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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 11 - Témoignages - Séance du matin


OTTAWA, le jeudi 3 octobre 1996

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 9 heures pour examiner l'état du système financier canadien (examen de la législation régissant les institutions financières).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous entendrons d'abord ce matin des témoins de Capital générale électrique du Canada: le vice-président et avocat-conseil, M. Michael Davies, et le vice-président aux Affaires gouvernementales, M. Bob Weese.

Bienvenue.

M. Michael Davies, vice-président et avocat-conseil, General Electric Capital Canada Inc.: Vous aurez sûrement remarqué que nous sommes relativement nombreux ici ce matin. C'est parce que GE Capital a des liens au Canada avec une quinzaine de sociétés de services financiers tout à fait différentes; nous avons donc pensé qu'il serait utile d'avoir avec nous des gens qui connaissent chacune de ces sociétés pour qu'ils puissent répondre à toutes vos questions.

Le président: Avant de commencer, j'aimerais savoir si toutes ces sociétés, par exemple celles qui s'occupent du financement d'équipement ou du financement de la vente au détail, sont vraiment des sociétés distinctes.

M. Davies: Certaines le sont et d'autres pas. Dans le cas du financement d'équipement, il s'agit effectivement d'une entreprise distincte. Mais les services liés à la vente au détail relèvent de Capital générale électrique du Canada Inc., qui regroupe cinq ou six sociétés financières différentes. Certaines -- une douzaine environ-- ont leur propre raison sociale. Mais toutes sont des filiales appartenant entièrement à GE Capital.

Le président: Donc, quand on entend dire que GE Capital fait quelque chose, il peut s'agir de la société mère ou d'une de ses filiales.

M. Davies: Oui, mais toutes ces filiales lui appartiennent à 100 p. 100; elles sont toutes regroupées sous la même bannière.

Le sénateur Angus: Est-ce qu'elles s'occupent toutes de services financiers ou si vous êtes présents dans d'autres domaines également?

M. Davies: Elles offrent toutes des services financiers, sénateur, du moins dans le sens où nous l'entendons. Une de nos entreprises, Technology Services, s'occupe de la vente et de la location d'ordinateurs. Nous considérons qu'il s'agit d'une société de services financiers; cela fait partie du fonctionnement de GE Capital. Mais au Canada, il y a seulement quelques-unes de nos sociétés qui offrent sensiblement les mêmes services que les banques, même si nous les considérons comme des sociétés de services financiers au sens large.

M. Bob Weese, vice-président aux Affaires gouvernementales: Permettez-moi d'ajouter un petit commentaire: la Générale Électrique possède au Canada d'autres sociétés qui ne s'occupent pas de services financiers et qui ne font pas partie de GE Capital.

Le sénateur Angus: Si je me souviens bien, vous possédiez à une certaine époque un service de messageries ou de livraison rapide comme Purolator. C'est pour cela que j'ai posé cette question.

M. Davies: Oui, nous en avions un à un moment donné, et nous l'avons vendu. C'était une de nos sociétés parmi d'autres.

Au nom de Générale Électrique Capital du Canada et de notre société mère, GE Capital, nous sommes heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de vous présenter nos vues sur le Livre blanc.

Permettez-moi tout d'abord de situer un peu mieux GE Capital. Il s'agit d'une société qui appartient entièrement à la compagnie General Electric et qui contribue actuellement pour un peu plus du tiers à ses recettes globales. Je veux parler bien sûr de ses recettes à l'échelle mondiale. Notre société mère, GE Capital, a son siège social à Stamford, Connecticut. Elle offre des services financiers diversifiés et comprend environ 25 entreprises; elle possède un actif d'à peu près 200 milliards de dollars et bénéficie d'une cote de crédit triple A.

Par l'entremise de ses filiales canadiennes, GE Capital est présente ici depuis 1937; elle possède actuellement un actif productif net d'environ 5 milliards de dollars dans différentes sociétés canadiennes et emploie plus de 2 000 personnes au Canada. Notre siège social se trouve à Mississauga, en Ontario, mais nous avons des bureaux partout au pays. Nous sommes engagés dans plus d'une douzaine d'activités touchant les services financiers, notamment la location et le financement d'équipement, la location d'automobiles et de wagons de chemin de fer, le financement de la vente au détail, le financement de projets industriels et le financement immobilier commercial.

Quel est le rapport entre ces activités et celles des banques canadiennes? En fait, il y a relativement peu de chevauchement entre les activités de GE Capital au Canada et celles des banques canadiennes. Certains services offerts par GE Capital, en particulier nos services de financement d'équipement, chevauchent ceux qu'offrent les banques canadiennes, mais en général, ils ont tendance à être complémentaires plutôt que directement concurrentiels. Ils répondent habituellement aux besoins d'un clientèle différente.

Nous prêtons normalement en fonction du ratio de l'endettement par rapport à la marge brute d'autofinancement plutôt que du ratio d'endettement simple. Par conséquent, nous fournissons souvent du financement à des gens à qui les banques hésitent à consentir des prêts.

Nous connaissons très bien l'équipement que nous finançons dans le monde entier. Nous sommes donc en mesure d'offrir des ratios de financement plus élevés.

Nous avons des débouchés partout dans le domaine de la revente d'équipement parce que nous avons des filiales dans le monde entier. Cela nous permet souvent d'offrir à des petites et moyennes entreprises des capitaux qu'elles ne pourraient pas obtenir autrement.

Nous avons également appliqué avec succès des stratégies d'investissement anticycliques. Lorsque les banques se retirent d'un marché donné, par exemple le secteur immobilier commercial, nous nous y lançons et nous comblons le vide qu'elles y ont laissé.

Enfin, nous offrons aussi aux entreprises canadiennes une gamme complète de services groupés et de services à valeur ajoutée. En plus du financement, nous offrons des services d'entretien d'équipement, de location et de gestion de parcs automobiles -- nous gérons en effet l'ensemble du parc automobile de nombreuses grandes entreprises. Nous assurons aussi des services d'achat à rabais et de revente d'équipement en fin de bail. Nos services sont très complets.

Est-ce que GE Capital est une banque? Non, ce n'en est pas une, ni aux États-Unis ni ailleurs, et elle n'accepte pas de dépôts. Elle est par contre une «banque étrangère» selon la définition très générale contenue dans la Loi sur les banques, parce que le genre de services qu'elle offre aux États-Unis s'apparente à certains de ceux qu'une banque peut offrir. Par conséquent, nous avons dû à plusieurs reprises obtenir une autorisation du Cabinet en vertu de l'article 521 de la Loi sur les banques, soit pour acquérir une nouvelle société au Canada, soit pour réorganiser l'une ou l'autre des sociétés financières que nous possédons ici. Il y a deux ans, pour obtenir une autorisation de ce genre, nous avons dû nous engager par écrit auprès du BSIF à restreindre nos activités de diverses façons et, plus particulièrement, à ne pas nous financer sur le marché de détail.

Ce qui nous amène au Livre blanc lui-même. La proposition qui nous intéresse tout particulièrement, dans ce Livre blanc, est celle qui porte sur les quasi-banques. D'après la définition qu'en donne le Livre blanc, une quasi-banque étrangère est une entité qui n'accepte pas de dépôts, qui n'est pas soumise à la réglementation bancaire dans son pays d'origine, mais qui offre un ou plusieurs services de nature bancaire. C'est le cas de GE Capital, tout comme de GMAC ou de Chrysler Credit. Nos sociétés mères ne sont pas des banques; elles n'acceptent pas de dépôts, et nous non plus. Mais nous offrons des services de nature bancaire, et c'est dans ce sens-là qu'il y a un certain chevauchement.

Depuis le début de l'examen de la Loi sur les banques l'an dernier, nous avons dit publiquement que les sociétés comme GE Capital, qui n'acceptent pas de dépôts, ne devraient absolument pas être assujetties aux dispositions de la Loi sur les banques, ni à la réglementation et à la surveillance qui en découlent, et ce pour un certain nombre de raisons.

Comme je l'ai mentionné, GE Capital n'est pas une banque. Nous ne sommes pas assujettis à la réglementation bancaire, ni aux États-Unis, ni ailleurs. Nous n'acceptons pas de dépôts de détail, et nos filiales canadiennes non plus. Nous ne participons pas au système de paiements et nous ne l'exposons donc pas à des pertes découlant de l'assurance-dépôts. Par conséquent, la question des dépôts ou de leur protection ne se pose pas vraiment.

À notre avis, la surveillance réglementaire dans ces circonstances impose des coûts administratifs, des retards et des incertitudes inutiles, tant pour le gouvernement que pour les sociétés, et ne semble pas nécessaire dans l'intérêt public.

À l'heure actuelle, le Cabinet doit approuver les réorganisations interentreprises aux termes de la Loi sur les banques. Si nous voulons transférer des éléments d'actif de la Compagnie A à la Compagnie B, au Canada, même si ces deux sociétés nous appartiennent à 100 p. 100, nous devons obtenir l'approbation du BSIF et même du Cabinet.

De même, si nous étions autorisés à acquérir l'actif d'une société et que nous voulions étendre l'activité de cette société dans le même domaine quelques années plus tard, la Loi sur les banques, telle qu'elle est libellée actuellement, nous obligerait à demander une autorisation au Cabinet, ce qui est un processus long et compliqué.

Si nous estimons que nos activités ne devraient pas être réglementées, c'est aussi parce que nos principaux concurrents au Canada ne sont pas des banques, mais d'autres prêteurs sur actif. Ce sont des sociétés qui appartiennent à des Canadiens et qui ont leur siège social au Canada, par exemple Newcourt Credit Group. Or, ces sociétés ne sont pas assujetties à la réglementation bancaire au Canada. Et si elles s'installent aux États-Unis, elles ne sont pas surveillées non plus comme le sont les banques; elles sont soumises exactement à la même réglementation que GE Capital.

Conformément à la notion de traitement national définie dans les accords de l'ALÉNA et de l'OMC, les quasi-banques étrangères comme GE Capital devraient être traitées de la même façon que les prêteurs sur actif du pays même, puisque c'est à eux qu'elles font concurrence.

Pour finir, la proposition contenue dans le Livre blanc, dans la mesure où elle s'appliquerait aux quasi-banques, ferait en sorte que toutes les quasi-banques étrangères seraient traitées de la même façon. Actuellement, seules celles qui ont eu à demander une autorisation en vertu de la Loi sur les banques ont dû signer cet engagement et restreindre leurs activités au Canada. Celles qui n'ont fait aucune acquisition ne sont toujours pas réglementées et n'ont pas eu à signer d'engagement. Le Livre blanc propose de traiter toutes les quasi-banques de la même façon. À notre avis, cette proposition permettrait d'éliminer cette contradiction.

Nous sommes tout à fait d'accord sur le principe d'un assouplissement de la réglementation applicable aux quasi-banques au Canada. Mais comment cet assouplissement s'effectuerait-il?

Le Livre blanc prévoit que, une fois qu'elles seraient autorisées aux termes de la Loi sur les banques à s'implanter sur le marché canadien -- ce qu'elles ont été il y a bien des années --, les quasi-banques n'auraient pas à se soumettre à d'autres règlements dans la mesure où elles ne se financeraient pas sur le marché de détail.

Or, il se trouve que GE Capital Canada met sur le marché depuis plusieurs années des instruments financiers dont la valeur dépasse 100 000 $. C'est le seuil proposé par le BSIF pour définir le financement sur le marché de détail. La proposition portant sur l'interdiction de se financer sur le marché de détail ne nous pose aucun problème. Mais nous comprenons qu'elle constitue un sérieux casse-tête pour beaucoup d'autres sociétés qui se financent sur le marché du papier commercial et le marché à moyen terme, par exemple pour des sommes de 5 000 $ ou 10 000 $. Il me semble d'ailleurs que les courtiers en valeurs mobilières ont comparu devant votre comité pour exprimer les mêmes préoccupations au sujet de cette disposition relative au financement sur le marché de détail.

On nous a dit qu'il y avait des discussions en cours à ce sujet avec le BSIF et le ministère des Finances, et que le BSIF avait l'intention de présenter une proposition révisée qui établirait une distinction entre les quasi-banques et les banques. Nous nous ferons un plaisir de commenter cette proposition lorsqu'elle sera déposée.

Nous comprenons aussi les préoccupations que d'autres sociétés, qui sont en fait des banques étrangères, ont exprimées devant le comité au sujet des répercussions qu'auraient pour elles les propositions contenues dans le Livre blanc. En effet, le Livre blanc établit une distinction entre deux catégories d'institutions. Il y a d'abord les quasi-banques comme GE Capital, Chrysler Credit et GMAC, dont la société mère n'est pas une banque étrangère et qui ne s'occupent pas véritablement d'activités bancaires. C'est notre cas; nous sommes très loin d'être une banque.

Il y a d'autre part les entités dont la société mère est une banque étrangère; c'est le cas par exemple de la Capital One Financial Corporation et de TransCanada Credit. La question qui se pose à leur sujet, par suite de la proposition contenue dans le Livre blanc, c'est si elles devraient ou non être considérées automatiquement comme des banques, comme le prévoit le Livre blanc, et être tenues de fonctionner comme des banques au Canada. Ces institutions soutiennent que, ce qui compte vraiment, c'est de savoir si elles offrent des services bancaires au Canada, et non ce qu'elles font chez elles. Mais la question est tout à fait différente dans le cas des quasi-banques. Nous ne sommes pas des banques, ni l'étranger ni ici, et nous appuyons la politique proposée dans le cas des quasi-banques.

Pour conclure, GE Capital offre toute une gamme de services financiers. Aucun de ces services n'est réglementé en vertu de la Loi sur les banques lorsqu'il est assuré par une entreprise canadienne semblable. Nous ne sommes pas dans le domaine bancaire. Nos principaux concurrents au Canada ne sont pas des banques. Et par ailleurs, conformément à la notion de traitement national, nous estimons que nous ne devrions pas être réglementés davantage, au Canada, que les quasi-banques canadiennes semblables.

Même si nous sommes d'avis que les quasi-banques qui sont implantées au Canada ne devraient être soumises à aucune réglementation ni à aucune condition particulière, nous appuyons les principes énoncés dans le Livre blanc au sujet des quasi-banques, sous réserve d'un règlement satisfaisant de la question du financement sur le marché de détail et à condition -- comme le BSIF l'a confirmé -- que les engagements actuels ne soient plus nécessaires. Quant aux propositions sur les banques étrangères, c'est une autre histoire, et cela ne nous touche pas.

Si ces problèmes sont résolus, nous appuyons la proposition qui allégerait la réglementation visant les quasi-banques au Canada.

Monsieur le président, nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le sénateur Angus: Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Davies, ainsi qu'à vos collègues.

Vous avez suivi nos délibérations et examiné les questions que pose le Livre blanc. Si j'ai bien compris votre conclusion, vous êtes relativement satisfaits du texte actuel du Livre blanc, sauf pour ce qui est de la question du financement sur le marché de détail.

M. Davies: En ce qui nous concerne, oui.

Le sénateur Angus: Mais même cette question vous préoccupe assez peu parce que vous n'êtes pas présents sur ce genre de marché, n'est-ce pas?

M. Davies: Effectivement, mais comme cette question du financement sur le marché de détail crée des problèmes sérieux pour d'autres joueurs, nous devrons attendre de voir ce qu'on nous proposera comme solution de rechange. Nous prévoyons que la proposition sera acceptable pour nous, mais nous ne pouvons pas nous prononcer avant de l'avoir vue.

Le sénateur Angus: Si je comprends bien, la douzaine de sociétés que vous possédez au Canada dans le domaine des services financiers sont toutes déréglementées; la seule réglementation à laquelle vous avez dû vous plier, c'est au moment de votre entrée au Canada, puisque vous avez alors été obligés de signer un engagement ou d'obtenir un décret du conseil?

M. Davies: Oui. C'est vraiment un contrôle d'entrée. Si vous voulez vous lancer dans un secteur ou faire une acquisition, vous devez passer par là, et c'est un processus qui peut être assez long et compliqué.

Le sénateur Angus: Vous avez dit que même ce contrôle-là était inutile?

M. Davies: Le Livre blanc confirme qu'il n'est pas nécessaire, dans la mesure où les sociétés respectent ces deux exigences.

Le sénateur Angus: Si vous êtes une quasi-banque étrangère, au sens de la définition contenue dans le Livre blanc et dans certains autres documents, vous n'êtes évidemment pas une banque étrangère. Pourtant, bien des témoins nous ont dit que leurs sociétés étaient considérées comme des banques étrangères en vertu de cette définition, même si elles offrent encore moins de services bancaires ou de services connexes que vous. C'est strictement à cause de la nature de leur société mère. Autrement dit, quelque part dans la chaîne d'affiliation qui les relie à leur société mère américaine, il y a quelqu'un qui, de près ou de loin, d'après les gens de notre gouvernement, a toute les apparences d'une banque. Ces sociétés sont dès lors assujetties à toutes sortes de règlements et ne sont donc pas sur le même pied que vous.

M. Davies: Nous comprenons leurs préoccupations et nous ne contestons pas leur position. Nous ne sommes pas de l'autre côté de la clôture. Ce que nous disons, c'est que notre société mère n'est pas une banque aux États-Unis. Par conséquent, ce que vous et le gouvernement devez déterminer pour le moment, c'est si une institution considérée comme étant une banque dans son pays d'origine devrait être considérée de la même façon au Canada à tous les égards, ou si la réglementation devrait s'appliquer selon les services offerts au Canada, quels que soient les services offerts par la société dans son pays d'origine. De toute façon, nous répondons aux critères parce que nous ne sommes pas une banque et parce que les services que nous offrons au Canada ne sont pas des services bancaires de base. Ce sont des services semblables à ceux qu'offrent des entreprises canadiennes non réglementées.

La question est de savoir si les banques étrangères devraient être assujetties automatiquement à la réglementation bancaire ou s'il faudrait maintenir la politique actuelle, à savoir un examen au cas par cas si la société mère est une «banque étrangère». Capital One s'est soumise à ce processus à titre de banque étrangère et a obtenu l'autorisation nécessaire. C'est une question que vous devez régler, mais elle n'a pas d'incidence directe sur notre cas puisque notre société mère n'est pas une banque étrangère.

Le sénateur Angus: Vous avez dit aussi que vous compreniez la position de vos concurrents qui sont visés par cette anomalie et que vous n'étiez pas ici pour contester cette position.

M. Davies: Nous ne sommes certainement pas ici pour nous opposer à leur position. Si ces sociétés réussissent à convaincre les gens qu'elles devraient pouvoir s'implanter au Canada de façon sélective, en tant que banques étrangères, ou qu'elles devraient faire l'objet d'un examen visant à déterminer ce qu'elles font et le statut que chacune devrait avoir, nous n'avons absolument aucune objection à cela.

Le sénateur Angus: Et vous savez que beaucoup de ces sociétés se sont implantées au Canada parce qu'elles pensaient bénéficier ici d'un marché libre et ouvert?

M. Davies: Oui. Je comprends très bien leurs préoccupations, mais ce n'est pas un problème qui nous touche parce que nous ne sommes pas dans la même situation.

Le sénateur Angus: Vous avez mentionné par exemple votre douzaine de sociétés, et vous avez parlé du secteur des services financiers. Dans vos remarques préliminaires, vous avez insisté sur le fait que vous n'êtes pas une banque. Est-ce que j'ai manqué quelque chose ou si vous avez dit cela simplement pour nous faire comprendre que vous devriez être considérés comme une «quasi-banque étrangère» et pas autrement?

M. Davies: Oui, parce qu'il y a eu une certaine confusion. Il n'est pas toujours facile de comprendre la différence entre une quasi-banque et une vraie banque.

Je tiens également à préciser que, quand nous appuyons la proposition du Livre blanc, il ne s'agit pas d'exclure toutes les banques étrangères du Canada. Nous appuyons la proposition dans la mesure où elle faciliterait les choses aux quasi-banques. S'il s'avère que les choses sont plus faciles aussi pour les banques étrangères, cela ne nous dérange pas. Nous ne sommes pas contre, mais c'est une autre histoire.

Quand nous disons que nous ne sommes pas une banque, c'est parce que nous ne sommes pas soumis à la réglementation bancaire aux États-Unis. Les Américains ne définissent pas GE Capital -- ni aucune de ses sociétés d'ailleurs -- comme une banque. De même, ils ne considèrent pas que les sociétés de GE Capital dans d'autres pays sont des banques. La définition très large du concept de «banque étrangère» dans la Loi sur les banques du Canada s'applique à la Générale Électrique à cause de sa société mère. La proposition contenue dans le Livre blanc reconnaît qu'il devrait y avoir une distinction, et on a tiré la ligne au niveau des quasi-banques. Mais il faudrait peut-être supprimer cette distinction.

Le sénateur Angus: Vous avez parlé de certains de vos concurrents non réglementés. J'aimerais que tout le monde comprenne bien de qui il s'agit. Vous avez mentionné Newcourt.

M. Davies: Il y a Newcourt et ComCorp.

Mme Diane Hébert, vice-présidente aux Affaires juridiques, Financement d'équipement, Capital générale électrique du Canada Inc.: Tous les prêteurs sur actif sont des concurrents particulièrement importants.

M. Armin Sachse, vice-président au Marketing, Financement d'équipement, Capital générale électrique du Canada Inc.: Il y a aussi toute la gamme des sociétés de financement captives qui existent au Canada, par exemple Caterpillar Credit.

Le sénateur Angus: Connaissez-vous Congress Financial ou la compagnie qui appartient à Corestates; ce ne sont pas vos concurrents?

M. Sachse: Non.

M. Davies: Je ne les connais pas moi-même, sénateur. Je pense que ces sociétés ont comparu devant vous ou qu'elles vont comparaître. Si j'ai bien compris, elles sont visées par cette question des banques étrangères.

Le sénateur Angus: Il s'agit d'un prêteur sur actif, qui est lié à une banque aux États-Unis.

M. Davies: La société mère est une banque, et c'est pourquoi cette société est considérée comme une banque étrangère.

Le sénateur Angus: Y a-t-il d'autres éléments qui vous intéressent dans le Livre blanc? Prenons par exemple le projet de création d'un groupe de travail qui examinerait l'ensemble de l'industrie des services financiers au Canada. Est-ce que vous aimeriez comparaître devant ce groupe de travail? Avez-vous d'autres idées qui pourraient nous intéresser?

M. Davies: Sénateur, il me semble que l'ampleur de l'enquête que mènera ce groupe de travail n'est pas encore définie. S'il examine des questions qui nous touchent ou qui nous intéressent, et dans la mesure où nos suggestions pourront être utiles, nous envisagerons certainement la possibilité de présenter notre point de vue au groupe de travail. C'est un peu tôt pour le dire. Nous n'avons pas encore pris de décision précise.

Le sénateur Angus: En gros, vous êtes satisfaits. Vous fonctionnez dans un marché libre et ouvert, de façon relativement déréglementée et vous vous contenteriez du statu quo?

M. Davies: Non. En fait, sénateur, ce qui nous déplaît dans le statu quo, c'est que chaque fois que nous voulons faire quelque chose, que ce soit une réorganisation interne ou l'ajout d'une nouvelle société, nous devons nous soumettre à un processus long, complexe et coûteux, tant pour le gouvernement que pour nous, afin d'obtenir l'autorisation d'offrir un service que la plupart de nos concurrents canadiens offrent sans avoir besoin d'autorisation de ce genre. Nous disons la même chose que les auteurs du Livre blanc, à savoir que le maintien de ce régime de contrôle sur des sociétés qui ne sont pas des banques dans leur pays d'origine et qui n'offrent pas vraiment des services bancaires de base ici ne correspond plus à aucun impératif d'intérêt public. Nous ne disons pas que ce régime ne devrait pas être étendu aux banques. Il faut examiner ce qu'elles font vraiment au Canada. Comme je l'ai mentionné, nous ne sommes pas contre. C'est pourquoi nous appuyons la politique énoncée dans le Livre blanc, c'est-à-dire qu'il n'est pas nécessaire de réglementer et de surveiller des organisations qui, en réalité, ne sont pas des banques; cela n'a aucune utilité et devrait être supprimé.

Le critère retenu est celui du financement sur le marché de détail. Cela ne fonctionne pas. Il faut donc se demander en quoi consistent les services bancaires de base. Quelle est l'activité apparentée à l'acceptation de dépôts sur laquelle nous pourrions nous fonder pour mesurer ce que les sociétés n'ont pas le droit de faire? Après avoir été autorisés à nous implanter au Canada, nous devrions pouvoir poursuivre nos activités sans être obligés de demander de nouvelles autorisations.

Le sénateur Angus: J'en conclus, d'après votre déclaration, qu'il n'y a à peu près pas de chevauchement entre vous et les banques, et qu'en réalité, vos activités sont complémentaires à ce que font nos banques ici au Canada.

M. Davies: Nous sommes sur le même marché, tout comme Newcourt est sur le même marché que les banques, mais il est assez rare que nous soyons en concurrence directe. Il y a trois ou quatre de nos sociétés dont les activités chevauchent celles des banques. Il s'agit du secteur immobilier commercial, des services de financement d'équipement et des services de financement de la vente au détail, dont s'occupe M. Brennan; il s'agit cependant d'un aspect un peu différent, celui des cartes de crédit de commerçants. Les banques ont elles aussi des cartes de crédit, mais nous nous occupons surtout d'un autre aspect du même service. Nous faisons également du financement de projets, comme les banques. Dans une certaine mesure, je dirais que nous leur faisons concurrence, mais que nous répondons la plupart du temps à des besoins différents.

Le sénateur Angus: Les banques nous disent constamment qu'elles seraient satisfaites de n'importe quel régime dans la mesure où les règles sont les mêmes pour tout le monde. Elles aiment bien ces expressions à la mode.

M. Davies: Oui.

Le sénateur Angus: Pourriez-vous nous dire sur quels plans votre présence pourrait déranger ces grandes banques réglementées?

M. Davies: Nous n'avons pas l'impression de les déranger beaucoup, sénateur, même si elles invoquent de temps en temps l'argument des mêmes règles pour tout le monde -- quoiqu'assez mollement le plus souvent. Elles font valoir qu'elles sont elles-mêmes réglementées et qu'il n'est pas juste que d'autres organisations comme GE Capital ne le soient pas; c'est pourquoi elles disent que les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde.

La réponse à cela, c'est que les banques sont réglementées non pas parce qu'elles offrent des services de financement d'équipement comme nous ou comme Newcourt; si elles sont réglementées, c'est parce qu'elles acceptent des dépôts, qu'elles font partie du système de paiements et qu'elles sont couvertes par la SADC. Si elles affirment qu'elles sont trop réglementées et que ce n'est pas juste, il faut examiner si c'est vrai et si elles devraient être moins réglementées, mais ce n'est pas en réglementant des sociétés comme la nôtre ou comme Newcourt, dans un domaine où ce n'est d'aucune utilité d'intérêt public, qu'on réglera la question.

Par ailleurs, parce qu'elles acceptent des dépôts et qu'elles bénéficient de l'assurance de la SADC, les banques ont accès à des dépôts peu coûteux, à des taux beaucoup plus bas que nous. Il y a des facteurs qui compensent pour le fait qu'elles sont réglementées. Elles ont accès plus facilement à de l'argent peu coûteux. Je ne sais pas si les choses s'équilibrent, mais c'est certainement un facteur qui compense.

Le sénateur Angus: D'où vient votre financement? De la construction de moteurs d'avion?

M. Davies: Nous avons deux sources de financement. Nous avons environ 1 milliard de dollars sur le marché du papier commercial, et le reste est en euro-obligations.

Le sénateur Stewart: Votre témoignage est très intéressant. J'essaie de comprendre le processus de contrôle long et coûteux dont vous nous avez parlé. J'essaie de voir pourquoi on vous oblige à obtenir cette autorisation. Est-il possible que la loi actuelle vise à déterminer si ce que le témoin appelle «un changement» aura pour effet d'introduire de véritables services bancaires dans l'activité d'une société? Est-il raisonnable de croire que c'est la raison pour laquelle la loi a été rédigée de cette façon?

M. Davies: D'après ce que je comprends du Livre blanc, sénateur, la loi actuelle prévoit que les banques étrangères -- comme GE Capital, en vertu de la définition adoptée -- qui veulent se lancer dans un secteur ou acquérir une société dont les activités chevauchent celles des banques doivent obtenir une autorisation du Canada aux termes de la Loi sur les banques. J'irais jusqu'à dire que les banques sont autorisées de plus en plus souvent à se lancer dans des activités de type commercial, par opposition aux activités proprement bancaires, et que leurs pouvoirs s'en trouvent donc élargis. Ces activités deviennent des activités bancaires et les entreprises étrangères qui participent aux mêmes activités deviennent du coup des banques étrangères.

Par exemple, si les banques devaient se lancer dans le domaine de la location d'automobiles -- et nous n'avons rien contre --, les sociétés étrangères qui offrent déjà un service du même genre seraient considérées comme ayant des activités bancaires; donc, si nous voulions étendre nos services de location d'automobiles, qui sont des services commerciaux, nous devrions obtenir l'autorisation d'Ottawa pour offrir un service qui n'est vraiment pas un service bancaire. Je pense que c'est la question que le ministère des Finances tente de régler dans le Livre blanc. Il veut en arriver à une définition des services bancaires de base qui s'appliquerait aux quasi-banques.

Le sénateur Stewart: Vous voulez dire que la définition des services bancaires s'élargit à mesure que les banques diversifient leurs activités?

M. Davies: C'est exact.

Le sénateur Stewart: L'exploitation d'une ferme sera peut-être un jour considérée comme une activité bancaire si les banques en assurent directement le financement.

Vous dites que le processus est long et coûteux.

M. Davies: Il peut l'être, même s'il ne l'est pas toujours, sénateur.

Le sénateur Stewart: Ce que j'essaie de voir, c'est s'il s'agit simplement d'un exemple de bureaucratie qui s'alimente elle-même ou s'il y a vraiment des raisons qui justifient qu'on vous oblige à vous livrer à un examen long et difficile de vos opérations.

M. Davies: Le temps nécessaire et la complexité du processus dépendent de la transaction en cause ou de l'envergure de l'acquisition. Je pense que le BSIF et le ministère des Finances ont conclu, un peu comme nous, que dans notre domaine, lorsqu'une société n'offre pas de services bancaires de base, il n'est vraiment pas nécessaire de maintenir ce genre de contrôle; c'est ce que recommande le Livre blanc. C'est d'ailleurs conforme à la politique gouvernementale actuelle qui consiste à essayer d'éliminer la réglementation inutile, lorsqu'elle ne répond à aucun objectif concret. Le ministère des Finances et le BSIF ont conclu que c'est un domaine dans lequel ils n'ont vraiment pas besoin de maintenir leur surveillance. Nous sommes d'accord.

Le président: Monsieur Davies, en ce qui concerne la question du financement sur le marché de détail, vous comprenez pourquoi certaines quasi-banques ont des réserves au sujet de cette proposition, mais vous n'êtes pas vraiment touchés par ce problème, c'est bien cela?

M. Davies: Il serait souhaitable d'avoir plus de souplesse.

Le président: Mais ce n'est pas un problème pour vous, n'est-ce pas?

M. Davies: Ce n'est pas essentiel pour nous parce que nous fonctionnons sur un marché très limité. Mais la proposition a des répercussions très sérieuses sur bien des gens.

Le président: Vous êtes prêts à les appuyer, mais en réalité, la question ne vous touche pas directement?

M. Davies: C'est exact.

Le président: Un dernier mot sur la question des banques étrangères: ce n'est pas une question qui vous touche directement, mais vous n'auriez certainement aucune objection à ce que l'exigence relative aux filiales soit levée ou, autrement dit, à ce que le gouvernement autorise les banques étrangères à avoir des succursales au Canada plutôt que de les obliger à y implanter des filiales. C'est l'autre question dont on nous a parlé en ce qui concerne les banques étrangères.

M. Davies: C'est une question qui n'a aucun rapport avec nos opérations. Nous n'avons pas pris position, mais nous ne sommes pas contre les assouplissements. Nous ne sommes pas contre la position prise par les autres. C'est une disposition qui ne nous touche pas.

Le président: D'après ce que vous avez dit au sénateur Stewart, vous ne vous opposez pas à ce que les banques canadiennes soient autorisées par exemple à s'occuper de location d'automobiles ou de location en général, même si cela les mettrait en concurrence directe avec vous.

M. Davies: Nous n'aurions pas d'objection. Notre position n'en est pas une d'opposition. Comme nous l'avons dit publiquement, nous ne nous y opposons pas. Nous sommes présents dans ce secteur-là, mais si le gouvernement veut autoriser les banques à y entrer, cela ne nous dérange pas.

Le président: Merci beaucoup d'être venus.

Sénateurs, nous entendrons maintenant des représentants de la Wells Fargo Bank. Il s'agit de M. Gadi Meir, qui est conseiller financier principal auprès du groupe sur les services bancaires aux entreprises et de Mme Louise Pelly, qui est l'avocate de la banque.

Veuillez commencer.

Mme Louise Pelly, avocate, Gowlings, Strathy & Henderson, Wells Fargo Bank, NA: Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir permis de venir vous parler aujourd'hui. M. Meir, qui travaille avec le groupe des services bancaires aux entreprises, a pris l'avion de San Francisco pour venir vous rencontrer aujourd'hui. C'est surtout lui qui va vous parler. Je vais me contenter pour ma part de vous résumer rapidement la raison pour laquelle nous sommes ici.

Comme vous le savez probablement, Wells Fargo est une vraie banque. C'est même une des plus prospères des États-Unis. Elle se classe au neuvième rang là-bas, avec un actif de plus d'un milliard de dollars. On a dit récemment que c'était la banque américaine la mieux gérée.

Au cours des dernières années, elle a pris la tête aux États-Unis dans le domaine des prêts non garantis aux petites entreprises. En fait, pendant la période de trois ans qui s'est terminée en 1995, elle a consenti plus de 5 milliards de dollars en prêts variant entre 5 000 $ et 75 000 $.

Elle a mis au point une technologie fondée sur l'évaluation du crédit et sur diverses méthodes d'analyse du risque, qui lui a permis de consentir des prêts à bon nombre de petites entreprises en se basant sur une demande de prêt d'une page, que vous trouverez à la fin de notre mémoire, plutôt que de 11 à 15 pages comme celles qu'exigent normalement les banques.

Wells Fargo veut prêter aux petites entreprises canadiennes. Je n'ai sûrement pas besoin de vous dire qu'il s'agit d'un secteur particulièrement mal servi au Canada. Grâce à la technologie qu'elle utilise, Wells Fargo n'aurait besoin que d'une présence physique minime au Canada.

Nous avions l'intention de présenter une demande en vertu de l'article 512. Nous avions eu des entretiens préliminaires avec le Bureau du surintendant à ce sujet-là. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que nous avons reçu la semaine dernière une lettre du Bureau du surintendant. Même si nous n'avons pas encore présenté de demande, on nous a dit que le Bureau du surintendant n'était pas prêt à soutenir notre candidature à cause d'une disposition du Livre blanc selon laquelle les institutions étrangères soumises à la réglementation bancaire dans leur pays d'origine devront s'installer au Canada par l'entremise d'une institution financière réglementée. Dans les faits, cette décision empêcherait Wells Fargo de venir au Canada. Les exigences applicables aux banques de l'Annexe II lui imposeraient des frais très élevés et créeraient une structure mal équilibrée qui rendrait son projet irréalisable. La Wells Fargo n'a aucune intention d'accepter des dépôts ou de faire partie du système de paiements. Nous croyons que l'obligation de se constituer en institution financière réglementée est inutile, que ce soit pour des raisons de prudence ou autrement.

Je vais maintenant laisser la parole à M. Meir, qui se fera un plaisir de répondre à toutes vos questions.

Le président: Je vous renvoie à l'Annexe 5 de votre mémoire, c'est-à-dire la lettre du BSIF datée du 24 septembre. On y lit:

Comme nous l'avons déjà dit, le Livre blanc publié en juin 1996 contient un projet de modification visant la politique relative à l'entrée au pays des banques étrangères réglementées qui veulent offrir des services financiers au Canada. Cette politique obligerait Wells Fargo à offrir les services financiers qu'elle se propose d'offrir au Canada par l'entremise d'une filiale qui serait une institution financière réglementée au niveau fédéral. Par conséquent...

Je présume que ce «par conséquent» renvoie à un des aspects des modifications proposées dans le Livre blanc.

Par conséquent, le BSIF n'est pas prêt à recommander que Wells Fargo soit autorisée à établir au Canada une filiale non bancaire en vertu de l'article 521 de la Loi sur les banques.

D'après ce que je comprends, le gouvernement vous dit en réalité que le Livre blanc qu'il a publié -- et qu'il décrit lui-même comme un document de travail -- a déjà force de loi à ses yeux. Est-ce que j'exagère ou si c'est vraiment ce qui se passe?

Mme Pelly: Je pense que vous avez tout à fait raison.

Le président: Donc, ce n'est pas un document de travail.

Mme Pelly: Apparemment pas.

Le président: Vous proposez d'offrir un seul service bancaire. Parce que c'est évidemment un service bancaire. Il est certain que le crédit aux petites entreprises doit être considéré comme un service bancaire, aussi étroite que soit votre définition du terme.

Mme Pelly: Nous ne le contestons absolument pas.

Le président: Vous proposez donc d'offrir un seul service bancaire -- pas une gamme de services, mais un seul -- et vous l'offririez à partir de San Francisco, je suppose, sans avoir de locaux ici. Il s'agirait essentiellement d'un service offert par voie électronique. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Gadi Meir, chef de projet et conseiller financier principal auprès du groupe des services bancaires aux entreprises, Wells Fargo Bank, NA: C'est exact. Nous posterions des milliers de lettres auxquelles les gens pourraient répondre par télécopieur, par courrier...

Le sénateur Perrault: Par courrier électronique?

M. Meir: Peut-être.

Le sénateur Angus: Et vous enverriez vos lettres d'ici, au Canada?

M. Meir: Nous les enverrions par l'entremise d'une agence de publicité directe, soit au Canada, soit aux États-Unis.

Quant à savoir s'il s'agit d'une activité bancaire, c'est bien certain, mais il s'agit de déterminer si cette activité se déroule au Canada. L'expédition, la réception de la réponse, la prise de décision, la souscription, le suivi du prêt et l'envoi de l'argent, tout se passerait aux États-Unis. Les opérations au Canada seraient limitées.

Le président: En réalité, vous accordez une marge de crédit, qui correspond je suppose à une carte de crédit quelconque? Est-ce que vous accordez vos prêts sous forme de marge de crédit?

M. Meir: Nous offrons une marge de crédit non garantie qui peut s'élever jusqu'à 75 000 $. Il y a différents mécanismes d'accès. Il y a une carte qui, pour le marchand, ressemble tout à fait à une MasterCard, et il y a également la possibilité de faire des chèques et de transférer des fonds par téléphone.

Le président: Notre attaché de recherche va vous montrer une annonce publiée dans les journaux d'aujourd'hui; d'après ce que vous nous dites, il semble que la Banque Royale offre depuis ce matin un service identique au vôtre. Les gens de la banque nous en ont d'ailleurs parlé quand ils ont comparu devant nous il y a deux jours.

M. Meir: J'avais entendu dire que la Banque Royale avait des projets de ce genre, et je pense que la Banque de Montréal y songe aussi. Mais il y a quelques différences importantes. Premièrement, notre marge de crédit peut atteindre 75 000 $ US, ce qui équivaut à 100 000 $ CAN. Deuxièmement, nous effectuons une présélection des clients que nous souhaitons solliciter. C'est une forme de marketing plus énergique.

Le président: Les banques vont peut-être se servir elles aussi d'autres techniques de marketing.

M. Meir: Il y a une autre différence. Quand nous avons lancé cette initiative il y a deux ans et demi en Californie, plusieurs autres banques ont essayé de nous imiter, comme c'est le cas ici. Vous pouvez voir notre formule d'une page dans les services de marketing de toutes les autres grandes banques de Californie. Mais environ 80 p. 100 de ces banques se sont retirées de ce programme parce qu'elles n'ont pas l'expérience nécessaire, ni les données que nous avons recueillies et qui nous permettent, grâce à nos modèles d'évaluation par points, de prendre des risques beaucoup plus grands que les autres banques.

Le sénateur Stewart: C'est un type de service très intéressant. En vous écoutant, j'en suis arrivé à la conclusion que, dans ce genre d'opérations, Wells Fargo risque en fait son propre argent et qu'elle ne met absolument pas en péril les fonctions qui justifient le genre de réglementation que nous avons dans le système bancaire canadien, c'est-à-dire l'acceptation de dépôts et les services de compensation. Même si vous vous apparentez à une banque, en théorie, vous ne vous occupez pas du genre d'activités qui justifient une réglementation sévère des banques pour des raisons d'intérêt public, n'est-ce pas?

M. Meir: Absolument.

Le sénateur Stewart: Vous dites que vous avez en Californie plus de succès que les institutions qui voulaient vous faire concurrence parce que vous disposez de données plus complètes qui vous permettent d'effectuer une présélection -- il me semble que c'est le terme que vous avez employé -- de vos clients.

M. Meir: Je vais essayer de préciser certaines choses, mais en gros, vous avez raison.

Comme nous sommes présents dans ce domaine depuis beaucoup plus longtemps que les autres, nous avons pu envoyer des millions de lettres au cours des trois dernières années. Nous avons déjà consenti 200 000 prêts de ce genre. Nous avons fait le suivi de ces prêts pour voir si nos algorithmes originaux d'évaluation et d'analyse du risque étaient vraiment exacts. Nous nous sommes rendu compte non seulement que nous étions capables d'assumer un risque aussi élevé, mais que nous avions en fait pris toutes sortes de risques en fonction des critères que nous avons inclus dans nos modèles au sujet des caractéristiques des entreprises et de leur capacité de rembourser. Nous avons constaté que nos prévisions étaient justes. Nous avons réussi à prédire de façon raisonnablement précise quels sont les clients à faible risque, à risque moyen et à risque élevé, et à ajuster nos taux d'intérêt en conséquence. Il faut énormément de données et d'expérience pour vérifier ce genre de prévisions.

Le sénateur Stewart: Les données peuvent porter sur la nature des entreprises et sur leur environnement particulier, mais elles peuvent aussi se rattacher aux caractéristiques du client potentiel lui-même, par exemple à son âge ou à ses antécédents personnels, ou peut-être aux deux.

M. Meir: Oui. Nos données viennent de différentes sources. La formule de demande de prêt d'une demi-page nous fournit quelques renseignements essentiels sur l'emplacement de l'entreprise, sur ses années d'existence, ses ventes, ses autres types de comptes et ses autres liens avec la Wells Fargo. En l'occurrence, il n'y en aurait pas.

Nous ajoutons à cela des renseignements que nous nous procurons sur le marché. Nous les achetons d'agences spécialisées comme Standard & Poor's ou Dunn & Bradstreet, par exemple, qui nous fournissent des renseignements sur la capacité de payer des entreprises, en plus de ceux dont nous disposons sur leur nature et leurs années d'existence. Ces agences établissent des cotes de crédit. Elles nous disent combien les entreprises ont de créanciers, et si elles les paient ou pas. Nous ajoutons cette information aux autres renseignements dont nous disposons, ainsi qu'aux données d'ordre économique que vous avez mentionnées.

Il me faudrait probablement près d'une semaine pour vous expliquer à quel point ces modèles sont compliqués, et je ne prétends pas comprendre parfaitement comment ils fonctionnent. Nous avons une foule de détenteurs de doctorat qui jonglent avec ces modèles. Mais en gros, c'est cela.

Est-ce que cela clarifie un peu les choses?

Le sénateur Stewart: Je pense que oui.

Vous affirmez que votre compagnie, la Wells Fargo, risque son propre argent et que, si elle était autorisée à offrir ces services au Canada, elle serait très utile à ses emprunteurs potentiels, qui sont actuellement mal servis par les banques canadiennes.

M. Meir: C'est exactement ce que nous disons. Notre objectif, ce n'est pas d'avoir éventuellement des petites entreprises parmi nos clients, mais bien de nous concentrer uniquement sur cette clientèle, qui est mal servie actuellement. Nous constatons qu'au Canada, les entreprises qui présentent un risque très faible ont accès à tout le crédit imaginable. Ce sont les petites entreprises à risque moyen et à risque légèrement plus élevé qui sont négligées, même si elles sont parfaitement susceptibles d'obtenir des prêts bancaires et de les rembourser. Nous le savons parce que nous avons pu mesurer le risque qu'elles présentent et en tenir compte dans l'établissement de nos prix, de façon à réaliser quand même des profits.

Le sénateur Stewart: Jusqu'à ce que quelqu'un réfute cet argument, nous devrions être contents que Wells Fargo risque son argent pour servir les petites entreprises canadiennes.

Le sénateur Angus: J'ai bien l'impression que le fourgon de Wells Fargo est arrivé en ville. Tout ce qui m'intéresse, c'est de savoir quelle forme il prendra. Est-ce que vous allez fonctionner uniquement par la poste? Si j'ai par exemple une petite entreprise à Estevan, en Saskatchewan, et que je reçois votre annonce, que je remplis votre formule et que j'envoie une demande, vous allez évaluer le risque que je présente et m'envoyer un chèque? Est-ce que quelqu'un va venir me rendre visite? Comment est-ce que cela va fonctionner?

M. Meir: Il n'y a pas de visite, pas de rendez-vous avec un agent de crédit et pas de rapport mensuel sur vos créances. Vous recevez une offre par la poste.

Un des principaux avantages pour les gens des petites villes comme Estevan, en Saskatchewan, c'est que nous offrons aux petites entreprises une autre option que la banque locale.

Les propriétaires de petites entreprises dont le nom est inclus sur notre liste de distribution reçoivent une lettre. Ils peuvent ensuite nous envoyer leur réponse par la poste ou par télécopieur, ou encore par téléphone à notre numéro 1-800. Et nous leur ouvrons un compte si leur crédit est bon.

Le sénateur Angus: Ce que vous déterminez grâce à vos méthodes spéciales.

M. Meir: Nous appliquons nos modèles et nous accordons ensuite une facilité de crédit. Nous n'avons pas encore réglé tous les détails, mais nous fonctionnerons probablement en coentreprise avec une institution d'ici pour ouvrir un compte.

Le sénateur Angus: C'est exactement ce que je veux savoir.

M. Meir: Le client aura alors une marge de crédit dans laquelle il pourra puiser soit avec la carte que j'ai mentionnée, soit en faisant des chèques portant la mention «marge de crédit d'affaires Wells Fargo». Les chèques pourront peut-être être tirés sur une banque canadienne, mais cela fera l'objet d'un arrangement indépendant.

Le client pourra également transférer des fonds par téléphone. Il pourra nous appeler et nous dire: «J'ai besoin d'avoir accès à ma marge de crédit. Veuillez transférer 25 000 $ dans mon compte à la Banque de Montréal.»

Le sénateur Angus: Vous avez mentionné en passant la possibilité d'une coentreprise avec une institution locale. Pourriez-vous nous donner plus de détails s'il vous plaît?

M. Meir: Nous avons déjà eu des discussions préliminaires avec une banque d'ici.

Le sénateur Angus: Avec une banque; une vraie banque?

M. Meir: Nous sommes une vraie banque. Je veux parler d'une banque canadienne établie. Nous avons également eu des discussions préliminaires avec une société qui émet en fait des cartes de crédit pour les banques canadiennes, mais qui a son siège social aux États-Unis. Nous avons discuté avec cette société de la façon de réaliser ce projet, de la possibilité d'ouvrir un compte dans cette banque et d'émettre des chèques sur ce compte.

Le sénateur Angus: En supposant que vous réussissiez à surmonter tous les obstacles qu'on vous oppose actuellement, auriez-vous un bureau au Canada? Est-ce que ce serait à Gowlings ou ailleurs?

M. Meir: Nous avons des succursales et des bureaux en Californie et dans les 13 États de l'Ouest depuis notre fusion avec la First Interstate. Mais nous vendons ce produit dans les 50 États américains, sans avoir à mettre le pied au Missouri ou en Iowa. C'est pourquoi nous pouvons le faire pour aussi peu cher.

C'est exactement ce que nous voulons faire ici. D'après nos plans de marketing, nous pouvons nous contenter d'une présence très limitée au Canada. Mais nous allons avoir recours à des agents canadiens. Si nous avons des problèmes de recouvrement ici, nous devrons faire appel à des agents locaux. Nous aurons peut-être besoin aussi des services d'une agence de publicité directe au Canada s'il revient moins cher de poster nos annonces directement de London, en Ontario, que de les envoyer de la Californie. Ce sont des détails qui restent à régler. Nous allons conclure des ententes avec des sous-traitants.

Le sénateur Angus: J'ai lu votre mémoire, que j'ai trouvé très complet et très intéressant, de même que les annexes et les articles qui ont été écrits sur votre produit. Il y avait en particulier un article publié dans le magazine Forbes.

Vos activités dans ce domaine, aux États-Unis, sont réglementées comme celles d'une banque à part entière, mais dans quelle mesure cette réglementation a-t-elle un effet sur votre produit? J'essaie simplement de me mettre à la place des responsables de la réglementation et de découvrir ce qui ne nous apparaît peut-être pas au premier coup d'oeil.

M. Meir: Je suppose que les responsables de la réglementation ont la même préoccupation que dans le cas de n'importe quelle activité de crédit: est-ce que l'argent des déposants est en danger? Ils sont venus nous voir pour essayer de comprendre nos modèles. Je suppose que c'est ce qui les préoccupe aux États-Unis. Nous sommes régis par tous les règlements découlant de la législation bancaire américaine.

Le sénateur Angus: J'ai remarqué dans votre mémoire que vous vous dites prêts à vous engager à respecter nos normes déontologiques très strictes au sujet de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels.

Si je reçois, dans ma petite entreprise agricole d'Estevan, un document préapprouvé, il doit bien être fondé sur de l'information que vous possédez déjà. Où prenez-vous cette information?

M. Meir: D'après la recherche que j'ai effectuée ici, il y a entre un et deux millions d'entreprises inscrites auprès de compagnies comme Equifax, Standard & Poor's, Dunn & Bradstreet, ou les agences d'évaluation du crédit de Toronto et de Vancouver, par exemple.

Si vous avez déjà demandé du crédit quelque part, il y a un dossier à votre nom. Ce n'est pas moi qui l'ai créé. Ces dossiers peuvent s'acheter. Ils contiennent votre nom, votre date d'entrée en affaires, votre adresse, le nom des propriétaires de l'entreprise et celui de vos créanciers, et précisent si vous payez vos comptes à temps. Tout cela est codé. C'est une mine de renseignements.

Nous n'achetons pas cette information pour nous immiscer dans la vie privée des gens. Nous l'achetons parce que nous voulons leur offrir du crédit. Cette information est entièrement confidentielle. Wells Fargo, aux États-Unis, n'a jamais eu de problème de non-respect de la confidentialité. Nous ne vendons pas ces listes. Si une entreprise communique avec nous et nous dit qu'elle ne veut pas recevoir de publicité directe, nous l'indiquons dans notre base de données et nous ne lui envoyons rien. Nous n'avons jamais eu de problèmes à cet égard.

Le sénateur Angus: Si je comprends bien, quand vous avez établi votre plan d'affaires et que vous avez décidé de vous lancer sur ce marché, vous avez pris des dispositions pour présenter la demande habituelle en vertu de la Loi sur les banques, pour obtenir un décret du conseil et pour prendre tous les engagements que l'organisme de réglementation jugerait nécessaires dans votre cas, et c'est alors qu'on vous a parlé du Livre blanc. C'est exact?

Mme Pelly: Avant même que nous ayons présenté notre demande.

Le sénateur Angus: Donc, vous n'avez pas présenté de demande?

Mme Pelly: Non. Nous avons eu des discussions préliminaires, mais nous ne nous sommes jamais rendus à l'étape de la demande comme telle.

M. Meir: Les discussions préliminaires étaient assez prometteuses, n'est-ce pas?

Mme Pelly: Oui. Tout cela s'est passé au cours des trois ou quatre derniers mois. Nous avons eu nos premiers entretiens juste avant la parution du Livre blanc; à ce moment-là, nous n'avons pas discuté de points de détail. Le BSIF nous a répondu qu'il étudierait certainement notre proposition, que cela semblait intéressant, et ainsi de suite. Et puis, le Livre blanc est sorti.

Peu après, les plans de Wells Fargo étaient suffisamment avancés pour que nous puissions fournir au Bureau du surintendant des renseignements sur l'institution avec laquelle nous voulions nous associer, avec un plan relativement détaillé de notre projet. C'est à ce moment-là que nous avons reçu la lettre disant que le Bureau du surintendant n'était pas prêt à examiner notre proposition.

M. Meir vous a expliqué que le service serait offert presque exclusivement de l'extérieur du pays. Nous nous sommes donc demandé, à un moment donné, si Wells Fargo avait besoin de toute façon d'une autorisation en vertu de la Loi sur les banques.

Le sénateur Angus: Je voulais justement vous le demander.

Mme Pelly: Comme vous le savez, la Loi sur les banques stipule qu'une banque étrangère ne peut pas offrir de services bancaires au Canada. Mais ce service serait offert à peu près entièrement de l'extérieur du Canada. Les gens du Bureau du surintendant sont d'avis qu'une campagne de publicité générale, comme celle que nous venons de voir dans le Globe and Mail, ne constitue pas des «services bancaires» au Canada.

Mais dès qu'on se lance dans la sollicitation ciblée, comme Wells Fargo prévoit le faire, le Surintendant estime que ce n'est plus la même chose et que la société offrirait alors des «services bancaires» au Canada.

À mon avis, c'est une distinction tout à fait arbitraire.

Le président: Avez-vous en main une déclaration écrite à ce sujet, à savoir qu'une annonce publiée dans un journal n'est pas considérée comme un service bancaire, alors que le marketing de créneaux le serait?

Mme Pelly: C'est la position que le BSIF a prise depuis déjà longtemps.

Le président: S'agit-il d'une position écrite?

Mme Pelly: Je n'ai rien vu personnellement à ce sujet-là.

Le président: Mais on vous a dit que c'était la position du BSIF?

Mme Pelly: À plusieurs reprises, et pas seulement dans ce cas-ci.

Autrement, je pense que nous pourrions très facilement soutenir que nous n'offrirons même pas de service bancaire au Canada, auquel cas nous ne serions pas ici. Évidemment, Wells Fargo veut faire les choses comme il faut, et c'est pourquoi nous sommes ici.

M. Meir: Nous avons songé aussi à faire un envoi expérimental sur un marché limité, mais nous ne voulons surtout pas entrer en conflit avec les organismes de réglementation canadiens. Nous sommes la neuvième banque aux États-Unis et nous n'avons pas besoin que quelqu'un du ministère des Finances téléphone à notre président pour lui demander comment il se fait que nous envoyons des annonces au Canada.

Le sénateur Angus: Il est important d'établir une distinction pour le compte rendu. Nous avons entendu d'autres témoins qui veulent offrir au Canada certains services qui ne seraient normalement pas réglementés ici. Mais à cause de leurs liens avec une banque ou avec une filiale bancaire aux États-Unis ou dans un autre pays étranger, ces sociétés sont automatiquement assujetties à la politique selon laquelle elles doivent établir une filiale au Canada. Autrement dit, si je comprends bien cette politique -- et vous pourrez peut-être nous aider à cet égard, Mme Pelly -- en ce qui concerne les dispositions précises de la loi, toute société offrant des services bancaires au Canada -- en supposant que vous en arriviez là et que votre service soit considéré comme étant offert au Canada --, toute entité dont la société mère appartient au secteur bancaire à l'extérieur du Canada et qui veut offrir des services bancaires au Canada doit s'établir au Canada en tant que banque. C'est ce que vous devriez faire, paraît-il.

Mme Pelly: Si la société est assujettie à la réglementation bancaire dans son pays d'origine, ce qui est évidemment le cas de Wells Fargo.

Le sénateur Angus: Comment allez-vous contourner cette obligation? Là est la question.

Mme Pelly: Il y a deux façons. Premièrement, nous soutenons tout simplement que nous n'offrons pas de services bancaires au Canada parce que tout va se faire à partir de la Californie.

Le sénateur Angus: Mais supposons que vous les offriez au Canada.

Mme Pelly: Dans ce cas, cette exigence s'applique. Nous pouvons aussi demander un décret en vertu de l'article 521, qui prévoit expressément que le gouverneur en conseil peut prendre un décret par lequel il consent à ce qu'une société offre des services financiers ordinaires.

Le sénateur Angus: Sans être assujettie à la réglementation, à condition qu'elle signe l'engagement exigé.

Mme Pelly: Oui, elle doit signer un engagement et le renouveler chaque année.

Le sénateur Angus: Je pense que vous étiez dans la salle pendant le témoignage des gens de GE Capital. Cette compagnie compte 12 sociétés différentes. Le décret du conseil que vous chercheriez à obtenir fait partie de ce qu'on appelle les fonctions de contrôle, qui visent uniquement à surveiller les sociétés qui s'implantent au pays. Est-ce que cet aspect de la politique vous cause un problème? GE Capital affirme que même cette disposition n'est pas une bonne chose, parce qu'elle va trop loin et qu'elle coûte cher.

Mme Pelly: Pour nos projets immédiats, nous n'aurions pas d'objection à présenter une demande en vertu de l'article 521. Je pourrais vous en dire long sur l'article 521, mais ce ne serait pas pertinent à notre discussion d'aujourd'hui.

Le sénateur Angus: Ce n'est pas un des articles que vous avez rédigés.

Mme Pelly: Dans l'état actuel des choses, si Wells Fargo pouvait obtenir un décret en vertu de l'article 521, elle serait tout à fait prête à prendre l'engagement exigé au sujet de l'acceptation de dépôts et des autres questions de ce genre. Cela réglerait certainement son problème, du moins jusqu'à ce qu'elle veuille faire autre chose. Mais il n'en est pas question pour le moment.

Le sénateur Stewart: À ce moment-là, vous pourriez obtenir un nouveau décret du conseil.

Mme Pelly: Sous le régime actuel, oui.

M. Meir: Et si nous obtenions une autorisation en vertu de l'article 521, nous serions prêts à lancer notre service d'ici six mois.

Le sénateur Kenny: Quel genre d'actif allez-vous garder au Canada pour le cas où quelqu'un serait mécontent de ce que vous faites et qu'il voudrait avoir un recours contre votre organisation? À qui pourrions-nous envoyer une assignation à comparaître, ici au Canada, dans le cas où nous ne serions pas satisfaits de ce qui se passe? Autrement dit, qui pourrions-nous arrêter et que pourrions-nous saisir si vous fonctionnez uniquement à l'extérieur du pays?

M. Meir: Nous ne sommes pas la BCCI.

Le sénateur Kenny: Vous êtes la Wells Fargo. Vous êtes une société formidable. Tout ce que je dis, c'est que vous êtes de l'autre côté de la frontière. Sur qui pourrions-nous mettre la main de ce côté-ci de la frontière?

Mme Pelly: Pour répondre à vos questions par la fin, je suppose que c'est sur moi que vous mettriez la main, mais nous n'avons pas encore décidé qui serait ici pour jouer ce rôle.

Quant à l'actif de la société au Canada, je vais laisser M. Meir vous répondre.

M. Meir: Nous n'avons pas l'intention de garder d'actif au Canada.

Le sénateur Kenny: Donc, si quelqu'un n'est pas content de la façon dont les choses se passent, il n'y a rien à saisir?

M. Meir: Il a au moins notre argent.

Le sénateur Kenny: Je comprends qu'il a votre argent, mais il peut y avoir d'autres raisons pour lesquelles certaines personnes seraient mécontentes de ce que vous faites. Quels seraient leurs recours contre vous? Elles devraient aller en Californie et se présenter devant les tribunaux là-bas, n'est-ce pas?

M. Meir: Je n'en suis pas certain.

Le sénateur Kenny: Moi non plus. C'est pour cela que je vous pose la question.

M. Meir: S'il y avait un problème ici, je suis sûr que les gens pourraient se présenter devant un tribunal des petites créances et nous assigner à y comparaître.

Le sénateur Kenny: Et vous envoyer l'avis d'assignation à San Francisco?

Mme Pelly: Nous ne nous sommes pas encore penchés sur cette question, mais nous le ferons certainement avec plaisir. Encore une fois, je suis certaine que Wells Fargo serait prête à désigner quelqu'un ici qui s'occuperait de ce genre de choses.

Le sénateur Kenny: Il est toujours réconfortant de savoir qu'il y a des gens sur place, qui sont régis par les lois canadiennes, et qu'il y a aussi dans le pays certains d'éléments d'actif auxquels les tribunaux peuvent avoir accès.

M. Meir: Je suis sûr que, quand nous entreprendrons des négociations pour obtenir une autorisation en vertu de l'article 521, nous serons tout à fait prêts à répondre à toutes ces conditions.

Le sénateur Perrault: Monsieur le président, Wells Fargo a toujours été très innovatrice depuis l'époque du far west. À l'exception de quelques vols à main armée, elle s'est remarquablement bien débrouillée en innovant à ce moment-là, tout comme elle semble innover aujourd'hui.

Mes questions portent sur la façon dont vous vous procurez votre information. Vous nous avez déjà donné certains détails à ce sujet-là. Apparemment, vous avez un avantage sur vos concurrents parce que vous faites vos recherches mieux qu'eux. Il est assez intéressant de voir comment vous vous procurez cette information. Vous affirmez que vous allez respecter toutes les règles canadiennes relatives à la confidentialité de l'information.

Vous avez dit il y a quelques minutes que vous pourriez vous contenter d'un décret en attendant de décider de faire autre chose. L'autre soir, j'ai téléchargé des fichiers sur Wells Fargo dans mon ordinateur. Je dois dire que vous êtes très innovateurs. Vous vous êtes lancés intensivement dans les services bancaires électroniques. Avez-vous l'intention d'implanter un programme de ce genre au Canada? Est-ce que cela fait partie de votre plan d'affaires pour le Canada? C'est extrêmement bien fait. Je dois vous féliciter. C'est un classique du genre.

M. Meir: Pour le moment, nous nous proposons simplement d'offrir un service de demande de crédit par la poste.

Nous faisons beaucoup d'argent grâce à ce service, qui a connu un grand succès. C'est un produit qui n'avait pas d'égal sur le marché, du moins jusqu'à l'annonce publiée ce matin, mais je pense qu'il y a quand même des différences substantielles. Cela devrait nous occuper pendant un certain temps.

Le sénateur Perrault: Avez-vous l'intention, dans un avenir prévisible, d'étendre votre système de services bancaires électroniques en Amérique du Nord pour que les Canadiens puissent y avoir accès eux aussi?

M. Meir: Ce n'est pas dans nos plans. Mais le logiciel «Business Gateway», mis au point par Wells Fargo, permet aux gens de faire leurs transactions bancaires à partir de leur ordinateur personnel, dans leurs propres locaux. Dans notre cas, cela signifie qu'ils pourraient transférer de l'argent entre leurs différentes marges de crédit, ou entre leurs comptes de banque et leurs marges de crédit, vérifier le solde de leurs comptes et vérifier leurs dernières transactions.

Nous n'avons pas l'intention de commencer à accepter des dépôts. C'est un domaine qui ne nous intéresse absolument pas. Le logiciel serait tout simplement un outil qui permettrait aux gens de gérer plus facilement les comptes qu'ils ont chez nous.

Le sénateur Perrault: La réaction a-t-elle été bonne?

M. Meir: Très.

Le sénateur Perrault: Ce que vous dites en réalité, c'est que si votre projet de prêts aux petites entreprises se réalise, ou si vous obtenez les appuis nécessaires au Canada, vous pourriez vous orienter vers d'autres types de services bancaires.

M. Meir: Ce n'est pas notre intention pour le moment, et il ne s'agit pas d'un autre type de services bancaires. Il s'agit simplement d'une autre façon de servir nos clients.

Le sénateur Perrault: Pour le moment.

M. Meir: Pour le moment, le service serait offert par l'entremise d'un numéro 1-800 et d'agents aux États-Unis. Avec un logiciel, plutôt que d'être offert par téléphone, il le serait par ordinateur. Il ne s'agit pas d'un autre produit bancaire.

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que votre logiciel est conçu en fonction de services en français?

M. Meir: Je suis Canadien. Je ne suis installé aux États-Unis que temporairement. Je suis tout à fait conscient, tout comme notre direction, de l'existence de deux groupes linguistiques au Canada. Nous n'avons pas encore préparé notre matériel, mais le temps venu, nous allons étudier le marché et mettre en place ce que les clients exigeront en termes de langue seconde. En Californie, nous avons du matériel en espagnol et dans d'autres langues également.

Le sénateur Hervieux-Payette: Dans votre proposition au ministère et au BSIF, il n'y avait aucune disposition en ce sens.

Mme Pelly: Non, cela n'était pas mentionné expressément puisque le projet que nous avons présenté au BSIF n'était pas un plan d'affaires en bonne et due forme. C'était une description préliminaire, une description générale de ce que nous entendons faire et de la raison pour laquelle nous devons invoquer l'article 521. Mais si cette proposition est adoptée, les formules de demande qui seront envoyées au Québec seront rédigées dans les deux langues.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je sur sûre que vous n'êtes pas là pour faire la charité. Quel genre de garantie exigez-vous quand vous consentez un prêt à une petite entreprise? Exigez-vous une garantie personnelle? Votre projet s'adresse aux petites entreprises, n'est-ce pas?

J'aimerais savoir d'autre part ce qu'une femme peut vous offrir en garantie si elle veut obtenir un prêt pour son entreprise et qu'elle n'est pas propriétaire d'une maison?

M. Meir: C'est là que notre produit se distingue des autres produits offerts sur le marché. Toutes les autres marges de crédit sont garanties, mais nous offrons quant à nous une marge de crédit sans aucune garantie. Nous ne prenons rien en nantissement. Nous exigeons une garantie personnelle comme n'importe quelle autre banque, mais puisque nous retirons la question du nantissement de l'équation, les choses sont beaucoup plus simples. Nous évaluons le crédit d'une entreprise selon ses mérites et selon ce que révèle l'information sur son crédit.

Si vous payez vos autres comptes, nous n'avons guère d'hésitation à vous prêter de l'argent. Si vous êtes en affaires depuis deux ans, que vous avez un chiffre de ventes de «X» et que vous répondez à toutes sortes d'autres critères, nous mettons cela dans notre équation. Nous savons en général où se situent les entreprises sur notre échelle de notation et nous pouvons déterminer qu'un client est par exemple un client à risque moyen; nous allons alors lui accorder du crédit. Mais si vous êtes à l'extérieur du périmètre que nous avons établi, nous ne vous consentirons peut-être pas de prêt.

Est-ce que cela vous aide?

Le sénateur Hervieux-Payette: Oui. Au moins, je comprends mieux comment vous fonctionnez.

Mais qu'en est-il du secteur des entreprises? Puisque vous fonctionnez avec des ordinateurs et des services de télécommunications et que vous êtes établis en Californie, où se trouve la Silicon Valley, est-ce que vous connaissez mieux que d'autres le secteur de la haute technologie? Êtes-vous plus disposés à prêter de l'argent aux entreprises de ce secteur?

M. Meir: Le fait que nous n'exigions rien en nantissement nous donne également un avantage dans le secteur de la haute technologie. Le problème, pour les entreprises de haute technologie ou les entreprises fondées sur l'information, c'est que, quand elles présentent leur plan d'affaires à leur banquier, il fonde la moitié de son équation sur l'actif sur lequel il peut mettre la main. Mais on ne peut pas mettre la main sur un logiciel. Nous n'en tenons pas compte dans notre équation. Nous examinons comment l'entreprise réussit et comment elle a payé ses créanciers dans le passé, avec toute une série d'autres critères. Et nous consentons des prêts en fonction de cette information, ce qui nous donne un avantage à mon avis.

Nous prêtons dans tous les secteurs, sans exiger de nantissement. J'ai fait imprimer une liste de toutes les industries que nous finançons. Je ne l'ai pas incluse dans le mémoire que nous vous avons soumis, mais je me ferai un plaisir de vous la montrer plus tard. Nous prêtons dans le secteur des services sociaux, où il n'y a pas de biens à donner en nantissement. Et c'est la même chose pour les services aux entreprises.

Nos clients nous ont dit qu'il était très difficile pour les petites entreprises de répondre aux exigences de nantissement.

Le sénateur Hervieux-Payette: Il y a dans votre mémoire un paragraphe sur votre programme pour les femmes. Avez-vous aussi un programme pour les jeunes, pour les nouveaux diplômés ou pour les jeunes entrepreneurs?

M. Meir: Nous exigeons qu'une entreprise existe depuis deux ans au moins. Nous avons constaté que nos concurrents ne regardent même pas les demandes des entreprises qui comptent moins de trois ans d'existence. Nous ne finançons pas les entreprises qui démarrent. Cela peut être un problème pour les jeunes, mais s'ils ont une entreprise qui existe depuis deux ans, nous allons examiner leur dossier.

Le sénateur Meighen: La lettre du BSIF est datée du 24 septembre. C'est tout récent, mais avez-vous cherché à déterminer si la politique énoncée par le BSIF serait contraire aux dispositions de l'ALÉNA et à la notion de traitement national?

Mme Pelly: Oui. Nous croyons qu'elle est effectivement contraire à ces dispositions. Wells Fargo, en tant que banque, est régie par les dispositions du chapitre 14 de l'ALÉNA. Les pays sont autorisés à imposer des conditions différentes pour des raisons de prudence, mais à notre avis, il n'y a aucune justification de ce genre dans ce cas-ci. Nous sommes d'avis que cette décision et contraire à l'ALÉNA.

Le sénateur Meighen: Vous dites cela au pied levé, ou si vous avez rédigé un avis formel en ce sens? Si oui, seriez-vous prête à nous en laisser une copie?

Mme Pelly: Je n'ai pas rédigé d'avis de ce genre parce que nous n'en avons pas eu le temps. Nous avons reçu cette lettre il y a seulement une semaine, mais j'ai examiné la question et je me ferai un plaisir de vous fournir un avis écrit.

Le sénateur Meighen: Vous savez sûrement que nous sommes un pauvre comité du Sénat et que nous n'avons pas un sou. Si vous pouviez nous fournir cet avis, ce serait très utile.

Mme Pelly: Avec plaisir.

Le président: Je vous remercie de nous avoir présenté cet exemple passionnant du marketing par créneaux à son meilleur.

Pour en revenir à ce qu'a dit le sénateur Stewart, le Livre blanc propose de vous assujettir à un régime de réglementation qui serait conçu pour protéger les déposants et les actionnaires américains. C'est exact? Autrement dit, il n'y a absolument pas d'argent canadien en jeu dans cette affaire?

Mme Pelly: Je ne suis même pas sûre que cela protégerait nécessairement les déposants et les actionnaires américains, qui sont déjà protégés de toute façon dans leur propre pays.

Le président: Si nous autorisions l'établissement de succursales étrangères -- autrement dit, si les banques étrangères étaient autorisées à s'implanter au Canada avec un réseau de succursales plutôt que de filiales -- est-ce que cela ne résoudrait pas votre problème immédiatement? Vous pourriez alors mettre en place une entité sommaire qui serait considérée comme une véritable succursale et votre problème serait réglé -- en supposant qu'il n'y ait pas d'exigences strictes au point de vue de la capitalisation, n'est-ce pas?

Mme Pelly: Oui.

Le président: Mais en théorie, vous pourriez venir vous installer au Canada et, plutôt que de devoir répondre aux exigences canadiennes en matière de capitalisation, vous pourriez profiter de la base de capitaux de votre société mère, en l'occurrence la Wells Fargo à San Francisco. Ce serait une autre façon de régler votre problème, non?

Mme Pelly: En théorie, vous avez raison. Je dis bien «en théorie» parce que nous ne savons pas quelles pourraient être les autres conditions. Mais toutes choses étant égales par ailleurs, cela réglerait effectivement le problème.

Le président: C'est une voie qui mérite d'être explorée.

Nous entendrons maintenant les témoins du groupe Co-operators.

M. Terry Squire, président et chef de la direction, The Co-operators Group Limited, Co-operators Financial Services Limited, la Compagnie d'Assurance Générale Co-operators et Co-operators, Compagnie d'Assurance-Vie: Monsieur le président, j'ai avec moi aujourd'hui M. Lorne Motton, qui est vice-président du service des finances et contrôleur, et M. Frank Lowery, qui est notre vice-président, avocat général et secrétaire.

Les sociétés membres de notre groupe appartiennent à une coopérative, The Co-operators Group Limited. Nous nous occupons surtout d'assurances, et en particulier d'assurances multirisques, même si nous avons aussi une importante compagnie d'assurance-vie qui a son siège social à Regina.

La Compagnie d'Assurance Générale Co-operators est la plus grande compagnie d'assurances multirisques qui appartienne entièrement à des Canadiens au Canada; nous assurons plus d'un million de personnes. Nous avons célébré en 1995 le 50e anniversaire de notre fondation. Le groupe Co-operators, tel qu'il existe aujourd'hui, résulte de la fusion de deux groupes de compagnies d'assurances coopératives, l'ancien groupe CIS de Regina et le groupe CIAG de Guelph, en Ontario.

Un mot sur notre taille: notre actif s'élevait à peu près à 3,5 milliards de dollars à la fin de 1995. Mais comme nous ne sommes pas là pour accumuler de l'actif, le volume de nos primes constitue un indice plus révélateur.

Nous vendons de l'assurance dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada; la majorité de nos titulaires de police se trouvent en Ontario, en Alberta et dans les provinces de l'Atlantique. Nous employons plus de 3 000 personnes au Canada.

Si nous sommes ici aujourd'hui, ce n'est pas surtout pour faire pression sur vous, mais pour vous présenter le point de vue d'une équipe de haute direction dans le domaine des assurances multirisques. Nous ne sommes pas aussi bien connus que certaines autres institutions financières, et nous croyons que c'est en partie à cause d'un manque d'effort de notre part.

Les membres de notre haute direction ont rencontré au cours des dernières années des sénateurs, des députés, l'honorable Doug Peters et l'honorable Paul Martin. Nous avons présenté beaucoup d'exposés oraux et de mémoires écrits. Récemment, nous avons écrit au ministère des Finances en réponse au Livre blanc. Sans entrer dans les détails ni répéter ce que nous avons dit dans cette lettre -- puisque nous en avons fait des copies à votre intention --, nous nous contenterons de dire que nous y avons traité de tous les éléments du Livre blanc qui nous préoccupent.

Le président: Nous venons tout juste de recevoir ce document ce matin. Il serait peut-être utile que vous le lisiez.

M. Squire: En ce qui concerne les mesures prises par le gouvernement jusqu'ici, nous avons applaudi sans réserve à la décision du gouvernement de ne pas permettre aux banques de vendre directement de l'assurance au détail ou de se servir à cette fin de l'information confidentielle dont elles disposent sur les clients. Nous indiquons dans notre lettre que, avant qu'on permette aux banques d'élargir leur champ d'activité, il faut que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde et qu'il y ait une période de transition pour permettre aux autres concurrents de jouir des mêmes avantages. Nous appuyons également la proposition du ministre Peters au sujet de l'examen du système financier canadien, pour savoir s'il est approprié pour le XXIe siècle, et nous avons même offert de déléguer un cadre supérieur à ce groupe de travail.

Au sujet du renforcement de la protection des consommateurs, nous soulignons que nous avons déjà pris des mesures internes pour mettre en oeuvre les normes de l'ACNOR sur la protection des renseignements personnels. Nous faisons aussi remarquer que le groupe Co-operators a toujours été très présent par exemple sur les marchés ruraux, mal servis par les autres fournisseurs traditionnels. Nous approuvons par ailleurs l'équilibre établi dans le Livre blanc entre la nécessité d'éviter les abus en matière de vente liée, d'une part, et la nécessité d'un marketing efficace et peu coûteux des produits offerts aux consommateurs, d'autre part.

Pour ce qui est de l'allégement de la réglementation imposée aux institutions financières, nous soulignons le coût énorme de la double réglementation et de la surréglementation de l'industrie. Nous appuyons les initiatives du gouvernement fédéral pour regrouper les modalités d'enregistrement sur un même palier, tant dans le domaine de l'assurance que dans celui des valeurs mobilières. Nous approuvons également la rationalisation des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi que les propositions contenues dans le Livre blanc au sujet de la simplification et du resserrement de l'application du régime des opérations avec apparentés.

En ce qui a trait à l'affinement de la législation, nous proposons que les transactions fiscales à l'intérieur d'un groupe de sociétés soient considérées davantage en fonction du groupe, plutôt qu'au niveau des sociétés elles-mêmes.

Nous proposons aussi que la Loi sur les sociétés d'assurances autorise les compagnies d'assurances coopératives à se constituer en sociétés. Nous demandons que le rôle des coopératives financières soit inclus expressément dans l'examen à venir visant à déterminer si les structures du secteur financier canadien sont appropriées pour le XXIe siècle. De façon générale, nous appuyons la position des diverses associations de notre industrie.

Comme je l'ai déjà dit, nous avons surtout pour objectif aujourd'hui d'ouvrir la porte à une discussion franche. Puisque nous travaillons en première ligne, nous pouvons vous dire comment fonctionne réellement la Loi sur les sociétés d'assurances, vous expliquer comment les choses se passent sur le marché canadien de l'assurance et vous donner notre avis sur la meilleure façon de répondre aux préoccupations relatives à l'avenir, les miennes en tant que président et chef de la direction de la plus grande compagnie canadienne appartenant à des Canadiens, et les vôtres en tant que sénateurs.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Squire. Avez-vous des liens de quelque nature que ce soit avec le mouvement des caisses de crédit?

M. Squire: Le mouvement des caisses de crédit possède environ le tiers de nos parts.

Le président: Par l'entremise d'une centrale de caisses de crédit?

M. Squire: Oui.

Le président: Celle du Canada?

M. Squire: Oui. Toutes, en fait.

M. Frank Lowery, vice-président, avocat général et secrétaire, Co-operators Group Limited: La plupart des grandes centrales provinciales possèdent des parts. La Centrale des caisses de crédit du Canada n'est pas membre de notre groupe; mais les centrales de l'Ontario, de la Saskatchewan, de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et du Nouveau-Brunswick possèdent des parts.

Le président: Ce sont des parts, ou des actions?

M. Lowery: Il s'agit de parts sociales. Si vous connaissez la structure des coopératives, vous savez sûrement que les parts y ont encore une valeur au pair; elles n'ont qu'une valeur nominale. Dans le groupe Co-operators, nous avons 2 000 parts par millier, qui sont divisées entre les six régions du pays et détenues par les membres de chaque région. Par exemple, dans le cas de la centrale de caisses de crédit de la Colombie-Britannique, nous avons 40 parts sur 100 dans cette région.

M. Squire: Votre question comprenait deux volets. Sur le plan du marketing, il y a des secteurs où nous nous livrons une concurrence amicale et d'autres où nous sommes partenaires.

Le président: C'est là que je voulais en venir. Dans certains cas, vous faites en réalité concurrence aux organisations qui détiennent certaines de vos parts.

M. Squire: Oui. Mais pas depuis toujours. Avec l'évolution du secteur des services financiers, d'autres organisations veulent s'implanter dans le domaine des assurances. Cela modifie l'environnement dans lequel nous travaillons. Nous devons maintenant commencer à nous demander si nous devrions nous-mêmes nous lancer dans d'autres secteurs.

Le président: En êtes-vous rendus à envisager sérieusement de commencer à accepter des dépôts, ou si vous vous limitez strictement à l'assurance-vie, à l'assurance-maladie et aux assurances multirisques?

M. Squire: Oui. Notre effectif, qui se compose d'agents travaillant pour nous en exclusivité, est probablement le plus nombreux au Canada. Nous avons environ 500 points de détail à nous. Nous, au moins, nous avons des bureaux dans tout le Canada.

En bons Canadiens énergiques, nous nous disons parfois que nous devrions peut-être faire comme tout le monde et distribuer d'autres formes de produits, probablement sur une base de rémunération plutôt que comme grossiste. Nous examinons la question.

Le président: Vous vous serviriez essentiellement de votre personnel de vente pour offrir d'autres produits plutôt que d'être, par nécessité, le fournisseur de ces produits.

M. Squire: Exactement.

Le sénateur Meighen: J'ai été frappé de voir à quel point vous approuvez l'orientation du Livre blanc. Vous êtes le genre de personne que n'importe quel rédacteur de Livre blanc aimerait entendre.

Pourriez-vous préciser vos commentaires sur le fardeau de la réglementation? Dans quelle mesure considérez-vous que cela ajoute vraiment beaucoup à vos coûts?

Les courtiers indépendants en valeurs mobilières nous ont dit que le BSIF donne l'impression de chercher de nouveaux éléments à réglementer plutôt que de laisser la réglementation aux gouvernements provinciaux, qui s'en occupent déjà. Est-ce que vous constatez vous aussi une tendance en ce sens? Avez-vous des suggestions sur la façon d'alléger ce fardeau? Avez-vous une idée des coûts et des répercussions de cette réglementation exagérée?

M. Squire: Tout d'abord, les coûts de la réglementation ne cessent d'augmenter. Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts pour le moment, mais nous pourrions vous les trouver.

Je me souviens toutefois que le budget de l'an prochain, pour l'organisme de réglementation fédéral, augmentera de neuf pour cent. Nous trouvons cela tout à fait extraordinaire étant donné que l'inflation s'élève à moins de deux pour cent. Nous n'aimerions pas voir nos coûts, que nous devons refiler à nos clients, augmenter de neuf pour cent ou plus. Et c'est sans compter les importantes augmentations de coûts que nous avons dû assumer ces dernières années.

Quand j'étais plus jeune, une licence fédérale, cela voulait vraiment dire quelque chose. Il suffisait d'envoyer toute la documentation et les attestations nécessaires à tous les organismes de réglementation provinciaux pour obtenir une licence fédérale et, du même coup, nous recevions aussi une licence provinciale.

Mais tout cela a changé depuis les 10 ou 15 dernières années. Beaucoup de provinces ont modifié les formules dont elles se servent, pour obtenir de l'information dans un contexte légèrement différent en ajoutant une question ou en exigeant un avis actuariel sur un sujet plutôt que sur un autre.

Nous constatons aujourd'hui que nous devons régurgiter la même information sous de nombreuses formes différentes pour obtenir notre licence provinciale et notre licence fédérale. Dans notre compagnie, c'est M. Motton qui doit remplir toutes ces formules.

M. Lorne Motton, vice-président du service des finances et contrôleur, Compagnie d'Assurance Générale Co-operators: J'ai essayé d'évaluer les sommes que nous versons au BSIF, au Commissariat à l'information et aux organismes de réglementation provinciaux, et de savoir combien nous coûtent nos déclarations obligatoires. Cela tourne autour de 2 à 2,5 millions de dollars seulement pour notre société, la Compagnie d'Assurance Générale Co-operators. Et ce n'est que la pointe de l'iceberg. Il y a beaucoup de gens qui s'occupent de préparer ce qui constitue à mon avis une documentation tout à fait répétitive envoyée à Ottawa et aux divers organismes de réglementation provinciaux. Tous ces organismes-là examinent ensuite cette documentation; ils ont leurs propres analystes. Et nous devons aussi fournir des rapports de vérification supplémentaires et des rapports actuariels; il y a de quoi remplir un dossier très épais!

Le sénateur Meighen: Cela se fait une fois par année, n'est-ce pas?

M. Motton: Nous devons aussi faire des déclarations trimestrielles, mais les formules sont plus courtes.

Le sénateur Meighen: On nous dit qu'à certains autres endroits, il y a des vérifications une fois tous les trois ans seulement.

M. Motton: Nous devons nous soumettre à une vérification du BSIF tous les deux ans. Nous devons également fournir à nos actionnaires un rapport annuel réalisé par des vérificateurs externes et produire des avis actuariels.

Nous pourrions économiser si l'examen ne devait pas nécessairement être effectué par le BSIF. Nous avons des vérificateurs externes. Pourquoi avons-nous besoin d'actuaires à Ottawa pour examiner les rapports actuariels, alors que la Loi sur les sociétés d'assurances oblige les actuaires à présenter un avis? On pourrait croire que c'est suffisant.

M. Squire: Ce serait suffisant pour couvrir les 2,5 millions de dollars, si c'est ce que cela coûte.

M. Motton: C'est seulement une partie de nos coûts.

M. Squire: Pour replacer les choses en perspective, je peux vous dire que nous arrivons probablement en troisième place en termes de taille absolue. Nous occupons six pour cent du marché. Vous pourrez faire vous-mêmes les multiplications qui s'imposent.

M. Motton: Cela n'inclut pas les impôts sur les primes que nous versons aux diverses organisations provinciales et aux gouvernements, et qui représentent de 8 à 9 millions de dollars par année.

Le sénateur Meighen: Sur la question de la protection des renseignements personnels, le Livre blanc prévoit que le traitement des données pourrait maintenant se faire à l'interne plutôt que d'être confié à une filiale.

Certaines personnes nous ont dit qu'il est plus facile de séparer et de protéger les données quand elles sont traitées par une filiale plutôt qu'à l'interne, auquel cas il faut des mécanismes de cloisonnement pour assurer la séparation des données. Avez-vous un avis là-dessus? Pourquoi est-ce que le Livre blanc fait une suggestion de ce genre? Est-ce que cela permettrait de réduire les coûts?

M. Squire: Nous n'avons pas d'avis précis là-dessus. Nous ne pouvons pas parler pour les autres. Chez nous, nous avons toujours pu traiter nos propres données à l'interne. Je dois dire que, dans la pratique, nous confions actuellement cette tâche à des sous-traitants, mais cela pourrait changer.

Il est certainement moins coûteux de le faire à l'interne. Le traitement de la TPS, par exemple, ajoute des coûts considérables à moins que le travail soit effectué par une filiale qui appartienne à 90 p. 100 au moins à la compagnie qui a recours à ses services.

La question ne s'est jamais vraiment posée pour nous. Notre secteur traite probablement plus de renseignements personnels que n'importe quel autre, par exemple pour les demandes d'assurance-automobile ou d'assurance-vie. Nous avons toujours respecté le caractère confidentiel de ces renseignements. Il est très rare que des clients se soient plaints d'une divulgation inappropriée de cette information.

Le président: Dans vos recommandations sur l'affinement de la législation, vous suggérez une modification relativement mineure, à savoir que le ministère devrait permettre aux compagnies d'assurances coopératives de se constituer en sociétés en vertu de la Loi sur les sociétés d'assurances. Je suis étonné de voir que la loi ne le permet pas déjà. Je supposais, simplement parce que vous existez, que c'était déjà chose possible.

Qu'est-ce que le ministère vous a répondu à ce sujet-là? Il n'en est pas question dans les annexes du Livre blanc qui portent sur les modifications d'ordre technique.

M. Lowery: En 1992, je représentais le groupe Co-operators au sein de la délégation du BAC qui a rencontré le ministère des Finances pour examiner la loi originale. La question a été soulevée à plusieurs reprises à ce moment-là. Vous vous souviendrez peut-être que Claude Gingras, l'ancien avocat général de la Mutuelle, dans le secteur de l'assurance-vie, appuyait énergiquement cette mesure. M. Gingras est un grand défenseur des sociétés mutuelles, et connaît les similitudes et les différences entre les coopératives et les mutuelles.

Le point de vue du ministère des Finances, c'est qu'il y avait à ce moment-là beaucoup d'autres questions en suspens et que, même s'il s'agissait d'un point intéressant, nous étions la seule société à faire cette demande. Puisqu'il ne s'agissait pas d'une position de l'ensemble de l'industrie, le ministère ne voulait rien faire à ce moment-là et nous a suggéré d'en reparler à l'occasion de la révision suivante.

Nous avons soulevé la question par lettre à plusieurs reprises. Plus souvent qu'autrement, on nous a demandé de rédiger quelque chose à l'intention du ministère. Mais évidemment, nous sommes des assureurs, par des rédacteurs juridiques. Je ne dis pas cela de façon négative.

Le président: Quel est le problème? Une compagnie d'assurance, c'est une compagnie d'assurance. Qu'est-ce qui rend votre situation plus compliquée?

M. Lowery: C'est une question de philosophie, mais permettez-moi de vous décrire la structure de notre compagnie. Dans le groupe Co-operators, la société de portefeuille est une coopérative qui appartient à une trentaine de membres répartis dans tout le Canada. Toutes les autres sociétés doivent être constituées juridiquement, soit en sociétés mutuelles soit en compagnies à capital-actions. Dans notre cas, il s'agit de compagnies à capital-actions.

Notre conseil d'administration est élu démocratiquement parmi nos membres; il se compose uniquement de gens du mouvement coopératif, de la base. Le secteur coopératif est très important au Canada; il inclut les caisses de crédit et tout le reste.

Notre conseil estime en gros que, même si le secteur coopératif est actuellement bien servi par une compagnie d'assurance coopérative très forte, celle des Co-operators, il est malheureux qu'elle soit la seule du genre au pays.

Vous trouverez dans la documentation que j'ai fournie au greffier un petit dépliant de la Fédération internationale des coopératives d'assurances. Vous pourrez y voir que les compagnies d'assurances coopératives, dans certains autres pays comme la France, occupent environ 40 p. 100 du marché. Il s'agit de compagnies d'assurances qui appartiennent à des gens de la base, et qui sont dirigées par la base.

C'est ce que notre conseil d'administration veut dire: en gros, si vous reconnaissez dans la Loi sur les sociétés d'assurances une forme d'organisation mutuelle, pourquoi ne pas reconnaître aussi une forme d'organisation coopérative?

J'ai rencontré récemment Claude Gingras pour discuter de cette question. M. Gingras était d'avis qu'il était un peu tard et se demandait ce qu'il faudrait exactement pour nous satisfaire. Je lui ai dit à ce moment-là que nous ne nous attendions pas à ce que la loi soit complètement refaite de façon à reconnaître cet aspect, mais que si un groupe de travail devait tenter d'établir un cadre approprié pour le secteur financier canadien en vue du XXIe siècle, nous aimerions qu'il se penche à tout le moins sur le secteur financier coopératif et sur le droit, pour les gens, de s'organiser comme ils le veulent et de mener leurs affaires comme ils l'entendent.

Si les compagnies d'assurances pouvaient se constituer en coopératives, nous nous attendrions à ce qu'elles soient assujetties aux mêmes règlements et aux mêmes exigences en matière de prudence que n'importe quelle autre compagnie d'assurance. C'est en gros ce que nous voulons dire. Nous ne voyons pas où est le problème.

Le président: Le problème juridique, essentiellement, c'est que la Loi sur les sociétés d'assurances reconnaît l'existence de compagnies à capital-actions et de sociétés mutuelles, alors que vous n'êtes ni l'une ni l'autre.

M. Lowery: C'est exact.

Le président: Par conséquent, les dispositions de la loi qui portent sur la structure de l'industrie ne s'appliquent pas à vous parce que vous ne faites pas partie des deux espèces reconnues, si je puis dire. C'est à peu près cela, le problème?

M. Lowery: Exactement.

Le sénateur Meighen: Quel genre de difficultés cela entraîne-t-il dans les activités courantes de votre entreprise?

M. Lowery: Cela ne pose pas de problèmes particuliers pour le groupe Co-operators. Nous continuons à fonctionner. Mais je dois vous expliquer quelque chose au sujet du secteur coopératif. Sur le plan philosophique, les gens du groupe Co-operators croient que l'entraide coopérative est le meilleur moyen d'offrir des services aux gens. Nous appliquons des principes comme celui du rendement limité du capital. Nous essayons de nous assurer que les gens se servent eux-mêmes et que, plus ils font affaire avec leur coopérative, plus leur coopérative les traite bien.

Ce sont des principes fondamentaux. Si vous y croyez, vous devez reconnaître également que tous les types d'entreprises peuvent être organisées de cette façon-là. C'est une question de philosophie. Pour le groupe Co-operators, d'une manière ou d'une autre, cela n'influe pas sur la façon dont nous allons fonctionner demain.

Le président: C'est essentiellement une question de reconnaissance plutôt que d'effets tangibles sur vos opérations.

M. Lowery: Exactement.

Le président: Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.

Nous entendrons maintenant des représentants de l'Association canadienne de l'immeuble.

M. Pierre Beauchamp, chef de la direction, Association canadienne de l'immeuble: Monsieur le président. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Shirley Taylor et de M. Martin Laplante, un consultant qui a fait beaucoup de recherche pour nous sur cette question.

L'Association canadienne de l'immeuble détient la marque de commerce du service interagences MLS, ou «Multiple Listing Service», qui est un système coopératif d'inscription des propriétés à vendre dans toutes les régions du Canada. En 1995, le service MLS a permis le transfert de 252 000 propriétés d'une valeur totale de 38 milliards de dollars. Ces transactions ont été effectuées par des agents d'immeuble, c'est-à-dire des membres de notre association qui travaillent dans 115 chambres immobilières locales. À l'heure actuelle, nous comptons à peu près 70 000 membres.

Si je vous ai mentionné cela en introduction, monsieur le président, c'est simplement pour vous faire comprendre que nos membres ont des rapports quotidiens avec de très nombreux acheteurs de maison et qu'ils effectuent chaque jour plusieurs transactions immobilières. Ils connaissent parfaitement tous les aspects du financement hypothécaire. Ils sont en mesure de savoir s'il y a des problèmes et sont souvent appelés à aider un acheteur éventuel à obtenir du financement pour sa propriété. Ils entendent constamment le point de vue des consommateurs et des institutions financières. Leur expérience les a amenés à tirer deux conclusions: premièrement, que le client est généralement bien servi par le marché des hypothèques, et deuxièmement, qu'il est mal servi par une loi fédérale dépassée, la Loi sur l'intérêt.

Notre association demande des modifications à la Loi sur l'intérêt depuis 1984. Le gouvernement Trudeau avait proposé à l'époque d'y apporter certaines modifications. Roy MacLaren, qui était alors ministre d'État aux Finances, avait déposé un projet de loi et déclaré que l'expérience récente des propriétaires de maison rendait cette loi nécessaire de toute urgence.

Il avait alors publié un communiqué de presse dans lequel il disait:

Les consommateurs qui se sont retrouvés coincés avec une hypothèque qu'ils ne pouvaient rembourser à l'avance sous aucune considération sont insatisfaits, et c'est tout à fait compréhensible. Certains affirment qu'ils avaient mal compris leurs droits parce que le prêteur ne leur avait pas donné suffisamment d'information lorsqu'ils ont contracté leur hypothèque.

La proposition présentée en 1984 aurait inclus dans la loi un droit de remboursement anticipé et une pénalité maximum dont le calcul était laissé au prêteur. Malheureusement, le projet de loi est mort au Feuilleton quand les élections fédérales ont été déclenchées.

Ce n'était pas la première fois qu'un gouvernement libéral faisait quelque chose à ce sujet-là. En 1976, le gouvernement avait également proposé des modifications. Tony Abbott, qui était alors ministre de la Consommation et des Corporations, avait déclaré:

Les pénalités actuellement en vigueur pour le remboursement anticipé de prêts hypothécaires sont souvent excessives et inutilement restrictives.

Ce projet de loi prévoyait également un droit de remboursement anticipé et une pénalité maximum. Il a cependant connu le même sort que celui de 1984. Rien n'a été fait depuis sur le plan législatif, mais le problème ne s'est pas réglé pour autant. L'an dernier, nous nous sommes demandé si nous devions continuer d'en parler.

Par l'entremise de notre réseau de 115 chambres immobilières locales, nous avons donc demandé à nos membres de nous dire quelle importance ils accordaient à la modification de la Loi sur l'intérêt et de nous faire profiter de leur expérience à ce sujet. Même nous, nous avons été surpris de leurs réponses, monsieur le président. Nos membres nous ont dit, l'an dernier et cette année encore, qu'il s'agissait d'une question prioritaire à soulever lors de nos rencontres avec les députés. Ils nous ont également parlé de situations qu'ils avaient vécues -- assez pour remplir tout un dossier -- au sujet du droit de remboursement anticipé, des pénalités exigées, de l'information fournie aux consommateurs et des autres questions connexes.

Dix-neuf ans après la déclaration de M. Abbott sur les coûts souvent excessifs du remboursement anticipé, nos membres nous ont cité de nombreux exemples dans le même sens. Les agents d'immeuble considèrent que l'impossibilité de rembourser les prêts hypothécaires à l'avance sans pénalité constitue le problème le plus sérieux, et de loin. Il était clair pour nous qu'après s'être préoccupé de la question dans les années 70 et encore une fois dans les années 80, le gouvernement semble s'en être désintéressé. Mais le problème demeure très aigu pour les consommateurs.

Les réponses que nous avons obtenues montrent que les clients nageaient en pleine confusion quand ils essayaient de rembourser un prêt hypothécaire à l'avance. Certains étaient autorisés à effectuer un remboursement anticipé moyennant diverses pénalités. Ils pouvaient par exemple payer trois mois d'intérêt ou assumer le différentiel de taux d'intérêt, selon la somme la plus élevée. D'autres n'avaient pas d'autre choix que de payer le différentiel de taux d'intérêt, qui s'élevait à plusieurs milliers de dollars de plus que ce qu'auraient représenté trois mois d'intérêt.

Nous avons demandé à des experts d'examiner comment six institutions financières expliquaient leur politique à leurs clients. Monsieur le président, nous avons plusieurs exemplaires de cette enquête, que nous pourrons mettre à la disposition du comité. Nous nous sommes rendus dans des succursales locales de ces six institutions, ici à Ottawa, et nous avons présenté partout un exemple identique: celui d'une hypothèque de 100 000 $ négociée pour cinq ans et amortie sur 25 ans, que le client voudrait rembourser complètement après deux ans seulement sans avoir vendu sa maison ou transféré l'hypothèque. Nous nous sommes rendu compte que chaque institution financière calculait le différentiel de taux d'intérêt de façon différente.

Avant que les membres du comité en concluent que c'est ainsi que le marché devrait fonctionner, permettez-moi de souligner que ces différences n'étaient pas des indices d'une concurrence saine et ouverte entre la banque A et la banque B. La formule de calcul des pénalités n'était pas précisée dans les documents hypothécaires. Et elle n'est certainement pas précisée dans la loi. Dans certains cas, la pénalité est calculée à l'aide d'un programme informatique centralisé. Par conséquent, les agents des succursales locales sont incapables de l'énoncer clairement.

Les différences entre les méthodes de calcul ont entraîné un écart de plus de 1 000 $ entre la pénalité la plus basse et la pénalité la plus élevée, censément établies à l'aide de la même formule. Il s'agit là d'un coût caché qui n'est pas divulgué au consommateur.

Au départ, l'Association des banquiers canadiens nous a blâmés parce que nous ne nous étions pas adressés au siège social pour obtenir l'information dont nous avions besoin. Mais, monsieur le président, cela n'a rien à voir! Nous nous sommes délibérément mis à la place des consommateurs. Or, les consommateurs s'adressent à leur succursale de quartier, pas au siège social à Toronto.

À notre avis, le droit de remboursement anticipé devrait être consacré par la loi, tout comme une méthode uniforme de calcul de la pénalité prévue pour ce remboursement. Au départ, nos membres proposaient d'étendre à tous les prêts hypothécaires la pénalité correspondant à trois mois d'intérêt, qui s'applique déjà à certaines hypothèques régies par la Loi nationale sur l'habitation. Mais nos discussions avec les membres de l'Association des banquiers canadiens, il y a un an, nous ont convaincus que les banques n'accepteraient pas cette pénalité parce qu'elle ne constituerait pas, selon elles, une indemnisation suffisante. Cependant, l'ABC s'est dite prête à consentir à une pénalité de différentiel de taux d'intérêt. À ce moment-là, nous avons donc commencé à élaborer une proposition qui serait juste à la fois pour l'emprunteur et pour le prêteur.

Comme l'a révélé notre enquête, il y a bien des façons de calculer le différentiel de taux d'intérêt. Nous pensons que c'est peut-être le noeud du problème. Notre recherche montre qu'il existe une méthode de calcul juste pour les prêteurs et pour les emprunteurs; c'est celle qui consiste à déterminer le différentiel de taux d'intérêt en calculant la valeur actuelle nette en fonction d'une suite de paiements qui permet à l'emprunteur de profiter de toutes les options de remboursement offertes par le prêteur. Cela se situe généralement entre 10 et 20 p. 100 au cours de la troisième année. Selon cette méthode de calcul du DTI -- et j'insiste sur ce point --, l'institution financière ne perd rien par rapport à ce qu'elle aurait reçu si l'hypothèque était demeurée en vigueur. Je tiens également à souligner que notre proposition ne favorise pas les spéculateurs.

Monsieur le président, lorsque le comité sénatorial des banques a soulevé cette question brièvement au cours de l'été, on a dit que le seul moment où quelqu'un pourrait vouloir rembourser une hypothèque à l'avance, c'est quand les taux d'intérêt sont à la baisse. C'est effectivement une raison courante pour laquelle on veut effectuer un remboursement anticipé. Le consommateur constate que les forces du marché penchent en sa faveur et veut par conséquent renégocier son hypothèque. Mais il y a plusieurs autres raisons possibles, quel que soit le taux d'intérêt. Il peut s'agir par exemple d'un décès, d'une séparation ou d'un divorce, d'une perte d'emploi ou d'une réinstallation pour raison professionnelle. À mon avis, pour qu'une politique soit bonne, elle doit tenir compte de ces réalités courantes de la vie au Canada dans les années 90.

Il n'est pas question non plus de prôner la microgestion des institutions financières. J'ai dit dès le départ que le marché fonctionne bien. Il y a toutes sortes de produits hypothécaires sur le marché, mais le marché est public. Les conditions et les avantages offerts sont publics. Le consommateur peut en prendre connaissance et en juger par lui-même. Les institutions financières offrent toute une gamme d'options de remboursement anticipé et d'avantages visant à attirer de nouveaux clients hypothécaires. Si elles ne permettent pas le remboursement anticipé et si elles ne mettent pas l'accent sur les pénalités imposées à leurs clients, c'est parce qu'elles fonctionnent dans un environnement concurrentiel.

Lorsqu'ils négocient une hypothèque, les clients ont évidemment l'intention, en toute bonne foi, de la garder pendant toute la durée prévue. Avant de signer, le consommateur moyen ne pose pas tellement de questions sur ce qu'il peut faire s'il désire résilier le contrat; mais sa situation peut changer, et il est parfois obligé de le faire. Notre formule permet une indemnisation complète et juste pour le prêteur. Pourquoi les prêteurs devraient-ils imposer une pénalité nettement plus lourde que si le contrat demeurait en vigueur? Le remboursement anticipé d'un prêt hypothécaire n'est pas une question de concurrence, mais d'équité.

Dans ces conditions, les prêteurs peuvent difficilement prétendre qu'une méthode uniforme de calcul des pénalités pour remboursement anticipé nuit à leur position concurrentielle; et le gouvernement peut difficilement soutenir qu'il est dans l'intérêt public de laisser les consommateurs à la merci des prêteurs.

Il n'est pas question d'imposer un nouveau régime de réglementation, mais bien de réformer le régime existant, monsieur le président. Nous jugeons qu'il n'est pas satisfaisant, puisqu'il prévoit des pénalités pour le remboursement anticipé de prêts hypothécaires à échéance de plus de cinq ans, mais non pour celui de prêts négociés pour cinq ans ou moins.

Nous demandons instamment au comité d'appuyer la modification de la Loi sur l'intérêt par le Parlement pour accorder aux Canadiens le droit de rembourser à l'avance leur prêt hypothécaire. Nous vous demandons également d'appuyer l'adoption d'une méthode uniforme de calcul des pénalités. Le droit de remboursement anticipé ne veut rien dire s'il ne s'accompagne pas d'un mécanisme approprié.

Monsieur le président, j'ai délibérément consacré le temps qui m'était alloué à ces deux questions connexes que nous jugeons de la plus haute importance. Mais nos membres nous ont également présenté des arguments convaincants en faveur de deux autres modifications. La première viserait à libérer l'emprunteur original de son engagement personnel une fois que le prêteur aurait approuvé le nouveau créditeur hypothécaire. Par exemple, selon le scénario actuel, si vous me vendez votre maison et que j'assume votre hypothèque, c'est quand même vous qui serez responsable si je ne la rembourse pas en temps voulu.

L'autre modification prévoirait un calcul annuel uniforme de l'intérêt composé. Les consommateurs ont parfois du mal à s'y retrouver lorsqu'on leur mentionne un taux d'intérêt sans leur dire que l'intérêt est composé semi-annuellement. À notre avis, c'est surtout une question d'information et de clarté.

Monsieur le président, nous avons déjà présenté des suggestions visant à améliorer les exigences relatives à l'information qui devrait être divulguée dans les documents hypothécaires, et qui devrait être rédigée dans un langage clair, concis et facile à comprendre. Nous sommes heureux de constater dans le document de travail que le gouvernement reconnaît également la nécessité d'une plus grande clarté. Nous demandons donc au comité d'appuyer les modifications, dans toutes les lois appropriées, qui pourraient permettre d'atteindre ces objectifs.

Le président: Aux pages 19 et 20 du Livre blanc, on trouve une section sur le remboursement anticipé des prêts hypothécaires; on peut y lire essentiellement que le gouvernement est prêt à modifier la Loi sur l'intérêt et à clarifier la méthode de calcul de l'intérêt. Je suppose, d'après ce que vous venez de dire, que vous êtes satisfait de la politique énoncée à cet égard dans le Livre blanc. C'est exact?

M. Beauchamp: Je n'ai pas le texte en tête pour le moment. Mais il semble que l'orientation en soit la même que celle que nous avons exposée ici.

Le président: Cela me paraît exactement similaire en tout cas. Je voulais être certain d'avoir bien compris.

M. Beauchamp: Ce qui nous intéresse surtout, c'est non seulement que le droit de remboursement anticipé soit inclus dans la loi, mais qu'il existe une formule régissant l'exercice de ce droit. Autrement, je ne pense pas que ce droit puisse s'appliquer. C'est sur cela que nous tenons à insister, et il n'en est pas question aux pages 19 et 20.

Le président: Dans vos discussions avec l'ABC et le gouvernement, avez-vous l'impression de vous approcher d'un consensus sur ces deux questions?

M. Beauchamp: Comme je vous l'ai déjà dit, nous en avons discuté avec l'Association des banquiers canadiens. Nous avons proposé la formule du DTI fondée sur la valeur actuelle nette. L'ABC a accueilli cette solution favorablement. Elle ne s'est pas prononcée sur la formule de la valeur actuelle nette que nous lui avons soumise, et nous espérons qu'elle sera d'accord sur cet aspect-là. Mais elle voyait d'un bon oeil la notion de DTI.

Le président: Cela reflète vos discussions avec l'association des banquiers. Et avec le gouvernement?

M. Beauchamp: Quand nous avons rencontré les membres du comité des finances, il y a quelques jours, ils se sont montrés satisfaits des idées générales que nous avons proposées, y compris de la formule que nous avons suggérée. Nous semblons avoir l'appui de beaucoup de monde.

Le président: En avez-vous parlé aux fonctionnaires du ministère des Finances?

M. Beauchamp: Oui, nous avons consulté une foule de personnes; nous en avons une liste, si vous voulez la voir.

Le président: Je voulais simplement savoir quelle a été leur réaction.

M. Beauchamp: Nous avons reçu des appuis non seulement des groupes de consommateurs et des députés, mais de toutes sortes d'autres organisations, et notamment de l'Association des consommateurs du Canada.

Le sénateur Meighen: Monsieur Beauchamp, il me semble -- corrigez-moi si je me trompe -- qu'il est très important d'avoir une information complète et facile à comprendre. Si les banques et les autres institutions financières sont incapables d'en arriver à une formule satisfaisante pour le remboursement anticipé des prêts hypothécaires -- que ce soit la vôtre ou une autre --, est-ce qu'il n'y a pas un risque que nous nous retrouvions avec une seule sorte d'hypothèque sur le marché, par exemple une hypothèque d'un an à taux variable, un point c'est tout?

M. Beauchamp: Nous essayons de modifier le système actuel de pénalités. Nous reconnaissons qu'il y a déjà beaucoup de concurrence dans le domaine des prêts hypothécaires. Mais ce qui est en jeu, ce sont des sommes qui s'ajoutent à celles qui sont prévues dans le contrat conclu entre le prêteur et l'emprunteur. Ce qui nous inquiète, c'est que les pénalités soient aussi variées et qu'elles ne soient pas énoncées clairement. Nous cherchons simplement une meilleure information. Nous voulons que la loi oblige le prêteur à fournir cette information parce que nous avons constaté que les réponses varient beaucoup d'un endroit à l'autre lorsque les consommateurs cherchent à rembourser un prêt hypothécaire à l'avance dans les circonstances que nous avons décrites.

Le sénateur Meighen: Si je pouvais agiter une baguette magique et prescrire dans la loi une divulgation complète de l'information nécessaire, est-ce que cela réglerait une bonne partie du problème?

M. Beauchamp: Probablement pas. À notre avis, le droit de remboursement anticipé et le mécanisme qui s'y applique devraient être définis dans la loi. C'est l'élément primordial de notre suggestion.

Nous avons également recommandé que la loi oblige les prêteurs à préciser toutes les conditions de leurs hypothèques en langage clair et facile à comprendre. Nous allons plus loin.

Le sénateur Meighen: Vous ne pensez pas que la concurrence qui s'exerce sur le marché suffit à s'assurer que certains des joueurs, sinon tous, offriront la possibilité de rembourser les prêts hypothécaires par anticipation? Vous voulez que nous légiférions pour que toutes les institutions soient tenues de l'offrir et pour que les conditions de ce remboursement, si elles sont différentes, soient indiquées clairement et équitablement.

M. Beauchamp: D'après ce que nos membres nous disent, ce n'est pas ce qui se passe. À notre avis, la solution proposée en 1976 et en 1984, qui n'a pas été approuvée ni incluse dans la loi, devrait aujourd'hui être envisagée très sérieusement. L'appui que notre proposition a recueilli nous autorise à le dire.

Le sénateur Hervieux-Payette: Le ministère indique qu'il faudrait une pénalité de plus de trois mois d'intérêt si les gens veulent contracter un emprunt pour 10 ans. Normalement, nous contractons un emprunt pour 15, 20 ou 25 ans, mais nous renégocions le taux d'intérêt régulièrement, tous les six mois, tous les ans, tous les deux, trois ou cinq ans.

Est-ce qu'une pénalité de trois mois d'intérêt serait un maximum? Vous dites qu'il faudrait conserver la pénalité de trois mois prévue dans la Loi nationale sur l'habitation. Il faudrait la conserver pour quelle période, cinq ans?

M. Beauchamp: C'est compliqué parce qu'il y a deux lois différentes en cause. Nous nous intéressons surtout à la Loi sur l'intérêt, qui prévoit une pénalité de trois mois pour les prêts à échéance de plus de cinq ans. La période d'amortissement n'a pas d'importance à cet égard. Ce qui se passe dans le cas des échéances de plus de cinq ans en vertu de la Loi sur l'intérêt ne nous préoccupe pas. Ce qui nous préoccupe, c'est ce qui se passe avant cinq ans.

Vous avez tout à fait raison de dire que la Loi nationale sur l'habitation permet le remboursement anticipé et prévoit une pénalité de trois mois d'intérêt après trois ans.

Ce qui nous inquiète, c'est ce qui arrive aux détenteurs de toutes les hypothèques de moins de cinq ans qui ne sont pas régies par la Loi nationale sur l'habitation; nous aimerions que le droit de remboursement anticipé soit inclus dans la loi. En fait, la plupart des hypothèques sont négociées de nos jours pour moins de cinq ans, et c'est pourquoi nous avons insisté sur cet aspect-là en particulier. Nous voudrions que le consommateur ait le droit de rembourser à l'avance ces prêts hypothécaires de moins de cinq ans.

Le sénateur Hervieux-Payette: Vous voudriez que le coût précis soit indiqué; vous trouvez qu'il n'est pas suffisant de dire qu'il y a une pénalité de trois mois d'intérêt. Quelle que soit la pénalité ou le paiement prévu pour indemniser la banque si les clients changent d'idée au beau milieu d'un contrat, ils pourraient verser des paiements différents à la banque s'ils voulaient négocier une nouvelle échéance.

M. Beauchamp: Nous avions suggéré une pénalité de trois mois. Mais quand nous en avons parlé à l'Association des banquiers canadiens, elle n'a pas jugé cette proposition acceptable. Nous nous sommes donc mis au travail et nous avons envisagé différentes formules. Nous en avons conclu qu'un DTI fondé sur la valeur actuelle nette constitue la formule la meilleure et la plus juste possible pour le moment. C'est pour cela que nous avons retenu cette solution.

Le sénateur Hervieux-Payette: Ce ne serait pas obligatoire. Quand vous dites qu'il faudrait conserver cette formule, si quelqu'un ne veut pas appliquer la formule des trois mois, cela pourrait être trois mois au maximum, mais pas nécessairement trois mois.

M. Beauchamp: La pénalité de trois mois n'était pas acceptable pour l'Association des banquiers canadiens, et c'est à ce moment-là que nous avons offert de trouver une solution qui semblerait juste et équitable pour l'Association des banquiers canadiens, pour les prêteurs et pour les consommateurs.

À ce moment-là, nous en sommes arrivés à la formule du différentiel de taux d'intérêt fondé sur la valeur actuelle nette comme étant une formule commune qui pourrait permettre d'en arriver à un mécanisme de remboursement anticipé prévu dans la loi.

Le président: Merci. Votre mémoire contenait un certain nombre de questions de détail qui nous ont été utiles.

Sénateurs, les derniers témoins que nous entendrons ce matin représentent l'Association des assureurs-vie du Canada.

Monsieur Couillard, je constate que la première partie de votre mémoire porte sur des questions qui ne sont pas vraiment soulevées dans le Livre blanc, des questions relatives au partage des pouvoirs, au mandat du groupe de travail et au système de paiements. Je vous demanderais donc de laisser ces questions-là de côté et de vous concentrer sur la dernière moitié de votre document, qui porte sur les changements qu'il faudrait apporter à la loi, ou qui seront probablement proposés dans le projet de loi à venir.

M. Hal D. Couillard, président sortant, Association des assureurs-vie du Canada: Au nom de l'AAVC, je tiens à féliciter votre comité pour l'effort qu'il fait au nom des Canadiens.

Je suis président sortant de l'Association des assureurs-vie du Canada depuis une journée. J'habite à Calgary. Je vends de l'assurance depuis environ 22 ans.

J'ai avec moi M. Dave Thibaudeau, notre président, et M. Bill Babcock, qui est vice-président des Affaires publiques.

L'AAVC est l'association professionnelle nationale qui regroupe depuis 90 ans les agents, les courtiers et les planificateurs financiers qui vendent de l'assurance-vie au Canada. C'est une association bénévole qui compte plus de 17 500 membres d'un océan à l'autre. Nos membres s'occupent surtout de la distribution de produits d'assurance-vie et d'assurance-invalidité, de même que de contrats de rente, de régimes de pension, de REÉR, de Fonds enregistrés de revenu de retraite et de fonds de placement administrés par des compagnies d'assurance-vie et des sociétés de fonds mutuels.

De plus en plus, nos membres offrent aux Canadiens d'autres produits que l'assurance pour répondre à leurs besoins financiers. En tant qu'association regroupant les intermédiaires sur ce marché, nous avons modifié notre composition et nos services avec le temps pour nous ajuster aux nouvelles réalités du marché et, dans bien des cas, pour aller au devant des changements.

L'AAVC offre un important programme de formation et de perfectionnement professionnel à ses membres et aux autres fournisseurs de services financiers, et nous appliquons un code de déontologie très strict auquel nos membres doivent adhérer. Nous avons acquis une connaissance intime des besoins économiques et de la situation de nos clients, qui viennent de tous les groupes sociaux et de tous les groupes de revenu, dans toutes les régions du Canada. Notre association est résolue à veiller à ce que le consommateur canadien continue d'avoir accès à toute une gamme de produits et services financiers -- assurances ou autres -- sur un marché où la concurrence est extrêmement forte.

L'AAVC a participé activement aux consultations qui ont débouché sur la réforme de la législation relative aux institutions financières en 1992. Nous avons continué à jouer un rôle actif dans ce qui s'est passé par la suite, tant au niveau fédéral que lorsque les gouvernements provinciaux ont modernisé le cadre législatif relatif à la réglementation des services financiers offerts dans leur province.

D'ailleurs, Dave Thibaudeau était à Edmonton jeudi dernier pour travailler avec les gens de l'Alberta.

Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est pour vous faire connaître le point de vue de l'AAVC sur la dernière étape du processus de dix ans dans lequel s'inscrivait la publication, le 19 juin dernier, du Livre blanc du gouvernement au sujet de l'examen de la législation régissant les institutions financières, prévu pour 1997.

Nous avons envoyé au secrétaire d'État aux Institutions financières notre réponse officielle au Livre blanc, et je vous en ai fait parvenir des copies.

Je vais me concentrer aujourd'hui sur deux questions qui figurent dans notre mémoire écrit, tout en respectant votre souhait, sénateur Kirby. Ces deux questions sont celles qui se rapprochent le plus de mes activités et de celles de mes collègues dans les secteurs que nous connaissons le mieux, c'est-à-dire les services offerts aux consommateurs d'assurance-vie et de produits financiers connexes. Plus précisément, il s'agit premièrement des mécanismes de protection des renseignements personnels concernant les consommateurs de services financiers, et deuxièmement de la question de la vente liée et de l'interdistribution de produits par toutes les institutions financières canadiennes.

Au sujet de la protection des renseignements personnels, nos membres sont habitués à recevoir de l'information hautement confidentielle sur des questions financières, médicales et familiales. Nous recueillons cette information pour pouvoir conseiller nos clients convenablement, et pour permettre aux assureurs d'évaluer le risque que présente chaque client et d'administrer les réclamations lorsqu'elles se produisent.

On nous rappelle chaque jour que nos clients attachent beaucoup d'importance au respect de leur vie privée et qu'ils s'attendent à ce que l'information qu'ils nous transmettent soit traitée de façon appropriée et confidentielle.

J'ai déjà mentionné que l'AAVC applique des normes strictes et un code de déontologie très sévère. Nos membres doivent absolument respecter ce code de déontologie; c'est une condition d'adhésion. Le premier article de ce code exige que les membres placent les intérêts de leurs clients ou de leurs clients potentiels au-dessus de leurs intérêts personnels. Et le deuxième article porte sur l'information confidentielle. Il exige que les membres respectent le caractère confidentiel de toute information transmise par leurs clients sur leurs affaires personnelles et commerciales lorsqu'ils leur vendent ou cherchent à leur vendre des services financiers. Nos membres prennent cette exigence très au sérieux.

De façon plus générale, le développement extrêmement rapide qu'a connu récemment la technologie de l'information et les préoccupations que soulève la puissance des grandes institutions impersonnelles ont incité beaucoup de gens à se dire qu'il faudrait améliorer la protection des renseignements personnels.

Le gouvernement a répondu par deux propositions en ce sens. Une de ces propositions figure dans le Livre blanc; elle porte sur l'adoption d'une réglementation qui s'appliquera expressément aux institutions financières fédérales. L'autre proposition, qui a été soumise un peu plus tôt, par suite des recommandations du comité consultatif sur l'autoroute de l'information et du ministre de l'Industrie, portait sur l'élaboration d'une loi d'application générale pour protéger les renseignements personnels.

À l'AAVC, nous espérons que le produit final n'entraînera pas de chevauchements législatifs. C'est important. Mais le fait est que, si vous pouvez voir mes relevés de compte de chèques, de paiements Interac et de carte de crédit, vous pouvez établir mon profil détaillé et me choisir comme cible pour d'autres produits. Cette information vous permet de savoir ce que je pourrais être prêt à acheter avant même que je le sache moi-même.

Je vais vous donner un exemple. On pouvait lire en mai dernier dans un journal de Vancouver, le Province, que la Banque Royale du Canada se sert d'un logiciel de 15 millions de dollars pour retracer tous les achats que ses neuf millions de clients paient par carte de crédit ou par Interac. Cette information est versée dans un dossier personnel sur chaque client, qui est constamment mis à jour. Elle est ensuite comparée à l'information qui provient des relevés relatifs aux comptes bancaires, aux emprunts, aux cartes de crédit, aux placements et aux demandes de crédit du client. Le système sert à déterminer quels sont les clients susceptibles de répondre favorablement à des promotions ciblées sur certains produits de la banque.

Mais un des principes fondamentaux de la protection des renseignements personnels, c'est la nécessité d'obtenir un consentement libre et éclairé de la personne en cause avant que les renseignements qui la concernent puissent servir à d'autres fins que celle pour laquelle elle a fourni cette information à l'institution. Le Livre blanc confirme que le consentement du consommateur est essentiel avant que l'information qui le concerne soit utilisée à une autre fin ou divulguée à des tierces parties.

Il semble que certaines institutions soient prêtes à se décharger de cette obligation sur leurs clients, en offrant ce qu'on appelle des options négatives pour obtenir leur consentement. Encore là, j'aimerais vous donner un exemple.

Il y a environ trois semaines, un membre du personnel de l'AAVC a communiqué avec la société d'assurances de la CIBC pour obtenir un prix sur une police d'assurance-automobile. La réponse qu'il a reçue était accompagnée d'un avis disant que les renseignements personnels qu'il avait fournis avaient été versés dans un dossier personnel qui, à moins qu'il ne s'y oppose, pourrait servir à lui vendre d'autres produits, c'est-à-dire des produits d'assurance et des produits financiers d'autres sociétés du groupe CIBC. Sans aucune justification, l'assureur présumait du consentement du client et lui laissait le soin de l'aviser du contraire.

Il semble aussi que certaines institutions emploient des méthodes douteuses pour obtenir un consentement. Je vais vous donner un autre exemple concret. En juillet, un membre du personnel de l'AAVC a reçu une lettre de la Banque de Montréal, qui avait été envoyée à tous les titulaires de la carte en or de MasterCard. À première vue, cette lettre offrait aux clients la possibilité d'abaisser à 10,9 p. 100 les frais d'intérêt sur leur carte de crédit. C'est encore relativement élevé étant donné que le taux d'intérêt préférentiel pratiqué par les banques est à moins de six pour cent, mais on peut présumer que ce nouveau taux était plus bas que le précédent.

Le taux offert est mentionné au moins 13 fois dans cette lettre; c'est vraiment l'aspect sur lequel on met l'accent, sauf pour un petit commentaire en passant au sujet de l'augmentation des frais annuels d'utilisation de la carte, qui grimperaient de 60 à 95 p. 100, ce qui représente une augmentation d'environ 60 p. 100. Or, on mentionne simplement dans la lettre que ces frais annuels vont «augmenter légèrement». Et on trouve au bas de la lettre une formule d'autorisation que le client doit détacher et signer pour «activer sa nouvelle carte à faible taux d'intérêt».

Ce qui est étrange, c'est que l'émetteur d'une carte de crédit bancaire peut rajuster les taux d'intérêt ou les frais qu'il impose aux détenteurs de carte lorsque ses coûts changent. Il n'y a rien qui oblige le détenteur de carte à signer une autorisation pour une réduction des taux d'intérêt. Et il n'y a rien non plus qui prévoit qu'il doive signer une autorisation pour augmenter les frais qu'il paie. S'il refuse l'augmentation des frais, il n'a qu'à ne pas payer, tout simplement.

Le seul résultat que peut avoir la signature du détenteur de la carte sur cette prétendue «formule d'acceptation de la MasterCard en or à faible taux d'intérêt», c'est qu'il accepte les conditions imprimées à l'endos de la formule détachable. Et c'est là que les choses se corsent. Ces conditions se trouvent sur une page distincte de celle de la signature, en caractères encore plus petits que ceux qui sont utilisés pour les avis relatifs à la marque de commerce et les autres formalités juridiques qui se trouvent au bas de la lettre. Elles portent sur l'utilisation, par la banque, des renseignements fournis par le détenteur de la carte.

Mesdames et messieurs, il s'agit là d'un cas bien réel. Nous pouvons vous fournir un exemplaire de cette formule si vous le voulez. En gros, les conditions énoncées dans cette formule autorisent la banque à:

... se servir de l'information relative à mon compte MasterCard pour déterminer quels sont les produits ou les services susceptibles de m'intéresser.

Et on peut lire ensuite:

... me fournir de l'information et des offres de la banque, ou de qui que ce soit d'autre, que la banque juge susceptibles de m'intéresser.

Ces conditions occupent une toute petite place sur la page et n'ont aucun rapport avec le reste. Le client qui signe la formule croit qu'il est obligé de le faire pour obtenir la réduction du taux d'intérêt, comme on le lui mentionne au moins 13 fois de l'autre côté de la page. En réalité, lorsque le client signe cette formule, il autorise la banque, sans aucune restriction, à examiner les relevés des achats qu'il a effectués à crédit et tous les renseignements personnels qui figurent dans son dossier afin de promouvoir les produits de tierces parties qui ne sont même pas nommées. On peut difficilement y voir un respect scrupuleux du droit à la protection des renseignements personnels.

Quand le gouvernement déposera la réglementation qu'il a promise sur la protection des renseignements personnels, l'AAVC espère qu'elle sera rédigée de manière à interdire ce genre de pratique. Mais tant et aussi longtemps qu'il sera possible de faire de l'argent avec l'information relative aux clients, il sera tentant de contourner les règles.

L'AAVC se fera un plaisir de participer à l'élaboration de cette réglementation visant à protéger les renseignements personnels fournis par les clients. Je tiens par ailleurs à vous souligner que, dans le domaine que nos membres connaissent le mieux -- c'est-à-dire la vente au détail de certains services d'assurance --, le règlement sur le commerce de l'assurance, qui s'applique aux banques et aux sociétés de fiducie fédérales depuis 1992, offre des garanties très utiles quant au respect des renseignements personnels.

Le fait que la réglementation sur le commerce de l'assurance interdise aux institutions fédérales qui acceptent des dépôts de transmettre les renseignements relatifs à leurs clients à des compagnies d'assurances, à des agents ou à des courtiers empêche exactement le genre de pratique de marketing qu'illustre cette lettre de MasterCard.

C'est pourquoi nous recommandons, dans notre réponse au Livre blanc, que la réglementation sur le commerce de l'assurance soit maintenue et renforcée, et qu'une réglementation parallèle sur l'information relative au crédit soit mise en vigueur le plus tôt possible en vertu de la Loi sur les sociétés d'assurances, comme fondement de toute réglementation future qui viserait à protéger le caractère confidentiel de l'information obtenue par les institutions financières de niveau fédéral au sujet de leurs clients, y compris par les compagnies d'assurance-vie.

Je voudrais passer maintenant à notre deuxième recommandation, qui porte sur la nécessité de protéger les clients des services financiers contre la coercition. Le Livre blanc fait état des préoccupations que soulève la nature particulière de la relation qui existe entre les institutions financières et leurs clients, et qui peut rendre ces clients vulnérables à la coercition. On y souligne également que les forces du marché et la Loi sur la concurrence n'offrent peut-être pas de garanties suffisantes à cet égard.

Nous sommes tout à fait d'accord. La relation particulière qui est la plus susceptible de rendre les clients vulnérables à la coercition est celle qui s'établit entre quelqu'un qui a besoin d'argent et une institution qui peut lui en prêter. Il peut s'agir d'une compagnie d'assurance, d'une banque ou d'une société de fiducie. Nous ne voulons pointer du doigt aucun secteur en particulier.

La coercition peut prendre plusieurs formes. Un de mes prédécesseurs à la présidence de l'AAVC avait dans la région de Vancouver un client du nom de Richard Hancock. Nous avons téléphoné à Richard pour lui demander s'il accepterait que nous parlions de son cas lors de notre comparution devant vous. Il nous a donné son consentement avec grand plaisir.

M. Hancock avait donné des actions en nantissement au Trust Royal pour garantir un emprunt. Il y a un an environ, il a décidé de vendre ses actions pour rembourser son emprunt. Le Trust Royal a insisté pour qu'il fasse appel à Action Direct, un courtier en valeurs mobilières du groupe de la Banque Royale, pour vendre ses actions. Il voulait passer par son propre courtier, mais les gens du Trust Royal ont refusé catégoriquement. M. Hancock croit que s'il avait eu recours à son courtier, il aurait évité les retards de transaction qui ont été causés par l'inexpérience du personnel du Trust Royal et qui lui ont coûté 625 $.

Ce n'est peut-être pas une somme considérable, mais ce n'est pas tout. Le Trust Royal a refusé de lui rembourser cette perte. M. Hancock s'est plaint à l'organisme de réglementation provincial que le Trust Royal l'avait obligé à consentir à une vente liée et qu'il n'avait pas divulgué ses liens d'affaires avec le courtier, comme l'exige la loi de la Colombie-Britannique.

Après avoir été interrogé par l'organisme de réglementation au sujet de cette plainte, le Trust Royal a offert de rembourser les 625 $ et a envoyé une note de service pour signaler à son personnel que le Trust Royal n'avait pas pour politique d'obliger ses clients à avoir recours à un courtier plutôt qu'à un autre.

M. Hancock s'est fait rembourser la somme qu'il avait perdue parce qu'il a insisté, et parce qu'il n'a pas hésité à s'adresser à l'organisme de réglementation et à contester une décision prise par le personnel d'une grande institution. Mais la plupart des consommateurs auraient encaissé leur perte en silence. Cette histoire montre comment le personnel de première ligne d'une grande institution prêteuse a presque instinctivement confié une transaction à une entreprise affiliée, malgré le souhait du client, et a refusé les solutions que le client proposait même si elles respectaient les intérêts légitimes du prêteur.

Quand on s'adresse à une institution prêteuse, il est évident que plus on a besoin de faire approuver une demande de crédit, plus on devient vulnérable. Ce qui est moins évident, c'est que les clients les plus fragiles sont ceux qui ont besoin de sommes relativement minimes pour résoudre les problèmes qui les empêchent de dormir la nuit. C'est sur ces petits emprunteurs que nous voulons attirer votre attention parce qu'ils ont toujours besoin de l'institution prêteuse plus que l'institution a besoin d'eux. Après tout, pour un prêteur, un petit emprunt peut entraîner les mêmes frais d'administration qu'une somme comportant deux ou trois zéros de plus à gauche de la virgule décimale.

Quand une institution prêteuse vous dit que le problème de la coercition ne se pose pas sur le marché actuel parce que les prêteurs se font concurrence pour obtenir la clientèle des emprunteurs, il faut penser aux Canadiens pour lesquels les prêteurs ne se font justement pas concurrence -- les familles qui travaillent fort et qui comptent sur deux revenus jusqu'à ce qu'un des soutiens de famille perde son emploi, ou les propriétaires de petites entreprises dans une ville où la principale usine vient de fermer. Dans les cas de ce genre, les prêteurs n'ont même pas besoin de savoir épeler «coercition». Il suffit de souligner par exemple à une dame qui demande un prêt qu'elle devrait vraiment être mieux assurée pour couvrir ce prêt; c'est assez pour qu'elle consente à faire envoyer son dossier à la compagnie d'assurance affiliée au prêteur.

C'est pourquoi nous recommandons aussi dans notre mémoire que la réglementation relative au commerce de l'assurance soit maintenue et renforcée et qu'une réglementation sur l'information relative au crédit soit mise en vigueur le plus tôt possible comme fondement de toute mesure supplémentaire de protection contre la vente liée réalisée par coercition, en vertu de la Loi sur la concurrence ou d'autres lois semblables.

Pour résumer, nous sommes d'accord avec les auteurs du Livre blanc lorsqu'ils affirment que le cadre législatif mis en place en 1992 pour régir les institutions financières fonctionne généralement bien et qu'il devrait demeurer en bonne partie intact. À notre avis, les changements sélectifs proposés dans le Livre blanc représentent la voie à suivre.

Pour l'avenir, l'AAVC a appris qu'un groupe de travail serait constitué bientôt pour examiner l'avenir du secteur des services financiers au Canada; ce groupe de travail étudiera toute la structure de ce secteur et envisagera les changements à y apporter pour assurer la compétitivité du Canada au XXIe siècle.

L'AAVC tient à exprimer publiquement son appui à la décision annoncée par le gouvernement au sujet de la création de ce groupe de travail. Nous aimerions que votre comité exerce son influence pour s'assurer que le groupe de travail consultera longuement les Canadiens, et surtout les consommateurs, en gardant à l'esprit le pouvoir de plus en plus grand dont disposent les banques dans le secteur des services financiers au Canada. Mais surtout, nous voudrions que le comité fasse des pressions pour accélérer le plus possible le dépôt de modifications législatives afin de respecter l'échéance du 31 mars 1997. Nous nous ferons un plaisir de vous faire connaître notre point de vue et de comparaître encore une fois devant vous lorsque le projet de loi aura été déposé.

Je vous remercie d'avoir pris le temps d'étudier cette question complexe. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président: J'ai une question à poser sur un point de détail. Nous avons discuté avec vous il y a au moins deux ans de la réglementation sur l'information relative au crédit, qui n'est pas encore en vigueur. Il s'agit essentiellement du règlement sur la protection des renseignements personnels en vertu de la Loi sur les sociétés d'assurances, plutôt que des règlements qui se rattachent à d'autres lois.

Comme je n'en avais plus entendu parler depuis un an et demi, je supposais que ce règlement était en vigueur. Est-ce que quelqu'un sait ce qui en retarde la mise en application?

M. Couillard: Non.

Le président: Quand nous avons discuté de cette question avec vous il y a quelques années, il y avait déjà un avant-projet assez précis. Et il me semblait que le règlement devait être en vigueur très bientôt. Qu'est-ce qui s'est passé? Le savez-vous?

M. Couillard: Nous ne savons pas ce qui retarde les choses. Nous avons témoigné la semaine dernière devant le comité des finances de la Chambre des communes et nous lui avons demandé de s'occuper de la question, tout comme nous vous le demandons à vous.

Nous ne sommes pas ici pour représenter les compagnies d'assurances, comme vous le savez. Il est arrivé que deux grandes compagnies d'assurances utilisent à mauvais escient l'information dont elles disposaient. Nous sommes allés voir directement chacune de ces compagnies, nous leur avons fait des remontrances, et elles ont abandonné cette pratique.

Le président: Il y a eu deux cas où des compagnies auraient contrevenu au règlement s'il avait été en vigueur?

M. Couillard: Oui.

Le président: Elles auraient été en infraction au règlement qui n'est pas encore en vigueur et dont nous avons discuté avec vous.

M. Couillard: Elles sont satisfaites. Elles reconnaissent, tout comme nous, la nécessité de protéger les renseignements personnels qui concernent les consommateurs.

Le président: Avez-vous une idée de ce qui retarde l'adoption de ce règlement?

M. William T. Babcock, vice-président des Affaires publiques, Association des assureurs-vie du Canada: Absolument pas.

Le sénateur Meighen: Vous nous avez présenté un exposé très clair, concis et franc. On se demande toujours s'il est efficace de légiférer la moralité et les pratiques à suivre. Mais nous avons peut-être besoin effectivement de codes de conduite et de mesures législatives.

Le Commissariat à la protection de la vie privée a offert de servir d'arbitre, de cour d'appel ou d'ombudsman. Avez-vous réfléchi à cette proposition? Est-ce que cela pourrait être utile?

M. Couillard: Nous avons rencontré le commissaire Phillips il y a environ six mois. Nous avons eu avec lui une séance de travail très productive. L'AAVC a participé à toutes les discussions qui ont mené à l'élaboration des normes de l'ACNOR. Nous approuvons cette idée. Nous sommes pour l'autoréglementation et l'autosurveillance.

Nous avons toutefois des réserves sur la question du consentement. Que faut-il faire à ce sujet-là? Nous nous ferons un plaisir de présenter nos vues au groupe de travail et à participer à l'élaboration d'une politique sur le consentement.

Le sénateur Meighen: Votre industrie est autoréglementée dans une large mesure, n'est-ce pas?

M. Couillard: Oui.

Le sénateur Meighen: J'ai l'impression aussi que votre organisation a fait en quelque sorte office d'ombudsman dans le cas du client qui avait fait affaire avec le Trust Royal et dans les autres cas que vous avez mentionnés au sujet des deux compagnies d'assurance-vie.

M. Couillard: Si j'étais votre planificateur financier, vous me fourniriez des renseignements sur vos rêves et vos buts. Je vous aiderais à vous orienter dans la direction que vous auriez choisie et à atteindre vos buts. Mais je devrais respecter l'information recueillie de cette façon et la traiter avec beaucoup de doigté. Autrement, vous iriez voir ailleurs.

Le sénateur Meighen: C'est une sanction possible, en effet, et elle n'est pas si mal.

M. Couillard: C'est une sanction très sévère, effectivement.

Le sénateur Meighen: Autrement, si vous ne traitez pas correctement l'information que je vous confie, qu'est-ce que je peux faire de vous?

M. Couillard: Vous pouvez me congédier. C'est probablement la pénalité la plus sévère.

Le sénateur Meighen: Je pourrais aussi faire la même chose pour une banque, n'est-ce pas?

M. Couillard: Oui, mais une fois l'infraction commise. Ce qui nous ramène à la réglementation sur le commerce de l'assurance ou sur l'information relative au crédit. Des règlements de ce genre aideraient beaucoup à empêcher les abus dès le départ. C'est pourquoi nous les réclamons. Nous voulons que le règlement sur le commerce de l'assurance reste en vigueur parce qu'il fonctionne bien. Et nous préconisons l'adoption d'un règlement sur l'information relative au crédit le plus tôt possible parce qu'il aidera beaucoup à nous protéger, vous et moi, en tant que simples consommateurs.

Le sénateur Meighen: Pensez-vous que les abus soient plus nombreux qu'avant, ou si ce genre de choses a toujours existé et existera toujours? Pensez-vous que, plus vite nous réglementerons ce domaine, mieux ce sera pour les victimes de ces abus?

M. Couillard: Encore une fois, des règlements sur le commerce de l'assurance et sur l'information relative au crédit aideraient beaucoup à protéger les consommateurs.

Quant à savoir si je constate, sur le terrain, que les abus sont plus fréquents, je dirais que oui. Si nous pouvons mettre ces choses en place sans assouplir les règles, le plus tôt sera le mieux.

Le sénateur Meighen: Avez-vous une idée de la raison pour laquelle ces abus sont plus fréquents?

M. Couillard: C'est une question d'argent. Tant qu'il y aura de l'argent à faire avec les renseignements confidentiels concernant les clients, certaines personnes chercheront à contourner les règles.

Le sénateur Meighen: Cela s'est toujours fait, non?

M. Couillard: Oui, simplement pour faire des profits.

Ce que nous demandons en réalité, c'est la protection du droit des consommateurs au respect de leur vie privée.

Le sénateur Meighen: Quand vous dites que c'est une question d'argent, voulez-vous dire que la concurrence est plus intense et qu'il est donc plus difficile de faire des profits?

M. Couillard: Les profits sont un des moteurs de toutes les institutions financières, oui.

Le sénateur Meighen: Vous dites qu'il y a plus d'abus maintenant, ce qui me laisse croire qu'il y a plus de concurrence. Mais d'un autre côté, vous me dites qu'il y a moins de concurrence.

Je n'essaie pas de vous prendre en défaut.

M. Couillard: Je ne me sens pas pris en défaut. J'essaie simplement de comprendre ce qui se passe exactement.

Le sénateur Meighen: D'un côté, vous dites qu'il y a moins de concurrence et que le pouvoir est concentré entre les mains des banques.

M. Couillard: Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.

Le sénateur Meighen: Je vous ai mal compris?

M. Couillard: Quand j'ai parlé de concentration, c'est parce que le pouvoir financier est très concentré. Dans notre industrie, nous avons depuis plus de 100 ans 140 compagnies d'assurance-vie enregistrées au niveau fédéral. Les consommateurs en ont bénéficié, puisque cela a entraîné une très forte concurrence. Nos prix ont toujours été établis en bonne partie en fonction des droits du consommateur à disposer de produits très concurrentiels, et de services très concurrentiels entourant ces produits. Dans notre industrie, en général, il y a beaucoup de concurrence. Il n'y a pas de concentration. Mais quand on regarde le secteur des services financiers, il est certain que le pouvoir financier est vraiment concentré entre les mains des cinq grandes banques. Nous pensons que c'est une question primordiale sur laquelle le groupe de travail devrait se pencher, ce qu'il fera d'ailleurs probablement.

Le sénateur Meighen: Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais pensez-vous que cette concentration cause de plus en plus de problèmes au sujet de la protection des renseignements personnels et du consentement des consommateurs?

M. Couillard: Encore une fois, c'est à cause de la relation entre le prêteur et le consommateur qui a vraiment besoin d'un prêt. C'est très dangereux. C'est pourquoi le consommateur a besoin de protection. Que l'argent vienne d'une banque, d'une société de fiducie ou d'une compagnie d'assurance-vie, c'est toujours une situation très délicate.

Le sénateur Hervieux-Payette: Avec Internet, les choses vont encore empirer. Je vais pouvoir acheter à peu près tout ce qui se produit sur Terre et payer en transférant de l'argent directement de mon compte de banque. Quand je voudrai acheter quelque chose, j'aimerais au moins pouvoir choisir moi-même, et non avoir quelqu'un qui choisisse pour moi.

Pour contourner le problème de la vente liée, j'ai une carte de crédit émise par une banque et un compte courant dans une autre banque. Bien sûr, la plupart des consommateurs ne trouveront peut-être pas que c'est une bonne idée.

M. Couillard: À moins que ces deux banques fusionnent.

Le sénateur Hervieux-Payette: Si elles continuent à fusionner, il pourrait bien en rester seulement une.

Je pense que nous avons besoin de solutions pratiques proposées par des gens comme vous.

Je viens du secteur des télécommunications. Les gens nous disent souvent qu'ils ne se serviront pas de l'information dont ils disposent et qu'ils ne la vendront pas à une autre organisation. Je trouve difficilement acceptable qu'il soit encore possible de vendre des listes de noms. Quand je signe quelque chose, je ne sais jamais s'il n'y aura pas 200 organisations qui vont recevoir mon nom et remplir ma boîte aux lettres de paperasse inutile. Si je suis sensibilisée aux questions d'environnement, je ne serai vraiment pas contente que des millions d'arbres soient abattus à cause de ma signature sur un bout de papier.

Internet rend le marché plus accessible aux consommateurs, et en particulier à la jeune génération. Nous devons être prudents. Normalement, nous ne choisirions pas d'imposer de plus en plus de règlements. Il est rare que le secteur privé nous demande de le faire. Mais dans ce cas-ci, ce serait probablement une bonne chose puisqu'il existe de nouveaux moyens de pénétrer dans chaque foyer.

Vos remarques semblent à l'opposé de ce que le secteur privé nous dit généralement, à savoir que le gouvernement ne devrait pas mettre le nez dans vos affaires. Vous semblez dire que, si le gouvernement n'intervient pas, il y aura des abus flagrants et que la population ne sera pas bien servie.

M. Couillard: C'est exact.

Le sénateur Hervieux-Payette: Nous devons regarder vers l'an 2000. Nous pourrons peut-être changer les lois pour les cinq prochaines années, mais dans notre monde orienté vers la technologie, les choses évoluent extrêmement vite.

M. Couillard: Nous sommes bien d'accord. Nous avons rencontré les membres du comité des finances de la Chambre des communes la semaine dernière, et l'honorable Doug Peters il y a environ six mois. Notre association s'inquiète beaucoup des effets d'Internet. N'importe quelle compagnie étrangère peut venir vendre ses produits aux Canadiens sur Internet. Quand vous versez des renseignements personnels dans ce système, vous ne savez jamais où ils vont se retrouver. Comment réglementer les pratiques d'une compagnie d'assurance-vie qui n'a pas d'adresse au Canada, mais qui vend ses produits sur Internet? Comment surveiller les activités d'émission de permis, les normes d'éducation, le respect des règles de déontologie et des bonnes pratiques, et les exigences relatives aux réserves obligatoires? C'est une question très vaste qui nous préoccupe certainement nous aussi, dans notre monde où la technologie est en constante évolution.

Le président: Merci, messieurs. Nous allons essayer de savoir pourquoi le règlement n'est pas encore en vigueur et nous vous le ferons savoir.

J'imagine que vous allez participer aux discussions sur le nouveau règlement relatif à la démutualisation. Dans la mesure où les souscripteurs sont protégés, la structure des entreprises comme telle ne vous préoccupe pas particulièrement, n'est-ce pas? Je suppose que ce qui vous intéresse, c'est la protection des droits existants des souscripteurs des sociétés mutuelles, plutôt que la conception d'une superstructure pour les sociétés démutualisées. C'est bien cela?

M. Couillard: Nous sommes satisfaits dans la mesure où la protection des souscripteurs passe en premier.

Le président: Autrement dit, vous pensez qu'ils doivent passer au premier rang.

M. Couillard: Ils doivent être au premier rang et ne doivent pas être détrônés.

Le président: Les autres points de détail ne vous intéressent pas particulièrement?

M. Couillard: Je ne dirais pas cela pour le moment.

M. Babcock: Ces points de détail réservent toujours des surprises.

M. Couillard: Nous aimerions participer au processus.

Le président: C'est un domaine qui va évoluer assez rapidement au cours des prochaines années.

La séance est levée jusqu'à 14 h.


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