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BORE

Sous-comité de la Forêt boréale

 

Délibérations du sous-comité de la
Forêt boréale
du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 7 avril 1997

Le sous-comité de la forêt boréale du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 23 pour poursuivre l'examen de l'état actuel et futur de l'exploitation forestière au Canada en ce qui a trait à la forêt boréale.

Le sénateur Doris M. Anderson (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Je vous souhaite la bienvenue à ces audiences sur la forêt boréale. Il y a deux semaines, nous avons eu une discussion fascinante sur la forêt boréale et les changements climatiques à l'échelle de la planète. Aujourd'hui, nous accueillons trois témoins du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Nous attendons avec impatience d'entendre votre exposé. Monsieur Hatfield, vous avez la parole.

M. Ray Hatfield, directeur intérimaire, Direction de l'environnement et des ressources naturelles, Direction générale des terres et de l'environnement, Services fonciers et fiduciaires, Affaires indiennes et du Nord Canada: Je suis heureux d'avoir l'occasion de me présenter devant vous pour discuter de la forêt boréale et de sa relation avec les Premières nations et le Nord. Je suis accompagné de M. Peter Wyse, gestionnaire des ressources naturelles du Programme des affaires indiennes, ainsi que de M. Gilbert Aubin, conseiller forestier du Programme des affaires du Nord.

La forêt boréale est liée de trois façons au mandat du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: tout d'abord, le ministère administre la coupe et l'enlèvement du bois des terres des réserves en vertu de la Loi sur les Indiens; deuxièmement, le ministère appuie le développement économique des collectivités des Premières nations, étant donné que bon nombre de ces collectivités fondent leur progrès économique principalement sur l'accès aux possibilités économiques que leur offre la forêt boréale; troisièmement, le ministère gère les terres forestières du Yukon.

Au cours des prochaines minutes, je vous parlerai de ces trois aires de compétence du ministère, en commençant par les forêts des réserves.

Les réserves sont des terres de la Couronne fédérale mises de côté à l'usage et au profit des Indiens et administrées en vertu de la Loi sur les Indiens. Les terres des réserves couvrent une superficie d'environ 2,7 millions d'hectares, et environ 1,4 million d'hectares de ces terres sont recouvertes de forêts. Les forêts des réserves représentent 0,5 p. 100 des terres forestières du Canada. Par contre, elles constituent 25 p. 100 des terres forestières productives se trouvant au sud du 60e parallèle.

Près de 500 collectivités des Premières nations sont installées dans des régions de forêt boréale. Pour discuter de l'état des forêts des réserves, il faut considérer d'abord les vocations que les Premières nations veulent leur donner. L'exploitation du bois n'est pas l'unique vocation. Les forêts des réserves ont une importance culturelle et spirituelle pour les Premières nations. Les autres vocations de la forêt sont la production du bois de chauffage, la chasse, le trappage, la cueillette et le tourisme.

Du point de vue de l'exploitation du bois, le Service canadien des forêts et d'autres observateurs avertis s'entendent généralement pour dire que ces forêts sont en mauvais état. Cette situation est le résultat de divers facteurs: les incendies, les insectes, les maladies, la coupe abusive et l'écrémage.

L'écrémage est une pratique axée sur la coupe des meilleurs arbres, de sorte que, à long terme, on obtient une forêt dont le stock génétique est appauvri. La coupe abusive et l'écrémage sont le résultat de pressions économiques. Les membres des Premières nations ont souvent besoin de bois de chauffage. La coupe du bois procure de l'argent et du travail aux membres des collectivités. Les conseils des Premières nations ont toujours besoin des recettes provenant de l'exploitation du bois pour respecter les priorités de leur communauté.

À ces facteurs s'ajoutent les contrôles réglementaires peu sévères prévus dans la Loi sur les Indiens et dans le Règlement sur le bois de construction des Indiens. Par exemple, la pénalité pour la coupe de bois sans permis ou licence est de 100 $. L'enlèvement du bois d'une réserve sans autorisation appropriée est passible d'une peine de 500 $. Plus important encore, la Loi sur les Indiens ne prévoit aucun mécanisme permettant aux Premières nations d'administrer et de contrôler les forêts des réserves. En vertu de la loi, elles ne peuvent pas délivrer de permis ou de licences de coupe de bois ni adopter de règlements administratifs visant à régir la coupe du bois de chauffage. Le reboisement et l'entretien des bois peuvent régler les problèmes causés par la coupe abusive.

Certaines Premières nations ont mis en oeuvre des programmes efficaces de gestion des forêts. Toutefois, la plupart d'entre elles font face à d'autres problèmes plus pressants en matière de santé, d'éducation et de services sociaux. Dans leur cas, il est bien souvent difficile de réinvestir les recettes tirées de l'exploitation forestière dans la gestion des forêts. Les longues périodes de récupération des investissements dans le domaine de la gestion des forêts n'aident pas les choses.

Tout au long de la période allant de 1984 à 1996, le Service canadien des forêts administrait le Programme des terres forestières des Indiens et appuyait les efforts de gestion des forêts des Premières nations. Par l'entremise de ce service, 305 plans de gestion ont été établis à l'intention de 271 Premières nations et 23 millions d'arbres ont été plantés. Près de 13 000 hectares ont connu des activités de préparation du terrain tandis que 20 000 hectares ont fait l'objet de traitements sylvicoles.

À l'heure actuelle, plusieurs initiatives ministérielles portent sur l'état des forêts des réserves. En assumant les obligations juridiques du gouvernement fédéral émanant de la Loi sur les Indiens et du Règlement sur le bois de construction des Indiens, le ministère délivre des permis et licences de coupe et d'enlèvement du bois des terres des réserves et prend des mesures de mise en application lorsqu'il est au courant d'activités non autorisées. Ces dernières années, le ministère a augmenté les ressources, clarifié les politiques et les procédures, formé les employés et apporté des modifications au Règlement sur le bois de construction des Indiens afin d'en améliorer le caractère exécutoire.

Conjointement avec les Premières nations, le ministère étudie différentes options touchant l'autonomie gouvernementale. Nous reconnaissons que de nombreuses collectivités des Premières nations peuvent gérer la coupe et l'enlèvement du bois des réserves beaucoup plus efficacement que le gouvernement fédéral.

La Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens est actuellement à l'étude à la Chambre des communes. Elle permet aux Premières nations qui le désirent de délivrer des licences de coupe du bois. Elle donne aux conseils des Premières nations plus de pouvoirs pour gérer les forêts des réserves par l'adoption de règlements administratifs. Enfin, elle augmente les pénalités liées à la coupe et à l'enlèvement non autorisés du bois.

Le Programme forestier des Premières nations est le nouveau programme annoncé en avril 1996 pour remplacer le Programme des terres forestières des Indiens. Il est administré conjointement avec le Service canadien des forêts et dispose d'un budget quinquennal de 24,9 millions de dollars. Ce programme a pour but d'encourager le développement économique fondé sur les ressources forestières. Un de ses objectifs est d'accroître la capacité des Premières nations de gérer les forêts des réserves de façon durable.

J'ai mentionné plus tôt que les forêts des réserves couvrent une superficie d'environ 1,4 million d'hectares. Prises ensemble, elles couvrent une quantité importante de terres. Toutefois, pour de nombreuses Premières nations, les forêts des réserves sont trop petites pour soutenir une exploitation durable à long terme. Pour obtenir des emplois raisonnables, les membres des Premières nations doivent avoir accès aux forêts situées à l'extérieur des réserves.

Permettez-moi de parler maintenant de l'accès des Premières nations aux ressources de la forêt boréale à l'extérieur des réserves. Comme vous le savez, la plupart des forêts voisines des réserves au sud du 60e parallèle relèvent de la compétence des provinces.

L'accès des Premières nations aux possibilités qu'offrent ces forêts est important si l'on veut répondre à leurs besoins économiques. Ces possibilités se présentent de différentes façons: des marchés d'exploitation avec les provinces ou l'industrie, des marchés de sylviculture, des ententes relatives à la lutte contre les incendies, de la fabrication, des ententes de cogestion ou des emplois dans des ministères provinciaux chargés de la gestion des ressources.

Quelques Premières nations ont réussi à obtenir l'accès à des projets à l'extérieur des réserves. Je pense en particulier aux Premières nations membres du conseil tribal de Meadow Lake qui participent à une importante licence de gestion forestière dans le nord-ouest de la Saskatchewan, et à la Société de développement des nations Tl'azt'en en Colombie-Britannique qui participe à une entente semblable dans cette province.

Les gouvernements du Canada et l'industrie forestière s'apprêtent à mettre en oeuvre des processus d'accréditation basés sur les pratiques forestières au Canada en réponse aux boycottages possibles de certains marchés. Ces processus pourraient aider les Premières nations à accéder à ces possibilités situées à l'extérieur des réserves. Afin d'être accrédité, un forestier devra montrer qu'il gère de façon durable les forêts qu'il exploite. Son accréditation dépendra, entre autres, de la mesure dans laquelle il respecte les droits ancestraux et issus de traités et assure la participation des collectivités autochtones à la gestion durable des forêts.

Le ministère a lancé plusieurs projets visant à appuyer l'accès des Premières nations aux possibilités existantes à l'extérieur des réserves. Le ministère participe actuellement à un certain nombre de processus qui pourraient finalement accroître le contrôle des terres forestières par les Premières nations. Parmi ces processus, mentionnons les droits fonciers issus des traités dans les provinces des Prairies. Grâce à ces droits fonciers, nous prévoyons d'ajouter environ 900 000 hectares de terres aux réserves. La plupart de ces terres seront boisées.

De plus, la négociation des revendications territoriales globales et la mise en oeuvre des ententes qui en découleront accroîtront de façon significative le contrôle des ressources à l'extérieur des réserves par les Premières nations. Bien que les négociations des revendications territoriales aient été amorcées pour respecter les obligations juridiques de la Couronne, leur aboutissement avantagera les collectivités des Premières nations en accroissant leurs assises territoriales et leurs bases de ressources.

Le Programme forestier des Premières nations, que j'ai mentionné plus tôt, appuie le développement des capacités des Premières nations de participer à des entreprises axées sur l'exploitation forestière. Il encourage également la collaboration et l'établissement de partenariats entre les Premières nations.

Le Programme de négociation de l'accès aux ressources finance les négociations qu'entreprennent les Premières nations avec d'autres parties. Ces négociations peuvent porter sur des ententes de gestion forestière, des marchés d'exploitation, des ententes relatives à la lutte contre les incendies et des marchés de sylviculture. Grâce à ce financement, les Premières nations peuvent obtenir les services d'experts et d'autres ressources leur permettant de conclure des ententes. Au cours de la période allant de 1990-1991 à 1995-1996, environ 2,46 millions de dollars ont été dépensés pour des projets liés aux forêts et une autre somme de 4,78 millions de dollars pour des initiatives de cogestion des ressources.

Le projet Innovations en cogestion de la Saskatchewan finance les négociations des Premières nations dans le domaine de la cogestion des ressources. Il s'agit d'un projet d'une durée de quatre ans auquel est affecté un budget annuel de 600 000 $. Il a pour but de déterminer combien il est possible d'accomplir dans le cadre d'un effort concentré. Les résultats de ce projet seront examinés en 1997-1998.

En plus de ces programmes axés sur les ressources, le ministère offre un financement de base aux collectivités des Premières nations en matière de développement économique. En 1996-1997, le ministère a affecté 47,7 millions de dollars à ce programme.

Je voudrais maintenant parler de la participation du ministère à la gestion des forêts dans le Nord. Puisque les responsabilités pour les forêts des Territoires du Nord-Ouest ont été transférées au gouvernement territorial, je parlerai des forêts du Yukon.

La forêt boréale couvre environ 60 p. 100 des 48,3 millions d'hectares du territoire du Yukon. Cette forêt couvre à peu près la même superficie que les forêts du Manitoba ou de la Saskatchewan. Environ 7,5 millions d'hectares de cette forêt recèlent des possibilités sur le plan commercial. La superficie totale de cette forêt productive est à peu près la même que toutes les forêts du Nouveau-Brunswick réunies.

Le Yukon est considéré à travers le monde entier comme un espace naturel que l'on doit conserver pour ses valeurs esthétiques et touristiques plutôt qu'un espace réservé à l'exploitation forestière. De nombreux résidants du Yukon partagent cet avis.

Le Yukon est divisé en deux zones sur le plan de la gestion des feux de forêt: il y a la zone d'action en cas d'incendie où tous les débuts d'incendie font l'objet d'une attaque initiale et la zone d'observation où les incendies sont vus comme des occurrences naturelles. Cette politique sur les incendies tient compte de l'importance passée et future du feu dans l'écosystème de la forêt boréale tout en assurant la protection de la vie, de la propriété et des ressources dans les aires accessibles et importantes.

En 1994, les pénuries de bois d'oeuvre aux États-Unis, la grande qualité du bois du Yukon et les droits de coupe peu élevés au Yukon ont accru la demande de bois de ce territoire et son exploitation. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien s'écarte de sa politique de protection des forêts et se tourne maintenant vers leur gestion durable et la mise en valeur de l'industrie forestière.

En vertu de l'Accord-cadre définitif sur les revendications territoriales des Premières nations du Yukon, 8 p. 100 des terres territoriales seront remises à titre d'indemnisation dans le cadre de la négociation et du règlement des revendications des 14 Premières nations du Yukon. Par conséquent, de nombreuses acres de terres forestières seront cédées aux Premières nations. Éventuellement, chaque Première nation pourra gérer, allouer et protéger ses propres ressources forestières dans les aires visées par le règlement de sa revendication.

Chaque Première nation doit mettre sur pied un conseil des ressources renouvelables pour assurer la gestion au niveau local de ses ressources renouvelables. Le ministère doit consulter les Premières nations et les conseils des ressources renouvelables dans le cas de l'adoption par le ministère de toute politique ou législation touchant les forêts, l'application d'herbicides ou de pesticides, les priorités de la lutte contre les incendies et l'établissement de plans de gestion des forêts.

Quatre Premières nations ont signé des ententes définitives et des ententes sur l'autonomie gouvernementale. Les quatre conseils des ressources renouvelables participent de plus en plus à la gestion des forêts du Yukon.

Une société de la Première nation de Liard, la Kaska Forest Resources, a conclu une entente de coupe du bois et s'est engagée à construire et exploiter une scierie dans la région du lac Watson. La plupart du bois coupé jusqu'à maintenant a été vendu en Colombie-Britannique. La Première nation de Liard a entrepris d'élaborer un programme de formation en exploitation forestière pour ses membres afin qu'ils puissent participer à l'industrie forestière en Colombie-Britannique, en Alberta et au Yukon.

Le Programme des affaires du Nord adjuge actuellement à ces Premières nations des marchés relatifs à la lutte contre les incendies au Yukon. Il a de plus mis sur pied un programme de formation de sapeurs-pompiers pour les membres des Premières nations. Une de ces Premières nations a élaboré un cours adapté à ses membres. Elle utilise le cours du Programme des affaires du Nord et y rajoute des recommandations provenant de ses aînés.

Le gouvernement du Canada s'est engagé à transférer aux territoires des pouvoirs de type provincial. Les Premières nations du Yukon sont consultées tout au long de la négociation de ces transferts avec le gouvernement du Yukon.

La présidente: Au deuxième paragraphe de la page 6, vous dites que quatre Premières nations ont signé des ententes définitives. S'agit-il de quatre Premières nations du Yukon?

M. Hatfield: Oui.

La présidente: Je suis intéressée par les nombreux programmes qui ont été mis sur pied à l'intention des peuples des Premières nations. Je suis sûre que nous en entendrons beaucoup plus au sujet de ces programmes à mesure que nous avancerons dans nos travaux. Vous avez fait état d'un grand nombre de programmes qui sont en cours.

Le sénateur Taylor: J'ai trouvé très intéressant ce que vous faites sur les terres des réserves et ce que vous faites pour aider les Autochtones à récolter leurs propres ressources. Cependant, les visites que nous avons effectuées nous ont ouvert les yeux sur tout un domaine que vous n'avez pas abordé. Vous n'avez pas parlé des terres à l'extérieur des réserves.

Ma première question concerne la politique que vous suivez pour ce qui est de tenir tête aux gouvernements provinciaux qui pourraient avoir donné des concessions forestières dans des zones visées par des revendications territoriales non encore réglées. C'est un silence assourdissant que l'on entend de la part d'Ottawa alors même que nos forêts sont emportées par tous les wagons de marchandises qui passent là en route pour le Japon.

M. Hatfield: Je vous parlerai plus particulièrement des droits fonciers issus des traités, notamment dans les Prairies.

Quand les parties négocient un règlement relatif aux droits fonciers issus des traités, il y a des terres que les Premières nations désignent et il pourrait certainement y avoir des concessions forestières dans les terres choisies par les Premières nations. Nous tentons de persuader les gouvernements provinciaux de ne pas accorder de nouvelles concessions dans ces zones étant donné que les terres de la Couronne provinciales qui feront partie des réserves octroyées aux Premières nations, doivent être libres de toute emprise de ce genre.

Par contre, quand il existe des licences et des permis toujours en vigueur, les Premières nations peuvent négocier avec les détenteurs de ces licences et permis et essayer d'en arriver à une entente avec eux afin qu'ils puissent poursuivre leurs activités.

Le sénateur Taylor: De quelle façon participez-vous aux négociations? Dans les régions du Lubicon et du nord de l'Alberta, par exemple, les négociations ne semblent guère, à défaut de menacer de recourir à la force physique et de brûler une baraque par-ci par-là, avoir d'emprise sur les entreprises qui détiennent les concessions. Ces entreprises estiment qu'elles traitent avec le gouvernement provincial et que les revendications territoriales des Autochtones sont un embêtement dont le gouvernement provincial peut s'occuper. Le gouvernement provincial, quant à lui, part du principe que, s'il perd plus tard en cas de poursuite, il pourra trouver de l'argent quelque part.

Dans l'intervalle, les dégâts sont importants. Ce n'est pas comme une concession de pétrole et de gaz sur des terres de valeur douteuse. Quand on coupe les arbres, on modifie la biodiversité et le style de vie auquel les Autochtones peuvent s'attendre. Il ne s'agit pas de les rémunérer à même les paiements qui auraient pu être effectués pour le bois coupé ou les produits de pâtes et papiers.

Je n'ai rien entendu à ce sujet de la part du gouvernement fédéral. Je dirais même que, quand nous avons interviewé vos collègues du ministère des Forêts, ils étaient dans l'ignorance totale et béate du fait qu'il pourrait y avoir une dimension autochtone à la gestion de l'exploitation forestière.

M. Hatfield: La négociation des revendications territoriales dans les provinces des Prairies, notamment en ce qui a trait aux droits fonciers issus de traités, est une obligation juridique à l'égard des Premières nations, qui découle de traités qui n'ont pas été respectés, notamment en ce qui concerne l'octroi de terres de réserves suffisantes. Dans ces cas-là, les provinces reconnaissent effectivement que, de par la loi, elles ont une obligation envers les Premières nations qui ont signé ces traités. Les provinces sont venues à la table en étant conscientes de cette obligation.

Pour ce qui est de l'octroi de terres pouvant être exploitées en vertu de concessions forestières existantes, il existe bien sûr des entreprises forestières qui exercent actuellement leurs activités dans ces terres en vertu des permis et des licences de récolte qu'elles détiennent. Nous accordons une aide financière aux Premières nations concernées, en vertu des programmes que j'ai décrits dans mon exposé. En vertu du Programme de négociation de l'accès aux ressources, des fonds sont accordés aux Premières nations pour la négociation d'ententes de cogestion avec les entreprises qui ont des concessions dans la région visée.

Nous fournissons aussi des fonds aux Premières nations si elles souhaitent évaluer les conséquences de cette exploitation pour leurs droits issus de traités et elles peuvent en discuter directement avec les compagnies concernées ou avec les gouvernements provinciaux dans le cadre des procédures d'évaluation environnementale. Elles peuvent aussi essayer de négocier pour atténuer ces conséquences toujours sur la base de leurs droits.

En plus de l'aide juridique ou de l'intervention dans ces cas extrêmes dont vous parlez, le ministère offre son aide aux Premières nations de plusieurs manières.

Le sénateur Taylor: Vous donnez l'impression de mettre les Autochtones dans une situation impossible. Vous semblez dire aux provinces que pour commencer il y a ces revendications territoriales découlant des traités. En plus, il y a ces droits conférés par les traités supposément pour le piégeage et la chasse qui s'étendent au-delà de la réserve, comme l'a reconnu à plusieurs reprises la Cour suprême. Vous dites que ces traités existent, que nous les reconnaissons mais en même temps vous confiez l'exploitation des forêts aux provinces. Vous obligez les Autochtones à reconnaître l'autorité des gouvernements provinciaux pour jouir de droits qui étaient les leurs quand le Canada a été créé. Autrement dit, vous avez fait un bébé que vous déposez devant la porte des provinces en leur disant que c'est leur responsabilité. Vous dites aux Autochtones de frapper à la porte devant laquelle vous l'avez déposé.

M. Hatfield: C'est la situation dans les Prairies. Je vous renvoie encore une fois à la Loi de 1930 concernant le transfert des ressources naturelles qui a transféré la gestion et la propriété des ressources aux provinces.

Le sénateur Taylor: Mais elle ne transférait pas les ressources contenues dans les ententes avec les Autochtones.

M. Hatfield: Les ressources protégées étaient les ressources dans les réserves.

Le sénateur Taylor: Iriez-vous jusqu'à dire que les droits des Autochtones approuvés depuis lors par la Cour suprême et qui s'étendent au-delà des réserves ont également été conservés par le gouvernement fédéral? Ils n'ont pas été transférés aux provinces. Ils ne pouvaient être transférés aux provinces.

M. Hatfield: Ces ressources ont été transférées aux provinces, mais les droits issus de traités sont les droits des Premières nations qui ont signé ces traités. Ils n'ont pas fait l'objet de transfert aux provinces. C'est un droit reconnu par le gouvernement fédéral.

Le sénateur Taylor: Vous dites qu'elles ont été transférées, mais qu'en est-il de la chasse et de l'utilisation des forêts à l'extérieur des réserves? Vous avez en fait essayé de vous en débarrasser auprès des provinces. Nous devrions pour le moins défendre vigoureusement les droits des Autochtones auprès des provinces. Nos Premières nations ne devraient pas avoir à reconnaître les provinces avant de pouvoir jouir de leurs droits.

M. Hatfield: En tant que membre des Premières nations qui a des droits conférés par les traités...

Le sénateur Taylor: D'où êtes-vous?

M. Hatfield: De Robertson Huron aux abords du territoire de Sudbury et de Sault Ste. Marie.

Le sénateur Taylor: Vous avez vu ce que les non-Autochtones ont fait au paysage de Sudbury. C'est le seul endroit où on peut faire des films sur la lune au Canada.

M. Hatfield: Lorsque j'étais à l'école, j'ai vu des astronautes de la NASA s'y entraîner pour leur marche sur la lune.

Les droits issus de traités sont reconnus par le gouvernement fédéral et peuvent être exercés hors-réserve. Pour ce qui est de la chasse, les Premières nations ont le droit de chasser pour leur subsistance et c'est la même chose pour la pêche. Les provinces ont reconnu les droits conférés par les traités aux Premières nations dans ces domaines précis.

Le sénateur Taylor: Les gouvernements provinciaux ont financé des ententes d'exploitation forestière. Le gouvernement de l'Alberta vient tout juste de radier un prêt de 234 millions de dollars à Millar Western parce que la compagnie prétendait ne pas pouvoir payer. Près d'Athabasca, la Louisiana Pacific n'a pas versé son dernier remboursement d'intérêt. Les temps sont durs. Son prêt l'était encore plus, environ 350 millions de dollars. Ces sommes prêtées au secteur non autochtone sont considérables. Certains vont jusqu'à dire que ces prêts facilitent le pillage et le viol de nos forêts, mais il n'en reste pas moins que vous avez accordé d'énormes subventions à ces gens. Par contre, s'agissant des subventions que vous avez accordées aux Premières nations pour les aider à se lancer dans l'industrie forestière, c'est une misère en comparaison de ce que vous avez accordé aux capitalistes japonais et autres qui ont fondu sur le Canada.

Quel est votre programme à long terme? Avez-vous un projet sur lequel pourront compter les entrepreneurs autochtones pour les aider à gérer leurs forêts?

Une colonie métisse de l'Alberta pratique l'exploitation forestière avec des chevaux de trait. Les arbres finiront par disparaître même avec cette technique ancestrale, mais cela prendra beaucoup plus longtemps qu'avec les grosses machines perfectionnées utilisées aujourd'hui. Ce genre d'exploitation donne aussi du travail à plus de monde.

M. Hatfield: Le Programme de négociation de l'accès aux ressources offre du financement aux Premières nations pour qu'elles entament des négociations de cogestion d'exploitation forestière avec les compagnies. En plus, il y a le Programme forestier des Premières nations. Il offre aux Premières nations du financement pour le développement économique. Si elles souhaitent se lancer dans l'exploitation forestière, elles peuvent le faire grâce au financement que nous leur offrons.

Je ne peux pas faire de commentaires sur les ressources financières offertes aux Premières nations par les gouvernements provinciaux. Je ne peux parler que des programmes que nous offrons au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il est possible que les Premières nations puissent accéder au Programme de développement des entreprises autochtones d'Industrie Canada. Autrement dit, les Premières nations ont accès à d'autres sources de financement au-delà du ministère des Affaires indiennes pour participer au développement économique.

Le sénateur Taylor: Je voulais simplement montrer que les provinces ne respectaient pas réellement l'esprit de leur engagement à faire respecter les droits des Premières nations puisqu'elles n'hésitent pas à inonder de centaines de millions de dollars les entreprises non autochtones. J'avais pensé que le gouvernement fédéral ou votre ministère devrait peut-être leur rappeler que pour cogérer, il faut aussi coprêter. Personnellement, j'estime que leur cote de crédit est largement supérieure à celle de certaines des entreprises auxquelles elles prêtent de l'argent.

Je tiens à rendre hommage à votre ministère et au gouvernement de la Saskatchewan, car, lors de notre visite, nous avons pu constater le bon état de la région de Meadow Lake. Cependant, il reste toujours un sentiment de «noblesse oblige», comme s'ils avaient invité les Premières nations à se joindre à eux. Elles étaient là et elles étaient copropriétaires de droits. Je suis peut-être trop difficile.

Le sénateur Spivak ne me pardonnerait jamais de ne pas vous avoir posé la question suivante. Lors de notre séjour au Manitoba, il nous est apparu évident que beaucoup de membres des Premières nations continuaient à vivre dans les régions boisées du nord du Manitoba. Pourtant, aucune concession n'a été accordée aux membres des Premières nations. Nous avons eu l'impression que ces terres avaient été promises à tout un tas de gens.

Le gouvernement fédéral ou le ministère des Affaires indiennes a-t-il essayé au cours des cinq ou six dernières années de négocier avec le gouvernement provincial du Manitoba la mise de côté de certaines terres pour les Premières nations?

M. Hatfield: Je ne peux pas faire de commentaires sur les cinq ou six dernières années. Cependant, je peux vous dire où en sont les négociations de revendications territoriales au Manitoba. Le gouvernement provincial ainsi que les Premières nations dont les revendications n'ont pas encore abouti participent aux négociations. Ils ont discuté du problème d'accès aux terres de la Couronne provinciales libres de toute activité et aux terres sur lesquelles il y a des activités forestières. Je pense en particulier à deux compagnies: Repap et Louisiana Pacific. Une de ces compagnies voulait étendre sa zone d'exploitation. Le ministre, M. Irwin, a écrit au ministre de l'Environnement qui à l'époque était Mme Copps pour exprimer son inquiétude devant des intérêts supplémentaires accordés à une compagnie alors que les négociations sur les revendications territoriales impliquant certaines de ces terres n'avaient pas encore abouti.

C'est la mesure de notre implication. Je crois que nous avons également déposé devant le groupe environnemental de la province qui étudiait la demande d'extension de la zone d'exploitation forestière de Louisiana Pacific.

Le sénateur Taylor: À propos de cette région, savez-vous si les exploitants forestiers ou si le gouvernement provincial du Manitoba ont jamais versé d'indemnisation aux membres des Premières nations qui ont perdu leurs lignes de piégeage suite à cette exploitation forestière?

M. Hatfield: Je ne me souviens pas si le gouvernement provincial a pris cet engagement à propos de la perte de ces lignes de piégeage d'animaux à fourrure. Je sais que dans les règlements de revendications territoriales, lorsqu'une ligne de piégeage est touchée par une zone qui doit revenir à la réserve, il demande à ce que le trappeur lui-même soit indemnisé de la perte de cette ligne de piégeage due à un règlement de revendication territoriale.

Le sénateur Taylor: N'oubliez pas que nous avons convenu que la Constitution reconnaît plus ou moins implicitement des droits de pêche et de chasse à l'extérieur des réserves.

M. Hatfield: Oui.

Le sénateur Taylor: Nos Autochtones pratiquaient ces activités longtemps avant que l'idée d'exploiter ces arbres pour en faire du bois de construction ou du papier n'ait germé dans un cerveau. Ces activités étaient ancestrales.

Avez-vous connaissance de toute autre indemnisation qui puisse avoir été versée aux peuples des Premières nations qui ont perdu leurs lignes de piégeage dans des régions hors-réserve ou potentiellement hors-réserve dans des provinces autres que l'Alberta ou la Saskatchewan?

M. Hatfield: Non, sénateur.

La présidente: Je vois que le Service canadien des forêts a administré le Programme des terres forestières des Indiens pendant 12 ans, de 1984 à 1996. Si j'ai bien compris, ce programme est désormais remplacé par le Programme forestier des Premières nations, n'est-ce pas?

M. Hatfield: C'est exact.

La présidente: Vous nous avez dit que ce programme avait pour but d'encourager le développement économique fondé sur les ressources forestières. Que s'est-il passé dans le cadre de ce nouveau programme pendant l'année qui vient de s'écouler?

M. Hatfield: Ce nouveau programme commence tout juste à démarrer, pour ainsi dire. Il n'a qu'un an. Nous entrons dans la deuxième année. C'est un programme qui fait participer les Premières nations au niveau de son administration.

Il y a un comité national qui comprend également un représentant de l'Association nationale de foresterie autochtone. Harry Bombay est le directeur exécutif et siège avec nous à titre temporaire. Il s'occupe de l'allocation budgétaire.

En termes de structure, il y a des comités de gestion régionaux dans la majorité des régions, sinon dans toutes. Ils incluent des représentants des Premières nations qui sont très actifs dans le secteur forestier. Ces comités de gestion régionaux ont en partie pour mandat d'allouer des ressources aux Premières nations qui soumettent des projets à financer. Les projets soumis sont examinés par ces comités de gestion régionaux et ils offrent un financement de soutien dans la limite de leurs budgets aux activités forestières des Premières nations qui peuvent aller de la simple scierie locale à la conclusion d'ententes avec des compagnies hors-réserve à des fins de développement économique.

La présidente: Nous nous sommes rendus en novembre en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Il me semble que nous n'avons entendu parler que d'une entreprise en cogestion. Ce programme forestier ne vise pas les entreprises en cogestion, n'est-ce pas? Il concerne plus les questions des Premières nations?

M. Hatfield: Ce programme autorise l'exploitation forestière en cogestion. En plus, l'autre programme que j'ai mentionné, le Programme de négociation de l'accès aux ressources, financera les Premières nations qui présentent des propositions dans le secteur forestier. Il s'intéressera également au financement d'exploitation en cogestion de cette ressource. C'est un peu comme si les Premières nations avaient accès à deux programmes de cogestion pour le secteur forestier et pour d'autres ressources.

La présidente: Vous dites au premier paragraphe de la page 4 que:

Les gouvernements du Canada et l'industrie forestière s'apprêtent à mettre en oeuvre des processus d'accréditation basés sur les pratiques forestières au Canada en réponse aux boycottages possibles de certains marchés.

On nous a dit dans les trois provinces que nous avons visitées qu'il n'y avait en fait aucun programme d'accréditation forestière en place. Est-ce que certains de ces programmes d'accréditation ont été mis en place depuis?

M. Peter Wyse, gestionnaire, Ressources naturelles, Direction de l'environnement et des ressources naturelles, Direction générale des terres et de l'environnement, Services fonciers et fiduciaires, ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada: Je crois savoir que le programme d'accréditation n'a pas encore été mis en place officiellement. Il faut commencer par définir les critères d'accréditation. Une fois les normes définies, il faudra procéder à des vérifications. Pour le moment, il n'y a rien de nouveau sur le terrain bien qu'on me dise que certaines compagnies versent, par exemple, une prime pour le bois qui vient de forêts qui sont réputées être bien gérées.

La présidente: Voyez-vous un avantage pour les Premières nations de tels programmes?

M. Wyse: Je suis certain qu'à l'avenir un des critères sera lié aux droits ancestraux et issus de traités. Ce sont certainement les forces du marché qui détermineront la reconnaissance de ces droits. L'impact sera important. Je crois que la participation des Premières nations à la gestion durable des forêts sera un autre critère quelles qu'en soient la mesure et la définition. Ce sera aussi fort utile.

Le sénateur Taylor: Nous nous faisons peut-être des illusions sur l'importance future de la participation des Premières nations à l'accréditation, surtout au niveau des acheteurs européens et de quelques autres, pour garantir que ce bois vient non seulement d'exploitations durables, mais qu'il est coupé avec l'autorisation des Premières nations et dans le but d'aider au développement des Premières nations. Ce sera important au niveau de la commercialisation de ce bois.

Je crois savoir -- je me trompe peut-être -- que si cette accréditation prend si longtemps c'est parce qu'entre autres les fabricants actuels s'en inquiètent beaucoup tout comme les gouvernements provinciaux. Il est possible que le gouvernement fédéral y mette moins d'enthousiasme qu'il le devrait parce qu'il la considère comme un moyen de pression potentiel pour les Premières nations. En bref, cette accréditation est peut-être mort-née.

Qu'en pensez-vous?

M. Wyse: Cette accréditation est là pour rester. À mon avis, elle se fera, mais il est possible que la question des normes d'accréditation pose un problème. Je crois que cette accréditation se fera, certainement.

Le sénateur Taylor: Vous parlez au cinquième paragraphe de la page 3 de l'accès des Premières nations aux ressources de la forêt boréale à l'extérieur des réserves.

Comme cela a déjà été mentionné, il n'y a pas de système de prêt pour les aider pour les terres hors-réserve, ou est-ce simplement un problème causé par les revendications? Va-t-on finir par voir un MacMillan Bloedel de la Nation crie pointer le nez quelque part?

M. Hatfield: Le paragraphe que vous citez se réfère aux droits fonciers issus de traités et aux revendications globales.

Le sénateur Taylor: Cela s'appliquerait également au troisième paragraphe de la page 4 où vous dites que le ministère participe actuellement à un certain nombre de processus qui pourraient finalement accroître le contrôle des terres forestières par les Premières nations. Encore une fois il s'agirait du problème des revendications territoriales?

M. Hatfield: C'est exact.

La présidente: Dans votre texte, vous énumérez les divers programmes en place. J'aimerais savoir quelles autres politiques et quels autres programmes sont désormais nécessaires pour défendre les intérêts des Autochtones en matière forestière. Quelles politiques et quels programmes supplémentaires seraient nécessaires? Que devrions-nous envisager?

M. Hatfield: À propos de nos programmes existants, j'ai parlé du Programme forestier des Premières nations. Ce programme comprend un comité national de gestion ainsi que des comités régionaux de gestion. À ces comités sont représentées les Premières nations, à la fois l'Association nationale de foresterie autochtone, et les Premières nations qui sont, pour ainsi dire, engagées dans l'industrie forestière. Ces comités permettent aux Premières nations d'exposer leur position concernant les politiques et les projets forestiers. J'ai participé à des réunions nationales de cet organisme avec des représentants du Service canadien des forêts. Nous discutons aussi du programme et des politiques.

Dans les procédures existantes, les Premières nations ont la possibilité d'exposer leur point de vue sur le genre de politiques et de programmes que nous devrions adopter.

M. Wyse: Nous avons mis en place des programmes pour faciliter l'accès des Premières nations aux forêts hors-réserve par le biais de la cogestion et d'autres mécanismes. En plus, certaines provinces mettent en place des régimes par le biais desquels les Premières nations peuvent avoir accès au bois.

Certaines communautés sont arrivées à la phase initiale où elles ont désormais accès au bois. Elles s'aperçoivent qu'elles ont maintenant besoin d'argent pour établir les fabriques qui utilisent le bois. Nous commençons à recevoir des demandes d'aide au financement de certaines de ces entreprises de fabrication. Comme vous le savez, l'exploitation forestière ne représente que la première étape. Nous recevons certaines demandes de financement assez importantes.

La présidente: Ces fonds sont-ils disponibles en vertu de certains de ces programmes?

M. Wyse: Ces fonds ne sont pas disponibles en vertu des programmes que j'ai énoncés.

La présidente: Il faudrait donc des fonds supplémentaires.

Monsieur Aubin, vous avez quelque chose à dire?

M. Gilbert Aubin, conseiller forestier, Direction de l'environnement et des ressources renouvelables, ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada: Je m'occupe seulement du Yukon et, jusqu'ici, vous êtes restés du côté sud du 60e parallèle.

La présidente: Nous déménageons donc immédiatement au Yukon.

M. Aubin: Au Yukon, les Premières nations entretiennent de bonnes relations parce qu'elles ont signé un accord-cadre définitif en 1993. Tout ça leur fait pas mal de terres comme point de départ. Seulement quatre nations ont signé des accords jusqu'ici, mais ce qui reste des terres leur est toujours réservé. Dans certains cas, il ne s'agit que d'un chevauchement entre une Première nation et une autre. Elles doivent aussi décider exactement quelles terres elles veulent.

En plus de cela, l'accord-cadre définitif prévoit la création de comités dont l'un s'appelle le Conseil sur les ressources renouvelables. De tels groupements donnent des conseils à la Première nation elle-même concernant les terres consenties en vertu de l'accord, mais ils donnent aussi des conseils au gouvernement fédéral et au gouvernement du Yukon à propos des terres qui ne sont pas visées. Il s'agit des terres traditionnelles et, si vous voulez, le Yukon dans son ensemble sera visé par cela le jour où tout sera réglé et que les accords auront été signés.

Vu sous cette angle, les Premières nations ont donc leur mot à dire concernant non seulement les forêts, mais aussi la faune et d'autres choses de ce genre.

La présidente: Elles ont donc une longueur d'avance sur les autres?

Le sénateur Taylor: Elles ont peut-être même trois ou quatre longueurs d'avance.

M. Aubin: Oui. La seule compagnie du Yukon qui ait un accord à long terme, si on peut s'exprimer ainsi, c'est une compagnie qui s'appelle Kaska et qui appartient à une Première nation. C'est la seule compagnie du Yukon qui dispose d'un accord sur la coupe du bois parce que personne, jusqu'ici, n'a réussi à construire de scierie là-bas. Il y a très peu de scieries. Les permis de coupe ne concernent que de très petites superficies, sauf pour le permis accordé à Kaska qui a déjà coupé pas mal de bois au cours des cinq dernières années.

Soit dit en passant, Kaska a acheté une compagnie là-bas. Trois compagnies ont fait faillite pendant les années 80 et Kaska a acheté la dernière.

L'an dernier, on a réussi à faire décoller un très bon programme de formation. Il servira à former une trentaine d'Autochtones pendant une période de deux ans. La partie théorique du cours se donne en Colombie-Britannique dans une institution où l'on enseigne le côté technique de la chose. Ensuite, les étudiants vont en forêt compléter un stage de formation sur le tas. Lorsqu'ils ont leur diplôme en main, ils peuvent aller travailler n'importe où en Alberta, en Colombie-Britannique ou au Yukon.

La présidente: Qu'est-ce qu'il advient du bois qu'ils coupent?

M. Aubin: Vous voulez dire le bois coupé par Kaska?

La présidente: Oui.

M. Aubin: Une partie du bois sert à la construction de maisons de rondins au Yukon, mais le gros de la coupe est envoyé en Colombie-Britannique. Il n'y a pour ainsi pas de scieries au Yukon. Jusqu'en 1994, c'est à peine si on y coupait du bois à cause des difficultés de transport. Tout d'un coup, il y a eu une forte demande de bois provenant des États-Unis et de la Colombie-Britannique. Les forêts du Yukon ont donc subi ces pressions. Même si le prix des billes de sciage a diminué au Yukon, cette pression en provenance de la Colombie-Britannique et de l'Alberta ne fera qu'augmenter.

D'une certaine façon, c'est une bonne chose que ces problèmes de la grosse industrie forestière ne se soient pas fait sentir jusqu'ici dans cette région. L'industrie la plus importante là-bas c'est le tourisme, pas l'exploitation forestière.

La présidente: Et quel est le nom de cette compagnie?

M. Aubin: Il s'agit de la Liard First Nation company.

La présidente: Et cette compagnie a racheté des compagnies plus petites?

M. Aubin: Elle a acheté la seule compagnie qui avait une scierie qui avait de l'allure là-bas.

La présidente: Et où la Kaska a-t-elle obtenu l'argent pour acheter cette scierie?

M. Aubin: L'accord signé avec le ministère prévoyait qu'on mettrait 2 $ du mètre cube en fiducie pour l'achat d'une scierie. Il y a donc déjà un peu d'argent mis de côté pour cet achat. De plus, la compagnie essaye de trouver un associé. Elle a eu des problèmes à se trouver un associé probablement parce qu'il y avait un associé à une certaine époque et que les choses n'ont pas bien tourné. L'associé a laissé tomber parce qu'il voyait venir les pressions.

La présidente: Et quelle superficie du Yukon est occupée par la forêt boréale? Vous avez dit 60 p. 100?

M. Aubin: Oui.

La présidente: Et c'est de la forêt vierge? Est-ce qu'on y a déjà fait chantier?

M. Aubin: À part une petite partie dans la région du sud-ouest et un autre endroit dont je vous parlerai tout à l'heure, on n'y a jamais coupé de bois. Il y a eu des incendies de forêts, cependant. La forêt y brûle plus souvent qu'ailleurs parce qu'il s'agit d'une région semi-aride. Les hautes montagnes du côté sud-ouest forment barrière aux nuages. Il y tombe à peu près un tiers de ce qui tombe ici. Le paysage est très beau, mais la forêt brûle. Elle brûle sur un cycle variant de 50 à 75 ans. La limite extrême est de 100 ans, mais seulement pour les régions les plus au sud.

Il ne faut pas oublier la Ruée vers l'or et ses effets sur la forêt. Pendant la Ruée vers l'or, toute la forêt le long de la rivière Yukon a été abattue parce qu'on avait besoin de bois pour construire des bateaux. C'était de la belle épinette blanche partout et tout a été abattu. Cent ans plus tard, la forêt est revenue et ça nous montre ce que peut faire la nature.

C'est une très petite partie. On ne la verrait même pas sur une carte. La forêt a été totalement abattue, mais elle a maintenant repoussé. Je ne sais pas si elle est maintenant exactement comme elle était avant ni si tous les animaux sont revenus. Nous savons tout simplement que la forêt s'est régénérée toute seule.

Le sénateur Taylor: Je crois que le Yukon, comme vous le dites, avait une bonne longueur d'avance par rapport au reste du Canada pour ce qui est de la façon dont il traite sa forêt et surtout ses Premières nations.

À la page 4 de votre mémoire, vous parlez du projet Innovations en cogestion quadriennal de la Saskatchewan dont le budget annuel est de 600 000 $. Quelle portion de ce montant provient du gouvernement fédéral?

M. Hatfield: Le montant tout entier.

Le sénateur Taylor: D'après nos visites aux chantiers de bois de pulpe et de bois en grume dans le nord de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba, il ne fait aucun doute que les citoyens des Premières nations étaient les coupeurs de bois et les porteurs d'eau et il y a toujours des femmes des Premières nations qui travaillent comme employés de bureau, mais nous avons constaté un manque déplorable de membres des Premières nations lorsqu'on grimpe un peu dans l'échelle salariale. Contrôlez-vous les choses pour voir à quel niveau se situent les emplois créés?

M. Hatfield: Je ne crois pas que nous le fassions.

Le sénateur Taylor: Il n'y a pas beaucoup de chefs des Premières nations dans les scieries. À vrai dire, on n'y trouvait guère beaucoup de Canadiens non plus.

La présidente: À la page 1, vous dites que presque 500 communautés des Premières nations se trouvent situées en zone de forêt boréale. Combien de communautés des Premières nations y a-t-il?

M. Hatfield: Il y en a plus de 600.

La présidente: Merci beaucoup de vous être déplacés jusqu'ici ce soir. Nous avons bien aimé votre présentation.

La séance est levée.


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