Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 15 - Témoignages (Séance du 3 décembre)
OTTAWA, le mardi 3 décembre 1996
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, à qui a été renvoyé le projet de loi C-5, loi modifiant la loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de l'impôt sur le revenu, se réunit aujourd'hui à 10 h 05 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous sommes réunis aujourd'hui pour poursuivre nos travaux relatifs au projet de loi C-5.
Nous entendrons de l'Institut d'insolvabilité du Canada, Bruce Leonard, président, et David Baird, coprésident du Groupe de travail sur l'examen du projet de loi C-5. Nous accueillons également David Richardson, président de Ernst & Young et membre actif de l'Institut d'insolvabilité, qui a participé à la rédaction des mémoires de l'Institut. Au lieu d'entendre les témoins dans l'ordre, il a semblé plus judicieux de demander à M. Richardson de se joindre à MM. Leonard et Baird.
Merci d'être venus témoigner. Monsieur Leonard, vous avez la parole.
M. E. Bruce Leonard, président, Institut d'insolvabilité: Monsieur le président, j'aimerais d'abord présenter brièvement l'Institut d'insolvabilité du Canada et faire quelques observations en guise d'introduction. David Baird présentera un exposé sur plusieurs questions, et David Richardson en abordera d'autres. Je conclurai ensuite, après quoi nous répondrons aux questions des membres du comité. Nous espérons aussi que vous nous interrogerez durant nos exposés.
Monsieur le président, messieurs les sénateurs, l'Institut d'insolvabilité du Canada est une organisation relativement jeune. Nous existons depuis environ huit ans. Nous sommes un organisme sans but lucratif, qui vise la reconnaissance et la promotion de l'excellence dans le domaine de l'insolvabilité. Nous sommes un organisme non partisan. Nous acceptons dans nos rangs un maximum de 100 spécialistes de l'insolvabilité au Canada.
L'objectif que nous visons à propos de la refonte de la législation canadienne sur l'insolvabilité et la réorganisation des sociétés consiste depuis toujours à concevoir les meilleures lois sur l'insolvabilité et à trouver le cadre législatif le plus adapté à la conjoncture économique qui puissent résulter de nos efforts collectifs. Le Canada n'en mérite pas moins.
Au fil des années, l'Institut a collaboré étroitement avec le ministère et consacré beaucoup de temps et d'efforts à l'élaboration de modifications à la Loi. Nous avons participé aux modifications de 1991-1992. Nous avons participé très activement aux travaux du Comité consultatif sur la faillite et l'insolvabilité.
Il y avait, au sein de ce comité, huit groupes de travail dont six coprésidés par des membres de l'Institut. Cela démontre qu'on reconnaît la pertinence de l'expérience des membres de l'Institut dans ce domaine.
Nous avons présenté des mémoires sur le projet de loi C-5 au Comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes. Nous nous sentons privilégiés de comparaître devant vous aujourd'hui.
David E. Baird, coprésident, Groupe de travail chargé d'étudier le projet de loi C-5, Institut d'insolvabilité: Monsieur le président, on m'a demandé de parler de la Loi sur les arrangements avec les créanciers et de la responsabilité des administrateurs.
Un grand problème que nous voyons dans le projet de loi C-5 tel qu'il a été modifié par le Comité de l'industrie touche au paragraphe 11(6), qui porte sur la preuve à fournir lors d'une demande de suspension des procédures.
Comme vous le savez, monsieur le président, le projet de loi de loi prévoit une demande initiale, valide pour une période de 30 jours. Cette demande initiale donne au tribunal le pouvoir de suspendre les procédures intentées contre la compagnie débitrice. Mais le débiteur doit s'adresser à nouveau au tribunal pour obtenir une seconde audition.
Nous appuyons l'idée d'une seconde audition parce que, bien souvent, la première se fait rapidement; les parties n'ont pas entière liberté de s'adresser au tribunal et d'examiner toutes les questions. On a estimé qu'une seconde audition serait importante pour donner à toutes les parties le droit de préparer du matériel et d'obtenir une audience en bonne et due forme.
Dans sa version originale, le projet de loi C-5 prévoyait que, lors de la seconde audition, le fardeau de la preuve incombait au demandeur. Mais il ne définissait pas ce que le demandeur devait prouver pour obtenir une deuxième suspension des procédures.
Le Comité de l'industrie a modifié cette disposition, en supprimant l'alinéa (6) et en le remplaçant par un nouvel alinéa qui prévoit maintenant certaines conditions à remplir avant que le tribunal ne puisse rendre une ordonnance de suspension des procédures, autrement dit, la seconde ordonnance. La modification la plus importante apportée à cette disposition est que le demandeur, c'est-à-dire la compagnie débitrice, doit convaincre le tribunal que l'ordonnance ne saurait causer aucun préjudice sérieux à l'un ou l'autre des créanciers.
À notre avis, et c'est un avis que partagent un grand nombre de spécialistes de l'insolvabilité, il est impossible de procéder à une restructuration sans causer de préjudice sérieux à l'un ou l'autre des créanciers. La question clé est de savoir s'il est possible de suspendre les procédures intentées par les créanciers sans qu'aucun d'eux ne subisse de préjudice sérieux.
La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies est conçue pour des restructurations complexes et de grande envergure. Un exemple que vous connaissez probablement est celui d'Aciers Algoma. La ville de Sault Ste. Marie a été pour ainsi dire sauvée grâce à une restructuration mise en oeuvre en application de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
On a laissé entendre que les Lignes aériennes Canadien International pourraient devoir recourir à cette loi. Cadillac Fairview, un grand promoteur immobilier au Canada et aux États-Unis, a eu recours à cette loi. Dylex Limited, qui comptait 900 magasins au Canada et plus de 13 000 employés, y a eu recours elle aussi.
Aucune de ces restructurations n'a été mise en oeuvre en moins de 30 jours. Aucun plan n'a été présenté en moins de 30 jours pour la restructuration de ces sociétés.
Le président: Votre problème n'est pas le délai de 30 jours puisque vous convenez qu'après 30 jours, il faudrait pouvoir demander une suspension des procédures. On dirait que ce qui vous dérange c'est que l'ordonnance ne doit causer de préjudice sérieux à aucun... et j'insiste sur le mot «aucun» créancier. Vous ai-je bien compris?
M. Baird: Oui.
Le président: Permettez-moi de vous poser une question. L'un des arguments invoqués par certains témoins est que cette disposition vise à donner aux petits créanciers un certain pouvoir de négociation. La compagnie pourrait régler plus facilement leur cas en les payant parce qu'il s'agit de petits créanciers.
Sans disposition de ce genre, les petits créanciers seront simplement laissés pour compte et les débiteurs en feront peu de cas. Je ne dis pas que je suis d'accord avec cet argument, mais nous l'avons entendu.
Ma question est la suivante: comment parvenir à un équilibre afin que, comme dans les grands exemples que vous venez de donner, monsieur Baird, les gros créanciers ne piétinent pas et ne bafouent pas complètement les besoins des petits créanciers?
M. Baird: Bien souvent, les petits créanciers -- les fournisseurs -- ne sont pas du tout touchés. Le plan proposé prévoit le paiement intégral des fournisseurs. Ce fut le cas dans les restructurations de Cadillac Fairview et d'Algoma. Le plan détermine comment les créanciers seront traités.
Nous nous trouvons ici devant un obstacle qui empêche la compagnie de proposer un plan. Cet obstacle est proposé par des gens qui ont des hypothèques sur certains biens. Ils veulent pouvoir réaliser ces biens et les saisir en forclusion ou les vendre en vertu d'un pouvoir de vente. L'entreprise ne pourra pas utiliser ces biens dans le cadre de la restructuration.
M. David Richardson, président, Ernst & Young Inc.: Dans l'exemple de la société Dylex donné par M. Baird, monsieur le président, les petits fournisseurs se sont regroupés au sein de leurs associations professionnelles. Ainsi, les entreprises du secteur du vêtement de Montréal ont eu largement voix au chapitre par suite des démarches de leur industrie.
Deuxièmement, s'ils avaient acculé Dylex au pied du mur et n'avaient pu prouver que la liquidation de cette entreprise n'aurait causé de préjudice sérieux à aucun créancier, alors ils auraient subi un préjudice sérieux en tant que créanciers non garantis. Au lieu de cela, ils s'en sont sortis indemnes. Les mécanismes de la LACC causent et peuvent causer un préjudice temporaire, mais c'est une réalité de la vie. C'est un élément nécessaire pour protéger des emplois et restructurer une entreprise.
Le sénateur Meighen: On a aussi laissé entendre que certaines grandes restructurations ont été réalisées avec succès en appliquant les dispositions de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. C'est le cas de Birks, par exemple. Pourquoi tout ce chichi? Pourquoi faut-il plus de souplesse dans la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et cette disposition particulière que vous aimeriez voir supprimée? Pourquoi est-ce si important?
M. Baird: La LFI prévoit des délais très rigoureux. Il faut déposer un plan dans un délai de six mois. Le tribunal ne peut pas proroger ce délai. La restructuration d'Algoma a pris plus d'un an. C'est la rigidité de la LFI qui crée des problèmes.
Il y a eu des restructurations réussies en vertu de la LFI; mais la plupart des grandes restructurations s'effectuent en appliquant les dispositions de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies à cause de la souplesse qu'elle permet. Si on a le choix, alors dans le cadre législatif actuel, on choisirait la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies presque chaque fois qu'il est question de créances élevées, afin d'obtenir la réorganisation la plus efficace et la plus viable.
Le sénateur Meighen: Est-il juste de déduire de votre réponse que vous ne seriez pas d'accord pour jumeler ces deux lois et que vous préférez deux lois différentes?
M. Baird: Pour le moment, il n'y a que deux différences importantes entre la LACC et la LFI. La première est l'étendue et la portée de la suspension des procédures. La seconde est la portée de l'ordonnance que peut rendre le tribunal, ainsi que les dispositions de cette ordonnance.
Pour le reste, si le projet de loi est adopté, les mêmes mécanismes d'approbation et les mêmes majorités pour le vote s'appliquent. Il faudra communiquer les mêmes renseignements. De plus, les fonctions du contrôleur et du syndic sont semblables. Il y a peu de différences dans la structure des deux lois. Aucune d'elles n'a réussi à régler le problème de la souplesse. Si je n'appuie pas la LFI, c'est uniquement à cause de son manque de souplesse. Si, après avoir étudié suffisamment la question, nous pouvons trouver le moyen d'assurer cette souplesse, alors nous pourrions jumeler les deux lois. Mais je crois que nous avons besoin d'un mécanisme plus souple lorsque le montant des créances est élevé.
Le sénateur Meighen: Dans votre esprit, «élevé» veut dire 10 millions de dollars ou plus?
M. Baird: Il est difficile de répondre à cette question. Quel est le chiffre magique? Nous pensons que le montant de 10 millions de dollars convient, mais je sais que certaines provinces et certaines villes préféreraient qu'il soit moins élevé. Nous pensons que le seuil d'admissibilité devrait être modifié pour permettre un montant global dans le cas de groupes affiliés. La plupart du temps, plusieurs compagnies sont en cause. Nous pensons que le seuil devrait être 10 millions de dollars, toutes créances confondues pour toutes les compagnies affiliées. Nous croyons qu'il serait alors plus facile de modifier ou d'abaisser le montant à partir duquel on tombe sous le coup de la LACC.
C'est une de nos recommandations que le Comité de l'industrie n'a pas retenues. Nous pensons qu'il serait plus facile d'abaisser le seuil s'il était prévu que, lorsqu'il y a cinq ou six compagnies affiliées, c'est le montant total des créances qui est pris en considération. Plus de compagnies et d'organisations pourraient donc tomber sous le coup de la LACC.
Le président: Hier soir, on a laissé entendre que puisque le seuil de 10 millions de dollars éliminerait presque toutes les restructurations dans les provinces de l'Atlantique, en Saskatchewan et peut-être même au Manitoba, il faudrait peut-être laisser aux juges la liberté d'abaisser ce seuil, si les circonstances semblaient le justifier. Avez-vous des objections à ce que le pouvoir judiciaire jouisse de cette liberté?
M. Baird: Nous avons tenté d'appliquer le principe de politique que les petites restructurations tombent sous le coup de la LFI parce que c'est le mécanisme le moins coûteux, le plus rapide et le plus pertinent dans ces situations. Quand nous avons examiné cette recommandation, nous avons craint que, si les juges étaient tout à fait libres de choisir entre les deux lois, alors ce principe de politique ne tiendrait plus et le demandeur serait le seul à choisir la voie à prendre. Dans ces situations, c'est habituellement le demandeur qui choisit. D'habitude, les pressions qui s'exercent sur le juge afin de maintenir la compagnie en vie sont telles que le juge accepte la proposition du demandeur.
Le président: Alors, avez-vous des objections à ce que les demandeurs aient le choix?
M. Baird: Oui, si les créances sont inférieures à 5 millions de dollars. Je pourrais donner au tribunal la possibilité de descendre sous cette barre.
Le président: Nous avons négocié une amélioration de 50 p. 100 jusqu'ici. Ce n'est pas si mal.
La réponse est, oui, une certaine souplesse serait souhaitable, mais vous ne voudriez pas aller jusqu'à l'appliquer dans le cas d'une compagnie à propriétaire unique, n'est-ce pas?
M. Baird: Oui, c'est exact.
M. Leonard: Cette question a soulevé pas mal de controverse, probablement davantage qu'elle aurait dû, mais nous devons tous nous rappeler que la LACC est une loi discrétionnaire dès le départ. On n'a pas un droit à la protection prévue par la LACC. En un sens, il y a déjà un seuil d'admissibilité, puisqu'il faut convaincre le tribunal qu'une restructuration convient dans son cas.
Je pense que la situation se corrigera d'elle-même. Si une compagnie dont les créances contre elles sont peu élevées se présentait devant le juge, celui-ci lui dirait de ne pas le déranger, d'appliquer les dispositions de la LFI. La LACC est devenue très en vogue quand les réorganisations étaient impossibles en vertu de la LFI. Maintenant que la LFI permet des réorganisations, la LACC devrait être moins nécessaire pour les créances moins élevées, ce qui explique pourquoi nous appuyons l'idée d'un certain seuil monétaire.
M. Baird: Si vous me permettez de revenir à la question du préjudice sérieux, dans la plupart des cas, l'ordonnance cause un préjudice au créancier garanti bien protégé. L'opposition, surtout dans le dossier Bramalea, est surtout venue des institutions de prêt qui avaient des créances hypothécaires précises sur des biens immobiliers à l'égard desquels le tribunal avait ordonné qu'une partie des loyers soit remise au débiteur pour financer ses activités et payer les frais généraux d'administration et de restructuration.
Notre institut croit que les créanciers garantis détenant des biens précis en nantissement et ne profitant pas d'une restructuration importante invoqueront cette disposition parce qu'ils sont bien protégés et seront payés en entier de toute façon. Ils invoqueront cette disposition pour empêcher une restructuration qui profiterait à tout le monde, c'est-à-dire aux créanciers ordinaires non garantis, aux employés et à l'entreprise en général. La plupart du temps, c'est un créancier garanti bien protégé qui s'oppose à une restructuration. Nous croyons que cette disposition donnera des munitions à ce type de créanciers lorsqu'ils voudront s'opposer à une suspension des procédures.
M. Richardson: J'aimerais renchérir sur ce sujet. Prenons l'exemple d'un immeuble à bureaux ou à logements à l'égard duquel un créancier garanti a une créance. Supposons qu'il craigne qu'une partie des loyers perçus servent à financer les coûts de l'entreprise, durant la période où Bramalea se restructure, par exemple. Je comprends assez bien la position du créancier dans ce cas, même si je pense qu'il se trompe.
Au lieu de cet immeuble, prenons plutôt un appareil appartenant à Canadien. Il y avait ce matin dans le Report on Business un tableau dressant la liste de toutes les sociétés de crédit-bail ayant des liens avec Canadien. Dix-sept appareils appartiennent à une banque, à la société de crédit-bail avec qui le transporteur aérien fait affaire. Si Canadien demandait la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, et si le type de modification proposé dans le projet de loi C-5 s'appliquait, alors cette banque pourrait saisir les dix-sept appareils. En réalité, elle réaliserait son bien sans tenir compte des répercussions sur la restructuration de Canadien. Je pense qu'une telle mesure aurait un effet dévastateur sur une restructuration.
Le président: C'est un bon exemple. Merci.
M. Baird: Le tribunal peut encore autoriser un créancier à présenter ce que nous appelons une convention concernant les biens restreints pour faire exécuter sa sûreté. Si un créancier garanti réussit à convaincre le tribunal qu'il a le droit de faire lever la suspension des procédures, alors le tribunal peut rendre une telle ordonnance. Nous croyons que le tribunal devrait conserver ce pouvoir de rendre des décisions concernant divers créanciers sur une base individuelle; mais le tribunal ne devrait pas avoir les mains liées sous prétexte qu'il ne peut rendre une ordonnance générale de suspension des procédures si cette ordonnance cause un préjudice sérieux à l'un ou l'autre des créanciers. On limite ainsi le pouvoir du tribunal de rendre une ordonnance générale de suspension des procédures.
M. Richardson: Je voudrais aborder la question des courtiers. Depuis 25 ans, un de mes domaines d'activité très spécialisé a touché aux courtiers insolvables. Durant cette période, je me suis occupé des dossiers de Malone Lynch, L.J. Forget, Osler Inc., McConnell, et de plusieurs petits courtiers insolvables.
Malone Lynch, en 1971, a été la dernière liquidation véritable aux termes de la Loi sur la faillite. Cette liquidation a coïncidé avec la création du Fonds canadien de protection des épargnants, qui avait à cette époque des actifs de 1,5 million de dollars pour protéger les clients des courtiers. L'expérience de Malone Lynch, où tous les comptes ont été liquidés et les positions des créanciers converties en créances aux fins de la répartition des capitaux nets détenus dans les comptes des clients, s'est avérée une façon de procéder bien onéreuse. Ce fut onéreux en partie parce que le syndic de faillite a vendu les titres sur un marché à la baisse et que le Fonds de protection des épargnants protégeait les clients à la valeur des titres détenus dans leur compte à la date de la faillite.
Le Fonds de protection des épargnants a surveillé de près l'application de la Security Investor Protection Act aux États-Unis et proposé les dispositions contenues dans le projet de loi, que j'appuie et qu'il appuie lui aussi. Il ne sera plus nécessaire de recourir aux mises sous séquestre, ce que nous faisons depuis vingt ans, pour administrer ces cas compliqués d'insolvabilité où il y a des avoirs de centaines de millions de dollars, qui n'appartiennent pas au courtier mais plutôt à ses clients. Un régime distinct s'impose.
Nous croyons que les dispositions proposées sont raisonnables. Nous avons collaboré de près avec le ministère pour les définir. Deux d'entre elles, de nature plutôt technique, sont cependant abordées dans le mémoire de l'Institut d'insolvabilité.
J'aimerais faire ressortir deux des quatre ou cinq dispositions qui, selon nous, devraient compter parmi les modifications apportées au projet de loi, si jamais des modifications sont apportées. Je vous renvoie à notre recommandation no 16, à la page 9 de notre mémoire, qui touche aux investissements dans les filiales. Il n'est pas question ici d'un courtier comme la Banque Royale/Dominion Securities, qui peut s'appuyer sur tous les avoirs de la Banque Royale, mais de courtiers de petite et moyenne envergure comme l'étaient McConnell, Osler et Forget, qui semblent être ceux qui se laissent aller périodiquement à des excès spéculatifs ou des fraudes et qu'il faut liquider un jour pour protéger le public.
Dans ce cas, le projet de loi prévoit deux fonds. Il y a un fonds général, qui sert à payer les fournisseurs, tels que IBM, le propriétaire des locaux ou le vendeur de fournitures; et le fonds des clients, qui est beaucoup plus important et où sont versés tous les avoirs des clients. Nous pensons que les placements du courtier dans des filiales devraient être considérés comme un avoir à verser au fonds des clients. Je dis cela parce que, d'après mon expérience au cours des vingt dernières années, quand on examine l'origine des sommes qui ont été placées dans ces filiales, on s'aperçoit que ces placements ne proviennent pas du capital du courtier mais plutôt, bien souvent, des soldes créditeurs libres des clients et peuvent donc être retracés dans les comptes des clients. Il s'agit d'un changement technique simple, mais important que nous proposons.
La recommandation no 17 propose une modification relativement simple au projet de loi. Elle permettrait à un plus grand nombre de créanciers de déposer une requête de mise en faillite d'un courtier en application de cette loi. En 1971, je représentais la Bourse de Toronto et nous savions qu'un courtier avait fraudé. Nous avons essayé de trouver un créancier prêt à déposer une requête en faillite. La Bourse ne pouvait pas le faire elle-même en vertu de la loi en vigueur à l'époque. Il a fallu l'ingéniosité d'un de nos avocats, qui a pensé que la Bourse avait peut-être un compte en souffrance pour les services d'impression des bulletins de cours quotidiens, pour que nous puissions nous appuyer sur cette technicité et déposer une pétition contre le courtier.
Le projet de loi, dans sa version actuelle, propose une suspension par un organisme de réglementation, la Bourse, la Commission des valeurs mobilières ou le Fonds de protection des épargnants de l'Association des courtiers en valeurs mobilières. Je crois que cette disposition devrait être élargie pour inclure une suspension temporaire étant donné que, dans le cas d'Osler et de McConnell, par exemple, les suspensions temporaires, qui ont mis ce courtier au frigidaire, ont révoqué son pouvoir d'effectuer des opérations sur valeurs et l'ont empêché de faire affaire avec ses clients, ont duré plus d'un an avant que la Bourse estime pouvoir présenter au conseil d'administration un dossier à toute épreuve pour demander l'expulsion finale du courtier. Ne pas permettre à l'organisme de réglementation de nommer un syndic en application de la Loi sur la faillite pour s'occuper de ces avoirs en attendant que la suspension temporaire ne devienne permanente constitue une lacune importante.
Le président: Monsieur Richardson, dans la lettre que vous m'avez adressée le 15 novembre et dont j'ai remis copie aux membres du comité, vous indiquez que six de vos recommandations, à savoir les recommandations nos 13 à 18, sont d'ordre technique et ont l'appui des professionnels du domaine. Il s'agit des six recommandations concernant les courtiers.
Aucune d'elles n'a été adoptée par le gouvernement, ce qui est plutôt étrange. Cela n'a rien à voir avec la question des REÉR, par exemple, ou d'autres questions dont nous avons discuté et qui touchent clairement à un enjeu de politique plus vaste. Avez-vous demandé au ministère pourquoi il n'a pas accepté ces recommandations?
M. Richardson: J'accepte personnellement une part de responsabilité.
Premièrement, j'aimerais apporter une précision. Nous avons constaté par la suite que notre recommandation no 14, au sujet de l'expression «ne porte pas atteinte aux droits des créanciers garantis», a été acceptée et intégrée au paragraphe 254(5). Il n'en reste donc que cinq, plutôt que six. Parmi ces cinq propositions, j'ai insisté ce matin sur les deux plus importantes.
J'ai parlé au ministère. Nous avons eu un dialogue constructif et permanent. Ces recommandations ont été faites à l'issue d'un examen final effectué par l'Institut d'insolvabilité. Ce n'est qu'en examinant les dispositions à fond que j'ai constaté ces failles. À ce moment-là, les travaux du comité étaient déjà bien avancés. Le ministère a étudié ces modifications et jugé dans sa sagesse qu'elles n'étaient ni nécessaires ni importantes. On m'a informé que si j'avais indiqué qu'elles étaient nécessaires ou importantes, elles auraient probablement été apportées.
Si des changements doivent être apportés au projet de loi, je crois que les cinq modifications qui restent devraient l'être.
Le président: Les avocats du gouvernement pourront donner leur opinion à ce sujet jeudi prochain. Mais vous ont-ils donné d'autres raisons, à part le fait que ces changements étaient proposés à la onzième heure?
M. Richardson: Aucune raison de politique n'a été invoquée, à ma connaissance, monsieur le président.
Le président: Si nous faisons exception de ces six recommandations, puis-je vous demander s'il en existe d'autres auxquels vous attachez une grande importance parmi les 32 que contient votre mémoire?
Autrement dit, au fil du processus législatif, on se retrouve inévitablement avec une série de modifications, de nature technique ou autre, qui ne sont pas vraiment importantes. Je ne prétends pas que les modifications techniques ne sont pas importantes, mais il y a un ordre de priorité différent.
À part les observations que vous avez exprimées jusqu'ici, y a-t-il d'autres recommandations très prioritaires?
M. Leonard: Monsieur le président, mes points de vue à propos de la LACC se comparent à ceux de David Baird sans être identiques en tous points. M. Baird et moi-même n'avons pas plus de quatre à cinq modifications sur lesquelles nous aimerions insister.
En commençant par mon opinion -- qui vaut ce qu'elle vaut -- sur la LACC, il est difficile de trop insister la gravité de notre situation, si cette modification est adoptée. Cette modification risque d'empêcher la LACC de servir de mécanisme de restructuration.
Le président: Vous faites allusion à la modification à l'article 124, sur laquelle M. Baird a insisté et qui prévoit qu'aucun créancier ne doit être désavantagé.
M. Leonard: Oui. Cette disposition prévoit que, dans le cas d'une réorganisation en application de la LACC, la compagnie doit présenter son plan dans un délai de 30 jours. Cela ne s'est jamais fait.
Le président: Ce n'est tout simplement pas faisable.
M. Leonard: Ce n'est pas pratique et c'est impossible. Si Canadien déposait son bilan demain matin -- et nous pensons tous qu'il n'en sera rien --, elle ne pourrait pas présenter un plan dans un délai de 30 jours. Au bout de ces 30 jours, la suspension serait levée. Les banques et les sociétés de crédit-bail saisiraient leurs appareils et ce serait la fin de Canadien. Qu'aurions-nous gagné par une politique législative qui permet ce genre de situation?
Le sénateur Angus: C'est pour cette raison qu'ils ne déposent pas leur bilan, je suppose.
M. Leonard: C'est l'une des raisons, en effet.
Le sénateur Angus: Ils ont la langue bien pendue, toutefois.
M. Leonard: Oui, ils ont la langue bien pendue.
Le sénateur Meighen: S'ils ont la langue bien pendue, alors pourquoi le délai de 30 jours est-il absolument impossible à respecter, selon vous?
M. Leonard: Il va sans dire qu'il vaut mieux choisir de ne pas déposer son bilan que le contraire. Si le délai de 30 jours était porté à 90 jours, ce serait une autre solution. Il faut du temps.
Au début, j'ai déclaré que la LACC est une loi discrétionnaire. Il faut rassembler beaucoup de documents et beaucoup de preuves pour persuader un juge qu'on a droit à la protection prévue par la loi. Faire tout ce travail, convaincre le juge, puis obtenir ensuite trois petites semaines pour tout régler est ridicule. Cela ne fonctionnera pas.
Le sénateur Angus: Quelle est l'exigence comparable en vertu du chapitre XI, ou compare-t-on des pommes et des oranges?
M. Leonard: Le chapitre XI prévoit un délai d'exclusivité de 120 jours, qui est souvent prorogé. C'était l'une des difficultés que posaient les modifications de 1992. Les Canadiens ne voulaient pas de ce genre de système. Peut-être à cause de notre appréhension à l'égard du chapitre XI, nous sommes tombés dans l'excès contraire. Il est tout simplement ahurissant que nous réagissions de manière aussi exagérée, au point de dire que, même si la structure financière de l'entreprise est très compliquée, il n'y a que quatre semaines pour redresser la situation.
Le sénateur Meighen: Que préféreriez-vous? Préféreriez-vous qu'on n'en parle pas du tout?
M. Leonard: Nous préférons rien du tout. Savez-vous pourquoi la LACC fonctionne actuellement? Elle fonctionne parce qu'on a toujours le juge à ses trousses. On est appelé sans cesse devant le juge. J'exagère un peu, on n'est pas sans cesse devant le juge, mais le juge peut nous convoquer n'importe quand. Pour le juge, c'est une question de traitement des affaires. Il doit trouver l'équilibre entre les intérêts des créanciers et ceux du débiteur. C'est lui qui fait avancer le processus. On ne peut pas relâcher son attention une seconde, sinon le juge s'empresse de rappeler qu'il peut prolonger la protection mais qu'il ne voit pas pourquoi il le ferait si l'on ne met pas tout en oeuvre pour effectuer la réorganisation. Si la réorganisation ne s'effectue pas rapidement, on court le risque que le juge retire sa protection. Qu'arriverait-il dans ce cas?
Fixer un délai de 30 jours au-delà duquel la machine s'arrête si le processus cause un préjudice à un seul créancier fait faire un virage à 180 degrés au principe du redressement qui sous-tend la LACC. Une réorganisation doit viser les meilleurs intérêts du plus grand nombre possible. Toutes les parties intéressées doivent en tirer quelque chose qui les satisfait plus ou moins individuellement.
Voilà ce que fait la LACC. C'est ce que stimule la participation du tribunal. Avec cette modification, on fait faire un virage à 180 degrés à la loi et on dit que si un créancier subit un préjudice sérieux, alors il faut renoncer à la réorganisation dont tous les autres pourraient profiter. C'est une mauvaise politique publique.
Le sénateur Kenny: Vous avez peut-être répondu à ma question. J'allais demander ce qui se passe lorsque les avoirs se détériorent ou que la situation empire. Si la réponse est que le juge établit sans cesse l'équilibre, alors je suis satisfait.
M. Leonard: C'est effectivement la réponse.
Le sénateur Stewart: Comme vous le savez, monsieur le président, nous avons déjà discuté, dans le cadre de l'ordre de renvoi actuel, des tendances des faillites, surtout chez les consommateurs. Il est question de mesures correctives. Je suppose qu'il y a un lien entre l'application de ces mesures correctives et les situations auxquelles elles s'appliquent.
Nous avons devant nous des experts de l'insolvabilité; ils ont de l'expérience dans le domaine. Les tendances de l'insolvabilité ont-elles changé depuis vingt ans, disons? Que nous apprend l'évolution de l'insolvabilité au Canada sur l'évolution de la conjoncture économique en ce qui concerne, par exemple, les sociétés de financement et d'autres grandes sociétés? Qu'est-ce qui provoque l'insolvabilité et les cas d'insolvabilité pour lesquels nous essayons de concevoir des mesures correctives?
M. Baird: Il y a eu une modification importante des pratiques liées à l'insolvabilité des sociétés depuis vingt ans. Jusqu'en 1980 environ, il y avait principalement des mises sous séquestre et des liquidations. Les avoirs étaient vendus et le produit de la vente servait à payer les créanciers garantis. Il restait parfois un reliquat pour les créanciers non garantis, mais la liquidation était la règle.
À partir de 1980 environ, l'idée de la restructuration et du redressement s'est grandement répandue. Je sais que le président a été actif dans le secteur de la pêche, où il y a eu une grande restructuration. Chrysler Corporation est un autre exemple important; Daon et Carma, dans l'Ouest, étaient de grands propriétaires immobiliers qui se sont restructurés. Quand l'Ontario a été frappée, il y a eu la United Co-operatives of Ontario.
La tendance générale est allée vers la restructuration plutôt que la liquidation. Très souvent, c'était intéressé. Les créanciers garantis qui, jusque-là, avaient été payés intégralement, ont constaté qu'ils ne l'étaient plus. Les banques qui voulaient réaliser les avoirs se sont aperçues que si elles acculaient la compagnie à la faillite, plus personne ne pouvait prendre la relève. Elles ont donc permis à des compagnies de poursuivre leurs activités, parce qu'elles ont estimé que le recouvrement serait plus élevé. Cette attitude a évidemment été avantageuse pour les employés et pour les autres parties intéressées.
Il y a eu une modification importante de l'attitude au cours des vingt dernières années, de la liquidation en faveur du redressement. Par conséquent, jusqu'en 1992, les créanciers ne pouvaient plus invoquer la Loi sur la faillite et l'insolvabilité pour faire suspendre les procédures. La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies a donc servi au processus de redressement.
Bruce Leonard a mentionné que cette modification fait faire un virage à 180 degrés. À notre avis, elle nous ramène à l'ère de la liquidation.
Elle donne au créancier garanti, qui a une valeur, son avoir, le droit d'en prendre possession. Les tribunaux ont été indulgents et généreux, mais aussi favorables au redressement parce que le public en profite. Ils sont passés d'un préjugé très favorable envers le créancier garanti à un préjugé favorable envers la restructuration, à cause de la nécessité de maintenir en vie des compagnies comme Quintette Mines, en Colombie-Britannique. Il s'agit là d'une autre restructuration qui s'est effectuée en application de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
Sénateur, j'espère vous avoir donné une idée de ce qui s'est passé dans le secteur commercial, en ce qui concerne la restructuration.
Du côté des consommateurs, il y a eu une forte hausse des faillites. Je pense que le taux de chômage élevé et d'autres problèmes en sont une cause. L'ampleur du crédit accordé en est une autre, tout comme l'absence de déshonneur public en cas de faillite. La tendance veut que la faillite attire l'opprobre moins qu'avant. Le battage accru autour de la faillite a incité les débiteurs consommateurs à déclarer faillite. Il y a donc eu une modification importante des statistiques.
Le sénateur Stewart: M. Baird a évoqué les modifications apportées aux mesures correctives et fourni une réponse intéressante et utile. Ma question allait dans un autre sens. Y a-t-il une modification structurelle des causes des difficultés financières des grandes sociétés? C'est peut-être une question à laquelle vous n'avez pas beaucoup réfléchi parce que vous deviez régler des problèmes immédiats. Je comprendrais qu'il en soit ainsi. Si vous préférez ne pas répondre à cette question, je comprendrai parfaitement.
M. Baird: Je suis désolé, je n'avais pas saisi votre question et je vous prie de m'en excuser.
Il faut considérer des secteurs en particulier. Le secteur de l'immobilier dans l'Ouest canadien s'est effondré quand les prix du pétrole et du gaz naturel ont fléchi. En Ontario, avec le déclin de l'industrie manufacturière, de nombreuses succursales ont dû fermer leurs portes à cause de la consolidation des usines. Il y a beaucoup de locaux industriels vacants en Ontario. Il y a beaucoup d'immeubles à louer. Divers facteurs économiques ont provoqué l'effondrement. Le déclin des prix immobiliers a évidemment causé de réels ennuis à de grandes sociétés comme Olympia & York et Cadillac Fairview. Des loyers de bureaux qui sont passés de 40 $ le pied carré au centre-ville de Toronto à 8 $ ou moins sont une autre cause importante de faillite.
Je ne peux pas désigner une cause en particulier. D'habitude, c'est à cause de la conjoncture économique. Pour le consommateur, c'est le chômage élevé. Lorsque le taux de chômage se situe à 10 p. 100, ceux qui vivent à la limite de leurs moyens et qui perdent leur emploi doivent déclarer faillite.
M. Leonard: Je pense que c'est une bonne réponse, monsieur le président. À mon avis, l'insolvabilité suit le cycle économique. Il y a eu une vague de faillites dans le secteur du commerce de détail au début des années 90, suivie d'une vague de faillites dans le secteur immobilier. En un sens, les commerçants de détail ont provoqué l'effondrement du secteur immobilier, parce qu'ils ne payaient pas leur loyer. Les promoteurs immobiliers ont sombré. Les institutions financières qui leur avaient accordé des prêts ont donc éprouvé des difficultés financières. Je ne crois pas que ce soit particulier à la fin des années 80 ni au début des années 90. Je pense que c'est simplement lié à la conjoncture économique en général ou au fait que le cycle économique général est grandement lié au déclin des prix de l'immobilier. S'il y a un facteur déterminant, c'est celui-là.
Ce que nous n'avons pas analysé -- et vous cherchez peut-être une réponse que nous ne pouvons pas vous donner --, c'est la hausse phénoménale des faillites de consommateurs. Il se pourrait que jusqu'à 85 p. 100 des faillites au Canada soient des faillites de consommateurs. Ce qui rend perplexe, c'est que le taux de faillites de consommateurs augmente à mesure que le taux de chômage diminue. Je ne pense pas que le régime prévu par cette loi soit efficace dans le cas des faillites de consommateurs. Je ne suis pas un expert dans ce domaine et je ne connais pas la réponse.
Le sénateur Kenny: Les taux de participation diminuent probablement eux aussi.
Le président: Vous voulez dire les taux de participation à l'activité économique?
Le sénateur Kenny: Oui.
Le président: Je vous prierais d'expliquer un peu votre dernière observation, monsieur Leonard, au sujet du manque d'efficacité de la loi dans le cas des faillites de consommateurs. Nous avons entendu les témoignages des professeurs Ziegel et Ramsay, qui ont traité de cette question de façon assez détaillée. Pouvez-vous expliquer votre point de vue?
M. Leonard: J'y arrive à partir de données assez élémentaires. Les faillites de consommateurs ne sont pas mon domaine. Mais c'est un problème dont nous entendons tous parler.
En 1992, la loi a été modifiée pour inclure des dispositions relatives aux propositions de consommateurs afin de résoudre le problème qui existait à ce moment-là. En 1996, le problème existe toujours. Les propositions de consommateurs n'ont pas fonctionné.
Le président: Elles ont peut-être constitué un mécanisme efficace, mais elles n'ont pas fonctionné en ce sens qu'elles n'ont pas réduit le nombre de personnes qui y ont eu recours.
M. Leonard: C'est exact.
Nous sommes arrivés à une impasse. Je ne sais pas comment mettre fin à cette vague de faillites de consommateurs. À moins de restreindre l'accès au crédit, je ne vois pas trop ce qu'on peut y faire. Ni de façon systémique, ni de façon structurelle, nous n'avons pas créé dans la Loi sur la faillite une structure qui contribue à résoudre ce problème.
Le sénateur Meighen: Vous parlez des faillites de consommateurs. Nous avons entendu des témoignages assez critiques sur le processus de médiation proposé. Avez-vous des observations à ce sujet, dans un sens ou dans l'autre?
M. Baird: Nous ne pensons pas que la médiation fonctionnera. Nous pensons que le dernier arbitre devrait être le juge. Il faudrait lui donner le pouvoir de prendre la décision finale. La médiation existe actuellement, de manière informelle, mais la structure de médiation ajoute un autre palier qui complique la situation. À l'heure actuelle, c'est une bataille. Le failli ne veut rien payer. Les créanciers veulent un gros paiement. Quelqu'un doit décider ce qui est juste et raisonnable. À l'heure actuelle, l'arbitre, c'est le juge.
Nous croyons que le juge devrait rester l'arbitre et que le séquestre officiel ou un représentant du gouvernement ne devrait pas participer à la médiation parce que cela ne fait qu'accroître les coûts et les délais et rendre le système plus complexe.
Le sénateur Kenny: Que pensez-vous de l'encombrement des tribunaux et des délais en ce qui concerne l'accès aux tribunaux? La médiation n'atténuerait-elle pas ces problèmes?
M. Baird: Si la médiation était exécutoire, oui, ce serait une solution de rechange. Si nous mettions sur pied un tribunal ou désignions quelqu'un pour prendre la décision finale et éviter d'aller devant les tribunaux, nous parviendrions aux mêmes résultats. Déterminer le montant que quelqu'un doit payer n'est pas une question juridique complexe, c'est plutôt une question sociale. Le problème, c'est qu'il y a deux mécanismes. Le problème n'est pas de savoir s'il devrait y avoir un tribunal et la médiation ou l'un ou l'autre. Aucun des deux mécanismes n'est meilleur que l'autre. «Médiation» n'est peut-être pas le terme juste. Si vous donnez au séquestre officiel le droit de prendre cette décision, c'est peut-être la bonne solution. Mais je ne crois pas qu'il serait utile d'avoir un mécanisme de médiation et que le tribunal prenne ensuite la décision finale.
C'est un processus relativement simple. Le failli produit une liste de dépenses. La personne qui statue sur l'affaire en voit des centaines. Elle a une bonne idée de ce qui constitue une dépense normale et peut prendre une bonne décision. Il n'est pas nécessaire que ce soit un juge. Nous n'avons pas besoin de deux mécanismes.
Le sénateur Meighen: Les représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes nous ont déclaré hier soir avoir été surpris et un peu consternés de découvrir dans le projet de loi une disposition qui prévoit une priorité sur toutes les autres créances dans le cas des frais de réparation de dommages liés à l'environnement lorsque les biens immeubles sont garantis par une sûreté. Ils ont fait remarquer que si quelqu'un doit payer, pourquoi pas aussi les prêteurs qui ont une sûreté sur les biens meubles comme l'équipement, la machinerie ou autre chose, peu importe, qui risquent probablement plus d'avoir causé les dégâts à l'environnement. Les règles ne semblaient pas équitables, surtout lorsqu'ils ont constaté que les compagnies d'assurance de personnes détiennent plus de 50 p. 100 des hypothèques commerciales au Canada. Ils estiment donc qu'ils assumeraient une part indue des coûts.
Avez-vous une opinion à ce sujet?
M. Baird: J'ai présidé d'un des comités de travail du CCFI qui se penchait sur les questions environnementales. Il n'était pas facile de décider qui devait assumer les frais de la dépollution. Ce problème était bien connu en ce qui concerne les travaux de ce comité et le rapport. Il y a toujours eu une tension entre les deux: faudrait-il faire porter le fardeau sur le bien immeuble ou sur le bien immeuble et la machinerie et l'équipement qui se trouve sur ce bien immeuble.
Le problème s'est posé de façon assez soudaine. Au sein de notre groupe de travail, qui a présenté son rapport au CCFI, c'était un enjeu important. C'est une question de politique. Les biens meubles devraient-ils ou non être visés? Le législateur a raison de soutenir dans le projet de loi qu'au bout du compte, le bien immeuble demeure. C'est une façon relativement simple de régler la question.
Imposer des réparations à l'égard des biens meubles serait difficile à administrer. Si un camion se rend ailleurs, est-il visé par les frais de dépollution? Je pense qu'il serait extrêmement difficile et peu réaliste d'administrer un système où des biens qui se déplacent souvent d'un endroit à l'autre seraient visés par les coûts de la dépollution. Une méthode plus simple est proposée dans le projet de loi. La créance relative aux frais de réparation touche les biens immeubles.
Le président: Monsieur Baird, l'ACCAP était-elle représentée à votre groupe de travail?
M. Baird: Pas à notre groupe de travail, mais au CCFI.
Le président: Il ne fait donc aucun doute qu'ils savaient à quoi s'attendre, dans ce cas.
M. Baird: Je crois qu'ils devaient être au courant parce que notre rapport a été déposé au groupe de travail du CCFI.
Le sénateur Meighen: Pour généraliser un peu à l'extrême et pour me faire l'avocat du diable, pourrait-on résumer votre réponse en disant qu'il est plus simple que la créance touche les biens immeubles et que vous vous moquez de l'équité. C'est une façon d'obtenir un paiement. Tant pis pour eux.
M. Baird: C'est une façon bien différente de présenter mon argument.
Le président: Il sonnait un peu différemment.
Le sénateur Meighen: M. Daniels n'est pas ici ce matin, alors j'ai pensé me faire son porte-parole.
Le sénateur Stewart: Cette technique a aussi l'avantage de concentrer la responsabilité. On peut supposer qu'il y aura un seul prêteur sur le bien immeuble, mais il pourrait y en avoir des centaines dans le cas des machines, des produits chimiques, et cetera. Vous affirmez que ceux qui prêtent l'argent pour fournir le bien immeuble devraient surveiller ce qui s'y passe.
Le sénateur Meighen: Comment peuvent-ils contrôler ce qui arrive avec les machines?
Le sénateur Stewart: Exactement. Ce n'est pas juste.
M. Baird: Nous devons peser le côté pratique et l'équité. J'opte pour le côté pratique.
Il ne sert à rien d'avoir un système équitable s'il ne peut pas être administré efficacement et s'il coûte plus cher d'essayer d'obtenir une équité absolue.
Le sénateur Meighen: Il vaut mieux un système injuste que l'on peut appliquer.
M. Baird: Oui, pourvu qu'il soit supérieur au système existant. Nous voulons une amélioration. Je reconnais que nous n'obtenons pas la perfection à 100 p. 100, mais au moins nous améliorons la situation. Nous donnons aux autorités provinciales une créance garantie concernant les frais de dépollution et nous protégeons l'environnement, en tous cas, nous l'espérons. Nous attribuons la responsabilité au prêteur qui a une sûreté sur le bien immeuble.
Comme l'a déclaré le sénateur, avant d'accorder le prêt, ils connaissent leurs responsabilités. Ils savent quels risques ils prennent en accordant le prêt. Ils sont donc en mesure de se protéger. Il n'y a une injustice réelle que si cette mesure est prise en cours de route, lorsqu'une sûreté existe déjà. Une banque peut insister pour obtenir une étude et une évaluation environnementale avant d'accorder le prêt. Il y a un risque qu'un accident survienne dans l'intervalle, mais la banque sait à quel type d'entreprises ces prêts sont accordés. Il est impossible d'atteindre la perfection, mais nous pouvons améliorer la situation.
Le sénateur Meighen: J'ai raté quelque chose. Supposons pour un instant que j'accorde un prêt garanti par le terrain. L'exploitant négocie ensuite avec vous et emprunte en donnant en nantissement son équipement et sa machinerie, qui causent des dégâts à l'environnement.
M. Baird: Vous pouvez prévoir dans votre hypothèque une disposition qui interdit d'utiliser le bien à des fins dangereuses pour l'environnement. Si cette condition n'est pas respectée, vous pouvez obtenir une injonction. Je mets les choses au pire.
Vous pouvez limiter l'utilisation de votre bien en prévoyant une disposition à cet effet dans votre hypothèque. Vous pouvez saisir le bien grevé. On peut espérer que ce type de mesure draconienne vous aidera.
M. Leonard: N'avons-nous rien oublié? Si quelqu'un a endommagé un bien au point de déprécier la valeur de l'hypothèque, interdit-on au créancier hypothécaire d'intenter des poursuites contre celui qui a causé les dégâts? Nous ne laissons pas le pollueur s'en sortir indemne. Les créanciers hypothécaires n'ont pas à assumer toute la responsabilité et ils ne sont pas sans recours. Vu le nombre de cabinets d'avocats qui travaillent pour ces gens, ils peuvent certainement en trouver un qui intentera des poursuites contre le pollueur et obtiendra des dommages-intérêts.
Le sénateur Kenny: Et s'il a déclaré faillite?
M. Leonard: Alors, il est trop tard. Il fallait suivre les prêts plus attentivement.
J'allais dire que l'objet de la LACC et de la législation sur la réorganisation consiste à fournir aux entreprises viables le temps de négocier des solutions à leurs problèmes financiers. La LACC, telle qu'elle a été conçue dans les années 30, a donné des résultats remarquables à cet égard en confiant aux tribunaux la supervision de la réorganisation et en les laissant décider quel délai devait être accordé pour effectuer la réorganisation.
Aucune réorganisation importante au Canada n'a été réalisée en moins de 30 jours. Au nom de l'Institut d'insolvabilité, nous recommandons fortement à votre comité de signaler que cette disposition va à l'encontre de la politique du gouvernement qui consiste à promouvoir la réorganisation et le redressement d'entreprises en difficulté financière. Nous avons besoin d'un régime de réorganisation qui satisfait le plus grand nombre de gens possible. Nous n'avons pas besoin d'un régime qui donne à tous les créanciers un droit de veto, comme le ferait cette modification.
Cela dit, je n'ai plus rien à ajouter sur la LACC.
Le président: Vous n'avez pas abordé les autres aspects.
M. Leonard: Non.
Le président: Je voudrais y revenir. Vous avez 32 recommandations. Nous comprenons les six que M. Richardson a expliquées au sujet des courtiers. Il en reste 26. Je ne vous demande pas de les classer de 1 à 26, mais dites-nous quelles sont les 5 à 10 plus importantes.
M. Baird: La recommandation no 19, qui touche à la LACC, porte sur les sociétés affiliées. Nous en avons déjà parlé. Elle permet d'inclure les dettes des sociétés affiliées dans le montant de 10 millions de dollars.
Le président: Pourrait-on obtenir le même résultat en abaissant ce montant à 5 millions de dollars, comme nous l'avons négocié plus tôt?
M. Baird: Oui. Parfois, une petite compagnie devrait être incluse dans le processus de restructuration.
Le sénateur Meighen: Par décision judiciaire ou par voie législative?
Le président: Le témoin précédent a déclaré qu'il faudrait un seuil minimal. Autrement dit, le juge devrait pouvoir descendre de 10 millions de dollars à 50 000 $, par exemple. Les témoins étaient disposés à accepter ou bien un seuil plus bas, et le chiffre mentionné a été de 5 millions de dollars, ou bien le montant de 10 millions de dollars, à condition d'accorder une discrétion judiciaire quant au minimum. Est-ce exact?
M. Baird: C'est exact.
Le sénateur Angus: Que préférez-vous?
M. Baird: Je préférerais le minimum de 5 millions de dollars, tout seul. Accorder une discrétion judiciaire n'est qu'une autre source de controverse que nous pouvons éviter. J'opte pour la certitude.
M. Leonard: Je préférerais la discrétion judiciaire.
M. Richardson: L'argument de David Baird a beaucoup de sens. Au fond, la LACC fonctionne à cause de la discrétion judiciaire. Je ne vois pas pourquoi on l'écarterait dans un autre domaine. Nous avons d'excellents juges qui appliquent la loi depuis dix ans et cela fonctionne.
Le président: Pouvez-vous reprendre, s'il vous plaît, là où vous vous étiez arrêté?
M. Baird: La recommandation no 21 vient ensuite. Elle porte sur le contrôleur nommé aux termes de la LACC. Nous pensons que ce contrôleur devrait jouir de la même protection que le syndic nommé aux termes de la LFI. Nous ne voyons aucune raison de ne pas le faire. On ne nous a pas donné de raison valable. Cette suggestion a simplement été oubliée quand les modifications ont été proposées.
Le président: C'est un simple oubli?
M. Baird: Nous le pensons. Nous ne voyons pas de justification de politique.
La recommandation no 22 porte sur une modification relative à la responsabilité du contrôleur. Nous aimerions élargir la portée de la disposition actuelle. Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne dégagerait le contrôleur que de la responsabilité découlant des créances antérieures à sa nomination. Nous pensons que cette protection devrait s'appliquer aussi aux créances postérieures à la nomination du contrôleur. La disposition actuelle porte sur le contrôleur qui continue l'exploitation de l'entreprise de la compagnie débitrice ou succède à celle-ci comme employeur. Les contrôleurs n'exercent pas ces fonctions, d'habitude. Il est très inhabituel qu'un contrôleur continue l'exploitation de l'entreprise ou emploie les employés. Cela n'arrive presque jamais. Un contrôleur, comme son nom l'indique, est essentiellement un chien de garde. Nous pensons que le projet de loi ne devrait pas mentionner que le contrôleur continue l'exploitation de l'entreprise ni succède à la compagnie débitrice comme employeur.
Nous pensons que la modification que nous proposons dans notre recommandation no 22 protège davantage le contrôleur.
Nous aimerions aborder maintenant le problème de la protection des cadres et des administrateurs. Il en question dans les recommandations nos 6, 7, 9, 10, qui sont intimement liées.
L'un de nos casse-tête est que le projet de loi, dans sa forme actuelle, permet à une proposition faite en application de la LFI de comporter des dispositions relatives à une transaction sur les créances contre les administrateurs. Nous proposons que la même protection soit accordée aux cadres. La proposition devrait pouvoir comporter des dispositions relatives à une transaction sur les créances contre les cadres. Dans de nombreuses provinces, des responsabilités statutaires sont imposées aux cadres, ce que le législateur semble oublier. Nous pensons que la protection accordée aux administrateurs devrait l'être aussi aux cadres. Nous ne voyons pas de justification à cette omission.
Le sénateur Angus: Ce sont des êtres différents.
M. Baird: Oui, mais dans certaines provinces, ils ont tout de même des responsabilités statutaires à l'égard des salaires et des congés annuels. Pourquoi ne pas permettre que la proposition faite en application de la LFI comporte des dispositions relatives à une transaction sur ces créances?
Le président: Je ne veux pas entrer dans le sujet de la régie interne des sociétés, mais il y a certainement une différence entre la part de responsabilité qui doit ou devrait être attribuée à un cadre chargé de la gestion quotidienne des activités d'une société et un administrateur, en particulier un administrateur externe. Mettre les deux groupes dans le même panier dégage la direction probablement plus qu'il n'est souhaitable.
M. Baird: Nous proposons deux dispositions. La première serait que la proposition puisse comporter des dispositions relatives à une transaction sur les créances contre les cadres. J'emploie le mot «cadres» parce que c'est celui que nous proposons. Les créanciers pourraient voter pour déterminer s'ils veulent dégager les cadres de cette responsabilité. À l'heure actuelle, ils ne le peuvent pas. Il n'y a aucune disposition statutaire, ne serait-ce que pour leur donner le pouvoir de voter. Nous voulons permettre la suspension des poursuites contre les cadres durant la restructuration. À l'heure actuelle, aucune disposition du projet de loi ne permet une telle suspension.
Si des transactions sont proposées et mises aux voix, nous aimerions que les administrateurs et les cadres soient dégagés de leurs responsabilités, que le débiteur remplisse ou non ses obligations en vertu de la proposition. Nous aimerions qu'il soit possible de faire une proposition prévoyant que les administrateurs et les cadres sont dégagés de leurs responsabilités après qu'ils ont rempli certaines conditions, plutôt que de les faire attendre que la compagnie débitrice ait effectué tous les paiements.
Nous ne demandons pas que les administrateurs et les cadres soient dégagés de toute responsabilité. Essentiellement, nous demandons qu'il soit permis de proposer un plan d'arrangement qui prévoit des dispositions dégageant les cadres de leurs responsabilités.
Le président: Vous demandez de donner un peu de liberté au juge au lieu de prévoir un mécanisme obligatoire.
M. Baird: Ce droit ne serait pas accordé au juge, mais bien aux créanciers. Si les créanciers sont d'accord, ils peuvent dégager les administrateurs et les cadres de leurs responsabilités.
Le sénateur Kenny: Je me demande si nous voulons que les cadres qui se retrouvent dans une situation de ce genre se concentrent plus sur leur situation personnelle que sur celle de la compagnie. Ce serait évidemment une situation stressante, de toute façon.
M. Richardson: En février dernier, nous avons eu une autre situation, avec Interlink. Les administrateurs se sont sentis obligés d'essayer de limiter leur responsabilité, ou leur responsabilité éventuelle, et ils ont abandonné le navire. Ils sont partis en entraînant avec eux les meilleurs esprits, les plus intelligents, ceux qui auraient été le mieux en mesure de diriger la compagnie vers une restructuration. Nous devrions leur assurer une certaine protection.
Le sénateur Angus: Estimez-vous que vos recommandations à l'égard des administrateurs et des cadres y changeraient quoi que ce soit? Si ces dispositions existaient actuellement, pensez-vous que le conseil d'administration de Canadien n'aurait pas démissionné? Je pense que cela n'aurait rien changé. Je pense qu'ils auraient démissionné de toute manière.
M. Richardson: Je ne connais pas assez bien les facteurs relatifs à la responsabilité personnelle qui les inquiétaient pour pouvoir dire si cette mesure remédierait à la situation. Je pense que oui dans la plupart des situations auxquelles j'ai eu affaire.
M. Baird: Cela ne règle pas tout. Nous aimerions voir une diligence raisonnable pour tous les types de responsabilité. Je ne suis pas convaincu que cela relève de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
Le président: Notre comité a rédigé un rapport à l'intention d'Industrie Canada au sujet des dispositions de la Loi sur les sociétés par actions relatives à la régie des sociétés. Nous avons reçu une lettre du ministre, dans laquelle il déclare que nos recommandations seront adoptées lorsque des modifications seront proposées à la Loi sur les sociétés par actions, l'an prochain, probablement après les élections.
Pourrions-nous intégrer ces changements proposés aux dispositions relatives à la responsabilité des administrateurs et des cadres, comme vous diriez -- je dirais seulement des administrateurs --, dans la Loi sur les sociétés par actions ou faut-il régler ces problèmes dans la Loi sur la faillite?
M. Baird: Il faut évidemment les régler dans la Loi sur la faillite, à cause des nombreuses lois provinciales qui imposent des responsabilités draconiennes aux administrateurs.
Le président: Cela ne pourrait pas se faire dans une loi seulement?
M. Baird: Non, malheureusement, c'est impossible. Nos études ont démontré que plus d'une centaine de lois fédérales et provinciales imposent une responsabilité personnelle aux administrateurs.
La Loi sur la faillite est une espèce de loi d'application générale. Elle vise à donner aux administrateurs un certain répit, après que la responsabilité a été contractée. Mais la perfection n'est pas de ce monde. Les suggestions que nous faisons ne régleront pas les problèmes; elles les atténueront un peu, et nous pensons que ce sont des améliorations, mais elles ne sont pas parfaites.
Le sénateur Angus: Pourraient-elles aller plus loin? Pouvez-vous suggérer une modification qui irait plus loin?
M. Leonard: Nous pensions que ce serait un peu hors de notre portée. Nous avons essayé de nous limiter aux aspects qui ont été abordés au comité de la Chambre des communes. Mais on pourrait faire beaucoup de travail utile dans ce domaine. Si nous en avions la chance, c'est un dossier auquel l'Institut d'insolvabilité aimerait bien participer. Mais je ne suis pas convaincu qu'il soit opportun de le faire aujourd'hui ni que ce soit le bon moment.
Le sénateur Angus: Je crois que c'est un bon moment. «Opportun» est un terme relatif en ce qui concerne le projet de loi.
M. Baird: Il faudrait se dépêcher de mettre sur pied un groupe de travail. Nous avons tous notre petite idée. J'aimerais consulter mes collègues avant de proposer une solution.
Si nous pensions que ce pourrait être vraiment utile, nous pourrions tenter de créer un groupe de travail pour faire une recommandation. Mais il faudrait au moins un mois.
Nous avons discuté des recommandations nos 6, 7, 9 et 10 en bloc. Le principe de base consiste à inclure les cadres et les administrateurs. Le second principe consiste à permettre une certaine souplesse afin qu'un plan d'arrangement ou une proposition protège les cadres et les administrateurs.
M. Leonard: Pour rester dans le même sujet, pouvons-nous examiner rapidement la recommandation no 5? Cette recommandation touche à une disposition du projet de loi qui va à l'encontre de la réorganisation. Je suis assez habile à déceler ce genre de choses.
Il s'agit de la disposition stipulant que, lorsque le tribunal estime que la réorganisation ne réussira pas, il peut la bloquer avant même qu'on la propose aux créanciers.
Le principe fondamental de la LFI et de la législation relative à la réorganisation a toujours été que les créanciers décident de leur avenir et du sort de leurs créances en négociant avec le débiteur. Le tribunal agit comme arbitre pour empêcher la violence d'éclater.
Cette disposition laisse entendre que le tribunal sait mieux que les créanciers ce que la réorganisation signifie vraiment pour eux. Je pense que c'est à la limite de l'arrogance législative et que nous pouvons nous en passer. Laissons les créanciers voter. S'ils acceptent, alors l'affaire est dans le sac; s'ils refusent, tout est fini. Nous ne comprenons pas très bien pourquoi le tribunal doit intervenir avant que les créanciers décident.
Cette disposition découle probablement d'un abus assez bien connu; mais je ne pense pas que les lois peuvent reposer sur des cas d'abus isolés.
La recommandation no 11 concerne les propriétaires. Avant 1992, il n'y avait pas de régime de réorganisation pour les locateurs. Un locataire qui tentait de se réorganiser était tout à fait incapable de résilier un bail onéreux. S'il avait un bail de 30 ans, tant pis pour lui. La seule façon de s'en débarrasser consistait à déclarer faillite, parce que les lois provinciales donnent au syndic de faillite le droit de résilier un bail.
Dans le cadre d'une réorganisation antérieure à 1992, il fallait déclarer faillite pour se débarrasser d'un bail. Le syndic résiliait le bail, les avoirs étaient vendus à quelqu'un qui négociait un nouveau bail avec le propriétaire.
En 1992, on a tenté valeureusement de régler ce problème en proposant un compromis. Le locataire effectuant une réorganisation pouvait résilier son bail, mais à deux conditions. Premièrement, il devait persuader le tribunal que c'était la bonne solution. On n'essaie pas de faire la vie dure au propriétaire, on veut plutôt qu'il puisse plaider sa cause devant le tribunal.
Deuxièmement, il fallait indemniser le propriétaire, cette indemnisation étant fixée à six mois de loyer. Si le locataire pouvait résilier le bail, alors le propriétaire obtenait six mois de loyer.
Il y a eu quelques cas d'abus, un à Ottawa et un autre à Québec. Un propriétaire avait construit un immeuble répondant aux exigences du locataire et, avant la fin du premier exercice, le locataire a déclaré faillite, invoqué ces nouvelles dispositions, résilié le bail, versé six mois de loyer au propriétaire et le bail s'est envolé en fumée. Le propriétaire s'est retrouvé avec un immeuble qu'il ne pouvait pas louer. C'était un cas d'abus flagrant, une supercherie monumentale.
L'Institut d'insolvabilité a proposé un mécanisme qui pouvait fonctionner, selon nous. Essentiellement, il s'agissait de considérer les propriétaires comme d'autres créanciers. Cela ne s'était jamais fait auparavant. Nous avons cru avoir trouvé une solution au problème. Cette solution reposait sur une formule de calcul de la part que représentait la créance du propriétaire. Si un propriétaire était coincé parce que son locataire quittait l'immeuble, il aurait une créance, comme m'importe quel autre créancier, pour le préjudice subi. Il produirait sa créance pour qu'elle soit incluse dans la réorganisation, voterait et recevrait des dividendes. Nous pensions que ce mécanisme aurait fonctionné.
Notre recommandation n'a pas été acceptée. Nous soutenions que, puisque le nouveau régime prévoit que les propriétaires seront traités sur un pied d'égalité avec les autres créanciers, cette obligation d'aller en cour pour prouver que le bail doit être résilié n'est probablement plus nécessaire. Si le bail est résilié, le propriétaire sera traité comme tous les autres créanciers. Personne d'autre ne va en cour; par conséquent, cette disposition n'est pas nécessaire. Mais elle n'a pas été supprimée. Elle prévoit que le locataire effectuant une réorganisation doit présenter une demande au tribunal. Il y a donc une solution à un problème qui n'existe plus. Il serait bien de supprimer cette disposition pour corriger la situation.
Ma dernière observation se rapporte à la recommandation no 32, qui repose sur l'évolution historique du droit canadien relatif aux prêts garantis. Cette modification s'impose parce que les cours d'appel provinciales ne cessent d'interpréter leurs propres lois.
La Loi sur la faillite a toujours prévu que les sûretés et les cessions de créances qui ne sont pas enregistrées correctement sont inopposables au syndic. Elle n'a jamais parlé des autres lois.
Cette disposition n'a pas été touchée depuis que la législation sur les sûretés relatives aux biens personnels a vu le jour au Canada, en 1976. Cette législation se rapporte à des codes commerciaux uniformes inspirés de ceux qui existent aux États-Unis. Elle remplace la législation sur les ventes conditionnelles et sur les hypothèques sur biens meubles. Lorsqu'elles étaient appliquées d'un océan à l'autre, ces anciennes lois pouvaient entraîner des conséquences désastreuses, parce qu'il suffisait de la moindre petite erreur -- par exemple, le fait de ne pas avoir d'affidavit --, de la moindre lacune technique, pour que la sûreté devienne nulle et non avenante. À cause de ces conséquences, il n'était pas nécessaire de stipuler dans la Loi sur la faillite que, si une loi est inopposable, le syndic a la priorité sur le créancier garanti, parce que cela se faisait automatiquement.
La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a statué que, lorsqu'une sûreté n'a pas été enregistrée en vertu de la loi sur les sûretés relatives aux biens personnels, la province n'a pas le pouvoir d'accorder la priorité à un syndic, qui relève d'une loi fédérale.
Les autres provinces n'ont pas emboîté le pas, mais elles ont déclaré qu'une sûreté qui n'a pas été enregistrée, en Colombie-Britannique tout au moins, aura priorité sur les intérêts d'un syndic, même si leurs lois stipulent le contraire. Cette modification au régime qui donne au syndic la priorité sur les sûretés non enregistrées doit être apportée dans la LFI.
Nous pouvons y parvenir par une simple modification qui remplacerait l'expression «cessions de créances comptables» par un terme plus large pour inclure toutes les sûretés en général. On tire ce qui semble être un avantage inattendu des créanciers garantis qui ne font pas enregistrer leurs sûretés, afin de protéger l'intégrité du système d'enregistrement. C'est un argument assez rigoriste. Mais une fois de plus, on assurerait une certaine uniformité puisque les cours d'appel provinciales semblent aller dans des directions différentes.
Ce sont les modifications que je préfère.
Le sénateur Angus: Je suppose que vous représentez tous l'Institut d'insolvabilité, bien que l'un d'entre vous soit le porte-parole de son cabinet et de l'institut, n'est-ce pas?
M. Richardson: C'est exact.
Le sénateur Angus: Je suppose aussi que vous êtes tous en faveur des modifications dont nous avons discuté. Vous êtes unanimes.
M. Richardson: Oui.
Le sénateur Angus: Je constate que vous avez participé avec les messieurs qui sont assis derrière vous au processus ayant abouti au projet de loi. Je vois tous les noms, M. Richardson, M. Leonard et M. Baird, ainsi que notre ami du ministère assis derrière vous. Je ne comprends pas pourquoi ces modifications nous sont proposées maintenant. Je suis convaincu qu'il y a une bonne réponse. Pouvez-vous éclairer notre lanterne?
On nous demande d'accepter un grand nombre de leurs modifications préférées. Pourtant, en y regardant de plus près, on s'aperçoit que ceux qui demandent ces modifications ont participé au processus dès le départ, tout comme les gens de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. Ils ont comparu devant nous hier soir et nous ont déclaré que, lorsque le projet de loi C-5 a été déposé, ils ne savaient pas que les compagnies d'assurances qui accordent des prêts sur des biens immeubles seraient désavantagées par rapport à ceux qui accordent des prêts sur biens meubles.
M. Leonard: Je pense que M. Richardson a répondu à la question soulevée par l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes.
Le sénateur Angus: Oui, et sa réponse me déconcerte.
M. Leonard: Cette disposition, ainsi que les modifications relatives aux créances environnementales, existe depuis janvier. Je l'ai vue à nouveau en mars. Je ne comprends pas comment on aurait pu la rater.
Le sénateur Angus: Ils ne l'ont pas ratée. Ils ont soulevé la question au comité de l'industrie de la Chambre des communes. Ils l'ont mentionnée ici. Nous interrogerons les fonctionnaires.
Ma question vise simplement à m'aider à comprendre le processus, afin que nous comprenions tous pourquoi vous trois, vous qui avez participé dès le début aux travaux menant au projet de loi, venez encore nous proposer des modifications. Autrement dit, sommes-nous une espèce de cour d'appel?
M. Leonard: Oui, en un sens, vous l'êtes. La réponse est oui et non.
La vraie raison pour laquelle nous sommes ici est cette modification qui, à notre avis, éviscère et émascule la LACC. Cette loi cessera d'être un moyen de réorganiser les entreprises au Canada. Toutes les grandes entreprises du Canada qui ont dû se réorganiser depuis une douzaine d'années l'ont fait en application de la LACC. Nous pensons qu'il s'agit d'un grand pas en arrière dans notre régime de la réorganisation. Nous avons pris conscience de cette modification bien après que le Comité de l'industrie a eu terminé ses travaux. Personne ne nous en a parlé.
Le sénateur Angus: Vous faites allusion à l'article 124. Vous l'avez su par la bande; autrement dit, il n'en était pas question dans vos délibérations.
M. Richardson: Non.
Le sénateur Angus: Est-ce la même chose pour les autres 20 ou 32 modifications contenues dans ce mémoire?
M. Richardson: Non. Je pense que les travaux du CCFI au cours des cinq dernières années ont été très productifs et très utiles. Premièrement, ils ont fait avancer la LFI. Puis, ils ont donné lieu à une étude approfondie sur certains aspects et de nombreux volets du projet de loi C-5. Le dialogue a été extrêmement positif et constructif.
Ce dialogue continu nous a fait croire, à tort, que les recommandations que nous avions faites et le peaufinage que nous avons recommandé dans notre mémoire au comité permanent de la Chambre des communes seraient pris en considération eux aussi dans le même esprit constructif. Je le dis parce que, dans la plupart des cas, il s'agissait d'un peaufinage et d'interprétations techniques provenant de participants ayant une vaste expérience et agissant de façon désintéressée, comme des avocats, des comptables et des juges spécialistes de l'insolvabilité.
Nous avons été surpris de constater que tant de questions techniques soulevées dans le mémoire de septembre restent lettre morte. Cela nous a incité à passer en revue cette liste d'une cinquantaine de recommandations et à en retenir 32. Personne ne nous a indiqué qu'elles étaient inacceptables ou déplacées, du point de vue des politiques. Elles semblaient être tombées dans l'oreille d'un sourd.
Pendant environ 25 ans, jusqu'en 1992, nous avons travaillé chacun de notre côté à la réforme de la faillite. Nous sommes heureux d'avoir franchi la première étape. Nous avons une chance de parfaire la loi dans la deuxième étape, grâce au projet de loi C-5. En revenant sur la LACC, nous avons jugé nécessaire et opportun de porter ces questions à votre attention, ainsi que ces autres questions prioritaires. Nous considérons qu'environ une douzaine des 32 recommandations qui restent sont dignes de votre attention.
M. Baird: Ayant participé aux travaux du CCFI, je peux déclarer que nous n'avons jamais vu le projet de loi C-5. Nous avons fait des recommandations et présenté des rapports. Nous avons discuté des problèmes. Mais nous n'avons jamais vu le projet de loi proprement dit.
Après avoir pris connaissance du projet de loi et l'avoir passé au peigne fin, nous avons présenté un mémoire au comité de l'industrie. Une ébauche de ce mémoire a été présentée au ministère en juillet, et sa version finale, en août. Nous avons cru que la plupart de nos changements techniques seraient intégrés au projet de loi.
Nous avons témoigné au comité de l'industrie, en nous appuyant sur notre mémoire, mais le ministère ne nous a pas consultés sur les modifications qui seraient proposées. Ces modifications ont été présentées à la toute fin des travaux du comité de l'industrie. Nous n'avons jamais été consultés sur les modifications présentées au comité, mais ces modifications ont été présentées.
On nous a remis après coup une liste des modifications apportées. C'est la première fois que nous pouvons discuter publiquement de celles qui ont été omises.
Le sénateur Angus: Je crois comprendre que le projet de loi C-5 a d'abord été déposé à la Chambre sous un autre numéro. Je pense qu'une entente a été conclue au niveau législatif pour que le processus continue lorsque la nouvelle session a commencé. En est-il vraiment ainsi?
M. Baird: Le projet de loi a été déposé sous un nouveau numéro. À ma connaissance, il n'y a pas eu de modification importante. Parce qu'il y avait une nouvelle session du Parlement, ils ont changé le numéro. Je pense qu'il s'appelait le projet de loi C-109. Nous sommes un organisme bénévole. Nous avons consacré bien des heures à la rédaction de ces mémoires. Nous ne représentons aucun client.
Par suite de nos efforts, nous avons présenté un mémoire consolidé au ministère en juillet 1996 et, sa version définitive, en août 1996.
Le sénateur Angus: Vous avez vu le travail du législateur pour la première fois lorsque le projet de loi C-109 a été déposé après les travaux du CCFI, où vous avez apporté votre contribution fondée sur votre longue expérience. Ce projet de loi est mort au Feuilleton. Mais, à ce moment-là, vous avez indiqué au comité que le projet de loi comportait de nombreuses lacunes que vous aimeriez faire corriger. Ils ont néanmoins choisi de ne pas changer le texte, pour sauver du temps je suppose, et c'est pour cette raison que toutes ces modifications sont apparues soudainement le dernier jour des travaux du comité de l'industrie.
N'est-ce pas ce qui est arrivé? On nous demande maintenant de faire ce qui aurait dû l'être avant le dépôt du projet de loi C-5 à la Chambre des communes.
M. Baird: C'est une partie du processus. Je crois comprendre qu'à cause de la politique du secret du Cabinet, tant qu'un projet n'a pas été déposé à la Chambre des communes, personne n'a le droit de le voir. Nous n'avons donc pas vu ce document avant son dépôt à la Chambre des communes. Nous n'avons pu donner notre opinion qu'après son dépôt à la Chambre. La première occasion nous était donnée par la rédaction d'un mémoire et un témoignage au comité de l'industrie.
Le sénateur Angus: Et vous n'avez pas raté cette occasion.
M. Baird: Non. Nous nous inquiétons maintenant que tant de nos recommandations aient été rejetées.
Le sénateur Stewart: Le sénateur Angus semble laisser entendre que tout le travail aurait dû être fait avant que le projet de loi nous soit renvoyé et que nous devrions tout approuver sans discussion. Il me semble que ce qui se passe ici est assez réaliste. Les gens qui parrainent le projet de loi se sont dit que les membres du comité de la Chambre étaient occupés à autre chose -- à des choses importantes comme se faire réélire -- et que, de toute façon, ils n'ont pas les compétences de gens comme le sénateur Angus et le sénateur Meighen, qui siègent au comité permanent des banques et du commerce, alors pourquoi essayer de perfectionner le projet de loi là où l'on est incapable de le faire? Ils ont décidé de renvoyer le projet de loi au comité sénatorial, qui prendrait le temps de chercher les mesures à prendre. Si nous faisons rapport du projet de loi avec des modifications, la Chambre approuvera probablement ces modifications sans discussion.
C'est réaliste. C'est différent de l'idée que le gouvernement devrait peaufiner le projet de loi avant de le déposer au Parlement, afin que la Chambre des communes devienne le vrai législateur et que le Sénat puisse affirmer que la Chambre a fait du beau travail et qu'il n'y a rien à redire. Je pense que mon modèle est plus en accord avec la démocratie parlementaire que celui auquel vous avez fait allusion. Je ne crois pas que vous l'ayez fait exprès.
Le sénateur Angus: Non, sénateur Stewart. Mes observations s'inspiraient des leçons que vous m'avez données au cours de la dernière session et de la session précédente au sujet d'une certaine loi sur l'impôt sur le revenu.
Le sénateur Stewart: Nous devrons repasser ces leçons.
Le sénateur Angus: Je citerai les passages du hansard où vous étiez d'accord avec moi.
Le sénateur Kenny: Si nous devons faire le travail des bureaucrates, nous devrions être payés au salaire des bureaucrates, monsieur le président.
Le sénateur Angus: Mon argument est que nous ne devrions rien approuver sans discussion. D'ailleurs, vous et moi sommes d'accord sur le rôle du Sénat et de ses comités.
Je crois que nous sommes aussi d'accord sur le fait que, lorsqu'une session prend fin et qu'un projet de loi meurt au Feuilleton, un projet de loi qui comporte des failles notoires, il ne convient pas de le déposer à nouveau. Je pense que c'est ce qui est arrivé. Je pense qu'il ne convenait pas de proposer 83 modifications le dernier jour des travaux à l'autre endroit. Je serais ravi de poursuivre cette étude durant les Fêtes et au début de l'an prochain, mais je n'aime pas me faire dire que nous devons faire rapport du projet de loi au Sénat au plus tard vendredi, dans ces circonstances. Je suis certain que vous êtes de mon avis, parce que je vous ai entendu l'affirmer à d'autres occasions.
Le président: J'ai une question sur un nouveau sujet. Je suis conscient que vous vous spécialisez dans les faillites commerciales plutôt que les faillites personnelles. Nous avons entendu plusieurs témoignages au sujet du traitement injuste de l'épargne-retraite, des REÉR. En vertu de la loi, on ne peut saisir un REÉR établi auprès d'une compagnie d'assurances parce que la loi prévoit que, lorsqu'un avoir ne peut être saisi en vertu d'une loi provinciale, le gouvernement fédéral reconnaît cette loi. Donc, lorsqu'un consommateur a un REÉR auprès d'une compagnie d'assurances, le REÉR ne peut être saisi, mais tout autre type de REÉR peut l'être.
En avez-vous fait l'expérience ou avez-vous une opinion à ce sujet?
M. Baird: Nous connaissons très bien le problème. C'est vraiment injuste. C'est une technicité qui profite aux gens bien au fait de la loi. Ceux qui ne connaissent pas la loi sont perdants. Les règles devraient être uniformes à cet égard. À mon avis, les REÉR ne devraient pas être saisis en vertu de la loi fédérale et les règles devraient être uniformisées.
Quant à savoir s'il faudrait les exclure au complet ou seulement jusqu'à concurrence d'un certain montant, c'est une question de politique importante. Il est également injuste d'assujettir les REÉR aux saisies lorsque les pensions ne le sont pas.
Le président: Vous recommanderiez d'exclure tous les revenus de pension, probablement en fixant un certain plafond, n'est-ce pas?
M. Baird: Ce serait ma recommandation.
Le président: L'Association des commissions des accidents du travail du Canada a comparu devant nous la semaine dernière et soutenu qu'on les traite injustement. Ils voulaient avoir la priorité sur toutes les autres créances, au même titre que les cotisations au RPC, l'impôt sur le revenu et les primes d'assurance-chômage.
En avez-vous fait l'expérience? Avez-vous une opinion à ce sujet? Êtes-vous au courant du problème?
M. Leonard: Oui, nous sommes au courant. Nous avons conclu que le problème avait été réglé la dernière fois en éliminant leur créance prioritaire sur toutes les autres, mais ils reviennent à la charge.
Les commissions des accidents du travail ont réussi à persuader les tribunaux, par quelques cas d'exception, de reconnaître qu'elles ont une certaine priorité. Elles ne devraient pas avoir priorité. Elles ne sont pas différentes des autres sociétés ou organismes d'État. M. Baird et M. Richardson pourront donner leur avis, mais je crois qu'elles ne devraient pas avoir la priorité.
M. Baird: Nous sommes d'accord.
Le sénateur Taylor: Avez-vous une opinion sur la priorité des salaires impayés en cas de faillite? Comme vous le savez, les salaires impayés sont considérés comme une créance ordinaire. Certains ont soutenu qu'ils devraient avoir priorité sur toutes les autres créances ou qu'il faudrait peut-être les assurer.
M. Baird: Je penche fortement en faveur d'un fonds d'assurance pour payer les salaires. Je sais que cette question est débattue depuis de nombreuses années. Le Sénat s'est penché sur le problème en 1975 et en 1980. À cette époque, votre comité avait recommandé la création d'un fonds d'assurance. Je suis encore fermement convaincu qu'un fonds d'assurance est le moyen le plus efficace de protéger les salariés, en s'assurant qu'ils sont payés rapidement et avec certitude. Une créance prioritaire sur toutes les autres sera difficile à administrer. Elle ne garantit pas non plus le paiement. Le gouvernement de l'Ontario a créé un fonds d'assurance qui a fonctionné en douceur, sans grande difficulté.
Le président: Merci d'être venus témoigner, messieurs.
La séance est levée.