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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 16 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 10 décembre 1996

[Traduction]

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 10 h 05 pour examiner le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créances et les compagnies et la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

Le président: Chers collègues sénateurs, nous accueillons de nouveau aujourd'hui les fonctionnaires du ministère de l'Industrie qui vont nous faire part de leurs réactions aux soumissions que nous avons reçues à propos du projet de loi C-5 au cours des dernières semaines.

Vous trouverez devant vous une note de service intitulée «Sujets de discussion». J'ai en effet demandé à nos recherchistes, ainsi qu'aux fonctionnaires du ministère, de parcourir les soumissions qu'on nous a faites. Comme différents groupes ont recommandé les mêmes séries d'amendements, j'ai demandé à nos collaborateurs de les organiser en vue de notre discussion et de dresser une liste des sujets à aborder.

Jeudi dernier, nous nous sommes entretenus de l'amendement à l'article 124, que tout le monde réclame, et à propos duquel le conseiller juridique du ministère a tout fait pour défendre la position adoptée dans le projet de loi. Quoi qu'il en soit, comme je l'ai signalé la semaine dernière, tous les autres témoins experts ont soutenu qu'il fallait modifier cet article.

Deux choses sont ressorties à propos d'une autre question dont nous avons débattu: la responsabilité des dirigeants. D'abord, à l'occasion de la révision de la LSA, l'année prochaine, il sera possible de regrouper tous ces amendements sous la forme d'un projet de loi polyvalent qui permettra à la fois de régler les questions concernant la LSA, au sujet de la responsabilité des dirigeants, et d'apporter les amendements correspondant à la Loi sur la faillite. Deuxièmement, on nous a signalé qu'il pourrait être souhaitable de régler d'un seul coup la question de la responsabilité dans un projet de loi, plutôt que d'essayer d'en faire une partie maintenant et une autre partie plus tard.

Nous nous retrouvons avec une liste de huit questions, que vous avez devant vous. Je suggère que nous demandions aux représentants du ministère de nous faire part de leur position à propos de chacune d'elles parce que, comme vous le savez, on a opposé beaucoup d'arguments aux proposeurs de la loi. Ce sont des questions qui ont fait l'objet de désaccords entre les principaux témoins que nous avons accueillis et les gens du ministère.

J'en ai terminé avec mon introduction et vous savez où nous en sommes dans le processus.

Je vous en prie, allez-y.

M. Jacques Hains, directeur, Politique des lois commerciales, ministère de l'Industrie: Monsieur le président, on me dit que M. Tobin est en chemin et qu'il ne devrait pas tarder à arriver.

Je vais commencer par vous parler de la question des REÉR après quoi je céderai la parole à notre conseiller juridique. Cette question a été débattue dans le cadre du CCFI au cours de ses deux années et demie de délibérations. On en a parlé au groupe de travail no 1 qui était chargé du volet «consommateurs» au CCFI. À cause de la complexité de cette question et du fait que les provinces, représentées au CCFI, étaient très intéressées par cette question, le groupe de travail n'est pas parvenu à dégager un consensus. C'est à partir de ce moment là qu'il a été question de proposer d'exempter les REÉR dans le projet de loi C-5.

Le président: La disposition concernant les REÉR n'a pas été modifiée dans le projet de loi. Il s'agit d'une disposition qui remonte à 1992, n'est-ce pas?

M. Hains: Non, monsieur le président. En outre, ce n'est pas du tout une disposition du projet de loi C-5. Le projet de loi C-5 et la LFI renferment des clauses d'exonération pour les REÉR. Les syndics ne peuvent saisir ni les biens ni les actifs exemptés en cas de faillite d'un particulier.

Le président: Cela relève des lois provinciales.

M. Hains: Le LFI stipule que les règles d'exemption et que les biens exemptés sont décrétés par les provinces. La situation varie d'une province à l'autre et nous en avons des exemples.

Pour ce qui est de la question des REÉR, les contributions aux caisses de retraite par les employeurs et les employés sont exemptées. Ainsi, si un fonctionnaire fédéral devait faire faillite, ces contributions ne pourraient être saisies par les syndics pour être redistribuées, parce que cet argent est bloqué jusqu'au moment de sa retraite. Il s'agit-là véritablement d'un investissement dans un fonds de retraite.

Pour ce qui est des REÉR contrôlés par les provinces, la situation est semblable, mais pas entièrement identique. Les REÉR assimilés à des polices d'assurance, et pour lesquels sont nommés des bénéficiaires irrévocables, sont donc bloqués pour ces bénéficiaires. Partant, les provinces ont estimé que si les REÉR sont bloqués, personne ne peut en disposer et les syndics ne peuvent les saisir. Ces fonds sont destinés aux bénéficiaires irrévocables.

D'autres genres de REÉR sont autant des instruments d'investissement que de futurs revenus de retraite. Par exemple, le gouvernement fédéral donne la possibilité d'encaisser des REÉR pour acheter une maison. Dans ce cas, les REÉR sont réalisés et peuvent être transformés en immobilisations corporelles.

Le président: Vous avez parlé de REÉR bloqués destinés à un bénéficiaire irrévocable. Souvent, les personnes qui reçoivent une indemnité de départ touchent les contributions versées au REÉR et qui demeurent bloquées jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 55 ou de 60 ans. Il n'est pas ici question de bénéficiaire irrévocable; dans ce cas, le REÉR serait insaisissable parce qu'il est bloqué et c'est donc beaucoup plus de cette caractéristique dont vous voulez parler.

M. Hains: On oppose la situation d'un REÉR «bloqué» à celle d'un REÉR pouvant être transformé en d'autres actifs.

À la façon dont les choses se déroulent maintenant, nous croyons savoir que les REÉR sont exemptés dans certains cas et pas dans d'autres. C'est aux provinces à décider. Il n'a pas été question de cela en 1992 et il n'en est pas question dans le projet de loi C-5.

La question a été débattue par un groupe de travail du CCFI qui n'est pas parvenu à s'entendre à cause de la complexité du dossier et des importantes implications politiques qu'il y aurait eu à pencher pour un côté ou pour un autre. Les gens ne sont pas parvenus à dégager un consensus. Les membres du groupe de travail du CCFI ont déclaré qu'ils continueraient de débattre de la question. Comme je le précisais, les provinces étaient représentées à ce groupe de travail.

Le président: En vertu des lois provinciales, les REÉR bloqués dans une compagnie d'assurance sont insaisissables, parce qu'ils sont des produits d'assurance, contrairement à tous les autres REÉR. Ainsi, la personne qui aurait placé ses REÉR dans une compagnie d'assurance serait à l'abri de toute saisie. En revanche un REÉR acheté auprès d'une banque, d'une société de fonds mutuels ou autres est saisissable. Certains ont demandé au comité de rendre les règles du jeu équitables, en incluant ou en excluant tous les REÉR.

M. Gordon Marantz, conseiller juridique au ministère de l'Industrie: Monsieur le président, cette exemption émane des dispositions des lois sur les assurances de chaque province, qui sont plus ou moins uniformes. Quand on conseille un client sur le placement d'un REÉR, on lui indique qu'il vaut nettement mieux l'investir dans un produit d'assurance parce qu'il est moins vulnérable que les autres supports. Le rendement d'une police d'assurance est peut-être moindre que celui d'un REÉR autogéré ou placé en fonds mutuels, mais dans ce cas, c'est l'exemption qui importe. On a toujours laissé aux provinces le soin de trancher en la matière parce qu'il est reconnu dans la LFI que ce sont les provinces qui fixent les exemptions. Ainsi, la LFI permet que les provinces exemptent des REÉR.

On constate également d'importantes différences, d'une province à l'autre, dans le genre de produit qui est exempté. Ainsi, dans les provinces de l'Ouest, les homestead (ou patrimoines familiaux) sont exemptés. Il n'existe rien de semblable dans les provinces de l'Est ni dans le centre du Canada. Au Québec, on retrouve des exemptions nominatives, du genre -- et je ne plaisante pas -- deux moutons et une vache ainsi qu'un véhicule d'hiver et un véhicule d'été. Il n'y a rien de comparable dans les lois de l'Ontario. Sur ce plan, le paysage juridique varie d'un coin à l'autre du Canada.

Le gouvernement n'est pas intervenu dans ce domaine parce qu'il y a une différence entre les REÉR autogérés et les produits d'assurance avec bénéficiaire. En fin de compte, ces deux produits n'ont nécessairement plus d'un point en commun: si le REÉR demeure placé, il devient un fonds de retraite. Il y a une différence entre les deux types de REÉR, et les provinces ont le pouvoir de légiférer en la matière. Les représentants provinciaux avaient un point de vue arrêté à ce sujet et les membres du CCFI ne sont pas parvenus à décider de ce qu'il fallait faire. Pour l'instant, les choses en sont là.

Le sénateur Oliver: Que recommandez-vous?

M. Marantz: Nous avons recommandé qu'on n'apporte aucun changement.

Le président: Autrement dit, on en reste à la situation actuelle où les règles du jeu sont inéquitables et où les provinces peuvent déterminer ce qui peut être saisi ou non.

Le sénateur Austin: J'ai par ailleurs entendu dire qu'il s'agit ici d'une distinction destinée à marquer une différence, différence qui justifie un traitement différent. Est-ce exact?

M. Marantz: Pour l'essentiel, ça se ramène à ce que vous dites.

Le sénateur Austin: Je ne reprendrai pas votre argument, mais c'est essentiellement ce que vous dites. Donc, selon vous, il n'y a pas à instaurer des règles du jeu qui soient équitables.

M. Marantz: C'est cela. Les deux produits ne sont pas identiques. Ils le seront peut-être à un moment donné, au bout du compte, mais jusque là, ils sont différents l'un de l'autre.

Le président: Pour en revenir à ce que disait le sénateur Austin, la différence c'est que si un REÉR n'est pas bloqué, il est forcément saisissable, parce qu'il pourrait être encaissé n'importe quand par le futur failli, alors que s'il est bloqué, personne ne peut l'encaisser.

M. Marantz: C'est une façon de présenter les choses.

Le président: La loi actuelle exempte-t-elle les REÉR bloqués dans d'autres institutions que les compagnies d'assurance?

M. Marantz: Même les REÉR «bloqués» deviennent, à un moment donné, des actifs saisissables. La protection découle de la Loi sur les assurances qui stipule que le produit d'une police émise au nom d'un bénéficiaire privilégié irrévocable ne peut être saisie. Si le REÉR bloqué est un produit d'investissement ordinaire placé à terme, il est saisissable au moment où il arrive à maturité. Sur le plan des contrats privés, rien ne distingue les REÉR bloqués.

Le sénateur Stewart: J'en conclus donc que le principe est acquis et que cela ne risque pas de se produire dans le cas des produits d'assurance. Je ne remettrai pas ce principe en question, même si je pense qu'il pourrait être contesté. Mais c'est justement parce qu'il pourrait être contesté que je me sentirais dans mes petits souliers s'il fallait l'étendre à d'autres produits. Je crois que les témoins ont raison quand ils nous recommandent de laisser les choses comme elles sont. Quand ça ne marche déjà pas bien, pourquoi faire pire?

Le président: Alors, pouvez-vous passer au deuxième sujet, celui du seuil d'endettement au titre de la LACC?

Permettez-moi de vous rappeler ce dont il s'agit, chers collègues. Il est proposé dans le projet de loi que les dispositions de la LACC ne s'enclenchent que pour des cas d'insolvabilité d'au moins 10 millions de dollars. Le comité a été saisi de deux arguments à cet égard, l'un étant qu'avec un seuil de 10 millions de dollars, la loi devient quasiment inutile dans plusieurs provinces, parce que les faillites atteignent rarement cette ampleur et que, par conséquent, cette disposition concerne essentiellement Toronto, Calgary et Vancouver.

Les témoins nous ont proposé plusieurs correctifs. D'abord, on pourrait laisser aux tribunaux le soin d'abaisser le seuil de 10 millions de dollars. Deuxièmement, on nous a conseillé de ramener ce seuil à 5 millions de dollars. Troisièmement, tout le monde nous a recommandé que, dans tous les cas où une série d'entreprises soeurs deviennent insolvables, et quel que soit le seuil retenu, celui-ci ne devrait pas être appliqué à chacune des entreprises prises individuellement, mais à tout le groupe, à toute la famille. Ai-je assez bien résumé la question?

M. Marantz: C'est en effet un assez bon résumé. J'ai présidé le groupe de travail chargé d'étudier les questions touchant à la LACC. La politique du gouvernement en la matière consiste à favoriser le recours à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité pour les PME en difficulté. J'imagine que la définition de ce qui est petit et de ce qui est moyen dépend de là où l'on vit au Canada.

Comme je l'ai déclaré lors de ma comparution précédente, Air Atlantic et Birks sont deux entreprises assez grosses. Toutes deux peuvent se prévaloir de la LFI. À l'origine, nous avions fixé la limite à 25 millions de dollars. Ce faisant, nous voulions nous débarrasser de l'ancien critère de qualification, soit le fait de disposer d'un acte de fiducie en instance, ce qui n'avait plus aucun sens. On en avait usé et abusé.

Après avoir recueilli le sentiment de nos compatriotes de toutes les régions, nous avons abaissé le seuil à 10 millions de dollars, en partant du principe que toute entreprise en difficulté pour moins de 10 millions de dollars ne peut représenter un dossier complexe au point où la restructuration ne puisse se faire en vertu de la LFI.

Cela étant dit, si le comité désire abaisser le seuil à 5 millions de dollars, il permettra à un plus grand nombre d'entreprises de se prévaloir des dispositions de la LACC. Reste à savoir si c'est vraiment nécessaire. Le groupe qui a étudié cette question a jugé que ça ne l'était pas. Là encore, les points de vue diffèrent d'une région à l'autre.

Le président: Ce que je vais vous dire n'est pas une critique; je serais prêt à parier qu'il n'y avait pas beaucoup de résidents des provinces de l'Atlantique ou de la Saskatchewan, par exemple, parmi les membres du groupe de travail du CCFI. On peut donc comprendre que tout ce qui est inférieur à 10 millions de dollars ne les ait pas intéressés. Est-ce que je me trompe beaucoup?

M. Marantz: Non. Des gens de Vancouver nous ont aussi instamment demandé d'abaisser le seuil. Et nous avons tenu compte de leur point de vue.

Le président: Monsieur Marantz, puis monsieur Tobin, voulez-vous parler de la question des groupes d'entreprises?

M. Marantz: Nous croyons savoir que les tribunaux regroupent maintenant les débiteurs selon le principe de l'entreprise unique. Ainsi, vous pouvez toujours avoir une dizaine d'entreprises, les tribunaux les traitent comme une seule et unique entité. Nous ne voyons pas de problème à inclure une disposition particulière prévoyant la consolidation des dettes. D'ailleurs, nous l'avions envisagé, mais nous avions estimé que la loi est efficace et que les tribunaux procédaient déjà ainsi.

Cela nous amène à la question du seuil discrétionnaire. Nous croyons que c'est là une mauvaise idée pour la simple raison qu'il n'y a aucune certitude.

Le président: Je crois me souvenir que c'est l'Association du Barreau ou l'Institut d'insolvabilité du Canada qui était du même avis. C'est cela?

M. Marantz: C'était effectivement l'un des deux. Au moment de préparer son dossier, le débiteur doit savoir en vertu de quelle loi va se dérouler toute la procédure. En cas d'incertitude, il passe beaucoup de temps pour trouver la solution et cette situation occasionne chez lui une certaine incertitude.

Le président: Étant donné la façon dont a été décidé le seuil de 10 millions de dollars, et que, comme vous le disiez, vous préféreriez que toutes les petites entreprises se prévalent des dispositions de la LFI plutôt que de celles de la LACC, puis-je en déduire que vous n'auriez rien contre le fait que nous favorisions le recours à la LACC partout au pays, par exemple, en abaissant le seuil à 5 millions de dollars?

M. Marantz: Personnellement, je préférerais un seuil plus élevé, uniquement pour tenir à l'écart la foule d'entreprises pour qui l'autre loi, selon moi, donne d'excellents résultats. Mais on pourrait fort bien en faire une politique gouvernementale, en autant qu'on puisse s'appuyer sur un critère objectif.

M. David Tobin, directeur général, Régie des sociétés, ministère de l'Industrie: Honorables sénateurs, il faut replacer toute cette question dans son contexte historique. Quand la LFI a été amendée en 1992, des professionnels, plutôt savants d'ailleurs, sont venus nous suggérer que nous n'avions pas besoin de deux mesures législatives. Pour eux, il fallait en abolir une et conserver l'autre.

Le président: Cette suggestion a été également formulée au comité.

M. Tobin: En 1992, on a alors décidé qu'il était trop tôt pour supprimer une des deux lois, parce qu'il fallait s'accorder un peu de temps pour savoir comment les choses évolueraient sous le régime de la LFI. En 1995, on a constaté que les propositions de restructuration formulées en vertu des modifications de 1992 fonctionnaient, même si une certaine mise au point était nécessaire. Cependant, on nous a demandé de nouveau d'analyser la question de l'existence des deux lois.

Eh bien, les professionnels et aussi certains juges que nous avons consultés nous ont déclaré qu'il valait peut-être mieux conserver deux lois, mais que nous devrions commencer à moduler l'application de la deuxième loi et à en limiter l'accès, d'une certaine façon. C'est alors qu'on nous a recommandé d'établir un seuil.

Il serait difficile de chiffrer les conséquences d'un passage du seuil de 10 millions à 5 millions de dollars maintenant. Triplerait-on ou même quadruplerait-on le nombre d'entreprises se prévalant de cette mesure? D'ailleurs, qui pourrait s'en prévaloir? Nous ne disposons d'aucune donnée. De toute évidence, un plus grand nombre d'entreprises pourraient se prévaloir de cette loi. Dans tous les cas, on irait à l'encontre de l'objectif que nous avons déclaré vouloir atteindre, autrement dit faire en sorte que les gens se prévalent de la LFI. Cette recommandation nous a été faite par les professionnels eux-mêmes, et certains sont même allés jusqu'à suggérer qu'on élimine la seconde loi.

Personnellement, je dirais que nous sommes dans une phase d'évolution, si l'on fait fi de deux incidents, soit un en 1992 et l'autre en 1995.

Le sénateur Stewart: Vous semblez pencher pour un abaissement du seuil à 7 ou 8 millions de dollars. Vous estimez que nous devrons évaluer de façon empirique la conséquence d'un abaissement du seuil. Vous ne semblez pas être à l'aise avec l'idée d'abaisser tout de suite ce seuil à 5 millions de dollars mais vous n'écartez pas la possibilité de l'abaisser.

M. Tobin: Il est essentiellement ressorti de nos entretiens, comme vous l'a indiqué M. Marantz, qu'il faut inciter les gens à se prévaloir de la LFI, au point, d'ailleurs, que certains sont allés jusqu'à recommander l'élimination de la LACC. Plus ce seuil est réduit -- et il n'y en a actuellement aucun -- et moins nombreuses seront les entreprises que nous pourrons canaliser vers la LFI.

Vous avez raison, nous ne disposons d'aucune preuve empirique nous permettant de penser que nous allons doubler ou tripler le nombre d'entreprises invoquant la LACC. On n'en sait rien. Mais plus le seuil est abaissé et plus nombreuses seront les entreprises qui pourront se prévaloir des dispositions des deux lois.

Le président: Mais en toute justice, monsieur Tobin, comme vous avez décidé de ne pas éliminer la loi et de conserver les deux mesures, ne vous semble-t-il pas normal qu'on veuille fixer un seuil à un niveau permettant à un nombre raisonnable de gens qui le désirent de se prévaloir des dispositions de la LACC, quelle que soit la région où il réside?

M. Tobin: Je pense que vous avez raison, monsieur le président. Je me dois d'être d'accord avec vous. Nous n'avons pas fait cela pour priver les résidents de certaines régions de leur droit. Ce n'était vraiment pas l'objectif que nous poursuivions.

Si vous poussiez la chose à l'extrême, et personne ne vous suggère de le faire, et si vous fixiez la limite à 100 $, l'effet serait faible ou même nul.

Mais vous avez raison, vu sous l'angle de la disparité régionale, il y a des conséquences. La question qui se pose au comité est de savoir comment régler ce problème. Peut-être en agissant, séparément ou en même temps, sur la question de la consolidation et sur celle du seuil.

Le président: La troisième question est celle du vérificateur du débiteur qui ne doit pas être en même temps contrôleur, la même personne ne devant pas être à la fois vétérinaire et taxidermiste.

M. Marantz: Je ne pense pas que ce soit exactement la même chose.

Le président: Dans ce cas, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité stipule que le syndic, à qui l'on confiera dès lors les responsabilités découlant de la loi, soit nommé au moment du dépôt de l'avis d'intention.

Jusqu'ici, il n'était pas exigé dans la LACC que qui que ce soit assume un rôle de supervision ou fasse rapport. Mais au fil des ans, on en est venu à adopter pour habitude de nommer un contrôleur. Cette créature est un pur produit de l'imagination des avocats qui, soutenus par les tribunaux, cherchaient une façon de redonner une certaine confiance aux créanciers en leur faisant rapport de la situation. On a pris l'habitude de nommer le vérificateur du débiteur, si personne ne s'y opposait, parce que, dans la plupart des cas où l'on avait affaire à de grosses sociétés débitrices, les vérificateurs connaissaient déjà le dossier, ils étaient déjà au courant, ils pouvaient préparer tous les renseignements nécessaires et aucun des prêteurs importants ne remettaient leur intégrité en question. Ils étaient simplement chargés de veiller à ce que les choses se déroulent comme prévu.

À l'occasion de la dernière récolte d'amendements, nous avons institutionnalisé cette approche. La loi stipule que si les créanciers ne s'y objectent pas, le vérificateur peut être également contrôleur. Obligation est faite, cependant, de nommer un contrôleur. Le vérificateur n'est pas forcément contrôleur dans tous les cas dont nous sommes saisis, parce qu'il arrive souvent que le débiteur craigne que les créanciers n'acceptent pas le vérificateur. Mais cette disposition permet une certaine souplesse.

Des entreprises comme Olympia & York, Cadillac Fairview ou Bramalea, autrement dit de grandes sociétés immobilières, avaient avantage à retenir les services de grands noms du milieu comptable pour contrôler la procédure.

En agissant de la sorte, ces sociétés ne prennent aucune licence parce qu'elles peuvent agir ainsi si les créanciers ne s'y opposent pas. Il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire dont disposent les tribunaux.

Le président: Pourquoi les dispositions de la LACC ne reprennent-elles pas celles de la LFI?

M. Marantz: Parce qu'il s'agit essentiellement d'une pratique entretenue. N'oubliez pas que la LACC est entièrement discrétionnaire. La Loi sur la faillite, elle, ne permet pas le même degré de souplesse dont disposent les tribunaux. Cela étant, on réalise des économies. Dans les situations complexes, il faut longtemps à un expert externe pour se mettre au courant des dossiers, surtout quand il a affaire à une société immobilière qui compte plusieurs centaines de propriétés. Les choses sont un peu plus faciles et l'on dispose de plus de souplesse quand on a affaire à des débiteurs importants.

Il est évident que les membres de l'institut, qui appartiennent tous à de grandes entreprises comptables, se sont montrés plus favorables à cette formule quand il en a été question. C'est une disposition qui confère une certaine souplesse. La question est totalement différente de celle du contrôleur qui s'occupe du dossier d'insolvabilité et qui est aussi syndic du séquestre.

Le président: À ce propos, est-ce que vous recommandez de maintenir la disposition du projet de loi telle qu'elle se présente actuellement?

M. Marantz: Oui, monsieur.

Le président: La quatrième question est celle de la super priorité accordée à la remise en état de l'environnement. Certains d'entre vous se souviendront qu'il avait été recommandé, en vertu des propositions dans la loi, d'imposer cette super priorité aux propriétaires ou aux créanciers hypothécaires des terrains visés, mais les véhicules, le matériel, les cautionnements et autres ne devaient pas être sujets aux mêmes règles de superpriorité.

L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes a soutenu que la super priorité concernant la remise en état de l'environnement devrait également s'appliquer aux véhicules, au matériel et au reste. En fait, l'Association aurait voulu que d'autres soient aussi visés par cette disposition, puisque ses membres, eux, ne font que dans l'hypothèque.

On leur a opposé un double argument: d'abord, d'aucuns ont soutenu que la remise en état de l'environnement ne concerne que le sol et non le matériel et que, par conséquent, cette disposition doit s'appliquer strictement au sol. Deuxièmement, on a estimé qu'il est beaucoup plus difficile d'appliquer cette disposition aux véhicules et au matériel, qui peuvent être déplacés ailleurs.

Le sénateur Meighen: Il y a avait un troisième aspect, celui de la proportionnalité: qui est responsable et à quelle hauteur?

M. Marantz: N'oubliez pas que la loi actuelle ne prend rien à personne. Elle garantit, dans une certaine mesure, que tout prêteur, toute compagnie d'assurance ou autre, a la possibilité d'étudier le dossier et de mesurer l'ampleur des dégâts.

La répartition des pertes est non seulement difficile à calculer, mais elle est quasiment irréalisable. Tout cet exercice a été entamé en 1975, à l'époque où on a voulu parler de super priorité et d'une autre question. Il est impossible de trouver une formule logique, facilement identifiable, à cause de toutes les diversités de situation.

Pour l'heure, le propriétaire d'un lot hypothéqué à hauteur de 100 000 $, et pour lequel les coûts de remise en état sont de 1 million de dollars, peut laisser aller sa propriété sans autre forme de procès. Les compagnies d'assurance-vie en sont venues à la conclusion logique que si les coûts de remise en état sont d'un million de dollars, non seulement le prêteur n'a rien à craindre et peut tout abandonner, mais les actifs qui pourraient être frappés d'une charge par le prêteur ayant consenti un crédit-exploitation -- comme les stocks, les comptes clients, la machinerie et l'équipement -- pourraient également être sujets à une charge privilégiée en faveur du gouvernement.

Pour le milieu financier, tout cela pourrait donner lieu à des pertes dont personne ne peut actuellement imaginer l'ampleur. Ce n'est pas juste. Nous recommandons de laisser intacte cette disposition qui avait été soigneusement formulée.

Le président: Le cinquième point concerne la question des vendeurs impayés. C'est le professeur Ziegel et ses collaborateurs qui, pour la première fois, ont traité de cet aspect en profondeur devant le comité, mais il en a été aussi question à deux ou trois autres reprises.

M. Max Mendelsohn, conseiller juridique au ministère de l'Industrie: Monsieur le président, il y a deux aspects à propos de la disposition relative aux vendeurs impayés. Dans un cas il s'agit d'une question politique et dans l'autre d'une question technique. Quand cette disposition a été adoptée en 1992, c'était pour reconnaître qu'il fallait protéger les fournisseurs ayant livré de la marchandise peu de temps avant la faillite. On avait l'impression qu'ils étaient aspirés dans la faillite au dernier moment et qu'ils devaient pouvoir récupérer leurs marchandises.

On a, par ailleurs, envisagé d'adopter une politique de compensation en partant du principe que si l'on voulait inciter la restructuration, il ne fallait pas permettre aux fournisseurs de retirer les marchandises livrées récemment parce qu'on risquait ainsi miné les chances d'aboutissement de la réorganisation.

On a donc décidé de favoriser la restructuration plutôt que la protection des fournisseurs. Donc, les dispositions relatives à la réorganisation, contenues dans la LFI, ont préséance sur les dispositions de récupération destinées à protéger les fournisseurs. C'est là une question de politique.

Le président: Vous avez dit qu'on avait choisi d'accorder plus de protection aux uns qu'aux autres. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi on n'a pas accordé la préférence aux fournisseurs?

M. Mendelsohn: C'est simplement parce qu'on entretenait un préjugé favorable envers les entreprises désireuses de se restructurer. Si les fournisseurs peuvent récupérer la marchandise livrée dans les 30 jours précédant, l'entreprise se retrouve avec moins d'actifs pour financer sa restructuration. On a estimé qu'une société aurait moins de chances d'aboutir à sa restructuration si on lui retirait le stock de marchandises récemment livrées.

Le sénateur Austin: Je pourrais tout aussi bien vous soumettre l'argument contraire. Si un créditeur devait craindre que son client fasse faillite ou soit insolvable, il pourrait hésiter à fournir les marchandises risquant de précipiter la faillite ou la situation d'insolvabilité. Cela étant, et afin d'encourager le fournisseur à continuer d'apporter son appui au débiteur, en lui fournissant ses marchandises, on a décidé d'assurer une protection supplémentaire au fournisseur, c'est-à-dire la protection des 30 jours. Que pensez-vous de cet argument?

M. Mendelsohn: Je ne sais pas jusqu'à quel point les fournisseurs qui craignent que leurs clients soient insolvables ou presque seront apaisés ou se sentiront encouragés à continuer de fournir leurs produits par le simple fait qu'il existe une disposition de récupération. Il y a tellement d'autres façons dont leurs droits risquent d'être bafoués dans tout ce processus que je ne pense pas qu'ils continuent d'approvisionner leurs clients en s'en remettant à cette disposition.

Tenez, pour qu'ils puissent la récupérer, encore faut-il que leur marchandise soit encore là. Il ne faut pas qu'elle ait été revendue. Il ne faut pas non plus qu'elle ait été transformée.

Je doute que bien des fournisseurs se disent en toute confiance: «Je sais que ce type est au bord de la faillite, mais peu importe, je vais continuer de l'approvisionner parce que la loi me garantit que je pourrai récupérer la marchandise livrée dans les 30 derniers jours». Je ne pense pas que, sur un plan psychologique, les choses se déroulent ainsi.

M. Hains: Monsieur le président, certaines dispositions sont tout à fait pertinentes. Par exemple, il y a la question du financement pendant la restructuration qui apparaît sur l'état de l'évolution de l'encaisse. Le débiteur qui se restructure doit avoir les moyens d'attirer des liquidités pour continuer de fonctionner pendant qu'il prépare sa proposition.

Pour lui, le meilleur moyen d'y parvenir consiste à disposer d'un stock et à pouvoir profiter des comptes clients. Mais nous parlons ici de stock.

En 1992, la LFI exigeait du débiteur, au moment du dépôt d'un avis d'intention de restructuration, qu'il prépare un rapport de mouvements de trésorerie, dans un délai raisonnable, rapport qu'il devait accompagner de projections raisonnables concernant l'épuisement des stocks, la variation des comptes clients et les recettes produites. Ainsi, les fournisseurs impayés pouvaient avoir une idée de la rapidité à laquelle leur stock était écoulé.

C'est une disposition tout à fait pertinente. Dans le projet de loi C-5, on propose la même chose pour la LACC.

M. Mendelsohn: Je crois savoir que certains problèmes d'ordre technique se sont posés, surtout après la faillite de Distribution aux consommateurs, parce que les fournisseurs n'ont pas été protégés. Voilà un cas où la restructuration a échoué. On aurait pu penser que les fournisseurs ayant livré au cours des 30 derniers jours puissent récupérer leurs marchandises.

Dans ce cas, une décision rendue par la Cour supérieure de l'Ontario est en appel devant la Cour d'appel de la province. À la façon dont les choses étaient organisées dans toute cette affaire, ce n'est pas Distribution aux consommateurs qui était en possession de l'inventaire, mais un service d'entreposage et de distribution. Les tribunaux ont décrété qu'à cause de cela le débiteur n'était pas en possession des marchandises et les fournisseurs n'ont donc pas pu profiter de la protection accordée par la disposition en question.

Ce jugement a de quoi donner à réfléchir. D'ailleurs, je le remets en question. Ce n'est pas là l'intention de l'article. S'il n'était pas physiquement en possession des marchandises, le débiteur l'était au moins sur le plan juridique. Quoi qu'il en soit, cette cause est en appel.

S'il s'avérait que la loi soit interprétée de la même façon qu'au tribunal de première instance, il faudrait alors y revenir pour déterminer s'il n'y a pas lieu de la modifier afin de supprimer le risque d'obtenir ce genre de résultats indésirables.

M. Tobin: J'ajouterai que nous avons déjà débattu de cette question en 1992. En fait, certains se sont mêmes objectés à l'inclusion de cette disposition dans la LFI. L'idée était de parvenir à un équilibre entre les intérêts des créanciers, d'un côté, et ceux des débiteurs, de l'autre, surtout à propos de ce dont M. Mendelsohn parlait pendant la période de préparation de la proposition.

Les institutions financières craignaient de prêter pendant cette période, surtout dans le cas des entreprises qui empruntent essentiellement en mettant leur stock en garantie.

À l'occasion des délibérations du CCFI, en 1995, il a de nouveau été question de cet article dont on a débattu en profondeur. Plusieurs personnes, représentant tous les courants, ont recommandé de le modifier. On a finalement conclu, à l'époque -- et il ne faut pas oublier qu'on effectuait alors un examen après trois ans, même s'il ne portait que sur deux ans ou deux ans et demi d'opérations -- qu'il était trop tôt pour apporter de quelconques changements. On ne disposait pas de suffisamment d'éléments probants pour pencher dans un sens ou dans un autre. Ainsi, on s'est entendu pour laisser les choses inchangées et pour y revenir éventuellement à l'occasion de l'examen suivant.

M. Marantz: Mesdames et messieurs les sénateurs, vous ne devez pas oublier que, dans leurs lettres de promesse de financement, presque toutes les banques excluent -- outre les retenues sur salaire et les autres créances privilégiées -- la valeur des stocks à trente jours dans leur calcul du pourcentage consenti en prêt et selon lequel on détermine la valeur de base des marchandises pour les avances faites par un prêteur. La disposition de récupération des marchandises livrées dans les 30 jours s'est donc traduite par une diminution effective du crédit offert aux emprunteurs.

Le président: Le sixième point concerne les trois modifications techniques recommandées par l'Institut d'insolvabilité du Canada. J'aimerais que vous nous fassiez part de vos commentaires à ce sujet. Vous pourriez peut-être nous parler de façon plus générale des 32 amendements qu'avait recommandés l'Institut d'insolvabilité et de la mesure dans laquelle ces amendements ont été ou non inclus dans le projet de loi révisé.

M. Hains: Je vais vous faire quelques commentaires d'ordre général, monsieur le président. Si les sénateurs ont des questions particulières à me poser, je serais heureux d'y répondre.

On peut répartir en trois catégories les 32 amendements recommandés par l'Institut d'insolvabilité. La première catégorie renferme les questions d'ordre technique à l'exception des questions touchant aux politiques. Par exemple, l'élargissement de la protection de la responsabilité aux dirigeants des entreprises. Cette protection existe déjà pour les administrateurs et il est question de l'étendre aux dirigeants. Sauf le respect que je dois aux gens de l'Institut, je ne pense pas que cette question soit d'ordre technique.

Le président: Je suis d'accord avec vous.

M. Hains: Plusieurs de leurs recommandations tombent d'ailleurs dans cette catégorie. Celles-ci ont été étudiées par un des groupes de travail ou par une des commissions du CCFI, et mêmes si l'institut a activement participé aux travaux, les participants n'ont pas réussi à dégager un consensus. Nous suggérons que toutes ces questions soient de nouveau débattues à l'occasion du prochain examen de la Loi sur la faillite, dans cinq ans. Encore une fois, toutes les parties prenantes devraient être présentes.

Des 32 recommandations, une quinzaine sont de nature technique. Quand nous les avons analysées en détail avec notre conseiller juridique, nous nous sommes rendu compte que plusieurs d'entre elles ne constituent aucune amélioration par rapport à la situation actuelle. Dans chaque cas, nous nous sommes demandé si le changement recommandé aurait pu sérieusement améliorer le produit. Voilà pour la deuxième catégorie.

Dans la troisième catégorie, on retrouve les amendements de nature technique que nous ne jugeons pas nécessaires parce qu'il existe déjà une jurisprudence portant sur les mêmes aspects. Nous en avons ici un exemple ou deux. Si les membres de votre comité veulent confirmer que ces cas sont effectivement couverts dans la jurisprudence, fort bien, mais quant à nous, nous avons estimé que ce n'était pas nécessaire.

Le président: Dans quelle catégorie classeriez-vous les trois amendements que David Richardson a recommandés lors de sa comparution devant le comité? M. Richardson, qui, je crois, a présidé ce groupe de travail du CCFI, nous a dit que son groupe s'était entendu sur une série d'amendements très techniques et il s'est étonné que ceux-ci n'aient pas été automatiquement inclus.

M. Hains: Je vais vous parler des amendements 9 et 10, après quoi je demanderai à M. Marantz ou à M. Buchanan de vous parler du numéro 8.

D'après ce que je comprends de l'amendement 9, il précise qu'une suspension s'entend également d'une suspension temporaire. Eh bien, il tombe alors dans la catégorie des amendements n'apportant aucune amélioration parce que toute suspension peut être temporaire et de n'importe quelle durée. Nous n'y avons pas vu une grande valeur.

Les amendements 9 et 9b) étendent la protection aux cas de fraude et de vol. Ces amendements tombent dans la première catégorie, soit celle des considérations d'ordre politique. Nous estimons que les cas de fraude ou de vol sortent des cadres de la LFI. Les allusions de fraude ou de vol ne devraient pas être des raisons suffisantes pour contraindre une personne morale à faire faillite, même s'il s'agit d'une société de valeur immobilière. On est là très en dehors des cadres de la LFI.

M. Marantz: À propos de l'amendement 8, monsieur le président, nous avions l'impression que les investissements effectués auprès de filiales de sociétés de valeur mobilière auraient fait, dans tous les cas, partie des fonds des clients parce qu'une valeur mobilière demeure une valeur mobilière.

Le président: Donc, vous rangeriez cet amendement dans la troisième catégorie de M. Hains, c'est-à-dire la clarification de situations existantes?

M. Marantz: Oui. Et dans ce cas, nous croyons que tout avait été correctement prévu.

Le président: M. Hains a réparti les 32 propositions de l'institut en trois catégories. L'une touche aux questions d'ordre politique, et il a cité l'exemple de la responsabilité des dirigeants. La deuxième contient tous les changements proposés que vous jugez inutiles parce qu'ils n'apportent aucune précision et qu'ils risquent, selon vous, d'être même dommageables. La troisième catégorie est celle où l'on retrouve les amendements pour lesquels il existe déjà des cas de jurisprudence qui ont établi des précédents suffisants pour qu'aucune modification ne soit nécessaire.

Comme le disait M. Hains, vous pourriez très bien retenir ces amendements pour préciser la loi, et on pourrait alors se passer d'un recours indirect à la jurisprudence.

Ce serait bien si vous pouviez passer les deux prochaines journées à réfléchir sur tout cela avec vos collaborateurs, pour que nous sachions exactement, quand nous nous réunirons jeudi, dans quelles catégories se répartissent les 32 recommandations. Je sais d'avance ce que vous allez me dire: les changements tombant dans les catégories deux ou trois ne vous font pas problème. Vous pouvez estimer qu'ils sont, à la limite, inutiles, mais ils ne vous dérangent pas parce qu'ils sont conformes au consensus et à l'orientation du CCFI. En revanche, tous les éléments que vous avez classés dans votre première catégorie vous font problème parce qu'ils touchent aux politiques.

Est-ce que je me trompe?

M. Hains: Non.

Le président: Il est très important que lorsqu'il se réunira, jeudi, ce comité sache exactement où vous en êtes vis-à-vis des amendements qu'on nous a proposés, ainsi que des 11 suggestions formulées par l'Association du Barreau canadien. Certaines des suggestions formulées par cette association n'exigent aucun amendement. Il était simplement question d'étudier certaines choses, d'exercer un contrôle, etc. Quoi qu'il en soit, nous aimerions que vous répartissiez dans les différentes catégories les suggestions qui doivent effectivement se traduire en amendements.

M. Tobin: Nous serons heureux de le faire.

Le président: Je vous le demande. Je suppose que vous devrez également rencontrer votre conseiller juridique externe.

Passons aux commentaires sur la faillite des consommateurs. Vous devriez nous dire quelques mots sur l'approche en général. On a dégagé trois types de questions: les questions touchant à la médiation, celles touchant à la collusion -- nous avons à ce propos parlé des «pensions alimentaires», disposition à laquelle s'est opposé le porte-parole de l'Association du Barreau -- et, enfin, les critères de libération.

Vous pourriez peut-être reprendre tous ces points. Je crois que nous devrions également mentionner, pour mémoire, que nous avons eu une discussion -- que le sénateur Stewart a, je pense, fort bien résumée --, le premier jour de nos audiences qui a fait ressortir qu'on comprend assez mal les causes réelles de l'augmentation marquée du nombre de faillites de particuliers au cours des dernières années. On a, généralement, reconnu qu'on en connaît à peu près les causes, mais nous n'étions pas en mesure de savoir quelle importance relative celles-ci pouvaient avoir. Certaines des données du ministère contredisent tout à fait ce qu'on peut imaginer a priori; par exemple, dans les provinces de l'Atlantique, on dénombrerait moitié moins de faillites de consommateurs qu'en Alberta. Ces chiffres peuvent s'expliquer, mais ils vont à l'encontre de ce qu'on pouvait imaginer.

Le sénateur Stewart: Je l'aurais deviné.

Le sénateur Kenny: Ça vous dit où sont les vrais entrepreneurs.

Le président: Ou alors où les gens sont prêts à prêter de l'argent.

Je pense que le ministère a convenu -- et peut-être que M. Tobin voudra nous en parler -- d'entreprendre une étude détaillée sous la forme d'un sondage pour appréhender les causes de faillite dans les différentes régions et chez les divers groupes, notamment les étudiants. Le comité pourrait se pencher sur la question des faillites de consommateurs quand il disposera des résultats de cette étude.

M. Tobin: Nous avons commencé l'exercice, mais l'étude n'a pas encore été entamée. On en est à l'étape initiale de la passation d'un contrat portant sur la recherche nécessaire. Mark Mayrand pourra vous faire un point à ce sujet. Ce travail est réalisé de concert par son bureau et par le Bureau de la consommation.

M. Marc Mayrand, surintendant des faillites, ministère de l'Industrie: Monsieur le président, nous allons étudier en profondeur les causes de faillites, surtout des faillites de consommateurs. Nous avons demandé à une entreprise privée, dont nous avons retenu les services à contrat, de bâtir un questionnaire d'enquête et de sonder les débiteurs, les syndics et les créanciers afin qu'ils nous disent quelles sont, selon eux, les causes de faillite, et pour dresser un profil des débiteurs ayant connu les affres de l'insolvabilité.

Nous espérons avoir les résultats préliminaires de ce sondage au début de l'été. Nous serons heureux de les communiquer à votre comité.

Le président: Votre objectif est donc d'avoir quelque chose de prêt vers la fin juin ou au début de l'été, n'est-ce pas?

M. Mayrand: Oui.

Le président: Alors nous pourrons peut-être, à partir de là, étudier en détail les dispositions de la LFI concernant la faillite des consommateurs en regard des dispositions concernant les sociétés.

M. Mayrand: Oui.

Le sénateur Stewart: Je suis très intéressé par le fait qu'on entreprenne une telle étude.

Les écrits expliquant ce qui se passe actuellement sur le plan économique abondent. Le numéro de Foreign Affairs de juillet, si je ne me trompe, contenait un article -- dont vous avez sans doute entendu parler -- sur cette question. Le chômage augmente et il est maintenant très élevé en Europe. Il y a lieu de s'en inquiéter sur un plan politique, quand on connaît l'histoire de l'Europe du XXe siècle.

Les deux explications les plus courantes qu'on nous fournit à cet égard sont la globalisation des marchés et les changements technologiques. Apparemment, ce sont d'abord les travailleurs non qualifiés qui ne trouvent plus d'emploi. Puis, petit à petit, la vague du chômage remonte les barreaux de l'échelle économique jusqu'aux cadres intermédiaires qui, comme se plaisent à le dire les économistes, sont à leur tour susceptibles d'être visés par des programmes d'adaptation de la main-d'oeuvre. C'est là un côté des choses qui est, selon moi, indicatif d'une mer de plus en plus houleuse.

D'un autre côté, songez à ce que nous a dit à propos des cartes de crédit. On nous a dit que, sous une forme ou une autre, les gens ont plein de cartes de crédit. Ils en utilisent une pour corriger la situation chancelante de l'autre jusqu'au moment où tout s'écroule soudainement, alors que les créanciers n'avaient aucun moyen d'anticiper l'événement.

Je ne sais pas si ce ministère pourra faire quoi que ce soit pour calmer cette mer houleuse, pour mettre un terme aux circonstances économiques imprévisibles dans lesquelles les gens se retrouvent. Cependant, on pourrait peut-être faire quelque chose pour que l'accès aux cartes de crédit soit moins facile. Actuellement, c'est un peu comme si l'on donnait le droit aux gens d'imprimer leurs propres billets de banque. Si tous ces créanciers sont disposés à distribuer leurs cartes aussi facilement, je me demande pourquoi le public, par le truchement de l'État, devrait se sentir obligé de se porter à leur secours. Il ne fait aucun doute que les gens qui effectueront votre étude devront envisager toute cette question du crédit «plastique».

M. Mayrand: Il est certain que la facilité d'accès au crédit est une des principales causes d'insolvabilité. Mais elle n'est pas la seule. On retrouve en général une combinaison de facteurs, comme la facilité d'accès au crédit, l'interruption d'un revenu à cause de la perte de l'emploi ou d'autres circonstances qui peuvent être ou non le fait du débiteur, et le manque de compétences en gestion financière. Les gens peuvent ne pas savoir comment traiter leur crédit ou ignorer le coût qu'il représente. Plusieurs facteurs entrent donc en jeu.

À l'heure actuelle, en vertu de la LFI, seules les séances de consultation, qui interviennent après la faillite, permettent de s'attaquer à ces causes. Tout failli est obligé de participer à des séances de consultation destinées à améliorer ses compétences financières, à lui apprendre à faire un budget et à utiliser judicieusement le crédit. Devrait-on faire circuler cette information avant la faillite? Je suis certain que nous serons tous d'accord sur cela. Nous devons nous montrer plus proactifs et enseigner ce genre de compétences à la population en général, bien avant que les problèmes d'insolvabilité ne surgissent. C'est une des choses dont on a parlé au CCFI, mais on n'est pas entré dans le détail, à cause d'un manque de temps et de l'ampleur de la question.

Le sénateur Stewart: Avez-vous parlé du fait que les gens peuvent tout à fait collectionner les cartes de crédit?

M. Mayrand: Oui. Deux choses nous préoccupent à cet égard. Devrait-on limiter le crédit ou devrait-on apprendre aux gens comment s'y prendre pour gérer au mieux l'accès au crédit? Ce sont là des questions particulièrement fondamentales qui allaient bien au-delà du rôle et du mandat du CCFI. Elles posent tout le problème de l'accès au crédit et du contrôle ou du coût du crédit.

Le sénateur Stewart: Personnellement, monsieur le président -- et j'ai fait savoir aujourd'hui quelle était ma position -- j'estime que si les banques et les autres agences de crédit distribuent des cartes dans des situations où, de leur propre aveu, elles ne sont pas certaines de pouvoir faire confiance aux formulaires de demande qui leur parviennent, je ne vois pas pourquoi les ministères fédéraux devraient se débattre pour essayer de protéger ces prêteurs.

M. Mayrand: Dans une faillite de consommateur, les créanciers récupèrent moins de 4 p. 100 du montant de leurs réclamations. Pour l'instant, ce sont eux qui absorbent le gros de la perte. Ce qui doit nous préoccuper, c'est la façon dont ils compensent les pertes subies, autrement dit en se tournant vers les autres consommateurs et utilisateurs de cartes de crédit à qui ils font payer toutes sortes de redevances. Ce problème est bien réel et il faut s'y attaquer. Mais, encore une fois, il échappait très nettement au mandat du CCFI.

Le président: Une partie du problème ne tient-elle pas au fait que nous ne disposons pas de véritables données nous permettant de savoir combien de faillites de consommateurs sont causées, par exemple, par la façon volage dont sont accordées les cartes de crédit, et par toute une variété d'autres facteurs? Nous ne comprenons pas la nature du problème dans le cas des étudiants qui forment un sous-groupe particulier de faillites de consommateurs.

Est-ce que je me trompe en disant que nous ne pouvons pas nous appuyer sur des données factuelles pour confirmer que les problèmes évoqués par le sénateur Stewart sont la cause de 25 p. 100 ou encore de 75 p. 100 des faillites de consommateurs?

M. Mayrand: Nous ne disposons que de très peu de données. Sur un petit échantillon, nous avons, par exemple, constaté que les débiteurs qui déclarent faillite possèdent en moyenne trois cartes de crédit, utilisées à la limite des crédits disponibles, en moyenne 5 000 à 6 000 $.

Le président: L'étude que vous allez entreprendre va-t-elle vous permettre de récupérer ce genre de données?

M. Mayrand: Tout à fait. C'est le genre de données que nous voulons dériver de l'étude pour mieux comprendre ce qui doit être fait pour nous attaquer au problème des faillites personnelles.

Le sénateur Kenny: Je n'ai pas l'impression que le sénateur Stewart nous a simplement donné une indication de sa position. Je crois plutôt qu'il l'a bien martelée pour que personne ne manque rien. S'il a oublié de dire quelque chose, c'est qu'il veut que vous trouviez une façon quelconque d'éviter que les autres utilisateurs des cartes de crédit aient à absorber ces coûts supplémentaires. Ces frais ne pourraient-ils pas plutôt être imputés aux actionnaires des compagnies négligentes?

Je suis sur la même longueur d'ondes, pour ne pas dire la même porteuse que le sénateur Stewart. Le panel de témoins qui nous a expliquer comment il traite avec les banques et les difficultés qu'il éprouve à accéder au système, m'a inquiété. J'espère que votre étude bénéficiera d'un mandat large et que vous pourrez aller un peu plus loin que les questions touchant directement à cette loi qui permet simplement de ramasser les pots cassés. Le comité veut trouver des façons d'éviter que les problèmes ne surviennent. Il serait très intéressant que le mandat de cette étude que vous venez d'entreprendre soit assez large pour savoir comment on peut éviter les problèmes, plutôt que de se concentrer sur la façon d'essuyer les plâtres.

M. Mayrand: Nous espérons que c'est un des résultats auxquels nous parviendrons dans cette étude. Quand nous en saurons plus sur les profils des particuliers qui sont aux prises avec des difficultés financières, et que nous connaîtrons les causes de ces difficultés, nous serons mieux placés pour déterminer les mesures à adopter pour éviter que ce genre de problème ne survienne.

Le sénateur Kenny: Certains membres de ce comité ont la conviction profonde qu'une grande partie du problème est due à des défauts d'éducation. Ce n'est peut-être pas vrai; c'est instinctif, c'est notre réaction initiale. Si les gens savaient mieux gérer leurs affaires, ils s'en sortiraient mieux. Il serait intéressant de savoir si cette explication est fondée. Si oui, alors il vaudra la peine d'explorer plus à fond cette piste. Et même si l'on constate qu'il n'existe aucun lien entre la connaissance qu'ont les gens de l'utilisation du crédit et les accidents financiers qu'ils subissent, ce sera tout de même une information valable.

On ne peut s'empêcher de conclure, instinctivement, que si ces gens possédaient certaines connaissances de base quant à la façon de gérer un budget et un compte bancaire, s'ils savaient comment utiliser les cartes de crédit, quel montant raisonnable il ne faut pas dépasser pour un achat à crédit, la somme qu'il convient de verser en acompte pour un achat, et ainsi de suite, nous aurions peut-être moins de consommateurs en difficultés Mais tout cela n'est que conjecture. J'espère que, grâce à votre étude, nous nous perdons justement un peu moins en conjecture.

M. Mayrand: J'espère que nous pourrons jeter un peu de lumière sur toutes ces questions.

Le sénateur Kenny: Est-ce effectivement ce que vous allez faire?

M. Mayrand: Oui, grâce au profil des débiteurs, nous connaîtrons mieux leur niveau d'éducation, le nombre de personnes qu'ils ont à charge, le type d'emploi qu'ils occupent ainsi que les autres indicateurs socioéconomiques les concernant.

Le sénateur Kenny: Peu importe qu'ils aient à peine une huitième année ou qu'ils aient un diplôme de cycle supérieur en économie, ils n'ont même pas reçu cinq heures de cours sur la façon d'utiliser une carte de crédit et jamais personne ne leur a dit: «Non, on n'achète pas une maison avec un versement initial correspondant à 5 p. 100 de sa valeur, et en recevant, en prime, un cadeau de la SCHL. Si vous voulez acheter une maison en période de mer houleuse, comme le disait le sénateur Stewart, alors vous feriez mieux de porter la somme initiale à 35 ou 40 p. 100 du total.» Va-t-on poser ce genre de question ou va-t-on se contenter de déterminer si les gens se sont arrêtés au primaire ou ont fait leur secondaire?

M. Mayrand: Nous conduirons peut-être des entrevues avec certains débiteurs pour nous faire une meilleure idée de leur situation et de leur connaissance du coût du crédit, de l'utilisation du crédit et de leurs compétences en matière de finances personnelles.

Le sénateur Kenny: Je ne vois pas quel conseil scolaire offre ce genre de cours dans ses programmes.

M. Mayrand: Il y en a, mais vous avez raison, tous ne le font pas.

Le président: Une fois que votre questionnaire d'enquête sera au point, il serait peut-être utile, avant que vous n'alliez sur le terrain, que vous ayez une discussion officieuse avec quelques membres du comité. Il faut que nous ayons ce genre de discussion avant qu'ils rédigent la première ébauche du questionnaire d'enquête, afin qu'ils comprennent bien ce que nous voulons y voir. Il n'est pas question d'une réunion officielle, juste d'une rencontre officieuse.

Le sénateur Austin: Pour en revenir à ce que disait le sénateur Stewart à propos de l'impression en général de ce qui se passe dans nos sociétés où l'on assiste à un glissement de la richesse, et pour passer de ce commentaire d'ordre général à un commentaire plus spécifique, je dirais que le fait qu'il se trouve des gens qui ne comprennent pas la gestion du crédit en général, ne fait qu'aggraver la situation. Ils se sont rendu compte que leur situation personnelle sont de plus en plus précaires, à cause du nombre élevé de congédiements. Ils se retrouvent ensuite face à un dilemme, entre réduire leur niveau de vie et le maintenir, maintenir leur statut social, leur position sociale tout en essayant de passer au travers de cette période de transition. Souvent, les perdants sont justement ceux qui ne parviennent pas à négocier cette période de transition. Ils seront allés à la limite de leurs capacités personnelles et d'emprunt pour demeurer au même niveau, puis, soudainement, ils sont tombés de la falaise. Il n'existe aucune forme d'enseignement qui permette de se prévenir contre ce genre de situation. C'est là un aspect que je vous encourage à analyser à l'occasion de votre étude.

En ce qui concerne les prêteurs qui se spécialisent dans le crédit de masse, vous constaterez que le coût des mesures de diligence, si on le compare à la rentabilité de ce type de crédit, fait qu'il est dans leur intérêt de continuer à prêter.

Le président: Par «crédit de masse», faites-vous allusion à ce que le sénateur Stewart disait à propos des compagnies qui accordent des cartes de crédit à des consommateurs sans vraiment savoir si les demandeurs ont une bonne cote de crédit?

Le sénateur Austin: Dans l'industrie, les gens analysent les coûts comparatifs de chaque système. Ils achètent au coût le plus bas pour eux-mêmes et pour leurs titulaires de carte de crédit. Je crois que vous vous rendrez vite compte, dans votre étude, que le crédit de masse revient moins cher à administrer que l'application de mesures de diligence, qui est d'ailleurs la forme d'activité la plus chère qui soit dans une entreprise économique.

Le président: Voilà qui met un terme à la présentation des trois points touchant à la question des consommateurs. Voulez-vous que nous revenions sur les trois points précédents? Vous vous rappelez la question de la médiation. Vous avez inclus une étape de médiation dont tout le monde pense qu'elle devrait être volontaire et non obligatoire. La question de la pension alimentaire touche à celle de la collusion. Je suppose que, pour le représentant de l'Association du Barreau canadien, cette question mérite d'être éclaircie. Le dernier point concerne la façon de traiter les gens qui optent pour une proposition concordataire plutôt que pour la faillite et qui se retrouvent tout de même en difficulté.

Voulez-vous que nous abordions ces points les uns après les autres et que nous vous posions des questions à chaque fois?

M. Mayrand: Il a été beaucoup question de la médiation au CCFI, surtout dans le cas du groupe de travail no 1 qui s'est intéressé à la question de l'insolvabilité des consommateurs. On a estimé que la médiation est la meilleure approche pour calmer les inquiétudes de tous les intervenants dans le cas d'une faillite personnelle.

On a trouvé que la médiation était la façon la plus simple de régler les différends qui peuvent survenir occasionnellement entre créanciers, syndics et débiteurs à propos des sommes à verser au patrimoine. Ce mécanisme est en fait plus économique que d'avoir à s'adresser aux tribunaux, ce que l'on doit maintenant faire en vertu de la LFI. Il est aussi plus rapide. Par exemple, pour qu'une cause de libération soit entendue devant un tribunal à Toronto, dans une affaire d'excédent de revenu, l'attente est de neuf mois. À Montréal, elle peut être de cinq mois. Elle varie d'un coin à l'autre du pays. En fait, toutes les provinces ont tendance à ne plus vouloir financer la fonction de registraire, l'officier de justice responsable de ce genre de dossier. À cause de cela, dans bien des cas, c'est un juge qui doit entendre les différends et déterminer si un débiteur doit verser 50 $ ou 100 $ au patrimoine. Encore une fois, la procédure est coûteuse, elle prend du temps et l'on peut se demander si c'est le genre de cause qu'il convient de faire passer devant un juge.

Le président: Alors nous sommes bien d'accord, et je ne pense pas que vous avez répondu aux préoccupations des gens. Les gens estiment que vous avez rendu la médiation obligatoire, plutôt que de permettre qu'elle soit volontaire. C'est ainsi qu'on nous a présenté les choses au comité. Je ne pense pas que quiconque s'oppose à ce que la médiation soit facultative, mais jusque là à la rendre obligatoire!

M. Mayrand: Elle ne devient obligatoire que s'il y a différend entre les parties. Avant de se présenter devant les tribunaux, les parties doivent d'abord passer par la médiation.

Le président: Je comprends ce que dit la loi. Ce que je veux savoir de vous, c'est pourquoi vous avez exigé qu'elle soit obligatoire et que les gens doivent d'abord passer par l'étape de la médiation avant de se rendre devant les tribunaux? Nous avons un problème, ici, parce que M. Marantz soutient que ce n'est pas ce que dit la loi. N'est-ce pas?

M. Marantz: Je crains qu'on ne fasse la confusion entre la consultation, qui était obligatoire, et la médiation qui correspond à un processus débutant par une tentative de règlement du problème avec le syndic. Si la médiation échoue, on se rend devant les tribunaux. C'est un processus normal en cas de différend. Plus on avance dans la procédure et moins nombreux sont les organismes auxquels on a affaire, parce qu'ils s'estompent en cours de route. Ce n'est pas la même chose pour la consultation.

Le président: Pour reprendre vos propres termes, c'est un processus normal. Alors, dites-moi pourquoi tous les experts que nous avons consultés estiment le contraire.

M. Marantz: Je crois que le désaccord porte sur la consultation.

Le sénateur Oliver: Certains nous ont cité le cas d'une personne qui, après avoir joui d'un bon crédit pendant 20 ans, perdrait son emploi à cause d'une réduction des effectifs et se retrouverait sans revenu pendant un an avant de reprendre le travail; elle saurait comment gérer ses affaires et on ne voit pas pourquoi il faudrait la contraindre à participer à des séances de consultation. C'est ce qu'un des témoins nous a dit.

M. Marantz: Il y a là deux questions différentes.

Le président: Nous avons déjà parlé de la question de la consultation obligatoire. Nous avons également souligné qu'elle a été ajoutée en 1992. Ce n'est pas un changement récent.

M. Marantz: C'est vrai.

Le président: Voulez-vous que nous passions à la question de la pension alimentaire?

M. Mayrand: Ce point soulève d'importantes questions de nature politique. À l'évidence, il y a ici un conflit avec la politique en matière de droit familial qui encourage le versement régulier des pensions alimentaires. Il peut arriver que cette politique aille à l'encontre de celle sur l'insolvabilité, et qui consiste à garantir un traitement équitable de tous les créanciers.

Cette question, également, a fait l'objet de discussions poussées au CCFI. Les membres du CCFI ont penché en faveur d'une plus grande équité envers les conjoints et les enfants, parce qu'ils voulaient s'assurer que ceux-ci puissent obtenir une partie du dividende de la faillite et qu'ils soient prioritaires dans la réception des paiements, à hauteur du montant de la pension accordée.

La loi énonce cependant certaines conditions préalables. Les conjoints doivent être séparés et l'entente ou l'ordonnance de séparation doit précéder la faillite.

On s'est posé la question du mécanisme de lutte contre les abus. On a alors conclu qu'il existe déjà certaines dispositions dans la Loi sur l'insolvabilité qui viennent se combiner au régime général des lois provinciales, qui permettent l'examen de certaines transactions effectuées de façon frauduleuse ou en violation des droits des autres créanciers.

Les membres du CCFI ont estimé que les dispositions en matière de protection contre les abus qu'on trouve déjà dans la LFI et dans les lois provinciales devraient être suffisantes pour offrir une protection contre les abus auxquels ces nouvelles dispositions pourraient donner lieu.

M. Tobin: Pour ajouter un mot à ce que vient de dire M. Marantz, en vertu de la LFI, qui n'est pas modifiée sur ce plan par le projet C-5, il a toujours été stipulé que les faillis ne peuvent être libérés de leur obligation d'acquitter les pensions alimentaires. C'est vrai depuis pas mal de temps déjà. Cette disposition n'a pas été modifiée. Nous avons précisé que, dans le projet de loi C-5, nous reprenons les dispositions concernant ce genre de dette dont le failli ne peut être libéré et qu'on leur avait même accordé un statut privilégié. Donc, cette question n'est pas nouvelle, et elle était déjà visée dans la loi. Nous n'avons rien ajouté à ce propos dans le projet de loi C-5.

Le président: Donc, vous rejetez l'argument de l'Association du Barreau canadien qui voulait supprimer l'avantage accordé aux conjoints et aux enfants afin de rendre les règles du jeu un peu plus équitables pour l'ensemble des créanciers. Vous n'êtes pas d'accord avec le genre d'équilibre que les représentants de l'ABC réclamaient; est-ce que je me trompe?

M. Tobin: Non. Nous avons discuté de cela dans le cadre du CCFI et nous en sommes venus à la conclusion qu'il fallait que les choses bougent. Cette remarque est intervenue après la fin des travaux du CCFI.

Le président: Mais la loi reflète le consensus établi dans le cadre de CCFI, n'est-ce pas?

M. Tobin: Oui.

Le sénateur Angus: Le témoin de l'ABC a traité, avec force détail, de la possibilité de collusion dans la concordance d'un échec matrimonial et d'une faillite personnelle. Il estimait qu'il faut prévoir dans la loi certains verrous de sécurité contre les risques de collusion. Je me suis sérieusement gratté la cervelle pour savoir comment y parvenir. Il nous a donné quelques lignes directrices. Que pensez-vous de tout cela?

M. Mendelsohn: Certes, un abus est toujours possible. Il est toujours possible d'abuser de la situation quand on accorde la préférence à telle ou telle partie. Mais les débiteurs doivent faire preuve de tout un talent pour organiser leurs affaires, pour se mettre d'accord entre eux sur la séparation et le fait qu'ils devront vivre à part, et tout cela pour jongler avec leurs actifs avant que l'un d'eux ne déclare faillite. Je ne prétends pas que ça ne s'est jamais produit ou que ça n'arrivera jamais, mais quand on voit jusqu'à quel point il faut réorganiser sa vie pour parvenir à cette fin, je pense que dans la plupart des cas, les gens doivent y renoncer.

On pourrait aussi adopter des dispositions pour contrer les abus possibles. Quelqu'un a dit que les lignes directrices sont le piège des justes et la carte routière des filous. Il existe déjà dans la loi -- et je crois que quelqu'un y a fait allusion avant moi -- un certain nombre de mécanismes permettant de lutter contre les abus. Nous croyons qu'ils s'appliqueraient à ce genre de situation. Si un règlement abusif prévoyait, par exemple, le versement d'une somme forfaitaire anormale pouvant être considéré comme un paiement fait à un créancier privilégié, on pourrait enclencher les mécanismes juridiques se trouvant déjà dans la LFI et l'on pourrait également avoir recours aux lois provinciales.

Le sénateur Angus: Pour que les choses soient précises, vous parlez, à cette étape de la procédure, des mécanismes qui sont déjà prévus dans la loi et auxquels on a fait allusion à un autre propos?

M. Mendelsohn: Eh bien, les dispositions relatives aux transactions révisables, contenues dans la LFI, s'appliqueraient. Après le témoignage de l'Association du Barreau canadien, j'ai cherché et j'ai fouillé la question pour conclure -- mais nous n'en aurons pas la certitude avant que cette affaire n'arrive devant un tribunal -- qu'il n'y a aucune raison pour lesquelles ces dispositions ne s'appliqueraient pas dans de telles situations.

En outre, les législations provinciales comprennent des règles destinées à éviter les transactions de type frauduleux. Au Québec, par exemple, ces dispositions sont connues sous le nom d'action de Paul. L'Ontario a la Loi sur les cessions en fraude des droits des créanciers. Les autres provinces, elles aussi, disposent de lois semblables. Ce genre de mesures permet de contrer les transactions conclues dans le dessein de brimer les droits des créanciers. Je pense que toutes ces mesures pourraient être mises en oeuvre en cas de règlement abusif, dans une cause appropriée.

Le sénateur Angus: Je vais vous lire une déclaration que vous avez peut-être déjà vue. Elle nous vient de l'ABC, qui me l'a fait parvenir après être venu témoigner. J'aimerais que vous nous fassiez par des réactions qu'elle suscite chez vous. Je dois dire qu'à l'époque le témoignage de l'ABC nous a beaucoup marqués.

Cette lettre datée du 27 novembre, était adressée à notre président:

Nous estimons que notre proposition initiale de prouvabilité limitée pour les arriérés de pension alimentaire (c'est-à-dire le partage égal) était équilibrée. Dans sa forme originelle, le projet de loi C-5 prévoyait la prouvabilité limitée et une priorité limitée, mais cela a ensuite été modifié en faveur d'une prouvabilité illimitée et d'une priorité limitée.

Telle qu'elle se présentait au début, la disposition contenue dans le projet de loi C-5 n'aurait pas permis de régler correctement le problème de la collusion. En 1980, l'Australie a adopté une clause de prouvabilité semblable à celle du projet de loi C-5. Mais à cause des nombreux cas de fraude et de collusion constatés par la suite, il a fallu modifier de nouveau la loi sept ans plus tard. Malgré l'exemple australien et les préoccupations que nous avons énergiquement exprimées, le projet de loi C-5 a été amendé d'une façon qui ne fait qu'exacerber les problèmes de collusion auxquels on pouvait s'attendre, en renforçant le nouveau recours (autrement dit, en imposant une prouvabilité illimitée), sans assurer pour autant de protection contre la collusion.

Personnellement, je ne pense pas que nous ayons réglé ce point.

M. Mendelsohn: Eh bien d'abord, mesdames et messieurs les sénateurs, je dois vous avouer que je ne connais pas suffisamment bien la situation australienne pour la commenter et pour vous dire si elle est la même que chez nous ou si elle présente des différences.

J'estime que le projet de loi contient les recours appropriés pour lutter contre la collusion. Je suppose que le fait de rattacher une limite financière ou non à la priorité est une question de politique. On retrouve, dans la société, plusieurs groupes concurrentiels qui ont des points de vue différents sur le sujet. Il faut donc adopter une ligne de conduite pour trancher ou au contraire pour ne pas trancher.

Le sénateur Angus: La démarche que vous proposez est plutôt indirecte. Vous dites que le projet de loi offre déjà les protections suffisantes. Je me demande s'il y a une raison quelconque, sur le plan de la politique, pour laquelle nous ne devrions pas ajouter une clause anti-collusion dans le projet de loi. Cela vous dérangerait-il?

M. Mendelsohn: Non, cette question ne me gêne pas du tout.

Le sénateur Oliver: Y avez-vous vraiment réfléchi?

Le président: Puisque les témoins et les sénateurs semblent être du même avis relativement à l'intention poursuivie, et comme les témoins vont s'asseoir avec notre personnel pour répartir les diverses questions entre les trois catégories établies par M. Hains, est-ce que votre personnel et notre personnel ne pourraient pas également se rencontrer pour traiter de façon plus particulière la question soulevée par le sénateur Angus? Il estime qu'il faudrait inclure certains éléments qui nous garantiraient que ce vous dites est réalisé de façon indirecte. Vous pourrez nous en reparler jeudi.

M. Tobin: Nous pouvons nous pencher sur la chose, monsieur le président, mais vous ne devez pas oublier que cette disposition a été incluse parce que le gouvernement a estimé que si l'on déplaçait certaine partie de la société, le failli ne pourrait en être libéré et les intéressés bénéficieraient d'une sorte de statut préférentiel. Toute modification visant à imposer une limitation doit être apportée en fonction des dispositions destinées à contrer les abus et non pas pour essayer d'atténuer les moyens d'actions plus larges qui existaient auparavant.

Le président: J'ai cru comprendre que le sénateur Angus partage tout à fait votre point de vue. Il ne remet pas en question la politique. Il dit plutôt que celle-ci devrait permettre d'éviter les cas d'abus et de collusion flagrants. Il ne remet pas en question le fait que cette disposition accorde aux ex-conjoints et aux enfants une certaine priorité sur les autres créanciers. Mais je ne pense pas que là soit le problème. Le problème c'est de savoir comment éviter les cas d'abus.

Le sénateur Angus: C'est comme la disposition anti-évitement de la Loi de l'impôt sur le revenu, si ce n'est que celle-ci serait particulière à cette mesure. On nous a cité certains chiffres à cet égard. Je me suis entretenu avec notre ministère de la Faillite, à Montréal, et j'ai constaté qu'effectivement, un grand nombre de faillites présentant de telles circonstances ne sont pas tout à fait nettes. Je voulais confirmer ce que le témoin a dit. C'est une situation très troublante et qui déstabilise même l'ordre social.

Le sénateur Stewart: Les témoins ont fait allusion à une étude qu'ils allaient effectuer à propos de la faillite des particuliers. Eh bien, je suppose que dans certains cas -- et je n'irais pas jusqu'à avancer de nombres -- le conjoint est la cause réelle, si ce mot n'est pas trop fort, de la situation économique ayant conduit à la faillite. Le cas échéant, j'ai l'impression que cette personne est «gras dur». D'un côté, elle a l'avantage de consommer énormément et, de l'autre, elle reçoit un soutien financier spécial après la faillite.

Cette façon de décrire les choses est peut-être excessive, monsieur le président. Peut-être qu'à l'occasion de l'étude qu'ils vont effectuer, les témoins devraient dégager les tendances. Je sais qu'il risque d'être difficile de mettre exactement le doigt sur le bobo. Mais il se pourrait fort bien que certaines personnes assument des responsabilités financières énormes sous la pression de leur conjoint, responsabilités qui, dans la mer houleuse que je décrivais tout à l'heure, dépassent leurs capacités financières.

Le sénateur Meighen: En l'absence de données précises, le sénateur Angus s'est énormément gratté la cervelle, comme M. Mendelsohn, et je doute que dans 24 heures, nous parviendrons à trouver quelque chose de mieux que «Tu ne te livreras point à la collusion». Est-ce que je me trompe en disant que nous en sommes encore à envisager, si ce n'est une mesure de temporisation, du moins une déclaration pour trois ou cinq ans?

Le président: Il est question d'une période quinquennale dans la loi.

Le sénateur Meighen: Nous sommes passés de sept à cinq ans et nous ne nous sommes pas encore demandé si l'on doit réduire la période.

Le président: Je crois qu'on a constaté, d'un point de vue pratique, avec les autres lois, qu'il faut attendre au moins deux ou trois ans pour effectuer un examen. On peut, ensuite, se livrer à un examen, mais cinq ans se sont écoulés. C'est ce que nous avons constaté dans le cas de la Loi sur les institutions financières, pour laquelle nous avons ramené la période de dix ans à cinq ans, mais nous ne sommes pas descendus en dessous.

Le sénateur Meighen: Je soupçonne que nous allons sans doute finir par nous en remettre aux dispositions de la loi.

Le président: Voulez-vous que nous parlions des conditions de libération?

M. Mayrand: Oui. D'abord, je tiens à souligner que ce sont les députés qui ont modifié cette disposition selon laquelle le débiteur doit maintenant envisager la possibilité de faire une proposition viable. Ce ne doit pas être n'importe quelle proposition, elle doit être véritablement viable. C'est là un aspect important dont les tribunaux tiennent compte.

Le sénateur Meighen: Pourriez-vous répéter cela?

M. Mayrand: Je parle de l'article 173. Quand le projet de loi C-5 a été déposé, le fait que le débiteur ait essayé de déposer une proposition entrait en ligne de compte pour la libération. La Chambre a modifié cette disposition pour préciser qu'en plus, la proposition doit être viable, qu'elle doit déboucher sur un arrangement présentant des chances de réussite avec les créanciers et qu'elle est susceptible d'être acceptée par ceux-ci.

Le sénateur Meighen: Les tribunaux seraient alors appelés à trancher pour décider si la proposition est viable.

M. Mayrand: Ce serait effectivement aux tribunaux de trancher.

M. Mendelsohn: Mais le failli pourrait avoir déposé une proposition viable et n'avoir pu la réaliser, si bien que c'est sans effet.

Le sénateur Meighen: Tout à fait.

M. Mayrand: Cette exigence découle des discussions que nous avons eues au CCFI quand nous voulions nous assurer que ceux qui ont les moyens de faire des paiements au patrimoine soient tenus de faire leur possible. Les créanciers, de leur côté, devraient très sérieusement prendre en considération toute proposition raisonnable ou viable formulée par un débiteur, avant de déclencher la faillite. Si la proposition n'est pas vraiment prise en compte, le tribunal déterminera les circonstances et établira si elle motive l'émission d'une ordonnance de libération sous condition ou encore la simple suspension de libération du débiteur.

Le sénateur Meighen: Allez-vous continuer d'essayer de régler cette question délicate? Nous préférerions retenir la notion de proposition viable, mais certains témoins sont venus nous dire que, peu importe que le débiteur ait fait une proposition ou ait directement déclaré faillite, cela ne fait pas vraiment de différence sur le plan de sa cote de crédit.

M. Mayrand: Plusieurs facteurs interviennent ici. Pour ce qui est de la cote de crédit, nous avons apporté certains changements. On est encore en train de se demander si les changements sont suffisants.

Le principal changement sur le plan de l'enregistrement du crédit par les agences de notation partout au pays, c'est que le débiteur est enregistré comme constituant un risque dès l'instant qu'il dépose sa proposition. Avant, le chronomètre ne se déclenchait qu'une fois la proposition terminée. Ainsi, si celle-ci s'étendait sur trois ans, on conservait une mauvaise note dans son dossier de crédit pendant sept ans à compter du moment où la proposition avait été pleinement exécutée. Cette période a été ramenée à six ans à partir du moment où la proposition est déposée. On se retrouve donc dans des délais comparables à ceux de la faillite. Ce n'est pas mieux, mais c'est certainement comparable.

Le sénateur Meighen: Avant, c'était pire. Maintenant, nous avons fait des merveilles pour que les situations soient comparables. C'est un véritable progrès.

M. Mayrand: Nous n'y sommes parvenus qu'en persuadant les créanciers, mais ils n'en considèrent pas moins que l'auteur d'une proposition demeure un mauvais payeur. Le risque qu'il présente est moindre que dans le cas d'une faillite, mais il est considéré tout de même comme mauvais payeur.

Le sénateur Meighen: Cependant, nous ne reconnaissons absolument pas cela.

M. Mayrand: Je ne puis vous contredire.

Le sénateur Meighen: Tout cela est très troublant. Vous avez parlé de cote de crédit et du fait que cela a été modifié. Comment les choses ont-elles changé? Qui régie tout cela?

M. Mayrand: Ce sont les agences d'évaluation du crédit et les gros créanciers qui font rapport par le biais des agences de notation.

Le sénateur Meighen: Ce changement est-il volontaire?

M. Mayrand: Oui. Il s'agit d'un changement administratif effectué par les agences d'évaluation du crédit et par les grands octroyeurs de crédit partout au pays.

Le sénateur Meighen: Cette loi ne prévoit rien, sauf si je m'abuse, qui aille dans ce sens?

M. Mayrand: Tout dépend si nous avons pleine compétence en matière d'évaluation du crédit. Normalement, cet aspect dépend de la législation provinciale. Mais les créanciers ont les coudées suffisamment franches pour décider de la façon dont ils évaluent les risques et dont ils en font rapport à l'agence de notation.

Le sénateur Meighen: Si le comité estime que nous devrions aller plus loin, le mieux que nous puissions faire serait de traiter avec les agences d'évaluation du crédit dans les provinces.

Le président: Effectivement, parce qu'elles sont hors de notre compétence.

Le dernier point concernant les consommateurs est le fait qu'on oblige les faillis à suivre des séances de consultation, plutôt que de le faire de façon volontaire. Comme vous le savez, cette situation remonte à 1992 et elle n'est donc pas récente. Avez-vous eu l'occasion de réfléchir un peu plus longuement à la possibilité d'imposer la participation à des séances de consultation? Deux ou trois témoins sont venus déclarer au comité que le fait de rendre ces séances obligatoires est offensant dans le principe même. Je pense que le comité serait favorable à la consultation, mais reste à savoir s'il faut contraindre les particuliers à y participer. Vous deviez réfléchir à la question de savoir s'il n'est pas un peu excessif que de rendre la chose obligatoire. Êtes-vous allé plus loin dans votre réflexion?

M. Mayrand: Je dirais simplement que cette question a été examinée par le CCFI pour savoir s'il fallait rendre la consultation obligatoire ou facultative, et déterminer comment procéder. Là encore, le CCFI s'est penché sur la question et a estimé qu'il ne disposait pas de suffisamment de données. Il était donc prématuré de réétudier la question de la consultation. En fait, vous constaterez dans le mémoire de l'ACCI que les professionnels de l'insolvabilité ont admis qu'il était un peu trop tôt pour revoir les règles régissant la consultation.

Nous envisageons d'effectuer une étude afin d'évaluer les avantages de la consultation de savoir comment elle est dispensée au débiteur et si elle a un effet à long terme. La consultation est une solution qui a été retenue pour parvenir à une réhabilitation plus efficace des débiteurs. Cette étude nous permettra de déterminer, après quatre ans, si l'on a vraiment atteint l'objectif visé grâce à la consultation.

La consultation, maintenant obligatoire, est assurée conformément à une directive du Bureau du surintendant. Celle-ci laisse les coudées franches aux syndics et aux conseillers pour adapter les séances de consultation aux besoins des particuliers aux prises avec une procédure de faillite. Beaucoup estiment que si l'on rendait la consultation discrétionnaire, on perdrait énormément des avantages que présente la formule actuelle et que l'on introduirait toutes sortes de discussions pour déterminer qui doit suivre la consultation et qui peut en être exempté. Encore une fois, c'est là un aspect que nous voudrions revoir à l'occasion de l'évaluation des services pour déterminer s'il y a effectivement avantage à modifier la formule.

Le président: Le dernier point inscrit sur ma liste comporte deux volets. Le premier est le plaidoyer que nous a adressé l'Ontario Credit Union Central relativement aux salaires futurs ayant été retenus comme garantie pour des emprunts. Les sénateurs se rappelleront, cependant, que c'est la seule province au Canada où une telle chose est autorisée. Nulle part ailleurs il n'est pas permis de mettre un revenu futur en garantie. L'Ontario Credit Union Central nous a essentiellement demandé d'introduire une dimension de super privilège des salariés à ce niveau. Quand la proposition a été débattue, je n'ai pas eu l'impression que mes collègues autour de la table étaient très favorables ne serait-ce qu'à l'idée de permettre que des revenus futurs soient acceptés en garantie, tout en reconnaissant que la question relevait de la responsabilité provinciale. Est-ce que les témoins représentant le ministère ont réfléchi à la question et veulent-ils éventuellement nous faire part de leurs remarques?

M. Marantz: Nous n'avons pas changé de point de vue. L'Ontario est la seule province où une telle chose est possible. Le fait que nous nous soyons penchés sur cette question a eu tout un effet sur le plan politique, parce que nous nous sommes heurté à des difficultés exceptionnelles.

Le président: Pour terminer, il nous reste la question de savoir si les versements aux commissions des accidents du travail devraient être traités de la même façon que le RCP, l'assurance-emploi et les impôts. Devraient-elles faire l'objet d'une superpriorité ou devraient-elles se retrouver au plus bas niveau de la priorité, au même titre que la TPS et les autres sources gouvernementales d'imposition?

M. Tobin: Nous avons eu une longue discussion au CCFI à ce propos, au point que nous en sommes venus à inviter les commissions des accidents du travail à faire des présentations à l'un des groupes de travail du CCFI. Par la suite, on en est arrivé à la conclusion qu'il fallait simplement renforcer, dans le projet de loi C-5, ce qui avait été décidé en 1992.

M. Marantz: Monsieur le président, étant donné qu'il s'agit-là d'une question difficile, techniquement complexe, j'ai fait remettre aux chargés de recherche des exemplaires d'un mémoire retraçant l'historique de la disposition en question.

Les commissions des accidents du travail n'ont pas expliqué entièrement les actuelles exigences du régime législatif. Elles peuvent obtenir des garanties. Leurs représentants nous ont déclaré qu'ils pouvaient négocier avec les employeurs pour conclure des ententes de garantie. Or, elles n'ont pas besoin de négocier avec l'employeur. La loi stipule que si elles ont un régime enregistré dans une province ou un territoire, d'application générale, la garantie contre l'employeur est automatiquement assurée par la loi, et cela doit être enregistré. Le principe est le suivant: tout prêteur qui envisage de faire une avance à un emprunteur peut immédiatement déterminer si celui-ci a des paiements en retard au titre de la Commission des accidents du travail. Ainsi, les commissions seraient protégées.

Les commissions ont réclamé encore plus que ce que la loi antérieure leur accordait.

Je pourrais parcourir la note de service qui fait cinq ou six pages et qui est très technique. Elle explique que les commissions ont un problème de 24 millions de dollars -- de leur propre aveu -- et qu'elles risquent de devoir transférer ce problème au milieu des affaires auquel cas, les répercussions financières seraient encore plus graves. Par exemple, il y aurait des répercussions immédiates sur la capacité d'emprunt et sur le pourcentage consenti en avance.

Le sénateur Angus: Vous avez parlé de cela plus tôt, permettez-nous de revenir à la question de la superpriorité. Vous m'avez distrait de mon propos, tout à l'heure, quand vous avez parlé de la question de l'environnement. Si je me souviens, vous disiez qu'il était trop difficile d'instaurer des règles du jeu équitables entre les différents types de prêteurs, qu'il s'agisse de propriété, de machinerie ou d'équipement, que tout cela était complexe et difficile et que vous aviez à porter un jugement de valeur pour choisir entre les deux.

Eh bien, que penseriez-vous si l'on retirait cette question de la superpriorité? Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure on s'est entendu à l'unanimité ou à la majorité à ce propos au CCFI?

M. Tobin: Je préférerais que M. Hains vous réponde. Il est très difficile, honorable sénateur, de savoir, de toutes les questions qui ont été abordées, laquelle a fait l'objet de plus ou de moins de débats. Il est évident que celle-ci appartient à la dernière catégorie.

C'est un sujet dont on nous a rebattu, pour dire le moins, tout cela pour arriver à ce degré de superpriorité pour une certaine classe d'actifs et un certain type d'actifs. À ce stade, nous aurions beaucoup de réticence à nous lancer dans des discussions en vue de changer tout cela. Je ne puis vous donner midi que d'après mon horloge. Parce que tout cela a été tellement bien ficelé que certains ont eu l'impression que les priorités devaient être plus larges. Certains organismes de réglementation sont allés jusqu'à déclarer que nous devrions leur donner plus.

Le sénateur Angus: C'est compréhensible. C'est une position intéressée. Je pensais que la tendance était à retirer de la Loi sur la faillite certains des droits spéciaux du gouvernement. Ici, on en supprime un et on en ajoute un autre.

Je suis loin d'être un anti-environnementaliste, mais je trouve que cette clause impose un important fardeau sur les compagnies d'assurance-vie qui prêtent surtout pour l'immobilier. Vous vous trouvez à accorder aux autorités une priorité spéciale.

M. Tobin: Après mures réflexions, nous en sommes venus à la conclusion que toutes ces questions environnementales méritaient une considération spéciale, non seulement en ce qui concerne l'aspect prioritaire, mais également d'un point de vue pratique pour les syndics. Ils peuvent aller examiner les emplacements sans qu'ils soient réputés en avoir pris possession, mais ils sont réputés les avoir visité. Ils peuvent donc aller les évaluer.

Tout cela montre qu'on reconnaît les préoccupations que les dégâts occasionnés à l'environnement suscitent chez les gens de nos jours, ainsi que leur désir que quelqu'un assume la responsabilité pour ces sites. Ainsi, on s'est non seulement penché sur la notion de priorité, mais on l'a fait en se demandant comment, aujourd'hui, remettre en état des sites effectivement contaminés ou ayant pu l'être.

Si vous vous rappelez la situation qui prévalait avant 1992, vous vous souviendrez que de nombreux sites étaient laissés à l'abandon. Ici, nous demandons à ce qu'on s'assure que moins de sites seront laissés à l'abandon mais nous voulons aussi qu'on reconnaisse qu'un minimum des actifs doit être destiné à la remise en état.

Le sénateur Oliver: Il faut répartir le risque.

M. Tobin: Nous vous avons dit, mesdames et messieurs les sénateurs, pourquoi cela serait difficile à faire.

M. Marantz: La superpriorité n'est pas une «super» priorité. Ce n'est pas ce que vous pensez. La superpriorité n'a aucun effet économique pratique.

Permettez-moi de m'expliquer. Vous avez un lot qui a été contaminé par des déversements d'huile dans le sol, provenant d'une usine voisine.

Le sénateur Angus: D'après la dernière information que j'ai recueillie à cet égard, il n'est pas vraiment ici question d'une contamination ni d'un accident s'étant produit pendant que le propriétaire occupait le terrain, mais plutôt d'une vieille contamination, antérieure, qui peut remonter à plus de 25 ans.

M. Marantz: Quoi qu'il en soit, cela n'a pas d'importance, parce qu'une fois que le terrain est contaminé, qu'il l'ait été hier ou il y a 50 ans, on se retrouve avec un lot et un prêteur immobilier qui a accordé une hypothèque sans avoir fait preuve d'une diligence raisonnable. Peut-être que l'hypothèque a été accordée il y a longtemps et que l'emprunteur est en défaut de paiement. Le prêteur veut prendre possession de la propriété et la vendre en fonction d'un droit de vente prévu dans l'hypothèque. Le prêteur ne prendra pas possession de la propriété parce qu'il a un risque qui est rattaché à la contamination de l'environnement.

Supposons qu'il négocie une tente d'occupation des sols avec le ministre provincial responsable, puis qu'il vende la propriété. La propriété peut fort bien faire l'objet d'une hypothèque d'un million de dollars. Tout acheteur qui s'en portera acquéreur devra, pour en calculer la valeur, déduire du prix de vente ce que représente la contamination de l'environnement. C'est clair. S'il lui en coûte 2 millions de dollars pour remettre la propriété en état et que celle-ci ne vaut qu'un million de dollars par la suite, personne ne voudra l'acheter. En revanche, si la remise en état ne coûte que 500 000 $, le prix de vente est alors réduit d'autant. C'est une réalité implacable.

En outre, le coût de la remise en état remonte jusqu'aux propriétaires antérieurs en vertu de la loi provinciale. C'est alors que la superpriorité entre en ligne de compte.

Le sénateur Angus: Une superpriorité qui n'a rien à voir avec une «super» priorité.

M. Marantz: Ce n'est pas une superpriorité, parce que cette réalité économique existe déjà. Que se passe-t-il s'il en coûte plus pour remettre la propriété en état que ce qu'elle vaut? Le prêteur abandonne la propriété. Et que se passe-t-il? Eh bien, c'est la province qui intervient. S'il y a des fuites dans les eaux souterraines, la province doit prendre les mesures voulues. La province doit ensuite investir de l'argent dans la propriété. Le propriétaire l'a abandonnée. Le prêteur hypothécaire, lui aussi, l'a abandonnée. C'est là qu'intervient la superpriorité.

Quand tout le monde a tourné le dos et que la province a dépensé on ne sait combien pour remettre le terrain en état, voilà qu'ils veulent faire quelque chose. Or, ils ne possèdent pas la propriété.

Nous avons prévu, dans la disposition de superpriorité, pour que la province, l'organisme de réglementation à l'époque, ait la possibilité de grever la propriété d'une charge. Cela lui permet de se prévaloir d'un pouvoir de vente pour faire appliquer la charge, conformément aux lois provinciales ordinaires en matière de garantie. La loi ne retire rien à personne.

Le sénateur Angus: Elle prévoit un mécanisme de remise en état de l'environnement.

M. Marantz: Non seulement ça, mais elle contient également un mécanisme grâce auquel les provinces peuvent finalement récupérer, pour toute propriété abandonnée, l'argent qui y a été investi, ou du moins d'en récupérer une partie.

Personnellement, j'estime que c'est une disposition absolument sans effet. Si vous avez un problème c'est que l'industrie de l'assurance-vie l'a amplifié, selon moi. Elle a demandé pourquoi elle devait être la seule à assumer les pertes, soutenant que d'autres pouvaient en faire autant. Eh bien, personne aujourd'hui n'assume ces coûts.

Le sénateur Angus: Elle se venge de l'article 124. Elle sait comment se joue le jeu.

Le sénateur Meighen: On m'a donné à penser que les compagnies d'assurance de personne prêtent jusqu'à 30 p. 100 pour l'achat d'édifices à bureaux et autres immeubles commerciaux, où elles risquent moins que ce genre de problème se pose.

M. Marantz: Je dirais que les conséquences pratiques sont minimes.

M. Mendelsohn: Puis-je ajouter que rien de remarquable n'a été fait, certes, comme l'a expliqué M. Marantz, mais si l'on avait adopté des dispositions étendant la priorité à toutes les catégories d'actifs, cela aurait donné lieu à des changements considérables dans la loi. Dans ce cas, l'on aurait à faire à un changement tout à fait remarquable mais, selon moi, impraticable.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'aimerais savoir quand vous aurez terminé votre étude sur les cartes de crédit. Avez-vous déjà une date?

M. Mayrand: Il s'agit de l'étude sur les causes de faillite.

[Français]

M. Maynard: Il s'agit d'une étude sur les causes de la faillite qui devrait être complétée au début de l'été. Nous devrions avoir les rapports intérimaires au début de l'été, c'est-à-dire vers la fin juin ou au début juillet.

[Traduction]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je me demande pourquoi l'étude n'a pas été effectuée avant qu'on nous remette le projet de loi. Il aurait été plus utile de la recevoir avant qu'après.

[Français]

M. Maynard: Sûrement, mais l'étude ne sera pas perdue non plus. Elle va aider énormément la prochaine révision de la législation. La révision de 5 ans sera adoptée et elle va commencer après l'adoption du projet de loi. Cette étude apportera une aide à ceux qui vont examiner les dispositions de la loi. Nous ne l'avions pas en 1993 lorsque nous avons entamé les discussions qui ont mené au projet de loi C-5.

[Traduction]

Le président: Je vais remercier les représentants du ministère pour tout le temps qu'ils ont bien voulu nous consacrer au cours du dernier mois ou à peu près.

La séance est levée.


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