Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 15 - Témoignages (Séance du 5 décembre)
OTTAWA, le jeudi 5 décembre 1996
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, devant lequel a été renvoyé le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de l'impôt sur le revenu, se réunit aujourd'hui à 11 h 05 pour examiner ce projet de loi.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Sénateurs, nous continuons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-5, le projet de loi sur la faillite.
Nous avons avec nous aujourd'hui M. Denis Belcher, de la Banque de Nouvelle-Écosse, M. Ed Lundy, de la Banque Royale et M. Andy Kent, de McMillan Binch. M. Kent fournit des services juridiques aux banques.
Ces témoins sont venus à notre demande parce que nous voulions comprendre la procédure d'accord de crédit ainsi que les autres questions qui ont été discutées. Nous voulions comprendre un peu comment les sociétés commencent à avoir des problèmes et font ensuite faillite. Nous voulons comprendre cela du point de vue des prêteurs et nous avons donc demandé à deux banques de se présenter devant nous.
Je vous en prie, allez-y.
M. Denis Belcher, Banque de Nouvelle-Écosse: Dans l'ensemble, les banques sont en faveur des modifications proposées à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité dans le projet de loi C-5. Nombre de ces dispositions remédieront à des lacunes qui se sont révélées au fil des ans depuis la promulgation de la Loi sur la faillite en 1992. Nous sommes également en faveur des changements envisagés pour la LACC, à une réserve près que je vous expliquerai tout à l'heure.
Nous regrettons que plusieurs recommandations mineures et non sujettes à controverse présentées par l'Association des banquiers et l'Institut d'insolvabilité du Canada n'aient pas été incluses dans ce projet de loi. Elles visaient à rendre plus clairs certains aspects de celui-ci.
Ce projet de loi nous paraît poser deux ou trois problèmes. Premièrement, la modification apportée à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies par le comité permanent d'Industrie Canada, faite sans consultation préalable auprès des principales parties concernées, compliquera très fortement la restructuration des grandes compagnies au Canada. En vertu de cette modification, le débiteur qui présente une demande d'extension de la première ordonnance émise en vertu de la LACC, doit prouver qu'aucun créancier ne subirait de préjudice matériel si cette ordonnance était rendue.
Le président: C'est la modification qui figure à l'article 124, n'est-ce pas?
M. Belcher: C'est exact. C'est une norme pratiquement impossible à respecter puisque les propositions présentées normalement en vertu de cette loi cherchent essentiellement à équilibrer les préjudices.
S'il est politiquement souhaitable de favoriser le rétablissement d'une compagnie en difficulté, nous pensons que cette modification ira à l'encontre de toute politique de cette nature, surtout en ce qui concerne les prêteurs qui n'ont qu'une seule forme d'actifs, ce que font d'ailleurs aussi les banques. On a pu constater ces dernières années que la LFI ne permettait pas la restructuration de grandes sociétés. En conséquence, les syndics utilisent la LACC et ses règles relativement peu nombreuses ainsi que, parfois, la LCSA la LACC ayant certaines limitations. Unitel, par exemple, a été restructurée en vertu de la LCSA.
À mon avis, la restructuration d'entreprises comme Algoma Steel, Cadillac Fairview et Dylex n'aurait pas été possible sans la latitude judiciaire que permet la LACC. Toutes ces possibilités disparaîtront si cette modification est conservée.
Le deuxième problème que nous voudrions mentionner brièvement concerne la définition de «valeurs mobilières ou titres» et celle d'«instruments dérivés». Nous sommes préoccupés que l'on inclut les instruments dérivés, y compris les contrats financiers admissibles, dans la définition de «valeurs mobilières ou titres». Les instruments dérivés comme les contrats financiers admissibles ne sont pas des valeurs mobilières. Il s'agit des swaps, des options et des choses de ce genre.
Pour nous, les transactions dérivées font partie des pratiques normales des banques et relèvent exclusivement de la compétence fédérale. Nous trouvons inquiétant que l'on puisse interpréter la législation fédérale, comme la définition de «valeurs mobilières ou titres» proposée dans la partie VII de la LFI, comme appuyant les demandes des provinces qui voudraient que ces instruments relèvent d'elles. Puisque l'on propose que les contrats financiers admissibles soient retirés du fonds commun des consommateurs, on ne voit guère pourquoi inclure de tels instruments dans la définition de «valeurs mobilières».
Pour finir, je voudrais parler de la responsabilité des administrateurs. Il faut absolument que les conseils d'administration restent en place lorsque des problèmes surviennent. Il est tout aussi important que les dirigeants ne démissionnent pas. Des mesures de protection pour les administrateurs et les dirigeants, y compris les personnes réputées occuper de tels postes en vertu de certaines lois provinciales sur les corporations, devraient être prévues dans toutes les lois concernant la faillite.
Voilà tout ce que nous avons à dire d'important au sujet de ces modifications.
Le président: Monsieur Lundy, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Ed Lundy, Banque Royale: Je voudrais, comme mon collègue, parler de l'article 124. À notre avis, le résultat aurait été différent dans de nombreux cas avec la règle des 30 jours si les tribunaux avaient pu y mettre un terme parce qu'un des créanciers aurait subi un préjudice. La restructuration de Dylex, à laquelle j'ai personnellement participé, est un exemple d'un cas où un créancier a déclaré devant les tribunaux qu'il risquait de subir un préjudice. Je pense que c'est dans l'affaire O&Y que le juge Blair de la Cour de l'Ontario a le mieux résumé la situation. Il a dit qu'avec la LACC, il s'agit de trouver un équilibre entre tous les préjudices. On essaie de faire en sorte que le plus grand nombre de gens possibles y gagnent au lieu de trouver une solution favorable à un créancier ou à un petit groupe au détriment de tous les autres. Dans le cas de Dylex, nous avons réussi à restructurer l'entreprise grâce à la LACC en fournissant des fonds nouveaux et, enfin de compte, en sauvant quelque chose comme 3 500 emplois qui, sinon, auraient pu être éliminés. À notre avis, c'est la principale modification qu'il faudrait réexaminer.
L'autre problème que M. Belcher a également mentionné est la responsabilité des administrateurs. Il y a eu récemment des entreprises importantes à propos desquelles cela posait un important problème.
Le président: En ce qui concerne la responsabilité des administrateurs, le comité a réalisé une étude à la demande du ministre de l'Industrie et il a publié un rapport il y a trois ou quatre mois sur les questions touchant la responsabilité des administrateurs des sociétés relevant de la Loi canadienne sur les sociétés par action. Nous nous sommes penchés exactement sur cette question et nous sommes arrivés à la conclusion que la méthode à employer était celle de la défense de diligence raisonnable. Le gouvernement nous a dit que toutes nos recommandations concernant la régie des sociétés relevant de la LCSA seraient incorporées à cette loi quand elle sera modifiée l'année prochaine.
Cela suffit-il ou devons-nous couvrir la même question, ou presque la même question, dans la Loi sur la faillite pour inclure, par exemple, les sociétés qui ne relèvent pas de la LCSA ou suffit-il de simplement laisser cette disposition dans la Loi canadienne sur les sociétés par action et de supposer que, comme cela s'est fait jusqu'à présent, les lois provinciales seront ultérieurement uniformisées avec la LCSA?
M. Lundy: C'est une question importante.
M. Andy Kent, McMillan Binch: Comme vous le savez, la compagnie aérienne Canadien n'est pas constituée en vertu de la Loi canadienne. C'est une société albertaine.
Le sénateur Angus: En effet. Elle a été fondée sous le nom PWA.
M. Kent: Je pense que la recommandation que vous avez faite est excellente. Je pense que les gens qui travaillent dans le domaine de l'insolvabilité appuieraient fortement l'inclusion de cette disposition dans la Loi fédérale sur la faillite parce que de nombreuses sociétés ne sont pas organisées en vertu de la loi fédérale et ce serait une modification très avantageuse. C'est un problème très concret. Je m'occupe actuellement de certains cas dont je ne peux pas parler et dans lesquels cela posait un problème. Cela en a posé un pour Dylex et Unitel. Il serait très avantageux pour le système de régler cela dans les meilleurs délais.
Le sénateur Angus: En ce qui concerne la responsabilité des administrateurs, je déduis de ce que vous commenciez à dire, monsieur, qu'à votre avis, les dispositions du projet de loi C-5 relatives aux administrateurs ne sont pas adéquates.
M. Belcher: Je suis convaincu qu'un administrateur qui agit de bonne foi -- sans commettre de négligence grave, d'inconduite délibérée, de fraude ou quelque chose comme cela --, devrait bénéficier d'une protection.
Le sénateur Oliver: C'est la défense de diligence raisonnable.
M. Belcher: La défense de diligence raisonnable devrait l'exonérer de toute responsabilité. Dans la situation actuelle, il peut faire tout ce qu'il faut et endosser néanmoins une responsabilité importante. En conséquence, les administrateurs ont fortement tendance à démissionner juste au moment où on a le plus besoin d'eux.
L'Institut d'insolvabilité du Canada, dont je suis administrateur, a présenté un mémoire il y a deux jours. À son avis -- c'est aussi le mien --, les dispositions dont vous parlez à propos de la LCSA devraient probablement se retrouver dans la LACC et d'autres lois sur l'insolvabilité. Il faudrait qu'il soit bien clair que la loi protège les administrateurs afin qu'on ne revienne plus sur cette question.
Le sénateur Angus: En d'autres termes, il serait tout à fait opportun de légiférer dans ce domaine en introduisant cette modification.
Le président: Certaines modifications relatives à la responsabilité des administrateurs étaient contenues dans le mémoire de l'Institut de l'insolvabilité. Je pense que les banques les appuient.
M. Belcher: M. Lundy et moi-même en sommes tous les deux membres et je suis un de ses administrateurs.
Le sénateur Angus: À y regarder de près, il semble que tous les témoins qui se sont présentés sont membres du CCFI et de l'Institut d'insolvabilité. Leurs fonctions se recoupent souvent et pourtant certaines de leurs recommandations n'ont pas été reprises dans le projet de loi.
M. Belcher: Nous ne sommes pas totalement d'accord les uns avec les autres, mais nos idées se recoupent souvent. Je pense que vous allez constater tout à l'heure que M. Lundy et moi-même ne sommes pas totalement d'accord.
Le président: Je poserai peut-être une question sur un autre sujet.
M. Ziegel a comparu devant nous pour parler de la question de la facilité d'accès au crédit. Je paraphrase son argumentation en la simplifiant, mais je vous dirai simplement que, d'après lui, l'un des problèmes est qu'il est si facile d'obtenir du crédit que cela encourage certaines personnes à en demander beaucoup qu'elles n'en ont les moyens. Cela crée un problème au niveau des consommateurs. La réaction de certains d'entre nous a été de lui demander si le gouvernement devait protéger les gens contre eux-mêmes. C'est le revers de la médaille. Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous en pensez.
Auparavant, permettez-moi de vous poser une deuxième question au sujet des faillites de sociétés. Pouvez-vous nous parler de la procédure que suivent les banques? Laissez-moi vous dire pourquoi je vous pose cette question.
Il y a quinze ans, quand je participais à la restructuration de la pêche sur la côte Est -- problème auquel la banque de M. Belcher a été très directement associée --, vous n'aviez rien d'équivalent au département des prêts spéciaux que vous avez maintenant. Je voudrais que vous disiez comment, quand on considère qu'une société a des difficultés, on confie son cas au département des prêts spéciaux et si cette procédure est meilleure ou pire. C'est, de toute évidence, meilleur du point de vue de la banque. Je suppose que c'est la seule raison pour laquelle elle le ferait. Pourriez-vous également nous dire quelles en sont les répercussions sur les consommateurs? Si je repense à ce qui se passait quand je m'occupais de la pêche, j'ai l'impression que les banques sont moins patientes qu'il y a vingt ans pour ce qui est d'essayer de garder un client et de l'aider à sortir de ses difficultés. L'une des raisons de ce changement a peut-être été la création des départements de prêts spéciaux.
Ce sont deux questions distinctes, l'une concernant les consommateurs et l'autre les sociétés. Peut-être chacun de vous pourrait-il faire des commentaires sur les deux.
M. Lundy: Pour ce qui est d'abord des sociétés, vous avez demandé comment les comptes sont transférés aux prêts spéciaux et si les banques ne traitent plus les comptes qui posent des problèmes de la même façon qu'il y a 20 ans. Si, pour commencer, nous parlons de la période vers 1982 avec les problèmes que posaient le pétrole et les pétrodollars dans le monde entier et si nous comparons la façon dont on restructurait les dettes à l'époque et celle que l'on utilise maintenant, je crois qu'on peut dire que les banques ont beaucoup appris. Il est évident que passer directement à la liquidation n'est pas la meilleure façon de récupérer sa mise. En fait, lorsqu'un dossier passe à notre département des prêts spéciaux, c'est parce que nous voulons déterminer comment aider cette entreprise à survivre. Permettre à une entreprise de survivre en continuant d'être active dans son propre secteur garantit, en fin de compte, les meilleurs résultats pour les prêteurs et les créanciers non garantis et préserve les emplois. Nous sommes aujourd'hui très conscients du fait qu'on ne peut pas simplement appuyer sur un bouton et passer à la liquidation. C'est absolument le dernier recours dont on dispose pour essayer de récupérer des fonds.
Le président: Parce que vous en retirez moins d'argent?
M. Lundy: Oui, parce qu'on en retire moins d'argent.
Le président: Oubliez les entreprises; c'est dans votre intérêt.
M. Lundy: Il n'est pas dans mon intérêt d'appuyer sur le bouton et d'obtenir moins d'argent pour nos actionnaires. Dans de nombreux cas -- et j'en reviens à l'exemple de Dylex --, notre objectif est d'avancer plus d'argent, si c'est raisonnable, et de trouver une solution permettant à la société de rester en activité. C'est comme cela qu'en fin de compte, j'obtiendrai le meilleur résultat pour moi-même ainsi que pour les créanciers non garantis et les employés de cette entreprise.
Cela ne veut pas nécessairement dire que la situation des propriétaires de l'entreprise ne va pas changer. Ils sont au bas de l'échelle pour ce qui est d'obtenir la liquidation ou le rétablissement de l'entreprise. Il est évident qu'en ce qui concerne toute la gamme des créanciers, y compris les employés, la meilleure façon d'obtenir un redressement est de permettre à l'entreprise de continuer ses activités.
Comment les dossiers sont-ils transmis à notre département des prêts spéciaux? Chaque banque doit avoir sa propre procédure. Dans la nôtre, comme dans d'autres, nous avons ce que nous appelons un système d'évaluation des dettes. Lorsqu'un crédit reçoit une évaluation négative -- et c'est une évaluation interne de la qualité et de l'orientation de l'entreprise --, nous procédons d'abord à un examen pour établir un diagnostic. Nous essayons de déceler les premières indications de problème pour nous assurer que nous comprenons bien cette entreprise. Par exemple, peut-on prendre des initiatives immédiatement afin qu'elle n'ait pas à être confiée à notre département des prêts spéciaux? Il s'agit parfois de mieux comprendre l'entreprise, son secteur ou la transition par laquelle elle passe. Toutefois, quand elle atteint le niveau suivant, elle passe au groupe des prêts spéciaux. Franchement, ce n'est pas que les gens de ce groupe sachent mieux comment régler ce problème, mais il s'agit du temps qu'il faut pour le régler. Nous devons affecter à plein temps tous nos employés disponibles pour s'occuper de ce problème. La recherche d'une solution est si exigeante qu'on ne peut pas s'attendre à ce que ce groupe soit responsable d'autant de comptes que les autres si on veut qu'il puisse trouver des solutions. Nous consacrons donc considérablement plus de ressources à des situations beaucoup moins nombreuses pour essayer de trouver ces solutions. Si nous faisons assez de restructurations, nous commençons à appliquer à la société «B» et à la société «C» l'expérience acquise avec la société «A» et à essayer de profiter des synergies découlant de ce processus.
Le président: Pour ce qui est de la rémunération des employés de ce département des prêts spéciaux, comment fonctionnent le système de primes? Est-ce qu'il encourage à se débarrasser du problème? Les employés reçoivent-ils des points supplémentaires s'ils sauvent l'entreprise de la faillite? Quelle est la mentalité et quel genre de prime utilisez-vous pour les encourager?
M. Lundy: Dans chaque document interne que je diffuse dans notre établissement, il y a, en haut de la page, l'inscription «chaque difficulté peut trouver une solution». Trouver une façon de régler le problème d'un emprunteur afin de permettre à son entreprise de survivre est ce que j'appelle l'«avantage psychologique» ou le «facteur positif».
Nous ne payons pas nos employés pour qu'ils liquident des dossiers plus rapidement pour nous permettre de nous en sortir. Il faut trouver un équilibre. Nous établissons des plans et des objectifs pour l'ensemble de nos portefeuilles.
Le président: M. Belcher, voulez-vous faire des commentaires à propos de la même question touchant les consommateurs?
M. Belcher: Je commencerai par la question des entreprises. Ni M. Lundy ni moi-même ne sommes des spécialistes des consommateurs, mais nous allons essayer de répondre à votre question.
En ce qui concerne les entreprises, notre philosophie diffère quelque peu de celle de la Banque Royale. Pour nous, un compte qui va être confié à un groupe de prêts spéciaux doit être un compte important qui va nous prendre beaucoup de temps ou qui est très complexe. Ce pourrait être un compte assez petit, mais complexe. La taille et la complexité ne sont pas toujours synonymes. Il se pourrait aussi qu'il ait une composante internationale ou quelque chose comme ça.
Nous avons un petit effectif. À l'heure actuelle, à Toronto, il y a seulement cinq ou six personnes dans le groupe qui relève de moi. Ce sont des gens qui ont une expérience considérable dans ces domaines et qui n'ont pas constamment à apprendre quelque chose lorsqu'ils se trouvent face à un problème. Dans notre banque, la grande majorité des problèmes qui permettent de gagner de l'expérience sont réglés au niveau des succursales et au niveau régional dans le cadre normal des activités.
En matière de rémunération, mes employés sont rémunérés suivant le même principe que moi, c'est-à-dire en fonction des résultats globaux de la banque. Notre rémunération ne dépend pas de notre réussite en matière de recouvrement à recouvrer des dettes.
Nous mettons l'accent sur les mêmes choses que M. Lundy. Je dis à mes employés que nous ne sommes pas une entreprise de pompes funèbres. Nous ne cherchons pas à acheter des sociétés. N'importe qui peut le faire. On engage un comptable à qui on demande de liquider l'entreprise et de nous dire comment ça s'est passé. Nous cherchons à structurer les choses de façon à permettre la survie des entreprises. Voilà pourquoi nous réunissons des gens possédant les compétences appropriées. Nous faisons cela depuis bien des années déjà.
Le président: Vous débarrassez-vous des prêts en difficulté? Je sais que vous l'avez fait pour les pays du tiers monde, mais qu'en est-il pour ceux consentis aux entreprises?
M. Belcher: Aux États-Unis, il y a un marché secondaire assez actif pour les prêts en difficulté. Ce que certains achètent paraît parfois un peu fou vu les recherches qu'ils font, mais ça se fait. C'est une source de liquidités.
Aux États-Unis, nous constatons que nous sommes souvent des partenaires de deuxième ou troisième plan dans de gros groupes dirigés par des banques beaucoup plus grosses. Nous n'avons guère notre mot à dire quant au choix d'une solution. On ne nous dit souvent pas grand chose. Dans ces conditions, si le prix sur le marché secondaire nous paraît correct, nous vendons notre part. Cela nous est déjà arrivé à la Banque de Nouvelle-Écosse.
Au Canada, nous n'avons vendu qu'un seul prêt.
Le président: N'y a-t-il pas au Canada un marché comme celui des États-Unis?
M. Belcher: Il n'y a pas un gros marché au Canada, mais il y en a un. Les maisons des États-Unis viennent au Nord et font des achats, comme vous l'avez vu dans le cas de Cadillac Fairview et comme nous l'avons constaté dans le dossier d'Unitel où nous avons eu des problèmes considérables quand certaines banques canadiennes ont vendu leurs intérêts à des fonds américains qui spéculent sur les difficultés des entreprises.
Il y a un marché qui se développe au Canada dans ce domaine, mais surtout du côté des grandes sociétés. Ce sont les gros prêts qui sont intéressants. Les prêts commerciaux et les petits prêts aux entreprises sont peu recherchés. Ils n'intéressent personne. On pourrait probablement vendre les principales entreprises -- Dylex, par exemple, ou quelque chose comme ça --, si on décidait de le faire.
Le président: Si vous vendez le prêt, en fait, cela vous évite d'avoir à aider l'entreprise à se rétablir parce que vous n'êtes plus impliqué à ce moment-là, n'est-ce pas?
M. Belcher: Cela fait intervenir quelqu'un d'autre qui pourrait avoir des priorités différentes, en effet.
Le sénateur Kenny: Cela ne se passe pas ainsi, de toute façon. Dans ces cas-là, on fait partie d'un groupe et, en réalité, c'est la société qui dirige ce groupe qui fournit l'aide.
M. Belcher: Au Canada, c'est différent. C'est plus un oligopole et il y a relativement peu de participants.
Le président: Il y a de grandes chances que vous soyez «un» des principaux intervenants, sinon le principal, n'est-ce pas?
M. Belcher: Nous assumons parfois le rôle principal. On se le répartit, selon la décision que nous avions prise en matière de crédit il y a plusieurs années. Toutefois, nous participons certainement tous à la plupart de ces regroupements au Canada.
Il est relativement rare que les banques canadiennes, surtout les plus grandes, vendent leur participation. Certaines le font systématiquement, mais la plupart ne le font pas.
M. Lundy: La Banque Royale est plus active dans le marché secondaire aux États-Unis. C'est là que ce marché est né. Nous faisons certaines transactions au Canada. On a noté, il y a environ un an, que la Banque Royale a vendu un portefeuille de prêts immobiliers en difficulté. Là encore, c'était dans la gamme supérieure aux moyennes du marché commercial.
Il faut porter un jugement sur l'évolution des marchés immobiliers. L'investisseur concerné avait acheté un bloc en une fois en payant trop cher, à notre avis. Nous avons obtenu un prix qui nous satisfait tout à fait. Cela dépend de la situation relative de votre société par rapport à l'ensemble de ses problèmes.
Le président: Si vous êtes le créancier principal ou l'un des principaux, il y a peu de chances que vous vendiez votre participation, n'est-ce pas? C'est ce que je déduis de ce que vous avez dit.
M. Lundy: Aux États-Unis, nous jouons souvent un petit rôle dans une grosse transaction.
Nous avons connu un cas comme cela il y a six ou huit mois. Nous avions une grosse somme en jeu, mais nous jouions un rôle secondaire. Nous avions l'impression que l'entreprise avait choisi une mauvaise orientation et rejetait tout conseil. Nous avons décidé de nous débarrasser de notre part en laissant la place à d'autres. Cela dépend de ce qu'on croit devoir être le résultat final mais, au Canada, quand nous sommes un des principaux participants, nous ne vendons pas notre participation.
Le sénateur Kenny: On dit souvent qu'il ne faut pas utiliser du bon argent pour attraper un mauvais placement. J'ai l'impression que ce n'est pas le cas et que vous avez maintenant des départements qui sont tout à fait prêts à agir ainsi dans certaines circonstances.
M. Lundy: Je mentionnerai à nouveau le cas de Dylex. Nous avons investi 40 millions ou 50 millions supplémentaires pour essayer d'obtenir un résultat positif. Comme d'autres banques, je le sais, nous sommes prêts à faire des efforts pour assurer la survie d'une entreprise.
Le sénateur Kenny: Je suppose que, dans ce cas-là, c'était du bon argent que vous aviez investi initialement?
M. Lundy: Oui.
Le sénateur Hervieux-Payette: À qui venez-vous en aide avec le Trust royal? Qui étaient les gros perdants quand vous avez pris le contrôle de cette société? Il devait rester quelque chose que vous étiez intéressé à racheter. Le nom vous convenait, mais qu'y avait-il à part ce nom?
Le sénateur Meighen: Les clients.
M. Lundy: Quand des sociétés font des acquisitions, elles n'achètent pas toujours 100 p. 100 de l'entreprise. Elles achètent souvent des sous-éléments qui se combinent avec leurs propres activités. Si vous pouvez acquérir un élément d'une entreprise qui complète la vôtre, cela a une valeur réelle. Il y a certaines parties de cette entreprise dont nous n'avons pas fait l'acquisition. En fin de compte, les actionnaires, qui fournissent, dans notre pays, le capital-risque pour maintenir ces sociétés en vie, ont payé la facture, et non pas les déposants.
Le sénateur Kenny: Vous avez acheté les actifs et non pas la société.
M. Lundy: C'est exact.
Le président: Au début de ces audiences, on nous a laissé entendre que quand une société est confiée à votre division des prêts spéciaux et que vous nommez un contrôleur pour surveiller ses activités et l'aider à régler ses problèmes, il ne faudrait pas autoriser le gros cabinet comptable à qui vous demandez d'effectuer ce contrôle en votre nom à être nommé syndic si la société fait faillite.
La raison de cette interdiction est qu'il ne faudrait pas permettre à quelqu'un d'être à la fois vétérinaire et taxidermiste. Bien sûr, vous récupérez votre animal dans les deux cas, mais ce n'est pas une bonne façon de procéder. Il semble qu'il existe un conflit d'intérêt inhérent si on dit à quelqu'un qu'il a pour tâche d'aider à sauver une société, mais qu'il n'a pas à s'inquiéter si le patient meurt parce qu'on lui demandera aussi de s'occuper du corps.
Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Belcher: Le contrôleur n'est pas chargé de sauver l'entreprise. De façon générale, les banques nomment des contrôleurs parce qu'elles sont préoccupées par ce qui se passe et elles veulent avoir quelqu'un sur place pour surveiller les mouvements de caisse, voir ce qui arrive dans l'entreprise et faire rapport à la banque s'il observe des choses qui ne lui plaisent pas. Toutefois, les contrôleurs ne s'occupent pas de la gestion.
Le président: Voulez-vous dire que, lorsque vous nommez un contrôleur, celui-ci doit simplement vous tenir au courant quotidiennement de ce qui se passe sans se mêler des décisions de gestion?
M. Belcher: Les documents que nous leur remettons précisent expressément qu'ils ne sont pas autorisés à se mêler de la gestion parce que, s'ils le font, cela pose de graves problèmes quant à la responsabilité du prêteur.
Le sénateur Kenny: Dans les dispositions relatives à un prêt, n'y a-t-il pas des restrictions quant à la façon dont les cadres peuvent gérer la société? Ne gérez-vous pas en fait la société en imposant ces restrictions au départ dans les conditions de prêt?
M. Belcher: On a souvent atteint un point où on a perdu confiance dans la gestion. Quand on a besoin d'un contrôleur, on ne fait pas confiance à la gestion.
Le sénateur Kenny: Je comprends cela, mais vous nous dites que vous ne gérez pas cette organisation.
Le président: En fait, la banque assume cette gestion.
Le sénateur Kenny: Si vous lisez le contrat, vous constaterez que la banque définit clairement les paramètres présidant à la gestion par les cadres de l'entreprise.
M. Belcher: De façon générale, les prêts que nous consentons prévoient certaines conditions relatives à la préservation de certains ratios de liquidité générale, de couverture des charges financières, d'immobilisations et des choses de ce genre. Nous accordons rarement un prêt à long terme sans restrictions et les prêteurs qui investissent dans le marché obligataire ne le font pas non plus.
Le sénateur Kenny: Vous ne considéreriez pas cela comme de la gestion.
M. Belcher: Non. Je ne pense pas qu'un avocat le ferait non plus.
Le président: Sénateur Kenny, je comprends maintenant ce que vous voulez dire en affirmant que ce n'est pas de la gestion. Le contrôleur intervient sans gérer.
M. Belcher: Il ne gère pas l'entreprise. S'il le faisait, je pense que d'autres créanciers pourraient tenir la banque responsable de ses activités. En fait, nous dirigerions soudain l'entreprise et cela n'est prévu dans aucune procédure. Nous faisons vivement attention à cela dans les termes que nous employons.
On demande souvent en même temps au contrôleur d'examiner la situation pour évaluer la viabilité de l'entreprise. Parfois, cette évaluation se traduit par la nomination d'un séquestre. C'est souvent la personne qui a évalué cette viabilité qui est nommée séquestre.
Personnellement, je pense qu'on devrait laisser l'institution financière décider s'il doit en être ainsi parce que nous ne le faisons pas toujours.
Un certain nombre de problèmes découlent de cela. Premièrement, les séquestres ne sont pas toujours nommés par le secteur privé. Ils le sont souvent par le tribunal. Dans certaines régions du pays, ils sont presque toujours nommés par un tribunal. C'est, par exemple, le cas en Alberta. On émet rarement une lettre de nomination en Alberta; c'est presque toujours une décision judiciaire.
De la même façon, le syndic de faillite est nommé par le tribunal. Quiconque n'est pas d'accord avec le choix de la personne que le tribunal a nommée comme syndic ou séquestre a le droit de présenter son objection au tribunal, ce qui arrive de temps à autre. Le juge peut dire: «Cette personne ne me plaît pas et je veux que vous engagiez quelqu'un d'autre.» Cela arrive parfois.
Ce n'est qu'à propos des nominations privées qu'il se pose véritablement un problème, parce que, sinon, on peut se faire entendre par le tribunal. Interdire cela dans la loi ajouterait une dépense inutile à une liquidation ou une mise sous séquestre.
Le président: En quoi consiste cette dépense supplémentaire?
M. Belcher: Elle est due au fait que le contrôleur, qui est la première personne à intervenir, a appris à connaître l'entreprise et sa situation et, si on se débarrasse de lui, il faut recommencer à zéro. Quelqu'un reprend tout au début et doit apprendre à connaître l'entreprise. Cet apprentissage entraîne des frais considérables.
Je pense que le système actuel prévoit une protection satisfaisante contre tout abus éventuel. Bien entendu, certains abus pourront occasionnellement se produire. Nous sommes au courant d'un ou deux cas qui se sont produits au fil des ans et qui ont attiré l'attention. Je pense qu'on s'appuie sur de mauvais exemples pour imposer de mauvaises dispositions législatives. Dans la vaste majorité des cas, il n'en va pas ainsi; cela ne pose pas de problème. Dire le contraire sous-entendrait que les gens que nous engageons et qui, dans notre cas, sont le plus souvent les grands cabinets comptables, sont malhonnêtes et que les banquiers sont des imbéciles. Nous connaissons notre propre secteur d'activité et nous savons ce que nous faisons. Je pense qu'on devrait s'en remettre au jugement du banquier et à l'intégrité globale des gens avec lesquels nous traitons.
Le président: M. Lundy, si je comprends bien, la Banque Royale a pour politique de ne pas agir ainsi.
M. Lundy: La Banque Royale a pour consigne de ne pas faire appel à la même société pour jouer le rôle de contrôleur et de syndic.
Ce que dit M. Belcher au sujet des frais supplémentaires inutiles est très juste. Il nous est arrivé de regretter d'être passé à la deuxième étape parce que cela nous a coûté plus cher.
Le président: Quand vous dites «deuxième étape», voulez-vous parler du recours à un deuxième cabinet d'experts-comptables?
M. Lundy: Oui, à un deuxième cabinet.
Nous ne sommes pas d'accord pour que cela soit imposé par la loi. Nous faisons une exception lorsqu'on a assez de renseignements qui indiquent qu'il y a de bonnes chances qu'on se retrouve avec une faillite ou une liquidation. Dans certains cas, nous ne nous sommes pas adressés à un deuxième cabinet à cause des frais et cette décision a été prise relativement vite.
Le problème critique pour les autres banques comme pour nous est que, même si le conseiller dit qu'à son avis, nous devrions liquider une entreprise, nous n'accepterons pas nécessairement cette opinion.
Il y a aussi la question du parti pris de l'autre côté. On pourrait avoir placé un contrôleur et ne pas liquider en sachant qu'il y a une autre entreprise prête à reprendre cette société. Si on contrôle ses activités pour retarder sa disparition de un an ou deux, elle se retrouve finalement en liquidation et tout le monde y perd.
Il y a un double parti pris à cet égard. Nous essayons de prendre nos distances le plus possible en ayant recours à des sociétés indépendantes. Nous utilisons également des avocats indépendants pour beaucoup de nos activités parce qu'il faut faire valider sa garantie correctement pour la faire exécuter.
Il n'est pas évident que cela devrait être mandaté et figurer là, mais nous aimerions nous y conformer pour essayer d'avoir notre indépendance.
Le président: Vous dites que c'est une ligne directive très ferme.
M. Lundy: C'est une ligne directrice très ferme dans notre établissement.
Le président: Vous ne voudriez pas que cela fasse l'objet d'un règlement.
M. Lundy: Nous ne recommanderions pas un règlement. Quand nous faisons une exception, nous sommes parfaitement conscients de ce que nous faisons. Nous essayons d'appliquer notre politique.
M. Belcher: À l'heure actuelle, dans notre pays, il y a eu un regroupement des cabinets d'experts-comptables. Il ne reste plus beaucoup de gros cabinets. Si cela figurait dans la loi, on risquerait de ne plus trouver personne à qui s'adresser dans le cas des grosses entreprises insolvables.
M. Lundy: Au cours des dix-huit derniers mois, il y a eu des cas importants où on ne pouvait pas trouver un deuxième cabinet qui ne soit pas déjà impliqué. On ne pouvait pas faire autrement qu'enfreindre sa propre politique.
Le président: Ces regroupements des cabinets d'experts comptables ont créé un problème intéressant pour les comptables qui viennent constamment nous voir à ce sujet. Toutefois, c'est une autre question.
M. Kent: Monsieur le président, au cours de la récession du début des années 80, de nombreuses entreprises ont été mises sous séquestre. La préoccupation dont vous parlez existait à l'époque. J'ai été associé à de nombreuses mises sous séquestre à ce moment-là, mais à presque aucune au cours de la récession actuelle des années 90. Elles sont très rares. Cela reflète un changement dans l'attitude des banques ainsi qu'un changement de situation. En tant que personne active dans ce domaine, je n'y vois pas de problème. La question que vous soulevez ne représente plus le même problème qu'il y a dix ans.
Le président: Monsieur Kent, voulez-vous dire que la différence est que les institutions financières sont maintenant plus tolérantes, qu'il s'agisse des banques, des compagnies de fiducie ou des compagnies d'assurances, qu'elles trouvent des façons de maintenir le patient en vie plutôt que de passer plus rapidement à la liquidation?
M. Kent: Il y a une énorme différence entre la valeur d'exploitation et la valeur de liquidation. Prenez, par exemple, le cas d'Unitel dans lequel j'ai travaillé pour le compte de M. Belcher. Il y a une énorme différence entre la valeur de cette entreprise quand elle est en activité et sa valeur de liquidation. Les banques ont très fortement intérêt, dans la plupart des cas, à trouver une façon de permettre à une entreprise de s'en sortir.
Monsieur le président, vous avez demandé tout à l'heure si les banques sont aujourd'hui plus agressives, plus entêtées et moins favorables à une réorganisation. Au cours de mes 20 années de carrière, j'ai constaté précisément l'inverse. Au cours de cette période, elles sont devenues plus tolérantes, plus réceptives, plus souples et plus créatives. Cela est dû en partie à la création des groupes de prêts spéciaux où il y a des gens qui s'occupent de beaucoup de ces dossiers et que l'expérience rend plus patients et plus souples.
Le sénateur Kenny: Est-ce quelque chose de cyclique ou bien un changement fondamental?
Le président: En d'autres termes, si quelques chose était à la mode au cours des années 80 et ne l'est plus dans les années 90, qu'en sera-t-il durant la prochaine décennie? Je pense que c'est ce qu'on peut se demander.
Le sénateur Angus: La nouvelle loi a changé la situation.
M. Belcher: Je ne suis pas d'accord. Je travaille dans ce secteur depuis 1978 quand j'ai commencé aux États-Unis. Je travaille au Canada depuis 1982. Les premiers cas d'insolvabilité dont nous nous sommes occupés dans les années 80, quand le marché immobilier commençait à bouger, ont préparé le terrain pour ce qui est arrivé ensuite. Ce n'est pas la modification de la Loi sur la faillite qui a changé cette attitude. Il est clair que les banques ont appris la différence entre la valeur d'exploitation et la valeur de liquidation. Nous avons appris à régler ces problèmes. En vérité, nous avons pris exemple sur les Américains. Nous nous sommes inspirés de l'expérience qu'ils avaient acquise avec leur chapitre 11. J'ai été activement associé à cela.
M. Lundy: Je voudrais ajouter encore une chose à ce sujet. Je ferai appel à ce que j'ai constaté dans ma banque.
Il y a quatre ans, nous avons fait un sondage auprès des professionnels en leur demandant: «En tant que personnes extérieures à la banque, pourquoi pensez-vous que nous avons perdu autant d'argent?». Cette question portait non pas simplement sur notre institution, mais sur l'ensemble du secteur. La réponse unanime a été: «Identification trop lente des problèmes et, ensuite, passage à l'action trop lent». Dans notre institution, nous avons créé un groupe de dépistage afin de pouvoir intervenir au premier signe annonciateur d'un problème. Si nous intervenons assez rapidement, nous pouvons le résoudre. Si on prend son temps pour agir et qu'on le laisse se détériorer, on finit par devoir liquider l'entreprise parce qu'on n'a plus le choix.
Le secret est que, dès qu'on a la moindre indication d'un problème, il faut intervenir et le régler afin que l'entreprise puisse rester viable.
Le sénateur Meighen: Nous avons entendu un témoignage qui m'a beaucoup frappé il y a quelques jours; on nous a dit que, pour les agences d'évaluation du crédit, peu importe que quelqu'un ait fait une proposition et l'ait appliquée avec succès ou qu'il se soit mis en faillite. L'un de vous pourrait-il me dire si, à votre avis, au cas où je demanderais un crédit à une banque, vous évalueriez mon risque différemment si j'avais fait une proposition et l'avais appliquée avec succès ou si je m'étais simplement mis en faillite il y a quelques années?
M. Belcher: Je pourrai seulement vous répondre plus tard, sénateur. J'ai fait des prêts à la consommation pour la dernière fois quand j'étais en Angleterre en 1971.
J'ai l'impression que, si vous êtes un failli libéré, immédiatement après la libération, et que vous n'avez pas de dette, vous représentez un bon risque de crédit. L'une des raisons pour lesquelles nous avons des problèmes aujourd'hui est probablement que les règles concernant les faillites de consommateurs sont trop généreuses.
Le sénateur Meighen: Les valeurs morales ont peut-être également changé. Si cela ne fait pas de différence, que je me mette en faillite ou que je fasse une proposition, on peut se demander pourquoi je ferais une proposition, alors que j'aurais cru que c'était précisément ce que devrait faire une personne honorable. Apparemment, cela ne fait pas la moindre différence.
M. Belcher: Vous avez peut-être bien raison.
M. Lundy: On accepte de nombreuses propositions présentées dans le secteur des consommateurs. Je pense au cas d'un monsieur, quand je travaillais en Colombie-Britannique, qui avait une entreprise ainsi qu'une dette personnelle auprès de la banque. Malheureusement, la deuxième génération dirigeait l'entreprise et l'a mise en difficulté. Elle a été liquidée. Nous avons réalisé un compromis sur la garantie de ce monsieur. Trois ou quatre ans plus tard, il est revenu nous voir en disant: «Vu la façon dont vous m'avez traité, je veux vous payer le reste de mes dettes avant de mourir». Nous lui avions juridiquement accordé une remise de dette, mais il est revenu payer cet argent parce qu'il avait l'impression qu'il avait été traité correctement. À ce moment-là, son fils devait encore de l'argent à la banque et devait verser ses paiements. Il est manifeste qu'aujourd'hui, la faillite n'est plus considérée comme une chose aussi honteuse qu'il y a 20 ans.
Le sénateur Meighen: Je voudrais revenir à l'article 124. Comme vous le savez, il y a deux écoles de pensée à ce sujet. Certains sont bien entendu en faveur de cette disposition qui a été ajoutée par je ne sais qui à la dernière minute. L'un des arguments en sa faveur que nous avons entendus est que cela rend la LACC plus conforme à la LFI. Je vous poserai la question suivante: à votre avis, est-ce une bonne chose? Devrions-nous avoir une loi là-dessus? Serait-il possible d'avoir une loi -- je me rends compte que nous ne sommes pas saisis de cela aujourd'hui --, incorporant les dispositions de la LACC pour les cas importants et celles de la LFI pour les cas moindres? Ou pensez-vous qu'il est nettement préférable d'avoir deux lois?
Pour finir, avez-vous des commentaires au sujet du seuil de 10 millions de dollars? Certains disent qu'avec ce chiffre de 10 millions de dollars, certaines régions du pays, par exemple les Maritimes ou la Saskatchewan, ne pourraient guère se prévaloir de la LACC. Seriez-vous favorable à ce qu'on l'abaisse à 5 millions de dollars ou, par exemple, qu'on accorde au juge la latitude de l'abaisser à 5 millions de dollars?
M. Lundy: Pour répondre d'abord à votre dernière question, nous pensons qu'il faudrait laisser une telle latitude. Si on devait autoriser seulement un changement à cet égard, nous recommanderions qu'on puisse regrouper les dettes d'un groupe emprunteur. Il arrive souvent que le débiteur puisse avoir 8 millions de dollars dans une société et 6 millions de dollars dans une autre. Avec le texte actuel, il ne pourrait pas présenter une proposition aux termes de la LACC parce qu'il s'agit de deux entités distinctes. Si un tel regroupement était possible, nous pensons que ce serait une mesure positive.
M. Belcher: Durant les années 80, on pensait que les banques considéraient généralement la LACC comme une chose très mauvaise parce qu'il n'y avait pas de règles. Depuis une dizaine d'années, des règles se sont fait jour par le biais de la discrétion judiciaire et de choses comme cela. L'avantage de cette loi est que le juge peut adapter ces règles selon les cas et chaque cas est différent.
À l'heure actuelle, les banques sont d'avis que deux lois sont nécessaires. Aux États-Unis, la Loi sur la faillite contient de nombreux articles. Le chapitre 11 n'est pas la seule façon de réorganiser les sociétés. «Réorganiser» n'est d'ailleurs pas le mot qui convient pour les sociétés. Il y a des dispositions législatives très strictes sur la liquidation, comme le chapitre 7.
Dans la pratique, dans notre pays, pour les réaménagements importants, il nous faut une loi offrant la flexibilité de traiter avec des prêteurs et des créanciers multiples et accordant au juge une certaine latitude pour trouver un compromis dans l'intérêt de toutes les parties.
Je ne crois pas que la Loi sur la faillite permette d'agir ainsi. Je ne connais pas de professionnels qui pensent cela. C'est une loi très rigide. Elle convient probablement très bien quand il y a un seul prêteur et un seul client. Je ne crois cependant pas qu'elle conviendrait pour Dylex ou Cadillac Fairview ou des comptes de ce genre lorsque de nombreux intérêts différents sont en jeu.
Le sénateur Oliver: Ma question porte sur des déclarations assez importantes qui ont été faites précédemment ici par les compagnies d'assurance-maladie et d'assurance-vie au sujet de la superpriorité. Je ne sais pas si vous êtes au courant de ce qu'elles ont dit, mais il me paraît extrêmement important qu'on vous donne l'occasion de donner votre avis sur certaines des choses qui ont été proposées.
Pour situer les choses, la superpriorité concerne les coûts d'assainissement de l'environnement qui passeraient avant toutes les autres réclamations, y compris celles des créanciers garantis comme les créanciers hypothécaires. La dépollution serait payée au moyen d'un premier gage sur les biens immobiliers du débiteur en faillite et tout bien immobilier contigu.
Quand les compagnies d'assurance-vie et d'assurance-maladie se sont présentées devant nous, elles ont dit que c'était incroyablement injuste envers elles parce que les banques n'étaient fondamentalement pas prises en considération. Ces compagnies ont dit que, en conséquence, les frais de dépollution auraient la priorité sur les réclamations des créanciers qui avaient prêté de l'argent en fournissant des hypothèques garanties sur les biens immobiliers. Les compagnies d'assurance-vie seraient fortement touchées par ces dispositions parce qu'elles constituent la plus importante source de financement hypothécaire commercial au Canada. Elles détiennent actuellement 32 milliards de dollars d'hypothèques commerciales au Canada, ce qui représente 21 p. 100 de l'ensemble de leurs activités dans notre pays alors que les hypothèques commerciales ne représentent que 3 p. 100 des actifs canadiens des banques. Par contre, l'équipement -- qui concerne les banques --, et les autres actifs de la société en faillite ne seraient pas touchés par ce privilège superprioritaire relatif à l'environnement même s'ils avaient contribué directement à la contamination de l'environnement.
Ces compagnies d'assurances disent que nous devrions envisager une modification pour inclure les banques afin qu'elles ne soient pas seules à supporter l'ensemble de ce fardeau. Elles ont également dit que l'une des raisons pour lesquelles vous n'étiez pas pris en considération est que vous aviez eu l'occasion de vous adresser au ministère de l'Industrie avant la décision. Je voulais savoir s'il y avait quelque chose de vrai dans cette affirmation.
M. Belcher: Je répondrai d'abord à la dernière question. Je faisais partie du comité de David Baird qui avait été constitué dans le cadre du CCFI. Ce comité a publié un rapport qui a été discuté à Toronto il y a quelques années au cours d'une réunion des parties concernées organisée par le ministère compétent. Plusieurs parties concernées y ont participé, notamment des représentants des provinces et des sociétés minières. Je ne sais pas si les compagnies d'assurance-vie y étaient, mais c'était une réunion multipartite. Les propositions avancées par le ministère de la Justice ont été le fruit de cette réunion au cours de laquelle un consensus s'est établi sur le rapport Baird. Tout le monde n'était pas d'accord, mais le ministère a fait de son mieux face aux différents intérêts exprimés. Ces propositions étaient toutefois basées sur cette réunion.
En ce qui concerne votre première question, les banques ne sont pas les seules entreprises qui accordent des prêts garantis par l'inventaire et des immobilisations. Aujourd'hui, dans notre pays, il y a un nombre croissant de prêteurs qui garantissent leurs prêts sur les actifs, des gens comme GECC, par exemple, et d'autres. En outre, il y a une foule de sociétés qui pratiquent le crédit-bail pour l'équipement et les actifs. Les compagnies d'assurances disent qu'il faudrait modifier la loi afin que les banques ne soient pas favorisées, mais nous ne sommes pas les seules à accorder des prêts de ce genre, absolument pas. Les sociétés qui garantissent leurs prêts sur les actifs, celles qui pratiquent le crédit-bail et les autres ont un gros volume d'activités.
Si on retenait leurs propositions, n'importe quel emprunteur se retrouverait également dans une situation extrêmement délicate. Il s'agit des biens industriels et non pas de l'essentiel de leur portefeuille qui est probablement composé de gros édifices à bureaux et de choses de ce genre. Nous parlons ici des prêts industriels et de certains secteurs qui présentent des risques éventuels en matière de pollution de l'environnement.
Les banques ont maintenant changé leurs règles et, quand elles accordent un prêt garanti par de tels actifs, elles réalisent des études environnementales. Selon ce qu'elles constatent à différents niveaux, elles peuvent alors rejeter le prêt ou, si les problèmes peuvent être maîtrisés, l'approuver. Nous commençons par cela et nous nous occupons ensuite des autres modalités.
Si vous modifiez les règles conformément à leur suggestion, tout prêteur prenant les actifs en garantie qui voudrait fournir un crédit-bail ou financer l'achat d'un équipement par une entreprise quelconque serait sans doute tenu à la même diligence raisonnable environnementale. Celle-ci coûte très cher. Je pense que ces sources de financement deviendraient alors hors d'atteinte pour les gens.
Bien souvent, sénateur, les actifs utilisés n'avaient, de toute façon, pas grand rapport avec la pollution.
Le sénateur Oliver: Cela aurait très bien pu être le cas. Un appareil défectueux pourrait avoir été la principale cause de la pollution qui n'aurait rien eu à voir avec les biens immobiliers.
M. Belcher: C'est exact, mais je pense que le prêteur immobilier doit commencer par faire preuve d'une diligence raisonnable et assurer ensuite correctement le suivi. L'un des problèmes qu'on rencontre souvent avec les prêteurs d'hypothèques à long terme qui ne sont pas des banques est qu'ils pratiquent peut-être une diligence raisonnable au départ, mais qu'ils n'assurent pas le suivi. Ils ne font pas d'examen annuel, comme nous, ni d'inspections périodiques. Tant qu'ils reçoivent l'intérêt et le capital à la date voulue, ils sont tout à fait satisfaits. Pas nous.
Une autre chose qui se passerait probablement est que les banques commenceraient à imposer des conditions rigoureuses pour leurs prêts. Les prêts bancaires seraient probablement moins faciles à obtenir et certainement plus coûteux. Je sais que c'est ce que les banques disent toujours, mais je crois que c'est vrai. Si on se met à ajouter l'inventaire à cela, celui-ci risque de ne plus être pris en considération pour les prêts dans certains secteurs, ce qui réduirait le volume de crédit disponible. Là encore, c'est ce que les banques disent habituellement, mais il y a des chances que cela soit vrai dans ce cas-ci.
Nous prenons les risques environnementaux au sérieux. C'est un secteur très délicat.
Nous sommes concernés à double titre, parce que nous accordons aux sociétés des prêts généraux et des prêts garantis par un seul actif. Nous rattrapons d'un côté ce que nous perdons de l'autre. Tout bien pesé, comme pour la LACC, la loi sous sa forme actuelle représente probablement la façon la plus équitable de procéder. Elle ne plaît pas entièrement aux banquiers. Nous n'aimons pas ce qui concerne les biens contigus.
En vérité, le Canada est à l'avant-garde à cet égard. Je ne connais aucun pays dans le monde qui fasse passer la dépollution avant les créances fixes, pas même les États-Unis.
Le sénateur Oliver: Ce risque ne devrait-il pas être réparti entre plus de groupes? Voilà le problème.
M. Belcher: C'est le sol qui est contaminé. Nous sommes concernés aux deux titres. Il y a de bonnes raisons de penser que, si des changements de ce genre sont apportés, cela aura des répercussions sur l'accès à un crédit et les frais d'entretien de ces entreprises vont certainement augmenter fortement. C'est au Parlement de décider ce qui sert le mieux les intérêts du monde des affaires de façon générale. Nous n'aimons pas le projet de loi tel qu'il est rédigé actuellement, mais nous pouvons nous en accommoder. Si vous le modifiez encore, je suppose que nous pourrions aussi nous en accommoder, mais je pense que cela aurait alors des répercussions économiques beaucoup plus importantes.
Le sénateur Oliver: Pouvons-nous connaître l'avis de la Banque Royale?
M. Lundy: Je crois que les observations de M. Belcher sont justes, mais j'irais un peu plus loin. En demandant à partager les pertes entre tous les créanciers, on autorise en fait une catégorie de créanciers à ne pas prendre les précautions raisonnables pour se protéger. Il y aura des tierces parties innocentes qui seront impliquées, peut-être parce qu'elles ont accordé un crédit-bail pour un nouvel équipement qui n'a rien à voir avec le problème environnemental, et on va leur demander de partager les pertes avec la société qui a accordé le prêt immobilier. Dans certains cas, il s'agira des banques. Vous demandez à une partie innocente de partager les pertes, c'est-à-dire de subventionner la société qui n'a pas pris les précautions requises et n'a pas assuré de suivi ou appliqué les critères corrects au départ. Est-il raisonnable de demander à une tierce partie innocente de subventionner quelqu'un qui a commis des erreurs?
Pour revenir à la question des 30 jours, si un créancier subissait un préjudice du fait d'une réorganisation, pourrait-on se prononcer là-dessus en fin de compte? C'est bien pour le créancier qui récupère son actif, mais tous les autres sont perdants.
Dans ce cas-ci, si vous demandez à d'autres de partager les pertes dues au fait qu'un prêteur n'a pas fait les contrôles nécessaires ou s'est montré négligeant au départ quand il a accordé le prêt, tout le monde paiera pour les erreurs commises par cette personne. Est-ce raisonnable pour quelque prêteur que ce soit?
Le sénateur Oliver: Les compagnies d'assurance-vie se considèrent comme cette tierce partie innocente parce que tout ce qu'elles font est de prêter de l'argent pour les biens immobiliers. Ce qui pourrait entraîner la pollution est l'équipement financé par la banque. Voilà le problème.
M. Lundy: Si elles faisaient preuve d'une diligence raisonnable et vérifiaient chaque année où en sont les fonds et si elles sont encore correctement protégées, cela résoudrait le problème.
M. Belcher: Est-il raisonnable de dire que quelqu'un qui accorde un prêt de cette nature, un prêteur innocent qui accorde un prêt pour un bien immobilier qui est pollué par une quelconque canaille, est vraiment totalement innocent? Il est certainement tenu d'examiner l'entreprise avec laquelle il traite, d'examiner ses actifs et d'imposer certaines conditions quant à la façon dont le bien sera utilisé à l'avenir. Il peut certainement imposer des restrictions. S'il a des inquiétudes, il lui est facile de dire que l'entreprise ne peut pas se lancer dans certains types d'activité ou qu'elle ne peut pas changer d'activité sans préavis. Il devrait assurer un suivi correct. Il ne dépend que de lui lorsqu'il accorde de tels prêts de faire tout cela par le biais d'un ensemble de conditions.
À mon avis, il est tenu de faire cela. Il ne peut pas accorder un prêt de façon irresponsable pour un terrain sans imposer de conditions et dire ensuite: «Regardez ce qui nous est arrivé; ce n'est pas notre faute.» C'est évidemment de sa faute; il a accordé ce prêt.
Le sénateur Angus: Je comprends cela dans les cas où une canaille est impliquée, comme vous l'avez dit. La pollution est toutefois souvent purement et simplement le résultat d'un accident. C'est ce qui nous gêne.
M. Belcher: Quand quelqu'un lance une entreprise, il sait de quoi il s'occupe et si ses activités sont particulièrement sujettes à certains types d'accident.
M. Kent: En ce qui concerne l'octroi d'un crédit, les questions qui mettent en jeu des sommes importantes ne sont pas les déversements actuels, mais les pratiques industrielles du passé. Le gros problème vient des pratiques utilisées il y a 20 ou 30 ans. Les problèmes qui existent à Algoma Steel ne sont pas dus à ce que fait maintenant cette entreprise. Ils découlent des pratiques suivies il y a 30 ans et qui ne sont plus acceptables. On constate cela constamment.
Le sénateur Angus: Alors, il ne devrait pas y avoir de superpriorité. Invoqueriez-vous cet argument?
M. Kent: On a beaucoup discuté dans ce secteur de savoir s'il devrait ou non y avoir une superpriorité. Parlons un peu de l'aspect pratique des choses.
Supposons que vous avez un terrain qui a un problème depuis longtemps. Le prêteur qui vient apporter un financement a besoin de savoir s'il assume ou non ce risque.
Le sénateur Oliver: C'est à ce moment-là qu'il doit faire preuve de la diligence requise.
M. Kent: Pour ce qui est de l'accord d'un crédit, il est logique d'identifier un groupe de créanciers qui pratiquera cette diligence raisonnable. Il n'y a aucune raison que l'emprunteur paie pour que chaque créancier en fausse autant. C'est du pur gaspillage. Cela augmente simplement le coût du financement de cette entreprise.
Une chose qui encourage la concurrence dans notre secteur aujourd'hui est qu'il y a de multiples prêteurs qui sont prêts à examiner les différents aspects des prêts. La société travaille pour certains créanciers qui accordent des prêts garantis par les actifs comme ceux dont a parlé M. Belcher et elle travaille également pour les banques. Nous constatons que leurs intérêts sont différents. Il est absurde d'imposer des exigences à tous ces prêteurs.
Imaginez le cas d'un emprunteur qui essaie de combiner plusieurs emprunts en s'adressant à un prêteur pour les biens immobiliers, à un autre financier pour l'équipement et à une banque pour le fonds de roulement. Si vous apportez le genre de changement dont vous parlez, chacun de ces prêteurs devra pratiquer la même diligence raisonnable relativement à l'environnement aux dépens de l'emprunteur. C'est absurde du point de vue de la levée de capitaux.
Pour ce qui est du prêteur immobilier, s'il essaie de vendre une propriété contaminée, la valeur de celle-ci s'en ressentira. Qu'il y ait ou non un privilège, en pratique, cela influera sur la valeur du collatéral.
Le prêteur se retrouve avec le problème. Si le bien est contaminé, il ne trouvera un acheteur que si le problème est réglé ou si le prix est établi en conséquence. Le fait de reconnaître simplement cette réalité et de créer cette créance ne retire rien aux prêteurs immobiliers. C'est le problème historique. Les déversements actuels représentent le problème concret.
La plupart de ces déversements ne sont pas dus à un équipement défectueux, mais à de mauvaises pratiques de gestion.
Si l'équipement lui-même est contaminé, cela aura des conséquences pour le prêteur correspondant. Il est au courant de ce risque. Il doit y remédier. Si l'équipement lui-même est contaminé, ce qui peut arriver, il perd son collatéral; c'est son problème. Ce projet de loi ne change rien à cela.
Pour ce qui est du bon fonctionnement du système, il est absurde de répartir le risque. Celui-ci est relié aux biens contaminés. Aucune des personnes impliquées n'en est responsable. Ce sont des pratiques anciennes. Ces erreurs ont été commises en 1965 ou 1975, et non pas aujourd'hui.
Ce n'est pas une question de responsabilité, mais de gestion du risque. Il faut aussi voir comment les marchés privés peuvent trouver l'argent nécessaire pour remédier à ces vieux problèmes hérités du passé. Pour ce qui est du système, il est beaucoup plus logique de laisser le risque là où on le propose. Je peux dire cela parce que je travaille pour de multiples parties différentes et non pas parce que nous essayons de favoriser un groupe concerné plutôt qu'un autre. Nous voyons cela du point de vue de tous.
Le sénateur Angus: Vous paraît-il raisonnable de faire retomber ces vieux problèmes de pollution sur un prêteur en 1996 ou en l'an 2000? Pourquoi devrait-il y avoir une priorité?
M. Lundy: En un mot, non, cela ne devrait pas nous retomber dessus. Le fait est que nous devons prendre les précautions nécessaires. Si nous le faisons au départ en nous assurant qu'il n'y a pas de pollution qui remonte à il y a 20 ou 30 ans, le secret pour aller de l'avant est de s'assurer que, si c'est un problème environnemental ancien, les pratiques de gestion de l'emprunteur sont examinées, rectifiées et non pas aggravées.
À la Banque Royale, comme, j'en suis sûr, à la Banque de Nouvelle-Écosse, il y a des lignes directrices sur les pratiques de gestion concernant les normes environnementales que nos emprunteurs doivent suivre. Nous voulons connaître leur politique face aux problèmes environnementaux. Si nous ne sommes pas convaincus qu'ils respectent des normes, nous n'en voulons pas comme clients. Il nous appartient de prendre nos précautions de ce côté-là tout comme le prêteur immobilier doit le faire de son côté.
Le sénateur Taylor: Je voudrais aborder un domaine dont M. Belcher, il l'a déjà dit, ne veut pas trop discuter. Des témoins précédents ont dit que, même si les faillites d'entreprise sont moins nombreuses parce qu'on identifie les problèmes et qu'on les règle, le nombre de consommateurs faisant faillite augmente de façon vertigineuse. Est-ce parce qu'on ne s'intéresse pas autant à ce secteur qu'aux faillites des entreprises? La situation va-t-elle s'améliorer avec le temps ou y a-t-il quelque chose qui ne va pas dans le système d'accord de crédit au consommateur? Les consommateurs ont-ils trouvé une faille ou avez-vous été trop occupés à rétablir vos relations avec les entreprises et les consommateurs ont-ils échappé à votre attention?
M. Lundy: Pour ce qui est de la Banque Royale, je ne dirais pas que nous n'avons pas prêté attention aux consommateurs. Nous leur accordons énormément d'attention. Il y a toutes sortes de raison à l'augmentation des faillites, notamment la restructuration de l'économie que nous connaissons depuis cinq ans. La reconfiguration des entités et le niveau de chômage ont créé de nombreux problèmes.
J'ai apporté un article que je vous laisserai au cas où vous voudriez le lire. Il est extrait du bulletin mensuel de Robert Morris Associates aux États-Unis. Il y a récemment eu une conférence téléphonique avec 65 banques et environ 2 500 agents de prêt de tout ce pays. On leur demandait quels problèmes ces sociétés allaient avoir, à leur avis, aux États-Unis à l'avenir.
Tout le monde a dit la même chose: c'est le crédit à la consommation. C'est ce qu'on appelle le «plastique», les cartes de crédit. Cela suscite beaucoup d'inquiétude aux États-Unis.
Je vais vous laisser cet article, sénateur. Je l'ai trouvé excellent. Je l'ai remis à notre service des prêts à la consommation ainsi qu'à l'ABC pour leur demander s'il s'applique au Canada.
Le sénateur Taylor: Que répondriez-vous à l'accusation selon laquelle les taux d'intérêt prélevés sur les cartes de crédit sont si exorbitants parce qu'on a laissé la cupidité naturelle des banques aller trop loin?
M. Lundy: Je ne suis pas spécialiste du crédit à la consommation, pas plus que M. Belcher. J'ai vu, dans notre banque, certaines informations que nous essayons de communiquer au public. Il en a été question aux nouvelles il y a deux soirs. Il y a des cartes de crédit sans fioritures qui ont un taux d'intérêt considérablement plus faible que Classique II et Visa II et les cartes plus prestigieuses et plus chères.
Le sénateur Taylor: Ceux qui ont celles-ci ne sont pas les pauvres gars qui font faillite.
M. Lundy: J'ai posé la question suivante à nos services: laquelle de nos cartes entraîne des pertes? Le chef de notre division des cartes m'a dit hier à ce sujet que la carte sans fioritures de la Banque Royale a un taux d'intérêt de 9,5 p. 100 alors que le taux de base est de 4,75 p. 100.
Si on tient compte des pertes, des coûts d'administration et des frais généraux, ce type de carte rapporte franchement bien peu. Je sais que la Banque de Montréal a parlé de son revenu par carte il y a quelques jours et, comme les autres, nous nous efforçons de donner le bon chiffre pour chaque type de carte.
Le sénateur Oliver: Une banque a dit que les cartes lui rapportaient un revenu net d'environ 170 millions de dollars.
M. Lundy: Je ne sais pas d'où venait ce chiffre.
Le sénateur Oliver: Il était cité dans le Financial Post.
M. Belcher: Je m'en remets volontiers à la première des banques pour ce qui est des taux d'intérêt des cartes de crédit. À mon avis, ce n'est pas le taux absolu qui pose un problème pour les cartes de crédit. Le fait est que les emprunteurs en possèdent souvent 10 ou 15 et utilisent la totalité de leur marge de crédit. Ils ne se déclarent en faillite que lorsqu'ils ne peuvent plus obtenir de nouvelles cartes ou refinancer chacun de leurs comptes au moyen des autres cartes qu'ils ont déjà. On peut se demander pourquoi il en est ainsi.
Ce sont des réflexions personnelles, mais les années 90 sont une période assez pénible. La Banque du Canada a réussi à ramener l'inflation à 2 p. 100. Le taux d'intérêt réel est resté relativement élevé comparé au taux d'inflation. Les règlements salariaux sont faibles et beaucoup de gens ont perdu leur emploi. Il n'y a plus autant d'argent qui circule. Pour pouvoir maintenir leur niveau de vie, je pense que les consommateurs ont commencé à s'appuyer sur les cartes de crédit et d'autres sortes de prêts.
Les prêts à la consommation sont essentiellement une activité actuarielle. Si on pose les bonnes questions, on obtient un certain nombre de points et la machine vous dit s'il faut ou non accorder un prêt. On peut accorder des dérogations, mais il faut être fou pour le faire. C'est une activité actuarielle. Si on veut réduire le risque, on place la barre plus haut pour les questions.
Il est un peu exagéré de dire que c'est la faute d'une banque ou des banques en général si les faillites des consommateurs sont aussi nombreuses. Elles le sont également aux États-Unis. Je pense que c'est dû à une combinaison de nombreux facteurs. Les principaux sont probablement le niveau élevé de chômage en général -- les gens perdent tout simplement leur emploi --, et l'accès à de multiples cartes de crédit.
Le sénateur Taylor: Je ne veux pas prendre le temps d'ouvrir un débat, mais ce n'est pas la première fois qu'il y a du chômage et que les familles ont des difficultés d'argent. Ne pensez-vous pas que les prêteurs ont certaines responsabilités? Il y a des lois en vertu desquelles on peut poursuivre un barman quand il donne trop à boire à quelqu'un et que celui-ci conduit ensuite une automobile. Si vous lui fournissez à boire, vous pouvez avoir des problèmes, mais pas si vous lui fournissez de l'argent.
M. Belcher: D'accord, mais il est difficile de dire si quelqu'un a trop bu quand il vient demander une carte de crédit. Un barman peut probablement voir que ce gars est déjà allé dans six autres bars. C'est assez difficile pour nous.
Le sénateur Kenny: Quand quelqu'un demande une carte, vous lui demandez notamment quelles autres cartes il possède. Vous savez en général que les gens ont d'autres cartes de crédit quand vous leur en donnez une.
M. Belcher: Le problème est qu'ils ont obtenu ces cartes il y a quelques années quand ils constituaient sans doute de bons risques de crédit et ils ont accumulé une dette depuis un certain temps. Souvent, il se passe quelque chose et ils sont en difficulté.
L'une des choses que l'on constate aujourd'hui dans ce domaine -- et n'oubliez pas que je ne suis pas spécialiste en la matière --, est qu'il n'y a souvent pas d'étape préliminaire à une faillite. Les paiements sont à jour à un moment donné et, au moment suivant, le titulaire de la carte est en proie à de sérieuses difficultés.
Le président: Il n'y a pas de système d'alerte. Avec les prêts aux entreprises, il y en a un parce qu'elles commencent d'abord à payer leurs intérêts en retard. C'est un processus évolutif.
Le sénateur Angus: Nous sommes un peu hors sujet.
Le sénateur Kenny: Je voudrais qu'on prenne bonne note de cela. Je suis sûr qu'il est évident pour nos témoins qu'on a de plus en plus l'impression dans cette ville que les banques devraient peut-être mieux se soucier de ce qu'elles font avec les cartes de crédit et que le problème n'est pas simplement l'imprudence des consommateurs.
M. Lundy: Sans parler de l'«imprudence des consommateurs», leurs attentes ont augmenté et, depuis quatre ans, elles dépassent de loin ce qu'ils sont capables de payer.
Le sénateur Kenny: Proportionnellement à la distribution de ces cartes?
M. Lundy: Je crois que oui.
Le sénateur Stewart: Vous avez préparé le terrain pour ma question.
Le sénateur Taylor: Il n'a pas seulement été préparé, il a été labouré et il est prêt à être ensemencé.
Le sénateur Stewart: Pensez-vous que la loi actuelle vous convient, en ce qui concerne le crédit à la consommation?
M. Belcher: Je devrais m'en remettre à l'Association des banquiers. Avant de venir ici, je lui ai demandé si les modifications concernant la faillite lui posaient des problèmes.
Le sénateur Stewart: Non. Je vous demande si la loi actuelle vous convient.
M. Belcher: Pour ce qui est des faillites de consommateurs?
Le sénateur Stewart: Exactement.
M. Belcher: Non. Les modifications proposées à la Loi sur la faillite nous plaisent. Nous sommes satisfaits de la plupart de ces dispositions.
Le sénateur Stewart: Comment pensez-vous qu'elles contribueront à remédier au problème dont on parle depuis dix minutes?
M. Belcher: Dans l'ensemble, nous n'étions pas trop mécontents de ce qui existait auparavant. Je pense que, au plan politique, vous êtes passés à un régime qui est plus généreux à certains égards.
Le sénateur Stewart: Plus généreux pour les banques?
M. Belcher: Non, je pense qu'il est plus généreux à certains égards pour les consommateurs en ce qui concerne la possibilité de régler leurs difficultés en se mettant en faillite. C'est beaucoup plus facile qu'autrefois. Ce n'est plus un obstacle.
Le sénateur Stewart: Êtes-vous contents de cela?
M. Belcher: Non, nous ne sommes pas contents que la faillite ne soit plus un obstacle ou quelque chose dont on a honte. Il y a 25 ou 30 ans, personne n'aurait envisagé de se mettre en faillite. Aujourd'hui, les gens le font à plusieurs reprises sans sourciller.
Le sénateur Stewart: Cela nous ramène à la situation dont vous avez parlé en répondant au sénateur Taylor. Un consommateur peut avoir un grand nombre de cartes. L'institution qui les émet considère qu'elle n'a aucune responsabilité en ce qui concerne le volume de crédit qu'elle offre à ses clients. Ensuite, vous vous attendez à ce que le Parlement remédie au problème qui a été créé non pas par vous personnellement ni par votre banque, mais par l'ensemble des organismes de prêts.
On dit traditionnellement que l'acheteur doit être sur ses gardes. Les prêteurs ne devraient-ils pas en faire autant?
M. Belcher: Je pense que c'est exact, mais je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites. Nous insistons sur les cartes de crédit, mais je pense que le crédit à la consommation fait partie du même problème. Lorsque quelqu'un vient emprunter de l'argent à la banque, il fournit un état financier et répond à une série de questions. Nous analysons de façon assez approfondie qui il est, où il travaille et ses antécédents en matière de crédit.
Le sénateur Stewart: Parlez-vous spécifiquement des cartes ou des prêts à la consommation négociés en général?
M. Belcher: Des prêts à la consommation en général. Je pense qu'il faut ajouter cela avec le reste.
Le sénateur Stewart: Pouvons-nous mettre l'accent sur les cartes? Comme vous l'avez dit, on semble appliquer à cela les principes actuariels alors que je suppose que lorsque quelqu'un demande un prêt pour acheter des biens de consommation, on examine sa situation actuelle. Par contre, comme vous l'avez dit, il semble que les cartes soient accordées en fonction de principes actuariels.
M. Belcher: L'évaluation du crédit tend à être faite de façon actuarielle. On remplit une demande. Je répète que je ne suis pas expert en matière de crédit à la consommation et que je connais mal ce domaine, mais les gens remplissent un formulaire de demande qui contient des renseignements financiers et autres, y compris la liste de toutes les autres cartes qu'ils possèdent. On fait enquête auprès des bureaux de crédit et d'autres organismes. En fin de compte, si le postulant semble représenter un bon risque de crédit, nous accordons le prêt. Toutefois, même s'il a trop de cartes de crédit, il a pu nous mentir sans qu'on s'en rende compte. Il peut bien obtenir le prêt, mais s'il ne respecte pas les critères de ce qui nous paraît constituer une gestion prudente, nous ne lui accordons pas une carte de crédit ou un prêt.
Le sénateur Stewart: Néanmoins, d'après les statistiques et ce qu'on nous a dit ce matin, je pense que le nombre de consommateurs faisant faillite a augmenté, malgré toutes vos précautions.
M. Belcher: Je pense que la valeur absolue des dettes des consommateurs a augmenté également.
Le président: Ce que le sénateur Stewart veut dire est que le nombre absolu de consommateurs faisant faillite a considérablement augmenté au cours des trois dernières années, alors que le nombre d'entreprises qui font faillite se situe toujours à peu près au même niveau.
Le sénateur Stewart: Je pense que c'est assez grave. Je ne veux pas dire que la responsabilité de cette situation incombe aux banques; toutefois, je pense qu'il serait très important pour notre économie d'analyser de façon réaliste le problème de l'augmentation vertigineuse de l'endettement et des faillites des consommateurs. La question est de savoir comment faire face à ce problème.
Vous semblez dire qu'on ne peut absolument pas s'attendre à ce que l'institution qui émet une carte de crédit évalue, sans risque de se tromper, la compétence financière de son client, même si l'économie est relativement stable, parce que cette personne peut avoir 20 cartes différentes et, comme vous le dites, peut vous avoir menti.
M. Belcher: L'institution peut tout à fait être au courant de l'existence de toutes ces cartes et tout peut paraître normal.
Le président: Pour que les choses soient bien claires et que nous ne passions pas à une discussion des taux d'intérêt des cartes de crédit, sujet dont certains députés se font actuellement les champions, ce n'est pas la question dont nous sommes saisis. Je suis ravi de parler de la question de l'accès au crédit, mais pas des taux d'intérêt sur les cartes de crédit.
Le sénateur Kenny: Je voudrais revenir à la question du sénateur Stewart à propos du rôle que devraient jouer les faillites pour remédier à des problèmes.
Si on dit que le taux élevé des cartes de crédit est nécessaire parce qu'il y a de nombreuses cartes qui rapportent peu, il me semble que c'est comme cela qu'on peut résoudre ce problème, et non pas par la voie législative.
Le président: Pour en revenir à une réunion qui a eu lieu au début de nos audiences quand le ministère a comparu, il est clair qu'on ne connaît pas exactement les causes réelles des faillites des consommateurs. On dispose de certains indices ponctuels et d'une impression générale quant à la nature du problème.
L'une des questions auxquelles a fait face le comité, et le sénateur Stewart l'a posée à un des autres témoins, est la nécessité de comprendre les causes précises des faillites de consommateurs parce que personne ne les connaît, ni les prêteurs, ni les associations de consommateurs, ni le gouvernement. C'est manifestement une question que nous devrons traiter dans notre rapport.
Le sénateur Taylor: Ces messieurs auraient certainement certaines idées à ce sujet.
Le président: Je pense qu'il n'est pas correct de le leur demander.
Le sénateur Oliver: D'autres témoins ont dit qu'il n'existe aucune donnée empirique.
Le président: Exactement.
Sénateur Stewart, je suis désolé de vous interrompre, mais je voulais nous remettre sur la bonne voie. Avez-vous terminé?
Le sénateur Stewart: Je pense que oui, monsieur le président.
M. Lundy a abordé la question sur laquelle les avocats ont mis l'accent: le problème n'est pas que les gens mentent et induisent ainsi les prêteurs en erreur. Ce n'est pas qu'ils sont financièrement incompétents. Le problème tient dans une large mesure à la difficulté de prévoir la situation financière de quelqu'un dans une conjoncture qui se modifie rapidement. C'est peut-être quelque chose de ponctuel.
S'il en est ainsi, je suppose qu'on pourrait dire que l'émission de cartes de crédit ne va pas sans risque. Ce n'est pas le genre de bateau qu'il faudrait lancer sur cette mer économique. La mer est trop agitée pour une petite embarcation comme celle-là. La comparaison est peut-être exagérée, mais elle contient sans doute une part de vérité.
M. Lundy: Vous avez peut-être raison de dire qu'elle est exagérée. Quand les prêts sont consentis de façon imprudente ou trop agressive, qu'il s'agisse des cartes de crédit ou des prêts aux consommateurs ou aux entreprises, ce sont les prêteurs et leurs actionnaires qui en subissent les conséquences. Si nous revenons à 1982 et au problème du pétrole, personne au Canada ou aux États-Unis ne pensait que son prix allait atteindre 100 $ le baril et on s'est soudain retrouvé en pleine crise pétrolière.
De la même façon, en 1989-90, dans le centre du Canada, on s'attendait à ce que les prix de l'immobilier doublent. Personne ne pensait qu'ils allaient baisser.
Sénateurs, on constate que chaque entreprise et chaque secteur de l'économie est en pleine restructuration. Chaque fois qu'il y a une telle restructuration, il y a des gens qui sont touchés.
On constate que, dans les familles, ce n'est plus un seul parent qui travaille, mais les deux et le chômage est plus élevé. On en revient à un seul revenu par famille. On était allé trop loin.
Dieu merci, les taux d'intérêt sont maintenant plus faibles. Pouvez-vous imaginer ce que serait la situation économique si on avait à nouveau des taux d'intérêt de 20 p. 100? Ce serait une catastrophe.
Le sénateur Stewart: Monsieur le président, je voudrais terminer sur la question suivante: étant donné toutes ces incertitudes, les cartes de crédit constituent-elles un instrument de prêt approprié quand la conjoncture est aussi incertaine que ce que nous a expliqué M. Lundy?
M. Belcher: Je citerai un extrait de l'article de Robert Morris qui correspond à ce que disait le sénateur Stewart:
L'augmentation des faillites au début 96 reflète une croissance plus faible du marché du travail, une stagnation des niveaux de revenu et une augmentation de l'endettement des consommateurs en 1995.
Il s'agit des États-Unis.
Ces tendances se sont inversées au début 96. On est en train d'atteindre un plateau. On peut toutefois s'attendre à une augmentation importante des faillites durant la prochaine récession si on assouplit les normes en matière de crédit...
Les banques en sont conscientes. Nous examinons de près nos ratios de comptes en souffrance et nous réexaminons fréquemment nos modèles de crédit pour essayer d'ajuster nos normes en conséquence. Il est clair que les problèmes de ce genre sont dus à des facteurs macro-économiques et cela fait longtemps que la situation n'est pas favorable aux consommateurs dans notre pays.
Le président: Sénateurs, les témoins suivants représentent le ministère.
Je vous en prie, allez-y.
M. David Tobin, directeur général, Régie d'entreprise, ministère de l'Industrie: Au cours des deux dernières semaines, sénateurs, votre comité a entendu plusieurs exposés bien préparés et des suggestions intéressantes de modifications à ce projet de loi. Certaines modifieraient l'orientation générale de la loi actuelle ainsi que celle du projet de loi C-5. Certaines rétabliraient en fait la situation antérieure à 1992 qui prévalait avant les modifications apportées à cette loi après de nombreuses années. Dans d'autres cas, vous avez entendu des opinions contraires et cela reflétait ce que nous avions entendu dans nos propres délibérations. Les gens abordent ces questions sous des angles différents. C'est normal quand on engage une consultation de grande envergure.
La grande majorité des suggestions qui vous ont présentées modifieraient probablement le consensus auquel on est arrivé à l'issue du CCFI, le processus de consultation mis en place par le ministère. Ces suggestions concernent des choses comme le processus de médiation, l'approbation des conjoints et la responsabilité des agents de soutien. La plupart de ces questions ont été discutées dans le cadre du CCFI. Des témoins se sont présentés ici aujourd'hui et ont proposé que l'on modifie cela.
Le CCFI a été un élément clé des efforts engagés par le ministère et le gouvernement pour modifier les dispositions relatives à la faillite. Après les modifications de 1992 et étant donné la nécessité d'un examen au bout de trois ans, on a consacré beaucoup de temps à essayer de déterminer la meilleure façon de consulter les parties intéressées afin que cet examen prenne tout son sens. On a créé le CCFI pour faciliter l'obtention de compromis et de consensus difficiles et délicats en écoutant toutes les parties concernées.
Les principaux témoins qui se sont présentés devant vous, notamment l'Institut de l'insolvabilité, l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité et des membres du Barreau canadien, ont également dit que le CCFI avait été particulièrement utile et fructueux. Cela ne veut pas dire qu'ils étaient d'accord avec tous les commentaires présentés devant le CCFI ou le consensus atteint par celui-ci, mais c'est précisément en quoi consiste un tel consensus.
Une discussion entre de nombreux interlocuteurs contribue fortement à la résolution des problèmes, car toutes les parties intéressées ont ainsi la possibilité d'entendre les points de vue des autres et un consensus se manifeste alors parfois. Quelles que soient les propositions, elles font rarement l'unanimité. On cherche à atteindre un consensus, ce qui veut dire que, dans certains cas, les opinions des intervenants ne sont ni retenues ni acceptées.
Comme on l'a dit au comité, la Loi sur l'insolvabilité est trop importante pour pouvoir rester inchangée pendant longtemps. Nous ne voulons pas nous retrouver comme avant l'adoption des modifications de 1992.
Il y a eu un examen après trois ans en 1992 et le prochain aura lieu cinq ans après cette date. Nous espérons qu'il nous donnera l'occasion, si le Parlement est d'accord, de sonder les parties concernées pendant cette période et de continuer d'apporter quelques rectifications à cette loi.
Au cours des deux dernières semaines, nous avons constaté que les discussions ont continué dans ce comité. Les questions qui ont été soulevées ici sont toutes très importantes et toutes méritent d'être prises en considération prioritairement durant la prochaine phase de la réforme de la faillite. Nous envisageons pour le moment de créer quelque chose comme le CCFI pour continuer le processus de consultation pendant cette prochaine phase.
Monsieur le président, nous pouvons procéder comme vous le voulez, soit en répondant directement aux questions des membres du comité concernant les questions qui ont été soulevées au cours des quinze derniers jours soit en abordant d'abord nous-mêmes quelques questions.
Le président: Je pense que vous pourriez commencer par les thèmes principaux pour n'avoir plus à y revenir. Nous passerons ensuite aux questions plus précises.
Le sénateur Angus: Monsieur Tobin, nous serons tous heureux d'entendre ce que vous avez à dire sur ces sujets. La plupart d'entre vous ont entendu nos discussions. Je me réjouis de la consultation qui a eu lieu entre 1992 et la présentation de ce projet de loi.
Pouvez-vous parler d'emblée de cet élément de la procédure? Un autre élément me gêne, c'est le fait que tous les éléments présentés fin octobre devant le comité de l'industrie de la Chambre et toutes les questions de fond, y compris les modifications à l'article 124, n'ont jamais pu être traités lors des autres étapes de cette procédure. Cet élément me pose un problème. Je suis sûr que vous pouvez nous fournir une bonne explication. J'ai besoin de savoir pourquoi les choses se sont passées ainsi.
C'est une loi cadre très importante. J'approuve vos efforts et la façon dont vous avez entamé vos travaux. Toutefois, je pense que cette procédure a ensuite déraillé et cela me gêne beaucoup.
M. Tobin: La procédure de modification du projet de loi a évidemment pris en considération, dans une large mesure, les travaux du CCFI et les commentaires et suggestions que nous avons reçus. Postérieurement à cela et au dépôt du projet de loi, le gouvernement et le comité lui-même ont reçu de nombreux mémoires écrits concernant ce texte.
Je pense que l'on a suivi la procédure normale pour les modifications déposées vers la fin de la cession. Écouter les témoins, lire des mémoires et présenter ensuite une série de modifications qui s'en inspirent, voilà, je pense, la procédure normale.
Dans certains cas, ces modifications ne correspondent pas aux mémoires écrits ou aux témoignages. Les propositions reçues étaient parfois incompatibles et il a donc fallu choisir. Toutefois, je ne pense pas qu'il y a rien eu d'inhabituel dans la procédure suivie. Les amendements sont généralement présentés vers la fin des audiences du comité de la même façon que cela se serait produit ici vers la fin de vos audiences, si je comprends bien votre question.
Le sénateur Angus: Je ne vois rien à redire au fait que, quand les choses suivent leur cours normalement, vous teniez des audiences comme nous le faisons ici au Sénat. Nous faisons de notre mieux pour tenir compte des renseignements que nous recevons et faire des propositions constructives en nous appuyant sur nos connaissances et notre expérience.
J'ai toutefois l'impression qu'un grand nombre de modifications présentées à la fin des audiences à l'autre endroit n'avaient absolument aucun rapport avec ce qu'avaient dit les témoins. Je me trompe peut-être, mais c'est là le sens de ma question.
M. Tobin: Nous parlerons de l'article 124 dans quelques minutes parce que nous avons des commentaires détaillés à faire à ce sujet. Dans un cas comme celui-ci, nous essayons d'aligner un texte de loi sur l'insolvabilité avec un autre. Ce n'était d'ailleurs pas la seule raison. Nous pensions également à ce moment-là que l'article 124 permettrait d'améliorer les choses. Les commentaires que vous avez reçus jusqu'à présent nous intéressent. Dans certains cas, c'est tout ce qui s'est fait; les modifications n'ont pas reflété des propositions directes. Nous avons plutôt pensé que ce serait une meilleure façon de procéder pour trouver un compromis entre les intérêts des créanciers et ceux des débiteurs.
Je ne crois pas que nous ayons comparé les quelque 70 modifications présentées avec les propositions qui nous avaient été faites.
Le président: Je voudrais faire un commentaire au sujet de cette procédure. Je ne la critique pas, mais je veux souligner la chose suivante.
C'est une mesure législative très complexe et environ 80 modifications ont été présentées à la Chambre. Elles n'ont pas été examinées de façon approfondie par le comité de la Chambre. On pourrait même dire qu'elles ont été adoptées officiellement par le comité très rapidement et qu'aucun témoin n'a été entendu après leur présentation.
Il y a deux éléments dans ce qu'a dit le sénateur Angus. Premièrement, il a mis l'accent sur la mesure dans laquelle les modifications reflètent la consultation effectuée. Deuxièmement, c'est devant notre comité que les témoins qui ont participé aux travaux du CCFI ont pour la première fois l'occasion de commenter ces modifications. Personne ne devrait donc être très surpris que, sur ces quelque 80 amendements, il puisse y en avoir un, deux, trois, cinq ou un petit nombre que les témoins considèrent comme inadaptés ou inacceptables. Je sais par expérience que rédiger une loi est très difficile. Personne n'est parfait. Soixante-quinze sur quatre-vingt constitue une bonne moyenne au bâton compte tenu de la complexité des questions en jeu.
Il est important de ne pas oublier que beaucoup de commentaires présentés au comité s'appuyaient sur des modifications que, il faut bien le reconnaître, personne n'avait pu commenter avant que le comité en soit saisi. On ne critique pas le gouvernement ou les rédacteurs du projet de loi en disant que, quand il y a autant de modifications, il peut être nécessaire d'apporter encore des changements à un petit nombre d'entre elles pour qu'elles puissent donner de bons résultats. C'est la deuxième moitié de la question qu'a posée le sénateur Angus au sujet de la procédure.
Je ne m'attends pas nécessairement à une réponse, mais il me paraît important que tout le monde comprenne bien cela.
M. Tobin: Je vois ce que vous voulez dire. Quand la procédure a été engagée à l'autre endroit, beaucoup de modifications proposées concernaient le libellé du texte. Il s'agissait, par exemple, simplement d'assurer la conformité entre les versions dans les deux langues officielles. Il y avait aussi des modifications de détail fondées sur l'avis d'experts de l'extérieur qui disaient que, dans la pratique, cette loi donnerait de meilleurs résultats si on faisait «A» plutôt que «B».
Il y a une troisième catégorie, qui a fait l'objet de la majorité des commentaires présentés ici, concernant des questions de fond. Nous sommes ici aujourd'hui pour vous donner de plus amples explications au sujet des raisons qui ont présidé à ces modifications.
Le président: Abordons-les donc. Je vous en prie, commencez par l'article 124.
M. Max Mendelsohn, conseiller juridique auprès du ministère de l'Industrie: Sénateurs, c'est une des choses les plus difficiles à commenter à cause de la très vive opposition manifestée à l'endroit de cette disposition par un secteur déterminé des spécialistes de l'insolvabilité. Je vous indiquerai d'entrée de jeu que fais partie du conseil d'administration de l'Institut de l'insolvabilité; c'était tout au moins le cas jusqu'à aujourd'hui. Je ne sais pas ce qui va se passer demain. Je n'ai pas participé à la préparation des réactions aux modifications.
Pour situer les choses, je vous préciserai que j'ai travaillé dans le domaine de l'insolvabilité pendant 25 de mes 30 années de carrière et j'ai consacré une grande partie de mon temps à essayer d'amener les banques à appuyer la réorganisation des emprunteurs insolvables.
Je vais consacrer quelques minutes à essayer de placer la question de l'article 124 dans ce qui me paraît être le contexte approprié parce que je ne sais pas si ceux qui s'y opposent vous l'ont déjà expliqué. Ce faisant, si on me le permettait, j'aimerais revenir au premier principe concernant la réorganisation.
Les lois concernant la réorganisation, qu'il s'agisse de la LFI ou de la LACC, ont une caractéristique particulière: elles représentent une dérogation par rapport aux règles contractuelles normales en vertu desquelles les droits d'un créancier sont ceux qu'il a négociés.
Les lois sur la réorganisation disent aux créanciers qu'un débiteur peut faire une offre et qu'ils sont tenus de l'accepter même si elle ne leur plaît pas et qu'ils votent contre pour autant qu'elle est acceptée par des créanciers qui représentent un nombre ou un volume de réclamations suffisant. Voilà ce qui est à la base de l'ensemble de la procédure. Je dirais que c'est ce qui en constitue le fondement.
Il y a un aspect de procédure en vertu duquel on dit: «Il faut préserver le statu quo pendant la période nécessaire pour la réorganisation ou pour la présentation et la mise en oeuvre d'un plan de réorganisation». Le projet de loi prévoit donc ce que l'on appelle généralement en Ontario une «suspension des procédures». On qualifie plus couramment cela de gel ou on dit qu'on envoie les créanciers sur le banc des punitions. Quoi qu'il en soit, il s'agit de préserver le statu quo afin que la procédure puisse se dérouler dans de bonnes conditions sans interrompre l'exploitation de l'entreprise.
La question dont nous parlons maintenant relativement à l'article 124 n'a rien à avoir avec l'aspect fondamental de la réorganisation. Les plans finissent par être déposés et faire l'objet d'un vote, mais ce n'est pas ce dont nous parlons aujourd'hui. Nous parlons des modalités suivies, de la suspension des procédures.
La LFI prescrit un code. Lorsque quelqu'un entame la réorganisation, on procède automatiquement à une suspension des procédures qui se fait en fonction d'un système complexe de règles.
Aux termes de la LACC, comme beaucoup de gens vous l'ont signalé à juste titre, les tribunaux disposent d'une souplesse considérable. Dans la pratique, l'organisme qui effectue la réorganisation et son avocat préparent pour le tribunal un projet d'ordonnance reflétant leurs propres attentes. En fait, ils rédigent leurs propres règlements, qui constituent souvent un document très complexe. Il est généralement présenté au juge à la va vite. Aucun juge ne serait capable de le digérer et de le comprendre totalement avant de rendre son ordonnance -- parce que ces documents peuvent être longs de 100 pages et inclure des références à l'histoire de l'entreprise et toutes sortes d'éléments complexes --, mais l'ordonnance finit par être émise.
Il paraît logique qu'un avocat imaginatif rédige un tel document de la façon qui lui permettra le mieux d'atteindre son objectif. Au fil des ans, les avocats ont découvert qu'on peut créer des faits et des éléments de fond dans ces ordonnances si bien que, lorsqu'ils sont soumis au vote, les dés sont déjà jetés de toute façon. Beaucoup de choses ont déjà été décidées au moment où l'ordonnance est rendue.
Je n'en suis pas encore à l'article 124. Le principe qui sous-tend cela est que ces ordonnances ne doivent pas porter atteinte aux droits dont continueront à bénéficier les gens. Cela se passe plus tard lorsqu'on s'occupe du plan, si on va jusque-là. Il faut préserver un statu quo relatif pendant cette période.
On s'est rendu compte que de nombreux créanciers subissent souvent un préjudice matériel du fait des ordonnances demandées et qu'ils ont beaucoup de mal à faire valoir leur point de vue parce que, comme on peut le comprendre, la balance penche fortement du côté de la réorganisation, ce qui est normal. Toutefois, il ne devrait pas en être ainsi à tout prix, sans tenir compte des gens qui pourraient être lésés.
La disposition relative au préjudice matériel, qu'on présente comme la partie critiquable de l'article 124, porte sur la chose suivante: l'ordonnance ne devrait pas entraîner un préjudice matériel pour un créancier. Qu'entend-on par «préjudice matériel»? À mon avis, il s'agit de savoir si, dans le cas où une ordonnance est rendue pour empêcher la compagnie de faire faillite aujourd'hui, le créancier se trouve dans une situation matérielle plus défavorable du fait de cette non-faillite aujourd'hui?
D'après certains, cette norme entraîne un préjudice matériel pour la plupart des créanciers. À mon avis, ce n'est pas le cas. J'ai l'intention de passer brièvement en revue les diverses catégories de créanciers pour vous montrer pourquoi. Cela n'arrive que si la suspension des procédures lèse un créancier par rapport à ce qui se passerait si la compagnie faisait faillite aujourd'hui.
Certains vous ont dit qu'en vertu de cette procédure, des plans devront être déposés dans les 30 jours. Personne ne fait une telle proposition. Il est juste, comme on vous l'a expliqué, que ces choses ne peuvent pas se faire en 30 jours. C'est hors de question.
On vous a également expliqué que, si un tribunal constate qu'un créancier ou un autre subit un préjudice matériel, cela veut dire qu'on arrête tout et qu'on met un terme à la réorganisation. Ce n'est pas le cas.
Si une proposition d'ordonnance a été rédigée d'une façon telle qu'elle entraîne un préjudice matériel pour un créancier donné -- par exemple pour un petit créancier, puisque c'est l'exemple qui a été utilisé --, c'est d'abord aux tribunaux qu'il incombe de décider si c'est bien le cas.
Si c'est ce que le tribunal constate, il doit alors dire: «l'ordonnance sous cette forme n'est pas correcte en ce qui concerne tel créancier ou telle catégorie de créanciers». L'ordonnance doit être modifiée. Dans certains cas, il convient de retirer de l'ordonnance le nom du créancier. En fait hier, M. Baird a spécifiquement mentionné le fait que cela se faisait maintenant. C'est ce qui doit se passer normalement. Si un préjudice matériel est bien avéré, c'est ce qui se passera et c'est ce qui doit se passer.
Le président: Quand vous dites qu'on retire le nom du créancier, vous voulez dire essentiellement qu'il reçoit l'argent qu'il réclame.
M. Mendelsohn: Non. Ces ordonnances sont généralement des documents très longs, très complexes comprenant une centaine de paragraphes. Les règles varient selon les catégories de créancier. Si on retire le nom d'un créancier, cela veut dire qu'on lui paie ce qu'il réclame ou, si son actif est un édifice, il peut le retirer et en disposer; il peut également y avoir des règles stipulant quelle proportion du revenu de cet actif peut être utilisée. On peut retirer son nom de toutes sortes de façon.
On ne peut pas dire que c'est tout ou rien, loin de là.
Je vais analyser différentes catégories de créanciers et différentes situations pour vous montrer comment, à mon avis, cela pourrait fonctionner et comment cela fonctionne actuellement aux termes de la LFI.
Le sénateur Angus: Êtes-vous en train de parler de la LACC?
M. Mendelsohn: Oui.
Commençons par les créanciers non garantis. Ces derniers jours, quelqu'un a dit que la suspension des procédures entraîne un préjudice matériel pour tous les créanciers non garantis. Je vous dis que dans la grande majorité des cas, dans près de 100 p. 100, cela ne se passe pas ainsi. Le créancier moyen se demande s'il est plus avantageux pour lui que la compagnie soit mise en faillite aujourd'hui ou qu'une suspension des procédures puisse donner lieu à une réorganisation lui permettant d'obtenir quelque chose. Dans la plupart des faillites, les créanciers non garantis ne reçoivent rien. Lors des réorganisations, ils obtiennent parfois quelque chose. Parfois, on se retrouve en fin de compte avec une véritable organisation viable.
Quelqu'un a mentionné l'exemple de Dylex à propos des créanciers non garantis pour dire qu'ils étaient très actifs dans cette affaire et que, s'il y avait une disposition relative au préjudice matériel, Dylex aurait pu être éliminée. Je connais directement cette affaire puisque j'étais l'un des trois conseillers juridiques auprès du groupe représentant les créanciers non garantis de Dylex.
Premièrement, dans cette affaire, chaque créancier non garanti s'est rendu compte qu'une réorganisation était la chose la plus importante et la plus positive qui pouvait se produire. Personne n'aurait pu ou n'aurait voulu prétendre que la réorganisation et la suspension des procédures se traduisaient par un préjudice matériel. Il y avait d'autres questions qui se posaient à propos de Dylex en ce qui concerne les approvisionnements ultérieurs, et cetera, mais personne ne mettait en doute le bien-fondé d'une ordonnance. En règle générale, les créanciers non garantis ne subissent aucun préjudice matériel.
Prenons l'exemple de l'immobilier qui vous a été présenté. C'est intéressant parce qu'on sait qu'un des banquiers qui a comparu devant vous a déclaré publiquement qu'on ne peut effectuer aucun type de réorganisation pour les sociétés immobilières parce que ce ne sont pas réellement des entreprises, mais simplement un ensemble de biens.
Voyons ce qui se passe pour la réorganisation dans l'immobilier. Supposons qu'un prêteur ayant un seul actif s'oppose à une ordonnance de suspension des procédures émise en vertu de la LACC parce que, selon lui, cela va porter atteinte à sa garantie relativement à son édifice. Premièrement, il a soit tort soit raison; c'est une décision factuelle qui devra être rendue par le tribunal.
Deuxièmement, s'il a une garantie totale et si on considère que l'édifice a une valeur suffisante et que cette valeur existera encore à la fin de la procédure, cette dernière ne lui crée aucun préjudice matériel et personne ne sera sensible à ses prétentions.
Prenons un autre cas. Supposons qu'il a une garantie insuffisante et qu'il y a une réclamation contre ce bien, une première hypothèque d'un million de dollars, alors que la propriété a une valeur de 800 000 $. Il souhaite utiliser le revenu de ce bien pour participer au financement des efforts de restructuration en cours. Est-ce juste? À ce moment-là, on fait certainement perdre à ce bien une partie de sa valeur.
Dans un plan final de réorganisation, une chose est claire: ce bien ne pourra contribuer en rien à la réorganisation générale. Il est inutilisable. On ne peut en retirer aucune contribution. Pourquoi, dans cet exemple, devrait-on demander à ce créancier de se tenir à l'écart et de voir sa garantie perdre petit à petit sa valeur? Dans un tel cas, le créancier pourrait faire objection à une ordonnance.
Normalement, le tribunal devrait alors retirer ce bien de l'ordonnance parce qu'il ne peut pas être utilisé. Il n'est pas nécessaire de faire de la philanthropie pour contribuer aux efforts de réorganisation. C'est le genre de situation que les dispositions relatives au préjudice matériel cherchent à prévenir.
Le président: En tant que profane, j'ai apprécié votre façon d'illustrer ce que vous avez appelé un «avocat imaginatif».
Vous avez consacré environ 95 p. 100 de votre temps à expliquer pourquoi la modification proposée à l'article 124 ne cause pas de problème et environ 5 p. 100 à expliquer pourquoi elle est nécessaire.
Vous avez réfuté tout ce que les autres prétendent, mais vous ne vous êtes pas donné la peine de dire pourquoi il en était ainsi, sinon dans vos deux dernières phrases. Dans votre exemple concernant l'immobilier, avec la loi actuelle, sans cette modification, le juge ne dispose-t-il pas déjà de la latitude nécessaire pour «retirer» cet édifice? Dans l'affirmative, vous avez plaidé de façon remarquable en faveur du statu quo.
M. Mendelsohn: J'ai entendu quelqu'un quelque part murmurer «harmonisation».
Le sénateur Meighen: C'est moi. M. Tobin en a parlé.
M. Mendelsohn: C'est la même disposition que celle qui figure dans la LFI pour des circonstances analogues.
Le sénateur Meighen: Dites-nous pourquoi c'est bien.
Le président: Auparavant, je dois vous faire connaître mes idées préconçues. Ayant été sous-ministre dans une province et au fédéral, j'ai toujours pensé que l'une des principales caractéristiques du régime fédéral est la profonde conviction des bureaucrates d'Ottawa que l'uniformité et la similarité sont, par définition, automatiquement dans l'intérêt de tous. Venant d'une des petites provinces, je dirais que c'est une énorme exagération. Cela dit, je serais heureux d'entendre votre réponse.
M. Tobin: Avant que M. Mendelsohn réponde, je préciserai que quand j'ai parlé d'harmonisation, j'ai dit que non seulement c'était de l'harmonisation, mais que c'était également une bonne loi et une bonne politique.
M. Mendelsohn: On ne fait pas cela par souci d'harmonisation, mais parce que ce qui est dans l'autre loi est bien et que ce sera bien ici aussi.
Pour répondre à la question du président à propos de la latitude dont disposent les tribunaux pour obtenir le même résultat que celui que cette disposition cherche à atteindre, oui, ils ont assez de latitude. Nous croyons toutefois qu'il est utile de fournir aux tribunaux une sorte de cadre de référence parce que le préjugé en faveur de la réorganisation -- je dirais que c'est un préjugé excessif parce qu'il est normal qu'il y ait un certain préjugé favorable --, se retrouve également chez les juges. De façon générale, tout le monde a un préjugé favorable à la réorganisation, mais il faut poser certains jalons.
Il est souhaitable d'avoir certaines lignes directrices législatives sur lesquelles les juges puissent plus facilement s'appuyer. La discrétion totale que la LACC laisse aux tribunaux a, je crois, donné libre cours à une créativité excessive, si je peux m'exprimer ainsi. Il est utile d'établir certaines limitations et d'énoncer des lignes directrices.
Le président: Notre comité fait face à un dilemme: les professionnels de l'insolvabilité, l'Institut de l'insolvabilité, le Barreau et les banques ont tous condamné collectivement cet article avec beaucoup d'énergie. Votre argumentation présente un point de vue opposé. La majorité des informations présentées ne laissant pas place au doute, pensez-vous réellement que la valeur de cette disposition justifie toutes les difficultés qu'elle crée pour des gens raisonnables et responsables qui connaissent à fond ce domaine?
M. Mendelsohn: Sénateur, il existe en français un dicton qui dit: «La jurisprudence ne se compte pas, elle se pèse».
Je conviens qu'il y a une énorme quantité d'opinions opposées à la promulgation de l'article 124.
Le sénateur Oliver: Combien pèsent-elles?
M. Mendelsohn: Tout bien pesé, je pense que la présence de cette disposition est préférable à son absence. Je ne peux pas plaider avec autant d'énergie parce que je ne peux pas prétendre devant le comité que ce serait catastrophique si elle n'était pas là. Comme je l'ai dit au sénateur Meighen l'autre jour, je ne crois pas que le Parlement lui-même puisse résister à un raz-de-marée. Je ne crois pas que cette disposition entraînera de graves problèmes et je crois que sa promulgation aura d'importantes retombées positives.
Le sénateur Stewart: Vous avez beaucoup d'expérience dans ce secteur et vous connaissez la nature des activités des gens qui critiquent la modification proposée à cette loi. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de leurs critiques?
M. Mendelsohn: Je pense que la plupart des gens qui la critiquent, qui sont de bonne foi, sont du côté des débiteurs. Tout ce qui leur complique la vie en matière de réalisation d'une restructuration leur paraît mauvais. Tout ce qui facilite une restructuration leur paraît bien, et c'est compréhensible.
M. Gordon Marantz, conseiller juridique auprès du ministère de l'Industrie: M. Mendelsohn et moi-même avons divisé notre exposé. Je dois vous dire que je suis un ancien dirigeant de l'Institut de l'insolvabilité, mais je l'ai quitté avant que ce problème ne se pose.
Nous sommes confrontés à ce qui semble constituer l'opposition unifiée de tout le secteur de la restructuration dans notre pays. Cela reflète un conservatisme inhérent. Je dois également dire, pour être juste, que ceux qui se sont présentés ici se présenteront également devant les tribunaux pour y défendre des institutions de prêt et clamer qu'elles subissent un préjudice et qu'elles veulent qu'on lève la suspension. Nous les avons vus le faire je ne sais combien de fois. Quand ils sont avocats, ils défendent un point de vue et quand ils représentent les prêteurs, ils en défendent un autre.
Toutefois, initialement, la LACC ne prévoyait ni test ni norme. On se présentait au tribunal pour l'ordonnance et on l'obtenait sans que personne ne soit là. Au bout d'un certain temps, les créanciers se sont mobilisés et sont retournés devant les tribunaux pour demander réparation.
Quand nous avons commencé la procédure de modification, j'ai présidé un groupe de travail s'occupant des problèmes liés à la LACC. Je connais bien ces discussions. Il fallait manifestement décider à qui incombait le fardeau de la preuve parce que, quand les créanciers revenaient présenter des objections, on avait généralement l'impression qu'ils devaient prouver qu'ils subissaient un préjudice alors que la procédure faisait la partie belle au débiteur. Dans sa version originale, ce projet de loi prévoyait, comme c'est le cas maintenant, pour obtenir la première ordonnance et l'ordonnance ultérieure, que c'est au débiteur qu'il appartient d'en prouver la nécessité.
Après examen, nous avons conclu que c'était un gel, qu'on maintenait le statu quo. Les créanciers ne devraient pas subir de préjudice matériel. Les modifications qui sont à la source de toutes les objections sont là. Parmi les trois paragraphes de cette modification, celle qui concerne la question de la bonne foi ou celle relative à la constitution de la proposition ne choque personne. Ce qui choque les gens est la question du préjudice matériel.
Où avons-nous trouvé ça et quels en sont les antécédents? Beaucoup de gens vous ont dit que ça va être la fin du monde, mais personne n'a parlé de ce qui s'est passé en fait. La LFI prévoit la même chose depuis 1992. Cela figure dans l'article sur la prolongation du délai et dans celui qui concerne la levée de la suspension des procédures, le paragraphe 69.2. C'est dans la LFI et nous avons déjà appliqué cela.
Le président: Pour être juste, il faut préciser aux fins du procès-verbal que, d'après votre propre proposition, la LACC ne s'appliquera qu'aux grandes sociétés. Vous préférez un plancher de 10 millions de dollars. Nous parlerons plus tard du choix entre 10 millions de dollars et 5 millions de dollars. Toutefois, dire que, puisqu'une proposition marche bien avec les petites entreprises, elle devrait marcher bien également avec les grandes alors que vous reconnaissez vous-même avoir dit que vous voulez des lois différentes pour les petites et les grandes entreprises, cela paraît illogique même à un humble mathématicien comme moi.
M. Marantz: Air Atlantic était une grosse société et elle s'est prévalue de la LFI. Dans cette affaire, on a constaté que ceux qui avaient loué les avions voulaient qu'on lève la suspension des procédures pour pouvoir récupérer leurs avions. Cela réglait la question du préjudice matériel.
Air Atlantic est retournée devant les tribunaux à plusieurs reprises -- j'étais conseiller juridique du syndic --, pour demander des extensions du délai et a dû faire face à une opposition virulente pendant trois jours d'audience. L'affaire d'Air Atlantic a fourni l'occasion par excellence de tester le concept de préjudice matériel, et cette entreprise a obtenu toutes les extensions de délai qu'elle demandait.
À mon avis, les faits montrent que cette disposition donne de bons résultats. En Ontario, le juge Farley, dans l'affaire Cumberland Trading, a déclaré qu'on détermine le préjudice matériel non pas en vertu d'une norme subjective mais objective. Dans toutes les organisations, tout le monde subit un préjudice. C'est clair. Son étendue ne peut être déterminée qu'en examinant l'ensemble du problème dans son contexte.
Je comprends votre préoccupation. À notre avis, ce projet de loi ne va pas entraîner la tempête que certains craignent.
Nous avons vu ce qui se passe. Birks a été réorganisée en vertu de la LFI. Il ne semble pas y avoir eu de problème. Il faudrait une loi distincte pour les très grosses sociétés, mais ce n'est pas juste si la réorganisation se fait sur le dos d'un créancier. Il devrait y avoir une protection. J'ai présenté hier à Toronto une demande en vertu de la LACC au juge Houlden. Un créancier est intervenu au sujet de la motion parce que nous l'avions averti. Il s'inquiétait au sujet d'une réclamation qu'il avait déposée relativement à un privilège et il voulait être sûr qu'il pourrait l'exécuter. Si nous ne l'avions pas autorisé à le faire, il en aurait subi un préjudice matériel. La réorganisation aurait-elle été pour autant rejetée? L'extension aurait-elle été rejetée si nous n'avions pas fait cela? Non. Il y avait une disposition à cet effet dans l'ordonnance, mais le juge l'aurait modifiée pour permettre à ce créancier de protéger ses droits.
Cette disposition ne fera pas s'écrouler le monde parce que, si vous savez ce que vous faites, vous constaterez que les gens sont protégés de façon adéquate.
Il y a ce concept aux États-Unis dans le chapitre 11, le concept de la protection adéquate. Si un créancier garanti -- et cela ne concerne que les créanciers garantis --, considère qu'il n'est pas protégé de façon adéquate et que la valeur de sa garantie diminue, il peut demander au tribunal de lui assurer une protection adéquate. Le tribunal se livre alors à une procédure d'évaluation très complexe.
À notre avis, cette disposition-ci correspond au même concept. Les créanciers ont le droit d'être protégés, mais pas celui de faire cesser une réorganisation.
Le sénateur Angus: Je suppose que vous ne proposez pas le retrait de cette modification.
M. Marantz: Je ne suis pas en mesure de retirer quoi que ce soit.
M. Tobin: C'est notre position initiale.
Le sénateur Angus: Quand M. Mendelsohn a présenté sa déclaration d'ouverture, le sénateur Oliver m'a dit à l'oreille qu'on allait finir par nous dire: «Nonobstant tout ce qui précède...».
Le sénateur Oliver: Je voudrais recommander le retrait.
Le sénateur Angus: Vous insistez pour que cela reste dans le projet de loi pour les raisons énoncées par les deux avocats, n'est-ce pas?
M. Tobin: Nous sommes ici pour expliquer plus longuement la raison de l'existence de cette disposition. Votre recommandation ne serait évidemment que cela, sénateur.
Le sénateur Angus: M. Tobin, je dois répéter ma question. Si c'est si important pour la loi-cadre dont nous sommes saisis, pourquoi cela n'y figurait-il pas lors de la première présentation du projet de loi?
M. Tobin: Je n'en sais rien. On n'en avait pas beaucoup discuté au CCFI ou on n'était pas rentré dans ce genre de détail. Il en a été question lors de l'examen ultérieur pendant les préparatifs à la présentation du projet de loi. Nombre de questions n'ont pas été discutées au CCFI.
Comme M. Mendelsohn et M. Marantz l'ont dit, cela ne nous paraissait pas un ajout important. Lorsqu'on a examiné les dispositions du projet de loi C-5, on partait du principe que la LACC devait prévoir certaines règles. À l'heure actuelle, il y en a très peu, mais l'idée générale était qu'il fallait en ajouter; pas comme dans la LFI, mais il en fallait néanmoins plus qu'actuellement. C'est le consensus qui était ressorti du CCFI.
Cela nous a paru être une façon d'essayer de répondre à cette attente. Pour être franc, nous ne nous attendions pas aux réactions qu'a reçues votre comité parce que nous considérions que c'était une tentative de trouver un moyen terme entre les intérêts des créanciers et ceux des débiteurs sans -- j'insiste là-dessus --, compromettre nécessairement la possibilité de mettre en oeuvre une proposition. Au contraire, cette notion de l'exception pouvant être faite pour un créancier dont a parlé M. Mendelsohn serait inscrite dans la loi en même temps qu'une sorte de norme.
Auparavant, il n'y avait aucune norme. J'attire l'attention des membres du comité sur le fait que, dans ce cas-ci, le demandeur doit prouver que la norme est satisfaite.
Le sénateur Angus: Nous avons entendu des interventions orales et reçu de nombreuses lettres, ce matin encore. On va jusqu'à nous dire que, dans l'ensemble, le projet de loi C-5 est bon et qu'il constitue un pas en avant pour ce qui est de la réforme du droit de la faillite et de l'insolvabilité.
Les gens sont en faveur de l'esprit et du principe de base de ce projet loi; toutefois, ils sont prêts à aller jusqu'au bout pour lutter contre cette disposition. Ils aimeraient mieux que le projet de loi soit rejeté, même s'il contient beaucoup d'autres éléments positifs.
Je dois revenir encore sur la procédure. Adopteriez-vous l'attitude opposée et diriez-vous que, en l'absence de cette disposition, vous ne voulez pas aller de l'avant?
M. Tobin: C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Il est évident que nous voudrions que cette recommandation vienne du comité.
Le sénateur Angus: Nous retirerions certainement cela en laissant le projet de loi dans l'état où il était quand vous l'avez présenté.
M. Tobin: Le gouvernement considère ce projet de loi comme une loi cadre qui constitue un véritable pas en avant.
Le président: Nous comprenons que, en tant que hauts fonctionnaires, vous ne pouvez pas conclure un compromis qui doit finalement être conclu entre le gouvernement et le comité. Je ne pense pas que le sénateur Angus essayait de vous forcer à le faire. Il cherchait à se faire une idée de l'importance relative que vous accordez à cela.
M. Tobin: Était-ce une disposition clé du point de vue du CCFI? Évidemment pas, puisque cela n'a jamais été à l'ordre du jour des discussions du CCFI. Ce n'était un élément clé ni au début, ni à l'issue des travaux du CCFI.
Le sénateur Angus: Il est franchement troublant que ça n'ait pas été là. Nombre des personnes qui ont participé à cette procédure de façon bénévole ont travaillé de longues années pour contribuer à faire un bon projet de loi. Elles affirment qu'elles n'ont pas été consultées et qu'on les a empêchées d'être efficaces. Elles emploient des termes comme «draconien» et «très préjudiciable», et cela va compromettre toute l'efficacité de la LACC. Cela ne me plaît pas du tout.
M. Tobin: Je le comprends. Ce sont des termes très vifs venant de la bouche de personnes qui travaillent dans ce secteur.
Quand nous avons constaté cela, nous avons consulté nos propres experts de l'extérieur pour leur demander quelle était la situation dans ce secteur. M. Mendelsohn et M. Marantz vous ont dit sans détour qu'ils sont membres de l'institut qui vous a présenté un mémoire écrit.
Je dirais également sans détour que nous avons été quelque peu surpris par la réaction des gens. Nous pensions que c'était dans l'esprit de ce qui a présidé à la création du CCFI. En avons-nous traité au début des travaux de ce comité? Non. Y a-t-il eu beaucoup de discussions à ce sujet au sein du CCFI, comme pour certaines des propositions concernant les consommateurs? Non, ce n'était pas quelque chose de cette envergure.
Le sénateur Meighen: Pourquoi chercher à changer quelque chose qui marche bien?
M. Tobin: Comme pour beaucoup d'autres dispositions, nous avons pensé que certains changements étaient dans l'esprit des discussions que nous avions eues, mais, je le reconnais, ils n'avaient pas été abordés lors de nos discussions antérieures.
Le sénateur Meighen: Pouvez-vous répéter cela?
M. Tobin: Nous n'avions pas d'ébauche du projet de loi quand nous avons abordé cette question au sein du CCFI. Nous avons parlé d'orientation politique générale, comme à propos de l'environnement. Nous avons discuté à plusieurs reprises de la question de l'environnement au CCFI. Certaines propositions ont été rejetées. Nous en avons présenté d'autres. Ce n'était pas vraiment un projet de texte, mais cela en était plus près pour l'environnement que dans n'importe quel autre domaine.
Dans la plupart des autres secteurs, nous n'avons pas présenté de projet de texte lors de la consultation. Nous n'avions pas le temps de le faire et cette tribune ne s'y prêtait pas.
Dans ce cas-ci, quand nous avons procédé à la rédaction du projet de loi, nous avons examiné des règles qui pourraient convenir à la LACC. Nous avons pensé que c'était une règle que nous pouvions y inclure. Comme je l'ai dit auparavant, nous ne nous attendions pas à une telle réaction.
M. Marantz: Nous avons parlé du fardeau de la preuve dans le cadre du CCFI. Quand nous avons vu le projet de loi, nous avons dit qu'il n'y avait pas de norme concernant le fardeau de la preuve et on en a préparé. Voilà comment cela s'est passé.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Si j'ai bien compris lors de l'étude du projet de loi C-24, nous avons entendu la voix de tous ceux qui protègent la majorité. La voix de celui qui est minoritaire n'a pas été entendue. Il faut avoir un équilibre pour celui qui risque d'être lésé. La deuxième raison serait que vous faites confiance au juge mais jusqu'à une certaine limite, vous vous dites que cela va toujours mieux quand des instructions plus précises sont données au juge. On sait alors comment la mesure sera appliquée, les gens connaîtront mieux les règles du jeu. D'une part, il y avait la question de restreindre la latitude du tribunal, d'une part et d'autre part, d'avoir un équilibre entre le créancier qui pourrait être, de façon indue, affecté versus la majorité des autres financiers qui s'en vont dans une telle direction et qui disent: on se fout pas mal de celui-là.
M. Mendelsohn: Je répondrai à la deuxième partie de votre question d'abord. Je n'ai peut-être pas répondu assez complètement à cette question quand j'ai dit qu'il faut avoir des jalons pour les juges. Cela va plus loin. Cela est une bonne chose si les débiteurs et les avocats des débiteurs, en rédigeant leurs demandes au tribunal, savent qu'ils ont un test à remplir. S'ils savent qu'il va falloir trouver une bonne balance où il n'y a pas de préjudice matériel subi par aucun des créanciers, cela va donner lieu à des demandes plus balancées et rendre la vie du tribunal un peu plus facile. Les choses vont se dérouler avec beaucoup plus de discipline qu'elles ne le sont maintenant.
En réponse à la première partie de votre question, ce n'est pas nécessairement une question de majorité et de minorité parce qu'au stade de l'ordonnance, il n'y a pas de vote, ce n'est pas une question de vote. On propose des solutions temporaires de suspension de procédure pour diverses catégories de créanciers. Il se peut qu'un créancier majeur soit lésé.
Un bon exemple de cela peut se voir lorsqu'une banque prête de l'argent sur les comptes à recevoir et les inventaires. Le débiteur veut se servir du produit des comptes à recevoir et écouler les inventaires en cours de route, souvent la banque va se présenter et dire qu'elle est un créancier majeur et ses seules garanties sont ces actifs. Elle voit, selon l'état du fonds de roulement, le «cashflow», que ses garanties vont disparaître et elle subira un préjudice matériel. Ce n'est pas seulement pour les petits créanciers ou les créanciers minoritaires, mais bien pour tous les créanciers.
[Traduction]
Le président: Vu l'heure qu'il est, je pense que nous pouvons procéder de la façon suivante. Nous allons évidemment demander aux témoins de revenir à 10 h mardi et nous devons lever la séance à 13 h 55 aujourd'hui à cause du Sénat. Je propose que nous passions à la question de la responsabilité des administrateurs et des dirigeants. Nous avons des indications selon lesquelles il faudrait modifier le projet de loi C-5 à cet égard.
M. Marantz: La question des administrateurs et des dirigeants a été longuement discutée au CCFI. Il n'y a pas toujours eu unanimité, mais nous nous sommes entendus dans l'ensemble sur la chose la plus efficace que l'on pouvait faire pour le moment en étant conscients du fait que ce n'était pas totalement efficace.
Pour ce qui est de la question d'imposer une norme de diligence raisonnable ou de bonne foi, comme on en a discuté ici, le gouvernement a pensé que c'était une question qui pouvait être soulevée à propos de ce qu'il va advenir de la LACC lors de la prochaine phase d'examen. L'Institut de l'insolvabilité avait plusieurs suggestions qui ne résultaient pas des travaux du CCFI et elles sont incluses dans son rapport. À mon avis, ces suggestions sont difficiles à imposer et elles devront faire l'objet d'une réflexion beaucoup plus approfondie.
L'une d'entre elles est que, si la norme prévue dans la proposition est satisfaite, les administrateurs seraient libérés, même si la proposition ne réussit pas ou n'est pas appliquée. Ce critère était vague. Il ne peut pas être appliqué de façon objective. L'institut ne soulevait pas la question d'une norme de diligence raisonnable et on peut sérieusement se demander à quoi cela devrait aboutir. Nous ne disconvenons pas de la nécessité de protéger les administrateurs et les dirigeants, mais ce qui est ressorti du CCFI -- et tous les participants étaient là --, est ce qu'on considérait à ce moment-là comme efficace.
Le sénateur Angus: J'entends le témoin dire la même chose que l'autre soir. Vous reconnaissez que la loi serait meilleure si on prévoyait une défense de diligence raisonnable pour les administrateurs, mais, comme c'est incompatible avec les dispositions d'autres lois, il faudrait repousser cela jusqu'à la prochaine phase de la réforme. Est-ce que je résume bien vos propos?
M. Marantz: Ou plus tôt, mais c'est une question qu'il faudra traiter.
Le sénateur Angus: Pourquoi pas? Nous avons entendu ce matin un témoin qui a confirmé ce que j'ai moi-même constaté. On peut lire dans les quotidiens ce qui arrive aux administrateurs de Westar, de PWA ou des Lignes aériennes Canadien et de plusieurs autres, mais on ne voit rien dans la presse à propos de ce qui arrive à beaucoup d'autres gens dans les coulisses. Vu ce que j'ai appris dans d'autres circonstances, je peux vous dire que cela se produit souvent. Un des témoins a parlé ce matin d'affaires à propos desquelles il était tenu au secret professionnel et qu'il ne pouvait pas exposer en détail.
C'est vous qui êtes les experts. Je comprends qu'une modification de la loi pose beaucoup de problèmes quand il y a une multitude de dispositions législatives portant sur ce sujet. Toutefois, il me semble que c'est une occasion à saisir. Pourquoi ne pas le faire pour introduire maintenant une disposition générale prévoyant la défense de diligence raisonnable pour exprimer de façon générale la politique du gouvernement à cet égard?
Le sénateur Kenny: Quel mal y aurait-il à le faire maintenant?
Le sénateur Angus: Oui. C'est ce que sous-entendait ma question. Merci, sénateur.
M. Jacques Hains, directeur, Direction de la politique des lois commerciales, ministère de l'Industrie: Pour compléter ce qu'a dit M. Marantz, j'ai coprésidé de concert avec un des membres de l'Institut de l'insolvabilité le Groupe de travail numéro 8 du CCFI qui avait pour mandat d'étudier la responsabilité des administrateurs. Ce groupe de travail a été mis sur pied en 1993 à peu près au moment où de nombreux administrateurs ont démissionné au Canada: à Westar Mining, aux Lignes aériennes Canadien et à Peoples' Jewellers. Le comité a étudié cette question pendant deux ans et demi. Nombre de ces membres intervenaient à plusieurs titres et plusieurs d'entre eux ont dit comme vous, sénateur, que nous devions faire cela.
Après deux ans et demi de discussion sur cette question ainsi que sur d'autres comme la limitation de la responsabilité et tous les autres sujets que le comité a examinés lors de ses audiences sur la régie des sociétés, on a fini par s'entendre sur le fait que nous ne savions pas exactement quelles seraient les ramifications et les conséquences d'un choix ou de l'autre. La période d'examen de trois ans n'est pas encore terminée. Gardons ce que nous avons pour le moment et faisons en sorte que, aussitôt après l'adoption du projet de loi C-5, notre comité soit remis en place et reprenne ses travaux.
Certains des témoins ici présents faisaient partie de ce groupe de travail et souhaitaient agir maintenant. Les autres disaient que c'était quelque chose de très important et qu'il fallait bien savoir ce qu'on faisait et à quoi on s'attaquait. Voilà le consensus auquel nous sommes parvenus.
Le sénateur Angus: Beaucoup étaient d'avis qu'il fallait le faire et qu'il s'agissait simplement de rédiger quelques phrases.
M. Marantz: Il y a des problèmes constitutionnels qui se posent quand la responsabilité des administrateurs est établie en vertu d'une loi provinciale, même si ce n'est pas une loi fiscale, quant à la possibilité d'y toucher parce que ce n'est pas la personne qui est insolvable. Cela pose plus de problèmes qu'on pourrait le croire à première vue.
Le sénateur Angus: En tant que confrère membre de l'Association du Barreau canadien, je suis sûr que vous ne vous plaindrez pas si nous donnons un peu de travail aux avocats.
Le sénateur Stewart: Ils sont terriblement surpayés maintenant.
Le sénateur Angus: Je pense que vous voulez dire surmenés. C'est un gros lapsus.
Le sénateur Taylor: C'est le seul groupe qui ait préséance sur les banquiers pour se faire payer.
M. Mendelsohn: Je crois que M. Baird a dit hier qu'il y a une centaine de lois qui imposent des responsabilités aux administrateurs ou aux dirigeants. Si on modifiait ce projet de loi maintenant pour créer un système traitant exhaustivement la question de la responsabilité des administrateurs et des dirigeants, la vague de protestations que soulève l'article 124 paraîtrait peu de chose par rapport à ce que feraient les représentants de toutes les provinces qui n'auraient pas été consultées. Il y a une procédure complexe à suivre pour pouvoir faire cela.
Le sénateur Angus: Vous qui êtes expert en la matière, y a-t-il, à votre avis, une bonne raison politique de conserver la responsabilité des administrateurs d'une entreprise relativement aux salaires telle qu'elle est prévue actuellement dans la loi?
M. Mendelsohn: Je pense qu'on pourrait présenter un plaidoyer très convaincant en faveur d'une modification de cette partie de la loi. C'est incontestable.
Le sénateur Oliver: Je pense que non.
Le sénateur Angus: Je croyais qu'il allait dire que les travailleurs canadiens de l'automobile pourraient présenter un plaidoyer convaincant.
M. Mendelsohn: Je pense que non.
Le président: Étant donné que des modifications à la LACC seront présentées l'année prochaine et qu'elles porteront, entre autres choses, sur la responsabilité des administrateurs, est-il possible d'inclure dans un projet de loi les changements apportés à la LACC et tout autre changement raisonnable apporté à la Loi sur la faillite en ce qui concerne la responsabilité des administrateurs?
M. Tobin: Monsieur le président, vous pouvez inclure tout cela dans un même projet de loi et modifier plusieurs lois à la fois, si c'est ce que vous voulez savoir.
Le sénateur Angus: Je peux vous donner un exemple que je connais bien.
Dans la Loi sur le transport des marchandises par eau, il y a une disposition indiquant qu'un certain régime de responsabilité entrera en vigueur pour remplacer celui qui est actuellement applicable quand certaines choses se produiront.
M. Tobin: Ce projet de loi-ci modifie plus d'une seule loi.
Le président: On pourrait également modifier d'un seul coup tout ce qui concerne la responsabilité dans toutes les lois.
Le sénateur Angus: Cela s'appliquerait à toutes les lois fédérales.
Le président: Oui.
Je suis convaincu que vous aurez l'amabilité de vous joindre à nous pour passer deux ou trois heures ici à partir de 10 h mardi prochain.
M. Tobin, j'ai conseillé à nos collaborateurs de rencontrer M. Hains. Pour que nous puissions procéder de façon ordonnée mardi, peut-être pourront-ils s'entendre sur l'ordre dans lequel aborder ces questions. Quand de nombreux témoins se sont plaints à propos du même sujet, il serait logique d'étudier leurs plaintes point par point.
La séance est levée.