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SOMMAIRE

Le présent rapport examine la question des moyens de rentabiliser et de rationaliser la prestation des programmes publics destinés aux entreprises. Pour atteindre ce but, le gouvernement doit faire en sorte :

  • que les objectifs poursuivis sont clairs;
  • que les mandats des organismes auxquels il confie la prestation des programmes sont clairs;
  • qu'on ne gaspille pas les ressources publiques par des doubles emplois indus au sein de l'administration;
  • que les actions du gouvernement et du secteur privé sont le plus possible complémentaires, le gouvernement faisant ce qu'il est le mieux placé pour faire tout en encourageant le secteur privé à faire de même de son côté.

C'est avec ces objectifs en tête que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a entrepris, à l'automne de 1995, d'examiner comment les institutions financières fédérales, c'est-à-dire la Société pour l'expansion des exportations, la Société commerciale canadienne, la Banque de développement du Canada et la Société du crédit agricole, fonctionnent en relation avec le secteur privé et les unes par rapport aux autres. Le Comité s'est aussi penché sur le fonctionnememnt de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, du Bureau fédéral de développement régional (Québec) et du ministère de la Diversification de l'économie de l'Ouest. Il s'est concentré sur ces organismes en raison de leur importance pour l'économie canadienne en général et pour les petites entreprises et les exportations en particulier.

Le Comité en est arrivé à la conclusion générale que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer lorsque le secteur privé n'est pas en mesure de répondre aux besoins d'entreprises commerciales valables. Autrement dit, le gouvernement doit intervenir pour remédier aux lacunes du système et, pour cela, se donner un certain nombre de stratégies. Cependant, lorsque ces stratégies aboutissent à des chevauchements et des doubles emplois entre les divers organismes gouvernementaux ou amènent le secteur public à entrer en concurrence avec le secteur privé, il s'ensuit une perte d'efficacité qui nuit à tout le monde.

Prenons par exemple le cas du ministère de la Diversification de l'économie de l'Ouest dont le rôle est de servir de guichet unique pour les autres organismes et programmes. Manifestement, si l'écheveau des programmes publics est devenu si touffu qu'il faille un organisme distinct pour aider les entreprises à trouver un programme qui réponde à leur besoins, c'est qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

Par conséquent, le Comité s'est donné pour mission de déterminer si les institutions financières fédérales fonctionnent de manière efficiente et si elles répondent adéquatement aux besoins des entreprises canadiennes. Le Comité voulait par ailleurs savoir si les activités de ces organismes complétaient - ou concurrençaient - les services offerts par le secteur privé. Malheureusement, cette information, qui serait pourtant essentielle pour que les institutions financières fédérales rendent compte de leur action de façon utile, n'existe pas actuellement. Le Comité recommande que ces institutions élaborent des méthodes leur permettant de déceler les lacunes des marchés financiers et produisent des données qui permettront aux décideurs de contrôler leurs activités et de juger dans quelle mesure elles comblent ces lacunes.

La question de savoir si ces organismes comblent des lacunes du marché ou concurrencent le secteur privé est particulièrement importante du fait que le gouvernement a récemment élargi le champ d'action d'un bon nombre d'entre eux, les encourageant à devenir financièrement autonomes. Or, s'il est en principe louable de viser l'autonomie financière, cette orientation soulève une question intéressante. En effet, la seule façon d'y arriver consiste, pour ces organismes, à s'intéresser aux opérations profitables - que le secteur privé sert déjà -, à mieux dépister les prêts à risque élevé ou à en consentir moins. Cependant, les organismes ont été institués justement pour faciliter des opérations pour lesquelles il est impossible de trouver du financement dans le secteur privé.

La recherche de l'autonomie financière peut favoriser une meilleure efficience sur le plan opérationnel, mais elle risque aussi d'amener les institutions financières fédérales à se détourner de ce type d'opérations en les incitant à disputer directement au secteur privé les opérations plus profitables qui présentent un risque moindre.

D'ailleurs, certaines institutions financières fédérales se détournent effectivement des activités à risque élevé ou à faible rendement, soit les lacunes du marché qu'elles étaient censées combler, ou vont même jusqu'à faire des incursions dans le territoire traditionnel du secteur privé, à la recherche de profits. Le Comité a également observé une autre tendance troublante, à savoir que les institutions financières fédérales se concurrencent l'une autre et se disputent les clients. Manifestement, il est essentiel de procéder à une consolidation ou à une harmonisation des activités de ces organismes de manière à mettre un terme à ce comportement gaspilleur.

En conséquence, le Comité recommande la fusion d'une part, de la Société pour l'expansion des exportations et de la Corporation commerciale canadienne et, d'autre part, de la Société du crédit agricole et de la Banque de développement du Canada. Il recommande aussi la disparition progressive des agences de développement économique régional, dont l'existence en tant qu'entité indépendante est superflue lorsque des institutions comme la Société du crédit agricole et la Banque de développement du Canada visent les mêmes marchés qu'elles. Pour ce qui est des programmes fédéraux de développement économique régional qui n'offrent pas directement des services aux entreprises, il vaudrait mieux en confier la prestation à des organismes provinciaux.

La réorganisation de ces organismes répond aussi à un autre impératif : supprimer les doubles emplois et les chevauchements. On réalisera le maximum de gains d'efficience en groupant toutes ces institutions au sein d'une seule société financière intégrée, chargée d'appliquer la politique et les programmes gouvernementaux. Cela permettra d'améliorer la reddition de comptes de ces organismes au Parlement (examen quinquennal du mandat), de réaliser des économies au chapitre des coûts d'administration et d'éliminer les nombreux chevauchements qui existent à l'heure actuelle. Il sera aussi plus facile de déterminer si les organismes en question concurrencent le secteur privé, et d'y mettre un terme le cas échéant.

Le Comité n'ignore pas que ces recommandations risquent de susciter une vive opposition, surtout de la part de ceux qui redoutent la perte d'un organisme public chargé expressément de répondre à leurs besoins. Pourtant, il n'y a pas de raison que les agriculteurs, pour prendre cet exemple, soient inquiets à l'idée de traiter avec un organisme dont la vocation est d'aider les petites entreprises. Les agriculteurs sont des gens d'affaires et méritent d'être traités comme tels. D'ailleurs, une bonne partie du travail actuel de la Société du crédit agricole consiste à aider les agriculteurs qui cherchent à lancer des petites entreprises «en aval». De même, les exportateurs n'ont rien à perdre à être servis par un organisme dont la mission consiste entre autres à faciliter les contacts à l'étranger et à aider les entreprises à accroître leurs exportations.

À ceux qui sont contre la disparition des organismes indépendants de développement régional on peut opposer deux arguments. Premièrement, le travail des organismes régionaux est déjà axé sur le développement des petites et moyennes entreprises, ce qui correspond exactement à l'orientation des institutions financières fédérales. Deuxièmement, comme la capacité d'emprunt des institutions financières fédérales dépend du montant du capital d'apport de celles-ci, le transfert des fonds des organismes régionaux aux institutions financières fédérales sous la forme de capital d'apport aura un effet multiplicateur sur le montant des capitaux disponibles.

Enfin, pour ce qui est de l'opportunité de rendre les institutions financières fédérales financièrement autonomes, nous croyons qu'il faut les encourager dans cette voie. Cependant, s'il s'avère qu'elles ne peuvent pas s'acquitter de leur mandat, c'est-à-dire appuyer les opérations que le secteur privé évite, sans que cela ne se traduise par un déficit, il incombera au Parlement de décider s'il doit leur consentir les crédits nécessaires pour combler ces déficits.

Une réorganisation tombe à point nommé. Le gouvernement fédéral s'est engagé, dans son dernier budget, à revoir les aspects du régime fiscal qui influent le plus sur la création d'emplois, comme les cotisations sociales. Le budget annonçait aussi de nombreuses initiatives qui vont élargir encore davantage l'éventail des activités des institutions financières fédérales qu'étudie le Comité.

Le Comité trouve donc encourageante la perspective d'un réexamen du régime fiscal, mais il estime aussi extrêmement important d'étudier de près l'efficacité avec laquelle le gouvernement assure la prestation des multiples programmes concernant les entreprises. Il éprouve de grandes réserves au sujet d'une expansion et d'un chevauchement accrus des programmes de promotion des entreprises en l'absence d'objectifs globaux et d'une stratégie d'ensemble clairs, et d'un système de contrôle vraiment efficace.

Les institutions financières fédérales ont un rôle important à jouer pour ce qui est de stimuler la création et le développement de petites et moyennes entreprises. La meilleure façon de procéder consisterait à laisser le secteur privé donner sa pleine mesure, les institutions financières fédérales intervenant seulement pour aider les entreprises qui ne peuvent pas trouver de financement ailleurs qu'auprès d'elles. Les institutions publiques doivent se limiter au rôle qui leur a été confié, à savoir identifier et combler les lacunes du marché où le secteur privé ne veut pas s'aventurer. Pour s'acquitter de cette importante tâche, elles ont besoin de ressources et de capitaux suffisants, et d'un mandat tout à fait clair. La réorganisation proposée dans le présent rapport répond à ces impératifs.


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