Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 27 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 24 avril 1997
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 18 h 05 pour étudier le projet de loi C-37, Loi mettant en oeuvre un accord conclu entre le Canada et la Fédération de la Russie, une convention conclue entre le Canada et la République sud-africaine, un accord conclu entre le Canada et la République Unie de Tanzanie, un accord conclu entre le Canada et la République de l'Inde et une convention conclue entre le Canada et l'Ukraine, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, et le projet de loi C-93, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 18 février 1997.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Monsieur Dodge, si je ne m'abuse, vous souhaitez faire une brève déclaration, après quoi nous vous poserons des questions. Allez-y.
M. David A. Dodge, sous-ministre, ministère des Finances: Monsieur le président, merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui à l'occasion de l'examen du projet de loi C-93, projet de loi omnibus portant sur le budget de 1997.
Je serai bref et c'est pourquoi je vous donnerai un synopsis en guise de remarques liminaires afin que nous disposions de tout le temps voulu pour la discussion.
Comme vous le savez, le projet de loi permettra de mettre en oeuvre toute une gamme de mesures proposées dans le budget de février 1997, qui prévoit des investissements stratégiques pour le Canada, les Canadiens et les Canadiennes. L'objet de ce projet de loi est de concrétiser ces investissements.
Je vais aborder trois questions majeures et les autres questions pourront être abordées lors de la discussion.
Premièrement, monsieur le président, le projet de loi C-93 prépare la voie à l'avènement d'un régime national de prestations pour enfants grâce à une prestation fiscale pour enfants bonifiée. Le projet de loi propose la bonification de cette prestation fédérale en deux temps, c'est-à-dire que les sommes affectées actuellement seront augmentées de 850 millions de dollars pour atteindre un total de quelque 6 milliards de dollars. La prestation fédérale enrichie va permettre aux provinces et aux territoires de consacrer une plus grande partie de leurs dépenses à des services et des prestations améliorés et destinés aux gagne-petit.
Dans un premier temps, c'est-à-dire à partir du 1er juillet de cette année, les sommes consacrées au supplément du revenu gagné pourront augmenter de 195 millions de dollars par année, c'est-à-dire environ 70 millions de dollars de plus que ce qui avait été proposé cette année, et c'est pourquoi, monsieur le président, il importe que ce projet de loi franchisse toutes les étapes dans les plus brefs délais.
Ainsi, le supplément du revenu gagné maximum, actuellement de 500 $ par famille par année, avec l'augmentation progressive suivant la taille de la famille, sera porté à 605 $ par famille d'un enfant; 1 010 $ par famille de deux enfants; 1 440 $ par famille de trois enfants, 330 $ par année étant rajoutés pour chaque autre enfant.
La deuxième étape, prévue pour juillet 1998, combinera le supplément du revenu gagné et une prestation fiscale pour enfants bonifiée qui constituera la nouvelle prestation fiscale canadienne pour enfants.
En vertu de ce nouveau régime, la prestation maximum pour les familles à faible revenu sera de 1 625 $ par année pour les familles d'un enfant, 3 050 $ pour les familles de deux enfants, et 1 425 $ de plus pour chaque autre enfant.
Dans l'ensemble, 1,4 million de familles canadiennes, c'est-à-dire environ 2,5 millions d'enfants, bénéficieront de ces nouveaux versements de prestation fiscale fédérale pour enfants dès le mois de juillet 1998.
Ce programme de prestation fiscale canadienne pour enfants représente un investissement majeur dans l'avenir du Canada, mais il n'a pas été conçu uniquement à l'interne par le gouvernement fédéral car il a fait l'objet de nombreuses discussions avec les provinces. Compte tenu de cette prestation fédérale bonifiée, les provinces ont pu apporter d'importantes modifications à leurs programmes d'aide sociale, tant et si bien que les gens y trouvent un incitatif à trouver de l'emploi et que la situation des familles à faible revenu s'en trouve grandement améliorée.
Ce projet de loi prévoit un deuxième investissement de taille, monsieur le président, et il s'agit de la Fondation canadienne pour l'innovation. Cette fondation fournira l'appui financier dont l'infrastructure de recherche des établissements d'éducation postsecondaire et des hôpitaux de recherche au Canada a grandement besoin, les secteurs visés étant essentiellement ceux de la santé, de l'environnement, des sciences et du génie.
En outre, la fondation sera structurée de telle sorte que la mise de fonds de 800 millions de dollars du gouvernement fédéral pourra se traduire par un investissement de quelque 2 milliards de dollars dont l'infrastructure de recherche a grandement besoin, et ce grâce à des partenariats avec les instituts de recherche, le secteur privé et les provinces.
Monsieur le président, nous sommes tous deux d'ex-professeurs et je sais que vous conviendrez avec moi que les universités ont des besoins énormes. C'est avec un enthousiasme particulier que j'accueille ce projet d'expansion créatrice et concertée de l'infrastructure de recherche de demain. Grâce à un partenariat avec les gouvernements provinciaux et le secteur privé, non seulement nous bénéficierons d'une infrastructure de recherche élargie, mais aussi elle sera améliorée et mieux adaptée aux besoins futurs.
Le projet de loi C-93 propose également un troisième investissement de taille pour répondre à une nécessité plus immédiate, c'est-à-dire des emplois pour les Canadiens et les Canadiennes qui en ont besoin dès maintenant. Il s'agit du programme pour l'embauche de nouveaux travailleurs qui donnera aux petites entreprises une exonération des cotisations d'assurance-emploi quand elles créeront de nouveaux emplois cette année et l'année prochaine. On prévoit que la combinaison de ce programme et des réductions générales du taux de cotisation en 1997 générera jusqu'à 20 000 emplois supplémentaires cette année.
Monsieur le président, le projet de loi C-93 contient des dispositions sur toute une série d'autres initiatives, notamment des mesures pour réprimer la consommation du tabac, pour offrir aux premières nations une plus grande indépendance et une autonomie accrue en matière fiscale, et pour garantir la viabilité d'une grande compagnie aérienne. Bref, il s'agit d'un train de propositions tout à fait bénéfiques, orientées vers l'avenir et touchant plusieurs domaines, de mesures qui ont toutes été élaborées de façon constructive en collaboration avec les intéressés.
Monsieur le président, mes collègues et moi-même répondrons volontiers à vos questions.
Le président: Comme vous l'avez dit ce matin au sénateur Angus -- à moins que ce ne soit au sénateur Stewart --, ce projet de loi découle du budget de 1997 plutôt que du budget de 1996, alors que ce matin, il s'agissait d'un projet de loi mettant en oeuvre une mesure prévue dans le budget de 1995. Est-ce exact?
M. Dodge: En effet.
Le président: À en juger d'après ce que nous avons entendu ce matin, il me semble que c'est la première fois que nous sommes saisis aussi tôt d'un projet de loi budgétaire, que je me souvienne en tout cas. C'est cela, n'est-ce pas?
M. Dodge: En effet.
Le président: Est-ce parce que vous avez choisi de ne pas avoir recours à un avant-projet de loi suivant l'habitude jusqu'à présent, comme vous nous le disiez ce matin?
M. Dodge: Non. Si nous nous sommes dépêchés c'est à cause de la date du 1er juillet qui est proposée concernant la prestation fiscale canadienne pour enfants.
Le président: Si le projet de loi n'était pas adopté avant le 1er juillet, vous ne pourriez pas mettre en oeuvre cette nouvelle prestation fiscale, n'est-ce pas?
M. Dodge: C'est cela. Il faut absolument adopter ce projet de loi.
Le président: Pourquoi dites-vous cela maintenant? Ce matin, vous nous disiez précisément qu'il y a bien des choses qui sont faites parce que l'on présume que le projet de loi nécessaire sera adopté tôt ou tard.
M. Dodge: Le problème dans ce cas-ci tient au fait que la plupart des mesures ne sont pas des réductions d'impôt dont les gens seront privés si elles ne sont pas asoptées, mais correspondent plutôt à l'établissement de chèques pour...
Le président: Il s'agit de débours plutôt que de rentrées, n'est-ce pas?
M. Dodge: C'est cela.
Le président: Autrement dit, on peut parfaitement se passer d'un texte législatif pour prendre de l'argent aux gens mais on ne peut pas leur en donner sans que tout soit en règle. Est-ce là une description simple mais juste de la situation?
M. Dodge: Oui, c'est une bonne description claire.
M. Mark Jewett, sous-ministre adjoint, ministère des Finances: Disons, monsieur le président, que c'est une description profane et non pas juridique.
M. Barry Campbell, secrétaire parlementaire du ministre des Finances: Monsieur le président, d'après mon expérience à la Chambre et d'après ce que j'ai pu constater l'année dernière au moment de l'examen du projet de loi d'exécution du budget, nous en sommes à peu près à l'époque normale pour de telles mesures. C'est le premier projet de loi qui découle des mesures budgétaires, et au cours de l'année, comme nous le disions ce matin, nous pouvons prévoir que des mesures plus techniques, celles du projet de loi C-92, seront présentées. Il s'agit du projet de loi portant exécution des dispositions du budget, donnant au gouvernement l'autorisation d'engager les dépenses prévues dans le budget.
Le président: Monsieur Jewett, cela veut dire qu'on peut s'attendre à d'autres projets de loi, vraisemblablement à l'automne, semblables au projet de loi dont nous sommes saisis ce matin. Autrement dit, il y aura d'autres projets de loi d'exécution du budget de 1997, n'est-ce pas?
M. Campbell: C'est cela. M. Jewett va vous donner d'autres explications.
M. Jewett: Il y aura un autre projet de loi. Depuis sept ans, il y a toujours eu un projet de loi fiscal et un autre portant sur les autres mesures. Pour les raisons que nous avons données ce matin, étant donné la nature de la législation fiscale, nous trouvons pratique dans le cas de cette dernière de procéder par avant-projet de loi. Dans le cas des autres projets de loi, cela n'est pas nécessaire. Ils sont préparés et nous faisons une bifurcation.
Le président: Ainsi, le projet de loi fiscal sera déposé plus tard cette année, n'est-ce pas?
M. Jewett: Étant donné les événements, je ne saurais dire.
Le président: Je ne vous pressais pas de nous donner une date.
M. Jewett: Disons que cela viendra.
Le président: C'est grâce à la remise de la taxe sur le carburant aviation que l'on viendra en aide aux Lignes aériennes Canadian, n'est-ce pas?
M. Dodge: Oui, mais pas seulement à cette société-là.
Le président: Je sais. Mais c'est par pure coïncidence que ce programme est annoncé au moment où les Lignes aériennes Canadian ont besoin d'aide. Si je ne m'abuse, ce programme vise plus d'une compagnie aérienne et la remise ne sera pas maintenue indéfiniment, n'est-ce pas?
M. Dodge: Elle sera maintenue pendant quatre ans.
Le président: Est-elle rétroactive à l'exercice financier 1996?
M. Dodge: Nous utilisons l'année civile, si bien que sera l'année 1996.
Le président: Autrement dit, on remontera jusqu'à janvier 1996. Quel manque à gagner cumulatif cela représente-t-il sur quatre ans? Avez-vous un chiffre approximatif? Je n'ai pas besoin qu'on me donne le chiffre précis.
M. Dodge: Cela représentera un peu plus de 100 millions de dollars.
Le président: C'est cumulatif, et non pas par année, n'est-ce pas?
M. Dodge: C'est cela, c'est cumulatif.
Le sénateur Kelleher: Monsieur le président, je ne pense pas qu'il soit opportun de discuter davantage du fait que ce n'est que maintenant que nous sommes saisis de ce projet de loi. Nous avons longuement parlé de cela ce matin.
Monsieur le président, je voudrais soulever deux choses. J'ai été littéralement atterré de constater que le projet de loi prévoit 50 millions de dollars supplémentaires qui seront versés au capital de la Société du crédit agricole alors que notre comité a recommandé vigoureusement que la société soit démantelée et intégrée à celle qu'on appelait autrefois la Banque fédérale de développement.
M. Dodge: Oui, celle que l'on appelle maintenant la Banque de développement du Canada.
Le sénateur Kelleher: Après avoir étudié la question, monsieur le président, nous en avons conclu qu'il y avait double emploi et que la Société du crédit agricole cessait petit à petit de s'occuper de crédit agricole exclusivement pour s'occuper davantage d'entreprises qui pouvaient obtenir les mêmes services ailleurs. Étant donné ce que nous en avons dit, pouvez-vous expliquer aux membres du comité pourquoi on a quand même jugé bon d'augmenter le capital de cette société de 50 millions de dollars?
M. Dodge: Sénateur, nous avons étudié cette question de très près. Nous essayons de donner plus d'accès au financement à de petites entreprises agricoles dans les régions rurales. Nous avons cherché sérieusement le moyen d'atteindre cet objectif.
La difficulté vient du fait que la Banque de développement du Canada n'a que peu ou pas de bureaux au Canada rural et c'est précisément là que nous faisons un effort particulier pour offrir plus de capital.
Par exemple, en Saskatchewan, la Banque de développement du Canada a seulement deux bureaux tandis que la Société du crédit agricole en a quatorze, et de ceux-ci, aucun n'est situé à Regina ou à Saskatoon. Le problème est le même dans le sud-ouest de l'Ontario, au Manitoba et dans le sud-est de l'Alberta.
Étant donné le but que nous poursuivons et les contraintes de temps, puisque nous voulons agir d'ici quelques années, le gouvernement a décidé que cette solution était la plus raisonnable. En même temps, nous avons retenu les suggestions de ce comité même si nous n'en avons pas pris tous les détails car nous avons demandé qu'il y ait davantage de détachements de responsables entre la BDC et la FCC pour que l'expérience de ceux qui ont l'habitude des hypothèques sur les terres ne soit pas perdue quand il s'agira de services liés à l'agriculture, essentiellement ruraux.
Le sénateur Kelleher: Il y a également un autre élément lié au sujet que nous étudions. Notre gouvernement essaye, entre autres choses, de se retirer des domaines dont le secteur privé peut s'occuper, car cela nous semble logique. Si j'ai bien compris ce que vous dites, dans certaines zones rurales, il est plus facile d'obtenir les services de la Société du crédit agricole que ceux de la Banque de développement du Canada, mais ce n'est certes pas un argument contre la fusion de ces deux organismes. Cette fusion aurait sans doute permis de réaliser des économies. Avez-vous étudié quelles économies pourraient être réalisées en fusionnant ces deux organismes?
M. Dodge: À mon avis, cette proposition n'élimine pas la possibilité de fusionner non seulement ces deux banques, mais aussi la SEE, ou de prendre d'autres moyens pour garantir une meilleure intégration. Nombreux sont les exportateurs qui trouvent pénible d'avoir à venir à Ottawa pour traiter avec la SEE.
Cette proposition n'empêche en rien que l'on s'oriente plus tard vers une intégration plus grande des opérations. Enfin, compte tenu de la nature de certains accords de financement, nous sommes très favorables aux échanges, comme le sont d'ailleurs les deux institutions.
Vous dites que le secteur privé est mieux en mesure de s'occuper de certaines choses, et c'est une question encore plus fondamentale. D'après nos analyses, ces institutions sentent qu'il existe des lacunes et, en réalisant des transactions qui sont à la limite de leur mandat, elles incitent dans une certaine mesure les prêteurs privés à se montrer plus innovateurs. Je ne suis pas certain d'être d'accord lorsqu'on dit que ces institutions devraient se retirer de ces transactions. Non seulement elles sont utiles, mais elles sont aussi innovatrices, de toute évidence. Vous semblez dire que leur élimination permettrait d'offrir de meilleurs services. À mon avis, c'est discutable.
Le sénateur Kelleher: Je ne suis pas d'accord, mais j'accepte vos propos.
Passons maintenant à la partie du projet de loi dans laquelle on dit que l'embauche de nouveaux employés n'ajoutera pas aux cotisations de l'assurance-emploi. Même si, à première vue, cela peut sembler généreux, vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi on fait preuve d'une telle parcimonie à cet égard alors que le fonds de l'assurance-emploi accumule des surplus énormes. Vous pourriez également nous expliquer pourquoi le ministère des Finances semble avoir besoin d'un surplus aussi énorme et ne limite pas, peut-être, les cotisations sociales d'une façon générale pour ramener ce surplus à une somme disons de 5 milliards de dollars.
M. Dodge: J'ai deux réponses à cette question, sénateur.
Premièrement, notre tâche consistait à rétablir les finances de l'État. Nous avons travaillé avec diligence et avons obtenu un certain succès. Pour cela, nous avons dû commencer par réduire les dépenses. Même si les programmes étaient avantageux, nous devions rétablir les finances. Deuxièmement, nous avons réussi en ne réduisant pas les impôts et les cotisations autant que le gouvernement l'aurait souhaité.
Comme vous le savez, nous avons réduit les cotisations de l'assurance-emploi. Nous avons essayé de consolider ce compte de façon à ne plus jamais nous retrouver dans des situations comme celle que nous avons connue après 1989, lorsqu'il a fallu augmenter fortement les cotisations en plein milieu d'une récession. Ce n'est pas une situation idéale.
Comme l'a dit M. Martin, le gouvernement et le Parlement du Canada auront un jour -- bientôt nous l'espérons -- suffisamment de marge de manoeuvre pour prendre des décisions en matière d'impôt et de dépenses sans avoir toujours à s'inquiéter de ce que cela ajoutera au déficit. Lorsque ce moment arrivera, il faudra bien sûr renégocier les cotisations d'assurance-emploi et tous les autres impôts. Pour l'instant, tout ce que je puis dire, c'est que le ministère des Finances se réjouira de pouvoir enfin prendre des décisions avec une liberté que l'on n'a pas connue encore jusqu'à présent dans les années 90.
Le sénateur Kelleher: Quelle ampleur ce fonds devra-t-il avoir pour que vous ayez le sentiment d'avoir suffisamment de liberté et de marge de manoeuvre, pour reprendre vos termes, compte tenu des chiffres que l'on cite au sujet de ce surplus?
M. Dodge: Il est difficile de répondre à cette question. L'actuaire de l'assurance-emploi a estimé à environ 15 milliards de dollars le surplus cumulatif qui, à son avis, serait suffisant pour que nous puissions traverser une récession semblable à celle de 1990 à 1992 sans que nous ayons à augmenter les cotisations.
Le sénateur Kelleher: Bonne chance.
Le sénateur Tkachuk: Pour que soit absorbé le surplus de 5 milliards de dollars que nous accumulons, quel devrait être le taux de chômage?
M. Dodge: Cela ne dépend pas seulement du taux de chômage. Il faut également savoir quels secteurs le chômage frappe. Si le chômage frappe surtout des secteurs où les salaires sont élevés, le montant des prestations versées augmentera beaucoup plus rapidement que si le chômage est répandu dans divers secteurs.
Vous vous rappellerez qu'au pire de la récession de 1992, le taux de chômage national était de l'ordre des 12 p. 100. C'est ce qu'a calculé l'actuaire.
Le sénateur Tkachuk: Un taux de 12 p. 100 absorberait les 5 milliards de dollars, ou les 15 milliards?
M. Dodge: La question est de savoir combien il faut avoir en banque pour éviter d'avoir à augmenter les cotisations.
Le sénateur Tkachuk: L'argent n'est pas à la banque. Ce n'est qu'une mesure de comptabilité. Vous dépensez cet argent. Vous l'utilisez pour réduire vos comptes de capitaux, n'est-ce-pas? L'argent n'est pas en banque.
M. Dodge: Évidemment, on peut toujours emprunter.
Le sénateur Tkachuk: Oui, mais vous emprunteriez de toute façon. C'est à cela que je veux en venir. Si le taux de chômage augmentait à 12 p. 100 aujourd'hui, d'après ce que j'ai compris, vous devriez emprunter 15 milliards de dollars parce que l'argent ne se trouve pas au compte.
M. Dodge: Vous avez raison. C'est un calcul. Le calcul est différent dans le cas, par exemple, d'une récession aussi profonde que celle que nous avons connue de 1990 à 1992.
Le sénateur Tkachuk: Et bien franchement, ce n'était qu'une taxe pour réduire le déficit.
M. Dodge: Un instant. Vous avez demandé quel devrait être le taux de chômage. Pour calculer cela, l'actuaire s'est fondé sur la pire récession que nous avons connue, c'est-à-dire celle de 1992, et a estimé quel surplus cumulatif nous permettrait de traverser une telle crise sans avoir à augmenter les cotisations. La réponse à ce problème était qu'il fallait environ 15 milliards de dollars, même si ni le ministre des Finances ni qui que ce soit peut vous le garantir jusqu'au dernier sou.
Le sénateur Tkachuk: Si vous gardiez l'argent dans le compte, vous n'auriez pas besoin d'augmenter les cotisations. Le gouvernement devra emprunter à nouveau 15 milliards de dollars si cela se reproduit, puisque vous avez dépensé l'argent. Il n'y a pas d'argent dans le compte.
M. Dodge: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Il s'agit donc d'une taxe. Le ministère des Finances traite cet argent comme celui d'une taxe, pas comme celui d'un fonds; c'est une mesure de comptabilité.
Je tenais à le souligner parce que, que l'on parle de 5 milliards ou de 15 milliards de dollars, il ne s'agit pas d'argent réel mais d'un chiffre en comptabilité.
M. Dodge: C'est tout à fait exact.
Le sénateur Tkachuk: Si nous tombions en récession, il faudrait emprunter l'argent.
Permettez-moi de vous poser également des questions sur la Fondation canadienne pour l'innovation. Les sommes d'argent destinées à la recherche fondamentale dans les hôpitaux canadiens, surtout dans les 16 hôpitaux d'enseignement, ont-elles augmenté ou diminué depuis 1993?
M. Dodge: Permettez-moi de demander à Mme Park de se joindre à nous. Je ne connais pas la réponse à votre question.
Mme Ann Park, directrice exécutive, Secrétariat du développement de la politique économique, ministère des Finances: Je ne saurais vous répondre précisément, mais d'une façon générale, les sommes consacrées à la recherche, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les universités, ont augmenté pour toutes sortes de raisons. Par contre, l'infrastructure de recherche, qui permet la réalisation des travaux de recherche, n'a pas augmenté et accuse un certain retard par rapport aux sommes investies dans la recherche. C'est un besoin essentiel qu'ont souligné les universités et les hôpitaux dans les discussions prébudgétaires.
Cette initiative vise plus particulièrement ce besoin qui a été reconnu quant à l'infrastructure de recherche.
Le sénateur Tkachuk: Vous dites que depuis 1994, les subventions de recherche fondamentale consenties à ces hôpitaux d'enseignement ont augmenté partout au Canada?
Mme Park: Vous parlez bien des subventions versées par le gouvernement fédéral, par exemple par le truchement des conseils subventionnaires, le Conseil de recherches médicales, le CRSNG? Je n'ai pas les chiffres sous les yeux.
Le président: Lorsque vous aurez répondu à la question du sénateur Tkachuk, pourriez-vous nous dire, en termes simples, la différence qui existe entre la recherche fondamentale et l'infrastructure de recherche? Je suppose que par infrastructure, il faut entendre bâtiments et équipement, mais j'aimerais que ce soit précisé dans le compte rendu.
Répondez d'abord à la question du sénateur Tkachuk, puis vous répondrez à ma question supplémentaire.
Mme Park: J'ai peut-être mal compris la première question. Je croyais que vous parliez des subventions de recherche versées aux universités et aux hôpitaux et que vous demandiez si ce montant avait augmenté.
Les subventions fédérales sont accordées surtout par le truchement des conseils subventionnaires comme le Conseil de recherches médicales et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. Comme tous les autres organismes gouvernementaux, ces conseils sont touchés par la réduction du déficit. Les sommes versées aux universités et aux hôpitaux de recherche par ces organismes ont diminué. Dans le cadre de l'examen des programmes, on a vu à ce que ces organismes ne soient pas plus touchés que les autres, mais ils ont connu leur part de réductions des dépenses fédérales. Ils ont donc été touchés dans une certaine mesure.
Pour ce qui est de l'infrastructure de recherche, il s'agit bien, comme vous l'avez dit, de laboratoires et d'équipement et, de plus en plus, de bases de données, qui se sont détériorés avec le temps. Il n'y a pas eu beaucoup de nouveaux investissements et les conseils subventionnaires n'ont pas beaucoup contribué à l'infrastructure de recherche. Cela ne leur est pas permis. Ce serait une nouveauté pour le gouvernement que de subventionner l'infrastructure de recherche pour combler la lacune qui existe dans ces systèmes de soutien.
Le sénateur Tkachuk: Les subventions versées aux universités pour la recherche fondamentale ont diminué?
Mme Park: Un peu.
M. Dodge: Pendant l'examen des programmes, les fonds versés par le CRM ont diminué d'environ 100 millions de dollars par année.
Le sénateur Tkachuk: Il s'agit d'une diminution?
M. Dodge: Oui, d'environ 100 millions de dollars.
Le sénateur Tkachuk: Sur une période de quatre ans, cela représente une diminution très importante.
M. Dodge: À la fin de la période, le montant sera d'environ 100 millions de dollars de moins par année qu'en 1993-1994.
Le sénateur Tkachuk: Le doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Saskatchewan, qui représentait 16 universités, a déclaré que la situation avait pris des proportions de crise. Dans le domaine de la recherche, on s'inquiète de l'exode des cerveaux, de ce que les meilleurs chercheurs quittent les hôpitaux pour partir vers les États continentaux des États-Unis, l'Europe, Hawaii et ailleurs.
Je m'intéresse à cette Fondation canadienne pour l'innovation, même si je ne comprends pas très bien de quoi il s'agit. Vous versez 800 millions de dollars à une société à but non lucratif, la Fondation canadienne. S'agit-il d'un investissement ponctuel? Vous donnez l'argent d'un seul coup et ils se débrouillent par après? Cela fonctionne de cette façon?
M. Dodge: Oui, il s'agit d'une dotation ponctuelle pour établir la fondation.
Toutefois, la fondation ne se limitera pas simplement aux intérêts qu'elle gagne sur les 800 millions de dollars pour verser les subventions. Elle pourra également utiliser son capital sur une période d'environ cinq ans. Bien sûr, un gouvernement futur jugera peut-être nécessaire d'octroyer des fonds supplémentaires.
La grande différence entre le fonctionnement de cette fondation et ce qui existait auparavant, c'est que la Fondation canadienne pour l'innovation fonctionnera comme une fondation privée et ne versera qu'une partie du financement des projets. Le but, c'est que l'établissement, les gouvernements provinciaux et, plus particulièrement, le secteur privé, paieront chacun leur part de l'investissement en partenariat. Ce qui est nouveau dans ce projet, c'est cette idée de partenariat.
M. Campbell: Sénateur, à la Chambre des communes, nous entendons des gens du secteur de la recherche et nous constatons leur réaction à ce budget. Cet exode des cerveaux dont vous parlez, et qui pose un problème réel aux chercheurs, ne dépend peut-être pas seulement de l'argent consacré à la recherche et de la disponibilité de ces sommes, mais aussi du déclin que perçoivent les chercheurs de l'infrastructure de recherche. Pour faire de la recherche, il faut bien sûr deux choses. L'argent et l'infrastructure. Ce qui est particulier à ce programme, c'est que, pour la première fois depuis bien longtemps, on recommence à réinvestir dans l'infrastructure de recherche.
Malgré les réductions qui sont malheureusement nécessaires pour régler le problème du déficit et malgré la diminution des subventions à la recherche fondamentale, ce sont de nouvelles sommes destinées à l'infrastructure de recherche, ce qui contribuera grandement à conserver ici ces emplois.
Le sénateur Tkachuk: Le gouvernement n'investissait pas dans l'infrastructure de recherche auparavant?
M. Campbell: D'après ce que je sais, les conseils subventionnaires pouvaient subventionner la recherche pure, mais pas l'infrastructure de recherche.
Mme Park: Une faible partie seulement des sommes versées par les conseils subventionnaires le sont sous forme de subventions d'équipement. De par leur constitution, les conseils ne s'occupent pas de cette question.
M. Campbell: Également, des sommes ont été réservées à ce type d'infrastructure de recherche dans le cadre des programmes d'infrastructure. C'est le premier programme qui s'adresse plus particulièrement à l'infrastructure de recherche et dans lequel il n'y a pas de concurrence avec d'autres types d'infrastructure.
Le sénateur Stewart: D'après le libellé de l'article 18, je suppose que le projet de loi n'entraîne pas d'allocation de crédits.
M. Jewett: Au contraire.
Le sénateur Stewart: Dans quel article?
M. Jewett: À la partie XI, au dernier article du projet de loi, l'article 94.
M. Dodge: À la page 58, sénateur.
Le sénateur Stewart: Ce projet de loi a donc été déposé à l'autre endroit avec une recommandation royale.
Permettez-moi de revenir à une question du sénateur Tkachuk, au sujet des subventions de recherche, surtout de la recherche médicale. On nous a dit que les sommes transférées à cette fin avaient diminué. On nous a dit également que, dans le transfert, il n'était pas précisé que l'argent doit servir à l'infrastructure de recherche. Existe-t-il une disposition de la Loi sur le financement des projets établis qui interdise de consacrer à l'infrastructure de recherche médicale dans une province, par exemple, l'argent venant d'une source fédérale ou d'autres sources.
M. Dodge: Pas du tout. L'argent est transféré aux provinces. En fait, sous le régime de l'ancien FPE ou des nouveaux transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux, c'est-à-dire le nouveau régime, la province a un contrôle absolu sur l'utilisation de l'argent.
Le sénateur Stewart: Même s'il n'existait pas de subventions réservées à l'infrastructure de recherche, les autorités provinciales recevaient de l'argent dont elles auraient pu utiliser une partie à cette fin, n'est-ce pas?
M. Dodge: Tout à fait.
Le sénateur Stewart: Comment la fondation traitera-t-elle les bénéficiaires admissibles? Supposons qu'il y ait un bénéficiaire admissible en Nouvelle-Écosse. La fondation transférera-t-elle l'argent directement à l'Université de Dalhousie, par exemple, ou au gouvernement de la Nouvelle-Écosse qui, à son tour, donnera l'argent à l'université?
M. Dodge: Sénateur, l'argent sera donné directement à l'établissement.
Le sénateur Stewart: Et c'est conforme aux dispositions de la Loi constitutionnelle en matière d'éducation?
M. Dodge: Oui.
Avant 1977, nous avions le FPE. Nous avions également un programme de subventions d'investissement, créé juste après la Seconde Guerre mondiale, qui a été en vigueur jusqu'au milieu des années 70. En outre, les universités recevaient des subventions de fonctionnement. Nous avions des ententes de partage des coûts. Ce dernier mécanisme n'était pas idéal puisqu'il encourageait l'utilisation de la moitié de l'argent de façon pas toujours efficace. C'est pourquoi nous avions mis en place le régime de FPE. Nous nous étions débarrassés des subventions d'investissement. Toutefois, le gouvernement fédéral accorde depuis longtemps des subventions d'investissement aux institutions.
Le sénateur Stewart: Tout comme le sénateur Tkachuk avant moi, je parlais de l'argent consacré à l'infrastructure de recherche médicale. Existe-t-il une disposition du projet de loi qui indique, de façon obligatoire ou non, quelle part des sommes doit servir à la recherche médicale et quelle autre à l'infrastructure de recherche?
M. Dodge: Non, sénateur. En fait, dans la rédaction de ce projet de loi, nous avons confié cette tâche à la fondation.
Le sénateur Stewart: Je suis certain que des recherches ont été faites pour vérifier la nécessité d'un tel programme. Avez-vous des chiffres qui permettraient de faire des prévisions? D'après ce que vous savez, est-il probable que le quart de l'argent servira à l'infrastructure de recherche médicale, ou plutôt la moitié? En a-t-on une idée? Agit-on à l'aveuglette dans ce cas?
M. Dodge: C'est exact. La fondation doit tenir compte des besoins régionaux du pays. Pour chaque investissement, nous avons permis à la fondation de réserver 50 p. 100 du montant pour voir à ce que les établissements qui sont les moins admissibles aux subventions privées puissent avoir accès à une part raisonnable des installations de recherche. Cela se fonde sur le mérite.
M. Campbell: Au nom du gouvernement, j'ajoute que nous préférerions parler d'agnosticisme plutôt que de cécité.
Le sénateur Stewart: D'aucuns diront que votre correction n'est pas une très grande amélioration.
Les administrateurs joueront un rôle très important. Passons à l'application des dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. À l'article 8, on nous dit que le paragraphe 105(1) de cette loi s'appliquera aux qualités des administrateurs. Quelles sont ces qualités?
Mme Mary Ellen Cavett, conseillère juridique, Services juridiques généraux, ministère des Finances: Sénateur, on trouve au paragraphe 105(1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions la liste des qualités des administrateurs. On y dit que ne peuvent être administrateurs les particuliers de moins de 18 ans, les faibles d'esprit qui ont été reconnus comme tels par un tribunal même étranger, les personnes autres que les particuliers -- autrement dit, les sociétés -- et les personnes qui ont le statut de failli. Toutes les personnes appartenant à ces catégories ne peuvent être administrateurs.
Le sénateur Stewart: Nous disons que certaines personnes sont exclues. Outre cela, à partir de quels autres critères choisira-t-on les administrateurs? Le gouverneur en conseil appliquera-t-il d'autres lignes directrices?
Mme Cavett: On peut lire à l'article 11, page 7:
Les administrateurs sont choisis:
a) d'une part, de façon à assurer, autant que faire se peut, qu'à tout moment environ la moitié des administrateurs représentent des personnes se consacrant à la recherche et le reste, les milieux d'affaires ou les organisations sans but lucratif;
b) d'autre part, compte tenu de l'opportunité d'assurer la représentation des diverses régions du Canada.
Le sénateur Stewart: Je me souviens avoir vu dans le projet de loi des dispositions sur la citoyenneté et la résidence au Canada. Si je regarde l'article 11, je suppose que l'administrateur doit résider au Canada.
Mme Cavett: Le paragraphe 9(2) à la page 5 précise quels autres critères s'appliquent à la nomination des administrateurs. On dit que les administrateurs nommés par les membres -- autrement dit, ceux qui ne sont pas nommés par le gouvernement -- doivent résider au Canada. Cette disposition se trouve également dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions.
Le sénateur Stewart: Il y aura donc une certaine mesure de cooptation.
Mme Cavett: Je ne suis pas certaine de bien vous comprendre, sénateur.
Le sénateur Stewart: Vous dites «les directeurs qui sont nommés par les membres». C'est de la cooptation.
M. Jewett: Je ne le crois pas. Ce que l'on dit, sénateur, c'est qu'il est nécessaire d'avoir des membres pour former la société et le reste en découle. Il est nécessaire de nommer les membres de cette façon, lorsqu'on veut créer une société indépendante.
Mme Cavett: Dans une société à but lucratif, les actionnaires nomment les administrateurs. De la même manière, dans une société sans but lucratif, les membres sont effectivement les actionnaires et l'une de leurs responsabilités est de nommer les administrateurs.
Le sénateur Stewart: Combien d'administrateurs pourraient ne pas résider au Canada?
Mme Cavett: D'après le libellé de la loi, chaque administrateur doit résider au Canada.
Le sénateur Stewart: Ce que je ne comprends pas, c'est qu'on dit «six personnes -- qui résident au Canada --». Puis, on lit aussi: «il cesse de résider au Canada». Je me demande s'il n'y a pas répétition.
Mme Cavett: Pour faire preuve de la plus grande prudence, nous voulions qu'il soit bien clair que l'une des raisons pour lesquelles un administrateur ne pouvait conserver son poste c'est s'il cessait de résider au Canada.
Le sénateur Tkachuk: Y a-t-il des contingents par région?
Mme Cavett: Non.
Le sénateur Tkachuk: En tiendra-t-on compte?
M. Jewett: Comme on vient de le lire, la nomination des administrateurs se fera en tenant compte de l'opportunité de nommer des administrateurs provenant des diverses régions canadiennes. C'est une orientation générale.
Le sénateur Tkachuk: Combien d'administrateurs y aurait-il?
Mme Cavett: Il y aura 15 administrateurs en tout.
Le sénateur Tkachuk: Ce qui veut dire un des Prairies, un de la Colombie-Britannique, un des provinces maritimes, et les autres de l'Ontario et du Québec, de Toronto en particulier.
Mme Cavett: Il incombera aux membres de décider de quelles régions les administrateurs devraient provenir. Les membres sont tenus de respecter cette disposition législative, si bien qu'en choisissant les huit administrateurs qui ne seront pas nommés par le gouvernement, il leur faudra veiller à ce que les directeurs soient nommés en tenant compte des diverses régions canadiennes.
Le sénateur Stewart: Si vous voulez voir un exemple de pédantisme, monsieur le président, regardez l'article 13(2). «Dès la sanction de la présente loi, [...]» On ne donne pas la sanction royale à une loi, c'est un projet de loi qui reçoit la sanction royale. Je ne voudrais pas que notre style de rédaction administrative puisse faire tiquer des juristes d'autres pays.
Le président: Pour conclure au sujet du conseil d'administration, est-il exact qu'aucune annonce n'a encore été faite au sujet de sa composition? Je crois que c'est bien c'est le cas.
M. Dodge: Pas vraiment, puisque le gouvernement a dévoilé son intention de faire en sorte que M. Evans, qui a un peu agi à titre de maître à penser...
Le président: M. John Evans, l'ancien président de l'Université de Toronto?
M. Dodge: Exactement. Le gouvernement aurait l'intention de nommer le Dr Evans à la présidence. Il a accepté.
Le sénateur Tkachuk: Sera-t-il rémunéré?
M. Dodge: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Combien?
Mme Park: Il a renoncé à toute rémunération.
M. Dodge: Les administrateurs sont rémunérés.
Le sénateur Tkachuk: Combien gagnent-ils?
Mme Park: La loi renferme une disposition qui autorise les administrateurs à toucher une rémunération s'ils le désirent, et cela sera établi par voie de réglementation.
Le sénateur Tkachuk: Ils peuvent donc fixer leur propre rémunération?
Mme Park: Non, nous aurions à le faire par règlement. Ils ne peuvent pas fixer leur traitement. Dans le cas de M. Evans, il a décidé pour des raisons qui le concernent qu'il ne souhaite pas être payé.
Le sénateur Tkachuk: Voilà un grand Canadien.
Le président: S'il n'y a pas d'autres questions sur le projet de loi C-93, pourrait-on présenter une motion pour ne pas procéder à l'étude article par article?
Le sénateur Kelleher: Je le propose.
Le président: Pourrait-on présenter une motion pour faire rapport du projet de loi sans modification?
Le sénateur Kelleher: Je le propose.
Le président: La motion est-elle adoptée?
Des voix: Adoptée.
Je vous remercie beaucoup, messieurs Dodge et Campbell ainsi que les collègues qui vous accompagnent.
Honorables sénateurs, nous allons entamer l'étude du projet de loi C-37 qui a pour objet la mise en oeuvre des conventions fiscales signées avec la Russie, l'Afrique du Sud, la Tanzanie, l'Inde et l'Ukraine. Nous avons déjà étudié des projets de loi similaires.
Monsieur Dodge, TransCanada Pipelines a sollicité assidûment le comité. Dans sa déclaration liminaire, quelqu'un pourrait peut-être expliquer ce qui dans ce projet de loi intéresse particulièrement cette société. J'en ai une idée générale, mais j'aimerais obtenir des précisions pour mieux comprendre.
Le sénateur Kelleher: C'est un projet de pipeline.
Le président: Je le sais et je suis heureux qu'une société canadienne s'en charge, mais je ne vois pas très bien quels sont les avantages directs pour le Canada.
M. Dodge: Je vais présenter les faits saillants puis je demanderai à M. Déry de répondre à la question précise que vous avez soulevée, monsieur le président.
Les cinq traités contenus dans le projet de loi C-37, comme nos 57 traités actuels, visent à éviter deux grands problèmes, comme vous le savez, soit la double imposition et l'évasion fiscale. Naturellement, les traités varient d'un pays à l'autre, mais tous s'inspirent du modèle de convention de double imposition préparé par l'OCDE. Grosso modo, ils réduisent les niveaux de retenues d'impôt sur divers types de revenus afin d'encourager l'investissement et d'alléger le fardeau de la double imposition au moyen de diverses formes d'exonérations et de crédits.
Monsieur le président, rien ne sert d'aller dans les détails, mais ce que nous essayons au fond de réaliser dans ces traités, comme dans les autres, c'est de faire en sorte que des dividendes puissent être imposés dans les pays d'origine à des taux minimums variables. Dans le cas des dividendes intersociétés, le taux est souvent réduit si la société qui touche les dividendes détient des capitaux propres dans la société qui verse les dividendes.
Un deuxième grand objectif consiste à s'assurer que les sociétés ne peuvent réduire leurs impôts en établissant tout simplement des succursales au Canada ou dans d'autres pays. Pour ce faire, des taux d'impôts de succursales ont été établis en parallèle avec les taux des dividendes intersociétés. On a établi aussi divers taux d'imposition sur les paiements d'intérêts par un résidant d'un pays à un résidant d'un autre pays, et ce qui importe encore plus, c'est qu'il est question de l'imposition des paiements de redevances et des pensions.
Ces traités ne devraient entraîner aucune perte de recettes pour le Canada. Bien sûr, le Canada bénéficiera non seulement de l'abaissement des taux des retenues fiscales et d'autres concessions accordées par les pays cosignataires mais aussi parce que ces traités vont stimuler le commerce et l'investissement.
J'invite M. Déry à répondre à votre question, monsieur le président.
M. Jean-Marc Déry, chef, Conventions fiscales, Division de la législation fiscale, ministère des Finances: Le projet Songo Songo en Tanzanie a été évoqué par TransCanada Pipelines. Le traité avec la Tanzanie a été signé à la fin de 1995. Dans la soumission de TransCanada Pipelines pour le projet en Tanzanie, on savait que des négociations se poursuivaient depuis des mois, et non pas des années, et on en a tenu compte dans la soumission. On avait compris que le traité n'entrerait en vigueur qu'à compter du 1er janvier de l'année suivant la ratification du traité. Nous sommes maintenant en 1997 et le temps presse. Pour ce qui est des dispositions qui s'appliqueront en 1998, le traité doit être ratifié en 1997, ce qui ne laisse pas beaucoup de temps pour procéder à cette ratification.
Les deux grands avantages pour TransCanada Pipelines seront, d'abord une réduction des impôts retenus à la source sur les dividendes que cette société touchera tôt ou tard de la Tanzanie et, deuxièmement, une fois le traité en vigueur, ces dividendes seront rapatriés en franchise d'impôt au Canada.
Le président: Nous étudions ce genre de projets de loi tous les 18 mois environ. On nous dit tout le temps qu'il faut des mois sinon des années pour les négocier. Étant donné que, comme l'a dit M. Dodge, ils reposent tous sur un ensemble de principes assez simples, les règles de l'OCDE, quel est le problème? Est-ce simplement le rythme auquel avancent les négociations internationales? Si c'est le cas, je suis heureux de n'avoir jamais eu à m'occuper des questions relatives aux affaires étrangères du gouvernement. Ou est-ce que cela tient à un aspect vraiment complexe?
M. Déry: Il n'y a pas deux séries de négociations semblables. L'un des problèmes courants dans tous les pays que j'ai visités, c'est le peu de personnes dont on dispose pour travailler à ces négociations. La plupart d'entre elles participent simultanément à une vingtaine ou à une trentaine de négociations.
Le président: Vous donnez l'impression que ces négociations sont extrêmement compliquées. Il existe un ensemble de principes de base de l'OCDE, comme le dit M. Dodge. Ces principes sont essentiellement les mêmes partout. Qu'est-ce qui fait que c'est si compliqué?
M. Déry: Il y a un certain nombre de facteurs qui compliquent les choses. Le Canada s'inspire du modèle de l'OCDE, comme le font la plupart des autres pays. Toutefois, nous l'adaptons aussi à notre propre régime fiscal. Ces dérogations par rapport à l'OCDE doivent être expliquées, et nous devons convaincre les partenaires au traité que ces changements sont tout aussi bons pour eux que pour nous.
Certains pays s'écartent du modèle dans d'autres domaines. Parfois, un pays exige des taux inférieurs à ce que le Canada est prêt à consentir ou encore des taux si élevés que le traité perd toute sa raison d'être. Certains pays exigent des dispositions relatives aux contribuables qui sont si larges que nous aurons à accorder un crédit d'impôt pour des impôts qui n'ont même pas été payés. Il existe différents facteurs.
Dans certains cas, les négociations sont conclues en une semaine. Nous essayons de le faire de plus en plus. Une fois les négociations terminées, les documents doivent être traduits au moins en français et en anglais, et très souvent dans une troisième langue. D'après mon expérience, la traduction dans cette troisième langue prend plus d'un an. Toutes sortes de raisons expliquent les retards, et il y a des retards dans tous les pays.
Le sénateur Kelleher: Je serai bref étant donné que j'ai déjà pris la parole au Sénat cet après-midi pour appuyer le projet de loi. Il est de mon devoir de ne pas me montrer trop critique pour l'instant. J'ai voulu simplement rassurer le sous-ministre.
Cela dit, il y a un petit détail que j'aimerais porter à l'attention du comité. Ce qui nous ramène au thème favori de la matinée, soit le fait que le gouvernement ne considère pas ce projet de loi comme urgent. Je travaille dans ce domaine du droit et je sais que ces projets de loi sont très avantageux pour le Canada et pour nos sociétés qui font affaire à l'étranger. Des projets de loi connexes ont été adoptés par la Russie en octobre 1995, par l'Afrique du Sud en 1995, par la Tanzanie en décembre 1995, par l'Inde en janvier 1996 et par l'Ukraine en mars 1996.
Ce qui nous ramène à ce que nous avons dit ce matin... et vous penserez peut-être que je me répète. Étant donné l'importance de ces ententes pour les sociétés canadiennes qui font affaire à l'étranger, ne pourrions-nous pas être un peu plus sensibles aux besoins du marché et adopter ces projets de loi un peu plus rapidement que nous ne le faisons? Il semble que nous avons fait traîner un peu les choses. Est-ce une remarque injuste?
M. Déry: Sénateur, les dates que vous venez de citer sont celles de la signature des traités individuels. Le Canada a signé le traité avec la Russie en septembre 1995. Pour ce qui est du processus législatif de mise en application, il est vrai que certains pays, comme l'Inde, a été en mesure de notifier le Canada. Le traité a été signé en janvier 1996. À la fin de février, ils nous ont informés qu'ils avaient mené à bien toutes les procédures.
Le projet de loi C-37 a été présenté à la Chambre en mai 1996, ce qui est assez bien, il me semble.
Le sénateur Kelleher: Cela ne fait qu'un an.
M. Déry: C'est pas mal pour ce qui est de la présentation du projet de loi. Je ne peux parler qu'au nom du ministère. La législation correspondant à tous les traités a été rédigée entre la fin septembre 1995 et mars 1996. Le projet de loi a été présenté en mai 1996.
Permettez-moi de conclure en disant que ces types de traités sont importants. Par ailleurs, il y a un d'autres mesures législatives importantes à la Chambre. J'estime personnellement qu'il faudrait légiférer plus rapidement sur ces traités, mais la décision en revient à ceux qui planifient le calendrier législatif.
M. Campbell: Monsieur le président, je suis revenu à la table pour redire ce que j'ai dit au cours de la séance de ce matin à propos d'un autre projet de loi.
La triste réalité, c'est que nous faisons concurrence, pour le temps de la Chambre, à très grand nombre d'autres priorités gouvernementales. Nous avons de 30 à 40 p. 100 de toute la législation dont la Chambre est saisie à un moment ou l'autre, mais parfois les choses sont retardées parce que d'autres priorités se présentent de temps à autre. Voilà l'explication.
J'en suis navré. Évidemment, nous aimerions que cela se fasse plus rapidement.
Le président: Nous comprenons bien que cela ne dépend pas du ministère. La prochaine fois que nous en arriverons à cette étape, nous inviterons le leader du gouvernement à la Chambre à témoigner. C'est évidemment lui qui gère les travaux de la Chambre.
Le sénateur Stewart: On dit que le problème tient au temps accordé à la Chambre des communes. En gros, combien de jours la Chambre a-t-elle consacré à ce projet de loi?
M. Campbell: Je pense qu'il a été à la Chambre un jour.
Le président: Je sais qu'au comité des finances de la Chambre des communes on y a consacré environ 10 à 12 minutes. Nous les battons d'environ 500 p. 100.
M. Campbell: Monsieur le président, les questions posées au cours de ces 12 minutes au comité des finances de la Chambre des communes ont été très bonnes. Je ne veux pas mettre vos collègues au défi, mais au cours de la présente session voilà neuf minutes que nous consacrons à la question no 1.
Le sénateur Stewart: Est-ce que tous les pays avec qui nous concluons ces ententes font partie de l'OCDE?
M. Dodge: Non. Le comité des affaires fiscales de l'OCDE est un organisme mondial qui sert de modèle. On s'inspire de ce modèle dans nos négociations et, à vrai dire, dans les négociations fiscales du monde entier.
Je dois dire que la question intéresse l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique, l'APEC, peut-être devrait-il y avoir un modèle concurrentiel. Toutefois, c'est celui qui sert depuis de très nombreuses années.
Le sénateur Stewart: Si j'en parle, c'est qu'on a précédemment parlé de l'OCDE. Je me suis dit que le retard était peut-être en partie attribuable au fait que certains pays ne faisant pas partie de l'OCDE et qu'ils faisaient face d'une certaine manière à des réalités assez nouvelles.
M. Dodge: C'est possible. Par exemple, nous allons bientôt entamer des négociations avec le Chili. Ce sera la première entente fiscale du Chili. En fait, ce pays a choisi le Canada parce que nous avons bien montré que nous sommes en mesure de traiter de ces questions, et le Chili veut traiter avec nous d'abord.
Le sénateur Stewart: Avons-nous une entente avec la République populaire de Chine?
M. Déry: Oui.
Le sénateur Stewart: Et avec l'Indonésie?
M. Déry: Oui.
Le sénateur Stewart: Là où des ententes ont été conclues et sont appliquées, est-ce que les choses se sont toujours bien passées?
M. Déry: Je dirais que non. C'est une question qu'il vaudrait peut-être mieux poser à Revenu Canada qu'au ministère des Finances. Il y a eu des problèmes d'interprétation avec certains pays.
Le sénateur Stewart: Pouvez-vous préciser un peu? Quels types de problèmes sont liés à ces difficultés d'interprétation?
M. Déry: Le problème le plus courant a trait à la question de savoir si un partenaire a le droit de percevoir un impôt sur des honoraires pour services techniques, par exemple. Différents pays d'Asie ont tendance à donner au libellé de l'OCDE un sens autre que celui que lui reconnaît l'organisation. C'est l'exemple le plus typique.
Par l'intermédiaire de l'OCDE et de l'Organisation pour la coopération économique Asie-Pacifique, nous avons de plus en plus à l'OCDE des rencontres avec des pays non membres. Voilà les questions dont nous essayons de discuter. Nous essayons de leur expliquer quelle devrait être l'interprétation juste. Quand ils essaient de s'appuyer sur ce qu'ils font dans la pratique, nous leur disons que le libellé n'est pas le bon. Puis nous pouvons discuter de façon bilatérale pour voir si nous sommes disposés à conclure un traité dont le libellé les autorise clairement à percevoir des impôts sur ces honoraires, par exemple, et à quel taux.
Le sénateur Stewart: Comme vous le savez, monsieur le président, le comité sénatorial permanent des affaires étrangères examine nos relations avec certains pays d'Asie. Le comité examine entre autres choses les services de toutes sortes, financiers et autres, en ce qui concerne les investissements financiers et ainsi de suite. Voilà donc pourquoi j'ai posé cette question.
Les difficultés dont vous parlez sont-elles graves au point de nuire à l'investissement canadien? Est-ce un sujet de préoccupation qui pourrait nuire à l'investissement direct du Canada dans certains de ces pays?
M. Dodge: Sénateur, je reviens tout juste d'un séjour de trois semaines en Asie où j'ai rencontré beaucoup de nos gens. Nous avons naturellement parlé de questions fiscales, entre autres choses.
Je dirais que ce qui de façon générale préoccupe nos concitoyens qui font affaire dans ces pays, c'est le peu de transparence du secteur des affaires, qu'il s'agisse de la législation bancaire ou des lois fiscales. On ne sait pas en fin de compte quelles sont vraiment les règles. Il semble effectivement qu'on soit soumis en cours de route à différentes décisions arbitraires.
Bien sûr, la situation s'améliore. Les choses varient grandement d'un pays à l'autre.
Ce manque de transparence et l'absence d'un cadre législatif auquel le secteur des affaires pourrait se reporter, sans compter le caractère arbitraire du processus décisionnel, constituent les principales difficultés auxquelles nos hommes d'affaires font face. La situation est en voie d'amélioration, que ce soit dans le secteur des traités fiscaux que, comme l'a dit M. Déry, nous essayons d'améliorer par l'intermédiaire de l'APEC, ou dans le secteur de la législation financière, où nous déployons de grands efforts pour assurer une meilleure transparence. Naturellement, divers pays où l'on n'a pas toujours pratiqué la plus grande transparence commencent à en comprendre les avantages. Même le Japon commence à se laisser convaincre.
Je ne pense pas que la question des traités fiscaux soit prioritaire, mais c'est le genre de problème auquel nous nous heurtons, tout comme le caractère arbitraire de l'imposition de droits spéciaux. Les problèmes sont sans doute les plus aigus dans les domaines du droit commercial général et financier.
Le sénateur Kenny: Combien avons-nous de traités fiscaux en vigueur maintenant?
M. Déry: Cinquante-sept.
Le sénateur Kenny: Combien y en a-t-il maintenant en attente de négociation?
M. Déry: Il y en a 34 sur ma liste, mais dans certains cas il s'agit de renégociation.
Le sénateur Kenny: Vous dites qu'il y en a 34 en attente. Croyez-le ou non, il y a longtemps, je me suis déjà occupé de politique fiscale et de traités fiscaux. À l'époque, il y avait un étudiant embauché pour l'été, moi-même et quelqu'un à qui je rendais périodiquement des comptes. Combien avez-vous de gens qui travaillent là maintenant?
M. Déry: Je suis le seul et je travaille à temps plein.
Le sénateur Kenny: Pas d'étudiants pour l'été?
M. Déry: Non.
Le sénateur Kenny: J'avais l'impression que d'autres pays intéressés par le commerce affectaient un large effectif à leurs groupes de traités fiscaux. À l'époque, nous nous apprêtions à négocier un traité avec les États-Unis. Il me semble qu'ils avaient une quarantaine ou une cinquantaine de personnes travaillant aux traités fiscaux. Est-ce à peu près cela?
M. Déry: Il y a deux aspects à la chose. Il y a l'élaboration de la politique, qui incombe au ministère des Finances, et le rôle du ministère du Revenu. Au Canada, je suis le seul à travailler à plein temps à la politique, mais il y a trois ou quatre personnes qui s'occupent de la question au Revenu. La situation est semblable aux États-Unis. Si vous parlez des négociateurs aux Finances, je ne pense qu'il y en aurait 40, probablement moins de 10, mais ils seraient beaucoup plus nombreux à l'IRS des États-Unis.
Le sénateur Kenny: Si c'est bon pour nous, s'il est raisonnable de faire appel à leurs services parce qu'ils contribuent au commerce canadien, et si nous avons 34 négociations en attente, pourquoi n'affectons-nous pas plus de ressources à cette question et pourquoi n'agissons-nous pas plus rapidement?
M. Dodge: Vous apportez de l'eau au moulin de mon sous-ministre à la politique fiscale, qui me dit constamment avoir besoin de plus de ressources.
Le sénateur Kenny: Que lui répondez-vous?
M. Dodge: Non.
M. Jewett: Allez faire la queue.
M. Dodge: Dans un secteur comme celui-ci, on a toujours besoin de plus de ressources. Le temps qu'il faut pour conclure un traité dépend généralement des ressources dont on dispose.
M. Déry ne s'occupe pas que de négocier des traités. Comme je l'ai dit, le Chili viendra ici négocier son tout premier traité, ce qui fait que nous agissons aussi un peu comme guide.
Oui, ce serait bien d'avoir plus de ressources, sénateur, mais le budget de fonctionnement total du ministère est aujourd'hui plus restreint qu'il ne l'était il y a 15 ans. Nous faisons donc de notre mieux.
Le sénateur Kenny: Une analyse coûts-avantages ne justifie-t-elle pas des ressources supplémentaires?
M. Dodge: Une analyse coûts-avantages aboutirait sans doute à la conclusion que l'affectation de ressources supplémentaires ne se justifie dans le cas d'aucun service du ministère. Il est particulièrement important que les frais généraux du ministère des Finances soient aussi peu élevés que possible puisque tous les regards sont tournés vers lui.
Le sénateur Kenny: Au moment de la renégociation des conventions fiscales, avez-vous un modèle précis en tête? Y en a-t-il un auquel vous voudriez que les dix prochaines conventions fiscales se conforment? Est-ce l'orientation que vous poursuivez?
M. Déry: Il n'y a pas de modèle comme tel. La renégociation de la plupart des grandes conventions fiscales s'impose en raison de la mesure contenue dans le budget de 1992 touchant la réduction de l'impôt retenu à la source sur les dividendes intersociétés et de celle qui figurait dans le budget de 1993 relativement à l'exemption fiscale touchant certaines redevances. Voilà les deux principales raisons qui expliquent qu'il faille renégocier ces conventions.
Dans le cadre des négociations en vue de la reconduction des conventions fiscales, nous examinons chaque disposition afin d'en moderniser le libellé et de corriger certains problèmes soulevés par leur mise en oeuvre. Plus d'un ou deux articles sont visés. Si nous pouvons améliorer la convention, nous le faisons. Dans le cas d'autres pays nous revoyons l'ensemble du texte et lorsque deux ou trois articles seulement exigent des modifications, nous convenons pour le reste de suivre un protocole, ce qui nous simplifie à tous la tâche.
Le sénateur Kenny: Les cinq conventions fiscales que le comité doit examiner contiennent-elles des anomalies sur lesquelles il devrait se pencher?
M. Déry: Des anomalies?
Le sénateur Kenny: Y a-t-il quoi que ce soit dans ces conventions que nous devrions examiner attentivement maintenant de crainte de regretter dans trois ou cinq ans de ne pas l'avoir fait?
M. Déry: J'en doute. Certaines de ces conventions ne nous satisfont pas cependant pas à tous les égards. Nous préférerions, par exemple, que la convention conclue avec la Tanzanie prévoit des taux d'imposition moins élevés sur tous les dividendes et les redevances, mais ce pays s'y oppose pour l'instant. Nous devrons éventuellement renégocier le traité. Nous avons déjà soulevé la question auprès des autorités tanzaniennes, mais elles ne veulent pas changer de position pour l'instant.
Le sénateur Perrault: Monsieur le président, ma question ne se rapporte pas directement au projet de loi C-37. Elle touche plutôt aux bénéfices réalisés par les sociétés dans diverses parties du monde. Vous savez sans doute que des personnes d'origine asiatique de la côte ouest soutiennent que les ministères des Finances et du Revenu national cherchent injustement à établir quelle part de leurs bénéfices ont été réalisés à l'étranger. Ils craignent des impôts injustes sur les actifs qui sont censés avoir été accumulés à l'étranger. Vous êtes sans doute au courant du dossier.
Un certain nombre d'investisseurs d'origine asiatique notamment se sont plaints de la situation auprès de représentants de tous les partis politiques à qui ils ont dit: «C'est injuste et nous allons retirer notre argent du Canada.» Un certain nombre l'ont déjà fait. Existe-t-il des conventions fiscales avec leur pays d'origine?
M. Dodge: Sénateur, nous avons abordé la question ce matin. J'ai dit au président que je m'étais rendu deux fois dernièrement à Vancouver et une fois à Hong Kong, essentiellement pour essayer de régler ce problème.
Le problème qui se pose découle en partie du fait qu'on pense que certaines personnes évitent de payer de l'impôt au Canada en gardant leur argent à l'extérieur du pays. C'est souvent sans s'en rendre compte que les gens le font. La façon de remplir sa déclaration c'est d'envoyer ses boîtes de T-5, de T-4 et de T-3 à son comptable ou de faire le calcul soi-même. Il est très facile d'oublier de déclarer des actifs à l'étranger puisqu'on ne reçoit pas ce genre de formulaire d'impôt.
L'un des avantages que présente la déclaration des actifs est que cela vous rappelle que vous possédez ces actifs et que vous en tirez un revenu que vous devez déclarer.
Il est cependant vrai que certaines personnes sortent intentionnellement leurs actifs du pays -- il ne s'agit pas ici d'immigrants, mais de gens qui résident au Canada depuis très longtemps -- parce qu'elles veulent éviter de payer de l'impôt. Revenu Canada demande aux gens de déclarer leurs actifs afin de les inciter à se conformer à la loi.
Comme notre pays est relativement petit, nous ne pouvons pas nous permettre d'affecter des gens à l'étranger dont le rôle serait de chercher à savoir ce qu'il en est. Les Américains peuvent le faire, mais c'est un pays qui a 10 fois notre taille et qui peut se permettre ce genre de choses. Nous ne le pouvons pas. Voilà donc comment nous cherchons à inciter les gens à respecter les lois canadiennes en matière d'impôt.
Un certain nombre d'immigrants au Canada ont laissé dans leur pays d'origine des actifs importants. À tort ou à raison, ces gens se méfient des percepteurs d'impôt. Dans certains pays, les gens ne considèrent pas non plus l'évasion fiscale comme étant quelque chose de répréhensible, comme c'est le cas au Canada.
Le sénateur Perrault: Dans certains pays, le plus grand secret entoure toutes ces questions, n'est-ce pas?
M. Dodge: Je crois que si vous ou moi avions vécu ce que ces gens ont vécu, peut-être penserions-nous comme eux. À titre d'exemple, un certain nombre de résidants de Hong Kong sont venus à l'origine de Shanghai avec rien dans leurs poches et ont dû repartir à zéro. Les résidants de Taïwan ont aussi connu de grandes difficultés. Dans d'autres pays, les gens peuvent avoir eu des démêlés avec leur gouvernement. On peut comprendre qu'ils soient méfiants à l'endroit des gouvernements. Leur famille à l'étranger, en particulier, est parfois très méfiante.
Le sénateur Perrault: Envisage-t-on des modifications aux conventions?
M. Dodge: Un certain nombre de modifications sont prévues en vue d'en faciliter la mise en oeuvre. Nous avons retardé la date de mise en oeuvre et nous avons essayé de réduire les exigences en matière de déclaration des actifs. Nous avons cependant des responsabilités à l'égard des contribuables de notre pays qui déclarent honnêtement et sans réticence leurs revenus et qui paient des impôts importants chaque année. Nous devons pouvoir les assurer que nous percevons l'impôt approprié auprès de tous les membres de la société.
Nous essayons de collaborer avec les milieux immigrants -- en particulier ceux de Taïwan et de Hong Kong, puisque c'est dans ces milieux que les plus grands problèmes se sont posés --, car nous voulons leur fournir toute l'information voulue. Ce qui préoccupait beaucoup certains, c'est qu'ils croyaient qu'ils devraient déclarer comme actif un appartement qu'ils posséderaient à l'étranger.
Le sénateur Perrault: C'est juste. Il se passe toutes sortes de choses horribles là-bas.
M. Dodge: Il n'est pas question de déclarer les appartements, mais seulement les actifs source de revenus. Nous ne ménageons aucun effort. Pendant toute une journée à Hong Kong, je me suis assuré que les conseillers fiscaux comprenaient bien la façon dont le système fonctionne. J'ai fait la même chose à Vancouver. Notre personnel consacre beaucoup de temps à ce dossier.
Le sénateur Perrault: Nous voulons aboutir à un compromis juste et raisonnable dans l'intérêt public. Nous ne voulons pas que les gens cessent cependant d'investir au Canada. Je serais heureux que vous me transmettiez tous les communiqués ou documents expliquant les mesures que vous avez prises.
M. Campbell: Un communiqué expose les mesures qui ont été prises pour atténuer le problème.
Plus tôt aujourd'hui, le sénateur Austin a déposé auprès du comité une lettre dans laquelle je lui explique la position du gouvernement sur cette question. J'aimerais ajouter deux observations au contenu de cette lettre.
Comme M. Dodge l'a mentionné ce matin, les immigrants qui choisissent de s'installer au Canada peuvent conserver pendant cinq ans un fonds en fiducie.
Le gouvernement a aussi évidemment voulu éviter que les résidants canadiens qui doivent payer de l'impôt sur le revenu qu'ils gagnent à l'étranger soient obligés de se conformer à certaines exigences alors que ce ne serait pas le cas des nouveaux venus. Cette situation serait intenable.
Le président: Il serait utile que les sénateurs de tous les partis aient cette information, et en particulier les sénateurs de la Colombie-Britannique. Le sénateur St. Germain qui est absent aujourd'hui se pose les mêmes questions.
Le sénateur Stewart: J'aimerais profiter de la présence de ces témoins pour leur poser une question qui se rapporte plus ou moins au projet de loi.
Nous connaissons tous l'existence d'entreprises internationales et mondiales. Certains les comparent à de longs ballons ou de longues saucisses. Quand on presse un bout, ce qui se trouve à l'intérieur se dirige vers l'autre bout. C'est d'ailleurs ce qui arrive avec ces entreprises de telle sorte qu'aucun gouvernement ne peut les assujettir à ses lois fiscales.
Est-ce une fausse notion ou est-ce vraiment un problème?
M. Dodge: Comme il est possible de faire passer son argent d'un pays à l'autre et de l'investir là où les impôts sont le moins élevés, il est très difficile de percevoir des impôts sur le revenu tiré du capital qu'il s'agisse d'une entreprise multinationale ou non. Il existe d'ailleurs beaucoup de pays où les impôts ne sont pas élevés.
Il est extraordinairement difficile de régler ce problème parce que cela supposerait une concertation des instances fiscales du monde. Comme il existe environ 19 instances fiscales au monde, cette concertation serait inévitablement instable. Au sein de l'OCDE, certains pays comme l'Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas ont décidé, pour amener des entreprises à s'y installer, à offrir des taux d'impôt très bas.
La question est extrêmement difficile. Jusqu'à récemment, les principaux pays du monde ne semblaient pas vouloir s'attaquer au problème. Ainsi, les États-Unis qui sont puissants ont toujours estimé être tout à fait en mesure de se débrouiller seuls. Quant à l'Allemagne, à la France, à la Grande-Bretagne, au Japon et au Canada, ils ne pourraient jamais s'entendre sur la façon de procéder.
Je crois que la situation change cependant un peu. L'Allemagne s'est rendu compte qu'elle se trouvait dans une situation difficile par rapport au Luxembourg qui est devenu le refuge fiscal préféré des Allemands dont les entreprises font exactement ce que vous avez décrit. Voilà que soudain les Allemands, qui n'ont jamais vraiment voulu discuter de ces questions, sont maintenant prêts à le faire.
Les Français se sont toujours assez intéressés au problème, mais ce n'est pas en France que les gens sont le plus respectueux des lois fiscales. Les Japonais s'intéressent également maintenant au problème parce qu'un grand nombre de leurs propres entreprises ont maintenant des activités à l'étranger.
Peut-être parviendra-t-on à améliorer les choses, mais c'est terriblement difficile. Le regroupement des instances fiscales est mal aisé vu leur grand nombre.
Le président: Je vois qu'il n'y a pas d'autres questions. Quelqu'un veut-il proposer une motion pour qu'on passe outre à l'étude article par article?
Le sénateur Kenny: Je le propose.
Le président: Vous plaît-il d'adopter la motion, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le président: Quelqu'un veut-il proposer qu'on fasse rapport du projet de loi au Sénat sans amendement?
Le sénateur Kenny: Je le propose.
Le président: Vous plaît-il d'adopter la motion, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
La séance est levée.