. Protti: Oui, nous sommes prêts à affronter la concurrence.
Le sénateur Angus: Mais vous lancez un avertissement. Vous nous dites: «Nous sommes prêts, allons-y, mais vous faites mieux de faire attention. Vous faites mieux de prévenir les Canadiens de ce qui va se passer.» On dirait que c'est ce que vous dites.
M. Feeney: Nous vous prévenons simplement qu'il faut réglementer le risque systémique, l'impôt sur le capital et tout ce qui concerne le gouvernement.
Le sénateur Meighen: Supposez que nous puissions y arriver. Selon vous, le réseau de nos succursales bancaires ne risque pas de s'effondrer?
M. Feeney: Non. Nos succursales bancaires s'occupent des services de base aux consommateurs et des petites entreprises.
Le sénateur Kolber: Ce sont les services de détail. Vous parlez d'impôt sur le capital, mais il n'y aura pas de capital.
M. Feeney: C'est justement ce que nous disons.
Le sénateur Kolber: Vous devriez faire ressortir ce point.
Ma deuxième question porte sur Wells Fargo. Cela me paraît un peu étonnant, en tout cas si mes renseignements sont exacts. Apparemment, Wells Fargo a fait pour les prêts aux petites entreprises ce que Capital One a fait pour les cartes de crédit. Autrement dit, l'institution offre par courrier direct un système d'évaluation par points, et elle a proposé des petits prêts, c'est-à-dire de moins de 100 000 $, aux petites entreprises aux États-Unis. Elle peut réduire ses frais généraux en optant pour la simplicité dans les demandes et le traitement. Mais le BSIF l'a informée qu'une demande présentée aux termes de l'article 521 serait rejetée, même si l'institution semble être une banque authentique.
S'ils excellent tellement dans les prêts de cette importance et si leur système n'est pas secret, ce qui est évident, pourquoi ne pouvons-nous pas en faire autant au Canada? Je trouve agaçant que les parlementaires dénigrent les banques, surtout à cause du dossier des prêts aux petites entreprises. Je ne veux froisser personne, mais je ne crois pas que l'ABC a bien expliqué la situation. Je ne pense pas que l'association rencontre les parlementaires et fasse tout ce qu'il faut pour expliquer les faits. Ces explications ne résisteraient peut-être pas à l'analyse, mais il faudrait au moins faire un effort. Si les types de Wells Fargo sont si bons, pourquoi ne pouvons-nous pas en faire autant?
M. Feeney: Cette observation paraîtra partiale, mais, ces deux derniers jours, une banque canadienne a justement annoncé ce produit. Ces deux derniers jours, environ 500 entreprises par jour nous ont demandé cette carte.
Le sénateur Kolber: Quand vous dites «nous», il doit s'agir de la Banque Royale.
M. Feeney: Ce produit a été en préparation pendant plus d'un an. Des groupes de réflexion et des petites entreprises de tout le Canada ont essayé de trouver un produit qui convienne au dirigeant de petite entreprise. Le projet est à l'étude depuis fort longtemps. Il s'agit d'une manière d'organiser une ligne de crédit et d'y faire appel au besoin. Une carte de plastique sert de clé pour entrer à la banque. Voilà de quoi il s'agit, en gros. L'évaluation du crédit se fait comme pour les prêts à la consommation.
Le sénateur Kolber: Mais c'est un type d'évaluation différent. Il n'est pas fondé sur la valeur ou les points faibles de l'entreprise. On vérifie si le type qui demande de l'argent a une maison, une voiture, et cetera. Cela semble être la règle de base dans ce genre de prêt. Pourquoi ne sommes-nous pas passés à l'action il y a déjà dix ans?
M. Feeney: Effectivement.
M. Protti: J'accepte votre critique. Je crois que vous avez raison. Au cours de mes trois premiers mois à mon poste, j'ai rencontré quelques dizaines de députés, des ministres et des sénateurs, et ils m'ont dit exactement la même chose. Ils m'ont dit que notre version des faits était bonne. Nous ne l'avons pas fait connaître. Et c'est à nous et à personne d'autre de la faire connaître. Ils ont tout à fait raison. Nous allons travailler là-dessus de façon assidue.
Le sénateur Kolber: Arrêtez de sortir tous ces documents alambiqués, personne ne les lit. Ce que je vous conseille, c'est d'aller discuter avec les gens.
Le sénateur Meighen: Je suis désolé de poursuivre dans le même ordre d'idées, mais ce que dit le sénateur Kolber est éminemment sensé. Pensez-vous vraiment que le public canadien, sans connaître tous les faits, croira sans broncher que ce produit qui a été annoncé ces deux derniers jours et qui ressemble à celui que Wells Fargo propose d'offrir aurait été annoncé si Wells Fargo n'avait pas menacé de s'implanter au Canada?
M. Feeney: Oui.
Le sénateur Meighen: C'est pourquoi une partie du public dit: «Vaut mieux leur ouvrir les portes; autrement, les banques canadiennes ne feront rien tant qu'elles n'y seront pas forcées.» Cela fait partie de la perception du public que le sénateur Kolber a décrite.
M. Feeney: Je serais porté à répondre oui. Le produit aurait été mis sur le marché, comme beaucoup d'autres produits de toute première qualité qui sont offerts tant aux consommateurs qu'aux entreprises au Canada
Le secteur des services financiers au Canada -- pas seulement les banques, mais tous les services financiers -- n'ont pas à être subordonnés aux services financiers d'un autre pays, pas plus des États-Unis que d'un autre.
Le sénateur Meighen: Je partage votre opinion.
M. Feeney: Tout le secteur des services financiers, et pas seulement les banques, fait preuve d'une grande créativité.
Le sénateur Meighen: Dans quelle mesure notre réseau national de succursales bancaires, si on le compare au réseau qui existe aux États-Unis, peut-il en soi faire que les règles du jeu ne soient pas les mêmes pour tous ou nous poser des problèmes, notamment de réciprocité? Nous ne comparons pas deux systèmes identiques. Il est difficile de préserver notre propre système.
M. Feeney: Il n'est pas difficile de préserver notre propre système -- je veux parler du réseau canadien qui existe maintenant et qui existe depuis fort longtemps --, car c'est le public, les consommateurs et les entreprises, particulièrement les petites entreprises, qui font vivre ce grand réseau de succursales. Même ces derniers temps, de grands cabinets d'experts-comptables et d'autres firmes de consultants dans le monde ont fait de nombreuses études sur la disparition du réseau des succursales bancaires. Toute banque, société de fiducie ou autre institution qui devancerait ses clients en fermant ses succursales courraient à sa perte, car les succursales font partie intégrante de la vie de notre société.
Non, je ne crois pas que le système bancaire, c'est-à-dire le système des services financiers tel que nous le connaissons, soit menacé à cause de cela. Je crois qu'il est injuste qu'une banque canadienne ne puisse pas franchir la frontière et mener ses activités sur une base nationale, car c'est l'une des ressources du Canada: un système bancaire qui excelle dans l'exploitation de réseaux qui comptent parmi les plus grands du monde. Il y a là une valeur ajoutée dont le marché américain pourrait profiter. Je crois que, chez les intermédiaires financiers, l'écart entre les taux payés sur l'épargne et exigés sur les prêts ne serait pas de 300 à 400 points de base plus élevé qu'au Canada et que les coûts des services aux consommateurs ne seraient pas de 55 à 60 p. 100 plus élevés qu'au Canada si ce genre de concurrence existait.
Le sénateur Meighen: Je ne veux pas tout un cours sur l'histoire des négociations avec les États-Unis, mais quelle est la grande objection? Est-il possible d'atteindre cet objectif sur le marché canadien? Quel est la contrepartie?
M. Feeney: Les progrès seront plutôt lents, car il ne s'agit pas que des règles visant les banques étrangères, mais aussi de celles qui régissent les banques américaines aux États-Unis.
Le sénateur Meighen: Encore différent.
M. Feeney: Effectivement, il ne faut pas l'oublier. Cela fait une différence. Toutefois, pour ce qui est de la réciprocité dans les activités bancaires transfrontalières, cela rend la chose moins intéressante.
Le sénateur Meighen: Nous avons entendu parler d'une opinion juridique qui aurait été donnée à l'un des organismes qui a comparu devant notre comité voulant que les dispositions proposées dans le livre blanc aillent à l'encontre des obligations que le Canada a contractées dans l'ALÉNA en matière d'investissement. Avez-vous eu l'occasion d'examiner la question? Avez-vous une opinion contraire?
M. Protti: Je ne connais pas très bien la question. Je vais devoir l'étudier. Pourrions-nous vous communiquer notre opinion par écrit, monsieur le président? Je n'ai pas étudié le problème.
Le sénateur Meighen: Très bien. Je crois comprendre que vous en entendrez parler dans un jour ou deux.
Le sénateur Stewart: Il a été question deux ou trois fois de fiscalité, en passant. C'est ma profonde ignorance qui me pousse à poser cette question.
Le sénateur Meighen: Vous voulez parler de l'impôt sur le capital?
Le sénateur Stewart: Je vais formuler la question à ma manière. Dans le cas des bénéfices provenant de l'étranger que des sociétés tirent de certains services, comment les gouvernements canadiens établissent-ils les cotisations et perçoivent-ils l'impôt?
M. Feeney: En gros, de 30 à 40 p. 100 des bénéfices des grandes banques canadiennes proviennent de l'étranger. Nous payons de l'impôt sur ces bénéfices comme s'ils étaient réalisés au Canada.
Le sénateur Stewart: Lorsqu'une société d'origine étrangère offre un service financier au Canada sur une base fonctionnelle, est-ce que les gouvernements canadiens imposent les bénéfices provenant de ce service? Si oui, de quelle manière?
M. Feeney: Je crois savoir que ces bénéfices ne sont pas imposés.
M. Protti: Je n'en suis pas certain. Je vais devoir communiquer avec vous. Je ne connais pas très bien la question. Je vais vous répondre par écrit.
Le sénateur Stewart: On a parlé de la fiscalité à plusieurs reprises. Je voudrais savoir s'il s'agit d'un facteur important.
M. Feeney: Vous voulez parler de l'impôt sur le revenu des sociétés?
Le sénateur Stewart: Oui, mais il faudrait situer cela dans l'ensemble, dans tout le contexte.
M. Feeney: Oui.
Le sénateur Stewart: Dans les faits, les bénéfices réalisés grâce à un service financier fonctionnel particulier pourraient servir à subventionner une autre partie des activités de la société qui peut fort bien se situer en dehors du Canada.
M. Douglas W. Melville, directeur, Affaires commerciales et réglementaires, Association des banquiers canadiens: Un certain nombre d'institutions étrangères qui ont des activités au Canada se financent par des prêts contractés auprès de la société mère. L'entité située au Canada verse des intérêts à la société mère.
Prenons l'exemple des États-Unis. Il existe une convention fiscale bilatérale entre le Canada et les États-Unis, aux termes de laquelle chaque pays retient 10 p. 100 des remises. C'est une question qui a été soulevée par une banque étrangère de l'annexe II au cours d'un témoignage devant le comité des finances de la Chambre. Selon nous, la question doit se régler par des accords bilatéraux entre les gouvernements dans le monde entier.
Est-ce que cela répond à vos questions?
Le sénateur Stewart: J'essaie de comprendre pourquoi vous semblez dire que la question ne vous préoccupe pas et qu'il appartient aux gouvernements de la régler entre eux. Cela donne à penser que vous ne croyez pas que l'imposition des bénéfices réalisés par ceux qui fournissent les services sur une base fonctionnelle soit injuste pour vous, comme banques.
M. Melville: Si la retenue fiscale ne nous préoccupe pas autant, c'est que les règles sont les mêmes pour tous. Toutes les sociétés qui ont des activités au Canada doivent verser cet impôt en rapatriant les bénéfices dans leur pays d'origine. La même chose vaut pour les entités canadiennes qui se financent de la même manière. À notre avis, les règles sont équitables pour tous.
Nous avons soulevé la question des institutions financières non bancaires ou des autres institutions qui peuvent s'implanter au Canada à la faveur de dispositions réglementaires et fiscales différentes, notamment en ce qui concerne l'impôt sur le capital. Ces institutions échapperaient à l'impôt sur le capital auxquelles sont soumises les banques canadiennes de l'annexe II. Nous craignons donc que ces institutions ne puissent mener leurs activités dans le cadre de règles différentes de celles des institutions canadiennes de l'annexe I.
Le gouvernement a des moyens de régler ce problème. Aux États-Unis, par exemple, les institutions des États peuvent arbitrairement décider qu'un certain montant de capital est employé à l'intérieur de leur territoire et prélever un impôt sur le capital en conséquence.
Ces possibilités sont à la disposition du gouvernement fédéral lorsqu'il examine le cadre réglementaire, fiscal et prudentiel en prévision d'une ouverture du marché canadien à la concurrence étrangère.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Récemment, à Montréal, une étude a été publiée dans laquelle on comparait les coûts entre certaines succursales d'une banque et le siège social. Donc, l'exemple en tête était celle d'une personne qui s'est présentée à la banque où elle a ouvert un compte de banque et a demandé et expliqué ses besoins personnels -- elle a fait une demande à la banque et à une vingtaine de succursales -- l'exercice a été fait en réalité, et 13 fois sur 20 les succursales ont contredit le siège social.
J'aimerais que vous m'expliquiez, en fait -- puisque notre livre blanc vise quand même comme premier objectif la protection des consommateurs -- comment un consommateur peut s'y retrouver quand il s'agit de choisir la meilleure banque?
Vous parlez de compétition avec les Américains. Il faudrait peut-être toujours parler de compétition même entre Canadiens parce qu'il semble que les consommateurs canadiens, même à l'intérieur de la même banque n'ont pas les mêmes structures des coûts de service. Cela m'inquiète beaucoup de savoir que si l'on va à la même banque, et tout dépendant de quel coin de rue l'on va, on n'aura pas les mêmes structures, les mêmes recommandations et les mêmes services, et, à plus forte raison, quand on doit aller à différentes banques où les services ont des noms différents parce chacun a trouvé des noms commerciaux différents.
Il me semble qu'il y a beaucoup de confusion pour le consommateur. Quelles sont vos recommandations pour pouvoir éviter d'avoir une réglementation obligatoire et d'avoir plutôt de l'ordre dans la sémantique utilisée par les banques quand il s'agit des coûts de services et de permettre aux consommateurs de faire un choix éclairé?
M. Melville: Je vous remercie de votre question, sénateur Hervieux-Payette. Il est très important de considérer d'abord le degré de compétition dans le marché canadien non seulement entre les banques mais aussi entre les banques et les autres compagnies fiduciaires. Les caisses populaires au Québec et les autres, donnent aux consommateurs du Québec et partout au Canada, le choix de trouver les services et les produits qui offrent les bénéfices dont ils ont besoin.
[Traduction]
Il y a deux autres aspects dont nous avons discuté avec le gouvernement et qui peuvent présenter des avantages à cet égard. L'un est la communication de l'information. Plusieurs groupes de consommateurs en ont parlé, disant qu'il fallait donner une information très claire sur les frais de service et autres exigés pour les produits et services de notre secteur. Nous sommes tout à fait d'accord.
La question est la suivante: comment notre secteur peut-il le mieux, sans limiter la concurrence, assurer l'information souhaitée? Il faut faire un compromis entre ces deux objectifs. Nous cherchons à maximiser la concurrence qui sert bien les intérêts des consommateurs. Nous cherchons aussi à donner une information suffisante pour que le client soit bien renseigné et choisisse de façon éclairée ses services financiers.
Il y a aussi la question de la simplicité de la langue. Si les consommateurs ne comprennent pas ce qu'on leur dit, l'information ne sert à rien. Notre secteur s'est engagé à veiller à ce que, lorsque c'est possible, la langue utilisée dans les feuillets d'information sur les produits et services soit très simple. C'est une belle occasion d'affaire pour les consultants en services linguistiques.
Le sénateur Hervieux-Payette: Tout le secteur devrait se concerter. Je n'ai pas d'objection à ce que vous discutiez avec les sociétés de fiducie, les coopératives et toutes les autres institutions pour harmoniser votre terminologie afin que les consommateurs puissent comparer les frais de services qui sont comparables.
J'ai les tableaux hebdomadaires de taux hypothécaires, et je peux savoir qui a les meilleurs taux pour un prêt d'une durée donnée. On peut ajouter d'autres éléments, mais, au moins, j'ai les renseignements essentiels et je peux comparer des choses qui sont comparables.
Pour ce qui est de l'assurance des hypothèques, je constate que l'information n'est pas limpide. Je viens de contracter un nouveau prêt hypothécaire. Mes amis m'ont fait comprendre que je devais faire le tour du marché pour contracter une assurance-hypothèque, au cas où j'aurais un accident en traversant la rue. Le coût était de 692 $ dans une société d'assurance et de 1 500 $ dans une banque. Les 692 $ étaient un taux fixe pour dix ans, et il n'y avait aucune souplesse du côté de la banque, qui exigeait 1 500 $. C'est tout un écart.
Lorsque des consommateurs ordinaires se présentent à une banque, ils se font dire qu'ils doivent assurer leur prêt, et cela leur coûte très cher. Ils ne savent pas qu'ils ont le choix. C'est la situation qui existe dans l'ensemble du secteur. Je ne pointe pas du doigt une banque en particulier. Les banques vous offrent un forfait, en quelque sorte: prêt hypothécaire et assurance. Mais les diverses possibilités en matière d'assurance ne sont pas claires. Il arrive aussi que certains n'aient pas le temps de se renseigner ailleurs parce que les deux transactions doivent être conclues le même jour.
M. Feeney: À propos de la nécessité de s'assurer, je dois dire que le consommateur n'est pas obligé de souscrire une assurance-vie lorsqu'il contracte une hypothèque. Bien des consommateurs ont une assurance-vie suffisante, avec leurs polices ordinaires, pour ne pas avoir besoin d'une assurance supplémentaire. Dans les localités où il y a beaucoup de travailleurs autonomes, des gens qui ne travaillent pas pour de grandes sociétés, le taux de pénétration est beaucoup plus élevé, mais la souscription d'une assurance n'est pas une condition préalable à l'obtention d'un prêt hypothécaire.
Les chiffres que vous citez font ressortir assurément un écart impressionnant. D'après ce que vous avez dit, c'est la banque qui semblait demander le plus cher. Le consommateur ne devrait pas souscrire son assurance auprès de cette institution parce que ce n'est pas un bon placement.
Mon opinion sur la vente d'assurance par des banques ou d'autres institutions, c'est que, si le produit, le niveau de service et le prix ne sont pas justes et concurrentiels, ils ne vont rien vendre. Seul le meilleur produit, au meilleur prix et le plus commode finit par se vendre.
Je ne peux pas commenter les chiffres, mais, chose certaine, l'assurance-vie n'est pas indispensable pour obtenir un prêt hypothécaire.
Le sénateur Hervieux-Payette: Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je viens d'une petite localité.
M. Feeney: L'écart est considérable.
Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai suivi votre conseil. J'ai opté pour le moins cher. C'est pour éviter à mes enfants de rembourser une hypothèque sur la maison si je venais à mourir.
Ma dernière question concerne un passage de votre résumé qui porte sur les ventes liées.
Vous avez parlé de la Loi sur la concurrence. Vous conviendrez avec moi, je l'espère, qu'il n'est pas facile de recourir à la Loi sur la concurrence dans ce contexte. Nous entendons parfois dire que certaines succursales ou certaines personnes s'adonnent à la pratique des ventes liées. Dans le manuel des procédures de votre banque, qui est deux fois plus volumineux que la Loi sur les banques, y a-t-il des instructions données à chaque succursale disant que, si un client reconduit son hypothèque, il ne doit pas transférer son REÉR dans cette succursale au même moment?
M. Feeney: Nous avons insisté sur cette importante question dans nos observations du début. Au Canada, la loi interdit les ventes liées, qui sont une pratique hostile à la concurrence. Les nombreuses allégations qui sont faites à ce sujet ne sont pas accompagnées d'exemples précis. Je sais que cela se produit parfois. Le gouvernement n'a donné aucune indication comme quoi les ventes liées sont un problème qui lui a été signalé. On n'en a aucun exemple. Les ventes croisées sont bien autre chose que les ventes liées. Ce sont les clients eux-mêmes qui prennent l'initiative. Ils essaient d'obtenir une meilleure rémunération sur un dépôt ou de meilleures conditions pour un prêt hypothécaire en disant: «Je vais vous apporter tel volume d'affaires. Vous pouvez certainement me donner un meilleur taux.» C'est souvent le consommateur qui est l'instigateur. Certains de nos concurrents disent alors qu'il s'agit de ventes liées, puisque, en nous confiant toutes ses affaires, le client a obtenu de meilleures conditions. Selon notre expérience des dernières années, c'est tout le contraire qui se produit, car nos clients sont devenus des consommateurs très avertis. Depuis que les taux ont grimpé à des 20 p. 100, dans les années 80, les clients sont très conscients de la valeur de l'intérêt composé et des taux d'intérêt en général, et ils font le tour du marché.
Les ventes liées sont une pratique inadmissible, et on n'a donné aucun exemple vérifié de banques qui s'y seraient livrées.
Le sénateur Hervieux-Payette: Pourquoi en parlez-vous dans votre résumé, si le problème n'existe pas?
M. Feeney: Parce qu'un certain nombre d'autres groupes qui ont comparu devant le comité ont soulevé la question. Il ne faut pas avoir peur d'affronter une question aussi grave que des accusations de ventes liées.
Le président: Je signale que la question des ventes liées est explicitement abordée dans le livre blanc.
M. Feeney: Effectivement.
Le président: Merci d'être venu témoigner aujourd'hui.
Notre prochain groupe de témoins représente l'Association des courtiers d'assurance du Canada. Nous accueillons M. Rod Jones, président, Mme Joanne Brown, directrice générale, et quelques autres personnes. Merci beaucoup d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Je vous invite à présenter votre exposé.
M. Rod Jones, président, Association des courtiers d'assurance du Canada: Nous sommes très heureux de constater que l'ABC a changé d'attitude en ce qui concerne la concurrence. Nous sommes toujours partisans de l'égalité des droits et des chances, et on dirait que les banquiers ont fini par écouter. Nous avons hâte que les règles du jeu soient équitables pour l'ABC et nous.
À notre point de vue, les modifications de 1992 qui nous ont touchés ont été acceptables. Nous félicitons le gouvernement fédéral des efforts qu'il a faits sur ce plan. L'ACAC est convaincue que les restrictions visant la vente au détail d'assurance IARD par les réseaux de succursales des institutions de dépôt ont été maintenues pour le plus grand bien du consommateur. Il est clair à nos yeux que ces restrictions ne feront pas l'objet d'une révision avant l'an 2002 au moins.
Le président: Mettons les choses au point. Je crois que le livre blanc dit clairement tout d'abord qu'elles ne seront pas revues tant que le groupe de travail n'aura pas remis son rapport. Deuxièmement, cela laisse entendre, implicitement, qu'elles seront revues dans une éventuelle mesure législative découlant du rapport du groupe de travail. Cette mesure législative entrera en vigueur au plus tard en 2002. Je vous préviens que, selon moi, cet examen viendra probablement en l'an 2000, plutôt.
M. Jones: La grande tâche du groupe de travail envisagé devrait être de tracer la voie de l'avenir pour le secteur des services financiers. Son travail devrait nous acheminer vers la révision de 2002 et non constituer une évaluation à mi-parcours des décisions prises très clairement par le gouvernement fédéral. Le groupe de travail devrait marquer le début de l'élaboration d'une politique cadre dont le secteur des services financiers a grand besoin, pourvu qu'aucun des protagonistes ne soit exclu, comme cela est arrivé par le passé.
De plus, une évaluation approfondie de la concentration dans le secteur des services financiers et de son effet sur la concurrence devrait être entreprise. Cette préoccupation est un thème qui est sans cesse revenu au cours de cette révision et d'autres démarches semblables par le passé.
Au début de 1995, l'ACAC a recommandé au gouvernement fédéral de faire une étude approfondie de cette question. À ce moment-là, nous étions convaincus que cette étude garantirait que toutes les décisions futures en matière de politique se prendraient dans l'intérêt bien compris de toutes les parties, et surtout des consommateurs canadiens, et rien n'a amené l'ACAC à changer d'avis.
En outre, pour le gouvernement, la réglementation des activités et du comportement des conglomérats demeure un défi. Dans l'optique de l'intérêt public, c'est là un domaine qu'il ne faudrait pas négliger. Compte tenu de cette préoccupation exprimée par de nombreux intéressés, nous proposons que le groupe de travail et le gouvernement étudient cette question plus à fond.
Il nous faut acquérir une compréhension plus approfondie des problèmes de la protection des renseignements personnels et des ventes liées avant que nous ne prenions de nouvelles mesures importantes. Comme il y a un rapport entre la protection des renseignements personnels et les ventes liées, on ne saurait étudier les deux questions isolément l'une de l'autre. Le secteur des services financiers est unique, et il faudrait en tenir compte dans l'élaboration de nouvelles lois sur les renseignements personnels et les ventes liées.
De plus, comme nous l'avons dit à ce comité-ci -- le sénateur Kirby se rappellera peut-être nos discussions à ce sujet --, si bonnes soient les intentions, il est difficile de réglementer les perceptions.
Les excès en matière d'accessibilité ne sont qu'un objet de préoccupation. Plus fondamentalement, nous devons nous interroger sur la nature même du droit à la protection des renseignements personnels. C'est pourquoi l'ACAC recommande que le Parlement ou un groupe de travail soit invité à faire une étude plus approfondie de la question des renseignements personnels et des ventes liées -- que ces ventes se fassent en secret ou au grand jour -- sous l'angle des effets sur les consommateurs de services financiers.
Les propositions exposées dans le document de consultation sont des mesures qui vont dans le sens d'une solution à ces problèmes, et nous attendons avec intérêt des propositions plus détaillées. Pour l'instant, nous donnons le conseil suivant au gouvernement: pour garantir la meilleure protection qui soit des renseignements personnels, nous réclamons instamment que le règlement proposé comprenne une disposition interdisant la commercialisation au moyen de l'abonnement par défaut. Le règlement devrait stipuler aussi que la personne doit autoriser expressément la communication de renseignements personnels et préciser avec exactitude ce qu'il est permis de communiquer. Bien entendu, nous croyons qu'aucun consentement d'application générale n'est acceptable, et le règlement doit le dire explicitement.
Quant à nous, nous travaillons en étroite collaboration avec le Bureau d'assurance du Canada en vue d'adopter un code d'éthique qui englobe le code du respect de la vie privée du consommateur adopté par l'Association canadienne de normalisation.
En ce qui concerne les chevauchements et les dédoublements, l'ACAC propose que des efforts soient faits pour harmoniser davantage les lois fédérales et provinciales en matière d'assurance de façon que les mêmes règles et les mêmes normes de formation s'appliquent à tous ceux qui vendent de l'assurance. Plus précisément, nous recommandons la mise sur pied d'un groupe de travail sur l'harmonisation en matière d'assurance. Ce groupe conjoint, formé de représentants du gouvernement et du secteur de l'assurance, soumettrait des recommandations aux ministres fédéral et provinciaux responsables du secteur financier. Nous possédons de l'expérience dans ce domaine, et nous serions très heureux de prêter main-forte aux gouvernements.
En ce qui concerne les questions d'ordre technique, nous soumettons les réflexions suivantes à votre examen. Il est important de signaler que la souscription d'assurance n'est qu'un des services proposés par les courtiers d'assurance. Ainsi, nous intervenons régulièrement au nom de clients pour faire régler des réclamations. Parmi nos autres fonctions, notons l'évaluation des risques, le choix de marché, les garanties, le service après-vente et la mise au point de produits. C'est pourquoi nous estimons qu'il faudrait modifier le libellé de l'article 416 de la Loi sur les banques pour traduire l'intention qui sous-tend la politique fédérale interdisant aux institutions de dépôt de se lancer dans des activités qui sont celles des intermédiaires du secteur de l'assurance.
Il est également très difficile de déterminer quand il y a infraction au règlement sur la promotion. Nous proposons donc que soit revue la définition du terme «promotion» pour qu'il désigne seulement la publicité au lieu de tout l'éventail des moyens de promotion, comme c'est le cas maintenant. En outre, nous recommandons l'ajout d'une définition du terme «sollicitation». Notre exposé de position présente des propositions concrètes à la lumière de ces préoccupations.
Comme nous l'avons déjà vu avec les membres du comité par le passé -- là encore, le sénateur Kirby se souviendra peut-être de notre échange à ce sujet -- la politique fédérale est claire. Les services de courtage en assurance sont bien distincts de l'assurance. Cette distinction ne doit pas changer. Les institutions de dépôt ne doivent pas être propriétaires de firmes indépendantes de courtage.
Pour conclure, l'ACAC appuie l'orientation du document fédéral de consultation et un grand nombre de ses principes.
Tout d'abord, le groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers devrait marquer le début de l'élaboration d'une politique cadre saine pour ce secteur d'activité. Son mandat doit être clair et précis.
Deuxièmement, nous et toutes les autres parties intéressées devons collaborer à la constitution et aux activités du groupe de travail pour faire en sorte que ses membres tiennent compte des caractéristiques propres au secteur canadien des services financiers.
Troisièmement, il faut faire une évaluation approfondie de la question de la concentration des sociétés.
Quatrièmement, le Parlement ou un groupe d'étude doivent examiner de près les questions de la protection des renseignements personnels et des ventes liées.
Cinquièmement, quelques modifications mineures s'imposent dans les dispositions législatives et réglementaires si l'on veut s'assurer qu'elles reflètent fidèlement la politique du gouvernement.
Pour notre part, nous étudierons de façon passablement détaillée un grand nombre de ces questions à d'autres étapes du processus d'examen, au cours des prochains mois. Nous avons grand hâte que le groupe de travail se mette à l'oeuvre.
Merci de nous avoir donné l'occasion de vous faire part de notre point de vue. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Le sénateur Meighen: Vous êtes disposés, avez-vous dit, à collaborer étroitement avec le groupe de travail pour trouver des solutions à certains des problèmes que vous avez soulevés. Dans l'immédiat, y a-t-il des choses pressantes qui n'exigent pas d'intervention législative, mais qui peuvent se régler au moyen de dispositions réglementaires et dont vous voudriez que nous recommandions au gouvernement de s'occuper tout de suite?
M. Jones: Le document que nous vous avons présenté explique les problèmes qui nous inquiètent particulièrement. Nous avons des préoccupations au sujet de certaines définitions, comme j'y ai fait allusion dans mes observations. Il faut resserrer la réglementation pour en assurer une interprétation juste.
Le sénateur Meighen: Dans quelle mesure l'étude du groupe de travail vous paraît-elle urgente? Pouvez-vous préciser les délais?
M. Jones: Nous n'avons pas beaucoup réfléchi aux délais. Dans le plus de prudence possible, nous croyons qu'il faut que tous participent aux échanges librement et fassent valoir les divers points de vue, dont le nôtre. Nous serions heureux que ce travail débute le plus tôt possible.
Le sénateur Meighen: Si un groupe parlementaire ou un groupe de travail étudiait la question des ventes liées, dans quelle mesure est-ce que cela équivaudrait à tenter de légiférer en matière de moralité? Une fois qu'il est dit clairement que les ventes liées sont interdites, pensez-vous, sans y avoir longuement réfléchi, qu'il y ait autre chose qu'on puisse faire?
M. Jones: C'est une grande question. Nous ne possédons pas la réponse. Comme nous l'avons dit, il est difficile de réglementer les impressions qu'on peut avoir. Or, nous croyons que c'est de cela qu'il s'agit ici. La seule façon pour nous d'élaborer des dispositions réglementaires définitives, c'est que notre groupe se réunisse pour discuter de la question.
Non, nous n'avons pas de solutions à ce problème pour l'instant.
Le sénateur Meighen: Croyez-vous que le problème est grave en ce moment?
M. Jones: Bien sûr. Il y a des gens qui sont venus nous parler de leurs inquiétudes parce que des ventes liées leur sont imposées par les banques. Ces gens ne veulent pas que nous utilisions l'exemple de leur cas par crainte de représailles qui les empêcheraient de poursuivre leurs activités commerciales. Nous croyons que le problème est très grave.
Le sénateur Meighen: Les exemples concrets semblent faire défaut. Il y a aussi une autre question, celle de savoir si les perceptions qu'on peut avoir sont fondées, car, dans certains cas, le client amorce la discussion pour tenter d'obtenir un meilleur taux. Cela est ensuite interprété à tort comme un problème de ventes liées.
M. Jones: Nous avons quelques exemples, et nous sommes disposés à vous les communiquer. Malheureusement, ils ne sont pas très nombreux parce que les personnes en cause, par crainte des conséquences, refusent que nous nous servions de leur cas.
M. André Bois, Association des courtiers d'assurances du Canada: Aux États-Unis, le bureau du contrôleur de la monnaie a publié des lignes directrices sur les ventes liées. L'une de ces lignes directrices porte sur la communication d'une information claire au consommateur lui disant qu'il a toute liberté quant à l'achat de produits secondaires se rattachant à la transaction de crédit. Il y a au moins quelques exemples américains dont on peut s'inspirer.
L'un des problèmes est que les consommateurs ne portent pas plainte. Quand on vous accorde crédit, vous craignez que votre ligne de crédit ne soit remise en question si vous vous plaignez d'avoir été forcé de souscrire une assurance. Le problème est simple: lorsqu'on emprunte, on reçoit l'argent, et c'est le banquier qui le donne; quand on souscrit de l'assurance, on verse de l'argent à la société d'assurance. Je simplifie peut-être à outrance, mais, sur le plan psychologique et dans l'équilibre des forces en présence dans ces transactions, l'une des parties est en position de faiblesse face à la banque et en position de force face à la société d'assurance. Lorsqu'il s'agit de souscription d'assurances, c'est l'assuré qui est en position de force, car la société d'assurance cherche à obtenir la prime. Dans la transaction bancaire, le consommateur mendie de l'argent. Compte tenu du contexte, il est très difficile de recueillir des preuves concrètes.
[Français]
Le sénateur Meighen: Je comprends la différence entre les deux, mais revenons à la première question. Il est admis que les banques ont un manuel de procédures et de règlements qui défendent à leurs employés de faire du «type selling». Si je comprends bien, ce que vous réclamez, ce serait une déclaration ou un règlement de la part des autorités réglementaires pour défendre aux banques de pratiquer le «type selling», est-ce que c'est bien cela? En tirant l'exemple des Etats-Unis.
M. Bois: Ce qui est réclamé, c'est une étude sérieuse de la question. M. Jones nous disait qu'avant de conclure qu'il y a un problème -- et nous prétendons qu'il y a un problème -- il devrait y avoir une étude sérieuse de la question. Une fois que cette étude sera complétée, nous pourrons déterminer quels sont les besoins réglementaires. Pour le moment, aucune étude n'a été conduite pour déterminer où le problème se situait. Cela fait partie de la troisième conclusion du «opening statement» de M. Jones.
Le sénateur Meighen: Mais le ministre lui-même a conclu qu'il n'y avait pas de problème, mais c'est peut-être une autre histoire.
M. Bois: Je répète ce j'ai dit tout à l'heure, les consommateurs ne se plaignent pas. Je suis un avocat qui a défendu des consommateurs contre Desjardins dans des transactions d'assurance-vie attachées à des opérations de crédit, et la plupart ne veulent pas poursuivre, ils ont peur.
Le sénateur Meighen: Je comprends votre problème. Mais vous êtes avocat, vous savez que si vous n'avez pas de témoins vous risquez de perdre votre cause.
M. Bois: Généralement, le témoin mord parce que c'est l'emprunteur qui est le témoin. Et voilà!
[Traduction]
Le sénateur Stewart: J'essaie de comprendre ce qu'on est en train de dire.
Supposons une situation dans laquelle le consommateur prend l'initiative de ce que certains peuvent considérer comme une transaction liée. Je me présente à la banque et je dis: "J'ai un dépôt à faire. Je fais passablement d'affaires avec vous, et je voudrais que vous en teniez compte." Auriez-vous des objections à ce que deux domaines d'activité soient confondus lorsque c'est moi, consommateur, qui prend l'initiative?
M. Bois: Si le consommateur demande des conditions plus avantageuses en disant: «Je prends ma ligne de crédit chez vous et je voudrais un taux de rendement plus élevé sur un REÉR», cela est intéressant pour le consommateur. La situation est claire et nette. Le problème, dans les ventes liées, c'est le lien entre l'assurance et la transaction de crédit, car celui qui obtient le crédit est en position de faiblesse. C'est la seule difficulté.
Le sénateur Stewart: Ce que vous déplorez, ce n'est pas la confusion entre deux types de transaction, puisque vous nous avez déjà dit que cela est acceptable dans certaines circonstances, mais le fait que la banque livre une concurrence injuste à votre secteur.
M. Rick Frost, président du comité des institutions financières, Association des courtiers d'assurance du Canada: Cela résume exactement la situation.
Je voudrais vous donner un exemple de ce qui m'est arrivé lorsque j'ai demandé un prêt à la banque avec laquelle je fais affaire. C'est un prêt commercial relativement important qui m'a été consenti il y a environ huit ans. Lorsque j'ai demandé le prêt, on m'a dit que la banque pouvait nous offrir l'assurance-vie. Ce n'était pas le seul moyen d'obtenir de l'assurance-vie, mais les choses étaient présentées de telle sorte que nous pensions que, en acceptant, nous avions de meilleures chances d'obtenir le prêt. Nous avons contracté l'emprunt et nous avons souscrit l'assurance-vie parce que nous avons eu l'impression que cela nous aiderait à obtenir l'argent. Personne ne nous a braqué un pistolet sur la tempe en nous disant que nous n'avions pas le choix. La banque nous a dit que nous pourrions, si nous le voulions, fournir cette assurance nous-mêmes, puisque notre domaine d'activité était l'assurance-vie.
Comme on nous l'a dit depuis, la banque veut que nous lui confiions toutes nos affaires. Nous ne sommes pas toujours en mesure de dire non. Aujourd'hui, heureusement, je puis dire à ma banque que nous n'avons pas besoin de sa police d'assurance, que nous allons nous assurer nous-mêmes.
Ce qui nous inquiète, c'est que, lorsqu'un consommateur s'adresse à une banque pour emprunter afin d'acheter un bateau, par exemple, il lui faudra beaucoup de cran pour dire non si le préposé aux prêts lui dit: «Pendant que j'approuve le prêt-bateau, nous allons demander à M. Dupont de vous préparer une assurance.» C'est pourquoi nous estimons que ces deux transactions doivent se faire séparément, comme c'est le cas en ce moment. Les banques nous livrent déjà concurrence sur le marché de l'assurance, mais elles ne le font pas par l'entremise de leurs succursales.
Le président: Connaissez-vous bien le code de protection des renseignements personnels que le Conseil canadien des normes a élaboré, depuis un an ou deux, et qu'il a rendu public au printemps?
M. Frost: Oui.
Le président: L'industrie et les consommateurs se sont associés. Tout un groupe représentatif a participé à l'élaboration de ce code. Y avez-vous été mêlé?
M. Frost: Oui.
Le président: Êtes-vous satisfait des résultats?
M. Frost: Dans l'ensemble, oui. Il y a quelques éléments que nous voudrions modifier, et nous espérons les faire approuver par l'Association des courtiers d'assurances du Canada.
Le président: Est-ce que le fait que l'Association des courtiers d'assurances du Canada ait annoncé qu'elle acceptait ce code et qu'il soit repris à l'intérieur du code des institutions bancaires ne vous rassure pas quelque peu, à propos de la protection des renseignements personnels?
M. Frost: Dans une certaine mesure, oui.
Le président: Pourquoi seulement dans une certaine mesure?
M. Frost: On en revient au même problème. Au bout du compte, ce sont toujours des êtres humains qui s'occupent de ces questions. Si vous me présentiez un exemple spécifique concernant les renseignements personnels, je serais peut-être mieux placé pour répondre. Le code dissipe en grande partie certaines de nos préoccupations. Si un banquier se trouvait à ma place et que vous lui posiez la même question à propos de notre code, il vous répondrait la même chose. De façon générale, le code apporte effectivement une solution a beaucoup de problèmes de protection des renseignements personnels.
Le président: Notre comité a amorcé à Ottawa le débat sur la protection des renseignements personnels il y a un certain temps. D'instinct, nous sommes portés à nous ranger du côté du consommateur, en ce qui concerne les renseignements personnels.
D'autre part, pour réagir à une affirmation que M. Jones a faite dans sa présentation d'ouverture et pour répondre au sénateur Meighen, je trouve quelque peu troublant que nous devions légiférer pour résoudre un problème qui se situe au niveau des perceptions plutôt que des faits. On peut bien dire que les êtres humains sont ce qu'ils sont et que, par conséquent, ils vont violer le code. C'est possible. Sur le plan de la logique et de l'intervention législative, j'ignore comment on peut régler le problème. Nous ne pouvons pas faire autrement que de supposer que, s'il y a un code -- nous parlons ici des banques, mais votre association, par exemple, peut avoir adhéré à ce code -- il sera respecté. Vos observations me donnent à penser que vous persistez à croire qu'il risque de ne pas l'être et que, par conséquent, il faut prendre encore d'autres mesures.
Pour commencer, je ne vois pas pourquoi nous devrions réagir à un problème de perception. Deuxièmement, je ne vois pas ce que nous pourrions y faire, de toute façon. Voilà mon avis, mais je serais heureux de connaître votre réaction.
Mme Joanne C. Brown, directrice générale, Association des courtiers d'assurance du Canada: Nous appuyons le code de l'Association canadienne de normalisation, bien que nous n'ayons aucunement participé à son élaboration. Après coup, nous avons travaillé sur ce code avec le Bureau d'assurance du Canada pour le faire cadrer avec le code de notre secteur d'activité.
L'Association des courtiers d'assurance du Canada cherche principalement, à propos de tous ces codes, à ce qu'il y ait un moyen d'informer les consommateurs qu'ils ont des recours s'ils estiment qu'on a porté atteinte à leur vie privée et, deuxièmement, à ce qu'il existe un moyen de les informer exactement de ce que comporte la protection des renseignements personnels. Il faut expliquer très clairement aux consommateurs leurs droits à cet égard pour qu'ils aient ensuite la possibilité de s'adresser à quelqu'un pour s'assurer qu'on n'a pas porté atteinte à leurs droits ou, s'ils ont l'impression qu'il y a eu atteinte, qu'ils sachent qu'ils ont le droit de demander un examen indépendant. Voilà, au fond, notre préoccupation. Si on veut sévir contre un membre du personnel ou quelqu'un d'autre qui déroge au code, il faut que les consommateurs aient des recours. Il y a des recours dans le cas des courtiers. Je peux perdre mon permis de courtier si je viole le code de protection des renseignements personnels.
Le président: Au fond, vous dites que les consommateurs -- si je vous ai bien compris, je suis tout à fait d'accord avec vous -- doivent avoir un mécanisme d'appel à leur disposition et doivent aussi comprendre leurs droits en matière de renseignements personnels.
Mme Brown: Exactement.
Le sénateur Meighen: Si la solution, c'est que le consommateur soit parfaitement informé, qu'y a-t-il de mal à ce qu'une banque soit propriétaire de la maison de courtage en assurance Durand, pourvu que le client Meighen soit au courant de ce lien de propriété? La banque peut dire par exemple: «À propos, si vous voulez souscrire une police d'assurance-vie, allez chez Durand. C'est au coin de la rue. Nous sommes propriétaires. Nous connaissons très bien M. Durand. C'est un très bon gars.»
M. Jones: Le problème est le même que lorsque la vente au détail se fait à la succursale. Le consommateur aura beaucoup de mal à prendre ses décisions en toute objectivité. On se trouve à priver le consommateur de sa liberté de choix. Il est forcé de faire quelque chose qui est peut-être contraire à ce qu'il veut.
Le sénateur Meighen: C'est là qu'est la difficulté. La distinction est délicate. On dit: «En passant, M. Dupont, cher client de la banque, si cela vous intéresse, nous pouvons vous proposer un prêt hypothécaire ou une police d'assurance. Nous pouvons aussi vous consentir un prêt. Nous sommes une excellente banque. Nous pouvons faire toutes sortes de choses pour vous, y compris des ventes liées,» ce qui, nous en convenons tous, doit être interdit.
La nuance est parfois très fine. Ce que le sénateur Kirby se demande, tout comme moi, c'est comment des mesures législatives peuvent résoudre le problème. Je me demande vraiment si elles le pourraient.
Mme Brown: Si une institution financière est propriétaire d'une maison de courtage en assurance IARD et indique à ses clients que cet assureur se trouve tout près, le consommateur doit savoir -- je veux dire s'il s'agit d'une société indépendante d'assurance IARD -- que la banque, qui peut aussi être propriétaire d'une société d'assurance ou avoir une préférence pour une société d'assurance, n'influencera pas le courtier indépendant pour qu'il vende un certain produit au lieu de celui qui répond le mieux aux besoins du consommateur. Voilà le problème fondamental, selon nous. Si une institution financière ou une société d'assurance veut avoir son réseau de distribution, elle devrait avoir un agent exclusif. Autrement dit, elle devrait retenir les services d'un agent, comme Allstate le fait, et lui faire exploiter le réseau. Le public saura que cette personne n'est pas un courtier indépendant en assurance IARD, mais un agent qui vend les produits d'une société donnée. Les consommateurs sauraient ce qu'ils achètent, et ils sauraient que certaines options ne leur sont pas offertes.
Le sénateur Meighen: Si une maison appartient à une autre institution, je présume qu'elle ne peut pas se dire «indépendante».
Mme Brown: Exact. Le courtier ne doit pas être considéré comme indépendant si sa maison appartient au fabricant du produit.
Le président: Merci d'avoir comparu aujourd'hui. Nous vous savons gré d'avoir eu l'obligeance de le faire. Et merci de votre mémoire.
La séance est ajournée jusqu'à 14 heures.