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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 26 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 24 avril 1997

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-92, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, les Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu et une loi liée à la Loi de l'impôt sur le revenu, se réunit aujourd'hui à 11 h 05 pour examiner ledit projet de loi.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, le projet de loi C-92 découle essentiellement du budget de 1996. Comme c'est souvent le cas avec ce genre de projet de loi, il modifie plusieurs lois.

Nos témoins de ce matin sont MM. David Dodge, sous-ministre des Finances, et Barry Campbell, secrétaire parlementaire du ministre des Finances. Plusieurs autres fonctionnaires du ministère des Finances sont également ici pour prêter main-forte au sous-ministre en cas de besoin.

Je propose que vous commenciez, monsieur Dodge, par nous faire votre déclaration préliminaire.

M. David A. Dodge, sous-ministre, ministère des Finances: Honorables sénateurs, je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour discuter avec vous du projet de loi C-92. Le projet de loi a été bien accueilli, mais comme vous l'avez souligné, il a été déposé à la Chambre un peu plus tard que prévu, ce que nous aurions évidemment préféré éviter. D'ordinaire, les avant-projets de lois fiscales sont présentés au Parlement en juin avant la suspension des travaux parlementaires pour l'été et les projets de loi eux-mêmes après l'Action de grâce. Comme il s'agit d'un projet de loi assez simple, contrairement à bon nombre de projets de loi qui proviennent du ministère, nous n'avons pas présenté un avant-projet au Parlement en juin dernier. Nous comptions présenter le projet de loi à la Chambre en octobre.

Étant donné que le projet de loi comporte des dispositions qui sont liées aux amendements aux articles de la loi proposés dans le projet de loi de nature technique, il nous fallait d'abord présenter celui-ci à la Chambre avant le projet de loi C-92. Pour diverses raisons, et surtout parce que le calendrier de la Chambre était très chargé, nous n'avons pas pu présenter ce projet de loi de nature technique avant décembre, ce qui explique que le projet de loi C-92 n'ait pas été déposé à la Chambre plus tôt.

Le ministère n'est pas très fier de la façon dont les choses se sont déroulées, et c'est pourquoi je vous prie d'accepter les excuses du ministre ainsi que du ministère.

Permettez-moi de vous expliquer les importantes initiatives que renferme ce projet de loi. Plusieurs d'entre elles qui touchent le secteur des ressources constituent une amélioration importante quant au traitement réservé aux actions accréditives. D'autres mesures visent à faire en sorte que l'aide fiscale spéciale accordée aux sociétés à capital de risque de travailleurs cadre avec la réalité. D'autres mesures encore touchent un vaste nombre de Canadiens.

En premier lieu, le projet de loi rendra l'aide fiscale que constituent les REÉR plus viable et mieux ciblée. Comme vous le savez, le projet de loi propose de geler la limite admissible à 13 500 $ jusqu'en 2003, de porter celle-ci à 14 500 $ en 2004 et à 15 500 $ en 2005. Les autres limites sont ajustées de façon comparable.

En deuxième lieu, ce qui est assez important, le projet de loi fixe l'échéance des RPA et des REÉR à 69 ans plutôt qu'à 71 ans. Certaines dispositions de transition sont prévues.

Enfin, pour aider ceux qui n'ont pas pu cotiser le maximum admissible à leur REÉR lorsqu'ils étaient jeunes, le projet de loi permet de reporter indéfiniment les déductions inutilisées au titre de REÉR.

Le projet de loi comporte aussi plusieurs mesures visant à accroître l'aide fiscale accordée aux étudiants. Je ne m'y attarderai pas. Le projet de loi qui vous sera renvoyé à l'issue de ce budget renforcera encore davantage ces mesures.

En troisième lieu, le projet de loi C-92 comporte des mesures très importantes touchant les pensions alimentaires. Plus précisément, il prévoit que les pensions alimentaires versées aux termes d'accords conclus ou d'ordonnances rendues après avril 1997 ne devront plus être déduites du revenu du payeur, ni incluses dans le revenu du bénéficiaire. Ces importants changements font pendant aux changements prévus dans le projet de loi C-41, qui a déjà été examiné par le Sénat.

Enfin, le projet de loi comporte d'importantes dispositions visant à venir en aide au secteur bénévole en portant de 20 à 50 p. 100 la limite annuelle du revenu net qui peut faire l'objet d'une déduction au titre des dons de charité. Voilà un autre élément du projet de loi qui a été repris dans le budget de 1997 et qui fera l'objet lui-même d'un projet de loi.

En résumé, le projet de loi C-92 offre une aide fiscale importante aux étudiants, aux enfants et au secteur des organismes de charité et améliore l'équité et l'efficacité du régime fiscal dans de nombreux autres domaines.

M. Barry Campbell, secrétaire parlementaire du ministre des Finances: J'ajouterai que je suis heureux, à titre de secrétaire parlementaire du ministre, d'être ici aujourd'hui pour discuter avec les membres du comité de cet important projet de loi. Le sous-ministre et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.

Le projet de loi a été déposé à la Chambre le plus rapidement possible et, grâce à la collaboration de tous les partis, a fait l'objet d'un pré-examen en comité. Le comité permanent des finances a tenu sans tarder des audiences sur le projet de loi, qui a été renvoyé à la Chambre en un temps record. Le sous-ministre vous a expliqué les raisons qui expliquent pourquoi le projet de loi a été déposé à la Chambre un peu plus tard que prévu, mais je tiens à assurer les membres du comité que la Chambre a fait tout en son pouvoir pour renvoyer le projet de loi au Sénat le plus rapidement possible.

Le sénateur Angus: Le sénateur Stewart et moi-même nous préoccupons toujours du respect des délais.

Le président: Dans ce cas, vous partagez le même point de vue.

Le sénateur Angus: Nous partageons presque toujours le même point de vue lorsqu'il s'agit de principes. Il ne fait aucun doute que la façon dont on a procédé dans ce cas-ci nous inquiète. Nous voilà à la veille de la dissolution du Parlement, et on nous renvoie une pléthore de projets de loi. Je ne peux pas vous dire combien d'appels téléphoniques nous avons reçus au cours des derniers jours au sujet de l'organisation des réunions. Le Sénat ne sait pas s'il siège ou non. C'est un véritable chaos.

Le problème s'est posé au cours de la semaine en ce qui touche le projet de loi C-82, un important projet de loi de nature financière. Il a au moins un pouce d'épaisseur. On a convoqué le comité et on nous a dit que nous n'entendrions aucun témoin, car si nous voulions que les bons éléments du projet de loi soient adoptés, il valait mieux ne pas attirer l'attention sur ses points faibles ou y proposer des améliorations, ce qui revient à se moquer complètement du processus d'examen des projets de loi.

Les considérations politiques interviennent évidemment, mais il y a aussi un autre facteur dont on doit tenir compte. Le sénateur Stewart et moi-même sommes en particulier d'accord sur cette question qui se rapporte à l'étude des projets de loi découlant du budget. Dès que le ministre des Finances termine son discours à la Chambre le soir du budget, les marchés financiers réagissent. Les mesures qui sont annoncées revêtent une grande importance pour les particuliers.

Je crois vous avoir entendu dire, monsieur le sous-ministre, que le budget a été présenté en février 1996. N'aurait-on pas pu procéder autrement pour ce projet de loi? Chaque fois qu'on nous répète que cela ne se reproduira jamais, il y a une élection. Dans ce cas-ci, il n'y avait pas d'élection. M. Martin a présenté son budget. Ce budget comportait de bonnes et de mauvaises mesures, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agissait d'un budget. Je ne sais pas comment on pourrait améliorer le processus. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, car je sais que la question vous préoccupe.

M. Dodge: Sénateur, j'aimerais pouvoir vous fournir une réponse complète à cette question. Nous nous efforçons toujours de présenter les avant-projets de lois au Parlement avant qu'il ne suspende ses travaux pour l'été. Nous pensons que c'est une bonne façon de procéder, puisque les milieux intéressés ont ensuite l'occasion de faire connaître leur point de vue avant que le Parlement ne se penche sur ce qui constitue inévitablement des questions techniques. Nous nous efforçons donc de présenter les avant-projets de lois au Parlement avant l'été.

Le sénateur Angus: Vous voulez dire après le dépôt d'un budget?

M. Dodge: Oui, après le dépôt d'un budget. Le budget est présenté habituellement en février et les avant-projets de loi en juin. Nous tâchons toujours de présenter le projet de loi à la Chambre aux environs de l'Action de grâce pour qu'il puisse être adopté en temps voulu pour le budget suivant. De cette façon, Revenu Canada peut percevoir l'impôt le mois d'avril suivant.

Nous pensons qu'il s'agit là d'un calendrier raisonnable qui permet aux milieux intéressés de faire connaître leur avis sur la mesure législative envisagée avant que celle-ci ne soit présentée au Parlement, étant donné que personne n'aime, à l'étape de la deuxième lecture à la Chambre, ou lorsque le projet de loi est examiné par le Sénat, devoir essayer de démêler d'innombrables amendements de nature technique.

Pour un projet de loi de nature fiscale, le projet de loi C-92 est assez simple, et c'est pourquoi nous n'avons pas présenté d'avant-projet en juin dernier. Les motions sont assez claires et sont presque textuelles dans le projet de loi dont vous êtes saisis.

Nous avons cependant fait face à un problème à l'automne. J'accepte la responsabilité à cet égard. Nous devions entreprendre la rédaction du projet de loi après la présentation du projet de loi de nature technique à la Chambre. Ce projet de loi a été présenté en octobre, et nous comptions alors présenter le projet de loi C-92 à la Chambre quelques jours plus tard. Or, le dépôt du projet de loi de nature technique a dû être retardé en raison de problèmes imprévus. Voilà ce qui explique donc que le projet de loi C-92 ait été présenté à la Chambre plus tard que prévu.

Rien d'autre n'explique notre retard que le fait que nous n'avons pas anticipé que le projet de loi de nature technique poserait des difficultés. Le plus souvent, mais pas toujours, ces projets de loi ne sont pas liés, de sorte que l'ordre dans lequel ils sont présentés à la Chambre importe peu. Comme les deux projets de loi dont nous parlons étaient liés, je dois admettre que nous avons fait une erreur.

Le sénateur Angus: Vous répondez de façon tellement franche que je ne sais pas si je dois poursuivre mes questions. Je vous sais gré de votre franchise, monsieur Dodge. Si vous me le permettez, j'aimerais cependant obtenir quelques précisions supplémentaires.

Vous avez fait allusion à des motions. J'en déduis qu'il s'agit des motions de voies et moyens. Pourriez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet, car je crois qu'il est bon de démystifier le processus législatif? Il y a d'abord un budget. Il s'applique même si on n'a pas encore adopté la loi habilitante ou la loi générale sur laquelle il repose. Jusqu'à l'adoption de cette loi, quel est le statut du budget?

Supposons que nous n'adoptions pas aujourd'hui ce projet de loi. Supposons que le bon vieux comité des banques fasse de l'obstruction et que M. Chrétien tienne sa conférence de presse à 11 heures dimanche matin. Qu'adviendrait-t-il?

M. Dodge: Le projet de loi n'entrerait pas en vigueur. Le projet de loi doit être adopté par le Parlement et recevoir la sanction royale pour que le ministère du Revenu national puisse établir des cotisations pour l'année d'imposition 1996. Il faut pour cela que le projet de loi ait été adopté.

Cette année est une année inhabituelle, mais, comme vous le savez, le nouveau régime de prestations pour enfants est censé entrer en vigueur le 1er mai. On a inclus les lignes directrices dans le projet de loi C-41, en supposant que le projet de loi C-92 serait adopté. Un problème inhabituel se pose donc cette année le 1er mai. Normalement, si le projet de loi n'était pas adopté d'ici au 30 avril, Revenu Canada n'émettrait tout simplement pas de cotisations finales pour ce qui est des déclarations visées par une disposition de la loi.

Tout le travail est fait. Les particuliers présentent leurs déclarations en supposant que les mesures législatives sont adoptées, mais, comme vous avez pu le constater sur la déclaration de cette année, Revenu Canada a à quelques reprises indiqué que le Parlement n'avait pas encore adopté cette disposition, mais qu'il comptait le faire. Les cotisations finales ne peuvent cependant être établies qu'après l'adoption du projet de loi.

Votre deuxième question portait sur la nature de la motion des voies et moyens.

Le sénateur Angus: Quelle est la valeur juridique de cette motion dans l'intervalle?

M. Dodge: Je demanderai à M. Jewett, sous-ministre adjoint, Services juridiques, de bien vouloir répondre à la question. Je ne pourrai y répondre qu'en profane.

Le sénateur Angus: Cela suffira. Nous respectons beaucoup M. Jewett.

M. Dodge: La convention veut que les mesures fiscales s'appliquent dès le dépôt d'une motion. Il ne s'agit que d'une convention, qui est cependant ancienne. Si le Parlement rejette éventuellement un projet de loi et ne lui donne pas la sanction royale, l'argent perçu devra être remboursé aux contribuables. De la même façon, le ministère du Revenu pourra exiger le versement de l'impôt dû si un allégement fiscal n'est pas adopté. La convention veut donc que la mesure fiscale entre en vigueur le jour du dépôt de la motion. Le ministère du Revenu et les contribuables sont censés s'y conformer. C'est une convention qui a très bien fonctionné au cours des ans.

Les conventions touchant la Loi sur l'accise et la Loi sur la taxe d'accise diffèrent quelque peu. De façon générale, comme il s'agit de taxes qui visent les sociétés, nous avons peu de temps après le budget pour présenter un projet de loi. Cette loi sera aussi rétroactive à la date du dépôt de la motion. Il s'agit en réalité d'un avis de motion. La mesure sera donc rétroactive. Le plus souvent, mais pas toujours, les sociétés se conforment à l'avis de motion en ce qui touche la taxe d'accise et la taxe de vente. Certaines sociétés ont déjà refusé de verser la taxe jusqu'à ce que la loi soit adoptée.

Pour ce qui est de la Loi sur l'accise, les versements sont faits dès que les cigarettes sortent de la chaîne de production ou que l'alcool est dédouané. Les producteurs collaborent pleinement avec nous depuis toujours dans ce domaine.

Le sénateur Angus: Vous avez dit que la plupart du temps les projets de loi ne sont pas liés et que les motions de voies et moyens présentent en termes juridiques chaque mesure de façon individuelle.

J'ai une recommandation à faire, et je crois que le sénateur Stewart m'appuiera. Au lieu d'attendre l'automne pour présenter des mesures budgétaires se rapportant à un budget datant de février, ne pourrait-on pas les présenter en même temps que le budget? Je sais évidemment qu'il y a des modifications de dernière minute à apporter dans la deuxième partie de février et pendant le mois de mars. Voilà le problème. Je constate invariablement que le budget s'accompagne d'un ensemble d'autres mesures.

Nous avons l'impression que nous ne pouvons pas vraiment faire notre travail convenablement et étudier comme il se doit un projet de loi. C'est l'impression que nous avons aujourd'hui, car on nous demande de procéder à l'examen de ce projet de loi à la hâte.

M. Dodge: Sénateur, nous sommes conscients mieux que quiconque des problèmes auxquels vous faites face. Supposons cependant que nous présentions des avant-projets de lois au cours d'avril au lieu de la mi-juin comme nous le faisons actuellement. Je ne recommanderais pas au Parlement de passer outre à l'étape de l'avant-projet.

Cette étape est très utile la plupart du temps parce que les mesures législatives qui font l'objet de ces avant-projets sont souvent complexes, et nous ne pouvons pas être sûrs d'avoir toujours atteint notre objectif. Voilà pourquoi nous avons adopté cette pratique. Je crois que tout le monde y gagne de cette façon, le Parlement, le contribuable et nous-mêmes. Je vois mal comment on pourrait attendre jusqu'à l'automne de l'année suivant le budget pour présenter ces avant-projets de lois au Parlement, puisque cela ne permettrait pas de consulter convenablement les milieux intéressés sur ces questions techniques.

Le sénateur Angus: Bien qu'elles visent les marchés financiers? Prenons comme exemple les actions accréditives.

M. Dodge: C'est juste. De façon générale, sauf lorsqu'il s'agit de changements de forme tout à fait simples, nous apportons des changements parce que nous nous rendons compte qu'une loi a des conséquences qui n'étaient pas prévues. Nous présentons donc un avant-projet de loi suffisamment longtemps à l'avance pour que les intéressés puissent nous faire part de leur point de vue. Si nous ne le faisions pas, le processus parlementaire serait encore plus long. Nous sommes d'avis qu'il vaut mieux présenter au Parlement un projet de loi comportant aussi peu d'amendements de forme que possible, mais M. Jewett pourra vous en dire davantage là-dessus, puisqu'il est le principal responsable de la rédaction juridique au ministère depuis nombre d'années.

Le sénateur Angus: Êtes-vous d'accord avec la façon dont M. Dodge nous a décrit la convention régissant les motions de voies et moyens?

M. M.L. Jewett, c.r., sous-ministre adjoint et conseiller juridique, ministère des Finances: Oui. Comme M. Dodge l'a souligné, les motions de voies et moyens qui sont présentées le soir du budget sont assez générales. Il est assez rare qu'elles visent à resserrer des dispositions de la loi. D'ordinaire, elles visent à corriger une situation qui n'avait pas été prévue.

Nous prenons bonne note de vos observations et de vos questions. Vous vous souviendrez d'un document de travail qu'a fait paraître le ministre des Finances en 1985. Il y était question de la possibilité qu'on adopte une loi permettant la perception provisoire des taxes qui aurait eu pour effet d'obliger le gouvernement à adopter des mesures fiscales dans les six mois suivant le dépôt d'un budget. L'idée a été complètement abandonnée. Elle n'a suscité presque aucun appui.

Surtout pour les raisons que M. Dodge a avancées, il importe de consulter les spécialistes des questions fiscales sur les mesures qui sont proposées. Si l'on peut s'en tenir au calendrier qui vous a été exposé, je crois que c'est la meilleure façon de procéder.

Le sénateur Angus: L'Association canadienne d'études fiscales appuie-t-elle ce processus?

M. Jewett: Un comité mixte de l'Association du Barreau canadien et de l'Institut canadien des comptables agréés a participé à ce processus. Oui, je crois qu'on peut dire qu'ils l'appuient. Ils sont certainement favorables aux avant-projets de loi sur lesquels ils peuvent faire connaître leur avis.

M. Campbell: À titre d'ancien vice-président et de membre actuel du comité permanent des finances, à l'appui de ce que M. Dodge vient de dire, compte tenu des consultations auxquelles donne lieu un projet de loi de nature technique, il est rare que notre comité soit saisi d'amendements qui ne sont pas de nature technique ou qui ne touchent pas à la traduction. Tous les petits problèmes ont été réglés. Le processus est très utile au comité des finances comme à votre comité.

Le sénateur Angus: Ces dernières années, les universitaires à tout le moins se sont demandé pourquoi ce système existait toujours. Il ne fonctionne clairement pas. Je fais allusion au fait qu'on attend un certain soir d'automne pour présenter tout un ensemble de mesures fiscales, alors qu'aux États-Unis, par exemple, les mesures de nature fiscale sont présentées l'une après l'autre. On peut ainsi beaucoup mieux en évaluer les avantages et les inconvénients respectifs. Avons-nous envisagé un système semblable? Nous rapprochons-nous d'un système qui fonctionnerait mieux?

M. Dodge: Je peux vous assurer que nos collègues américains préfèrent notre système. Ils déplorent les grands problèmes auxquels ils font face lorsque le Congrès consacre toute son attention à d'autres mesures législatives. La situation peut être beaucoup plus difficile aux États-Unis. La plupart des pays envient notre système.

En outre, les lois fiscales canadiennes et les lois fiscales américaines sont assez différentes. Au Canada, la convention veut qu'on préfère la voie législative à la voie réglementaire dans le domaine fiscal. Ce n'est peut-être pas l'impression que vous avez, mais il suffit pour s'en convaincre d'examiner le code fiscal américain. Le système américain repose beaucoup plus que le nôtre sur la réglementation.

Nous avons toujours eu pour principe qu'il était préférable que les questions fiscales soient soumises au Parlement. Tout ne peut pas être fait en coulisses par voie réglementaire. Voilà ce qui explique que nos lois soient si épaisses.

L'autre difficulté, c'est qu'il faut souvent adopter une loi plus complexe pour modifier une loi existante. Cela s'explique en raison des dispositions de transition. Il importe cependant que les lois fassent l'objet d'un examen parlementaire. C'est sur ce principe que repose la tradition que nous suivons.

Pour simplifier le processus, nous avons recours depuis 10 ans à deux projets de loi, le projet de loi de nature technique et le projet de loi de mise en oeuvre du budget. Le premier est d'habitude celui qui est le plus volumineux.

Peut-être devrait-on présenter plus d'un projet de nature technique par année. Cela compliquerait cependant les consultations et le travail du comité mixte, qui, comme l'a mentionné M. Jewett, examine de façon approfondie les projets de loi en collaboration avec l'ICCA et l'Association du Barreau canadien.

Y aurait-il une meilleure façon de s'y prendre? On l'espère toujours. Lorsqu'on s'interroge sur l'impôt lui-même et qu'on voit que des milliers de gens au bas mot gagnent 300 $, 400 $ et 500 $ et plus l'heure, il est permis de se demander si le fait d'affecter toutes ces compétences au fonctionnement du régime fiscal constitue la meilleure affectation possible des ressources nationales. C'est cependant le mécanisme que nous nous sommes donné.

En ma qualité de sous-ministre et d'ancien sous-ministre adjoint de la Direction de la politique fiscale, j'estime qu'il importe que le Parlement soit amené à se prononcer sur la grande majorité des dossiers dont nous sommes chargés et que le public ainsi que les intéressés soient consultés convenablement.

Le sénateur Angus: Pouvons-nous donc présumer, sans trop de risque de nous tromper, que le projet de loi C-92 ne porte que sur des questions liées au budget?

M. Dodge: En fait, les questions liées au budget n'y sont pas toutes traitées. Vous allez étudier plus tard aujourd'hui le projet de loi C-93. Étant donné que nous avons apporté certains changements dans le budget de 1997, certaines mesures qui auraient dû se retrouver dans le projet de loi C-92 figurent plutôt dans le projet de loi C-93. Je songe en particulier aux dispositions sur le supplément du revenu gagné.

Le sénateur Angus: Ce projet de loi ne comporte donc aucune mesure qui ne se rapporte directement au budget de 1996.

M. Dodge: Il n'est pas censé en contenir.

Le sénateur Angus: Nous apprenons habituellement plus tard que l'entente conclue par la société XYZ vous a échappé.

M. Dodge: Non. Les seules dispositions de ce projet de loi qui datent vraiment d'avant le budget de 1996 sont les dispositions portant sur la déclaration du revenu gagné à l'étranger.

M. Jewett: Ces dispositions figuraient dans le budget de 1995 et ne devaient pas faire l'objet d'une mesure législative immédiate.

Le président: Voilà qui fait une très bonne transition, puisque le sénateur Stewart désire poser une question qui porte sur une disposition du budget de 1995.

Le sénateur Stewart: J'ai vraiment plutôt une remarque à faire. Je m'oppose à l'utilisation du mot «convention». Vous vous souviendrez tous d'une certaine décision constitutionnelle prise en 1981, qui est maintenant en vigueur. Je me demande si la pratique voulant que les impôts soient payables à compter de la présentation du budget a vraiment une valeur juridique. Il s'agit d'une question constitutionnelle. Les tribunaux semblent juger qu'une convention a une valeur juridique, mais non une pratique. Je crois qu'il s'agit ici d'une pratique, et non pas d'une convention.

M. Jewett: Il s'agit assurément d'une pratique, et non pas d'une convention constitutionnelle.

Le sénateur Stewart: Vous savez, j'en suis sûr, que cette pratique existait au Royaume-Uni, où un monsieur belliqueux a estimé que le gouvernement de Sa Majesté ne devait pas y recourir. Il l'a même prouvé devant les tribunaux. Était-ce en 1913? J'oublie le nom de cette affaire. Afin de régler le problème, le gouvernement britannique a adopté la loi sur la perception de l'impôt provisoire. Cela m'amène à vous poser ma première question.

Cette loi adoptée, si je ne m'abuse, en 1913 établit l'échéancier pour ce qui est de la présentation des projets de loi budgétaires au Parlement du Royaume-Uni. Le sous-ministre y a fait allusion plus tôt. Si j'ai bonne mémoire, jusqu'à ce que le projet de loi ait été adopté par la Chambre des communes, c'est la loi sur le Parlement de 1911 qui s'applique. Si le projet de loi n'a pas été adopté par la Chambre des communes ou le Parlement lui-même avant la fin d'août, il devient nul et non avenu. Le budget commence à s'appliquer dès minuit le jour où il a été présenté, mais si le projet de loi de mise en oeuvre du budget n'est pas adopté avant une certaine date -- août, si je ne m'abuse -- la perception provisoire de l'impôt cesse.

Vous nous avez dit, monsieur Dodge, que le processus est beaucoup plus long au Canada. Comment se fait-il que les Britanniques lisent plus rapidement? Comment explique-t-on que les fiscalistes britanniques peuvent lire plus rapidement les motions de voies et moyens et rédiger leurs projets de loi et répondre aux besoins du Trésor plus rapidement que leurs homologues canadiens?

M. Dodge: C'est en partie pour la même raison que les Américains. Les Britanniques, comme les Américains, interviennent davantage dans le domaine fiscal par voie réglementaire que par voie législative.

Comme chacun le sait, la motion de voies et moyens peut être de portée générale. Tout le monde peut plus ou moins comprendre quelle est l'intention générale de la motion, mais il est très difficile de coucher la motion en termes juridiques bien précis. Nous optons cependant pour la voie législative, alors que les Britanniques et les Américains préfèrent la voie réglementaire. Voilà à quoi est due cette différence.

Le sénateur Stewart: J'accepte cette réponse, du moins pour l'instant.

Comme M. Benson l'a constaté, il est impossible que la motion de voies et moyens soit trop détaillée, n'est-ce pas?

M. Dodge: C'est possible.

Le sénateur Stewart: Était-il d'avis que le projet de loi devait se fonder sur la motion de voies et moyens?

M. Dodge: Oui.

Le sénateur Stewart: La motion était tellement détaillée que le ministère avait du mal à rédiger le projet de loi.

M. Dodge: Le problème s'est posé à l'occasion. Voilà pourquoi on a recours à des motions de portée générale. Les motions sont cependant parfois très précises lorsqu'elles portent sur une question très précise.

Le sénateur Stewart: Revenons à la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Vous venez de nous dire que vous auriez présenté ce projet de loi à l'automne -- et je suppose que vous l'auriez fait rapidement -- n'eût été du besoin de présenter d'abord le projet de loi de nature technique. Quand ce projet de loi a-t-il été présenté à la Chambre des communes? À partir de quel moment avez-vous été prêts à présenter ce projet de loi?

M. Dodge: Nous comptions présenter le projet de loi de nature technique aux environs de l'Action de grâce et présenter tout de suite après le projet de loi C-92. Ce n'est qu'à la dernière minute en octobre qu'une difficulté s'est posée et que nous avons dû retarder le dépôt du projet de loi de nature technique. Nous avons dû retarder son dépôt plus longtemps que nous ne l'avions prévu parce que le calendrier législatif de la Chambre a était excessivement chargé à la fin d'octobre. Voilà pourquoi le projet de loi de nature technique n'a été déposé à la Chambre que le 2 décembre.

M. Jewett: Le 5 décembre.

M. Dodge: Et le projet de loi C-92 a été présenté à la Chambre deux jours plus tard.

Le sénateur Stewart: Quand la Chambre des communes a-t-elle adopté ce projet de loi?

M. Jewett: Celui-ci?

Le sénateur Stewart: Oui.

M. Jewett: Il y a environ une semaine.

Le sénateur Angus: Le 21 avril.

Le sénateur Stewart: Le projet de loi a donc été devant la Chambre des communes du début de décembre jusqu'au mois d'avril.

Si je pose ces questions, c'est que je soupçonne que le problème n'est pas attribuable au ministère des Finances, mais plutôt aux procédures suivies par la Chambre des communes. Permettez-moi d'être plus précis. Autrefois, les heures de séance étaient plus longues à la Chambre des communes. Il y avait des séances en soirée. À cette époque, les députés avaient plus d'endurance. On a ensuite adopté le calendrier parlementaire qu'on connaît, qui comporte des semaines de relâche. À mon avis, voilà la source du problème. Le problème n'est pas entièrement attribuable au ministère des Finances. Il est attribuable, en partie du moins, au nouvel horaire de la Chambre. Je suis sûr que les députés avanceront de bonnes raisons -- et je vois que M. Campbell veut nous en faire part -- pour avoir changé leur horaire, mais je crois que c'est là la source du problème.

M. Campbell: J'ai travaillé pendant 15 ans à Bay Street et je peux vous assurer que mes heures de travail comme député sont beaucoup plus longues. Je n'accepte donc pas votre explication.

Le sénateur Angus: J'ajouterais que, par contre, le salaire est dix fois moins intéressant.

M. Campbell: Vous ne pouvez pas sérieusement soutenir que la journée de travail des députés est trop courte. Nous avons étudié avec célérité ce projet de loi. J'ajouterais que nous sommes notre pire ennemi.

L'une des raisons qui expliquent que le processus a été retardé, c'est que le projet de loi C-41 a donné lieu à un très long débat à l'autre endroit, ce qui a peut-être eu une incidence sur le projet de loi C-92. Ce débat s'est vraiment éternisé.

Le sénateur Stewart: Parlez-vous du projet de loi de nature technique?

M. Campbell: Non, il portait sur les pensions alimentaires. Les sénateurs ont estimé qu'ils devaient consacrer beaucoup de temps à l'étude de ce projet de loi, ce qui a eu une incidence sur les travaux de la Chambre. Il n'y avait aucune raison de déposer le projet de loi à la Chambre avant que le Sénat ait terminé son étude du projet de loi C-41, et une fois qu'il l'eut fait, le processus a progressé rapidement à la Chambre. Je crois que le système fonctionne très bien.

Le président: En effet, il y a peut-être un lien entre le projet de loi C-92 et le projet de loi C-41. Une fois n'est pas coutume, et vous avez peut-être effectivement réfuté l'argument du sénateur Stewart.

Je ne peux pas m'empêcher de souligner le fait que le comité doit siéger à 18 heures ce soir pour examiner les projets de loi C-37 et C-93, qui n'ont de lien avec aucun autre projet de loi. La réponse que vous venez de donner est peut-être pertinente dans le cas du projet de loi dont nous discutons actuellement, mais ce n'est pas une raison qui peut être avancée pour expliquer tous les cas que dénonce le sénateur Stewart.

M. Campbell: L'examen du projet de loi C-93, Loi d'exécution du budget de 1997, a progressé dans les délais normaux. Le sous-ministre a expliqué pourquoi le dépôt du projet de loi C-92, et en particulier les mesures techniques, avait été retardé. L'examen du projet de loi C-93, la loi d'exécution du budget, progresse à un rythme normal.

Le président: Qu'en est-il du projet de loi C-37?

M. Cambpell: C'est un projet de loi de mise en oeuvre d'une convention fiscale.

Le président: Le dépôt du projet de loi à la Chambre remonte à il y a six mois.

M. Jewett: C'est vrai.

Le président: Chaque projet de loi porte évidemment sur un sujet très précis. Le comité estime que deux problèmes se posent. Premièrement, la Chambre semble incapable d'organiser ses travaux de façon convenable. Ceux d'entre nous qui ont dirigé des entreprises se demandent souvent combien de temps celles-ci auraient mis à faire faillite si elles avaient été gérées de la façon dont la Chambre est gérée.

Les députés ministériels, y compris les ministres, sans égard à leur formation politique -- et c'était tout à fait le cas entre 1984 et 1994 --, semblent croire que le Sénat n'a aucune utilité et que la Chambre peut lui renvoyer ses projets de loi quand bon lui semble. J'aurais cru que le projet de loi sur la TVH et le projet de loi C-41, notamment, auraient dissipé ce mythe.

Notre comité est chargé d'étudier des questions de nature financière, et comme il importe de ne pas commettre d'erreur dans ce domaine nous trouvons la situation d'autant plus frustrante. Nous étudions ces questions sans parti pris. Il n'en a jamais été autrement au sein de ce comité. Nous acceptons de très mauvais gré qu'on nous demande d'examiner des projets de loi à la hâte pour respecter un échéancier sur lequel on ne nous a pas consultés.

M. Campbell: Durant mon mandat, j'ai été très soigneux de veiller à ce qu'on donne au Sénat le temps voulu pour examiner les projets de loi. Comme mes prédécesseurs avant moi, j'en suis sûr, j'ai réclamé que la Chambre réserve suffisamment de temps pour l'étude des projets de loi de nature financière. Je suis membre du comité permanent des finances de la Chambre des communes et je comprends donc la situation dans laquelle se trouve votre comité. Le comité des finances de la Chambre des communes a tendance à oublier qu'il n'est pas le seul comité qui s'intéresse à ces questions.

La Chambre consacre entre 30 et 40 p. 100 de son temps à étudier des projets de loi de nature financière, mais le gouvernement du jour a aussi d'autres priorités et d'autres questions urgentes à régler. La lutte est continuelle.

Lorsque la Chambre est saisie d'un projet de loi, elle siège en comité plénier le matin, l'après-midi et en soirée au besoin. L'établissement des priorités gouvernementales donne cependant toujours lieu à certaines tractations. Nous continuerons de faire de notre mieux pour vous renvoyer les projets de loi aussi rapidement que possible.

Le sénateur Kenny: Lorsque ce comité aura terminé l'étude de ce projet de loi, peut-être pourrait-on envisager la possibilité de présenter certains projets de loi au Sénat plutôt qu'à la Chambre des communes.

Vous n'avez pas à me regarder aussi sérieusement, monsieur Dodge.

Le président: Le sénateur Kenny vient de faire une suggestion que j'aimerais qu'on débatte à un moment donné. Je comprends pourquoi les projets de loi proposant des mesures fiscales sont présentés à l'autre endroit. Or, pour des projets de loi comme le projet de loi C-82, compte tenu des compétences des membres de notre comité, il serait peut-être plus logique que ce soit ce comité-ci qui en soit saisi en premier, et non pas le comité de la Chambre. On devrait y réfléchir. Je comprends qu'on ne puisse pas le faire dans le cas des projets de loi de nature fiscale, mais je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire dans le cas des autres projets de loi. Primo, le comité a plus de temps pour étudier ce genre de projets de loi et, secundo, ses membres ont, comme vous le savez, une grande connaissance des institutions financières.

Le sénateur Kenny: Il faudrait régler le problème que pose le calendrier des travaux parlementaires.

Le président: Le processus législatif serait accéléré si on procédait de cette façon. Le ministère des Finances devrait réfléchir à cette possibilité.

Le sénateur Stewart: Vous soulevez un point très important. Beaucoup de projets de loi n'ayant aucune incidence politique pourraient d'abord être présentés au Sénat. Si des élections sont déclenchées sous peu, on me dit que l'automne prochain le Sénat n'aura presque rien à faire pendant trois ou quatre semaines. C'est un gaspillage du temps du Parlement.

M. Dodge: Je crois qu'il s'agit là d'une suggestion intéressante pour ce qui est du projet de loi sur les institutions financières. Je me souviens que c'est ce comité-ci, et non pas le comité de la Chambre des communes, qui a vraiment étudié de façon approfondie cette question.

Le sénateur Kenny: À l'étape du préexamen?

Le président: Non. À l'époque où le sénateur Hayden présidait notre comité, presque tous les projets de loi portant sur les institutions financières étaient proposés par le comité. Après les avoir adoptés, le Sénat les renvoyait à la Chambre, qui les examinait sans tarder.

M. Dodge: Je m'excuse si j'ai paru me formaliser de cette suggestion, mais nous devons suivre une autre procédure pour ce qui est des projets de loi prévoyant des mesures de nature fiscale. Ces projets de loi doivent d'abord être présentés à la Chambre, mais les projets de loi sur les institutions financières ainsi que les projets de loi mettant en oeuvre des conventions fiscales pourraient d'abord être présentés au Sénat. Je prends note de votre suggestion, et c'est d'ailleurs la façon dont on procédait autrefois.

Le sénateur Hervieux-Payette: Permettez-moi d'ajouter ceci.

Mon collègue, Yvon Pinard, qui était le leader du Parti libéral dans les années 80, a changé les heures de séance de la Chambre.

Le sénateur Stewart: Comme il l'a dit, il voulait pouvoir se reposer le soir.

Le sénateur Hervieux-Payette: Non. Il voulait avoir du temps à consacrer à sa famille. À cette époque, j'avais trois jeunes enfants. J'ai pensé que l'idée de raccourcir les heures de séance était excellente. Au parlement norvégien, Mme Brundtland et ses collègues terminent leur journée à 16 h 30 pour pouvoir s'occuper de leur famille. S'ils travaillent bien et qu'ils commencent tôt, ils peuvent terminer leur journée de travail à une heure normale comme tous les autres gens. Maintenant que plus de femmes et de mères siègent à la Chambre des communes, il existe deux écoles de pensée sur la question des heures de séance.

Après l'arrêt Thibodeau, il était évident qu'on changerait la loi pour que le gouvernement puisse percevoir davantage d'impôt, étant donné que la personne qui paie la pension alimentaire est habituellement celle dont le revenu est le plus élevé. Mme Thibodeau semble être une femme très raisonnable et très intelligente. Je ne pense pas qu'elle aurait porté sa cause devant la Cour suprême, mais comme le gouvernement perçoit plus d'argent en impôt, elle a voulu s'assurer que le gouvernement redistribue une plus grande part de cet argent aux enfants plutôt qu'au conjoint. À mon avis, c'est la seule raison qui l'a incitée à porter sa cause devant la Cour suprême.

Tout ce que réclament les parents ayant la garde des enfants, c'est que le gouvernement les assure qu'il ne se servira pas de cet argent pour rembourser la dette nationale, mais qu'il leur en remettra une partie ainsi qu'à ceux qui ont besoin d'aide. Est-ce l'assurance que donne ce projet de loi à ces parents?

M. Dodge: Sénateur, le projet de loi dont vous serez saisis plus tard, soit le projet de loi C-93, qui apporte des modifications de supplément du revenu garanti, est une mesure qui va dans ce sens. Pour la période sur laquelle portent nos calculs, soit d'aujourd'hui à l'an 2004, ce seul projet de loi permettra de remettre aux enfants et aux familles avec des enfants plus d'argent que ce qui correspond à l'impôt additionnel perçu.

On vous soumettra aussi une mesure visant à augmenter la prestation fiscale pour enfants. Grâce aux changements proposés, les familles à faible revenu comptant des enfants auront droit à 600 millions de dollars de plus par année en crédits d'impôt remboursables.

Il ne fait donc aucun doute que le projet de loi C-92 vise avant tout à aider les familles à faible revenu qui ont des enfants.

L'adoption du projet de loi C-92 signifiera évidemment que certains devront payer plus d'impôt. Il s'agira de façon générale des familles mieux nanties, mais l'ensemble des enfants recevront considérablement plus d'aide qu'en vertu du régime actuel.

Le sénateur Hervieux-Payette: Quelle est la position des provinces sur cette mesure? Peut-être que les provinces n'emboîteront pas le pas au gouvernement fédéral. Vont-elles rajuster en conséquence leur régime fiscal? Vont-elles ou non continuer de permettre cette déduction? Les gouvernements fédéral et provinciaux vont-ils avoir un système analogue?

M. Dodge: Comme vous le savez, l'assise fiscale de neuf provinces sur dix est exactement la même que l'assise fiscale du gouvernement fédéral. Je songe ici aux provinces qui ont conclu avec le gouvernement fédéral un accord de perception de l'impôt. Même si le Québec a son propre système, il adopte habituellement des mesures qui reflètent les mesures fédérales.

Pour ce qui est du soutien aux enfants venant de familles à faible revenu, le Québec et la Colombie-Britannique ont été des chefs de file. Plusieurs provinces ont décidé de leur emboîter le pas. Je pense que seuls l'Ontario et la Nouvelle-Écosse n'ont pas encore dit comment ce système fonctionnerait chez eux, mais ils ont dit qu'ils l'acceptaient en principe. Les huit autres provinces soit ont déjà adopté ce système, soit l'auront adopté d'ici peu.

Le sénateur Hervieux-Payette: Pour vous, l'affaire est donc presque conclue. Le Québec a pour coutume d'apporter les mêmes modifications à son régime en ce qui touche les enfants, mais dans ce cas-ci, avez-vous déjà obtenu une réponse?

M. Dodge: Le Québec a déjà apporté les modifications voulues à son régime fiscal. On peut dire que le gouvernement fédéral va le faire pour les neuf autres provinces.

Le sénateur Hervieux-Payette: Vous voulez dire que le Québec a adopté le projet de loi que nous n'avons pas encore adopté?

M. Dodge: Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'y attache de l'importance. Mme Thibodeau est Québécoise, et j'espérais que le Québec modifierait son régime.

La population voit que plusieurs comités doivent se pencher sur plusieurs projets de loi pour donner suite à ces modifications. Le tout semble très compliqué, et ce l'est. Je ne vous demande pas ce que vous en pensez. Je fais simplement remarquer à mes collègues que nous devons adopter trois ou quatre projets de loi simplement pour permettre la mise en oeuvre d'une mesure fiscale. Cela peut sembler bizarre au simple citoyen.

M. Dodge: Vous devez essentiellement adopter deux projets de loi pour cela, le projet de loi C-41 et le projet de loi C-92. Les provinces doivent adopter des mesures qui reflètent exactement les mesures qui figurent dans le projet de loi C-41, mais n'ont pas adopté un projet de loi semblable à celui dont vous êtes saisis parce que nous le faisons pour elles, à l'exception du Québec.

Le sénateur Austin: Je voudrais poser quelques questions à M. Dodge à propos de deux sujets différents. L'un porte sur les dons de charité et l'autre sur la déclaration de biens à l'étranger.

J'ai reçu des demandes à propos des dons de charité. J'ai cherché la réponse que votre ministère aurait pu faire à ce sujet, mais je ne l'ai pas trouvée. La question porte sur les gens aisés qui font des dons de charité, notamment à des organismes de bienfaisance qui s'occupent de recherche médicale. Ces contribuables voudraient des crédits rétroactifs pour les inciter à donner encore plus d'argent à ces organismes de bienfaisance. Existe-t-il une telle disposition rétroactive dans le projet de loi à propos des dons de charité?

M. Dodge: Non. Le projet de loi ne constitue qu'une première étape très modeste. Dans le projet de loi qui sera présenté plus tard pour mettre en oeuvre le budget de 1997, vous verrez beaucoup de dispositions à ce sujet. Dans ce projet de loi-ci, les mesures prises sont plutôt modestes. Ce projet de loi ne représente que les bases des changements qui seront apportés relativement aux dons de charité.

M. Campbell: Sénateur, je me demande si vous voulez vraiment parler de la proposition d'élasticité que certains organismes de bienfaisance favorisaient pour encourager l'accroissement des dons une année après l'autre.

Le sénateur Austin: Oui.

M. Dodge: Je m'excuse. Je croyais que vous vouliez parler du fait que, lorsque nous avons apporté ces changements, certains voulaient que nous permettions aux contribuables d'appliquer les dispositions aux dons faits dans le passé.

Nous avons examiné de très près cette proposition d'élasticité. Je dois dire que, comme pour bon nombre de propositions qui essaient de favoriser un effet cumulatif, non pas simplement dans le régime fiscal, mais aussi pour l'emploi, cela peut poser d'énormes problèmes. Dans le cas de la proposition d'élasticité, le problème, c'est que cela produirait un comportement quelque peu étrange chez des gens qui ne donneraient pas nécessairement plus d'argent aux organismes de bienfaisance, mais qui paieraient certainement moins d'impôt au gouvernement.

Le sénateur Austin: Cela ne produirait-il pas plus d'argent pour les organismes de bienfaisance?

M. Dodge: Pas nécessairement. Ce qui arriverait, c'est que les gens s'organiseraient autrement. Je ne veux pas dire que l'on n'aurait pas plus d'argent pour les organismes de bienfaisance, mais la différence serait minime. Par ailleurs, le coût pour le Trésor public serait très élevé à cause de la façon dont les gens réorganiseraient leurs affaires.

Si nous voulons mettre en oeuvre de nouvelles mesures, nous devons nous assurer que les conséquences cumulatives sont comparables au coût total. Dans ce cas-ci, le coût total pour le Trésor public aurait été très élevé par rapport à des conséquences cumulatives très faibles, ou même inexistantes.

Nous avons examiné sérieusement cette proposition et songé à divers moyens de la modifier. M. Horner a passé de nombreuses heures à essayer de trouver des façons de modifier la loi pour atteindre l'objectif visé par les organismes de bienfaisance, parce que nous n'avons absolument rien à redire à cet objectif. Il n'a cependant pas été possible de modifier la loi de cette façon.

Le sénateur Austin: Pour ce qui est des règles relativement à la déclaration de biens à l'étranger, je crois savoir que le gouvernement ne songe pas à instaurer de nouveaux impôts à ce sujet, mais plutôt à prévoir de nouvelles amendes pour inciter les résidants du Canada à déclarer leurs revenus étrangers. Avez-vous eu des problèmes de ce côté-là? J'imagine que si vous avez rédigé une nouvelle disposition, cela veut dire que vous pensiez avoir un problème, mais pouvez-vous nous expliquer la nature de ce problème?

M. Dodge: Je peux vous expliquer de façon très précise la nature du problème. C'est assez simple. Au Canada, pour les contribuables à revenu relativement élevé, nous avons un taux d'imposition qui se situe dans la plupart des provinces entre 50 p. 100 et 55 p. 100. Vu ce taux d'imposition et le fait qu'il y a un certain nombre de ce qu'on appelle des abris fiscaux un peu partout dans le monde, les contribuables sont fortement tentés de transporter leurs capitaux à l'étranger, dans un pays où le taux d'imposition est très faible, et de ne pas en faire rapport au Canada.

Il y a bon nombre de contribuables honnêtes qui n'essayent pas nécessairement d'échapper au fisc. On ne reçoit pas de T-5 pour les biens à l'étranger. Bien des gens, quand ils font leur déclaration de revenus, se contentent de rassembler leurs T-4, leurs T-5 et leurs T-3 et de les envoyer à leur comptable. C'est ce qui arrive. Une bonne partie des déclarations incomplètes sont dues à la négligence. Dans d'autres cas, les contribuables évitent intentionnellement de déclarer certains biens.

Tout d'abord, il est très injuste pour le contribuable qui paye ses impôts de bonne foi au Canada que certains autres obtiennent un revenu sans payer d'impôts, simplement parce que ce revenu vient de l'étranger. En toute justice, nous avons décidé de demander simplement aux gens s'ils ont des biens à l'étranger. Nous n'allons pas exiger des T-5 à propos de ces biens à l'étranger, mais nous voulons savoir si ces biens existent. Dans le cas des contribuables qui ne déclarent pas ces biens par inadvertance, cela leur fera penser au fait qu'ils doivent faire rapport de ce revenu même s'ils n'ont pas de T-5 à ce sujet dans leur boîte de formulaires.

Deuxièmement, pour ceux qui essayent volontairement d'éviter de payer des impôts, cela compliquera énormément les choses parce qu'il ne s'agira plus simplement du fait de ne pas déclarer un revenu, mais bien d'une fausse déclaration relativement aux biens.

Après de longues réflexions, nous avons décidé que ce serait la façon la moins onéreuse de nous attaquer à un problème dont nous ne connaissons pas l'envergure, mais dont la plupart des contribuables soupçonnaient l'existence. Nous avons donc choisi cette méthode autant pour rassurer les contribuables qui paient leurs impôts de bonne foi que pour obtenir plus de recettes.

Maintenant, il y a un problème. J'ai passé quelques jours récemment en Colombie-Britannique et je connais le problème des gens de Vancouver. Je viens de passer trois ou quatre jours à Hong Kong. J'ai passé plus de temps là-bas à parler du régime fiscal canadien que de la bonne affaire que représentent nos obligations, même si c'est pour cela que j'y allais.

Nous avons probablement un peu plus de travail à faire, surtout auprès des Canadiens qui sont arrivés au Canada avec certains biens étrangers. Nous devons les convaincre qu'ils ne sont pas visés par cette mesure de façon particulière. Ceux qui sont vraiment visés sont ceux que nous soupçonnons d'avoir des biens à l'étranger et qui ne déclarent pas les revenus tirés de ces biens.

Le sénateur Austin: En réalité, vous vous attaquez aux Canadiens qui ont réalisé des gains importants au Canada pendant leur vie, qui se sont organisés pour sortir ces biens du Canada et qui, même s'ils sont encore résidants canadiens, ne déclarent pas les revenus tirés de ces biens. Ceux que vous avez pris dans votre filet sont les gens riches qu'on a encouragés à s'installer au Canada, qui ont gagné leur argent dans un autre pays et que cette politique dissuade de venir s'établir au Canada ou encourage à quitter le Canada parce que leur richesse serait visée par un régime fiscal canadien qui ne le mérite pas selon eux.

M. Dodge: Ou pourrait l'être.

Selon les nouvelles dispositions, il n'y aura pas de problème pendant les cinq premières années. Il faut être honnête. Les contribuables d'autres pays ne sont traditionnellement peut-être pas aussi honnêtes qu'au Canada. Bien des amis et parents de gens qui sont venus s'installer au Canada de l'étranger en apportant des biens importants avec eux ont l'impression qu'il s'agit d'un projet de ponction fiscale de la part du gouvernement du Canada et que cette mesure les vise directement au lieu d'être conçue pour résoudre le problème dont j'ai parlé tantôt.

M. Campbell: Il y a un autre aspect de la question. Certains résidants canadiens ont l'impression que ceux qui viennent s'installer au Canada pour toutes sortes de bonnes raisons ne sont pas traités de la même façon que les résidants du Canada. Je veux parler des possibilités de fiducie pour immigrants dont le sous-ministre a parlé.

Si nous donnions suite à certaines des propositions qui nous ont été faites pour accorder d'autres avantages aux nouveaux résidants du Canada, nous devrions malheureusement nous défendre contre les accusations d'avoir des règles fiscales différentes pour différents résidants du Canada. D'autres Canadiens auraient du mal à comprendre pourquoi le revenu étranger de deux résidants du Canada habitant l'un en face de l'autre est traité différemment.

Le sénateur Austin: Monsieur Campbell, il arrive constamment que des contribuables canadiens soient traités tout à fait différemment à cause de leurs circonstances particulières. Je ne pense pas que cela constitue vraiment un problème méthodologique. C'est peut-être un problème de philosophie politique, mais sinon je ne vois pas comment l'on peut justifier une telle inquiétude de la part des contribuables canadiens.

M. Campbell: Si le revenu étranger de deux résidants du Canada, dont l'un est arrivé récemment dans le pays et l'autre est résidant depuis plus longtemps, est traité différemment, cela ne correspondrait pas, d'après moi, au principe que nous voulons respecter normalement.

Le sénateur Austin: Le revenu canadien est déjà traité différemment. La loi de l'impôt prévoit toutes sortes d'encouragements et de crédits d'impôt ou de déductions. Si vous avez un revenu plus élevé, vous n'êtes pas traité de la même façon qu'une personne qui a un revenu plus faible. Je ne considère pas cela comme une différence philosophique.

M. Campbell: Les mêmes revenus sont traités de la même façon. Vous avez raison de dire que diverses sources de revenus sont traitées différemment, mais c'est la même chose pour tout le monde.

Le sénateur Austin: Nous pourrions continuer à couper les cheveux en quatre pendant longtemps.

Les Canadiens comparent leur régime fiscal à celui des Américains. Pourriez-vous nous expliquer comment le revenu étranger des Américains est traité, surtout dans le cas des actifs étrangers qui ne sont pas simplement des biens en espèces ou des bons du Trésor, mais plutôt des biens fonciers et autres?

M. Dodge: Je ne peux pas le faire de façon détaillée. Je peux vous donner une explication générale, et nous pourrions ensuite inviter M. Farber à s'approcher.

En principe, si vous êtes résidant d'un pays quelconque, qu'il s'agisse du Canada ou des États-Unis, vous devez payer des impôts dans ce pays en fonction de votre revenu mondial. Nous avons aussi divers traités internationaux, que vous connaissez bien, pour garantir qu'il n'y a pas de double imposition. Le principe de base, c'est que si vous êtes résidant du Canada, vous devez payer des impôts au Canada sur votre revenu mondial; si vous êtes résidant des États-Unis, vous payez aussi des impôts aux États-Unis sur votre revenu mondial. Aux États-Unis, on va encore plus loin, en tenant compte de la citoyenneté américaine. Notre propre régime est beaucoup plus traditionnel et se rapproche davantage de ceux de presque tous les autres pays du monde.

Pour ce qui est de déterminer l'importance de ces revenus à l'étranger, nous avons, non pas des méthodes moins énergiques, mais plutôt moins de pouvoir pour ce qui est de faire des recherches à l'étranger que l'IRS aux États-Unis. C'est en partie à cause d'une simple économie d'échelle. Nous pouvons obtenir beaucoup de renseignements aux États-Unis à cause des arrangements conclus entre l'IRS et Revenu Canada, mais cette capacité de recherche est bien moindre pour d'autres pays.

À cause de cette économie d'échelle, les Américains ont pu dans le passé faire des recherches beaucoup plus poussées que le Canada. Même les nouvelles dispositions que nous proposons relativement à la déclaration des biens étrangers ne nous donneront pas la même capacité que les États-Unis pour déterminer le revenu étranger.

Le sénateur Austin: Est-ce ainsi que vous justifiez les amendes que vous prévoyez, alors que les Américains n'en ont pas?

M. Dodge: «Justifier» est un mot bien étrange.

Le sénateur Austin: Je veux parler de justifier les dispositions relatives aux amendes dans le cadre de la politique de l'État.

M. Dodge: Permettez-moi de m'exprimer autrement. Nous avons moins de moyens à l'étranger que les Américains pour garantir la conformité. Nous essayons de produire cette conformité sans pouvoir organiser autant de moyens à l'étranger...

Le sénateur Austin: ... en instaurant ces nouvelles amendes.

Pour passer du théorique au pratique, l'une des inquiétudes dont on m'a fait part a trait à l'évaluation des biens étrangers, surtout si l'on instaure des amendes aussi sévères dans le cas des déclarations erronées. Bien des gens nous disent qu'ils n'ont aucune idée de la valeur de leurs biens et qu'ils ne peuvent pas obtenir de renseignements financiers qui leur permettraient de les évaluer avec exactitude. Avez-vous reçu de telles instances et comment comptez-vous vous occuper de la question de l'évaluation à l'étranger.

M. Dodge: Tout d'abord, nous permettons aux gens de faire rapport d'un coût qui devrait compenser une partie de ces dépenses.

Le sénateur Austin: Pas nécessairement dans le cas de mes investissements.

M. Leonard L. Farber, directeur général, Division de la législation de l'impôt, ministère des Finances: Pour ce qui est de la structure des amendes elles-mêmes, quand nous avons fait l'ébauche des règles sur la déclaration de revenus de sources étrangères, nous avions prévu des amendes plus élevées que ce que prévoit maintenant le projet de loi. Nous avons consulté assez longuement des représentants de la région de Vancouver et d'un peu partout dans le pays. Pendant ces consultations, nous avons discuté de bon nombre des questions que vous avez soulevées aujourd'hui.

Les dispositions relatives aux amendes sont beaucoup moins sévères qu'elles ne l'étaient au départ. Nous avons prévu le critère de la diligence raisonnable pour soustraire à l'amende le contribuable qui ne peut pas obtenir certains renseignements pour une raison quelconque. Le montant des amendes a aussi été réduit sensiblement de 10 à 5 p. 100 dans le but de ne pas donner l'impression d'une amende onéreuse.

Comme le sous-ministre vient de le dire, le coût est un facteur dont les contribuables sont au courant. Ce serait différent si l'on demandait de déterminer une juste valeur commerciale, mais nous ne voulons nullement obliger les contribuables à faire de telles évaluations dans le cadre de ces règles.

Le sénateur Austin: L'amende s'applique-t-elle au coût?

M. Farber: Dans la mesure où l'on n'a pas fait rapport des biens, les dispositions d'amende s'appliquent au coût des biens qui n'ont pas été déclarés.

Cependant, comme l'a dit le sous-ministre, cette mesure ne vise pas à augmenter nos recettes, mais plutôt à favoriser la conformité. S'il n'y avait pas d'amendes, les contribuables ne seraient pas obligés de se conformer à la loi.

Le sénateur Austin: Bon nombre de Canadiens ont des inquiétudes au sujet de ce que cela laisse présager pour l'avenir. C'est vraiment cela qui les inquiète, mais je n'ai pas l'impression que vous pourrez les rassurer sur ce point.

Vous avez aussi reçu bon nombre d'instances au sujet du seuil. Pouvez-vous nous dire ce que vous comptez faire au sujet du seuil?

M. Farber: On nous a proposé bien des choses au sujet du seuil. Nous avons choisi 100 000 $ comme seuil parce que la plupart des gens jugeront que ce n'est pas déraisonnable. On nous avait proposé des seuils de 10 à 15 fois plus élevés que 100 000 $, ce qui, aux yeux de n'importe quel propriétaire de biens au Canada, dépasserait de beaucoup la valeur du portefeuille du Canadien moyen et exempterait presque n'importe qui de l'application de ces règles. Le seuil de 100 000 $ s'applique aux biens qui produisent un revenu de placement. Cela ne s'applique pas aux condominiums, aux oeuvres d'art, aux propriétés de vacances et autres biens de cette nature. On n'a pas besoin de faire rapport de ces biens. Le seuil s'applique uniquement aux biens pour lesquels la loi exige une déclaration s'ils produisent un revenu quelque part dans le monde. Il me semble donc que 100 000 $ n'est pas déraisonnable comme seuil.

M. Dodge: Je pense qu'il est juste de dire que les contribuables visés, surtout les personnes originaires de Hong-Kong, avaient l'impression que cette règle s'appliquerait aux appartements et autres biens de cette nature dont ils sont copropriétaires avec leurs soeurs et leurs frères.

Le sénateur Austin: Et peut-être aussi aux loyers.

M. Dodge: Les avocats à Hong-Kong, même ceux qui font partie de cabinets très réputés, n'avaient pas toujours bien expliqué à leurs clients que ces biens ne seraient pas visés.

Nous avons essayé de renseigner les intéressés. Je ne prétends pas avoir réussi sur toute la ligne, mais nous continuerons nos efforts en ce sens.

Il subsiste encore certains malentendus et c'est en réalité ce qui a causé une bonne partie des problèmes jusqu'ici, surtout chez les anciens habitants de Hong-Kong et de Taïwan.

Le sénateur Austin: Je voudrais terminer en remerciant M. Campbell de sa lettre du 9 avril au sujet des règles sur la déclaration des revenus de sources étrangères, dans laquelle il défend assez bien, je pense, le point de vue du ministère.

Le président: Allez-vous déposer cette lettre?

Le sénateur Austin: Je pourrais la déposer.

Le président: En ce qui concerne le nouveau système relatif aux paiements de pensions alimentaires pour enfants, je comprends le raisonnement du gouvernement. En réalité, les propositions contenues dans le projet de loi annulent la décision Thibodeau. C'est effectivement ce qu'elles font. Je me pose des questions quant à la nature du raisonnement qui sous-tend cette politique. Le parent qui n'a pas la garde des enfants paiera maintenant plus d'impôt et cet impôt sera redistribué par le gouvernement grâce aux suppléments de revenus de travail et d'autres mesures comme le programme de la prestation fiscale pour enfants.

Cela me rappelle les années 50 et 60 quand le gouvernement avait l'impression de toujours avoir raison. On croyait à l'époque qu'il valait mieux que le gouvernement perçoive l'argent et s'occupe de la redistribution. Je croyais qu'on avait enfin abandonné cette philosophie dans les années 90. Cela m'étonne qu'on y revienne dans ce projet de loi et je me demande si quelqu'un peut m'expliquer la politique de l'État à ce sujet.

M. Dodge: Il y a vraiment deux facteurs en cause. Il y a d'abord la nécessité de fournir plus d'argent aux familles à faible revenu qui ont des enfants. C'est un objectif important pour le gouvernement, surtout dans le dernier budget. C'est une chose que nous voulons continuer à favoriser de concert avec les provinces. Il est très important pour nous de faire en sorte que les familles à faible revenu aient plus d'argent. Le problème, c'est qu'il faut pour cela obtenir cet argent d'ailleurs dans le système ou ne pas réduire les impôts. L'une des raisons de la redistribution consiste donc à mettre plus d'argent à la disposition des familles à faible revenu. Cette raison existe, elle est très importante pour nous et elle va beaucoup plus loin que le sujet du projet de loi C-92.

Dans le cas du projet de loi C-92, si nous percevons l'impôt de la personne qui paye sans que ces sommes soient imposables pour le parent qui a la garde des enfants, c'est pour une raison relativement simple, soit que cet argent doit servir à faire vivre l'enfant. Dans bien des cas, il est difficile pour le parent qui a la garde des enfants de payer l'impôt même si le montant qu'aurait dû payer le parent qui a la garde des enfants était moins élevé dans certains cas selon le système actuel.

L'ensemble des contribuables semblaient vraiment convaincus que le parent qui a la garde des enfants ne devrait pas payer d'impôt sur la pension alimentaire pour les enfants. L'instauration graduelle de cette mesure produira des recettes supplémentaires pour le gouvernement. Le gouvernement s'est engagé à son tour à redistribuer cet argent et davantage pour aider les enfants.

Le président: D'habitude, dans le cas de programmes de redistribution du revenu, on perçoit de l'argent de tous les contribuables pour le redistribuer à un groupe particulier. Cette proposition stipule que l'argent sera redistribué à un groupe précis, en l'occurrence les contribuables à faible revenu, mais l'argent sera perçu uniquement des parents qui n'ont pas la garde des enfants puisque c'est de là que viennent vos recettes supplémentaires. L'argent ne viendra pas de l'ensemble des contribuables. J'ai bien l'impression que les parents qui n'ont pas la garde des enfants trouveront que c'est vraiment un comble parce que, en plus du fait qu'ils n'ont pas leurs enfants, vous leur dites maintenant qu'ils ont le devoir de payer pour leurs enfants, comme ils doivent certainement le faire, et payer en même temps pour les enfants de familles à faible revenu qui ont besoin d'aide.

Vous dites en quelque sorte à un petit groupe de Canadiens de payer pour un programme social qui doit bénéficier à une partie importante de la population; depuis 27 ans que je travaille pour l'État, je n'ai jamais vu ce principe appliqué nulle part ailleurs. Pouvez-vous nous expliquer cela?

M. Campbell: La dimension de redistribution dont vous avez parlé, qui mérite certainement qu'on s'y arrête, n'est cependant pas l'explication de cette mesure. En l'occurrence, le gouvernement a estimé que le système actuel ne profitait pas à ceux à qui il était destiné, à savoir les enfants. Étant donné la confusion qui entoure l'octroi des pensions alimentaires, à savoir que quelquefois on tient compte de l'impôt, d'autres fois pas, on a estimé que le système n'était pas très bon et que quelque chose de nouveau devait être mis en place pour que les enfants en retirent le maximum d'avantages.

Le président: J'ai déjà entendu cet argument. Je pense, cependant, qu'il est loin d'être défendable. Mais je comprends que l'on raisonne de cette façon.

Ma question est celle-ci: comment une augmentation de la recette prélevée sur les parents qui n'ont pas la garde des enfants fera-t-elle en sorte que ces enfants en profiteront? Il y a là une espèce de saut de logique que j'ai du mal à suivre.

M. Campbell: L'intérêt des enfants étant l'objectif prioritaire, il fallait tout changer au système actuel, et cela se traduisait par des recettes fiscales supplémentaires. Le gouvernement était alors automatiquement concerné par l'utilisation de cette nouvelle recette. Bien que je ne sois pas fondamentalement en désaccord avec vous, j'ai du mal à suivre votre raisonnement et démarche. Il ne s'agit pas a priori de transfert social. On a simplement inversé la fiscalité actuelle, et cela s'est traduit par des recettes supplémentaires, qui sont alors réutilisées pour renforcer le pouvoir de contrôle de l'administration et pour le bénéfice des enfants. Mais à l'origine, ce n'était pas le premier objectif visé. Le premier objectif était l'intérêt des enfants.

Le président: Logiquement, et puisque le transfert est une espèce de sous-produit de cette mesure, pourquoi ne pas donner aux parents toute latitude pour décider de leurs déclarations d'impôt, et de celui qui pourra profiter d'une déduction fiscale? Si l'intention n'est pas d'augmenter la recette fiscale, et si cette augmentation n'est que le fruit du hasard, pourquoi ne pas donner aux parents plus de latitude -- puisque l'objectif de M. Campbell c'est l'intérêt des enfants -- d'une façon qui, directement ou indirectement, mette plus d'argent à la disposition des enfants?

M. Dodge: Je peux vous dire pourquoi, en qualité de sous-ministre, je ne pouvais pas recommander cela. J'ai deux raisons qui tiennent à la dimension de politique publique en cause ici.

Premièrement, cela consisterait à créer injustement une catégorie spéciale, puisqu'alors les gens s'arrangeraient pour scinder leurs revenus aux fins de l'impôt.

Le président: Je comprends. Je comprends effectivement que ce serait le Trésor qui y perdrait, mais puisque l'objectif de cette politique n'était pas d'alimenter les caisses de l'État, vous l'avez dit tous les deux, qu'est-ce qui ne vous convient pas là-dedans?

M. Dodge: Mais l'objectif n'était pas non plus que le Trésor y perde, ce qui aurait été le cas.

Le président: En effet.

M. Dodge: Deuxièmement, sur le plan des principes de politique publique, j'aurais du mal à accepter que les parents divorcés, ou séparés, puissent profiter d'une mesure leur permettant de scinder leurs revenus, ce que l'on refuse aux couples mariés. Nous nous retrouvions en porte-à-faux. Et pour éviter cela, on serait alors obligé de passer à la déclaration d'impôt à partir du revenu familial. On peut évidemment en discuter.

Pourtant, dans tous les pays où on fait les déclarations d'impôt à partir du revenu familial, on envie beaucoup le système canadien, et on essaie de revenir à une déclaration de richesses individuelles, ce qui paraît beaucoup plus en phase avec les réalités d'aujourd'hui, si l'on compare à ce que c'était il y a plusieurs années.

Le président: Puisque vous ne voulez pas leur laisser le choix -- et c'est sans doute une question que l'on devrait poser à M. Jewett --, serait-il alors possible, au regard de la loi, que les parents divorcés signent une entente selon laquelle tout versement est déclaré soutien du conjoint, ce qui permettrait au parent qui n'a pas la garde de l'enfant de déduire le versement, et on éviterait ainsi le problème que vient de décrire M. Dodge?

Le sénateur Angus: Bien que l'argent soit destiné aux enfants.

Le président: Vous pouvez appeler cela soutien du conjoint, avoir une déduction fiscale et maintenir le statu quo.

Je vois beaucoup de regards dubitatifs.

M. Jewett: Je ne vais pas me transformer en conseiller fiscal auprès du comité, mais que ce soit légal ou non, je ne pense pas que ça marche; et d'ailleurs, la législation générale anti-évitement couvrirait ce genre de situation, puisque l'intention est bien de pouvoir obtenir une déduction d'impôt.

Le président: Ce serait donc peut-être légal, mais vous pourriez trouver une autre façon de l'empêcher. Est-ce que je vous comprends bien?

M. Jewett: Il s'agirait d'un contrat synallagmatique entre les parties, tout à fait légal. Mais je ne pense pas que cela lie l'administration de l'impôt.

Le président: Mon désaccord vient de ce que, à mon avis, les enfants se retrouveront dans une situation pire sous le nouveau régime, puisqu'il y aura moins d'argent pour le parent qui a la garde. On se retrouve dans une situation à l'opposé de ce que l'on vise à l'origine, et que nous a expliqué M. Campbell.

Ma supposition n'est pas vérifiable, non plus que la vôtre. Mais je pense que l'on verra, d'ici deux ou trois ans, que c'est moi qui avais raison.

M. Dodge: C'est un point très difficile à tirer au clair. Nous avons beaucoup discuté avec les contribuables, et avec certaines associations les représentant, pour savoir quelle serait leur réaction en cas de choix. M. Horner, et son équipe, ont beaucoup travaillé là-dessus. Cela vaudrait peut-être la peine qu'il vous en parle.

M. Keith Horner, chef principal, Analyse de l'impôt, Division de l'impôt des particuliers, ministère des Finances: Nous avons eu des réunions avec des petits groupes représentatifs, à savoir des parents qui ont la garde des enfants, des parents qui versent la pension alimentaire, des parents seuls qui ne touchent aucune pension pour l'enfant, et des familles intactes. Nous avons mis à l'épreuve plusieurs systèmes, et noté les réactions de nos groupes-tests, puisque nous avions déjà un certain nombre d'idées sur ce qui pourrait marcher, y compris la possibilité d'un système donnant le choix aux parents.

Presque tout le monde s'est déclaré en faveur d'un même système, c'est-à-dire pas de déductions, pas d'inclusions. C'était très frappant.

La possibilité du choix impose des difficultés, dans la mesure où ces pensions alimentaires sont décidées à l'issue de négociations souvent très difficiles. L'idée de rendre la situation encore plus compliquée inquiétait beaucoup les parents qui avaient la garde de l'enfant.

Dans d'autres pays, les États-Unis et plusieurs pays européens par exemple, on a déjà un système sans déductions, ni inclusions. Nous nous rapprochons donc de la norme des pays de l'OCDE.

Le président: Nous nous servons des comparaisons avec les autres pays pour montrer que nous sommes uniques dans notre cas, lorsque cela intéresse le Canada d'être unique, et nous nous réfugions derrière l'argument de la majorité des pays lorsque cela nous convient. Je conteste ce genre de raisonnement, d'un côté comme de l'autre.

Le sénateur Angus: La déclaration des biens à l'étranger est un domaine qui a fait l'objet de beaucoup de mémoires depuis le budget de mars 1996. D'après ce que vous dites, vous avez revu les amendes. Vous avez aussi écouté d'autres groupes que celui de Vancouver. Outre les amendes, qu'avez-vous modifié suite aux témoignages recueillis?

M. Farber: Pour ce qui est des sociétés, nous avions toute une réglementation sur l'obligation de déclaration pour les multinationales étrangères installées au Canada. À cet égard, et comme pour les particuliers, on s'est beaucoup plaint de la difficulté qu'il y avait à obtenir l'information, étant donné que l'obligation de déclarer un revenu de biens à l'étranger s'étendait aux sociétés du deuxième, troisième et quatrième palier, qui sont les filiales des multinationales.

Après consultation avec le comité mixte, l'institut des fiscalistes et un certain nombre d'organismes professionnels, nous avons abandonné l'idée d'exiger une déclaration complète, comme à l'origine, en nous limitant au premier palier des filiales à l'étranger. Cela ne vise donc pas les deuxième et troisième paliers, et cetera. La mesure a été jugée acceptable. Les sociétés se sont déclarées en mesure d'appliquer la règle, et à même de réunir l'information dans des conditions normales.

Le sénateur Angus: Et pour les particuliers?

M. Farber: Deux autres aspects de cette question doivent être alors pris en compte. Il y a d'abord le sursis pour la première année. C'est à dire que l'on a plus de temps, et notamment les immigrants qui arrivent au Canada. On craignait que l'entrée en vigueur ne commence trop tôt, car il faut donner aux immigrants le temps de comprendre la réglementation. La date d'entrée en vigueur a donc été reportée.

On disait également que le gouvernement reverrait les dispositions concernant le seuil de 100 000 $ après 1998, pour savoir si cette mesure est acceptable, et si le seuil est trop haut ou trop bas. Nous voulions avoir une base de référence, que l'on pourrait ensuite réviser. Les intéressés semblaient tout à fait favorables à cette idée.

Le sénateur Angus: Vous avez aussi parlé de la règle des cinq ans.

M. Dodge: La fiducie pour immigrant.

Le sénateur Angus: Comment est-ce que cela fonctionne?

M. Farber: Les immigrants nouvellement arrivés au Canada peuvent déposer leurs actifs étrangers dans une fiducie. Le revenu de ces actifs détenus à l'étranger ne donnerait alors pas lieu à une imposition pendant les cinq premières années de leur vie au Canada.

Il s'agissait à l'origine de donner aux immigrants la possibilité de s'installer effectivement au Canada, de devenir citoyens canadiens, et une fois cette période de cinq ans écoulée, ces actifs et les revenus touchés à l'étranger seraient alors déclarés comme pour tous les autres Canadiens.

Le sénateur Angus: Est-ce que cela était déjà dans le budget, ou s'agit-il d'une modification consécutive à certaines instances?

M. Farber: Ni l'un ni l'autre. C'est une mesure qui avait déjà été prise depuis un certain temps.

Le sénateur Angus: Avec le projet de loi C-93 et le budget de 1997, comme vous le disiez au sénateur Austin, vous vous êtes encore plus avancés dans le domaine des dons aux oeuvres de bienfaisance. En particulier, je pense à la plus-value non réalisée, et à la possibilité d'échapper à l'impôt si l'équivalent de cette plus-value est versé à une oeuvre de bienfaisance. On avait d'ailleurs d'abord pensé mettre cette mesure à l'essai pendant cinq ou trois ans. Pouvez-vous nous en expliquer le mécanisme?

M. Dodge: Il s'agit de situations où un capital a pris de la valeur, et où on peut en faire le calcul de façon précise, comme dans le cas des titres et valeurs, ou obligations négociées en bourse. Sur donation de ce capital, le donneur n'inscrira à son revenu que la moitié des gains normalement imposables. Nous avons envisagé de faire appliquer cette mesure sur cinq années d'imposition.

Le sénateur Angus: La déduction fiscale s'applique à la plus-value réalisée sur ce qui est ensuite donné?

M. Dodge: Ce n'est pas nouveau.

Le sénateur Angus: Mais il ne s'agit pas d'une réalisation fictive.

M. Dodge: Imaginons que je fasse don de 100 actions valant chacune 100 $, cela ferait 10 000 $. Si j'ai acheté ces actions 10 $ chacune, je devrais normalement payer un impôt sur une plus-value de 9000 $. Ma contribution sera reconnue pour 10 000 $, mais il faudra que je paye l'impôt.

Le sénateur Angus: Au plein tarif?

M. Dodge: Sur 75 p. 100 des 9000 $.

Avec cette nouvelle mesure, le taux d'imposition sera diminué de moitié. C'est-à-dire que vous calculerez comme revenu 37,5 p. 100 des 9000 $, au lieu des 75 p. 100.

Pour le Trésor c'est une perte.

Le sénateur Angus: Mais cela incite à faire des donations.

M. Dodge: Nous voulons effectivement que cela incite à faire des donations, et que celles-ci soient réparties assez justement entre les oeuvres de bienfaisance. Nous craignons en effet que les donations ne privilégient certains bénéficiaires, pour la création d'une école de commerce ou d'une université par exemple, plutôt que Centraide et ce genre d'organismes de bienfaisance populaires.

La mesure s'appliquera cinq ans. À la fin de cette période, nous procéderons à un réexamen de ce qui s'est passé, pour savoir s'il faut reconduire la mesure ou revenir au système actuel.

Le sénateur Stewart: Pourriez-vous nous citer les articles du projet de loi concernant ces donations aux organismes de bienfaisance?

M. Dodge: Le projet de loi dont nous discutons ce soir, sénateur, n'inclut pas les dispositions fiscales du budget. Il prend en compte simplement le côté dépenses inscrites au budget.

Vous en traiterez avec le budget 1997, lorsque vous discuterez des mesures fiscales correspondant au budget de 1997.

Le sénateur Stewart: Je comprends cela. Quels sont alors les articles du projet de loi correspondant au budget 1997?

Le président: Assurons-nous que cette information soit bien consignée au compte rendu de séance.

Le sénateur Kelleher: Puisqu'il s'agit du projet de loi de mise en oeuvre du budget 1996, j'aimerais que l'on m'explique pourquoi le gouvernement a gelé pour si longtemps les cotisations aux REÉR.

Vous nous avez parlé de la notion d'équité fiscale. Comme travailleur indépendant -- ce que je ne suis pas véritablement puisque je suis sénateur --, étant donné l'inquiétude qui prévaut en ce qui concerne l'avenir du Régime de pensions du Canada, et par ailleurs le besoin d'assurer son avenir, je serais très inquiet de cette limite à ce que je peux épargner. Alors que si je travaillais pour une grande société, je pourrais m'assurer une pension confortable en me servant de la société, ce qui n'est pas possible si je travaille à mon compte. J'aimerais donc savoir pourquoi on a décidé de geler les cotisations pendant si longtemps. Est-ce que le gouvernement estime que cela vous coûterait trop cher, et vous priverait d'une certaine recette?

M. Dodge: Je vais répondre à la question en trois temps. Premièrement, vous dites que le système désavantage le travailleur indépendant, si l'on compare à quelqu'un qui travaille pour une grande société.

Le sénateur Kelleher: C'est l'impression que j'en ai.

M. Dodge: Les modifications que nous avons décidées en 1991 visaient précisément à mettre fin à cette inégalité. Les grandes sociétés ne peuvent pas plus profiter de la fiscalité pour assurer de bonnes pensions à leurs employés, que les travailleurs indépendants. Les grandes sociétés peuvent passer par le mécanisme de la convention de retraite, mais cela ne donne aucun avantage sur le plan de l'impôt. C'est-à-dire que ces sociétés doivent allonger comptant la totalité des 50 p. 100, pour l'impôt, au moment de la signature de la convention de retraite. Ce n'est donc pas une question d'inégalité entre le travailleur indépendant et l'employé qui travaille pour une grande société, et qui va un jour prendre sa retraite. Que ce soit donc bien clair.

Nous avons maintenu le plafond à la cotisation pour une période de temps plus longue qu'envisagée à l'origine, à savoir le plafond sur le montant de la pension qui peut bénéficier de la déduction.

Pourquoi? En période de restrictions, la question qui se pose est de savoir si l'on veut faire profiter surtout les personnes dont le revenu est trois, quatre ou cinq fois la moyenne, ou si l'on veut au contraire permettre aux tranches moyennes de revenus de pouvoir se constituer une épargne-retraite plus importante. Nous avons donc décidé de limiter les personnes de tranches de revenus supérieures, pour que celles dont les revenus sont plus modestes puissent épargner plus en prévision de leur retraite.

En ce qui concerne ce plafond, si nous remontons à 1976, la limite était effectivement d'environ huit fois la moyenne de salaire, et nous en sommes maintenant à environ deux fois. À l'époque, les choses se faisaient d'année en année. Si vous n'utilisiez pas la possibilité qui vous était donnée de cotiser, c'était perdu.

Cela a été critiqué, notamment au nom des personnes dont le revenu fluctue, et qui sont souvent les petits entrepreneurs, qui ne pouvaient cotiser certaines années, mais qui ne pouvaient plus ensuite non plus rattraper. De ce fait, nous sommes passés à une période de sept ans d'abord, et maintenant cela s'applique à toute la durée de la vie.

L'entrepreneur qui est dans la vingtaine, la trentaine ou le début de la quarantaine utilise jusqu'à son dernier sou pour son entreprise, et ce n'est que dans la tranche des 15 ou 20 dernières années de sa carrière d'entrepreneur qu'il peut effectivement cotiser; en étendant cette mesure à toute la durée de la vie, même si le plafond annuel est bas, la possibilité pour ce genre d'entrepreneur de cotiser pendant ces 15 dernières années d'activité est bien plus intéressante avec le nouveau système que par le passé, avec le système annuel, ou même le régime des sept ans. Nous pensons qu'à cet égard c'est une mesure juste. Et à moyen terme, cela coûte moins cher à la recette fédérale.

Finalement, en étendant cette mesure à toute la durée de la vie, nous rétablissons une certaine équité en faveur de ceux dont les revenus fluctuent. Rien n'est parfait dans ce monde, mais voilà la raison de cette mesure.

Le président: Comme je vois qu'il n'y a pas d'autres questions, je remercie les représentants du ministère des Finances et M. Campbell de s'être déplacés.

Honorables sénateurs, nous recevons maintenant Mme Elisabeth Beattie. Elle a soumis un mémoire au comité. Comme nous n'avons plus beaucoup de temps, nous allons joindre le mémoire de Mme Beattie au compte rendu de séance, et elle va simplement le commenter.

Le sénateur Austin: Est-ce que quelqu'un du ministère sera là pour répondre à Mme Beattie?

Le président: Oui, M. Jewett et M. Farber vont rester quelques instants avec nous.

Monsieur Jewett, je sais que vous et votre équipe avez exprimé le désir de rencontrer divers groupes intéressés par cette question. Il serait utile que vous restiez parmi nous.

Mme Elisabeth Beattie: Merci de m'avoir donné la parole. Je ne m'y attendais pas, et je vous en suis reconnaissante. Je suis aussi heureuse que le mémoire soit joint au compte rendu de séance d'aujourd'hui, puisque je ne vais pas avoir de temps pour vous en faire tout l'exposé.

En guise de présentation, je dirai que je suis une mère seule depuis 1980. J'ai trois enfants de 19, 22 et 24 ans. J'ai suivi un cursus universitaire me permettant d'étudier la fiscalité, ce qui me met peut-être dans une situation un petit peu différente du reste des parents qui ont la garde de leurs enfants. Mais mon expérience me vient surtout de ce que j'ai eu à gérer mes propres affaires, remplir mes propres déclarations d'impôt, apprendre à gérer un budget et à exploiter au maximum des ressources limitées dans un contexte d'incertitude financière.

Nous avons eu beaucoup de problèmes concernant le non-paiement des pensions alimentaires. Je rappelle dans mon mémoire qu'un certain nombre de mesures de contrainte, prévues au projet de loi C-41, ont été plus ou moins adoptées à mon instigation. Ce projet de loi, qui malheureusement ne nous a pas profité, profitera je l'espère à d'autres.

J'ai connu les pires des formes que pouvait prendre ce problème, sur le plan monétaire et social. Voilà pourquoi mon point de vue peut être utile, ma démarche étant très pragmatique.

Si le gouvernement avait fait appel à mes services pour un dollar symbolique annuel, voilà ce que j'aurais fait. Ma première recommandation aurait été celle-ci: si vous appliquez le même système à tout le monde, conservez le système actuel, car c'est celui qui profite le plus aux plus démunis. Sur un dossier comme celui-ci, il n'est pas possible de faire en sorte que tout le monde y gagne.

Le président: Lorsque vous parlez du système actuel, vous voulez parler du système où le parent qui a la garde de l'enfant déclare un revenu, et l'autre bénéficie de la déduction.

Mme Beattie: Oui. J'ai connu ce système pendant plus de 20 ans. Je trouvais que c'était un système intelligent, sensible aux besoins des parents seuls face au climat économique et social qui est le nôtre. J'y reviendrai tout à l'heure.

Les problèmes d'incohérence juridique et de calculs fiscaux complexes ne se posaient vraiment pas au moment où cette décision a été prise. En janvier 1995, le comité fédéral-provincial-territorial du droit de la famille a publié des lignes directrices dans le cadre du système de déduction et d'inclusion. Une grande partie de la confusion en cette matière est due au fait que les gens pensent que le changement fiscal et les lignes directrices vont automatiquement de pair. On peut avoir des lignes directrices dans l'une ou l'autre structure fiscale. On n'est pas irrémédiablement attaché à l'une des deux.

Les raisons qui ont été invoquées pour le faire ne tenaient vraiment pas debout parce que le gouvernement a décidé de recourir à des lignes directrices pour régler ces problèmes d'incohérence juridique.

Un tiers des parents ayant la garde étaient peut-être défavorisés dans l'ancien système. Je l'appelle maintenant l'ancien système. Toutefois, certains aspects de la Loi de l'impôt sur le revenu ont atténué les effets négatifs sur le plan fiscal. L'exemple qui me vient à l'esprit est celui du droit de cotisation aux REÉR. Il s'agit là d'une préoccupation considérable pour les chefs de famille monoparentale, et la possibilité d'avoir ce droit et la déduction atténue un peu les conséquences fiscales si l'on est dans la même tranche d'imposition ou dans une tranche supérieure.

L'ancien système est avantageux en cas de disparité, mais certains parents ayant la garde ont un revenu plus élevé que celui de leurs anciens conjoints. De toute évidence, ils sont punis par l'ancien système parce qu'ils ne bénéficient pas du partage du revenu. Je crois que le droit de cotisation à un REÉR permettait d'atténuer les effets négatifs.

Le président: La question des REÉR se posait de la façon suivante: en augmentant le revenu du parent ayant la garde, étant donné que la cotisation maximale à un REÉR est fixée comme pourcentage de votre revenu, et étant donné que votre revenu est plus élevé si la pension alimentaire est considérée comme étant un revenu, à ce moment-là, votre cotisation maximale à un REÉR augmente proportionnellement.

Mme Beattie: La pension alimentaire est un revenu gagné.

Le président: Par conséquent, un pourcentage de cette pension alimentaire est admissible au titre du REÉR.

Mme Beattie: Telle aurait été ma première recommandation si l'on voulait prendre une mesure globale.

Ma deuxième recommandation aurait été que toute décision relative au retrait du système soit prise par le parent ayant la garde et bénéficiant de la pension alimentaire, et qu'une telle décision soit semblable à un consentement éclairé. Je le dis parce que les nouvelles règles ont de graves conséquences pour certaines personnes. Dans tous les cas, le bénéficiaire assume le fardeau.

La modification des règles fiscales, qui sont maintenant des lignes directrices, n'entraînera pas tellement de conséquences financières pour les payeurs de pensions alimentaires parce que l'argent que l'on aurait normalement versé aux enfants sera maintenant destiné au gouvernement. Désormais, ils ne bénéficieront plus du partage du revenu. Certains en bénéficiaient, mais ce n'est pas mon cas.

Les conséquences dépendent vraiment du bénéficiaire. C'est la raison pour laquelle je vous dis qu'il faut lui donner le choix. Je n'ai pas rencontré un seul chef de famille monoparentale qui soit opposé au choix. Cela leur donne un certain pouvoir. Ils contrôlent leur destin. Ils ne sont plus obligés d'exécuter des décisions prises par quelqu'un d'autre. Dans ce cas, c'est le gouvernement qui décide. Beaucoup d'entre nous seront des exécutants.

Le président: J'ai posé cette question précise à M. Dodge et à M. Campbell parce que j'ai constaté que vous étiez assise dans la salle. Ils ont répondu que cela donnerait un avantage aux personnes divorcées parce que cela entraînerait un partage du revenu, si elles avaient le choix. Les personnes mariées n'ont pas cet avantage. Qu'en pensez-vous?

Mme Beattie: Je ne suis pas d'accord. Les personnes mariées ont beaucoup de stratégies de partage des revenus, notamment celle qui permet au conjoint ayant le revenu le plus élevé d'assumer les dépenses tandis que le conjoint au revenu inférieur économise. C'est une stratégie classique de partage du revenu. Ce n'est pas la même chose, mais je puis également vous dire que le partage du revenu a été conçu pour pallier à l'augmentation des coûts relatifs à l'éducation des enfants d'une même famille dans deux domiciles. Il y a deux lits, deux maisons et ainsi de suite. L'intention était de réduire au minimum la chute du niveau de vie.

Apparemment, vous traitez les personnes divorcées comme si elles étaient mariées et vous ignorez totalement le fait qu'elles ne sont plus mariées et qu'elles vivent dans des maisons différentes. C'est le bénéficiaire qui assumera le fardeau financier.

Quant aux conséquences graves dont j'ai parlé, la première qui m'irrite vraiment est l'aubaine que cela représente pour le gouvernement. L'avantage découlant du partage du revenu disparaît et l'argent profite au gouvernement et non pas aux enfants.

Cela représente des millions de dollars. Dans l'une des annexes de mon mémoire, je présente en détail le montant de cette aubaine. Cependant, on a tendance à oublier que ces mesures ont des répercussions sur des familles. C'est pour cette raison que j'ai annexé un document indiquant en détail la manière dont ce changement fiscal influera sur ma pension alimentaire et ma famille. C'est bien beau de dire que, parce que j'étais mariée à quelqu'un qui gagnait 100 000 $, j'ai une famille riche. Une femme qui sort d'un divorce et qui est inapte au travail parce que ses aptitudes sont dépassées se retrouve dans une situation aussi mauvaise que celle d'une personne également inemployable qui était mariée à un conjoint gagnant 20 000 $. On est logé à la même enseigne.

Comme vous le voyez sur la fiche de travail ci-jointe, si les règles fiscales relatives à la déduction et à l'inclusion demeurent, d'après les lignes directrices qui ont été publiées en 1995 dans le cadre des anciennes règles, j'aurai 32 000 $ après impôt, en tenant compte de l'exemption de base et de l'équivalent de l'exemption de personne mariée.

Si les nouvelles règles fiscales avaient été en vigueur à ce moment-là, parce qu'il n'y a pas de taxes prévues, j'aurais eu 18 000 $, soit près de la moitié. Nous nous sommes débrouillés avec 32 000 $. J'avais trois enfants qui entraient à l'université à l'époque. Le gouvernement nous aurait prix 14 000 $ environ pour les donner à quelqu'un d'autre. Je n'aurais pas été admissible au supplément du revenu gagné, car j'ai dû rester à la maison près de 20 ans. J'ai un enfant qui a suivi ses cours à la maison pendant plusieurs années. Tout cela, malgré mon éducation, malgré ma famille qui nous a appuyés pour l'essentiel, et malgré le fait que j'étais mariée à quelqu'un qui gagnait 100 000 $. Il nous aurait été très difficile d'absorber ce montant. Le gouvernement nous aurait prix 14 000 $ pour les donner à quelqu'un d'autre.

Voilà l'effet que cette mesure aura sur les familles. Le gouvernement peut dire que tout s'équilibre. Cependant, je pense à ma famille et je crois que la première responsabilité des parents est de s'occuper de leurs enfants. Dans la mesure du possible, la pension alimentaire doit être maximisée au sein de la famille d'abord, quitte à ce que le gouvernement apporte un supplément. Il est insensé de me contraindre à la pauvreté.

J'ai joint ces documents à mon mémoire parce que les gens ont tendance à oublier que vous faites face à des familles. Voilà ce qui va se passer. Mes parents ont dû nous sortir du pétrin. Les nouvelles règles fiscales auraient rendu les choses impossibles.

Tout le monde ne sera pas admissible au supplément du revenu gagné ni aux prestations fiscales pour enfants parce que ces avantages visent les familles de travailleurs à faible revenu. J'apprends que l'on permet aux provinces de récupérer les prestations fédérales pour enfants auprès des familles assistées sociales. Par conséquent, toute personne ayant un revenu d'emploi en pâtira.

Selon moi, cette politique cherche à faire en sorte que les enfants dont les mères n'ont pas de revenu d'emploi seront réduits à la pauvreté peu importe leur niveau de vie antérieur ou la capacité de leurs pères de les aider. C'est un changement radical par rapport à la situation antérieure quand les tribunaux essayaient de réduire au minimum la baisse du niveau de vie qui découle inévitablement du divorce, et le partage du revenu contribuait à cet objectif. Dans mon cas, le juge et l'avocat ont fait leur travail. Nous avons obtenu l'avantage du partage du revenu. Ce que nous avons obtenu était très proche du but visé par ces lignes directrices, et nous nous sommes débrouillés malgré tout.

En outre, le droit de cotisation à un REÉR a disparu. Logiquement, on va aussi perdre la capacité de déduire les frais d'avocat engagés pour exiger le paiement de la pension familiale. Ce sont là des conséquences très graves. Quiconque opte pour ce nouveau système doit savoir exactement ce qui se passe, car une fois que l'on est exclu, il n'y a plus rien à faire. C'est irrévocable en vertu de cette politique.

Étant donné qu'une grande partie des difficultés que l'on a avec ce système découlent de la perception des choses, le gouvernement doit s'efforcer de mieux informer la population sur ce qui se passe et lui expliquer pourquoi l'ancien système est bon. Certaines personnes pour qui l'ancien système aurait été excellent ne comprennent pas comment on peut payer des impôts et se retrouver avec une pension alimentaire plus élevée. Il ne faut qu'une demi-heure pour expliquer aux chefs de familles monoparentales pourquoi l'ancien système était bon. Je n'ai pas encore rencontré un seul parent qui soit disposé à opter pour le nouveau système. Je crois qu'il faut le rendre facultatif.

Il existe aussi un précédent de souplesse dans la mesure où les paiements à des fins déterminées comme les dépenses médicales et scolaires sont normalement exclus du revenu, mais s'il existe une ordonnance à cet effet, elles seront incluses. Ce précédent existe.

Revenons aux frais d'avocat, parce que personne n'en a parlé devant le comité de la Chambre des communes. Personne ne semblait être au courant du problème, et l'on n'a donc pas eu l'occasion d'en discuter.

Apparemment, le ministère a décidé de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin que l'on puisse continuer à déduire les dépenses relatives aux paiements de la pension alimentaire même si l'on ne déduit pas le revenu. J'estime que certaines personnes contesteront cette mesure parce qu'elle crée une inégalité absurde entre les bénéficiaires. En vertu de l'ancien système, j'inclus mon revenu et j'ai droit à la déduction.

Le président: D'après la loi, vous déclarez une dépense à l'égard d'un revenu que vous n'avez jamais reçu.

Mme Beattie: À mon avis, cela est contraire à un principe fiscal fondamental selon lequel les déductions sont liées à l'inclusion du revenu. L'on ne déduit pas l'intérêt sur l'hypothèque parce que, lorsqu'on vend son domicile principal, il n'y a pas de gain en capital.

J'estime que l'on ouvre la porte aux revendications d'autres groupes d'intérêts spéciaux et peut-être même à des contestations judiciaires. Est-ce oui ou non un revenu?

M. Campbell: Mme Beattie a défendu de façon intelligente et passionnée un point de vue précis en ce qui concerne ces changements. Son opinion ne fait pas l'unanimité. Nous avons entendu M. Horner parlé tout à l'heure du travail important que le ministère a fait pour remédier aux lacunes du système actuel afin de l'améliorer.

Je vais me concentrer sur deux choses. En ce qui concerne le dernier point qui a été soulevé dans le cadre de la non-déductibilité des frais d'avocat, lorsque Mme Beattie a comparu devant le comité, on en a discuté abondamment. Elle a indiqué que c'était l'un des problèmes de ce système. Elle a déclaré qu'avec ce changement, elle perdrait la déductibilité dont elle a bénéficié jusqu'ici parce que l'argent ne serait plus considéré comme un revenu. Le ministère lui a rétorqué qu'elle se trompait et qu'elle ne perdrait pas cet avantage.

Le président: Pour être clair, Mme Beattie comprend qu'elle peut maintenant déduire ces frais.

M. Campbell: En effet, et maintenant, elle conteste le principe. Je tiens à affirmer aux fins du procès-verbal que, lorsqu'elle a comparu devant le comité des finances, elle a déclaré qu'il s'agissait d'une conséquence fortuite et malheureuse, et elle a exigé qu'elle soit corrigée. Il n'a jamais été question qu'elle perde cette déductibilité. Apparemment, cela ne lui suffit pas.

Ma deuxième intervention porte sur le droit de cotisation à un REÉR. Cette question a fait l'objet elle aussi d'un grand débat devant le comité des finances de la Chambre des communes. Quant à la question de savoir s'il s'agit ou non d'un revenu pour le conjoint, nous parlons de la pension alimentaire. L'on pourrait soutenir qu'on n'aurait jamais dû la considérer comme un revenu sur lequel on calculerait la cotisation à un REÉR.

M. Horner voudrait peut-être intervenir sur d'autres questions.

M. Horner: Je suis accompagné de Mme Natalie Martel. Nous travaillons tous les deux sur cette question depuis un certain temps.

Je voudrais répondre aux observations de Mme Beattie. C'est une question très difficile. Comme elle l'a mentionné, il y a des gens dont la situation serait meilleure dans un système de déduction et d'inclusion, et il y en a d'autres qui seraient favorisés dans un système où il n'y a ni déduction ni inclusion. Le choix n'est pas facile à faire. Certaines personnes seront toujours favorisées.

Les tribunaux et les stratèges s'intéressent à cette question depuis un certain nombre d'années. Un comité fédéral-provincial-territorial a élaboré des lignes directrices au cours des années 90, et ces lignes directrices sont entrées en vigueur ce mois-ci. Le comité a consulté notamment des avocats spécialistes du droit de la famille et des parents ayant la garde pendant toute cette période. Le processus d'élaboration de cette politique a été long.

La décision finale d'adopter une politique de non-déduction et de non-inclusion a été fondée sur le fait que la plupart des parents ayant la garde estimaient que le système actuel n'était avantageux ni pour eux ni pour leurs enfants. Nous avons examiné d'autres systèmes, comme je l'ai dit tout à l'heure, y compris le système facultatif, et ils ont été rejetés par la majorité des personnes que nous avons consultées.

Il y a des gens qui ont nettement l'impression que le système actuel donne un allégement fiscal aux payeurs et impose un fardeau injuste au parent ayant la garde, qui est traité différemment par rapport à un parent marié qui n'est pas obligé de payer d'impôt sur l'argent qu'il consacre à ses enfants, même s'il existe un argument logique en matière fiscale selon lequel lorsqu'on traite les deux ensembles comme entités familiales distinctes, le système actuel est adéquat. Ce n'est pas une opinion partagée par la grande majorité des parents ayant la garde.

De plus, les parents ayant la garde sont fortement préoccupés par le fait qu'ils ont énormément de mal à trouver des ressources pour payer leurs impôts à la fin de l'année. Quand ils recevaient de l'argent chaque mois, ils préféraient répondre aux besoins de leurs enfants. Nous avons entendu à maintes reprises des gens qui essayaient de payer petit à petit leurs impôts des années précédentes tout en essayant de joindre les deux bouts avec leurs revenus mensuels.

Enfin, pour revenir au système facultatif, lorsque nous en avons discuté avec ces groupes, ils craignaient vraiment qu'on les oblige, en les menaçant de violence par exemple, à faire ce qui était avantageux pour le conjoint -- c'est-à-dire pour l'homme dans bien des cas --, et ils n'en bénéficieraient pas. Cela compliquerait les choses, et l'accord serait plus difficile à obtenir. Nous étions très surpris de la vigueur avec laquelle les parents ayant la garde ont rejeté cette mesure.

Le président: Monsieur Horner et madame Beattie, je vous remercie pour vos interventions. Elles nous ont été très utiles. Je présume que la question ne disparaîtra pas avec le budget de 1996 ni avec ce projet de loi. Nous allons inévitablement revenir sur cette question avant longtemps.

Sénateurs, puis-je avoir une motion nous dispensant de procéder à l'étude article par article du projet de loi?

Le sénateur Kenny: Je vous donnerai la motion si vous me laissez d'abord poser une question.

Il me semble que les couples qui se séparent traversent une période très traumatisante. Il est difficile d'imaginer qu'une personne qui divorce n'éprouve pas de difficultés financières.

Je ne comprends pas pourquoi le ministère ne veut pas offrir autant d'options que possible, ou un menu, si vous voulez. Pourquoi proposez-vous la même solution à tout le monde?

M. Horner: Justement, en terminant ma dernière intervention, j'ai dit que nous avons fait des consultations à ce sujet.

Le sénateur Kenny: J'ai entendu la partie sur la consultation. Vous avez dit qu'une majorité écrasante pensait d'une certaine façon.

Est-il fondamentalement mauvais de dire qu'on peut choisir entre les options A, B, C ou D?

M. Horner: Ce qui est différent, c'est que le choix est fait dans le cadre d'un processus marqué par une rupture de civilité et un antagonisme extrême entre les parties. Cela ne cadre pas avec l'idée de donner des options aux gens et rend la décision plus complexe.

Le sénateur Kenny: Je conviens qu'il y aura manque de civilité. Mais je ne vois pas en quoi cela nous empêche de proposer des options; quoi qu'il en soit, nous en sommes là.

Le président: Je partage votre avis.

Le sénateur dit que, si l'on avait une série d'options comprenant celle qui figure dans le projet de loi, c'est toujours une option pour la grande majorité que M. Horner a mentionnée. Le seul perdant serait le Trésor fédéral. Je présume que c'est un facteur qui a été plus important dans la décision que tous les autres qu'on a présentés aujourd'hui.

Merci beaucoup, monsieur Horner.

Y a-t-il une motion nous dispensant de l'étude article par article?

Le sénateur Kenny: Je le propose.

Le président: Y a-t-il une motion pour renvoyer le projet de loi sans modifications, même si je dois dire qu'il y a un peu de réticence?

Le sénateur Stewart: Nous ne devons pas nous contenter de renvoyer simplement le projet de loi. Dans le débat initial que nous avons eu ce matin, il était très clair que le processus comporte des lacunes. Le problème ne découle probablement pas du ministère des Finances, mais plutôt des procédures de l'autre chambre.

Le sénateur Kelleher: Du bureau du premier ministre.

Le sénateur Stewart: Il ne provient pas du bureau du premier ministre actuel. Cela remonte aux changements apportés aux règles de la Chambre des communes il y a un certain temps.

La discussion qui vient de se terminer est un exemple concret du genre de problème que l'on rencontre lorsqu'on reçoit un projet de loi comme celui-ci à la dernière minute. C'est la première fois que je me trouve devant cette situation. Je commence à m'y familiariser. Cependant, le débat est loin d'être terminé. Je me sens très mal à l'aise dans la situation actuelle.

Le sénateur Angus: Moi aussi.

Le président: Je serais plus que ravi d'en faire plus que de renvoyer le projet de loi sans modifications. J'accepterai avec enthousiasme toute autre mesure.

Le sénateur Angus: Ne pouvons-nous pas le modifier?

Le sénateur Stewart: Vous devriez peut-être dire que les membres de ce comité seront probablement très réticents à examiner les lois fiscales compliquées qui nous sont soumises. Cela nous met dans une situation difficile.

Le sénateur Angus: On ne nous donne pas le choix. Nous n'avons pas l'occasion de procéder à un examen diligent.

Le président: Je serai heureux de le dire sur le parquet, et c'est le maximum que je puisse faire. Toutefois, il serait peut-être plus efficace d'envoyer une lettre aux principaux intervenants dans ce système, à savoir le leader du gouvernement en Chambre, le ministre des Finances et le bureau du chef, pour leur signifier clairement que nous ne voulons plus qu'ils nous mettent dans cette situation. Je serai ravi de le faire.

Le sénateur Stewart: Essayez. Si cela ne fonctionne pas, nous devrons essayer autre chose.

Le sénateur Kenny: Le comité n'a-t-il pas déjà envoyé ce message?

Le président: Franchement, à titre d'éclaircissement, nous avons envoyé le message au sujet de la prorogation et non pas de la dissolution.

En fait, nous avons retenu des projets de loi. Nous n'en avons pas examiné en juin; nous l'avons fait à l'automne. Nous avons retenu un projet de loi pendant la prorogation.

Après avoir initialement établi la question du retard au cours de l'été, ce que nous avons fait parce qu'on nous a donné un projet de loi le 16 juin une année, nous avons fait face au même problème en recevant encore un projet de loi qui devait être examiné pendant la prorogation. C'est la première fois que nous rencontrons ce problème pendant la dissolution.

Le sénateur Kenny: Y aurait-il un problème si la question était retardée de six mois?

Le président: Oui, parce que dans ce cas-là, il faudra repartir à zéro et il ne s'agira pas tout simplement de retarder les choses.

Le sénateur Stewart: En 1969, je me suis penché sur la question des propositions fiscales. C'est ainsi que j'ai dû me renseigner sur la loi britannique, et je me rappelle assez bien du processus.

On a constaté que la façon dont on procédait en Grande-Bretagne ne pourrait pas s'appliquer au Canada. L'Acte du Parlement de 1911, là-bas, impose des restrictions très serrées à la Chambre des lords dans le cas des mesures financières, tandis que le Sénat du Canada est libre de ce genre de restrictions.

En Grande-Bretagne, on a prévu une règle qui s'applique à la Chambre des communes, une sorte de consigne à laquelle elle doit se tenir. Quand on a demandé le même genre d'approche pour le Canada, on a constaté que nous ne pouvions pas le faire à cause du Sénat. Contrairement à ceux de la Chambre haute britannique, les pouvoirs du Sénat canadien ne sont pas restreints.

Il semble que cette question soit revenue sur le tapis en 1985. Il faudra peut-être l'aborder une troisième fois. Il doit bien exister un moyen qui nous permette de régler cette question des impôts qui sont perçus illégalement pendant des mois et souvent des années.

Le président: Je vais demander à M. Goldstein, notre attaché de recherche, de nous faire un rapport là-dessus dès notre retour à l'automne.

Le sénateur Austin: Je partage l'opinion de mes collègues du comité qui disent que nous ne disposons pas du temps voulu pour examiner attentivement les mesures fiscales controversées et qui exigent notre attention la plus soutenue. Toutefois, je n'irais pas jusqu'à recommander que le comité ne se prononce pas sur ce projet de loi. Ces mesures ont été discutées longuement ailleurs. Il faut absolument que nous nous prononçions pour éviter l'incertitude en matière fiscale. Cependant, je reconnais qu'il faudrait donner les avis qui s'imposent.

S'il se trouve que nous étudiions la question du temps qui nous est imparti, nous pourrons peut-être envisager une solution quelque peu révolutionnaire et différente du régime parlementaire, à savoir que les propositions fiscales que contient la motion des voies et moyens soient présentées sous forme de livre blanc qui n'aurait pas force de loi. Elles pourraient être débattues, comme cela se fait aux États-Unis, et être mises sous forme de dispositions législatives par la suite après le débat. Mais je m'en tiendrai à cela.

Le comité veut que des mesures aussi importantes soient traitées avec diligence, mais il pourrait faire mieux lui-même, car nous pourrions très bien nous prévaloir d'une étude préalable. Il n'est pas nécessaire que nous attendions qu'un projet de loi soit passé par toutes les étapes à la Chambre des communes. Au ministère des Finances et au ministère de la Justice, les exigences de rédaction de projets de loi doivent être énormes, étant donné les responsabilités respectives de ces ministères.

Monsieur le président, je demande que le comité ait la possibilité de procéder à une étude préalable des questions techniques et des politiques fiscales, une telle étude ne devant pas porter sur tous les projets de loi. Avant que vous ne soyez président, j'ai siégé pendant des années à ce comité et j'ai pu constater que cette façon de faire donnait les résultats voulus car elle permettait aux membres du comité d'obtenir en temps opportun réponse à leurs questions et d'être prêts au moment où ils étaient saisis du projet de loi.

Le président: Le moment est mal choisi pour discuter de cette question. Je conviens toutefois tout à fait qu'il nous faudra nous pencher là-dessus à notre retour à l'automne. Comme vous le savez, je me suis toujours opposé de façon catégorique à toute étude préalable, pour bien des raisons. Toutefois, si les membres du comité décidaient qu'une étude préalable sur les questions précises que vous avez citées s'impose, la politique fiscale par exemple, je considérerais cela pour ma part comme une exception de bon aloi. Je serai très heureux d'en prendre note cet automne.

Le sénateur Kenny: J'ajouterai que les études préalables sont la bête noire de l'opposition.

Le président: Il faut bien dire cependant qu'il y a des députés ministériels qui ne savent pas très bien dire si les libéraux siégeant au comité défendent le point de vue du gouvernement ou celui de l'opposition.

Le sénateur Kenny: Tout à fait, mais l'inverse est vrai aussi. C'est très bien ainsi.

Maintenant, je voudrais plutôt poser une question au sénateur Austin. Vous avez fait des études préalables mais pouviez-vous rendre votre rapport public?

Le sénateur Austin: L'étude se faisait en public et non pas à huis clos. Nous entendions des témoins.

Le sénateur Kenny: Le rapport que vous avez préparé a-t-il été diffusé?

Le sénateur Austin: Nous n'avons pas préparé de rapport.

Le sénateur Kenny: Selon moi, ce pourrait-être un élément majeur.

Le sénateur Austin: Nous n'avons pas préparé de rapport mais nos délibérations et nos débats étaient publics. Ensuite, nous avons attendu le dépôt du projet de loi. Toutefois, nous avions bien fait une étude préalable du projet de loi.

Le sénateur Kenny: Je comprends. À moins que le comité ne donne officiellement son point de vue sur la mesure, je ne préconise pas que l'on procède à une étude préalable.

Le sénateur Austin: Je ne suis pas du tout d'accord avec vous.

Le sénateur Kenny: La question est institutionnelle.

Le sénateur Austin: Le but est de faire une étude préalable et non pas de tirer une conclusion hâtive. Toute étude préalable peut, espérons-le, influencer le débat à la Chambre des communes et dans l'opinion publique. Après cela, nous sommes saisis d'un texte législatif. Il ne s'agit cependant pas pour nous de nous enferrer dans une position rigide. Nous pouvons très bien garder l'esprit ouvert et prendre en compte ce qui s'est passé après l'étude préalable.

Le sénateur Kenny: Devons-nous faire rapport de ce projet de loi dès maintenant ou cela peut-il attendre ce soir?

Le président: Il faut en faire rapport maintenant si nous voulons qu'il y ait troisième lecture demain.

Le sénateur Kenny: Et les mesures législatives que nous aurons ce soir?

Le président: Si je ne m'abuse, ce sera pour samedi.

Le sénateur Kenny: Puisqu'il y aura une troisième lecture samedi, pourquoi pas celle-ci également?

Le président: Ce serait possible en pratique. Toutefois, j'aimerais bien en finir tout de suite.

Le sénateur Austin: Je voudrais savoir pourquoi le sénateur Kenny propose cela.

Le sénateur Kenny: Le comité a déjà bien fait connaître son opinion. Il serait intéressant de voir si nous pouvons faire des adeptes dans l'autre endroit.

Le président: Quelqu'un peut-il présenter une motion pour que nous fassions rapport du projet de loi sans amendement?

Le sénateur Austin: Je propose cette motion. Toutefois, je le fais avec beaucoup d'hésitation parce qu'il y a beaucoup de choses dans ce projet de loi qui me déplaisent.

Le président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kelleher: Soit.

La séance est levée.


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