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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 21 - Témoignages - Séance du matin


SAINT JOHN'S (Terre-Neuve), le mercredi 5 mars 1997

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-70, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur le compte de service et de réduction de la dette et des lois connexes, se réunit aujourd'hui à 9 heures pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, nos premiers témoins aujourd'hui sont MM. Dale Kirby et Reg Porter, de la Canadian Federation of Students of Newfoundland and Labrador, et M. Robert Mendoza, du Council of the Students' Union of Memorial University of Newfoundland.

M. Dale Kirby, porte-parole, Canadian Federation of Students of Newfoundland and Labrador: Notre organisation regroupe toutes les organisations étudiantes ainsi que tous les étudiants du niveau postsecondaire de la province. Nous comptons huit unions ou associations membres, qui nous viennent de l'université, et nous représentons tous les collèges et instituts techniques de la province. Nous avons rédigé un court texte qui expose les éléments du projet de loi qui, à notre avis, auront un effet sur les étudiants de la province et feront augmenter le coût de l'éducation postsecondaire.

Le coût de l'électricité va augmenter. Ou bien parce que les étudiants devront la payer eux-mêmes, ou parce que leurs propriétaires vont augmenter les loyers. Cela touchera tout particulièrement les étudiants qui reçoivent de l'aide de leurs parents.

La taxe de vente harmonisée coûtera environ 750 000 $ de plus par année à l'Université Memorial. Cela nous trouble beaucoup parce que le budget provincial n'a pas encore été dévoilé, et nous nous attendons à de nouvelles ponctions. Ces nouvelles dépenses nous seront tout simplement refilées. Nous savons que chaque fois qu'il y a un manque à gagner dans le budget de l'institut, on augmente les frais de scolarité. Permettez-moi de citer Post-secondary Indicators '95, une publication du ministère provincial de l'Éducation et de la Formation. Il y est dit:

[...] les frais de scolarité actuels constituent un fardeau financier pour les étudiants de Terre-Neuve et du Labrador car ce sont les plus élevés au pays à cause du faible revenu par habitant dans la province.

Nous ne pouvons pas absorber de nouvelles augmentations des frais de scolarité et conserver un système d'éducation accessible et abordable dans la province.

Pour ce qui est des manuels, on ne sait pas comment la taxe va s'appliquer. Certains ont dit qu'il y aurait une remise au point de vente. Nous ne savons pas trop comment on va faire ça, et on nous a dit que le gouvernement provincial jouerait un rôle ici. Nous ne savons pas si tous les gouvernements provinciaux qui ont adopté la TVH feront cela, ou si c'est simplement une option. Nous avons un accord verbal avec le gouvernement provincial selon lequel les étudiants auront droit à une remise. Il semble que nous paierons moins pour les fournitures scolaires.

Cependant, il y aura augmentation du prix des vêtements de moins de 100 $. Et cela, outre l'augmentation du coût de l'électricité, aura des répercussions sur les parents qui doivent habiller leurs enfants aux études.

Nous répétons que nous ne pouvons pas absorber une nouvelle augmentation des frais de scolarité qui aurait pour but d'éponger les coûts d'exploitation supplémentaires de nos établissements postsecondaires.

M. Robert Mendoza, représentant, Council of the Students' Union of Memorial University of Newfoundland: À ce que Dale a dit, j'ajoute que, pour l'essentiel, cette taxe aura pour effet d'abaisser les coûts pour les étudiants de Terre-Neuve. Le coût des fournitures comme les crayons, le papier, les reliures et tout le reste, va diminuer. On va également assister à une baisse de certaines dépenses quotidiennes des étudiants.

Cependant, il n'y aura aucun changement au coût des livres, mais personne ne comprend cette histoire de remise au point de vente. On craint que certaines librairies incluent la TVH, si bien qu'il sera écrit 1,15 $ sur l'étiquette par exemple, mais on vous facturera 1,07 $. D'autres librairies auront la possibilité de ne pas inclure la taxe si remise est faite au point de vente, et l'étiquette dira 1,07 $. On ne s'y retrouve plus.

L'augmentation des tarifs d'électricité aura certainement un effet sur les étudiants qui sont à loyer parce que les propriétaires vont augmenter les loyers. Il en coûtera plus cher aussi pour prendre l'avion ou l'autobus. À Terre-Neuve, où la population est tellement dispersée, les étudiants qui voudront rentrer chez eux à Pâques, ou au moment du congé d'études, ou à Noël, devront débourser davantage pour voyager.

De même, en partie à cause de la TVH et des accords d'harmonisation, Terre-Neuve envisage une taxe de 15 p. 100 sur l'assurance, qui pourrait aussi avoir des effets très négatifs sur les étudiants. Ceux-ci doivent emporter beaucoup de choses lorsqu'ils prennent un appartement à St. John's, et la plupart d'entre eux contractent des assurances pour ça.

On craint aussi qu'on répercute sur les étudiants l'augmentation de frais que devront accepter l'université et les établissements postsecondaires de la province.

L'Université Memorial offre un plan de frais de scolarité de trois ans aux étudiants. Il était entendu, lorsque ce plan a été mis de l'avant, qu'il ne subirait aucun changement important. À mon avis, une augmentation de 750 000 $ dans les dépenses universitaires sera considérée par l'université comme un changement important.

On parle aussi d'élargir l'assiette fiscale. Même si la TVH est appliquée en ce moment directement aux produits et services visés par la TPS, est-ce qu'on va élargir l'assiette fiscale? Personne n'a répondu à cette question.

Je m'interroge également sur la motivation qui anime l'imposition de la TVH. D'après la plupart des informations que j'ai vues, cette taxe viserait à profiter à l'entreprise. Celle-ci pourra réduire ses dépenses parce qu'elle n'aura plus à vivre avec deux taxes. La question est celle-ci: les consommateurs vont-ils profiter de ces économies?

L'entreprise profitera-t-elle de la TVH pour augmenter le coût de certains articles? Par exemple, à l'heure actuelle, pour chaque dollar que je dépense, je paie une taxe de 19,84 p. 100, soit 1,19 $, ou 1,20 $ si on arrondit. Je devrai dorénavant payer 1,15 $ à cause de l'harmonisation des taxes, mais les entreprises en profiteront-elles pour exiger 1,20 $ disons, un beau chiffre rond?

On n'obligera pas les marchands à indiquer la TVH sur les reçus. L'acheteur devra faire les calculs lui-même. C'est exactement la situation que nous avons aujourd'hui. Personne n'est obligé de dire combien de taxe on a payé pour un achat.

Les étudiants vont faire des économies négligeables à l'achat d'articles à faible prix. Pour certains articles, ils économiseront entre 3 p. 100 et 4 p. 100.

On n'apportera aucun changement aux niveaux d'aide financière aux étudiants pour compenser les augmentations qui seront imposées aux étudiants, par exemple pour les transports. La confusion totale règne chez les consommateurs, particulièrement les étudiants, qui ne savent pas les effets que cette mesure aura, particulièrement en ce qui concerne les livres. Il y a beaucoup d'étudiants qui ne s'y retrouvent pas.

On s'attend -- et c'est ce que dit un communiqué de presse du gouvernement fédéral -- à ce que les entreprises adoptent le prix taxe comprise que privilégierait le consommateur canadien. Je trouve effrayant que le gouvernement fédéral s'attende à cela des entreprises, et ne les y oblige pas. À mon avis, c'est une façon ridicule de faire les choses, et le gouvernement fédéral devrait prendre position et imposer son point de vue aux entreprises.

À Terre-Neuve en particulier, les économies que pourraient faire les consommateurs seront annulées par la nouvelle surtaxe provinciale sur le recyclage.

La TVH s'appliquera désormais aux commandes par correspondance. C'était une bonne façon pour les étudiants, ainsi que pour les autres consommateurs, de réaliser parfois des économies. La TVH sera imposée sur les achats faits à l'extérieur de la province.

Ce que je crains le plus, c'est le fait que le gouvernement provincial va toucher moins d'argent. La subvention fédérale est aujourd'hui de 348 millions de dollars pour quatre ans, soit 87 millions de dollars par année. Le provincial perdra 105 millions de dollars de recettes par année. Le gouvernement provincial devra donc trouver 18 millions de dollars de plus par année. Avec les compressions récentes que le gouvernement provincial a dû subir dans ses revenus, il lui sera très difficile d'absorber une nouvelle perte de 18 millions de dollars par année.

Je n'aime pas me lamenter sans offrir de solutions réalisables ou à tout le moins quelques idées. Il faut ajuster les niveaux d'aide financière aux étudiants pour tenir compte de toute augmentation du coût de la vie attribuable à la TVH. Même si les étudiants vont bien finir par payer un jour, parce qu'il s'agit d'un prêt et qu'ils seront obligés de le rembourser, cela permettrait du moins aux étudiants de résoudre leurs problèmes de liquidités, et cela les aiderait, temporairement du moins.

Il faudrait offrir un crédit d'impôt semblable au crédit d'impôt de la TPS aux familles à faible revenu et aux étudiants pour compenser l'augmentation du coût de la vie.

Il faudrait aussi s'assurer qu'une partie des paiements de péréquation destinés aux provinces sera versée directement aux établissements d'enseignement qui seront le plus touchés par les augmentations de certains coûts comme celui de l'électricité. La facture d'électricité de Memorial se chiffre à 4 millions de dollars, et nous craignons que l'augmentation de 750 000 $ se reflète dans les frais de scolarité, même si on a augmenté ceux-ci de 20 p. 100 l'an dernier, et qu'on s'attend à une augmentation de 5 p. 100 cette année et de 5 p. 100 de plus l'an prochain.

Le gouvernement du Canada doit assumer sa responsabilité financière envers les jeunes et l'éducation postsecondaire. Il doit mettre en place des restrictions qui empêcheraient les établissements postsecondaires de compenser toute augmentation des dépenses par des augmentations des frais de scolarité, ce qui est leur pratique actuelle.

Le sénateur Cochrane: Je suis heureuse que vous ayez décidé de venir ici exprimer vos inquiétudes relativement à la taxe de vente harmonisée.

Nous savons tous que les étudiants ont des moyens limités, mais pensez-vous que vous et les autres étudiants pourrez absorber les dépenses supplémentaires que vous imposera la taxe de vente harmonisée?

M. Mendoza: Ils pourraient peut-être les absorber, mais le problème, c'est qu'à l'heure actuelle, les étudiants ne savent pas comment la taxe va s'appliquer. Personne ne sait à quoi la taxe va s'appliquer, si bien que les étudiants ne peuvent pas établir de budget en conséquence. D'après ce que je comprends, il n'y aura pas d'augmentation des coûts, mais il y a encore beaucoup de confusion et il n'y a tout simplement pas moyen de trouver les informations voulues.

Le sénateur Cochrane: Vos étudiants ont-ils toute l'information?

M. Mendoza: Non, pas du tout. Rares sont les étudiants qui savent l'effet que cette taxe aura sur eux.

M. Kirby: Vous voulez savoir si les étudiants qui bénéficient d'une aide financière pourront absorber les augmentations qui résulteront de la TVH. Le montant du prêt est fixé aujourd'hui selon les dépenses que font les étudiants. Le système d'aide financière est incapable d'absorber de nouvelles augmentations. Au dernier semestre, l'Université Memorial a augmenté ses frais de scolarité et l'on a augmenté l'aide financière. Il nous faut une mesure qui nous permettra de compenser l'augmentation des coûts.

Le sénateur Cochrane: De combien pensez-vous qu'il faudra augmenter l'aide financière pour compenser les augmentations qui résulteront de la taxe de vente harmonisée?

M. Mendoza: Nous n'avons pas de chiffres concrets, mais nous avons obtenu une augmentation provinciale de 16 $ par semaine. Cette augmentation de 16 $ par semaine compense tout juste l'augmentation des frais de scolarité. Nous sommes maintenant au niveau maximum de 275 $ par semaine. Les étudiants se débrouillent tout juste. Toute augmentation des coûts doit être compensée par une augmentation proportionnelle de l'aide financière aux étudiants. Une augmentation de 5 p. 100 des frais de scolarité exige une augmentation de 5 p. 100 de l'aide financière, ou à tout le moins une disposition plus généreuse pour les frais de scolarité dans l'aide financière.

S'il y a augmentation générale des dépenses de 5 p. 100 ou de 10 p. 100, il faut ajuster les niveaux d'aide financière aux étudiants en conséquence. Je ne peux pas vous donner de chiffres concrets parce que je n'ai pas calculé les diverses allocations.

Le sénateur Cochrane: Ces 275 $, c'est ce à quoi a droit un étudiant qui vit seul?

M. Mendoza: C'est pour chaque étudiant. C'est le maximum. Il y avait autrefois une différence entre les étudiants qui recevaient de l'aide de leurs parents et ceux qui n'en recevaient aucune. Nous étions au niveau maximum permis pour les étudiants qui reçoivent de l'aide de leurs parents. Nous avons augmenté au maximum l'aide consentie aux étudiants qui ne reçoivent aucune aide de leurs parents. On ne peut pas aller plus haut pour personne. Le maximum qu'un étudiant peut recevoir, c'est 275 $ par semaine. On prend en compte l'évaluation des besoins lorsqu'on trace une distinction entre les étudiants mariés et non mariés.

Le sénateur Cochrane: Vous nous avez dit que la facture de l'Université Memorial pour l'électricité est actuellement de 4 millions de dollars, et si cette taxe de vente harmonisée est adoptée, elle alourdira la facture de 750 000 $ par année, et vous vous attendez à ce que cette augmentation soit absorbée par les étudiants.

M. Mendoza: L'université semble avoir pour pratique de compenser toutes les dépenses supplémentaires par l'augmentation des frais de scolarité. La seule autre solution qui s'offre à elle serait une ponction dans les fonds de dotation et de bourses d'études.

J'ai entendu dire que l'université se servirait du fonds de dotation de 12 millions de dollars pour les bourses aux étudiants pour compenser toute nouvelle augmentation. Cela m'inquiète parce que ce n'est pas le but de ce fonds.

Le sénateur Cochrane: À votre avis, est-ce que cela pourrait faire baisser le nombre d'inscriptions?

M. Mendoza: À cause de ces coûts supplémentaires, je pense qu'il y aura moins de gens désireux de faire des études, oui.

Le sénateur Losier-Cool: Ce que vous dites, c'est qu'il y a un manque d'information. J'ignore si c'est votre responsabilité ou celle de l'université d'informer les étudiants. Hier, nous avons pris connaissance du rapport du CEPA, qui dit clairement que c'est Terre-Neuve qui profitera le plus de la TVH. Peut-être que vous n'en profiterez que lorsque vous aurez terminé vos études, et si je vous comprends bien, ce que vous voulez, c'est être en mesure de terminer vos études. Nous savons que les étudiants doivent s'endetter beaucoup.

J'ai la certitude que vous savez que le crédit d'impôt pour études sera augmenté de 150 p. 100 de 1996 à 1999. Par exemple, si le crédit est de 80 $ par mois en 1996, il sera de 200 $ par mois en 1999.

M. Kirby: C'était ce que prévoyait le dernier budget fédéral il y a à peine quelques semaines?

Le sénateur Losier-Cool: Oui.

Il y a aussi des dispositions pour le conjoint qui travaille. Pour les étudiants qui ne vivent pas chez eux, le montant est de 105 $ par mois. Les étudiants devraient avoir ces détails. Prenez-vous des mesures pour informer vos membres?

M. Kirby: Nous tenons une assemblée générale deux fois par année, où tous les dirigeants étudiants de la province se réunissent. Nous nous servons de serveurs de liste et d'Internet pour diffuser les informations. Nous tâchons aussi de diffuser les informations par l'entremise de notre représentant régional dans chaque établissement.

On nous a dit récemment que le gouvernement provincial va créer une page Web sur l'aide financière aux étudiants, et que ceux-ci pourront faire des demandes de prêts par Internet. C'est une initiative que nous assumerons aussi. Même si nous faisons en quelque sorte le travail du ministère, nous croyons que nous avons une responsabilité. Nous faisons de notre mieux pour informer nos membres des avantages de cette nouvelle mesure.

Le sénateur Losier-Cool: Il y a aussi le programme pour la jeunesse qui a été proposé par le ministre Pettigrew. Est-ce qu'il a visité Terre-Neuve? Je sais qu'il était au Nouveau-Brunswick pour parler de ce programme aux étudiants.

M. Kirby: Je ne crois pas qu'il soit venu ici, mais nous connaissons ce programme.

Le sénateur Losier-Cool: Quelqu'un de son ministère devrait venir ici.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je suis d'accord avec ma collègue pour dire que vous devriez certainement obtenir une aide quelconque pour fournir des informations plus détaillées à vos membres.

Je crois savoir que la taxe sur les logiciels, les services d'Internet, les services de restauration, va passer de 19,84 p. 100 à 15 p. 100, ce qui est beaucoup. Je sais bien sûr que le matériel requis pour certaines disciplines, comme les arts graphiques et l'art dentaire, est très coûteux, mais une diminution de 4,8 p. 100, c'est beaucoup, si l'on conjugue cela avec le nouveau programme pour la jeunesse qu'a proposé M. Pettigrew et qui se chiffrera à 350 millions de dollars.

Préférez-vous qu'on vous aide en vous offrant l'accès à des programmes d'internats ou à des programmes de création d'emplois l'été, ou préférez-vous qu'on vous aide en vous consentant des prêts et des bourses? Ou préférez-vous une combinaison des deux?

M. Kirby: Ce qui nous préoccupe essentiellement relativement à tout ce programme de création d'emplois pour les jeunes, c'est la qualité des emplois que les étudiants obtiennent. Nous avons réclamé toute l'année un programme d'alternance travail-études, intégré au programme d'aide financière de l'étudiant, et par lequel ce dernier serait jumelé avec son professeur et obtiendrait ainsi un emploi utile, directement lié à son champ d'étude. Ainsi, l'étudiant acquerrait l'expérience d'un emploi à temps partiel ou à temps complet durant l'été à son établissement d'enseignement. Ce serait une expérience utile. La nature de l'emploi obtenu au cours de l'été pourrait être très diverse. Si l'on obtient un emploi à temps partiel ou un emploi d'été, on a de la chance, parce qu'il y a tant de gens dans cette province, particulièrement les jeunes, qui cherchent du travail.

C'est à Terre-Neuve que le taux de chômage chez les jeunes femmes est le plus élevé au pays. L'an dernier, je crois que nous avions, encore une fois, le taux de chômage le plus élevé chez les jeunes pendant les programmes d'été. C'est la disponibilité des emplois qui nous préoccupe plutôt que la qualité, bien que nous aimerions également qu'il y ait des emplois de qualité. Toutefois, pour l'instant, n'importe quoi fera l'affaire.

Le sénateur Rompkey: Les attachés de recherche me rappellent que le prix des vêtements pour adultes va également diminuer.

Je veux examiner un peu plus avant ce que vous venez de dire au sujet du compromis entre les frais de scolarité et l'emploi, et je tiens à mentionner que le programme coopératif se porte très bien à l'Université Memorial, surtout dans le domaine du génie et de l'administration des affaires. En fait, il y a des centaines d'étudiants de Memorial actuellement à Ottawa qui travaillent chez Nortel et au ministère des Transports. Comme vous le savez, il s'agit d'un programme qui combine la formation en cours d'emploi et les études universitaires.

Est-ce le genre de programme que vous voulez voir développer? Cela a donné d'excellents résultats à l'Université Memorial.

M. Mendoza: Si ces programmes prenaient de l'ampleur, ce serait magnifique. Nous avons toutefois relevé un problème en ce qui concerne la rémunération des étudiants dans le cadre de ces programmes. Quatre-vingt pour cent de la rémunération est défalquée de l'aide aux étudiants. Donc, si vous gagnez 3 000 $ au cours de l'été, une somme suffisante pour survivre, pour payer toutes vos factures, payer vos dépenses, payez votre loyer, le chauffage et l'électricité, on s'attend néanmoins à ce que vous utilisiez 2 400 $ pour payer votre éducation.

La politique d'aide financière aux études, une politique fédérale, prévoit qu'il faut 600 $ à un étudiant pour survivre pendant l'été et qu'il faut déduire 2 400 $ de l'indemnité versée à l'étudiant en septembre au titre de l'aide financière aux études. Cela décourage les étudiants d'aller se trouver un emploi d'été. Les étudiants ne se trouvent pas un emploi d'été afin de pouvoir payer leurs frais de scolarité en septembre, ils veulent obtenir une expérience de travail.

Je connais des étudiants qui, l'an dernier, au titre du PFEÉÉ, Programme fédéral d'emplois d'été pour étudiants et étudiantes, tondaient la pelouse. On les payait pour ça. En quoi est-ce lié à des études pour un baccalauréat en sciences ou ès arts? En rien. Ces emplois ne sont pas liés au domaine d'étude de l'étudiant. Je reviens à ce que Dale disait, que les étudiants cherchent des emplois de qualité. Je suis tout à fait en faveur de programmes coopératifs de qualité, mais pas en faveur de programmes d'emploi qui ne permettent pas de gagner de l'expérience.

Le sénateur Rompkey: Les mesures prévues dans le dernier budget ne visaient-elles pas justement ce point?

M. Mendoza: Non. Certaines des mesures représentaient plutôt du rattrapage qu'un avantage réel. Je parle de certains incitatifs fiscaux et de l'augmentation de l'indemnité d'études, et cetera. Ces mesures compensaient en partie l'augmentation des frais de scolarité et des coûts au cours des quatre dernières années. C'est la première augmentation depuis longtemps.

Le sénateur Rompkey: Nous voudrons peut-être, monsieur le président, examiner cette question.

Le président: Merci beaucoup, messieurs.

Nous accueillons maintenant des représentants de Hospitality Newfoundland and Labrador, du St. John's Board of Trade, de la Newfoundland and Labrador Federation of Municipalities et de la Newfoundland and Labrador Crafts Development Association.

M. Sandy Gibbons, vice-président directeur, St. John's Board of Trade: Je suis accompagné aujourd'hui de M. Gary Reardon, directeur de la politique fédérale à la Chambre de commerce, et de Mme Nancy Healy, directrice générale adjointe de la Chambre de commerce.

La Chambre de commerce de St. John's est la plus grande organisation commerciale de la province puisque nous représentons plus de 600 entreprises de tous les secteurs où travaillent plus de 20 000 personnes. La Chambre de commerce de St. John's exerce des pressions auprès des gouvernements fédéral et provinciaux depuis plusieurs années en faveur de l'harmonisation de la taxe sur les produits et les services avec la taxe de vente provinciale. Nous sommes heureux de constater que les entreprises ne verseront leur remise qu'à un seul palier de gouvernement. Nous réduirons ainsi les coûts administratifs pour la province de Terre-Neuve et du Labrador, tout en réduisant la paperasserie pour toutes les entreprises.

À la Chambre de commerce, nous sommes également très heureux du régime de crédit de taxe sur les intrants qui éliminera en grande partie la taxe de vente que les entreprises doivent remettre. Nous sommes également heureux du taux réduit qui, à notre avis, stimulera l'économie. Nous partageons la préoccupation des détaillants d'articles à prix élevé qui craignent que le laps de temps avant la mise en oeuvre, du 1er janvier 1997 au 31 mars 1997, entraînera une diminution des ventes au détail. Nous espérons que les ventes reprendront après le 1er avril et que les entreprises, nombreuses à avoir manifesté leur intention d'absorber la réduction de prix de 5 p. 100 du 1er janvier au mois d'avril 1997, survivront à la période de transition.

La Chambre de commerce de St. John's continue à appuyer l'harmonisation de la TPS et de la TVP. Les entreprises profiteront de l'harmonisation grâce à des économies qui se refléteront dans leur bilan. Toutefois, nous continuons à avoir des préoccupations que je veux porter à l'attention des membres du comité. Il s'agit du prix taxe comprise, de l'incidence de la TVH sur les contrats privés avec les municipalités, les universités, les écoles et les hôpitaux, de l'incidence de la TVH sur la construction et la rénovation domiciliaires. Je vais prendre chacune de ces préoccupations à tour de rôle.

Parlons d'abord de l'inclusion de la taxe dans le prix. Les gouvernements prétendent vouloir simplifier la vie de la petite entreprise, mais l'inclusion de la taxe dans le prix va directement à l'encontre de cet objectif. Il n'y a aucune raison, sur le plan commercial d'adopter cette formule. Nous préférerions que l'on mette en oeuvre cette initiative, sur une base facultative, jusqu'à la mise en oeuvre de la TVH, à l'échelle du pays, jusqu'à l'harmonisation de toutes les taxes de vente provinciales avec la TPS.

Le gouvernement ne doit pas imposer aux entreprises d'une région l'inclusion de la taxe dans le prix. Si les consommateurs veulent vraiment cette mesure, dans le cadre d'un régime volontaire, ils fréquenteront les commerces où la taxe est incluse dans le prix et non pas les autres.

Imposer ce régime fiscal dans une région géographique et économique aussi petite pose de nombreux problèmes qui n'existeraient pas si l'harmonisation se faisait à l'échelle du pays.

Il faut retarder la mise en oeuvre de cette disposition jusqu'à ce que les inefficacités et les coûts associés à l'inclusion de la taxe dans le prix disparaissent grâce à l'adoption de cette mesure à l'échelle nationale. La Chambre de commerce est d'avis que le consommateur ne tient pas à ce que la taxe soit incluse dans le prix si cela signifie des prix plus élevés. Si cette mesure ne faisait pas partie de la formule de TVH, elle n'entraînerait que des coûts minimes pour l'entreprise et les consommateurs profiteraient de la réduction des taux de taxe inférieurs dans le cadre de l'harmonisation. Il n'y a aucune raison pour que 2 millions d'habitants dans les trois plus petites provinces du Canada soient désynchronisés par rapport au reste du pays. Il n'y aurait aucune incidence économique négative pour quiconque si l'on éliminait la disposition proposée.

La mise en oeuvre de cette politique de fixation des prix entraînera des modifications importantes aux systèmes de comptabilité, de fixation des prix et de points de vente des entreprises. Il en coûtera plus cher aux détaillants pour réétiqueter les produits, surtout ceux qu'ils reçoivent de distributeurs nationaux qui ont déjà à fixer les prix, et pour adapter les caisses enregistreuses et mettre à jour les systèmes d'inventaire informatisés que ce qu'ils retireront en crédits de taxe sur les intrants. Bien que nous nous rendions compte que certaines entreprises seront plus touchées que d'autres, si toutes les entreprises font face à des coûts accrus, qui en fera les frais? Le consommateur.

Nous proposons donc de mettre en oeuvre l'inclusion de la taxe dans le prix, sur une base volontaire, jusqu'à ce que la TVH soit introduite à l'échelle nationale. Je vous encourage à adopter cette option volontaire plutôt que d'obliger les entreprises à instaurer l'inclusion de la taxe dans le prix.

Dans un deuxième temps, nous nous préoccupons de l'incidence de la TVH sur les contrats privés avec les municipalités, les universités, les écoles et les hôpitaux. Le secteur M constitue une extension des activités du gouvernement provincial. Les modifications à la perception de la taxe de vente provinciale dans ce secteur représente essentiellement un changement dans le financement par le gouvernement provincial des activités du secteur public dans ces domaines puisque les deniers publics versés à ce titre seront imposés. Ce secteur paie la TPS mais dans certains cas reçoit une remise de la taxe versée.

Il semblerait que la partie taxe à la valeur ajoutée provinciale, TVAP, de cette nouvelle taxe, ne donnera pas droit à une remise comme la TPS. Or celle-ci varie, pour ce secteur, entre 57,14 et 83 p. 100, entraînant un taux réel de taxe de 3 à 1,2 p. 100. L'élargissement de la TVP, sans remise, augmentera le taux de taxe réel de 9,2 à 11 p. 100. Si l'on utilisait la même structure que pour la remise de la TPS, le taux de taxe réel varierait de 6,4 à 2,6 p. 100.

La Chambre de commerce aimerait que le gouvernement de Terre-Neuve exempte ce secteur de la TVAP. Dans le cas contraire, les impôts fonciers seront peut-être augmentés afin de compenser les taxes supplémentaires versées au gouvernement provincial.

L'harmonisation influera également négativement sur les décisions relatives aux contrats dans le secteur M à cause de l'élargissement de l'assiette fiscale. On ne renouvellera peut-être pas les contrats actuels, ce qui aura une incidence néfaste sur les entreprises qui ont actuellement ces contrats; on n'accordera peut-être pas de nouveaux contrats, réduisant ainsi les possibilités des entreprises de ce secteur.

Les coûts de main d'oeuvre associés aux produits et services représentent une taxe de 8 p. 100 de plus si ceux-ci sont donnés à contrat, mais pas si le travail est fait à l'interne. Une telle conséquence va à l'encontre d'une directive récente du gouvernement provincial favorisant le partenariat des secteurs public et privé. L'élargissement de la TVP au secteur M restructure le financement public de ce secteur et par conséquent, cette mesure, par des impôts municipaux plus élevés et des possibilités perdues, aura une incidence néfaste sur l'entreprise. On devrait songer à étendre la structure actuelle de la remise de la TPS de ce secteur à la nouvelle TVAP afin de réduire le plus possible les conséquences négatives ou encore on devrait exempter ce secteur de la partie TVP de la taxe.

Notre troisième préoccupation porte sur le secteur de la construction domiciliaire et de la rénovation. On prévoit que la TVH entraînera une augmentation pouvant atteindre 5 p. 100 du prix des maisons neuves construites par des entrepreneurs enregistrés. Les crédits de taxe sur intrants demandés par les constructeurs ne suffiront pas à réduire le coût des maisons neuves, comme le prétend le gouvernement. En outre, nous craignons qu'elle alimente de plus belle l'économie souterraine généralisée que l'on retrouve dans le secteur de la construction et de la rénovation domiciliaires. L'économie souterraine a prospéré dans cette région, et la Chambre de commerce et ses membres du secteur de la construction ne pensent pas que les crédits de taxe sur intrants suffiront à pousser les constructeurs illégaux à s'inscrire lorsqu'ils peuvent échapper à Revenu Canada et se soustraire aux charges sociales, aux cotisations à la Commission des indemnités de travail et aux autres coûts de développement professionnel.

Les entrepreneurs professionnels versent des taxes et des droits municipaux, provinciaux et fédéraux. Ils investissent leur temps et leur argent dans le développement de leurs propres compétences et offrent aux consommateurs une assurance-responsabilité civile dans le cadre des programmes de garantie domiciliaire de l'Atlantique. Après la mise en oeuvre de la TPS, il y a eu pendant cinq ans, réduction du nombre de maisons construites, augmentation du prix des maisons neuves en raison de la taxe et diminution du pourcentage de maisons construites par des professionnels comparativement au nombre de maisons construites par des propriétaires et des entrepreneurs au noir.

Si cette fois-ci les résultats sont semblables à ce qui s'est passé lors de l'introduction de la TPS, ce que nous avons tout lieu de croire, nous pouvons nous attendre à perdre des emplois dans le secteur de la construction et de la rénovation domiciliaires et à une perte de revenu pour le gouvernement. La Chambre de commerce demande donc une remise de la TVH pour le secteur de la construction résidentielle.

Si l'histoire se répète, la perte de revenu attribuable à la diminution du nombre de mises en chantier et du pourcentage de maisons construites par des entrepreneurs et des propriétaires et à l'augmentation du travail pour les rénovateurs de l'économie souterraine provoquera une réduction marquée des taxes tout en encourageant les consommateurs à ne pas traiter avec des entrepreneurs légitimes.

Pour conclure, la Chambre de commerce de St. John's maintient fermement son appui envers l'harmonisation de la taxe de vente provinciale et avec la taxe sur les produits et services. Nous sommes persuadés qu'un régime simplifié et rationalisé, associé à un taux de taxation inférieur et à des crédits complets de taxe sur intrants, peut réduire la paperasserie des entreprises, libérer des ressources et réduire les coûts. Bien que nous appuyons l'harmonisation de la taxe, nous voulons nous assurer que la mise en oeuvre se fera de manière à ne pas nuire à l'économie de la province tout en favorisant au maximum la croissance et le potentiel économiques de la province.

Par conséquent, retenons l'inclusion de la taxe dans le prix sur une base volontaire. Mettons en place une structure de remise pour la partie TVP versée aux municipalités, aux universités et hôpitaux. Enfin, offrons une remise aux acheteurs de maisons neuves et au secteur de la rénovation.

Mme Anne Manuel, directrice générale, Newfoundland and Labrador Crafts Development Association: J'aimerais commencer par vous décrire brièvement la nature de l'industrie artisanale à Terre-Neuve et au Labrador et vous parler de ceux qui, dans cette province, fabriquent et vendent des produits confectionnés à la main.

L'industrie de l'artisanat de la province emploie entre 1 500 et 2 000 personnes soit à temps plein ou à temps partiel. Il y a des artisans qui vivent et travaillent dans toutes les parties de la province, en région urbaine et en région rurale; ils sont nombreux à travailler seuls, et certains ont quelques personnes qui travaillent pour eux. Les artisans se procurent leurs matériaux et leur équipement un peu partout au monde, mais surtout au Canada central. Le fruit de leur travail est vendu partout en province et au pays et certains commencent même à vendre à l'étranger.

L'industrie de l'artisanat est très prisée dans cette province et constitue l'un des 11 secteurs au fort potentiel de croissance identifiés comme étant capables de contribuer à l'économie de la province. Grâce à un solide appui des deux paliers de gouvernement, l'industrie de l'artisanat contribue de façon considérable au tourisme et au secteur culturel. Afin d'encourager la croissance de cette industrie et la création d'emplois dans ce secteur, en 1985, le gouvernement provincial a exempté de la taxe de vente au détail la plupart des produits confectionnés à la main. L'industrie de l'artisanat a réagi très bien à cet appui. On évalue, de façon conservatrice, la valeur de cette industrie à 15 millions de dollars pour les artisans de Terre-Neuve et du Labrador. En fait, il ne s'agit pas d'une estimation mais bien plutôt de la valeur calculée. Toutefois, le chiffre estimatif pourrait probablement atteindre 20 millions de dollars.

La nouvelle taxe de vente harmonisée menace gravement le bien-être de cette industrie. Il est difficile de vous présenter clairement les dommages probables de cette taxe. L'industrie est très diversifiée, ce qui signifie que les différents secteurs seront touchés de façon différente, mais tous de façon négative; les menaces s'accroîtront pour ce que nous avons construit à grand- peine.

La plupart des entreprises artisanales de cette province sont très modestes. Quatre-vingt-cinq pour cent d'entre elles n'atteignent pas le seuil des 30 000 $ pour petits commerces et n'auront pas à faire payer la TVH à leurs clients. Les 15 p. 100 qui restent, les plus grandes entreprises qui devront faire payer la taxe, ont des employés et des marchés nationaux et internationaux. Les acheteurs d'artisanat seront naturellement portés à acheter les produits sans TVH donnant ainsi aux petits commerçants un avantage marqué sur le marché.

Nous sommes une association de développement et nous ne pouvons pas contester une politique qui donnera de l'aide et un appui à ce petit secteur commercial en expansion, mais nous devons également reconnaître que ce sont les plus grandes entreprises qui alimentent l'industrie, fournissent de l'emploi, rémunèrent les contribuables et contribuent énormément à l'économie provinciale. Nous sommes dans une situation où il n'y a pas de gagnant. Je n'arrive pas à trouver une formule de taxe de vente harmonisée qui d'une part bloque l'incidence néfaste qu'avait l'exemption de taxe provinciale et d'autre part offre une mesure équitable qui permette tant aux petits artisans qu'aux grandes entreprises de continuer.

En outre, le seuil de 30 000 $ sera considéré comme un plafond pour ces petites entreprises. Puisque la croissance au-delà de ce montant entraînera automatiquement une augmentation de prix de 15 p. 100 au détail, nombreux seront les artisans qui seront encouragés à rester petits.

Malgré ces points, les petits artisans connaîtront également des difficultés lors de la mise en oeuvre de la nouvelle taxe. S'ils décident de ne pas s'inscrire, ils n'auront pas droit aux crédits de taxe sur intrants, ce qui signifie que leurs coûts de fabrication et d'entreprise augmenteront de 8 p. 100. Il faudra soit faire payer cette somme au client, soit augmenter les prix et diminuer ainsi les ventes ou absorber ce coût, ce qui sera difficile puisque la marge bénéficiaire est très souvent à peu près de 8 p. 100.

Nous nous soucions également beaucoup de la disponibilité des fournitures et du matériel pour artisans dans cette province. La plupart des fournitures utilisées par nos artisans ne sont pas disponibles dans notre région et doivent être importées de l'extérieur, généralement par l'intermédiaire de fournisseurs du Canada central. Il a beaucoup été question dans les médias du cas d'un fournisseur essentiel pour les menuisiers de la province, qui a fait part de son intention de ne plus desservir cette région, ce qui pourrait inciter d'autres compagnies à faire la même chose. Les artisans vont alors devoir s'approvisionner à l'étranger. La compagnie en question fournit de l'équipement qui n'est disponible nulle part ailleurs, en tout cas, pas dans cette région.

Le sénateur Angus: Pourquoi n'est-il pas disponible?

Mme Manuel: La compagnie dit qu'elle ne peut faire face à l'obligation d'inclure le montant de la taxe dans les prix annoncés dans ses catalogues, et ses employés sont incapables de donner des prix «toute taxe comprise» au téléphone. Voilà le problème.

Je vous ai laissé des exemplaires de mon mémoire, et je n'ai donc pas besoin d'entrer dans les détails. Le problème pour l'artisanat, c'est que le gouvernement fédéral prétend que cette nouvelle taxe est juste et équitable pour les artisans, alors qu'elle les dresse les uns contre les autres; comment peut-on prétendre qu'un tel système est juste?

En conclusion, je tiens à répéter qu'à notre avis, la nouvelle taxe de vente harmonisée constitue un obstacle majeur à la croissance de l'artisanat provincial. D'une part, elle dissuade les petites entreprises qui voudraient prendre de l'expansion et d'autre part, elle pénalise ceux qui ont travaillé très fort et qui ont fait des sacrifices pour assurer la prospérité de leur entreprise. À cause de l'ancienne exemption de la taxe de vente au détail, les objets d'artisanat vont tomber dans la catégorie des produits qui vont subir une augmentation de prix importante lors de la mise en oeuvre de la TVH. Le gouvernement fédéral prétend que cette nouvelle taxe est équitable, mais ce n'est certainement pas le cas dans le domaine de l'artisanat. Du fait de la nature de la réglementation fiscale et du caractère particulier de l'artisanat, une partie de ce secteur va prendre l'avantage commercial sur l'autre. De toute évidence, cette mesure injuste ne peut que porter préjudice à un secteur qui, jusqu'à maintenant, a pourtant manifesté une grande vigueur.

J'espère que vous comprenez les difficultés que va devoir affronter l'artisanat à cause de cette nouvelle mesure législative.

M. Randy Simms, vice-président, Newfoundland and Labrador Federation of Municipalities: Mesdames et messieurs, au nom de la Federation of Municipalities, je voudrais vous remercier de nous donner l'occasion d'intervenir devant vous ce matin. Nous pensons qu'à tous les niveaux de gouvernement, y compris au niveau local, il est souhaitable que toute mesure législative à l'état de projet soit soumise à un deuxième examen objectif.

Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas bien notre organisme, je signale que la Federation of Municipalities s'est constituée en 1951, c'est-à-dire dans les 24 mois qui ont suivi notre arrivée dans la grande expérience canadienne. Depuis lors, la fédération a connu une croissance constante, à tel point que nous représentons désormais environ 80 p. 100 de la population de cette province, regroupée en plus de 200 municipalités.

Nos avons certaines réserves concernant la mise en oeuvre de la TVH, mais en tant que consommateurs, nous sommes favorables à une réduction des taxes.

Pour l'essentiel, nous voulons vous dire, comme nous l'avons dit au gouvernement provincial, qu'il est inopportun qu'un niveau de gouvernement doive payer des taxes à un autre niveau. Les municipalités de la province se trouvent aujourd'hui dans l'obligation de payer des taxes à la province et au gouvernement fédéral. Comme nous l'avons dit à notre province, nous voulons vous dire que les gouvernements de tous les niveaux assurent des services à la population et qu'il est inconvenant que les niveaux de gouvernement taxent les niveaux inférieurs. En tant que fédération, nous avons pour mandat de veiller à ce que la mise en oeuvre de la TVH n'alourdisse pas le fardeau fiscal qui pèse actuellement sur les municipalités.

Mais d'après ce que nous avons constaté jusqu'à maintenant, c'est pourtant bien ce qui va se produire. La plupart de nos grosses municipalités, en particulier celles qui entreprennent d'importants projets d'immobilisation, vont être pénalisées par la mise en oeuvre de cette taxe.

L'élargissement de l'assiette fiscale frappe la quasi-totalité des services professionnels auxquels nous avons recours, comme ceux des ingénieurs, des avocats et des comptables; et bien sûr, il va être plus difficile, désormais, d'établir des partenariats entre secteurs public et privé. Il va sans dire que les petites municipalités, qui assurent de moins en moins de services à l'interne et qui ont souvent recours à la sous-traitance, vont être encore plus pénalisées que les grandes villes, qui sont mieux armées pour absorber les coûts de la sous-traitance.

Je représente la Ville de Mount Pearl en tant qu'adjoint au maire. Notre ville compte 26 288 habitants et en comptera quatre de plus en juin. Nous connaissons toujours nos effectifs, car nous vivons dans l'ombre de St. John's. La mise en oeuvre de la TVH devrait nous pénaliser d'environ 135 000 $ dans notre budget de l'année prochaine, principalement à cause de l'élargissement de l'assiette de la taxe. En outre, nous achetons également des services au secteur privé et aux autres autorités locales. Nous achetons en particulier un service de transport en commun, à la Ville de St. John's, sous forme d'une subvention d'environ 0,5 million de dollars actuellement, à laquelle s'ajoutent les montants que doivent acquitter nos contribuables pour utiliser ce service de transport. Comme nous sommes consommateurs et que nous ne sommes pas membres de la commission de transport, nous allons devoir acquitter, sur ce service, la nouvelle TVH à laquelle nous n'étions pas assujettis auparavant.

Nous espérons pouvoir vous convaincre de notre point de vue sur la question posée initialement, car je suis certain que vous êtes en mesure d'influencer notre gouvernement provincial à ce sujet. Nos petites municipalités sont amenées à faire des investissements importants, par exemple pour acheter un camion de pompiers. Les pompiers volontaires, leurs adjoints, les troupes de scouts et les groupes communautaires se réunissent pour vendre des pâtisseries, pour organiser un bal ou un défilé de carnaval, de façon à réunir l'argent nécessaire à l'achat du camion et en définitive, ils se rendent compte qu'ils doivent également débourser un montant important pour payer des taxes à la province et au gouvernement fédéral.

La nouvelle TVH n'a pas modifié le calcul de la TPS pour les municipalités de Terre-Neuve et du Labrador. Nous bénéficions toujours d'une ristourne de 57,14 p. 100 sur la TPS qui entre dans la TVH. Le gouvernement fédéral aimerait pouvoir dire qu'il a mis en place une taxe plus juste, mais nous constatons le plus souvent que le fardeau fiscal des municipalités s'est alourdi et que la ristourne sur la TPS est restée exactement la même.

Nous partageons certaines des préoccupations exprimées ce matin par la St. John's Board of Trade. J'ai été heureux de voir, dans son rapport, qu'elle signalait les effets négatifs de cette taxe, dans sa formulation actuelle, pour la conclusion de futurs partenariats entre secteurs public et privé.

En octobre 1995, le gouvernement provincial, dirigé alors par le premier ministre Clyde Wells, a lancé une grande initiative dans le domaine des partenariats et a invité les travailleurs, les municipalités, les hôpitaux et le secteur privé à une conférence de deux jours, consacrée essentiellement aux nouveaux outils permettant d'établir des partenariats. Il en est résulté un comité qui devait étudier la question, faire des recommandations au gouvernement, et lui proposer un système transparent qui nous permette de travailler en dehors de la législation sur les marchés de l'État. La nouvelle taxe fait résolument obstacle à toute initiative de cet ordre.

Les petites municipalités, qui ont souvent recours aux services d'un entrepreneur privé pour déneiger le stationnement de l'aréna ou pour le ramassage hebdomadaire des ordures, vont être désormais obligées de payer une taxe supplémentaire.

Dans l'exposé prébudgétaire présenté le mois dernier par le gouvernement provincial, notre organisme a demandé au ministre provincial des Finances de reconnaître le principe fondamental voulant qu'un niveau de gouvernement ne doit pas en taxer un autre. La situation financière de la province est grave, mais il est important que ce principe soit consacré pendant que nous nous efforçons de stimuler la relance économique.

Nous avons demandé une remise de toutes ces taxes, sous forme de ristourne ou de dispense sur les investissements des municipalités. Nous voulons ici parler non pas du papier, mais disons, d'une imprimante ou d'un télécopieur. Nous avons demandé la consécration de ce principe.

Nous demandons au comité d'y réfléchir, en tenant particulièrement compte des conséquences de la nouvelle loi pour les municipalités qui voudront conclure avec des entrepreneurs privés des partenariats concernant des services locaux. Nous pensons qu'il faudrait apporter des changements de façon à ne pas pénaliser le partenariat. Lorsque deux municipalités sont en relation d'affaires, par exemple de Mount Pearl, dont les préposés aux animaux desservent également une municipalité voisine, il n'est pas souhaitable de pénaliser ce genre de service par une taxe.

Mme Lori Churchill, coordonnatrice des politiques et des projets, Hospitality Newfoundland and Labrador: Nous sommes heureux de pouvoir nous exprimer devant ce comité.

Hospitality Newfoundland and Labrador est une association touristique professionnelle dont la mission est de représenter les personnes et les entreprises qui interviennent directement ou indirectement dans tous les secteurs de l'accueil et du tourisme à Terre-Neuve et au Labrador.

Au nom de l'industrie touristique, j'aimerais aujourd'hui vous présenter son point de vue sur la taxe de vente harmonisée.

Le principe d'une taxe commune provinciale et fédérale ou TVH a fait son apparition au printemps de 1996. Si cette formule présente des avantages pour le consommateur moyen puisqu'elle fait baisser la taxe à payer sur de nombreux produits, les exigences qu'elle comporte occasionnent de nombreux problèmes pour les entreprises touristiques.

Dans l'industrie du voyage à forfait, par exemple, la TVH va entraîner des coûts administratifs très lourds. Les organisateurs de voyages à forfait proposent des formules de voyage à partir ou à destination de leur province, d'une autre province ou d'un autre pays. En outre, les forfaits se composent de divers éléments, comme le billet d'avion, la location d'une voiture, le logement, les visites guidées, et cetera. Les clients d'un voyage organisé ne viennent pas tous nécessairement du même endroit.

Par exemple, un voyage organisé à Terre-Neuve peut regrouper des voyageurs étrangers ainsi que des Canadiens dont la province d'origine peut être assujettie ou non à la TVH. Le forfait peut comprendre un billet d'avion, de l'hébergement et des visites guidées. La TVH sera calculée sur tous les éléments du forfait pour les personnes originaires d'une province assujettie à la TVH. Néanmoins, la TPS devra être perçue sur le prix du billet d'avion des participants originaires d'une province non assujettie à la TVH, puisque le départ du vol aura lieu dans une province non assujettie à la TVH. Néanmoins, la TVH s'appliquera à l'hébergement et aux visites guidées, puisque ces activités se dérouleront dans une province assujettie à la TVH.

L'obligation de calculer la TVH sur certains éléments du forfait, la TPS sur d'autres alors que d'autres encore seront exonérés, va constituer un cauchemar administratif pour les propriétaires d'entreprises, pour leur personnel et pour les agents de voyage qui sont toujours à la recherche de nouveaux clients. Va-t-on pouvoir adapter les logiciels de réservations pour tenir compte de tous les scénarios possibles, et qui va former le personnel et les agents de voyage à l'administration et à l'interprétation de la TVH? Qui va en assumer le coût?

Nous demandons au gouvernement d'aider les organisateurs de voyages et les entreprises touristiques à faire face à la complexité de la TVH et de les former à l'interprétation des règles concernant la TVH.

Quant aux effets directs de la taxe harmonisée sur les organisateurs de voyages et les pourvoyeurs, l'obligation de calculer la TVH sur des forfaits qui ont été annoncés, voire réservés sous le régime de la taxe actuelle, va provoquer un véritable chaos pour les organisateurs et les pourvoyeurs. La plupart d'entre eux ont déjà distribué des brochures et des documents rédigés en fonction de la taxe actuelle. Par ailleurs, de nombreuses réservations ont été faites il y a plusieurs mois, sous le régime de cette taxe.

Jusqu'à maintenant, les forfaits de pourvoirie n'étaient pas assujettis à la taxe de vente au détail de 12 p. 100. En outre, les clients étrangers avaient droit à une ristourne de la moitié de la TPS de 7 p. 100. Souvent, le client était directement crédité du montant équivalent et les prix étaient calculés en fonction de cette ristourne de 3,5 p. 100, l'autre moitié étant versée à Revenu Canada.

Dans bien des cas, les brochures de 1997 sont en circulation depuis déjà au moins 12 mois. En outre, des clients ont fait des réservations et des dépôts, d'autres sont sur le point d'en faire, toutes ces opérations étant calculées en fonction de l'exemption de 12 p. 100. Si les agents de voyage sont tenus d'appliquer intégralement la TPS de 15 p. 100 à partir du 1er avril, ceux qui ont déjà accepté des réservations pour des forfaits calculés sur l'ancienne taxe devront assumer eux-mêmes la différence.

Nous demandons que dans le cas des réservations effectuées avant l'entrée en vigueur de la TVH au 1er avril 1997, la taxe à acquitter soit conforme au régime fiscal en vigueur au moment de la réservation.

Par rapport à la concurrence étrangère, le secteur des voyages à forfait est également désavantagé par l'obligation d'annoncer des prix taxe comprise. Comme Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick sont obligés d'inclure la taxe dans les prix annoncés par voie de publicité, le prix d'un voyage organisé à Terre-Neuve ou au Labrador ou dans une autre province assujettie à la TVH paraîtra plus élevé au consommateur. Même s'il ne s'agit que d'une impression, de nombreux consommateurs ne considèrent que le prix annoncé et ne tiennent pas compte des taxes lorsqu'ils comparent les prix. Le client éventuel qui choisit une destination de vacances ne sait pas nécessairement que la taxe est incluse dans tel forfait, mais pas dans tel autre.

En conséquence, nous demandons que l'affichage des prix taxe comprise reste facultatif tant que la TVH ne s'appliquera pas dans l'ensemble du pays.

Les prix taxe comprise vont également désavantager l'industrie de la restauration et de l'alimentation. Malgré la diminution de la taxe acquittée par les consommateurs sur un repas au restaurant, l'inclusion de la taxe dans le prix d'un repas au restaurant le fait augmenter de 15 p. 100, alors que le prix annoncé pour un repas semblable vendu dans un magasin d'alimentation reste apparemment le même. Par conséquent, les prix taxe comprise rendent le repas au restaurant moins concurrentiel et tendent à une réduction de sa part du marché.

Encore une fois, nous demandons que l'inclusion de la taxe dans le prix soit éliminée ou mise en oeuvre à titre facultatif.

Par ailleurs, la formule de la TVH ne tient pas compte de l'importance des prix critiques. L'obligation d'ajouter 15 p. 100 de TVH au prix annoncé fait obstacle à la pratique du prix critique, qui est essentiel pour attirer le consommateur. C'est particulièrement vrai dans l'industrie de l'alimentation et dans le secteur des voyages organisés. L'obligation d'inclure la taxe empêchera l'usage courant des prix critiques comme «4,99 $» dans la restauration ou «1 099,00 $» pour un voyage organisé, qui sont très efficaces pour garder les prix concurrentiels.

Encore une fois, nous demandons que l'inclusion des taxes dans le prix soit facultative, de façon que les commerçants ne perdent pas l'avantage des prix critiques.

Les chaînes nationales vont devoir envisager de très coûteuses modifications de leurs stratégies commerciales pour se conformer à la TVH dans les provinces participantes. Elles vont devoir organiser des campagnes de promotion distinctes pour les provinces où la taxe doit être incluse dans le prix, ce qui occasionnera des frais supplémentaires de publicité, d'emballage et de promotion en magasin. En outre, les chaînes publicitaires spécialisées et les publications nationales ne sont pas en mesure de proposer des messages publicitaires différents selon la région. Au lieu de diluer leurs investissements de mise en marché, certaines chaînes nationales préféreront sans doute supprimer la publicité ou la vente de certains produits dans les provinces assujetties à la TVH.

Nous recommandons de nouveau de ne pas inclure la taxe dans le prix de vente jusqu'à ce que la TVH ait été adoptée à l'échelle nationale.

En conclusion, je tiens à remercier le comité, au nom de l'industrie touristique et d'accueil de cette province, de l'occasion qui nous a été donnée aujourd'hui de vous faire part de notre point de vue au sujet de l'harmonisation de la taxe de vente. J'espère avoir fait ressortir dans cet exposé les problèmes que pose pour notre industrie l'harmonisation de la taxe de vente.

Le sénateur Rompkey: Je souhaite la bienvenue à nos témoins et je les remercie de leur présence. Si je ne m'abuse, la St. John's Board of Trade est la plus ancienne chambre de commerce en Amérique du Nord. Sir Humphrey Gilbert qui, comme vous le savez était le demi-frère de sir Walter Raleigh, a été le premier président de la Newfoundland Board of Trade. De grands personnages ont donc marqué son histoire.

M. Gibbons: La Chambre de commerce de St. John's était à l'origine la Chambre de commerce de Terre-Neuve puisque l'ensemble des gens d'affaires se trouvaient dans la région de St. John's.

Le sénateur Rompkey: Vous appuyez donc la TVH au sujet de laquelle vous avez cependant certaines réserves. Parlons d'abord de l'inclusion de la taxe dans le prix. Pour leur part, les entreprises soutiennent que l'inclusion de la taxe dans le prix leur pose des difficultés et sera coûteuse outre qu'elle sèmera la confusion chez les consommateurs. Les sondages indiquent cependant que la population, quant à elle, souhaite que la taxe soit incluse dans le prix.

Comme hommes et femmes politiques, comment nous est-il possible de satisfaire à la fois la population et les entreprises? Au Nouveau-Brunswick, le ministre a dit qu'il fallait faire preuve de «souplesse». Le gouvernement vous a-t-il indiqué ce qui pourrait constituer un juste milieu et comment on pourrait faire preuve de souplesse dans la mise en oeuvre de la TVH?

M. Gibbons: Je ne sais pas trop quel sens il donne à ce mot. Pour nous, cela signifierait donner le choix aux détaillants d'inclure ou non la taxe dans le prix. Voilà ce qui constituerait «faire preuve de souplesse». Le plus gros problème qui se pose est que même les petits acheteurs s'approvisionnent auprès de sociétés nationales qui apposent déjà le prix sur leurs produits. À titre d'exemple, les détaillants de vêtements achètent des vêtements sur lesquels est déjà apposée une étiquette indiquant le prix. Il leur faudra donc réétiqueter ces vêtements, ce qui constituera une dépense supplémentaire pour eux, dépense qui se répercutera en bout de ligne sur le consommateur.

Le sénateur Rompkey: Pour ce qui est de la construction domiciliaire et de l'accroissement de l'économie souterraine, j'aurais cru que le fait d'abaisser les taxes aurait nui à l'économie souterraine au lieu du contraire.

Que pensez-vous de la conclusion de l'étude menée par le CEPA dans le domaine de la construction? Selon le conseil, plus que dans tout autre secteur, c'est dans le secteur de la construction que l'harmonisation de la taxe de vente devrait entraîner une diminution importante des coûts de fonctionnement. Il devrait en coûter moins dans l'Atlantique pour construire des immeubles et notamment des immeubles à bureaux. Il se peut que l'harmonisation n'ait pas tout à fait le même effet dans le domaine de la construction domiciliaire. Il devrait donc être plus avantageux d'investir dans l'immobilier, dans les installations et l'équipement dans les trois provinces qui auront harmonisé la taxe. D'après le CEPA, un changement même léger dans le climat d'investissement se traduira sans doute par la création d'emplois et une augmentation de la productivité. Qu'en pensez-vous?

M. Gary Reardon, directeur de la politique fédérale, St. John's Board of Trade: Je pense en effet que la construction d'immeubles commerciaux coûtera moins cher étant donné que les entreprises pourront se prévaloir des crédits de taxe sur intrants. Nous nous inquiétons plutôt de l'incidence de l'harmonisation de la taxe dans le domaine de la construction domiciliaire.

Je suis ancien président national de l'Association canadienne des constructeurs d'habitation. J'ai participé aux négociations avec le gouvernement touchant la TPS et la remise s'appliquant au secteur du logement. Comme les acheteurs de maisons sont les consommateurs des produits domiciliaires, ce sont eux qui en bout de ligne paient la taxe.

À l'heure actuelle, la taxe de vente provinciale ne s'applique pas à la plupart des frais de main-d'oeuvre, au terrain, aux frais généraux, à la marge bénéficiaire et aux coûts accessoires. La nouvelle taxe harmonisée s'appliquera dans tous les cas. Par conséquent, le coût des habitations augmentera de 2,5 à 4 p. 100.

Lorsque nous négociions, il y a plusieurs années, avec les ministères fédéraux du Revenu et des Finances, leurs fonctionnaires avaient admis que la mise en oeuvre de la TPS entraînerait des coûts supplémentaires dans ce secteur. Nous avons obtenu une remise, moins importante que nous le souhaitions, mais elle était au moins raisonnable. La remise obtenue était de 2,5 p. 100 alors que nous établissions l'augmentation de coûts à 4 p. 100.

On ne nous offre pas aujourd'hui de remise. Le gouvernement provincial ne semble pas disposé à en discuter et on ne semble pas comprendre qu'on ne pourra pas nécessairement répercuter l'augmentation de coûts sur le consommateur. Le consommateur a un choix: il peut acheter une nouvelle maison aujourd'hui ou il peut acheter une maison de quelques années. La grande majorité des maisons qui se vendent dans ce pays sont des maisons de ce genre. Le marché des maisons de revente s'en trouvera donc avantagé parce que le prix des nouvelles maisons augmentera en raison de la TVH.

Permettez-moi de vous donner un exemple concret. Le 1er avril, une maison qui se vend aujourd'hui 100 000 $ se vendra 103 000 $. La valeur de la maison n'a pas augmenté, seulement son prix. Le consommateur a un choix: il peut acheter la maison voisine qui coûte 100 000 $ ou payer 3 000 $ de plus. Nous sommes donc défavorisés.

Vous avez aussi posé une question au sujet de l'économie souterraine. Celle-ci est florissante dans cette province et dans l'ensemble de la région de l'Atlantique. Je fais aussi des affaires en Nouvelle-Écosse et les consommateurs me demandent tous les jours quel est le prix d'une maison sans la TPS ou les taxes. Je suis un homme d'affaires respectueux des lois. Mon entreprise a émis 40 feuillets T-4 l'an dernier. Je ne peux pas faire concurrence au propriétaire de camion qui ne paie pas ces taxes. Il ne paie pas de charges sociales et il ne cotise pas à la caisse d'indemnisation des accidents de travail. Comme il n'a pas à payer toutes les autres taxes que moi, je dois payer, il jouit d'un avantage par rapport à moi.

Je peux m'imaginer quelle sera la situation lorsque le consommateur refusera de payer ce 15 p. 100. Il s'adressera à l'entrepreneur ou au petit homme d'affaires qui n'a pas à payer cette taxe.

Le sénateur Rompkey: On a fait une distinction entre les petites entreprises artisanales et les grandes. Je ne savais pas qu'il existait de grandes entreprises dans ce domaine. De quelles entreprises peut-il s'agir? Grenville est-elle une grande entreprise de ce genre?

Mme Manuel: Oui. Il existe entre 20 et 30 entreprises comme Grenville dans la province. Certaines entreprises de Stephenville ont un magasin de détail et sont aussi des grossistes. Il y a aussi Broadside Weaving.

Le sénateur Rompkey: Broadside Weaving est-elle aussi une petite entreprise ou une grande entreprise?

Mme Manuel: On considère qu'il s'agit d'une grande entreprise. Il y a aussi Nonia, l'entreprise de turluttes à la morue du centre-ville de St. John's.

Le sénateur Rompkey: Je vois. Je ne les considérais pas vraiment comme de grandes entreprises.

Mme Manuel: Pour nous, il s'agit de grandes entreprises. Pour vous, il s'agit sans doute de petites entreprises.

Le sénateur Rompkey: Cette taxe présente des avantages pour les petites entreprises. Le problème que vous soulevez se réglera peut-être de lui-même. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une industrie importante pour la province. Existe-t-il de grandes entreprises au Labrador?

Mme Manuel: Il existe deux ou trois entreprises de détail dont le chiffre d'affaires est supérieur à la limite de 30 000 $. Nos activités au Labrador se sont accrues au cours des derniers mois et je m'attends donc à ce que le nombre de ces entreprises augmente.

Le sénateur Rompkey: Avez-vous des suggestions à faire?

Mme Manuel: À titre de représentante des deux groupes d'entreprise, je crois qu'il faudrait supprimer la limite de 30 000 $ et traiter de la même façon les petites entreprises et les grandes entreprises. La seule solution qui est envisageable, c'est d'accorder à toutes les entreprises de la région une exemption semblable à celle dont jouissent les entreprises artisanales depuis 10 ans.

En 1985, le gouvernement fédéral a décidé de ne pas assujettir à la taxe de vente la plupart des articles confectionnés à la main. Depuis lors, la taille de l'industrie artisanale a presque triplé. Elle a tiré parti de ce stimulant. S'il était offert aux entreprises artisanales des trois provinces et si celles-ci réagissaient de la même façon, cela rapporterait davantage que la TVH au gouvernement en impôts sur le revenu et en charges sociales.

Le sénateur Rompkey: Le fait de relever le plafond aurait-il un effet positif à long terme?

Mme Manuel: Je l'ignore. Dans l'état actuel des choses, pour ne pas dépasser ce plafond et ne pas avoir ainsi à imposer la taxe, les petites entreprises limiteront leur chiffre d'affaires à 29 000 $. Elles savent que si elles doivent percevoir cette taxe, elles devront travailler d'autant plus et investir davantage dans la commercialisation de leurs produits parce que leurs prix seront nécessairement plus élevés que les entreprises dont le chiffre d'affaires sera inférieur à 29 000 $.

Le sénateur Rompkey: Bien que nous manquions de temps aujourd'hui, j'aimerais que l'industrie artisanale nous fasse des recommandations.

Lorsque nous étions au Nouveau-Brunswick, les voyagistes se sont dit favorables à la taxe. L'Association touristique nationale prévoyait même qu'elle aurait un effet bénéfique sur l'industrie touristique. Mme Debra Ward, présidente de l'Association de l'industrie touristique du Canada, a affirmé que l'harmonisation de la taxe fera en sorte que la région sera grandement favorisée par rapport aux autres régions puisqu'on pourra accorder un rabais de 15 p. 100 aux voyageurs qui visitent la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve et le Labrador.

L'harmonisation de la taxe de vente présentera-t-elle un avantage pour vous? Je comprends vos arguments au sujet de l'inclusion de la taxe dans le prix. Ce n'est pas la première fois qu'on nous fait part du problème. Je comprends le problème que cela pose pour ce qui est des voyages organisés et des réservations parce que la taxe n'est pas harmonisée à l'échelle nationale. La TVH n'aura-t-elle cependant pas un effet bénéfique sur l'industrie touristique de la région et du Nouveau-Brunswick, en particulier, où l'industrie est en pleine expansion?

Mme Churchill: Oui, la TVH présentera de nombreux avantages pour l'ensemble de l'industrie. Dans notre mémoire, nous avons simplement insisté sur les secteurs où la TVH pose des problèmes particulièrement graves et coûteux. À titre d'exemple, les voyagistes et les restaurateurs craignent que les consommateurs aient l'impression que les coûts sont plus élevés dans les provinces où s'applique la TVH. Le prix des voyages organisés peut sembler plus élevé aux nouveaux clients. Voilà notre principale préoccupation.

Le sénateur Angus: Je crois vous avoir entendu dire clairement que les consommateurs ne veulent pas que la taxe soit incluse dans le prix, mais le sénateur Rompkey a fait allusion à un sondage mystérieux qui indiquerait le contraire. J'aimerais que vous nous en parliez. Si vous êtes au courant de ce sondage, j'aimerais savoir si on a posé les bonnes questions aux consommateurs? Pourrait-on savoir exactement ce qu'il en est?

M. Gibbons: Nous avons dit que les consommateurs n'aimeraient pas la taxe parce que le fait que les entreprises devront inclure la taxe dans le prix les obligera à répercuter sur le consommateur les frais comptables supplémentaires qu'ils encourront. D'après nous, si les consommateurs savaient que l'inclusion de la taxe de vente dans les prix se traduira par une augmentation de ceux-ci, ils s'y opposeraient.

Nous ne voyons rien qui justifie l'inclusion de la taxe dans le prix sauf qu'elle continuera d'être cachée. Les gouvernements peuvent cacher la taxe et augmenter les coûts alors que si le consommateur voit la taxe, il saura à quoi attribuer l'augmentation du prix.

Le sénateur Angus: Êtes-vous d'avis, monsieur, que l'harmonisation de la taxe de vente présente des avantages? Je crois que même les Conservateurs ont toujours dit qu'il serait avantageux que la taxe de vente soit harmonisée à l'échelle nationale. Nous le pensons également.

Si la taxe n'avait plus à être incluse dans le prix, cela atténuerait-il le problème qu'on envisage? La TVH continuerait-elle d'être aussi avantageuse?

M. Gibbons: Il s'agit de toute évidence d'une question de nature juridique. Pour nous, l'inclusion de la taxe dans le prix ne présente pas vraiment d'avantages. Rien ne semble vraiment le justifier. Nous avons entendu parler du sondage indiquant que les consommateurs y étaient favorables, mais nous pensons que s'ils savaient vraiment que cela se traduirait par des prix plus élevés, ils s'y opposeraient. Nous n'avons pas nous-mêmes posé cette question précise aux consommateurs.

Le sénateur Angus: Le sénateur Kirby a déposé ce sondage au Sénat l'autre jour. D'après ce que je vois, on n'a pas posé aux consommateurs des questions qui tiennent compte des conséquences de l'adoption de cette mesure.

Vous avez proposé deux façons de régler ce problème, monsieur Gibbons. Vous avez dit qu'on pouvait ne pas inclure la taxe dans le prix de vente ou retarder la mise en oeuvre de la TVH. Pourriez-vous nous donner des précisions au sujet de cette deuxième suggestion?

M. Gibbons: Nous avons recommandé de retarder la mise en oeuvre de la TVH pour éviter d'avoir deux systèmes de taxation au pays. L'harmonisation existera dans la région de l'Atlantique, mais pas dans le reste du pays.

Nous ne voyons aucun inconvénient à un programme national. Comme l'harmonisation n'existera cependant que dans cette région, nous serons défavorisés parce qu'il nous faudra modifier nos méthodes comptables. Certains témoins de l'industrie touristique partagent ces préoccupations.

Le sénateur Angus: Lorsque vous parlez de reporter la mise en oeuvre de la TVH, songez-vous plutôt à ce que l'inclusion de la taxe de vente dans le prix ne se fasse que lorsque la TVH sera harmonisée à l'échelle nationale?

M. Gibbons: Oui.

Le sénateur Angus: Est-ce la solution que vous préféreriez?

M. Gibbons: Nous avons deux suggestions à faire. L'une est de retarder la mise en oeuvre de la TVH jusqu'à ce qu'elle s'applique à l'échelle nationale et l'autre, c'est de laisser aux détaillants le choix soit d'inclure ou de ne pas inclure la taxe dans le prix de vente selon que cela présente un avantage pour eux.

Le sénateur Angus: Autrement dit, vous proposez que l'inclusion de la taxe dans le prix de vente soit volontaire?

M. Gibbons: Oui.

Le sénateur Angus: Vous avez dit qu'il existait deux systèmes au pays. En fait, vous conviendrez avez moi qu'il en existe trois. Au Québec, on a adopté une version modifiée de la TVH puisque la taxe n'est pas incluse dans le prix. Le saviez-vous?

M. Gibbons: Non, je ne sais pas vraiment ce qu'il en est au Québec.

Le sénateur Rompkey: J'aimerais préciser que dans le cadre de l'étude Ekos, on a bien posé cette question et une petite majorité de gens, 52 p. 100, ont dit que si l'inclusion de la taxe dans le prix de vente entraînait des coûts supplémentaires pour les entreprises, ils souhaitaient qu'elle ne soit pas incluse dans le prix.

Le sénateur Angus: Madame Manuel, ai-je raison de croire que l'industrie artisanale n'aurait plus accès aux outils spéciaux dont elle a besoin parce que les fournisseurs ne voudraient pas prendre les mesures qui s'imposent en raison de l'inclusion de la taxe dans le prix? Réglerait-on ce problème si la taxe n'était pas incluse dans le prix?

Mme Manuel: D'après ce que je comprends de cette société, oui, je crois.

Le sénateur Angus: Fermerait-elle ses portes seulement en raison de l'augmentation des coûts?

Mme Manuel: Non, ce n'est pas vraiment en raison du coût, mais en raison des mesures qu'il faudrait prendre. Pour l'instant, c'est la seule société qui, à ma connaissance, a pris cette position. Peut-être que l'harmonisation ne pose pas de problème pour les 5 000 autres.

Le sénateur Angus: Monsieur Gibbons, vous avez dit que des remises permettraient de régler le problème qui se pose à vos membres dans deux domaines. Comment fonctionneraient ces remises, à votre avis?

M. Gibbons: Nous recommandons une remise dans le secteur des municipalités, des universités, des écoles et des hôpitaux.

Le sénateur Angus: Savez-vous ce que cela coûterait?

M. Gibbons: D'après nos calculs, si cette remise ressemblait à la remise pour la TPS, le taux de la taxe passerait de 6,4 p. 100 à 2,6 p. 100. Ces chiffres figurent dans notre mémoire. Si le secteur des municipalités, des universités, des écoles et des hôpitaux bénéficiait d'une remise, cela changerait beaucoup la situation.

Le sénateur Angus: Qu'est-ce que cela représenterait dans le cas des nouvelles maisons?

M. Gibbons: D'après nous, cela représenterait 5 p. 100 et Gary pense que ce serait entre 2,4 et 4 p. 100. Les constructeurs de maisons disaient que cela représenterait jusqu'à 5 p. 100.

Le sénateur Angus: Avez-vous présenté des instances à ce sujet au ministère des Finances de Terre-Neuve?

M. Gibbons: Oui.

Le sénateur Angus: Avant que le projet de loi ne soit présenté?

M. Gibbons: Malheureusement, il n'y a pas eu beaucoup de consultations.

Le sénateur Angus: On vous a simplement mis devant le fait accompli?

M. Gibbons: Oui.

Le sénateur Angus: Vous a-t-on donné des explications quand vous avez porté plainte?

M. Gibbons: Je pense que la décision a été prise assez rapidement. Il y avait des négociations entre les gouvernements provincial et fédéral l'été dernier. Cependant, nous n'avons pas été consultés. Bien entendu, les problèmes n'ont surgi que lorsqu'on en est venu aux détails de la mesure.

Le sénateur Comeau: Je ne me suis pas occupé de ventes depuis quelques années, monsieur Gibbons, mais vous pourrez peut-être me renseigner. Si j'ai bien compris, les entreprises qui ont un chiffre d'affaires de plus de 30 000 $ doivent percevoir la TPS et se font rembourser au moment de vendre leurs marchandises; est-ce exact? Dorénavant, elles devront percevoir la nouvelle taxe de 15 p. 100 au lieu de percevoir seulement 7 p. 100. Elles devront donc payer 15 p. 100 immédiatement et se faire rembourser leurs intrants au moment de vendre la marchandise. Est-ce exact?

M. Gibbons: Oui.

Le sénateur Comeau: Vous n'avez pas signalé que cela inquiétait les membres de votre groupe. Je crois savoir que la plus grande partie des ventes au détail se font pendant le quatrième trimestre, ce qui veut dire que les détaillants doivent avoir énormément de marchandises en stock en prévision de la saison où les consommateurs font la plupart de leurs achats. Si je ne m'abuse, cela veut dire que les commerçants devront maintenant emprunter beaucoup plus d'argent à la banque pour pouvoir payer immédiatement cette taxe de 15 p. 100, qui représente 8 p. 100 de plus qu'auparavant, et que cela pourrait leur causer des problèmes d'encaisse. Est-ce exact?

M. Gibbons: Un de nos administrateurs qui est lui-même détaillant m'a dit lors d'une conversation que c'était probablement le contraire qui arriverait. Comme vous l'avez dit, le niveau des ventes est probablement à son plus haut pendant le dernier trimestre. Dans le cas de ce détaillant, son entreprise avait réussi à vendre la plus grande partie des marchandises en stock et à se réoutiller. À Terre-Neuve, on augmente le niveau des stocks uniquement au cours du quatrième trimestre quand le chiffre des ventes est le plus élevé. C'est à cette époque-là que les niveaux des stocks sont les plus élevés.

Le sénateur Comeau: Ce serait intéressant de pouvoir discuter avec un détaillant pour savoir si ce sera avantageux ou non. J'avais l'impression que les détaillants devaient augmenter leurs stocks et payer tout de suite le montant de la taxe qu'ils ne peuvent récupérer qu'une fois leurs marchandises vendues, ce qui ferait effectivement monter leurs coûts d'inventaire. Nous devrons cependant en discuter avec quelqu'un qui s'occupe de ventes au détail.

M. Gibbons: Oui.

Le sénateur Cochrane: Madame Manuel, comme vous l'avez dit, l'importance de l'artisanat a augmenté énormément, au point de tripler, de quadrupler ou même de quintupler au cours des 10 dernières années. Je m'en rends très bien compte. Vous dites que la plupart des matériaux qu'utilisent les artisans ne sont pas disponibles dans la région et que les artisans doivent donc aller à l'extérieur de la région de l'Atlantique pour acheter leurs matériaux. Si c'est vrai, les artisans de la province sont dans une situation bien difficile. D'après vous, certaines entreprises artisanales devront-elles fermer leurs portes?

Mme Manuel: J'espère bien que non. Pour ce qui est d'être obligé d'acheter des matériaux à l'extérieur de la région, c'est surtout le cas des plus grandes entreprises. Les entreprises plus petites qui viennent d'être créées ou qui, au lieu d'être un simple passe-temps, sont en train de devenir un moyen de subsistance permanent pour l'artisan, ce qui est le cas pour bon nombre de membres de l'industrie, doivent souvent acheter leurs matériaux au détail directement dans la région. Cependant, les grandes entreprises de fabrication vont faire leurs achats à l'extérieur où elles peuvent obtenir un meilleur prix, un plus grand choix et des matériaux qui font que leurs produits sont uniques et spéciaux. S'il n'y a pas beaucoup de différence entre ce qu'on peut obtenir en Ontario et ce qu'on peut obtenir à l'extérieur du pays, bien des gens préféreront acheter à l'extérieur du pays.

Si les acheteurs de produits artisanaux de l'extérieur de la région font face à plus de confusion, à plus de paperasserie et à plus de problèmes lorsqu'ils font affaire avec les artisans de notre région, cela pourrait inciter ces acheteurs de l'extérieur de la région harmonisée à faire leurs achats à l'extérieur de la région. Autrement dit, les entreprises qui avaient jusqu'ici des débouchés dans d'autres provinces risquent de perdre ces marchés. C'est une autre inquiétude.

Le sénateur Cochrane: Monsieur Simms, vous avez parlé des conséquences graves qu'aurait la taxe de vente harmonisée pour certaines catégories de municipalités, surtout lorsqu'elles octroient des contrats, par exemple. D'après vous, cette augmentation des coûts serait-elle transférée au consommateur?

M. Simms: En un mot, oui. Il faut voir les choses en face. Le contribuable doit assumer ses responsabilités financières. Si le gouvernement fédéral s'efforce de réduire son déficit grâce à des mécanismes comme le nouveau TCSPS, et si le gouvernement provincial s'attaque à son propre déficit grâce au même genre de mécanismes qui visent à réduire, par exemple, les subventions de fonctionnement que reçoivent les municipalités, cela ne peut avoir qu'une conséquence à la fin du compte. C'est le contribuable qui paiera. Bon nombre de municipalités en souffriront et seront obligées de transférer cette augmentation de leur coût. Les municipalités plus importantes pourront peut-être absorber le coût, avec difficulté, soit dit en passant, mais de façon générale, le niveau des impôts augmentera.

Malheureusement, sénateur, les habitants de la province étaient convaincus au moment du sondage universel que ce changement n'aurait aucune conséquence pour les coûts des divers échelons gouvernementaux. On a constaté que ce n'était pas le cas. Certaines municipalités seront peut-être favorisées, mais d'après moi, ce sera moins de 20 p. 100 des municipalités. La majorité des municipalités de la province paieront plus qu'auparavant.

Le sénateur Rompkey: Relativement à l'industrie de l'artisanat et au fait que les artisans risquent de ne plus acheter leurs matériaux à des fournisseurs du centre du Canada à l'avenir, est-ce que cela permettra à certains entrepreneurs de la province de devenir eux-mêmes fournisseurs ou est-ce que ce sera impossible à cause des économies d'échelle? Ce matin, j'ai entendu parler d'une entreprise de Corner Brook qui vient d'obtenir un débouché en Arabie Saoudite pour un produit fabriqué à Corner Brook. Le nombre des employés de cette entreprise est passé de quatre à 21. Il y a certains entrepreneurs dans la province qui ont l'imagination voulue pour occuper certains créneaux. Si l'on cesse d'acheter des matériaux du centre du Canada, est-ce que cela représentera de nouvelles possibilités pour les habitants de la province?

Mme Manuel: Peut-être, si les structures de prix sont les mêmes. Il y a une certaine économie d'échelle. Une entreprise des provinces de l'Atlantique qui approvisionne uniquement les acheteurs des provinces de l'Atlantique devra fixer des prix probablement plus élevés qu'une entreprise du centre du Canada qui vend à tout le pays. Un artisan qui fait concurrence à des artisans de l'Ontario et de la Colombie-Britannique pour le même créneau national devrait payer plus cher pour ses matériaux.

Le sénateur Rompkey: Il me semble, monsieur le président, qu'on trouvera un moyen quelconque de combler ce vide.

Le président: J'aurais cru que la taxe versée sur le prix d'un voyage devrait être acquittée au moment de réserver le voyage parce qu'il s'agit d'un paiement immédiat. D'après votre mémoire, ce n'est pas le cas et cela m'étonne.

Mme Churchill: D'après notre interprétation, même si un voyage avait été réservé avant l'entrée en vigueur de la taxe de vente harmonisée, c'est-à-dire avant le 1er avril, par exemple en décembre dernier, et que la date de départ soit en mai ou en juin, il faudrait payer la TVH.

Le président: Dans bien des cas, on paie pour le voyage immédiatement, ou du moins on fait un dépôt important.

Mme Churchill: Pas nécessairement. Il arrive souvent qu'on verse un dépôt. C'est ce qui arrive dans le cas de bon nombre de forfaits organisés par des pourvoyeurs. Comme ces séjours sont assez coûteux, on exige un dépôt de 50 ou de 25 p. 100 si le voyage est organisé à l'automne et que la date de départ soit après le 1er avril. Revenu Canada et le ministère provincial des Finances ont tous deux confirmé qu'il faudrait payer la taxe.

Le président: C'est très étrange.

Le sénateur Angus: Comme il avait été question du même sondage quand je posais des questions à M. Gibbons, je voudrais simplement signaler pour le compte rendu qu'il s'agit d'un sondage d'opinion publique mené par Ekos Research Associates Inc. le 4 février 1997 auprès des consommateurs de l'Atlantique à propos des propositions relatives à la TVH. Je me suis moi-même reporté aux pages 10, 11 et 12 de ce sondage. Je ne sais pas si vous l'avez vu vous-même, mais nous pouvons vous en faire parvenir un exemplaire.

Le sénateur Oliver: Que trouve-t-on de spécial aux pages 10, 11 et 12?

Le sénateur Angus: C'est de ces pages que parlait le témoin quand il a dit que, d'après ce sondage, les consommateurs ne sont pas en faveur d'un prix taxe de vente comprise. Comme l'a dit le sénateur Rompkey, on peut interpréter les résultats du sondage autrement, mais on ne peut faire abstraction du chiffre de 70 p. 100. Cela porte davantage sur les entreprises que sur les consommateurs. Selon moi, cela indique clairement que les consommateurs ne veulent tout simplement pas d'un prix taxe comprise.

Mme Churchill: Monsieur le président, relativement aux pourvoyeurs dont nous discutions il y a un instant, on nous a avisés que, à compter du 1er février, les pourvoyeurs devraient faire payer la TVH, avant même que la taxe n'entre en vigueur. La TVH devait être payée pour tout voyage organisé après le 1er février.

Le président: Merci de cette précision.

Nos témoins suivants représentent l'Alliance of Manufacturers and Exporters Newfoundland. Je vous rappelle que l'alliance a été formée par le fusionnement de l'Association des manufacturiers et des exportateurs -- Terre-Neuve. Ce nouvel organisme a été créé il y a plus d'un an. Nous entendrons ce matin M. Lorne Janes, qui est président de l'organisme à Terre-Neuve, mais qui est aussi président sortant, si je ne m'abuse, de l'AMC. Est-ce exact?

M. Lorne Janes, président, Alliance of Manufacturers and Exporters Newfoundland: C'est exact.

L'harmonisation de la taxe fédérale sur les produits et services et de la taxe de vente provinciale revêt toujours beaucoup d'importance pour les manufacturiers canadiens. Depuis quelques mois, le gouvernement fédéral a conclu des accords d'harmonisation avec le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et, bien sûr, Terre-Neuve. Ces gouvernements provinciaux ont annoncé que l'harmonisation entrerait en vigueur à compter du 1er avril 1997, ce qui veut dire qu'il y a maintenant quatre provinces qui ont signé des accords d'harmonisation avec le gouvernement fédéral.

L'alliance est convaincue que ces accords représentent un pas important vers la création d'un climat commercial beaucoup plus favorable partout dans le pays. La pluralité des régimes de taxe de vente au Canada défavorise les entreprises canadiennes parce qu'elles doivent avoir plusieurs systèmes différents pour s'occuper de la taxe de vente sur les transactions dans diverses régions du Canada.

L'administration de systèmes pour traiter ces différentes taxes de vente coûte très cher. Les membres de notre organisme ont déjà affirmé clairement que ce coût réduit la rentabilité des entreprises au Canada et augmente en même temps le coût des marchandises.

L'harmonisation de la TPS et de la TVP rehausserait la compétitivité des secteurs de la fabrication et de l'exportation du Canada et améliorerait le climat commercial en général.

Les membres de l'alliance nous ont bien fait comprendre -- et nous avons des sections dans toutes les provinces du Canada -- qu'un plein crédit de taxe sur les intrants, ou CTI, sur la taxe de vente au détail, en même temps qu'une réduction du fardeau administratif et des coûts pour le gouvernement, de même que des coûts d'application pour les petites et les grandes entreprises auraient comme conséquence nette d'améliorer la compétitivité des entreprises canadiennes en leur permettant de réduire le prix de leurs marchandises ou de l'augmenter moins rapidement, ce qui aurait des conséquences positives pour l'investissement et la création d'emplois.

Même si le plein crédit de taxe sur les intrants semble au départ transférer simplement le fardeau fiscal, s'il n'existait pas, le consommateur devrait assumer un fardeau encore plus lourd sous forme de prix plus élevés, ce qui serait préjudiciable à l'économie du pays.

Vous comprendrez l'importance d'un CTI, vu que les marchandises canadiennes doivent rivaliser avec les marchandises d'autres nations sur lesquelles on ne prélève pas de taxe où qui sont assujetties à une taxe sur la valeur ajoutée, qui ne s'applique pas aux marchandises exportées.

Cette concurrence s'exerce aussi bien à l'étranger, dans le cas de marchandises fabriquées ailleurs, qu'au Canada, dans le cas de marchandises étrangères que nous importons nous-mêmes. Si les marchandises canadiennes n'ont pas un prix concurrentiel, le Canada doit assumer le coût d'emplois perdus et d'occasions économiques ratées. On l'a bien vu récemment, lorsqu'on a publié les chiffres de nos importations et de la consommation au Canada de marchandises fabriquées au Canada.

À la fin du compte, un plein CTI voudrait dire que les produits canadiens se vendraient mieux. Le consommateur en tirerait des avantages importants, directement et à cause du plus grand nombre de Canadiens qui travailleraient à la production de marchandises canadiennes. Le secteur de la fabrication emploie aujourd'hui environ 2,2 millions de travailleurs canadiens.

Le mieux pour les entreprises canadiennes et l'économie nationale générale serait qu'on instaure un régime de taxe harmonisée unique pour tout le pays. Cela réduirait énormément les coûts des entreprises pour administrer la taxe. Pour maximiser les avantages de l'harmonisation, celle-ci devrait être complète et immédiate. Il devrait y avoir un taux de taxe harmonisé et un régime d'imposition sans exception pour tout le Canada.

L'harmonisation permettrait au Canada d'augmenter son assiette fiscale pour englober le secteur des services qui prend rapidement de l'expansion. Cela créerait un régime fiscal plus simple et plus efficace. Si l'on attend trop longtemps pour harmoniser la taxe, cela aura des conséquences négatives pour l'économie du Canada.

L'alliance serait heureuse d'aider le gouvernement dans son initiative pour harmoniser la taxe de vente. Je répondrai maintenant volontiers aux questions que vous voudrez nous poser, ou je demanderai à la personne appropriée de répondre.

Le sénateur Comeau: Vous dites une chose que l'on répète depuis des années, soit qu'un régime de taxe pleinement harmonisé serait extrêmement utile pour tout le Canada. Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. Vous dites dans votre mémoire que cela aurait été la solution idéale si l'on avait procédé de la bonne façon.

Cependant, ce qu'on a décidé de faire, c'est d'appliquer la taxe harmonisée d'abord dans trois provinces de l'Atlantique. Selon vous, cette mesure est-elle à l'avantage des manufacturiers? Je songe maintenant uniquement aux manufacturiers et non pas à l'ensemble de l'économie de la région de l'Atlantique.

M. Janes: Oui.

Le sénateur Comeau: Vu les sentiments négatifs qui ont été exprimés au sujet de l'harmonisation, et surtout à propos de la façon dont on veut l'instaurer, ne convenez-vous pas que cela nuira à l'application d'un système pleinement harmonisé partout dans le Canada à long terme?

M. Janes: Je crois que vous posez là deux questions. Est-ce que je pense que les sentiments négatifs nuiront à l'application de la taxe? J'espère que ce ne sera pas le cas. Je pense que vous êtes plus futé que cela. À mon avis, ces sentiments négatifs sont dangereux et nous ne devons pas nous laisser intimider. C'est une bonne politique et une bonne mesure. Nous devons aller de l'avant et construire notre économie.

Le sénateur Comeau: Certains ministériels nous disent qu'on a mené des sondages auprès des consommateurs pour voir s'ils préféreraient un prix taxe comprise leur permettant de savoir combien ils doivent payer à la caisse. Bien entendu, n'importe quel consommateur préfère payer le prix indiqué sur l'étiquette. À cause de ce sondage, le gouvernement affirme qu'il doit imposer aux entreprises -- non pas leur demander de l'appliquer volontairement -- un système de prix taxe comprise.

Cela donne l'impression que le gouvernement se plaît à mener des sondages d'opinion publique et qu'à la suite d'un sondage d'opinion à propos d'une question très simple, il a décidé d'imposer aux entreprises sa propre façon de faire les choses.

M. Janes: À mon avis, les renseignements obtenus grâce à ces sondages ne sont pas exacts. J'ai moi-même une PME de vente au détail ici même dans la province. Je sais que tous mes clients et tous ceux avec qui je fais affaire veulent un prix unique. D'ailleurs, c'est ce que je leur offre depuis quelques années, je montre un prix seulement et cela m'a été avantageux. Nous indiquons le prix renfermant la taxe, l'installation et la livraison. Cela m'a été très utile. Ensuite, nous expliquons au client combien il paye pour la taxe, la livraison et l'installation, mais le premier chiffre qu'on lui donne est le prix total. C'est ce que le client veut savoir.

Le sénateur Comeau: Vous ne voudriez pas que le gouvernement vous l'impose. En tant que commerçant, rien ne vous empêche de dire à votre client quel est le prix d'un produit. Voulez-vous que le gouvernement vienne vous dire comment vous devez le faire? Cette loi spécifie comment les commerçants doivent indiquer le prix de leurs marchandises.

M. Janes: C'est une question embarrassante.

Le sénateur Comeau: C'est une question tendancieuse.

M. Janes: Je suis d'accord. En tant qu'ancien président national de la l'AMC, je sais que nos membres veulent que le gouvernement s'ingère moins dans nos affaires. Nous avons toutefois une certaine confiance dans ses décisions. J'ai discuté récemment avec un détaillant qui souhaitait que les prix restent tels quels. En raison de la nature de son commerce, ce détaillant veut continuer à afficher des prix de «2,99 $», «3,99 $» ou «7,67 $», car c'est plus concurrentiel. Je lui ai répondu qu'en fait, il voulait que le gouvernement appuie une politique qui induit les clients en erreur. Il n'a pas répondu à cela.

L'alliance croit que l'affichage du prix total est la meilleure solution. Toutefois, si nous avions le choix entre cela ou rien, nous accepterions certainement, comme l'a suggéré la Chambre de commerce, une application facultative ou volontaire. Il est très important, à nos yeux, que l'harmonisation et le régime de crédit pour taxe sur intrants soient mis en place. Les protestations au sujet des prix ne me paraissent pas fondées.

Avant de me lancer dans le secteur de la fabrication, j'ai exploité, pendant 12 ans, un magasin d'ameublement au détail, un commerce pour lequel les prix jouent un rôle crucial. Nous étions bombardés de trucs publicitaires, de ventes «deux pour un», «achetez une lampe et vous aurez un sofa gratuit», «achetez un sofa et vous obtiendrez la livraison gratuite», des rabais pour achats au comptant et des rabais pour les cartes de crédit. Je suis convaincu que le détaillant est en mesure de s'adapter à ce changement très mineur, selon moi, au niveau des prix.

Le sénateur Comeau: Le Conseil économique des provinces de l'Atlantique a estimé que le coût de détention de ses stocks -- je suppose que c'est dans le secteur de la vente au détail -- augmentera de 130 millions de dollars dans les trois provinces où la taxe est harmonisée. Autrement dit, les détaillants vont devoir assumer l'augmentation de la taxe de 7 à 15 p. 100, jusqu'à ce que les produits soient vendus, après quoi ils obtiendront le remboursement. Avez-vous lu ce rapport du Conseil économique?

M. Janes: Je le connais. Je ne suis pas expert en la matière et je ne pense donc pas pouvoir répondre à cela.

Le sénateur Comeau: Vous avez dit que vous souhaiteriez une harmonisation à l'échelle du pays. En avez-vous discuté avec les autorités de votre province?

M. Janes: Oui, nous l'avons fait.

Le sénateur Comeau: Pour quelles raisons ont-elles décidé de faire cavalier seul?

M. Janes: Le gouvernement ne m'a pas expliqué ses raisons. J'approuvais sa position et j'estimais qu'il devait donner suite à son projet. Je ne voyais pas d'objection à ce que la région de l'Est opte pour l'harmonisation si nous étions tous d'accord pour dire que le prix taxe comprise était une bonne chose. Nous convenons tous que c'est peut-être souhaitable. Je ne vois pas d'objection à ce que les trois petites provinces de la côte est donnent le bon exemple aux autres, pour une fois.

Le sénateur Comeau: Les trois premiers ministres des trois provinces de l'Atlantique ont peut-être à leur emploi de meilleurs économistes que ceux des sept autres provinces.

M. Janes: Personne, là-bas, ne vous dira le contraire, monsieur.

Le sénateur Comeau: Je me réjouis de voir que vous faites tellement confiance aux provinces de l'Atlantique.

Le sénateur Hervieux-Payette: Quel pourcentage du produit intérieur brut de votre province le secteur de la fabrication représente-t-il?

M. Janes: Nous représentons environ 1,6 milliard de dollars de l'économie Terre-Neuvienne, soit à peu près 16 000 à 20 000 travailleurs sur un total approximatif de 170 000. Le PIB total est de moins de 10 milliards de dollars. Le secteur de la fabrication de Terre-Neuve représente près de 16 p. 100 de l'économie de la province.

Le sénateur Hervieux-Payette: Venant du Québec, je comprends la situation du secteur de la pêche, qui n'a certainement pas connu d'expansion depuis l'année dernière. Vous attendez-vous à des progrès? Voilà ma première question.

Ma deuxième question est la suivante: savez-vous quel est le pourcentage de vos exportations, à destination tant des autres provinces que de l'étranger?

M. Janes: Au niveau national, je crois que c'est à peu près 58 p. 100. Le PIB du Canada est d'environ 400 milliards de dollars. La valeur de nos exportations est d'à peu près 220 milliards de dollars. Cela représente 58 p. 100. Notre vice-président, M. Ploughman, a sans doute des précisions à vous fournir pour ce qui est des exportations provinciales.

M. Burf Ploughman, vice-président, Alliance of Manufacturers and Exporters Newfoundland: Les exportations de notre province sont encore plus importantes. Terre-Neuve est sans doute la province dont la balance commerciale est la moins équilibrée. Par exemple, nous exportons 85 p. 100 de notre poisson et, pour ce qui est des pâtes et papiers, le pourcentage est également élevé.

Nous avons fait récemment un sondage auprès de nos membres, qui sont plus de 500 ici, à Terre-Neuve. Nous avons déterminé que plus de 50 p. 100 d'entre eux exportaient. Notre pourcentage est sans doute plus élevé que la moyenne nationale de 58 p. 100.

J'aimerais dire quelques mots de l'importance de la TVH en ce qui concerne le secteur de la fabrication, et de son importance pour l'économie du pays. L'année dernière, la valeur totale des livraisons du secteur de la fabrication du Canada dépassait 400 milliards de dollars. Le PIB total du pays se chiffre à 750 milliards. Tel est le contexte à ne pas perdre de vue.

Comme je l'ai dit, 58 p. 100 de ces livraisons du secteur de la fabrication sont exportées. Cela soutient l'économie du pays. La TVH est extrêmement importante pour notre province ainsi que pour le reste du Canada, pour ce qui est d'améliorer notre compétitivité. Je sais que cela pose des problèmes, mais nous devons tenir compte de ses effets sur l'industrie la plus importante du pays.

Le sénateur Hervieux-Payette: Vous voyez les choses à long terme. Vous dites qu'il faut s'engager dans cette voie et que, devant votre succès, les autres gouvernements suivront. Il s'agit évidemment d'un succès mesurable étant donné que vous pourrez, d'une année à l'autre, évaluer les progrès de vos exportations.

M. Janes: C'est exact.

Le sénateur Hervieux-Payette: Nous nous sommes beaucoup intéressés au document du Conseil économique, car il semble être crédible. Le Conseil économique des provinces de l'Atlantique publie, ce trimestre, un rapport sur l'économie de vos provinces, ainsi qu'un rapport spécial sur Terre-Neuve et le Labrador. Ils s'intéressent également à divers mégaprojets comme Voisey Bay. Ils s'intéressent également au développement technologique.

J'ai été frappée de voir que, récemment, Statos Global Corp. a été cotée à la Bourse de Toronto. Les activités du secteur de la fabrication dans le domaine de la technologie vont-elles stimuler les exportations mondiales?

M. Janes: Oui, l'époque où le secteur de la fabrication évoquait des rangées de cheminées d'usine est révolue depuis longtemps. Ces dernières années, l'industrie terre-neuvienne, et surtout le secteur de la haute technologie, ont largement contribué à atténuer les problèmes causés par le ralentissement de la pêche traditionnelle en remplaçant une partie des emplois et des revenus perdus.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je suis certaine que la création d'emplois dans ce secteur incite certains de vos jeunes à rester dans la province au lieu d'aller chercher de l'emploi ailleurs. Pensez-vous que la taxe de vente harmonisée contribue à simplifier les choses et à promouvoir la croissance économique à Terre-Neuve?

M. Janes: Comme vous l'avez dit beaucoup mieux que moi, je n'en dirai pas plus.

Le sénateur Hervieux-Payette: Merci de votre exposé.

Le sénateur Cochrane: Monsieur Janes, vous dites, dans votre mémoire, que la taxe de vente harmonisée devrait comporter un seul et même taux et une seule assiette, sans aucune exception, pour l'ensemble du pays. Les autorités gouvernementales vous ont-elles consultés, vous et votre groupe, lors de la préparation de ce projet de loi?

M. Janes: Oui. Nous avons rencontré les représentants des gouvernements provinciaux et fédéral qui ont largement consulté notre organisation nationale, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada. Telle est la position que l'AMC a adoptée d'un bout à l'autre du pays et qui a le plein appui des membres de l'alliance, ici à Terre-Neuve.

Le sénateur Cochrane: Vous dites que l'organisation nationale préférerait une seule taxe de vente harmonisée à l'échelle de tout le pays.

M. Janes: N'oubliez pas que l'alliance nationale regroupe tous les groupes provinciaux, si bien que les dix sections qui constituent l'alliance des manufacturiers ont adopté cette position. Je ne voudrais pas faire croire que l'alliance de Toronto nous dicte notre position. L'alliance nationale exprime l'opinion des 10 sections.

Le sénateur Cochrane: Au cours de vos consultations et avant le dépôt de ce projet de loi, tous les membres de l'alliance étaient-ils d'accord pour dire qu'il fallait une taxe de vente harmonisée à l'échelle de tout le pays?

M. Janes: Tout le secteur de la fabrication, en effet. Bien entendu, ce qui compte le plus pour nous ce sont le crédit pour taxe sur intrants.

Le sénateur Cochrane: Néanmoins, les trois provinces de l'Atlantique ont décidé d'opter pour l'harmonisation, mais pas les autres provinces.

M. Janes: Quand elles seront mieux informées, je suis sûr qu'elles vont nous rattraper.

M. Ploughman: Si vous me permettez de poser une question, je voudrais savoir si le Québec, qui a une taxe harmonisée depuis plusieurs années, a connu les problèmes que tout le monde nous prédit pour la région de l'Atlantique?

Le sénateur Hervieux-Payette: Non, je ne pense pas que les entreprises ou les consommateurs aient eu trop de difficultés en ce qui concerne le prix. Je sais que les chaînes nationales comme La Baie diffusent périodiquement de la publicité annonçant qu'il n'y aura pas de TPS à payer. Nous savons très bien qu'elles vont acquitter la taxe. Cela peut créer des injustices quand certains commerçant n'englobent pas la TPS dans le prix qu'ils affichent. Bien entendu, s'il y avait les mêmes règles pour tout le monde, le consommateur saurait à quoi s'en tenir.

Je sais que vous ne faites pas de vente au détail, mais cela touche-t-il certains de vos fabricants? Les plaintes des consommateurs ont-elles amené les fabricants à indiquer les prix sur la marchandise? J'achète des produits qui viennent de l'étranger où les prix sont déjà inscrits sur la boîte, mais je ne paye jamais ce prix-là. Le prix que je paye est fixé par le détaillant. Qu'en pensez-vous?

M. Ploughman: Il faut en revenir à la raison pour laquelle la TPS a été instaurée. C'était pour remplacer la taxe sur les ventes des fabricants, qui était une taxe cachée. Bien entendu, quand vous achetez de l'essence, cette taxe reste cachée.

Le sénateur Hervieux-Payette: C'est un gros montant.

M. Ploughman: Oui.

Quand j'étais en Grande-Bretagne il y a deux ans, j'ai trouvé très agréable, quand je téléphonais pour connaître le prix d'une chambre d'hôtel ou quand j'allais dans un restaurant ou dans un magasin, de savoir quel était le prix réel à débourser. Il serait vraiment nécessaire que tout le Canada s'entende sur la question du prix. Je pense qu'un consommateur averti serait tout à fait pour.

Le sénateur Hervieux-Payette: Si j'ai bien compris, l'ancienne taxe cachée dont vous parlez n'était pas uniforme. Elle pouvait aller de 5 à 20 p. 100. Elle était très difficile à appliquer. Cette taxe uniforme va-t-elle rendre la vie plus facile pour tout le monde?

M. Janes: Oui. Si j'ai bien compris, quand ce sera fait, le prix total de la marchandise, taxes incluses, sera affiché sur l'étagère ou sur le produit. Néanmoins, le consommateur saura exactement combien il paye de taxe provinciale, fédérale ou harmonisée. Ce ne sera pas caché. Le client saura tout de suite quel est le prix total de la marchandise.

Le sénateur Cochrane: Monsieur Ploughman, ce matin, nous avons entendu des étudiants, la Chambre de commerce, M. Simms, les municipalités et l'association des artisans. Toutes ces personnes nous on fait part de leurs inquiétudes et elles craignent que le consommateur ait à payer plus. M. Simms a confirmé ce matin qu'en effet le consommateur paiera plus. Comme vous le savez, certains articles de base comme le mazout, l'électricité, les coupes de cheveux, et cetera, vont coûter 20 p. 100 de plus dans cette province. Qu'allez-vous dire aux consommateurs si vous voulez les convaincre?

M. Ploughman: Si j'ai bien compris, la raison pour laquelle le gouvernement fédéral a décidé de subventionner les provinces au cours des trois prochaines années est qu'elles allaient perdre une partie de leurs recettes fiscales. En principe, ce sera au profit des consommateurs. Vous avez raison de dire que certains articles, comme les coupes de cheveux, seront assujettis à la taxe de vente provinciale alors qu'ils ne l'étaient pas jusqu'ici.

Le sénateur Cochrane: Ainsi que le mazout et l'essence.

M. Ploughman: C'est exact. Je crois toutefois que le gouvernement a fait des études montrant que si l'on prend un panier de marchandises, le coût de la taxe diminuera pour certains articles et augmentera pour d'autres, mais que dans l'ensemble il y aurait une réduction.

C'est un peu plus compliqué, mais le prix des marchandises va baisser parce que, pour le moment, les fabricants paient la taxe de vente provinciale sur les fournitures, les réparations, l'entretien et le reste et que le prix du produit en tient compte. En fait, le consommateur paie la taxe deux fois.

Comme on l'a dit ce matin, nous avons deux économies au Canada. Nous avons, d'une part, l'économie dite d'exportation étant donné que 58 p. 100 des livraisons du secteur de la fabrication sont exportées. Nous avons, d'autre part, la consommation intérieure de produits canadiens. Aux États-Unis, près de 80 p. 100 de toutes les marchandises consommées sont des produits américains. Au Canada, ce taux n'est que de 40 p. 100 environ. Si nous pouvons réduire le coût de nos marchandises grâce à ces mesures fiscales, les consommateurs canadiens achèteront davantage de produits canadiens à un coût moins élevé. C'est peut-être difficile à comprendre pour le Canadien moyen, mais c'est crucial pour le développement économique du pays.

Le sénateur Cochrane: Cette année, Terre-Neuve et le Labrador toucheront 127 millions de dollars d'Ottawa en aide transitoire, mais la province s'attend à perdre 105 millions de dollars de taxes de vente à cause de la TVH, ce qui ne laissera qu'un profit net de 22 millions de dollars pour 1997-1998. La situation risque de s'aggraver étant donné que, comme chacun sait, ce paiement prendra fin dans trois ans. Que ferez-vous ensuite?

M. Ploughman: Je parlerai pour Terre-Neuve, étant donné que vous parlez de cette province. D'après tous les indicateurs économiques, d'ici à l'année prochaine, nous supplanterons toutes les autres provinces sur le plan du développement économique grâce à Voisey Bay, au pétrole extracôtier, à la croissance du secteur de la fabrication, à l'aquiculture et au reste. Nous aurons d'autres sources de revenu. Nous avons confiance dans l'avenir. Je suis d'accord avec vous pour dire que, dans trois ans, quand la subvention prendra fin, les recettes nettes seront nettement inférieures. Je crois toutefois que l'activité économique de la province compensera largement cette perte.

Le vice-président: Le témoin suivant est M. David Rogers, de Mark's Work Warehouse.

M. David Rogers, propriétaire-exploitant, Mark's Work Warehouse: Je suis le franchisé local de Mark's Work Warehouse. Je suis un Terre-Neuvien qui essaie de gérer une entreprise rentable. Je n'ai pas un gros compte en banque comme les sociétés nationales. Je souligne que je suis un franchisé et un exploitant local. Je paye mes propres factures et j'ai ma propre ligne de crédit à la banque.

Le vice-président: Êtes-vous établi ici, à St. John's?

M. Rogers: Oui. Je suis actuellement le seul franchisé que Mark's Work Warehouse compte dans la province.

Cette taxe de vente harmonisée m'inquiète un peu. Pour commencer, je suis très peu informé et, d'après ce que j'ai constaté ici depuis une heure, la plupart des gens ne sont pas trop sûrs des renseignements qu'ils sont obtenus. J'en ai entendu parler par les journaux, la télévision et mon chef de secteur qui se trouve à Montréal. Nous ne savons pas trop à quoi nous attendre.

Quand j'en ai entendu parler pour la première fois, je me suis dit que cette taxe était épatante parce qu'elle allait baisser. Toutefois, m'étant renseigné et en ayant discuté avec d'autres détaillants, d'autres gens d'affaires, je me dis que ce ne sera pas le cas. C'est donc un détail qu'il faut signaler à propos du revenu discrétionnaire.

Cette taxe sera beaucoup plus universelle. Elle sera incluse par exemple dans les factures de téléphone, de l'électricité et du mazout. Les consommateurs n'ont pas le choix car ce sont là des dépenses forcées. Toutefois, dans mon cas, un vêtement de plus peut ne pas être considéré comme une nécessité.

Je pense qu'en fait le consommateur considérera cela comme une augmentation de taxe plutôt qu'une baisse car la baisse de 4,84 p. 100 sur les biens de consommation sera largement annulée par l'augmentation de 8 p. 100 sur les produits essentiels.

Je pense qu'il se produira la même chose que dans la province de Québec. Mon chef de secteur me dit que les ventes ont baissé. On en ressent encore les effets.

Cette taxe va être avantageuse pour ceux qui achètent des meubles, une voiture, un téléviseur ou une chaîne stéréo, mais le consommateur moyen ne fait pas très souvent des achats majeurs de ce genre. Les petites choses coûteront plus cher. Ma femme me dit que cela nous coûtera de 45 à 50 $ de plus par mois.

Il est entendu qu'il faut attendre de voir ce qui va se passer, mais moi qui suis détaillant, je constaterai une diminution des ventes.

Ma plus grande inquiétude concerne le prix taxe comprise. Nous ne sommes pas bien renseignés là-dessus, mais d'après ce que je peux comprendre, il y aura des barèmes de conversion et des barèmes de prix pour nous venir en aide. Notre magasin est très bien tenu, bien organisé, de sorte que les clients qui le fréquentent peuvent trouver exactement ce qu'ils cherchent. C'est ce qu'ils aiment. Si nous devions afficher des barèmes et des cartes de prix à tout bout de champ, ce qui convient sans doute très bien à une épicerie ou à un autre genre de commerce, cela créerait la confusion, le chaos, et nos clients en seraient tout simplement incommodés.

Nous avons été forcés d'étiqueter nos articles de nouveau. Nous vendons des milliers d'articles différents. En plus du coût de démarrage, on nous dit que le coût total annuel, qui n'inclut pas uniquement le réétiquetage, sera de l'ordre de 30 000 $ pour chacun de nos magasins. Nous avons 14 magasins dans la région de l'Atlantique et il en coûtera à chacun 30 000 $. Cela viendra s'ajouter au coût de démarrage, c'est-à-dire ce qu'il en coûtera par exemple pour modifier nos ordinateurs. Dès le départ, il nous faudra étiqueter de nouveau chaque article que nous vendons.

Les fabricants nous ont déjà avertis qu'ils ne le feraient pas pour nous parce que nous sommes trop peu nombreux dans la région de l'Atlantique. Toutefois, ils seraient prêts à le faire pour nous mais en contrepartie d'une somme substantielle. On a parlé de 10c. l'étiquette. Nous pensons donc qu'il vaut mieux le faire nous-mêmes, mais cela aussi sera assez coûteux.

Je ne vais pas embaucher du personnel supplémentaire pour cela car je n'en ai pas les moyens. La vente au détail est très compétitive. Nous avons dû travailler d'arrache-pied pour demeurer rentables, de sorte que je vais me contenter du personnel que j'ai déjà. C'est le service à la clientèle qui va en souffrir et je vais perdre une partie de mon avantage concurrentiel.

Pour nous, le coût des catalogues et des encarts représente une grosse dépense. Nous faisons partie d'une organisation nationale et nous refusons d'avoir recours au système de double prix. Si l'on veut apporter une correction, il faut changer de plaque.

En août 1995, quand j'ai ouvert un nouveau magasin, il a fallu que je change de plaque et cela m'a coûté 5 000 $. Il faudrait que je refasse cela neuf fois par année. C'est un petit peu exagéré. Il faudra sans doute que nous renoncions aux encarts. Même la publicité qui est centralisée devra être modifiée si le prix est annoncé. Cela représente une dépense.

Cela peut représenter une grosse dépense de financement pour moi. Actuellement, nous nous approvisionnons, nous réglons la TPS de 7 p. 100, et ensuite il nous faut vendre cette marchandise. Nous avons un sursis de trois mois pour verser la TPS, mais comme nous avons déjà vendu la marchandise au moment où il faut acquitter la taxe, nous nous en tirons assez bien.

Si j'ai bien compris, désormais je vais être facturé pour 15 p. 100 du total par l'intermédiaire de Mark's Work Warehouse. Ces 15 p. 100 devront être acquittés mensuellement. À cette époque-ci de l'année, je ne peux pas songer à vendre cette marchandise dans les 30 à 45 jours qui suivent car, comme on le sait, dans la région de l'Atlantique, l'essentiel du commerce se fait en novembre et en décembre. Pour le reste du pays, c'est à peu près la même chose, mais dans la région de l'Atlantique particulièrement, c'est en novembre et en décembre que l'on vend. Je serai donc forcé d'augmenter ma marge de crédit et mes liquidités pour acquérir ces stocks car d'entrée de jeu il me faudra verser 15 p. 100 de leur valeur. J'espère que la banque voudra bien se montrer favorable.

Les commerçants veulent réaliser des bénéfices, et un coût supplémentaire de 30 000 $ pourra être assez néfaste pour mon bénéfice net. C'est nous qui allons devoir faire les frais du prix taxe comprise. Au bout du compte, ce sera le consommateur qui paiera. La Chambre de commerce prévoit que cette taxe de vente harmonisée se traduira en une augmentation de 1 à 3 p. 100 des coûts. Cela signifie que le consommateur subira sans doute une augmentation de 4 à 5 p. 100.

On ne devrait pas nous imposer une taxe de vente harmonisée de cette façon. On devrait au moins attendre que le reste du Canada s'y mette aussi. Il est injuste que la région de l'Atlantique soit visée car ce sera assez coûteux. Il semble que l'Île-du-Prince-Édouard n'a pas l'intention de participer. Cette province chérit particulièrement son avantage concurrentiel. On se leurre si on pense que quelqu'un va pouvoir introduire une nouvelle taxe en Alberta. Cela ne se fera pas. Je connais assez de gens en Alberta pour pouvoir dire que ce serait un suicide politique.

En terminant, je voudrais répéter que cette taxe aura une incidence énorme sur le revenu discrétionnaire. Il y aura une chute des ventes, et non pas le contraire. Ce prix taxe comprise coûtera cher et j'irai même jusqu'à dire que certains commerces devront fermer leurs portes.

Vous avez le pouvoir de rejeter cette mesure. Il faudrait que l'on songe à modifier ce prix de vente taxe comprise, voire à le supprimer.

Le sénateur Losier-Cool: Je vous demanderais de vous reporter de nouveau au rapport préparé par le Conseil économique des provinces de l'Atlantique, qui est un groupe très sérieux. Il y a peut-être certains éléments dans ce rapport qui pourraient répondre à certaines de vos préoccupations. Dans ce rapport, on affirme que Terre-Neuve est la province de la région de l'Atlantique qui tirera le plus grand profit de la TVH.

À propos du prix, dites-moi si actuellement vos marchandises sont étiquetées individuellement?

M. Rogers: À Terre-Neuve, tout est étiqueté individuellement. Ainsi si un article coûte 50 $, on voit 50 $ sur l'étiquette. Les clients savent qu'il faut qu'ils paient la taxe à la caisse. La plupart d'entre eux, un mois après l'entrée en vigueur de la TPS, savaient très bien ce que cela représenterait au total. Chaque article est étiqueté individuellement.

Le sénateur Losier-Cool: Je vous signale que l'Association de recherche de la côte Est a fait un sondage qui a permis de déterminer que 52 p. 100 des répondants souhaitaient un prix de vente taxe comprise, même si cela signifiait du travail supplémentaire. Ne pensez-vous pas que vos clients devraient pouvoir obtenir ce qu'ils souhaitent?

M. Rogers: Je serais d'accord avec vous si j'étais persuadé que mes clients le souhaitent, mais je ne le suis pas. Connaissant la méthode suivie pour ce sondage, je ne le trouve pas très crédible. Je n'en ai entendu parler qu'hier.

Le sénateur Losier-Cool: Comme consommateur, ne préférez-vous pas savoir exactement le prix que vous aurez à payer avant d'arriver à la caisse?

M. Rogers: Je veux savoir ce que le détaillant demande pour un article donné. Les consommateurs me disent qu'ils ne veulent pas que la taxe soit comprise dans le prix de vente. Ils ont l'habitude de faire le calcul.

Le sénateur Oliver: Je comprends ce que vous nous dites car moi aussi je suis propriétaire d'un commerce dont je m'occupe. Nous avons siégé au Nouveau-Brunswick deux jours et nous siégeons ici une journée, et ce que vous nous dites reprend ce que 85 p. 100 de tous les témoins que nous avons entendus nous ont dit à propos de la taxe harmonisée. Il est intéressant de constater qu'une opinion générale se dégage de la question. Nous avons constaté qu'on s'oppose généralement et vigoureusement à un prix de vente taxe comprise. On s'y oppose parce que cela représente un coût supplémentaire pour le consommateur, parce que cela se révélera plus inefficace et que le détaillant n'y trouvera aucun avantage concurrentiel, si bien qu'il n'y a aucune bonne raison sur le plan commercial d'inclure la taxe dans le prix.

Le commerçant est forcé de changer les méthodes de comptabilité d'établissement du prix et ses systèmes au point de vente. Vous avez également signalé le coût que représentait le réétiquetage de la marchandise. Ainsi les frais généraux vont augmenter et il y aura une énorme perte de compétitivité.

À Terre-Neuve, bien des témoins nous ont dit que le gouvernement n'avait absolument pas été à la hauteur pour ce qui est de renseigner le consommateur quant à l'incidence de cette taxe. Je vous remercie de l'avoir signalé. Également, il semble que vous soyez bousculés et que personne ne soit prêt pour cette nouvelle mesure.

Certains témoins nous ont dit qu'on devrait reporter la mise en vigueur du prix de vente taxe comprise à plus tard, pour au moins laisser aux gens le temps d'aplanir certaines difficultés. Qu'en pensez-vous?

M. Rogers: Je suis tout à fait contre le prix taxe comprise. Si cette taxe était universelle au Canada, nous n'aurions pas de problème de réétiquetage. Ce serait une mesure ponctuelle. Le Canada est un pays assez grand pour que les fabricants s'occupent de cette modification et il n'y aurait pas de problème. Dans les conditions actuelles, nous ferons toujours face à 30 000 $ de dépenses tous les ans?

Le sénateur Oliver: Tous les ans?

M. Rogers: Oui. Les fabricants ne vont pas changer les étiquettes pour nous uniquement. Il nous faudra changer l'étiquette de chaque article.

Le sénateur Oliver: À part ces 30 000 $ de coût annuel, y a-t-il d'autres coûts associés à cette taxe?

M. Rogers: Il y aura dès le départ un coût à assumer si j'ai bien compris. Toutefois, les choses ne sont pas claires.

Le sénateur Oliver: Avez-vous évalué ce que représenterait le coût supplémentaire pour votre commerce ici à Terre-Neuve?

M. Rogers: Il semble que cela coûtera de 2 000 à 3 000 $ dès le départ, ce qui représente ma part pour la programmation. Le coût de programmation est réparti entre 14 magasins.

Le sénateur Oliver: D'après des entretiens que vous auriez pu avoir avec des propriétaires et des exploitants d'autres magasins de Mark's Work Warehouse de la région, avez-vous constaté qu'ils craignaient ne pas pouvoir se maintenir à flot avec l'avènement de cette taxe? Si vous devez assumer un coût supplémentaire de 30 000 $ annuellement, la survie même d'un commerce n'est-elle pas menacée?

M. Rogers: Chaque magasin sera directement touché et nous serons beaucoup moins rentables. Il y aura deux ou trois petits commerces qui seront peut-être dans une situation marginale, mais je peux imaginer que certains gros magasins le seront aussi passablement.

Le sénateur Oliver: Peut-on supposer, advenant la fermeture de ces magasins à cause de la taxe, qu'il y aurait perte d'emplois dans la région de l'Atlantique?

M. Rogers: Oui. Si les autres commerces éprouvent les mêmes difficultés, y aura-t-il de l'embauche? Je ne pense pas.

Le sénateur Buchanan: Vous n'êtes pas le seul à vous en inquiéter. Je parlais à des détaillants dans la région de Halifax qui sont dans la même situation que vous. Ils exploitent des franchises pour Canadian Tire, Home Hardware, Mark's Work Warehouse et d'autres petits commerces de vêtements et ils vont s'en ressentir. Un exploitant m'a dit qu'il avait à surmonter un «quadruple handicap». Il y aura tout d'abord le coût initial de la transition, les coûts annuels de la transition qui doivent être absorbés, c'est-à-dire qui seront assumés par les clients, une augmentation de 8 p. 100 du prix des vêtements de moins de 100 $. La plupart des commerces comme le vôtre vendent des articles de moins de 100 $.

Vous dites qu'il vous en coûtera annuellement 30 000 $. D'autres commerces sont dans la même situation et les exploitants disent que s'il n'y a pas de modification, ils risquent de devoir fermer leur porte et il y aura des pertes d'emplois.

Le sénateur Rompkey: Pas si les autres magasins embauchent ces gens. Nous parlons de la différence entre les franchises et les autres commerces. Cela ne veut pas dire qu'il y aura une perte nette d'emplois.

Le sénateur Oliver: Plusieurs témoins ont parlé du rapport du Conseil économique des provinces de l'Atlantique. J'ai parlé à l'auteur de ce rapport, un économiste, de la question du prix de vente taxe comprise. En tant qu'économiste, il a reconnu hier au Nouveau-Brunswick que le prix de vente taxe comprise n'était pas une obligation dans le cas d'une taxe harmonisée. En fait, on pourrait toujours faire la distinction.

Diriez-vous qu'une taxe harmonisée vous conviendrait bien davantage si on n'exigeait pas l'étiquetage indiquant le prix taxe comprise?

M. Rogers: Absolument. Il nous faudrait tout simplement afficher la chose en vitrine. À Terre-Neuve, les gens sont habitués à ce que la taxe ne soit pas indiquée sur l'étiquette.

Le président: Nous accueillons maintenant de l'Eastern Newfoundland Home Builders Association Ltd., représentée par son président, M. Michael Lee. Nous accueillons également La Newfoundland Real Estate Association, avec M. Robin Davis, son président.

M. Michael Lee, président, Eastern Newfoundland Home Builders Association Ltd.: La taxe de vente harmonisée va être néfaste pour notre secteur. Les retombées économiques de notre secteur pour l'économie de la province sont appréciables. Six ans après l'entrée en vigueur de la TPS, on constate une augmentation des mises en chantier. Nous avons ici des chiffres que vous pourrez consulter. Avec l'avènement de la TPS, il y a eu une diminution des maisons construites par des entrepreneurs professionnels.

L'introduction de la TVH signifiera la disparition des entrepreneurs-rénovateurs professionnels. Dans le secteur du bâtiment résidentiel, les rénovations représentent environ 75 p. 100 de l'activité et en général un contrat comporte 60 p. 100 de main-d'oeuvre. Ainsi, une fois que la TVH sera introduite, si elle l'est, les entrepreneurs-rénovateurs seront touchés plus durement que les entrepreneurs qui font de nouvelles constructions.

L'année dernière, notre association a fait un examen poussé de l'incidence éventuelle de cette harmonisation pour le bâtiment. Nous avons constaté que le coût final d'une nouvelle maison augmenterait de 2,4 à 5 p. 100 avec la taxe harmonisée. Il y a des coûts directs, honoraires d'avocat et de comptable, et le coût de l'entretien de l'équipement.

On a bien prouvé que des taux d'intérêt bas ne suffisaient pas pour maintenir les nouvelles maisons à un prix abordable. D'autres facteurs essentiels interviennent comme la confiance des consommateurs, le niveau des taxes et des honoraires de même que la conjoncture réglementaire et fiscale sur laquelle se fonde une industrie saine et viable.

Toutefois, nous n'oeuvrons pas dans un marché tout à fait compétitif. En réalité, les consommateurs feront face à trois choix après l'harmonisation: ils pourront payer une augmentation du prix que représente la taxe lors de l'achat d'une nouvelle maison, ou ils pourront acheter une maison déjà construite auquel cas il n'y aura aucune TPS ni TVH, ou encore, et ils s'adresseront à quelqu'un qui travaillera clandestinement. Voilà donc ce qu'une augmentation de la taxe signifiera. Notre marché n'est absolument pas stable, de sorte qu'il y aura plus de mises en chantier et de rénovations clandestines.

La politique du gouvernement crée une fois de plus un avantage indu en faveur des deux derniers choix. Les entrepreneurs légitimes créent des emplois et de la richesse dans la province grâce aux habitations qu'ils construisent, et cette nouvelle taxe va leur nuire. Au Labrador, les choses se compliqueront encore davantage parce que là-bas il n'y a pas encore de taxe de vente provinciale sur les matériaux de construction. Le prix des maisons là-bas pourrait augmenter de plus de 5 p. 100.

Dans une économie clandestine, les consommateurs se voient comme des Robins des Bois, et ils considèrent qu'ils ont raison de ne pas payer la taxe. Quand ils embauchent un entrepreneur clandestin, les consommateurs sont en situation de porte-à-faux advenant un accident sur le chantier. Si le travail est de piètre qualité, les consommateurs n'ont aucun recours. Quotidiennement, les entrepreneurs doivent survivre dans un climat où le consommateur leur demande deux devis: un avec facture et un autre avec paiement comptant. Cela entraîne des pertes de recettes pour le gouvernement.

Nous avons des fournisseurs qui nous ont prévenu que le passage à la taxe de vente harmonisée entraînera de la confusion et contribuera à des dépenses supplémentaires pour modifier les systèmes informatiques.

La plupart des matériaux de construction que nous utilisons de nos jours proviennent de l'extérieur des provinces de l'Atlantique. Il en résulte un autre cauchemar pour ce qui est des prix. Selon des études faites par Gref Lambert et Mark Denis pour l'Association canadienne des constructeurs d'habitations, ACCH, la maison typique dans cette province contient 13 640 $ de coûts attribuables au gouvernement. Ce montant représente 16 p. 100 du prix total d'une nouvelle maison et, si la taxe harmonisée est appliquée comme prévu, il pourrait représenter entre 18,4 et 21 p. 100.

Chaque maison qui est construite dans la province crée 2,4 années-personnes d'emploi. Notre marché étant excessivement sensible au coût, la hausse de prix se traduira par une baisse des mises en chantier et par des pertes d'emplois.

Voici nos recommandations: que tous les paliers de gouvernement reconnaissent l'importance de la construction domiciliaire en prenant, dans leurs secteurs de compétence respectifs, l'engagement de l'appuyer dans les années à venir; que tous les paliers de gouvernement adoptent une approche stratégique relativement à l'imposition de la construction domiciliaire, afin de faire en sorte que les propriétaires de logements n'aient pas à assumer une part disproportionnée de la restructuration fiscale à tous les niveaux; que toutes les entreprises soient tenues d'obtenir un numéro de TVH afin qu'elles puissent être facilement identifiées et qu'il soit possible de repérer les travailleurs clandestins; que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, de concert avec l'association des constructeurs d'habitations, créent un comité tripartite pour lutter contre l'économie clandestine; qu'une remise de la TVH bien adaptée au besoin soit prévue pour les rénovations; qu'une remise de la TVH au consommateur soit prévue pour les nouveaux logements; qu'une remise de la TVH au consommateur soit prévue pour la part que représente la main-d'oeuvre dans le coût de toutes les rénovations; et que tous les paliers de gouvernement entreprennent et appuient une campagne de promotion afin de corriger la perception qu'a le public du fait qu'il coûte moins cher de faire construire que d'acheter. Ces mesures, si elles sont retenues, pourraient peut-être être mises en oeuvre de façon graduelle.

M. Robin L. Davis, président, Newfoundland Real Estate Association: Les consommateurs terre-neuviens de logement peuvent s'attendre à payer plus pour les logements nouvellement construits quand la taxe harmonisée entrera en vigueur le 1er avril. L'achat d'un logement est de loin le plus important et le plus onéreux de tous les achats que font la majorité des consommateurs.

La hausse de prix pourrait être évitée si le gouvernement provincial optait pour une remise acceptable au titre des nouveaux logements. Dans le document technique qu'ils avaient publié l'automne dernier, le gouvernement fédéral et les trois provinces s'étant ralliées à l'harmonisation s'étaient entendus pour que le traitement des logements soit le même en vertu de la nouvelle taxe harmonisée qu'en vertu de la TPS. Ce n'est pas ce qui se produit.

La TPS prévoit une remise de 2,5 p. 100 de la taxe fédérale de 7 p. 100 au titre des nouveaux logements. Cette remise sera maintenue sous le régime de la taxe harmonisée. La remise a été introduite au même moment que la TPS en 1991 afin que la nouvelle taxe ne nuise pas à l'abordabilité des logements.

Les dirigeants politiques provinciaux ayant affirmé que la taxe de vente provinciale, qui se trouve incorporée au prix des nouveaux logements, serait éliminée sous le régime de l'harmonisation et que, en outre, les constructeurs seraient admissibles au crédit de taxe sur les intrants relativement à la taxe harmonisée, la neutralité des prix est censée être préservée, mais ce ne sera pas le cas.

Dans une étude spécialisée effectuée récemment pour le compte de courtiers en immeubles des provinces participantes, on a éliminé la totalité de la taxe de vente provinciale de 12 p. 100 qui est incorporée dans le prix. On a ensuite refait le calcul en incluant la taxe harmonisée de 15 p. 100, non pas seulement sur les matériaux de construction, comme c'était le cas auparavant, mais sur le prix total de la maison. Le montant obtenu représentait une hausse de 3 800 $ pour la maison neuve typique qui coûte 142 500 $ à Terre-Neuve et au Labrador. Au Labrador, le montant pourrait être encore plus élevé, en raison des problèmes de transport.

Les nouvelles taxes qui s'appliqueront aux honoraires, notamment pour les évaluations, les inspections, les commissions, les levés de terrain, les services de notaire et la recherche de titres, se répercuteront sur le coût de la construction de nouveaux logements ainsi que sur toutes les transactions immobilières.

À compter du 1er avril, une taxe supplémentaire s'appliquera au coût mensuel d'entretien de la maison, du fait que le mazout, l'électricité et l'assurance-logement seront dorénavant taxés à un niveau plus élevé. Je crois savoir que nous, les habitants de Terre-Neuve et du Labrador, payons les primes d'assurance les plus élevées de tout le Canada pour nos logements résidentiels.

La solution, d'après les recherches effectuées pour les courtiers en immeubles, serait de prévoir une remise d'environ 3,3 p. 100 de la taxe provinciale de 8 p. 100 qui est incorporée à la TVH. Parmi les provinces qui ont accepté l'harmonisation, seule la Nouvelle-Écosse a déjà prévu une remise pour les nouveaux logements, et cette remise n'est que de 1,5 p. 100. C'est moins de la moitié du pourcentage recommandé. Le Nouveau-Brunswick a parlé de diverses mesures pour atténuer l'effet de l'harmonisation sur le secteur du logement, mais ces mesures restent encore à définir, à moins que vous n'ayez entendu quelque chose à ce sujet hier quand vous étiez là-bas.

La TVH doit entrer en vigueur dans moins d'un mois et le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador refuse toujours d'envisager une remise pour les nouveaux logements. Nous traversons une période d'incertitude critique pour les acheteurs de nouveaux logements et le secteur de la construction. C'est une situation qui inquiète beaucoup les courtiers en immeubles.

Si les gouvernements du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve et du Labrador décident de ne pas accorder de remise, les acheteurs de nouveaux logements dans ces provinces seront donc défavorisés par rapport aux acheteurs de la Nouvelle-Écosse. Dans tous les cas, à moins d'une remise acceptable, la TVH fera augmenter le coût des nouveaux logements à un moment où le marché commence à peine à se remettre après une longue période de marasme. Nous ne sommes pas encore revenus là où nous étions il y a six ans, malgré les excellents résultats que nous avons obtenus l'an dernier. Nous tentons toujours de faire remonter la courbe.

Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador viole un principe important, selon lequel la taxe de vente ne devrait pas rendre les logements moins abordables, alors même qu'il accepte une subvention fédérale spéciale qui est destinée à lui permettre de ramener le taux de sa taxe de 12 à 8 p. 100.

À compter du 1er avril, la remise au titre de la taxe harmonisée sera fixée à 15 p. 100. À quel niveau sera-t-elle fixée en l'an 2000? Jusqu'où élargira-t-on l'assiette fiscale? Comment se fait-il que trois provinces canadiennes seulement aient adopté la taxe harmonisée?

Le temps presse. Il faut agir dès maintenant. Nous implorons le comité sénatorial de faire en sorte qu'une remise au titre des nouveaux logements soit accordée dans toutes les provinces ayant accepté la taxe d'harmonisation afin de faire en sorte que le coût des nouveaux logements n'augmente pas après le 1er avril 1997.

L'Association de l'immeuble de Terre-Neuve et du Labrador représente près de 300 courtiers en immeubles de toutes les régions de la province. Je prends aujourd'hui la parole au nom, non pas seulement de l'association, mais aussi des consommateurs.

Le sénateur Oliver: Je voudrais explorer avec vous les conséquences de l'affaiblissement du marché ou de la réduction des mises en chantier qui résulteraient de cette taxe. Vous avez dit que, faute d'une remise au titre du logement comme celle que vous proposez, les gens ne voudront pas acheter les logements qu'ils achèteraient s'il y avait une remise. Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Davis: Il y a une autre difficulté qui se pose. Tout le monde doit obtenir l'approbation nécessaire pour un certain financement hypothécaire. Or, avec la menace de nouvelles taxes, aucun acheteur ne sait combien il pourra emprunter. Il se peut qu'aujourd'hui il ait le financement voulu pour acheter une maison de 90 000 $ mais que, quand tout sera fait, il n'aura plus droit qu'à un 83 000 $. On ne sait pas encore quelles seront les conséquences sur le plan pratique.

Comme l'a dit Mike, on encouragera ainsi l'économie clandestine. Je parie que le secteur du logement perdra plus d'argent avec l'avènement de la TVH qu'il n'en a perdu avec l'entrée en vigueur de la TPS de 7 p. 100. De nos jours, de nombreux entrepreneurs construisent des maisons sans avoir de licence pour la perception de la TPS. L'entrepreneur légitime, quand il fixe le coût des travaux de construction, doit prévoir, mettons, 10 000 $ pour la main-d'oeuvre. Je sais qu'on peut l'obtenir pour 6 000 $. Nous le savons tous, mais ces gens-là ne sont pas sanctionnés comme ils devraient l'être.

Le sénateur Oliver: Que devrait faire le gouvernement ou que devrait faire notre comité pour apaiser la crainte que vous avez que la nouvelle taxe favorisera l'économie clandestine?

M. Davis: Tous les entrepreneurs devraient avoir un numéro de TVH. Seuls les entrepreneurs qualifiés devraient être autorisés à construire des logements dans quelque province que ce soit. Je ne dis pas cela pour empêcher M. et Mme Lapointe, qui savent manier un marteau, de construire leur propre maison. Il ne s'agit pas du tout de cela. À Terre-Neuve, nous avons la LSPAS, et parmi les Terre-Neuviens qui ont participé, il y en a beaucoup qui sont parfaitement capables de construire une excellente maison.

Le sénateur Oliver: Plusieurs personnes soutiennent que les mises en chantier et la construction d'ensembles résidentiels sont le véritable moteur de l'économie d'une province ou d'une région. Si les mises en chantier et la construction d'ensembles résidentiels sont retardées par cette taxe, qu'arrivera-t-il, selon vous, à l'économie de la région en général?

Mme Rosemarie Woods, directrice générale, Eastern Newfoundland Home Builders Association Ltd.: D'après les prévisions de la SCHL, les mises en chantier diminueront principalement en raison de la TVH, et quand nous avons cherché à en mesurer l'impact en fonction de ce qu'avait été l'impact lors de l'avènement de la TPS, nous sommes arrivés à trois conclusions intéressantes. Après l'entrée en vigueur de la TPS, le prix des maisons neuves a augmenté en raison de la taxe. Le nombre de mises en chantier a diminué et le pourcentage de maisons construites par des entrepreneurs par opposition au pourcentage construites par le propriétaire ou par des travailleurs clandestins a diminué. Auparavant, c'était environ 50-50. Avec l'entrée en vigueur de la TPS, le rapport est tombé à environ 30-70.

Nous avons cherché à déterminer ce qui se produirait s'il en était de même avec l'entrée en vigueur de la TVH. Que se produirait-il si le nombre de mises en chantier diminuait, s'il y avait davantage de maisons construites par le propriétaire ou par des travailleurs clandestins et si nous constations que le prix des maisons augmentait en raison de la taxe? Si cela se produisait, les recettes nettes du gouvernement baisseraient de près de 2 millions de dollars dès la première année. Ce calcul ne tient même pas compte des rénovations, qui représentent 75 p. 100 de notre marché et où les travailleurs clandestins sont légion.

Le sénateur Oliver: Il en résultera une perte nette pour la province.

Mme Woods: Oui, de toute évidence, et pour le consommateur aussi.

M. Lee: M. Davis a parlé de remise tout à l'heure. Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement a dit publiquement qu'il y aurait une remise pour les nouveaux logements et les rénovations. Seul le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador n'a pas encore fait d'annonce publique semblable.

Le sénateur Oliver: Je suis sûr que vous comprenez que nous avons les mains liées. Comme nous faisons partie de l'appareil fédéral, nous ne pouvons guère intervenir pour inciter une province à accorder une remise. C'est à vous de traiter avec votre gouvernement provincial et votre premier ministre.

Mme Woods: Le gouvernement devrait prévoir une remise au titre des rénovations qui soit vraiment applicable dans la pratique. Personne ne réussit à répondre aux critères d'admissibilité à la remise existante au titre des rénovations. Vous l'avez sans doute remarqué, nous avons demandé une remise pour la part que représente la main-d'oeuvre. Sinon, on ne fera sans doute qu'encourager le propriétaire -- et je ne vois pas de mal à cela -- qui aura droit à une remise de la taxe sur les matériaux de construction. Si l'objectif est toutefois d'appuyer les propriétaires de petites entreprises, nous estimons qu'il faudrait envisager d'accorder une remise de la taxe sur la part que représente la main-d'oeuvre dans le coût de rénovation et de veiller à encourager, non pas l'économie informelle, mais les petites entreprises.

M. Davis: Sénateur Oliver, vous avez dit que vous aviez les mains liées en ce qui concerne les remises. Je m'en rends bien compte. En votre qualité de sénateur, vous avez toutefois la possibilité, surtout s'il y a des chances que cette taxe s'applique à l'échelle du Canada, ce dont je doute fort, de recommander que tout le monde soit sur un pied d'égalité. Je ne connais pas les détails de ce que va offrir le Nouveau-Brunswick, mais je sais que le gouvernement a prévu des mesures quelconques puisqu'il a déjà réservé des sommes à cette fin. Toutes les provinces devraient être sur un pied d'égalité; la remise devrait être la même partout, sans qu'il y ait de différence entre les provinces.

Il en coûte plus cher pour construire un logement à Terre-Neuve qu'il en coûte au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse à cause simplement de l'emplacement. C'est là une réalité quotidienne pour nous. En votre qualité de sénateur, vous avez la possibilité de nous permettre à tout le moins d'être sur un pied d'égalité avec les autres provinces.

Le président: À titre d'information, je vous dirai que dans le budget déposé récemment au Nouveau-Brunswick -- je sais bien qu'on attend toujours le dépôt du budget à Terre-Neuve --, 5 millions de dollars sont prévus pour surmonter les difficultés dont vous avez parlé. Le ministre nous a dit que la répartition de ces 5 millions de dollars n'a pas encore été décidée. En Nouvelle-Écosse, on prévoit une remise de 1,5 p. 100 sur la part provinciale de la TVH pour les maisons dont le prix ne dépasse 150 000 $. Vous avez parfaitement raison de dire que deux des provinces ont adopté des mesures, et je suppose qu'on ne saura pas à quoi s'en tenir dans votre province tant que le budget n'aura pas été déposé le 20 mars.

M. Davis: La province nous a dit que la réponse serait non.

Le président: Nous accueillerons cet après-midi le ministre des Finances. Je ne doute aucunement que quelqu'un lui posera la question.

Le sénateur Rompkey: Les arguments que présentent ces gens me paraissent vraiment irrésistibles. C'est quelque chose que nous devrions approfondir. La responsabilité, comme l'a dit le sénateur Oliver, appartient principalement à la province. Nous devrons voir ce que dira la province et quelles sont les mesures qui sont prévues.

Comment expliquer la fluctuation d'une année à l'autre? Je constate, par exemple, que l'année 1993 a été très bonne pour le nombre de mises en chantier. Il y en a eu 846, comparativement à 660 l'année précédente. En 1996, il y en eu plus qu'en 1995. En 1995, il y en a eu 547, comparativement à 639 en 1996.

Mme Woods: À Terre-Neuve et au Labrador, on inclue dans les logements multiples les appartements individuels, comme les appartements qu'on fait construire dans le sous-sol de sa maison. Les logements multiples ne se limitent pas aux ensembles résidentiels. Il est important de le comprendre.

Le sénateur Rompkey: On constate la même fluctuation dans le cas des appartements individuels, bien qu'elle ne soit pas aussi prononcée. Ainsi, il y a eu une légère augmentation en 1996 par rapport à 1995. Vous avez dit que cette année-là avait été bonne. Pourquoi a-t-elle été bonne?

M. Lee: C'est que l'année 1995 a été terrible.

Le sénateur Rompkey: Ah, bon, ce n'est pas tellement que 1996 a été une bonne année, mais que l'année 1995 a été tellement pourrie?

M. Lee: Oui.

Le sénateur Rompkey: Qu'est-ce qui cause la fluctuation d'une année à l'autre? Quels sont les facteurs? La taxe de vente est-elle un facteur?

M. Lee: Cela dépend beaucoup de l'économie.

Le sénateur Rompkey: Et s'il y avait un redressement économique d'ici trois à cinq ans, la taxe de vente serait-elle un facteur important dans le nombre de mises en chantier?

M. Lee: La taxe de vente est toujours un facteur dans la construction. Nous ne pouvons pas nous mettre à rêver en couleur et attendre que la situation s'améliore. Nous sommes actuellement aux prises avec la TVH qui, elle, est bien réelle.

Le sénateur Rompkey: Nous savons qu'il y a 150 millions de tonnes de nickel dans le sol. Ce n'est pas exactement un rêve.

M. Lee: In 1988, 3 300 maisons ont été construites à Terre-Neuve, et en 1995, il y en a eu 1 300. Toutes proportions gardées, la baisse a été très rapide. Ce serait bien de pouvoir dire que 1998 sera une bonne année, et c'est ce que prédit la SCHL, mais elle prédit aussi que la construction de nouveaux logements baissera en 1997.

Le sénateur Rompkey: C'est l'inverse au Labrador. Les gens font même la queue devant l'hôtel de ville de Happy Valley-Goose Bay pour les 50 nouveaux terrains à bâtir qui sont prêts à être mis sur le marché cette année.

Mme Woods: Sur le total des mises en chantier en milieu rural l'an dernier, 100 sont attribuables au Labrador. La situation là-bas fausse vraiment les chiffres. Tous ces impôts, taxes et droits qui sont incorporés au prix de la maison sont inclus dans le montant du prêt hypothécaire et amortis sur 20 ou 25 ans, de sorte que le coût pour le consommateur est encore plus élevé qu'il n'y paraît au départ.

Le sénateur Rompkey: Je comprends l'analyse que vous faites de la situation. Je me demandais simplement si ce ne serait pas l'économie en tant que telle qui déterminerait le nombre de mises en chantier.

M. Lee: J'ai eu un appel hier d'un type de Goose Bay, au Labrador, qui me disait que, même si l'année dernière avait été bonne pour la construction domiciliaire, un certain nombre de travailleurs étaient venus juste le temps qu'il fallait pour construire ces maisons et qu'ils n'avaient rien laissé à Goose Bay. Ils étaient repartis dans l'île avec leurs gains. C'est là un exemple de la présence de l'économie clandestine.

Le sénateur Cochrane: Monsieur le président, je voulais poser une question sur les pertes de recettes pour la province. Le témoin y a déjà répondu.

Le président: Nos témoins suivants représentent l'Association médicale de Terre-Neuve et la succursale de Terre-Neuve de l'Association du barreau canadien. Le Dr Mike Cohen est le président de la Newfoundland and Labrador Medical Association et M. Paul Burgess est le président de la section de Terre-Neuve du Barreau canadien. Notre comité entend souvent comme témoins des avocats mais vous êtes les deux premiers que nous entendons depuis le début de ce déplacement. L'Association du barreau canadien n'a pas témoigné à Ottawa et nous vous sommes donc reconnaissants de nous offrir votre aide.

Dr Mike Cohen, président, Newfoundland and Labrador Medical Association: Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de nous accorder votre temps. L'Association médicale canadienne a déposé un mémoire auprès de votre comité dont nous appuyons le contenu et les conclusions. Nous n'avons pas nous-mêmes préparé de mémoire mais j'aimerais saisir cette occasion pour vous exprimer certaines de nos réserves.

Notre association représente les 1 200 médecins et étudiants en médecine de la province. Nous avons pour mission de protéger la santé de nos concitoyens en leur inculquant de bonnes habitudes de prévention et en leur offrant des soins de qualité et nous insistons sur l'importance de notre rôle au niveau des politiques de santé. Si nous comparaissons aujourd'hui devant vous, c'est pour vous demander instamment de modifier la politique fiscale actuelle qui est élargie dans le projet de loi C-70 et qui dessert les objectifs de la politique de santé.

L'Association médicale canadienne, représentant les médecins de notre pays, a témoigné de nombreuses fois devant les comités nationaux chargés d'étudier la politique fiscale. Lors de chacun de ces témoignages, l'Association médicale canadienne s'est fermement engagée envers un régime fiscal juste et équitable pour tous. Cependant, depuis la création de la TPS en 1991, les médecins canadiens sont traités injustement.

Comme l'AMC vous l'a dit, la TPS, et demain la nouvelle TVH, ne permet pas aux médecins de déduire de leurs impôts, sous forme de crédits les fournitures médicales qu'ils utilisent pour offrir des soins de qualité à leurs patients car les services médicaux sont exonérés d'impôt. De plus, étant donné que la grande majorité de nos services sont pris en charge par les gouvernements provinciaux et territoriaux, les médecins ne peuvent absorber l'augmentation du coût de ces services en majorant leurs honoraires. C'est singulariser les médecins et les traiter différemment des autres travailleurs indépendants.

La majorité des travailleurs indépendants et des petites entreprises peuvent réclamer des crédits d'impôt sur les intrants. De manière analogue, d'autres professionnels de la santé peuvent récupérer les coûts associés à la TPS et à la TVH. Il n'y a que les médecins qu'on oblige à supporter les coûts croissants de la TPS sans contrepartie.

À Terre-Neuve et au Labrador, le traitement injuste des médecins au niveau de la TPS et de la TVH aboutit à une mauvaise politique de santé. Il devient de plus en plus difficile de maintenir en place un système qui offre des soins de qualité accessibles face aux problèmes croissants de recrutement et d'exode des médecins. Une rémunération inférieure, des conditions de travail et des charges de travail difficiles ont incité beaucoup de médecins à quitter la province. Ceux qui sont restés sont de plus en plus frustrés et commencent à songer au départ. Face à cette réalité, la TPS et la nouvelle TVH ne font qu'aggraver le problème.

Une étude indépendante réalisée dernièrement par KPMG montre que la nouvelle TVH fera augmenter les frais professionnels des médecins de Terre-Neuve et du Labrador de 1,9 p. 100, sans compter l'augmentation des coûts déjà imposée par la TPS, problème dont, je crois, l'AMC vous a déjà parlé.

Permettez-moi de définir ce que cela signifie. Le médecin moyen de la province pourra voir ses dépenses augmenter d'environ 1 200 $ avec la TVH. Cela correspond, par exemple, au salaire mensuel de ma secrétaire de cabinet. Cela vient s'ajouter aux coûts supplémentaires imposés par la TPS. L'exemption constitutionnelle empêche de faire assumer ce coût par le gouvernement provincial. Le plafonnement du budget des services médicaux et le plafonnement des honoraires empêchent de compenser ce coût par des revenus supplémentaires. C'est aux médecins d'absorber cette augmentation de coûts et pour nombre d'entre eux la seule solution, c'est de quitter la province pour aller pratiquer ailleurs.

Les médecins tentés par Terre-Neuve et le Labrador seront découragés par ces coûts professionnels supplémentaires. De manière analogue, les médecins déjà installés considèrent la TVH comme un encouragement supplémentaire au départ, étant donné qu'elle vise de manière particulièrement discriminatoire les seuls médecins. De ce point de vue, la TPS et la TVH desservent la politique de santé de la province.

L'Association médicale de Terre-Neuve et du Labrador vous demande instamment d'appuyer les modifications mettant fin au traitement injuste auquel la TPS et la nouvelle TVH soumettent les médecins. De telles modifications apportées au régime de la TPS et de la TVH permettront de ne pas aggraver les difficultés provinciales déjà réelles à recruter et à retenir des médecins et à offrir des soins de qualité accessibles.

L'Association médicale canadienne a recommandé comme amendement au projet de loi C-70 d'exonérer tous les services médicaux. Nous vous demandons instamment d'appuyer cet amendement pour que tous les professionnels de la santé soient traités avec justice. Les bonnes politiques fiscales et les bonnes politiques de santé doivent aller de pair.

M. Paul Burgess, président, Barreau canadien -- Section de Terre-Neuve: Merci d'être venus aujourd'hui à St. John's pour nous écouter.

L'ABC représente plus de 35 000 avocats, juges, notaires, professeurs de droit et étudiants en droit au Canada. Nous comptons près de 400 membres dans cette province. L'un des objectifs de l'ABC est de promouvoir l'accès à la justice et l'ABC craint que l'application de la TVH n'ait un effet préjudiciable sur la capacité de certains à accéder à la justice.

Nous reconnaissons que la nouvelle TVH dégagera des recettes supplémentaires pour le gouvernement de Terre-Neuve qui l'aideront grandement à atteindre ses objectifs budgétaires, tâche difficile s'il en est dans la conjoncture actuelle. Notre chapitre est également conscient des avantages de la TVH pour les entreprises. Cependant, nous laissons le soin à d'autres organismes et à d'autres groupes d'intérêt de débattre les mérites économiques de la TVH.

Comme je l'ai dit au début, la crainte de l'ABC concerne les difficultés accrues d'accès à la justice pour certains à cause de la TVH. Malheureusement, il y a beaucoup de gens financièrement désavantagés dans notre province. La TVH augmentera le coût des services juridiques de 8 p. 100 et bien que cela puisse sembler insignifiant pour certains, cela peut en empêcher beaucoup de se faire représenter juridiquement dans des affaires susceptibles d'avoir des conséquences importantes sur leur vie.

Permettez-moi de vous citer certains exemples qui nous préoccupent particulièrement. Le premier concerne les demandes de pensions alimentaires, de modifications justifiées de ces pensions ou d'exécution des ordonnances de pension. Le deuxième concerne les évictions par les propriétaires ou la confiscation des dépôts de garantie. Le troisième concerne les divorces et les décisions de garde, d'accès, de partage des biens, les dettes et les ordonnances de pension. Le quatrième concerne la défense contre des allégations injustes. Le cinquième concerne les indemnisations en cas de réduction des effectifs ou de renvoi injuste. Le dernier concerne les demandes de prestations conformément à la législation de bien-être social telles que les prestations d'assurance-emploi ou d'assistance sociale.

Il arrive que des personnes à faible revenu n'aient pas pour autant accès à l'aide juridique. Par exemple, la mère célibataire avec deux enfants qui doit se battre devant les tribunaux pour sa pension alimentaire. Il n'est pas déraisonnable de chiffrer ses frais juridiques à 3 000 $ ou 5 000 $. Or, une fois la TVH en vigueur, elle aura 240 $ à 400 $ de plus à payer. Je crois que notre société insiste pour que les enfants de couples séparés soient correctement pris en charge et protégés de la pauvreté et du besoin. Cette augmentation de la taxe sur les démarches nécessaires pour que les enfants de parents séparés touchent le dû qui leur revient de droit rendra impossible à certains et plus difficile à d'autres de se faire correctement représenter.

Chaque année dans cette province, beaucoup de gens sont innocentés d'inculpations criminelles ou bénéficient d'un non-lieu ou d'un classement sans suite. Une personne faussement accusée de crime pour une erreur d'identification, pour une mémoire fautive, pour une dénonciation malveillante ou pour toute autre raison peut, pour un crime sérieux, facilement voir ses frais juridiques dépasser les 10 000 $. Pour des crimes moins graves, c'est au minimum 1 000 $.

De plus, le critère financier n'est pas le seul facteur pour déterminer le droit à l'aide juridique. Le droit à l'aide juridique est proportionnel au risque d'emprisonnement. La taxe supplémentaire d'au moins 80 $, voire dans certains cas de 800 $ ou plus devra être assumée par ceux qui assument déjà de leurs poches les services juridiques. Ceux qui n'en ont pas les moyens peuvent essayer de se défendre eux-mêmes et courir le plus grand risque de se faire inculper pour ne pas avoir posé certaines questions importantes. Certains peuvent même décider de plaider coupable par manque d'options.

Celui qui s'est fait renvoyé peut être en droit de se faire réembaucher ou indemniser. Beaucoup trop sont effrayés par le coût du service quand ils n'ont pas de moyens suffisants. Pour des services juridiques de 1 200 $, par exemple, un employé licencié peut obtenir une indemnisation qui lui permet de mieux supporter la transition entre les prestations d'assurance-emploi ou de bien-être et un autre emploi.

Le chapitre de Terre-Neuve de l'ABC s'inquiète vivement du fait que la TVH sur tous les services juridiques ne gêne l'accès à la justice pour les Terre-Neuviens, ne multiplie les injustices et n'augmente les coûts à tous les paliers du système. Ce sont juste quelques exemples illustrant les iniquités éventuelles.

Lors de sa réunion nationale du milieu de l'hiver tenue récemment à Québec en février dernier, le conseil de l'ABC national a adopté une résolution dont je vous ai fait distribuer des copies dans laquelle il demande instamment aux gouvernements de Terre-Neuve, du Nouveau-Brunswick et de Nouvelle-Écosse, ainsi qu'au gouvernement de toute autre province et tout autre territoire dans laquelle une taxe de vente harmonisée est appliquée ou sur le point d'être appliquée, d'exempter de cette taxe tous les services juridiques, et nous rappelons certains des services juridiques particuliers auxquels nous nous référons.

L'ABC ne propose pas que tous les services juridiques soient exemptés et craint également qu'un mécanisme qui n'exempte pas les services juridiques ne gêne l'accès à la justice car en cas d'adoption d'un mécanisme de remboursement ou de tout autre type de mécanisme, il y aura toujours des gens qui n'auront pas les ressources financières pour retenir immédiatement les services de conseillers juridiques et compter sur le remboursement à une date ultérieure.

Nous invitons instamment votre comité à ne pas oublier ces problèmes éventuels. Nous vous remercions d'être venus et de nous avoir donné l'occasion de vous en parler. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions si vous en avez.

Le sénateur Buchanan: Docteur Cohen, nous avons reçu des mémoires de Mme Judy Kazimirski, présidente de l'AMC, qui est de Windsor en Nouvelle-Écosse.

Dr Cohen: Je sais très bien d'où elle est, sénateur.

Le sénateur Buchanan: John Cabot a touché le Cap-Breton avant de toucher Terre-Neuve. Nous avons également entendu le docteur Pugh et d'autres médecins représentant l'Association médicale du Nouveau-Brunswick et nous vous entendons aujourd'hui au nom de Terre-Neuve et du Labrador. Demain nous entendrons les représentants de l'Association médicale de Nouvelle-Écosse.

Les chiffres que Mme Kazimirski nous a donnés et maintenant confirmés dans une lettre indiquent que, dans les trois provinces de l'Atlantique, le coût supplémentaire de la TVH pour les médecins, sans comprendre le coût déjà existant de la TPS, le coût en sus, sera d'environ 4,7 millions de dollars; le montant attribué à Terre-Neuve est d'environ 1 million de dollars, à la Nouvelle-Écosse environ 2,1 millions de dollars et au Nouveau-Brunswick environ 1,6 million. Ils nous ont tous répété que les médecins se trouvant dans une situation unique dictée par la Loi canadienne sur la santé doivent absorber tous ces coûts. Il leur est impossible de les répercuter sur leurs patients.

Dr Cohen: C'est exact.

Le sénateur Buchanan: Est-ce que ces chiffres sont exacts et est-ce bien la situation ici à Terre-Neuve?

Dr Cohen: Oui. Notre enquête prenait en compte aussi bien l'augmentation des loyers que la diminution du prix de l'essence.

Le sénateur Buchanan: J'allais aussi le mentionner. En plus des 4,7 p. 100, vous aurez des coûts supplémentaires que vous pourrez, bien entendu, déduire comme dépenses.

Quelqu'un nous a dit à Ottawa que les médecins pouvaient déduire ces dépenses supplémentaires de leurs revenus. Cela me semble un peu ridicule car je considère que les médecins et les avocats sont les chefs de petites entreprises.

Dr Cohen: Exactement.

Le sénateur Buchanan: Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on voudrait singulariser les médecins. Votre situation est unique. Vous ne bénéficiez ni de crédits d'impôts sur les intrants, ni d'abattements, et vous ne pouvez faire payer vos patients.

Dr Cohen: C'est l'injustice fondamentale de toute cette affaire, sénateur.

Le sénateur Buchanan: Un de nos témoins au Nouveau-Brunswick nous a dit que cela pourrait être la goutte d'eau qui fera déborder le vase et qui incitera certains docteurs à envisager le départ.

Dr Cohen: Presque tous les médecins, aux quatre coins du pays, sont assujettis à des plafonnements budgétaires. Il n'y a pas eu d'augmentation conséquente du revenu des médecins depuis cinq ou six ans, voire plus. Donc chaque fois qu'un de ces médecins voit ses frais augmenter, son revenu diminue d'autant. Il constate l'injustice fondamentale de cette taxe car d'autres professionnels comme les dentistes et les avocats peuvent la répercuter.

Le sénateur Angus: J'ai eu l'occasion de discuter de cette question particulière avec un membre haut placé de votre assemblée législative, tôt ce matin, et les questions que j'ai posées lors des autres audiences montrent combien votre situation particulière m'inquiète. Cette personne m'a dit qu'en réalité, il n'y avait pas du tout de problème et que les responsables avaient écouté avec attention vos arguments éloquents, ainsi que ceux tout aussi éloquents de l'AMC. Le problème est que les médecins, dans la mesure où ils sont payés par l'État en vertu du régime d'assurance-maladie, sont considérés comme des bureaucrates, des fonctionnaires qui ne devraient pas bénéficier d'un traitement spécial. C'est la raison pour laquelle ils ne sont pas exonérés de cette taxe. Qu'en pensez-vous?

Dr Cohen: Je vous rappelle que nous parlons de traitement injuste et non pas de traitement spécial. Les bureaucrates ne dirigent pas d'entreprises privées. Les médecins dirigent des entreprises privées. Nous ne contrôlons pas nos dépenses. Nos dépenses augmentent au fur et à mesure que le coût de la vie augmente: le salaire de nos secrétaires augmente, le loyer et l'essence augmentent, et cetera. Nous ne pouvons répercuter ces dépenses. C'est l'injustice fondamentale de la TPS, et la TVH ne fera qu'aggraver la situation.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai travaillé pour le ministère québécois de la Santé pendant plus de quatre ans. J'aimerais que vous me donniez les données de base dans votre cas personnel. Comment se répartissent les revenus que vous rapporte votre cabinet et ceux que vous rapporte votre travail en milieu hospitalier?

Dr Cohen: Vous voulez parler des dépenses?

Le sénateur Hervieux-Payette: Non. Je suppose que vos sources de revenus sont à la fois privées, votre propre cabinet, et publiques, votre travail à l'hôpital.

Dr Cohen: Cela dépend si on est spécialiste ou généraliste. Les généralistes travaillent surtout dans leur cabinet à moins qu'ils ne soient salariés par un hôpital. Les spécialistes gagnent une partie de leur revenu dans leur cabinet et l'autre de leur travail en milieu hospitalier mais cela dépend si vous êtes chirurgien ou interne. Il m'est difficile de vous donner ces chiffres.

Le sénateur Hervieux-Payette: Le service offert par un généraliste l'est-il dans une clinique du gouvernement?

Dr Cohen: Non.

Le sénateur Hervieux-Payette: Dans les cas où ces services sont offerts, les médecins sont salariés et l'équipement et le matériel sont fournis par le gouvernement.

Dr Cohen: Notre enquête portait sur les médecins payés à l'acte. Elle ne portait pas sur les médecins salariés.

Le sénateur Hervieux-Payette: Sous le régime de la TPS, on ne peut pas demander ce remboursement.

Dr Cohen: C'est exact.

Le sénateur Hervieux-Payette: Quelle raison ont donnée ceux qui ont mis en place la TPS pour ne pas tenir compte de cette particularité?

Dr Cohen: Nous ne le savons pas. Depuis le début, nous répétons que nous aurions dû être exemptés.

Le sénateur Hervieux-Payette: La situation n'est pas nouvelle.

Le sénateur Angus: Nous nous sommes fait battre le 23 octobre.

Pouvez-vous nous donner les statistiques que vous avez citées?

Dr Cohen: Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: Évidemment, nous cherchons des moyens nouveaux d'assurer les services médicaux. J'espère que ceux qui sont chargés de repenser les questions de santé se pencheront sur cette anomalie fiscale. Il est probablement plus facile de changer un secteur que de changer l'ensemble de la structure fiscale, plus facile de faire des exceptions.

Je m'adresse maintenant aux juristes parmi vous. Avec l'harmonisation au Québec, une nouvelle taxe de vente provinciale vient s'ajouter à nos factures. À partir de quel niveau de revenu a-t-on droit à l'aide juridique?

M. Burgess: Dans cette province, nous n'avons pas un niveau précis en-dessous duquel on a droit à l'aide juridique. On applique un critère assez compliqué qui tient compte de la position financière et d'autres facteurs. Dans cette province, on ne dit pas qu'une personne qui gagne, par exemple, moins de 12 500 $ par année, a droit à l'aide juridique.

Les cas qui nous préoccupent, ce ne sont pas tellement les gens qui ont droit à l'aide juridique, mais plutôt ceux qu'on considère comme des «pauvres qui travaillent».

Le sénateur Hervieux-Payette: Vous avez également la cour des petites créances où les sommes en cause ne sont pas considérables. Par exemple, en cas de différend entre un locataire et un propriétaire, si la somme en cause n'est pas très importante, on peut s'adresser à la cour des petites créances.

M. Burgess: Vous avez raison. Dans cette province, la cour des petites créances fixe une limite de 3 000 $. Toutefois, s'il s'agit d'un différend avec un propriétaire, nous avons une commission, la «Residential Tenancies Board» qui s'en occupe. Vous devez entamer les poursuites auprès de la division de première instance de la Cour suprême de Terre-Neuve qui réfère ensuite l'affaire à la Residential Tenancies Board.

Le sénateur Hervieux-Payette: Cette nouvelle taxe ne s'appliquera qu'aux gens qui réclament plus de 3 000 $ ou encore ceux qui n'ont pas droit à l'aide juridique.

M. Burgess: C'est exact.

Le sénateur Hervieux-Payette: C'est une chose que j'ai vue dans ma propre province. Si j'ai bien compris, au Québec les gens font moins appel aux services de l'aide juridique qu'avant la mise en place des deux taxes.

M. Burgess: Dans cette situation, on doit se contenter de témoignages personnels.

Le sénateur Hervieux-Payette: Vous parlez au nom des consommateurs, car en votre qualité d'avocat, vous répercutez la taxe sur vos clients.

M. Burgess: C'est exact.

Le sénateur Hervieux-Payette: Comme vous le savez, avec la nouvelle loi sur les pensions alimentaires pour enfants, il y a un mécanisme pour récupérer la pension alimentaire. Ce système sera appliqué à l'échelle nationale et financé en grande mesure par le gouvernement fédéral. Pensez-vous que les coûts de recouvrement des pensions vont baisser? Auparavant, même lorsqu'un plaignant obtenait un jugement en sa faveur, il ou elle devait entamer des poursuites pour obtenir que le jugement soit exécuté. Ne pensez-vous pas que pour vos clients ce sera un avantage très net? C'est certainement plus commode de consulter un avocat, car en dépit des honoraires que cela représente, au moins il sera beaucoup plus facile d'obtenir l'exécution d'un jugement.

M. Burgess: Nous ne comparaissons pas devant ce comité pour défendre nos propres intérêts. Ce que nous voulons, c'est que les gens sollicitent une opinion juridique et se fassent représenter avant qu'un jugement ne soit porté, car si ce genre de chose n'est pas fait dès le départ, évidemment, ce n'est pas possible par la suite. N'importe quel mécanisme qui aide les gens à toucher à la pension à laquelle ils ont droit est une bonne chose. Nous vous avons dit ce qui nous préoccupait dans les différents domaines de la représentation juridique.

Le sénateur Oliver: Je m'adresse à M. Paul Burgess; c'est une question au sujet de la résolution que vous nous avez montrée aujourd'hui. Quand vous voyez la liste des éléments que John Hoyles, le directeur exécutif, a inscrits dans cette résolution: droit du travail, droit des propriétaires et des locataires, droit criminel, droit de la famille, tous ces éléments sont là pour aider les gens qui ont un revenu fixe ou qui n'ont pas un revenu très élevé.

Pendant vos délibérations, avez-vous envisagé un type de protection plus universel à l'intention des gens qui pourraient avoir des problèmes semblables en ce qui a trait à d'autres dispositions? Avez-vous pensé au système fiscal, avez-vous pensé qu'un système de crédits d'impôt pourrait régler les problèmes que vous avez décelés?

M. Burgess: Nous disons seulement que certains éléments sont une source de préoccupation. Cette résolution a été adoptée à l'unanimité par le conseil au Québec. Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive, mais plutôt d'une indication du type de services juridiques qui méritent un examen.

Le sénateur Oliver: Je crois que vous n'avez pas du tout compris ma question.

M. Burgess: Quant à un système de crédits d'impôt, le problème c'est que les gens ont besoin d'argent dès le départ pour obtenir les services juridiques dont ils ont besoin. S'ils sont forcés d'attendre un remboursement de l'impôt sur le revenu, cela vient un peu tard. C'est au moment où ils sollicitent des services juridiques qu'ils en ont besoin, à un moment où ils n'ont pas d'argent disponible.

Le sénateur Angus: En tant que membre de l'ABC, je tiens à vous remercier d'être venus aujourd'hui et de nous avoir fait cet excellent exposé au nom de l'ABC. Je suis sûr que mes collègues qui sont membres, eux aussi, de cet organisme, seront d'accord avec moi. C'est une association qui nous en donne toujours pour notre argent. Toutes les interventions de l'ABC au cours des 12 derniers mois ont été exceptionnelles.

J'ai une question au sujet de cette TVH. J'aimerais avoir votre opinion sur le cas suivant: vous êtes avocat à St. John's, et une compagnie d'assurances de Vancouver vous demande une opinion juridique sur la couverture d'une personne qui est assurée ici, mais avec un souscripteur à Vancouver. Est-ce qu'on doit déduire la taxe? Est-ce qu'on doit ajouter la taxe?

M. Burgess: Quelqu'un en parlait tout à l'heure pendant que nous attendions: il y a beaucoup d'incertitude, et surtout dans la profession juridique. La réponse simple est: je n'en suis pas certain. Toutefois, je suis certain que vous vous écartez des questions que nous avons soumises à l'attention du comité aujourd'hui. Pour les questions d'exemptions, les services juridiques offerts par une compagnie de Vancouver à une compagnie de St. John's dans le cadre d'une affaire d'assurances, cela n'a pas d'importance. Ce qui nous intéresse, c'est que des services juridiques entre les quatre murs d'un bureau à St. John's s'accompagnent d'une obligation de percevoir la TVH.

Le sénateur Angus: Si ce n'est pas très clair, j'imagine que vous agiriez selon la devise: en cas de doute, abstiens-toi, n'est-ce pas?

M. Burgess: Sénateur, vous êtes avocat, je vous laisse le soin de décider.

Le président: Je remercie nos quatre témoins d'être venus et au nom des trois membres de ce comité qui ont des liens étroits avec l'Université Dalhousie, le sénateur Oliver, le sénateur Buchanan et moi-même, je tiens à dire à quel point nous avons été heureux de discuter avec vous. Je ne sais pas où le Dr Cohen a fait ses études, mais je sais où M. Burgess a fait les siennes. En effet, il me semble que ma fille était dans votre classe.

Sénateurs, notre dernier témoin avant le déjeuner est M. Robert Delaney, membre de la Stephenville Chamber of Commerce. Nous accorderons les premières questions à le sénateur Cochrane, puisque Stephenville est sa ville d'origine, une ville où elle réside toujours. Merci, monsieur Delaney d'avoir pris le temps de venir nous voir. Nous procéderons de la façon suivante: vous faites une courte déclaration d'ouverture après quoi nous vous poserons quelques questions.

M. Robert Delaney, membre, Stephenville Chamber of Commerce et directeur de J.M. Delaney Lumber Company: Je tiens à vous remercier d'avoir accepté de m'entendre aujourd'hui. J'aimerais saluer tout particulièrement mon sénateur, Mme Cochrane. Je représente la Chambre de commerce, mais j'ai l'intention de parler surtout des effets de la TVH sur mon entreprise et de ce que cette taxe représente.

La compagnie J.M. Delaney Lumber est une entreprise familiale établie à Stephenville depuis 40 ans. Nous employons environ 15 à 20 personnes, selon la saison. J'aimerais considérer avec vous les effets de la TVH sur une entreprise comme la mienne.

Je m'oppose à l'idée d'une TVH comprise dans le prix. Dans notre magasin, nous avons un système d'ordinateur où sont inscrits les 14 000 articles que nous avons en stock, et cela, à trois niveaux de prix différents. Si je suis forcé d'inclure la taxe dans le prix, il faudra que j'entre 42 000 données dans notre ordinateur, et cela, avant même de commencer à réétiqueter tous les articles qui sont en magasin, et comme vous le pensez bien, cela exige pas mal de travail.

Quand la TPS est entrée en vigueur, mon personnel a passé environ un mois et demi ou deux mois à réétiqueter la marchandise. Les employés faisaient ce travail pendant les périodes où ils ne servaient pas les clients.

Si la taxe s'appliquait une bonne fois pour toutes, ce ne serait pas si grave. Toutefois, après en avoir discuté avec le sous-ministre des Finances, il m'a semblé qu'il y aurait un manque à gagner de quelque 100 à 150 millions de dollars pour la TVH.

Depuis trois ans, le gouvernement fédéral me verse une subvention. Je crains ce qui va se passer dans trois ans: le gouvernement de Terre-Neuve va s'apercevoir qu'il lui manque au moins 100 millions de dollars, et ses fonds sont déjà très limités. La taxe est une source de fonds importante, et il faut s'attendre à ce que le taux de la TVH change.

Tout changement de la TVH me forcera à refaire le même scénario. Cela suppose énormément de travail. D'une façon générale, je préfère chercher à augmenter mes ventes plutôt que de faire les tâches que le gouvernement se plaît à m'imposer et de réétiqueter tout ce qui est en magasin.

Je n'ai rien contre l'idée d'une taxe de vente nationale, mais par contre, je ne suis pas d'accord lorsque cela me force à faire beaucoup de travail. Si la taxe figure en bas de la facture, il me faut dix minutes pour reprogrammer l'ordinateur. Au lieu de deux mois, je peux le faire en 10 minutes. Pourquoi choisir la solution la plus difficile quand la solution la plus facile fournira la même quantité d'argent au gouvernement et évitera en même temps beaucoup de travail aux entreprises?

Je dirige une petite entreprise, et une seule. Toutefois, si vous multipliez cette somme de travail par toutes les entreprises des provinces de l'Atlantique, cela suppose un travail considérable, simplement pour l'application de la taxe. À mon avis, cela n'a aucun sens. Simplifiez: rendez les choses plus simples, inscrivez la taxe en bas de la facture. Un jour ou l'autre, vous allez vouloir en changer le taux, et à ce moment-là, cela demandera un minimum de travail. Cela n'exigera pas que je réétiquette tout le magasin. Si l'augmentation n'est que de 1 ou 2 p. 100, je me résignerai à absorber la différence car cela me coûterait aussi cher de changer l'étiquetage.

Je suis en concurrence avec Canadian Tire et d'autres chaînes nationales qui ont une exemption et qui ne sont pas forcées d'inscrire les prix taxes incluses dans leurs catalogues: cela me désavantage nettement. Je sais bien que ces chaînes doivent publier des avertissements dans leurs catalogues et préciser que la TPS et la TVH ne sont pas incluses dans les prix annoncés, mais selon mon expérience, les consommateurs ne lisent pas ces avertissements en caractères fins. Tout ce qu'ils voient, c'est que mon concurrent vend un article à 10,99 $, alors que je le vends à 12,99 $, par exemple, selon le taux de la taxe.

Vous avez insisté ce matin sur le fait que les consommateurs réclamaient ce système. Je ne vous ai pas entendu parler de ce que les commerçants voulaient. Toutes ces entreprises sont vos partenaires, elles vont percevoir la taxe et l'administrer en votre nom. Vous devriez parler avec vos partenaires, déterminer ce qu'ils préfèrent avant de nous dire ce que les consommateurs veulent. Il y a toujours deux côtés à la médaille.

En conclusion, j'aimerais que la taxe soit incluse en bas de la facture et que la TVH ne soit pas incluse dans les prix. Vous exigez trop de travail des petites entreprises car tous ces changements ne se font pas sans des coûts considérables.

Il y a aussi la question des prix. Nous fixons des prix particuliers, par exemple «9,99 $». L'avantage de ce système va disparaître quand on devra afficher «10,32 $» ou bien «12,66 $», cet outil de promotion va disparaître. Toutes les petites entreprises vont en souffrir.

Le sénateur Cochrane: Merci, Bob, d'être venu, de nous avoir fait part de vos préoccupations, pas seulement pour votre propre entreprise, mais pour toute la région de la baie St. George's, toute la région de la Chambre de commerce de Stephenville.

Ce matin, un représentant de la compagnie Mark's Work Warehouse nous a dit qu'il en coûterait 30 000 $ au départ. Est-ce que cela vous coûtera la même chose?

M. Delaney: Je ne sais si mes coûts seront aussi élevés. Je pense que le travail supplémentaire que nous devrons faire devrait coûter entre 15 000 $ et 20 000 $. Nous allons devoir changer les prix. Si mes vendeurs n'étaient pas occupés de cette façon-là, ils seraient libres de vendre la marchandise aux clients.

Le sénateur Cochrane: Vous avez dit que vous aviez 14 000 articles à changer?

M. Delaney: C'est exact.

Le sénateur Cochrane: Ce sont vos employés qui vont le faire?

M. Delaney: Oui.

Le sénateur Cochrane: Dans votre domaine, le bois d'oeuvre et la quincaillerie, vous avez beaucoup de petits articles, des vis et des écrous, et cetera. Vous vous inquiétez de devoir changer le prix de tous ces petits articles?

M. Delaney: Le problème, c'est que chez nous toute la marchandise ne porte pas de code barres; dans les magasins plus grands, il suffit de reprogrammer les ordinateurs. Tous les articles, chaque deux par quatre, ne portent pas de code barres. Dans notre magasin, chaque étiquette de prix doit comporter un numéro UGS et un prix. Je ne pourrais pas laisser ces numéros UGS et l'ancien prix parce que les clients viendraient au comptoir et me diraient: «Voilà un article qui est marqué 1 $ et vous me demandez 1,15 $». Il faut que je change chaque étiquette sur chaque produit dans le magasin.

Le sénateur Cochrane: À votre avis, combien cela coûtera-t-il? Vous avez parlé de 20 000 $, c'est le minimum?

M. Delaney: C'est le minimum pour cette année, mais comme je l'ai dit, ce qui m'inquiète, c'est qu'un jour ou l'autre le taux va changer, je pense que personne ici ne se fait d'illusions. Les taux d'imposition finissent toujours par changer.

Il y a un autre scénario qui n'a jamais été mentionné ici, que je n'ai jamais entendu mentionner, celui où un autre gouvernement déciderait de supprimer la TVH. À ce moment-là, il faudrait que je change les étiquettes qui comprennent la TVH. Cela fait encore du travail. Il faut réfléchir à tous ces aspects avant de se lancer.

Le sénateur Cochrane: Vous avez dit que vous aviez des relations d'affaires dans d'autres régions du pays, et pas seulement dans l'Atlantique. Quels sont les problèmes auxquels vous vous attendez?

M. Delaney: Nos fournisseurs de quincaillerie nous envoient des articles préétiquetés, étiquetés pour les marchés de l'Ontario et non pas pour les provinces de l'Atlantique. Il faudra que je change ces prix puis que j'y ajoute la TVH.

Nous allons devoir nous informer auprès de nos fournisseurs, leur demander s'ils accepteraient de modifier leurs ordinateurs pour tenir compte de nos besoins, mais même s'ils acceptent de le faire, cela va nous coûter quelque chose. À l'heure actuelle, il y a une zone de prix standards pour l'ensemble du Canada. S'ils doivent prévoir une zone de prix spéciale pour Terre-Neuve ou pour les provinces de l'Atlantique, il est certain qu'ils vont nous faire payer plus, car au lieu de programmer leurs ordinateurs avec un seul niveau de prix, ils devront le faire avec deux.

J'ai des fournisseurs qui traitent avec des entreprises dans d'autres régions, et le problème, c'est que nous n'avons pas une taxe de vente nationale. Nous avons une taxe dans les provinces de l'Atlantique, et au Canada, c'est un système de taxe à deux paliers. Si vous créez une situation cauchemardesque dans cette région, le reste du Canada va refuser d'y toucher. C'est un véritable cauchemar. Je ne vois vraiment pas quels avantages cela pourrait avoir pour mon entreprise ou pour n'importe quelle entreprise. Le seul avantage que je puisse voir, c'est que certains consommateurs préfèrent des prix qui comprennent la taxe.

Partout où on fait des achats, même aux États-Unis, on paye une taxe sur ces achats. Partout, la taxe est en sus. On connaît le taux, et la majorité des gens savent calculer la taxe. Lorsque nous préparons des prévisions, ce qui compte, c'est le prix taxe comprise.

À l'époque, on ne demandait que rarement une estimation. Maintenant, j'en fais pour des montants de 200 $ et de 500 $. Tout le monde en veut. On cite un prix et on ajoute la taxe en bas de la facture. On cite un prix taxe comprise, mais le montant est indiqué en bas de la facture. C'est plus facile de procéder ainsi.

Le sénateur Rompkey: Vous êtes contre les prix taxe comprise, n'est-ce pas?

M. Delaney: Oui. Tout à fait.

Le sénateur Rompkey: Nous avons entendu des arguments des deux côtés. Par exemple, ce matin, M. Janes nous a dit qu'à son avis, inclure la taxe dans le prix était une bonne chose. Il a déjà travaillé dans la vente au détail. Nous avons entendu des commentaires semblables de la part de l'association qui représente les chefs de PME francophones au Nouveau-Brunswick. On nous a présenté des arguments des deux côtés, même si dans les deux cas, on pourrait débattre les pourcentages.

Quant à savoir ce qui se passera dans trois ans, on a déjà dit ce matin qu'il y a des indices que l'économie dans cette province va s'améliorer d'ici trois ou quatre ans, et que le projet à Voisey Bay produira des redevances et des recettes fiscales, tout comme Hibernia, et plus tard Terra Nova et White Rose.

De fait, il y avait un Texan dans l'avion hier soir, qui venait voir les gisements de gaz naturel au large des côtes du Labrador. Les gens ont des attentes. Nous ne savons pas ce qui se passera dans l'industrie de la pêche. Je crois que d'ici trois ou quatre ans, l'économie de la province va s'améliorer. Je crois que cela répond en partie à votre question quant à savoir ce qui se passera d'ici trois ans.

Vous ne faites pas partie d'une chaîne nationale, n'est-ce pas?

M. Delaney: Non.

Le sénateur Rompkey: Les représentants des chaînes nationales nous ont dit que leurs employés seraient désavantagés par cette situation. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet? Qui serait désavantagé?

M. Delaney: L'inconvénient, c'est que ces chaînes doivent avoir un système à double tarif. L'avantage, c'est qu'elles peuvent faire de la publicité en fonction du prix sans taxe et non pas en fonction du prix taxe comprise. C'est le grand avantage. Elles peuvent envoyer des catalogues à travers le pays, et comme il s'agit d'entreprises nationales, le gouvernement leur accorde une exemption, c'est-à-dire qu'elles ne doivent pas préparer de catalogue distinct pour les provinces de l'Atlantique. Leurs prix ne comprendront pas la taxe. Lorsque je publie un dépliant ou quelque chose du genre, je dois utiliser le prix taxe comprise.

Le sénateur Rompkey: Vous pouvez indiquer la taxe séparément, n'est-ce pas?

M. Delaney: La question reste à préciser. Je sais qu'un fonctionnaire de Revenu Canada est venu ici et la première chose qu'il a dite à la Chambre de commerce était: «Veuillez m'excuser si je ne peux pas répondre à toutes vos questions.»

Le sénateur Rompkey: J'ai posé la question et il était clair qu'on peut utiliser le prix taxe comprise et indiquer la taxe à part.

M. Delaney: Normalement, le consommateur regarderait ce qui est écrit en gros sur le dépliant. C'est ce qui attire l'attention, et mon titre accrocheur doit citer le prix taxe incluse.

Le président: Monsieur Delaney, merci beaucoup d'avoir pris le temps de vous joindre à nous. Nous l'apprécions.

La séance est levée.


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