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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 61 - Témoignages - Séance de l'après-midi


OTTAWA, le mardi 22 avril 1997

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-17, Loi modifiant le Code criminel et certaines lois, se réunit aujourd'hui à 16 h 02 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-17, Loi modifiant le Code criminel et certaines lois. Nous recevons cet après-midi deux groupes de témoins, la Criminal Lawyers' Association of Ontario et l'Association du Barreau canadien.

L'Association du Barreau du Québec a également été invitée à comparaître, mais a décliné notre invitation. Ce sont là les seuls témoins qui ont manifesté l'intérêt de comparaître devant le comité.

Monsieur Wakefield, je vous prierais de commencer.

M. Robert Wakefield, directeur régional (Ottawa), Criminal Lawyers' Association of Ontario: Madame la présidente, bien qu'il ne sied jamais de commencer par une excuse, j'ai bien peur de n'avoir aujourd'hui d'autre choix. Je m'excuse du fait que la Criminal Lawyers' Association n'ait pu soumettre un mémoire. On m'a demandé de remplacer, à quelques heures d'avis, M. Durno, qui ne pouvait assister à la réunion. Je dois avouer que je n'ai pas une connaissance très poussée du projet de loi. J'ai cependant reçu certaines instructions de la Criminal Lawyers' Association. Ce que je vais dire ne reflète pas nécessairement mes vues, mais ce que l'association m'a demandé de soulever pour son compte.

La Criminal Lawyers' Association a trois grandes préoccupations. Elle est d'accord avec une bonne partie du contenu du projet de loi. Elle est d'avis qu'il contient de nombreuses suggestions positives et de nombreux amendements nécessaires au Code criminel qui amélioreront et préciseront des choses. On y retrouve plusieurs suggestions proposées à l'origine par la Criminal Lawyers's Association. Il va sans dire qu'elle est d'accord avec ses propres recommandations.

Une première préoccupation concerne la disposition sur la caution contenue à l'alinéa 59(2)c). Les alinéas a) et b) ressemblent beaucoup aux critères actuels. L'association se demande si l'on a ajouté l'alinéa c) parce qu'il y avait lieu de croire que, dans un très grand nombre de cas, où les personnes accusées omettaient de se présenter devant la cour alors que de graves accusations pesaient contre elles.

Bien qu'elle ne s'appuie sur aucune preuve statistique, mais que sur des données fournies par des membres de la profession, l'association est d'avis qu'en général les gens sur qui pèsent de graves accusations se présentent à leurs procès et que les manquements à ce chapitre, contrairement à l'article 145 du Code criminel sont généralement le fait d'accusés qui sont socialement perturbés, que ce soit en raison de l'alcool ou d'une maladie mentale, ou de personnes au bout du rouleau qui ne peuvent se prendre en main pour faire quelque chose. Elles sont habituellement traduites en justice pour des infractions mineures et c'est davantage par négligence que de propos délibéré qu'elles ne se présentent pas devant la cour.

Nous ne croyons pas que le nombre de personnes accusées de crimes graves qui négligent de se présenter devant la cour soit élevé. Si c'est là la preuve qui a été déposée devant le Parlement, la Criminal Lawyers' Association n'était pas au courant et estime que c'est la seule sorte de preuve qui justifierait un tel amendement.

La deuxième préoccupation, c'est que le libellé est très vague, d'une portée trop générale et très difficile à définir. La notion voulant que la détention d'un prévenu sous garde ne soit justifiée que s'il a démontré «une autre juste cause» ne fournit pas beaucoup d'indications au juge de paix ou au juge qui entend l'affaire. Pendant de nombreuses années, la règle de base a été de relâcher l'accusé à moins qu'il existe une raison impérieuse de le garder en détention. La principale raison était qu'il ne se présenterait pas à son procès et la deuxième, qu'il commettrait de nouvelles infractions. Les tribunaux semblent avoir été capables d'interpréter ces deux critères de façon appropriée et de les appliquer de façon relativement uniforme, mais on s'inquiète de l'ajout de l'alinéa c) qui est très vaste et qui ne fournit pas beaucoup d'instructions pour ceux qui prennent ce genre de décisions.

L'association est d'avis que cette disposition entraînera une augmentation du nombre de personnes détenues, ce qui semble être son objet. Si davantage de gens sont gardés en détention, il faudra accélérer les procès. Nous craignons ne pas disposer des ressources voulues pour instruire ces procès en temps opportun.

Il est plus acceptable pour un accusé qui n'est pas détenu d'attendre un an ou 18 mois son enquête préliminaire et son procès. Le système judiciaire, comme toute autre institution du gouvernement, réduit les coûts et les ressources, et cela créera des difficultés pour les personnes détenues aux termes de cette disposition.

La préoccupation suivante est essentiellement d'ordre philosophique. Dans notre système de justice, il y a une présomption d'innocence. Si l'État choisit de détenir sous garde une personne en attendant le procès et qu'il y a par la suite acquittement, cela crée un semblant d'injustice et de rigueur qui peut finalement miner la confiance du grand public dans l'administration de la justice. Autrement dit, si trop de gens sont détenus pendant trop longtemps, il se peut que la population développe envers le processus judiciaire un cynisme qui n'est pas sain et ne contribue pas au respect général de la loi.

Je comprends l'argument voulant que les gens relâchés commettent de nouvelles infractions, ce qui accroît également le cynisme de la population et ne contribue pas au respect de la loi et de l'ordre. C'est une question difficile à équilibrer.

La Criminal Lawyers' Association estime que parfois on tente de se servir de la procédure pour punir davantage les accusés, leur causer un certain désagrément, qui, dans ce cas-ci, n'est pas négligeable en les détenant sous garde avant que ne soit établie l'innocence ou la culpabilité. L'administration de la justice devrait prendre des mesures pour s'assurer que le processus ne deviendra pas punitif; ce n'est qu'une fois trouvé coupable qu'on s'expose à cette peine et à ce châtiment. On craint que cette disposition mine ce principe de base.

La préoccupation suivante concerne l'absence de l'accusé. Dans certains cas, le consentement de l'accusé peut être nécessaire pour l'exclure et dans d'autres cas, non. Je crois que la Criminal Lawyers' Association serait d'avis qu'il est prudent de donner au juge, à l'enquête préliminaire, le pouvoir discrétionnaire de tenir l'audience en l'absence de l'accusé. Cependant, en toutes circonstances, il faudrait obtenir le consentement de l'accusé. Celui-ci ne devrait pas être exclu de l'un quelconque de ces processus s'il veut assister à l'audience et est en mesure de le faire. Quand il demande à être exclu, ou consent à ce que la Couronne demande qu'il le soit, le juge au procès ou à l'enquête préliminaire devrait avoir le pouvoir discrétionnaire d'acquiescer à sa demande.

La raison pour ce faire est fondamentale. Tout le processus consiste en un examen de la conduite de l'accusé, dans l'espoir qu'il se rende compte que sa conduite enfreint la loi. Il s'agit d'un examen minutieux de ce qu'il a fait et de ce qui va lui arriver. Il est au centre de toute l'enquête et il n'est que normal qu'il y assiste et qu'il n'en soit pas exclu contre son gré.

Je crois qu'il est possible aux termes de cette mesure législative qu'un accusé soit condamné en son absence. Après la condamnation, le processus de détermination de la peine est le principal objet de toute l'enquête. C'est la question qui intéresse le plus l'accusé et il vaudrait mieux, dans l'intérêt de la justice et dans l'intérêt de l'accusé, qu'il soit physiquement présent au tribunal au moment où la sentence est imposée.

L'amendement proposé au paragraphe 355(1) créerait une nouvelle infraction de responsabilité criminelle pour l'occupant d'un véhicule volé, simplement du fait qu'il sait que le véhicule est volé. C'est une extension de la responsabilité criminelle. C'est nouveau et différent. Il faut penser aux autres applications possibles de cette proposition. C'est déroger grandement à la loi actuelle, qui exige la connaissance plus un certain genre de contrôle. Le seuil de responsabilité criminelle serait établi très bas.

On m'a donné l'exemple de parents qui apprennent que leur enfant a participé à un vol. Je me rends compte que cet amendement est limité aux véhicules automobiles, mais c'est la première étape d'une extension de la responsabilité pour simplement savoir ce qui s'était passé.

Je ne sais pas ce qui a amené le ministère de la Justice à rédiger cette mesure législative. J'ai demandé leur avis à certains procureurs de la Couronne. Ils croient que c'était pour couvrir une situation où la police sait qu'une voiture est volée, que les adolescents qui l'occupaient se sont enfuis, et que la police est incapable de déterminer qui conduisait le véhicule. Donc, on pourrait tous les accuser dans l'espoir que quelqu'un admettra sa responsabilité, mais cela n'arrive pas toujours et il est très difficile pour les tribunaux, dans ces circonstances, de dire qui en fait était au volant. Par conséquent, ces cas se soldent souvent par l'acquittement enregistré de tous les occupants.

Si le but de cette disposition est de couvrir cette situation, elle va peut-être trop loin. C'est peut-être prendre un moyen démesuré pour régler un problème mineur.

De même, imposer l'obligation de quitter le véhicule dès que les circonstances le permettent ne concorde pas avec la réalité. C'est peut-être mettre de jeunes contrevenants dans la très difficile position d'exercer un jugement qu'ils sont vraiment incapables d'exercer dans certaines circonstances. Ce serait bien s'il s'agissait tous d'enfants modèles qui, dès qu'ils découvrent que quelqu'un a volé la voiture, en descendent au premier arrêt et s'enfuient. Toutefois, je ne pense pas que les choses se passent ainsi dans la réalité.

C'était là les commentaires qu'on m'avait demandé de vous faire au nom de la Criminal Lawyers' Association.

Le sénateur Jessiman: Pour en revenir à cette dernière partie, ils ne sont pas coupables s'ils ne savent pas que le véhicule a été volé. Ils ne sont coupables que s'ils savent qu'ils sont dans un véhicule volé. S'ils ne peuvent en descendre, ils ne peuvent en descendre, mais s'ils peuvent le faire et ne le font pas, ils commettent un crime. Qu'y a-t-il de mal à cela? S'ils savent qu'ils sont dans un véhicule volé et qu'ils y restent pour profiter de la randonnée ou pour n'importe quelle autre raison, ne devrait-il pas y avoir une certaine culpabilité ici?

M. Wakefield: Il y a peut-être une certaine responsabilité morale, mais devrait-il y avoir une culpabilité légale débouchant sur une sentence d'emprisonnement? Toutes ces infractions entraînent une peine d'emprisonnement comme sanction ultime et la question est de savoir si elle est appropriée pour ne pas simplement s'être sauvé.

Le sénateur Jessiman: Pour ne pas en être descendu.

M. Wakefield: Oui, pour ne pas en être descendu.

Le sénateur Jessiman: Ils n'ont pas à s'enfuir. Ils doivent sortir du véhicule s'ils le peuvent. S'ils ne peuvent pas, ils peuvent dire: «Écoutez, nous roulions à 80 milles à l'heure. Comment vouliez-vous que je descende?»

M. Wakefield: Oui, ou si l'endroit était isolé et s'il faisait froid ou si, en descendant de la voiture, ils n'avaient nulle part où aller.

Le sénateur Jessiman: Si c'était la raison pour laquelle ils n'étaient pas descendus de la voiture, ce serait suffisant pour qu'ils ne soient pas trouvés coupables.

La présidente: Vous avez dit que l'audition d'une instance ne peut se tenir en l'absence d'un accusé que si ce dernier y consent.

M. Wakefield: Je crois avoir dit que ce serait à la discrétion du juge de première instance.

La présidente: D'accord.

M. Wakefield: Il évaluerait de nombreux critères pour exercer cette discrétion, outre le consentement de l'accusé, mais si l'accusé ne donnait pas son consentement, il devrait participer à l'audition, à moins qu'il existe une raison impérieuse, que je ne peux imaginer pour le moment, de l'exclure.

La présidente: Les fonctionnaires pourraient peut-être nous dire exactement où se trouvent ces dispositions dans le projet de loi.

M. Fred Bobiasz, conseiller juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, Secteur des politiques, ministère de la Justice: Madame la présidente, je réalise le dilemme dans lequel se trouve M. Wakefield, puisqu'on lui a confié ce travail tard dans le processus, mais il n'existe aucune exposition de ce genre dans ce projet de loi. Il en existait une dans le projet de loi C-42 pour permettre à un accusé de ne pas assister à l'audition, mais c'était à la requête de l'accusé. En toute justice pour M. Wakefield, je suis sûr que l'information lui a mal été communiquée. Je crois que la préoccupation concerne plusieurs dispositions qui permettent des comparutions à distance par des accusés, que ce soit par vidéoconférence ou, pour certaines auditions, par téléphone.

Le sénateur Nolin: Ce n'est pas ce projet de loi-ci. C'était dans celui que nous avons étudié la semaine dernière.

M. Bobiasz: Non, sénateur, c'est ce projet de loi-ci. Il comporte des dispositions qui n'excusent pas la présence de l'accusé, mais permettent la présence de l'accusé indirectement, soit par vidéoconférence, téléphone ou d'autres moyens de communication.

On en trouve un exemple à l'amendement à l'article 515 qui concerne les comparutions pour des questions de caution.

La présidente: C'est à la page 31 du projet de loi.

M. Bobiasz: Il existe un autre amendement à l'article 537 qui figure à la page 33 et un autre pour des questions de condamnation par procédure sommaire aux pages 48 et 49 du projet de loi.

La présidente: Dites-vous que rien dans ce projet de loi n'interdirait à l'accusé de comparaître à sa propre audition pour le prononcé de la sentence?

M. Bobiasz: Il existe une disposition pour comparaître par voie de vidéoconférence, mais pas pour l'excuser de l'audition.

Le sénateur Milne: Le consentement de l'accusé est nécessaire?

M. Bobiasz: sénateur, dans certains cas, il le serait et dans d'autres, il ne le serait pas. La disposition qui va le plus loin est l'amendement au paragraphe 515(2.2) qui établit une distinction dans le cas d'un accusé qui ne peut comparaître indirectement que par téléphone. Si c'est le seul moyen possible, le consentement est exigé.

Le sénateur Milne: Le paragraphe (2.3) modifié stipule:

Le consentement du poursuivant et de l'accusé est nécessaire si des témoignages doivent être rendus [...]

M. Bobiasz: C'est aussi une restriction. Tout d'abord, il n'y a pas de notion visant à excuser ou à ne pas permettre la présence de l'accusé.

La présidente: Voici l'article qui nous intéresse réellement:

Le prévenu tenu par la présente loi de comparaître en vue de la mise en liberté provisoire le fait en personne ou par le moyen de télécommunication, y compris le téléphone, que le juge de paix estime satisfaisant et, sous réserve du paragraphe (2.3), autorise.

Monsieur Wakefield, cela change-t-il d'une quelconque façon votre idée là-dessus? Je ne vous demande pas de parler au nom de la Criminal Lawyers' Association, mais en votre qualité d'avocat qui pratique au criminel.

M. Wakefield: Selon le paragraphe (2.3), le consentement est nécessaire seulement si un témoin doit être appelé, si je comprends bien. Si aucun témoin n'était entendu, le consentement de l'accusé ne serait pas nécessaire.

M. Bobiasz: J'ai découvert une autre disposition qui concerne l'amendement proposé à l'article 650.

La présidente: J'imaginais que le but de cet article était de permettre à un accusé de faire face à celui qui l'accuse.

M. Bobiasz: Dans les deux cas, vous faites face à votre accusateur; vous ne faites qu'utiliser un lien vidéo pour le faire. D'une façon plutôt prudente, nous essayons de permettre aux tribunaux de régler les questions de routine préalables au procès sans avoir à promener les détenus d'un endroit à l'autre. Ils sont toujours capables de se présenter devant la cour et de faire face à leurs accusateurs pourvu qu'une installation de vidéoconférence soit disponible.

Le sénateur Gigantès: Est-ce une question de coût? Est-ce ce dont nous parlons?

M. Bobiasz: Il s'agit de faire entrer le système judiciaire dans l'ère moderne, je suppose, et le coût en est un aspect. La sécurité en est un autre. Essentiellement, cela vise à permettre aux tribunaux de fonctionner de la façon dont fonctionnent d'autres institutions, tout en gardant à l'esprit la nécessité de conserver une équité en matière de procédure.

La présidente: Monsieur Wakefield, je crois comprendre que vous n'êtes toujours pas satisfait.

M. Wakefield: Oui, et c'est parce que l'enquête concerne l'accusé et sa conduite. Je suis d'avis personnellement qu'il devrait y assister. Je comparais rarement comme mandataire de mes propres clients comme mandataire. Je veux qu'ils assistent à l'audition. Je veux qu'ils soient capables de fournir leurs propres directives. Je veux qu'ils voient ce qui arrive. Je veux qu'ils sachent quelle est l'atmosphère. Il y a une grande différence entre regarder un événement important à la télé et y assister. Je crois que l'accusé doit être présent. Je ne parle pas de mon point de vue d'avocat de la défense, mais comme citoyen. Outre les économies sur le plan des coûts, je ne peux pas comprendre pourquoi un procureur de la Couronne ne ferait pas la même requête.

La présidente: D'un point de vue différent, je crois que nous devons faire entrer la justice, comme toute autre chose, dans l'ère moderne. Je pense aux examens médicaux très détaillés qui sont maintenant effectués avec un médecin en un endroit et une infirmière qui s'occupe d'un patient ailleurs. Il est vrai que cela permet d'économiser, mais dans ce cas-ci, cela fournit également de meilleurs soins médicaux parce que cela vous permet d'amener des spécialistes dans des communautés éloignées.

M. Wakefield: Ce que je veux dire, c'est que si l'on veut qu'une leçon porte, il vaut mieux le faire en personne. Dans votre exemple, je ne pense pas que vous obligeriez quelqu'un à se soumettre à ce genre de traitement. S'ils voulaient aller à l'hôpital d'Edmonton, ils seraient libres de le faire. Je demande que les accusés aient la même possibilité.

Cela dit, je pense que bon nombre d'entre eux ne voudraient pas y assister. Ils seraient heureux de ne pas le faire. Ils seraient ravis de ne pas avoir à s'asseoir et à écouter, mais je pense qu'ils devraient y assister.

Le sénateur Nolin: J'ai une question au sujet de l'article 46 du projet de loi qui concerne les pouvoirs accrus accordés aux agents de police quand un mandat n'est pas nécessaire. Je suis préoccupé par cet article qui modifie l'article 487.1 de la loi.

Pourriez-vous nous donner quelques exemples qui illustrent le bien-fondé de cet article? Même si je fais beaucoup confiance aux policiers, je crains qu'à un moment donné, ils s'intéressent moins aux éléments requis pour obtenir un mandat et décident d'agir sans mandat parce que la situation est urgente. Pour quelles raisons avez-vous décidé d'introduire cet amendement?

M. Bobiasz: Je ne sais pas si vous voulez les exemples ou l'explication fournie lors de la séance hier.

Le sénateur Nolin: Les exemples.

[Français]

M. Bobiasz: Les circonstances exigeantes sont définies, la plupart du temps, dans des situations où la situation est telle que, si on n'agit pas, il y a une possibilité réelle qu'une preuve ou un autre indice va être détruit ou va être perdue. L'autre genre de situation est où il y a la possibilité qu'une personne soit en danger. Assez souvent, cela arrive avec l'arrestation d'une personne dans une automobile. Avec le contact entre le conducteur et le policier, il se développe une base raisonnable de croire que, dans l'automobile, il peut y avoir quelque chose de pertinent.

Si la police n'agit pas tout de suite, il y a une grande possibilité que l'automobile va disparaître. Cela c'est un cas. Un autre cas qui arrive assez souvent est celui où la police a une indication qu'une personne a, sur sa personne ou dans un lieu, des stupéfiants. Si la police attend le temps nécessaire pour obtenir un mandat, les stupéfiants ou les substances vont disparaître aussi.

Le sénateur Nolin: Oui, mais le Code prévoit déjà des pouvoirs aux policiers qui ont des raisons raisonnables de croire qu'un acte criminel sera commis ou est en train d'être commis ou a été commis, d'agir sans mandats; ces pouvoirs-là existent déjà.

M. Bobiasz: Pas pour des perquisitions.

Le sénateur Nolin: Pas pour des perquisitions, mais de la façon que l'article 487.11 est écrit, c'est pour exercer tous les pouvoirs que prévoit la présente loi, entre autres les pouvoirs de perquisition.

M. Bobiasz: Ce sont des pouvoirs décrits dans l'article 487.1, ou à l'article 492.1. On y trouve les pouvoirs de perquisition.

Le sénateur Nolin: C'est l'arrestation qu'ils peuvent faire sans mandat, je suis d'accord. Ils ne pouvaient pas faire une perquisition.

M. Bobiasz: L'autre chose qui est très importante pour justifier le besoin de cet article est le fait que récemment le Parlement a adopté le projet de loi C-8, la nouvelle Loi sur les stupéfiants. Peut-être, qu'il y a un aspect de cette loi sur lequel vous ne vous êtes pas penchés: il y a un changement qui introduit dans la Loi un article semblable.

Le sénateur Nolin: On a émis les mêmes préoccupations à l'époque, oui.

M. Bobiasz: Comme cela est présentement dans la Loi pour les stupéfiants, il est nécessaire que cela soit, à notre avis, dans le Code pénal.

L'argument devant la cour sera à l'effet que si cela n'existe pas dans le Code pénal, c'est une indication que le Parlement ne veut pas que les policiers agissent dans les situations d'exigences mais la jurisprudence leur permet cela.

Le sénateur Nolin: Mais, à tout événement, devant les tribunaux lorsque la perquisition du policier a été fructueuse et qu'il a saisi des biens, les tribunaux vont, a posteriori, questionner les circonstances qui ont amené le policier à prendre cette décision et évaluer sa décision, à savoir si tous les éléments nécessaires à l'obtention d'un mandat en bonne et due forme étaient réunis au moment où il a pris sa décision?

M. Bobiasz: En plus de cela, si les conditions préalables et les éléments nécessaires pour un mandat existent, on cherche à voir s'il y a une urgence. Assez souvent, et dans la jurisprudence plutôt américaine que canadienne, ils disent que les policiers fabriquent des circonstances pour créer une urgence, cela ne compte pas. Cela va vicier la perquisition, si les circonstances nécessaires n'existent pas; parfois les circonstances existent, mais elles sont plus ou moins fabriquées. Non pas que cela est faux, mais la circonstance d'urgence est à créer. Par exemple, si les policiers ont des raisons de croire qu'un mandat est nécessaire et qu'ils attendent à la dernière minute pour dire: «On n'a pas le temps» cela va invalider la perquisition.

Le sénateur Beaudoin: Autrement dit, si on a une chance exceptionnelle, si les circonstances sont telles que c'est à prendre ou à perdre, le mandat pourra suffire. Autrement dit, si on n'agit pas immédiatement à ce moment-là, la preuve va disparaître.

M. Bobiasz: La preuve va disparaître. Il y a d'autres situations qui n'arrivent pas si souvent où parfois la vie d'une personne est en danger, et peut-être qu'il y a des indications qu'une personne a été kidnappée. Ces deux circonstances sont acceptées comme des situations d'urgence.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Bobiasz, j'aimerais faire une suggestion. Quand le secteur des politiques préparera d'autres mesures législatives portant sur le fond, il serait extrêmement utile que l'on présente aux sénateurs ce qui existe actuellement, quels sont les changements ainsi qu'une explication pour ces changements. Au moment de l'étude du projet de loi C-55 et du projet de loi C-17, il y a eu confusion et à moins d'avoir le Code criminel sous la main, il arrive qu'on ne soit pas certain de ce qui est présenté.

Veuillez porter cette suggestion à l'attention de votre secteur.

M. Bobiasz: Je n'y manquerai pas, sénateur Carstairs. Il s'agit cependant d'une question qui déborde la politique en matière de droit pénal. L'élaboration des projets de loi est faite centralement à la section législative, et donc je suppose que ce que l'on vous présente est identique à ce qu'on présente à vos collègues dans d'autres comités qui étudient d'autres mesures législatives. La question ne concerne pas uniquement un secteur particulier du gouvernement.

La présidente: Au Manitoba, quand on nous donne une mesure législative très détaillée comme le projet de loi C-17, le ministère prépare à l'intention des députés un supplément qui fait exactement ce que je vous ai dit être très utile.

M. Bobiasz: Je n'en doute pas. Ce que je veux dire, c'est que nous n'avons pas prise sur une bonne partie de ce processus.

De même, ce projet de loi, étant donné qu'il a été réimprimé pour le Sénat, contient beaucoup moins d'information que le projet de loi qui a été déposé. Je ne suis pas sûr s'il y avait des notes explicatives pour le projet de loi C-17, mais pour comprendre un projet de loi, une des façons consiste à savoir ce qui est ajouté aux articles existants. Cela est habituellement fait en soulignant en rouge. La majeure partie de ce qui se trouve dans ce document n'est pas nouveau.

Le sénateur Nolin: Exactement. Il n'y a qu'un ou deux mots de différents.

M. Bobiasz: Oui. En fait, on ne fait que répéter certains articles complets du code qui ne sont nécessaires que pour les changements de structure. Pour des raisons que je ne comprends pas, tout cela a été éliminé dans cette version-ci.

La présidente: Nous examinerons cela.

Le sénateur Nolin: À ce sujet, je pense que le département pourrait produire à l'intention des parlementaires un document d'accompagnement. Il n'a pas besoin de figurer dans le projet de loi. Vous utilisez probablement déjà un tel document à l'interne au ministère et il serait très utile.

M. Bobiasz: Je suis prêt à vous rencontrer de façon officieuse et à vous montrer ce que nous avons à l'interne.

La présidente: J'ai hâte.

M. Bobiasz: C'est un document préparé pour permettre au ministre de faire franchir à la mesure toutes les étapes du système.

Le sénateur Nolin: Je suis sûr que nous comprendrons ce qu'il contient.

M. Bobiasz: Il a les réponses à de nombreuses questions.

La présidente: Honorables sénateurs, je demanderais maintenant à nos témoins de l'Association du Barreau canadien de se joindre à nous à la table.

[Français]

Mme Tamra Thomson, directrice, Législation et Réforme du droit, Association du Barreau canadien: Madame la présidente, c'est avec plaisir que l'Association du Barreau canadien présente ses commentaires sur le projet de loi C-17, aujourd'hui.

L'Association du Barreau canadien est une association nationale regroupant plus de 45 000 juristes à travers le Canada. Parmi nos principaux objectifs sont l'amélioration du droit et l'administration de la justice, et c'est dans cette optique que nous avons analysé le projet de loi et présentons nos commentaires aujourd'hui.

Vous avez notre mémoire sur le projet de loi préparé par la section nationale du droit pénal. Les membres de la section se composent d'avocats et d'avocates de la Couronne et de la défense.

[Traduction]

Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Bart Rosborough, premier avocat-conseil de la Couronne au ministère de la Justice de l'Alberta et secrétaire-trésorier de la Section nationale de droit pénal. M. Rosborough vous parlera des questions de fond que contient notre mémoire, après quoi nous serons heureux de répondre à vos questions.

M. Barton Rosborough, secrétaire-trésorier, Section nationale de droit pénal, Association du Barreau canadien: C'est un honneur pour moi de comparaître aujourd'hui devant le comité pour vous fournir l'information dont dispose l'Association du Barreau canadien relativement au projet de loi C-17. L'Association du Barreau canadien a préparé et remis une réponse écrite à la série d'amendements proposés au Code criminel regroupés dans ce qui est maintenant le projet de loi C-17. Cette présentation a été préparée en novembre 1996 et demeure la position de l'Association du Barreau canadien. À cette époque, nous n'avons pas pu nous pencher sur l'article 107.1, maintenant contenu dans le projet de loi, mais nous serons heureux de le faire maintenant.

Le mémoire de l'Association du Barreau canadien comporte une série de 15 recommandations qui, vous le verrez, ont été résumées aux pages 25 et 26. J'entends faire précéder mes commentaires précis de trois observations générales relatives au contenu du projet de loi C-17.

Tout d'abord, l'Association du Barreau canadien estime que des projets de loi omnibus comme le projet de loi C-17 sont un moyen particulièrement efficace d'améliorer l'administration de la justice pénale. Bon nombre des propositions contenues dans ce projet de loi et dans d'autres projets de loi omnibus sont le fruit du travail d'organismes consultatifs, comme la Conférence sur l'harmonisation des lois au Canada, travail auquel l'Association du Barreau canadien a collaboré. En outre, certains amendements, comme celui qui se trouve à l'article 32 de ce projet de loi, étaient en fait des propositions formulées par l'Association du Barreau canadien. Changer graduellement les dispositions actuelles du Code criminel sert généralement à les améliorer et à les peaufiner afin d'assurer leur équilibre et leur efficacité. Nous appuyons le gouvernement du Canada qui utilise régulièrement la formule de projet de loi omnibus pour ces raisons.

Cela dit, l'Association du Barreau canadien est d'avis que certaines des dispositions de ce projet de loi dépassent largement ces paramètres. Le paragraphe 28(1) du projet de loi, par exemple, criminalise un acte par ailleurs irrépréhensible dès lors que celui qui le commet «croit» que l'acte est illégal. Aux termes de l'article 15 du projet de loi, se rend coupable quiconque est présent sur les lieux quand une autre personne commet ce qui est maintenant une infraction, même si la personne présente n'apporte pas son aide, n'encourage ni ne participe autrement à la perpétration de l'acte criminel. Cela crée l'obligation de fuir le criminel, un concept plutôt nouveau en droit criminel canadien.

Enfin, le projet de loi C-17 se penche à juste titre sur des aspects du droit criminel qui ont besoin d'être modifiés, mais il le fait sans le degré approprié d'équilibre. Par exemple, plusieurs articles du projet de loi accordent aux agents de la paix et à leurs représentants une immunité contre des poursuites quand des enquêtes de bonne foi exigent d'eux qu'ils participent à ce qui serait autrement considéré comme une conduite criminelle. L'octroi de cette immunité comporte cependant des restrictions législatives inadéquates, notamment dans des circonstances où des «agents de police» peu recommandables et de mauvaise réputation sont utilisés au cours des genres d'enquêtes décrites ici.

On trouve un autre exemple de ce manque d'équilibre à l'article 45 du projet de loi C-17. Les organismes chargés de l'application de la loi recevront toute l'aide voulue pour recueillir des preuves d'identité au cours de leurs enquêtes. Cependant, le projet de loi C-17 n'exige pas de la police qu'elle soit d'abord convaincue que la personne soumise à une fouille corporelle indiscrète a commis un acte criminel. Il ne requiert pas la présence de professionnels qualifiés en matière médicale pour protéger cette personne contre des blessures ou une souffrance ou une douleur inutiles résultant de ces nouveaux pouvoirs policiers.

Par conséquent, bien que l'Association du Barreau canadien endosse le recours à un projet de loi omnibus en matière de réforme du droit pénal, elle a de graves réserves envers bon nombre des dispositions du projet de loi C-17. Celui-ci semble introduire de nouveaux concepts en matière de droit pénal canadien. Il omet également d'assortir ces dispositions et d'autres dispositions de dispositions d'équilibre qui assureraient autrement la liberté et les intérêts des Canadiens en matière de sécurité.

Je vais maintenant vous parler de certaines dispositions précises du projet de loi et vous fournir des exemples pratiques illustrant de quelle façon ce projet de loi peut conduire à la criminalisation d'une conduite autrement irrépréhensible. Je rappelle que toutes nos recommandations sont résumées aux pages 25 et 26 de notre mémoire et je me ferai un plaisir de commenter celles qui vous intéressent.

Je vais tout d'abord parler de ce que j'appelle la disposition relative à l'occupant illégal. Comme je l'ai dit dans mon commentaire d'ouverture, elle ne semble pas conforme au genre habituel de disposition figurant dans un projet de loi omnibus. Permettez-moi d'en souligner les dangers en évoquant une situation commune mais hypothétique. Il s'agit de la disposition qui déclare coupable quiconque occupe un véhicule sachant que celui-ci a été volé. Je vais vous donner un exemple pratique qui jettera peut-être une certaine lumière sur l'ampleur éventuelle de la responsabilité créée par cette disposition.

Le jeune contrevenant A décide d'aller se balader dans une voiture volée avec sa petite amie. Elle sait que le véhicule est volé et elle l'encourage en fait à l'utiliser pour la conduire au centre commercial. En route, elle lui demande si cela le dérangerait de prendre deux de ses amies avec eux pour les conduire aussi au centre commercial. Il accepte de le faire. Les amies s'assoient derrière dans la voiture conduite par le jeune contrevenant avec sa petite amie assise devant. En route, ils rencontrent la police. La police constate que le véhicule a été volé en regardant le numéro de plaque d'immatriculation et une poursuite s'engage.

Le jeune contrevenant accélère. Les filles assises à l'arrière se mettent à crier et il se tourne en leur disant de se taire. Pendant la poursuite, il est forcé de s'arrêter pendant environ 30 secondes à cause de la circulation. Il repart. Finalement, le véhicule est arrêté par la police ou une collision les force à s'arrêter. La police peut arrêter et elle arrêtera les quatre occupants du véhicule: le jeune contrevenant, sa petite amie et les deux passagères à l'arrière qui ont peur de lui du fait de sa conduite et qui ne parleront pas à la police, surtout en sa présence. Cependant, le jeune contrevenant décide de rejeter la faute sur sa petite amie, disant à la police qu'elle l'a encouragé à utiliser l'auto pour se faire conduire au centre commercial.

Où en sommes-nous? Premièrement, les quatre occupants seront accusés d'une infraction: soit de s'être baladés dans une voiture volée ou d'avoir été un occupant d'un véhicule sachant qu'il avait été volé. Les filles, bien entendu, dès qu'elles ont entendu la police, ont su que le véhicule avait été volé et elles seront accusées d'avoir agi en connaissance de cause.

L'accusé et sa petite amie peuvent être et devraient être condamnés et le seront; sa petite amie, soit aux termes de la disposition de possession de droit, qui figure à l'article 4(3) du Code criminel, ou en vertu du fait qu'elle l'a encouragé à utiliser le véhicule pour la conduire au centre commercial.

Qu'arrivera-t-il aux deux filles innocentes assises à l'arrière? Elles seront elles aussi condamnées aux termes de cette disposition. Elles se trouvaient dans le véhicule. Elles savent qu'il est volé.

La présidente: Comment savent-elles qu'il est volé. Seulement parce que la police leur a donné la chasse?

Le sénateur Jessiman: Supposons même qu'on le leur avait dit. Pensez-vous qu'elles auraient eu le temps de descendre en 30 secondes? Il est dit dans la disposition «dès que les circonstances le permettent». Dans ces circonstances, je ne crois pas qu'elles seraient trouvées coupables.

M. Rosborough: D'après mon expérience comme procureur, je peux vous dire que ça devient largement une question de fait à être résolue par le juge des faits. Dans ce cas, si le juge des faits estime qu'il y avait suffisamment de temps, raisonnable dans les circonstances -- elles étaient assises à l'arrière, elles n'étaient pas sous le contrôle du jeune contrevenant, 30 secondes, dans le contexte d'une poursuite à haute vitesse, c'est long -- ce serait une constatation raisonnable que les accusées, en appel, pourraient probablement difficilement faire renverser sous prétexte que le verdict n'est pas raisonnable.

Le sénateur Jessiman: Cela dépend si elles étaient tout près du trottoir ou quelque part où elles auraient pu descendre, ou si elles étaient dans la ligne centrale avec des voitures de chaque côté.

Le sénateur Milne: Mais le paragraphe 335 (1.1) ne répond-il pas à votre préoccupation au sujet de l'article 15? Il est dit:

Le paragraphe (1) ne s'applique pas à l'occupant du véhicule à moteur ou du bateau qui, se rendant compte que celui-ci a été pris sans le consentement du propriétaire, quitte le véhicule ou le bateau ou tente de le faire dès que les circonstances le permettent.

M. Rosborough: C'est là la clause de sauvegarde prévue. Sauf le respect que je vous dois, dans les circonstances que j'ai décrites, on n'a pas empêché les passagères de quitter le véhicule quand il s'est arrêté pendant 30 secondes.

Le sénateur Milne: Elles ne seront pas accusées, puisque les circonstances ne leur permettaient pas de descendre du véhicule.

M. Rosborough: Dans la pratique, sortir du véhicule prendrait environ cinq secondes. Qu'elles choisissent de le faire ou qu'il soit sécuritaire de le faire sont des questions de fait motivées par les circonstances. Si le juge des faits établissait qu'une condamnation est justifiée dans les circonstances après étude des faits, il serait très difficile de renverser cette décision en appel.

Le sénateur Milne: Je crois qu'au départ elles ne seraient pas accusées.

M. Rosborough: Le deuxième exemple que je veux mentionner concerne ce que je qualifie d'agent de police corrompu. Le projet de loi C-17 dégage de toute responsabilité criminelle tous les agents de police, ou les agents de la paix, et leurs agents, la seule sauvegarde à cet égard étant que l'agent de la paix soit dans l'exercice de ses fonctions au moment où l'acte autrement criminel, notamment le blanchiment des produits de la criminalité, se produit.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de prouver que les agents employés par la police dans ce contexte ont souvent très mauvaise réputation ou sont peu recommandables. Ils ont habituellement de longs casiers judiciaires et leur réputation n'est pas sans tache.

On fait souvent valoir que pour que la police s'introduise dans ces milieux, elle doit recruter ces individus, mais à notre avis, sauf votre respect, le Parlement devrait être inquiet d'accorder à ces gens une immunité contre des poursuites avec la simple sauvegarde d'exiger de la police ou de l'agent de la paix qu'il soit dans l'exercice légal de ses fonctions. À notre avis, il devrait y avoir des garanties outre celles qui exigent de la police de ne pas participer à une activité qui pourrait être considérée comme de la provocation policière ou de l'abus de procédure. Il faudrait libeller l'article de telle façon qu'il empêche des agents de la police peu recommandables ou de mauvaise réputation de se voir accorder l'immunité contre des poursuites pour l'infraction substantielle à cet égard.

Le projet de loi C-17 contient également des amendements aux dispositions sur le recyclage des produits de la criminalité qui, à notre avis, créent en fait une nouvelle forme de responsabilité criminelle. Conformément à cette mesure, c'est un acte criminel de croire que l'on recycle des produits de la criminalité, même si on ne le fait pas. Si c'est là l'intention du projet de loi, nous sommes d'avis qu'il constitue un écart par rapport aux normes acceptées qui régissent la responsabilité.

Comme vous le verrez dans notre mémoire, il peut y avoir une certaine confusion quant à la portée exacte que devait avoir cette disposition. Je ne suis pas sûr qu'elle devait s'appliquer à ce cas particulier, même si je connais certaines techniques d'application de la loi qui peuvent recourir à ce genre de disposition pour ne pas impliquer la police. C'est là déroger carrément au droit pénal existant.

Outre ces dispositions, le projet de loi crée également un certain nombre d'infractions mixtes ou d'infractions de juridiction absolue. Comme les autres dispositions dont j'ai parlé, la solution qu'elles proposent est loin d'être parfaite. Elles accélèrent le déroulement de la procédure et élargissent l'éventail des dispositifs offerts aux personnes accusées d'infractions punissables, par exemple, sur déclaration sommaire de culpabilité dans ce contexte. Cependant, il faut également remarquer qu'en accroissant le nombre d'infractions mixtes du fait qu'on crée des infractions de juridiction absolue, on ampute ou supprime le droit d'un accusé à une enquête préliminaire et son droit d'être jugé par un jury.

Je crois que la prudence est de rigueur à cet égard, en particulier, et notre mémoire insiste sur le fait que ces dispositions influeront sur le droit d'un accusé d'être représenté par un avocat, compte tenu des ressources d'aide juridique en diminution. Si, comme avocat de la Couronne, je choisis de procéder par voie sommaire pour ces infractions, il est tout à fait probable que l'accusé n'aura pas droit à l'aide juridique.

En outre, vous remarquerez que l'infraction d'introduction par effraction dans des locaux commerciaux tombe sous le coup de cette disposition et peut, en fait, être poursuivie par procédure sommaire. Je me demande si c'est dans le meilleur intérêt de la communauté.

Notre mémoire examine un certain nombre de dispositions comme celles contenues aux articles 3(2), 51 et 52. Ces dispositions du projet de loi accroissent les pouvoirs de la police de fixer les conditions de mise en liberté provisoire. Ces dispositions sont généralement dans l'intérêt tant de l'État que du sujet. Il faut toutefois également remarquer que la disposition autorise des poursuites en cas de bris des conditions restreignant les intérêts de la liberté du sujet sans examen judiciaire de ces conditions. En d'autres mots, une condition fixée par un agent de police qui est enfreinte par une personne sans examen judiciaire peut faire l'objet d'une poursuite par après. Notre demande est très simple. Il s'agirait d'ajouter une procédure mineure de ratification judiciaire à cette mesure.

Voilà les commentaires de fond que je voulais faire. Comme vous pouvez le voir d'après notre mémoire, nous avons fait au total 15 recommandations portant sur diverses positions figurant dans ce projet de loi très concis. Je serai ravi de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir relativement au mémoire ou à mes commentaires d'aujourd'hui.

Le sénateur Gigantès: Vous avez dit ne pas être à l'aise avec l'idée que quelqu'un qui pense qu'il recycle des produits de la criminalité puisse en fait ne pas le faire.

M. Rosborough: Oui.

Le sénateur Gigantès: Qu'arrive-t-il au concept d'intention dans ce que vous dites? L'intention semble être passablement fondamentale en droit pénal.

M. Rosborough: Oui, tout à fait, et je crois que ce projet de loi crée un délit de mens reas sans un actus reus. Il y a une intention; il n'y a pas acte. Les vrais biens dont s'occupe l'individu qui croit qu'ils sont les produits de criminalité n'en sont pas. Ce projet de loi criminalise cela.

Le sénateur Gigantès: Par définition, dire un mensonge, c'est dire quelque chose, sachant que c'est faux, bien que cela puisse être vrai.

M. Rosborough: Tout à fait.

Le sénateur Gigantès: Il se peut que vous disiez la vérité, mais vous mentez si vous pensez que ce que vous dites n'est pas la vérité et que vous essayez d'induire en erreur quelqu'un. C'est semblable à cela.

M. Rosborough: Votre analogie est intéressante. En réponse, je dirai qu'il s'agit d'une disposition inhabituelle parce que, essentiellement c'est criminaliser une impossibilité. Si l'individu n'a pas cette croyance, sa conduite relativement à cela, décrite dans ce projet de loi comme de la conversion ou du trafic, serait complètement irrépréhensible, mais en créant l'élément mental, vous introduisez un élément de responsabilité criminelle. Bien qu'il s'agisse d'une orientation de politique valable, elle est inhabituelle, et je ne pense pas que vous la verrez reflétée dans bien des dispositions du Code criminel. En réponse, il est inhabituel d'insérer une telle mesure dans un projet de loi omnibus.

Le sénateur Gigantès: Je suis un peu perdu. Vous utilisez le mot «valable», disant qu'il peut s'agir d'une orientation valable. Néanmoins, elle ne devrait pas être incluse dans un projet de loi omnibus. Expliquez-moi cela.

M. Rosborough: Le Parlement peut criminaliser les délits de pensée. Cela ne fait pas de doute. C'est une orientation de politique qu'il peut adopter, inattaquable sur le plan constitutionnel. Nous pensons, tout d'abord, qu'elle n'a pas sa place dans un projet de loi omnibus. Deuxièmement, du point de vue du Barreau, ce n'est pas le genre de crime qui devrait proliférer, notamment dans ce contexte.

Le sénateur Milne: Je suis aussi un peu perdue parce que vous dites que si vous pensez que vous recyclez de l'argent, vous êtes coupable, mais si vous pensez que vous vous promenez dans une voiture volée et que vous êtes assis à l'arrière, vous ne l'êtes pas.

M. Rosborough: Si vous êtes assis sur la banquette arrière de la voiture et que vous ne savez rien du véhicule jusqu'à ce que la poursuite s'engage, et qu'alors, vous ne fuyez pas à temps, vous vous exposez à une responsabilité criminelle.

Le sénateur Jessiman: Dans votre mémoire, vous dites: «permettrait de capturer les personnes qui, par erreur, croient qu'elles sont en possession d'argent volé».

M. Rosborough: Oui.

Le sénateur Jessiman: Est-ce vraiment la possession? Les policiers ne pourraient-ils pas prendre eux-mêmes de l'argent volé et l'utiliser? C'est toujours de l'argent volé.

M. Rosborough: Absolument.

Le sénateur Jessiman: Ils pourraient se servir de cet argent et ça serait correct?

M. Rosborough: Absolument.

Le sénateur Jessiman: Alors, c'est ce qu'ils doivent faire; utiliser l'argent volé.

M. Rosborough: Bien entendu, quand ils le font, ils sont couverts par l'immunité aux termes d'autres dispositions de ce projet de loi, sénateur. Votre argument est tout à fait à propos. S'ils utilisent les produits de la criminalité, ils jouissent de l'immunité parce qu'ils sont dans l'exécution de leurs fonctions qui est de faire enquête sur cette grave infraction. Ils ont aussi un actus reus parce qu'il s'agit des produits de la criminalité.

Le sénateur Jessiman: Il ne serait pas très difficile à la Couronne de le faire. Elle pourrait trouver beaucoup d'argent volé.

M. Rosborough: Tout à fait.

Le sénateur Beaudoin: Hier, nous avons soulevé avec M. Bobiasz exactement le point qui consiste à savoir si ce projet de loi crée une intention coupable.

Le sénateur Jessiman: Il y a intention coupable.

Le sénateur Beaudoin: Bien entendu qu'il y en a une.

Le sénateur Jessiman: Il y a intention coupable, mais il n'y a pas vol. Ce n'est pas voler.

Le sénateur Beaudoin: Ce projet de loi ne crée pas d'intention coupable. Vous regardez la personne, vous regardez les faits, et vous déterminez si la personne est d'avis et a des motifs raisonnables de croire que cela peut arriver. Certainement, cette personne sait quelque chose à ce sujet, alors je ne comprends pas pourquoi vous en arrivez à la conclusion que cette loi crée une intention coupable.

M. Rosborough: Notre commentaire principal n'était pas qu'elle crée une intention coupable, mais qu'elle criminalise un délit qui n'est qu'en intention. Nous n'avons pas d'actus reus ici. Nous n'avons pas l'acte physique de recycler des produits de la criminalité, parce que tout simplement, ce n'en est pas. Il croit que c'en est, mais ce n'en est pas. Sa croyance, à cet égard, crée l'acte criminel.

Le sénateur Beaudoin: Appliquez cela maintenant à l'article 48. Au numéro 10, vous recommandez de modifier l'article 48 de façon à exiger l'obtention d'un second mandat avant la saisie d'objets non visés par le mandat initial.

M. Bobiasz a une réponse à cela. Il dit que les faits sont tels qu'on a lieu de croire qu'il y a matière à enquête et qu'on donne aux policiers la possibilité de saisir quelque chose. Je ne vois rien de mal à cela. Pourquoi voulez-vous un deuxième mandat?

M. Rosborough: Il existe déjà une théorie selon laquelle un policier peut, dans l'exercice légal de ses fonctions, saisir des biens bien en vue qui sont criminels par nature. Prenons l'exemple des narcotiques. Cependant, les mots «bien en vue» ne figurent pas dans le projet de loi C-17, et la question qui vient immédiatement à l'esprit est: «pourquoi?»

Nous sommes d'avis que les policiers pourraient abuser de cette disposition. Autrement dit, la disposition fait seulement référence à un mandat. Les policiers peuvent utiliser un mandat d'arrestation pour procéder à une perquisition.

Le sénateur Beaudoin: J'aimerais connaître l'opinion de M. Bobiasz là-dessus.

La présidente: Nous ferons revenir M. Bobiasz, sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gigantès: Un autre témoin nous a dit à ce sujet que si, dans une voiture que des policiers ont interceptée pour excès de vitesse ou parce qu'on soupçonnait le conducteur d'être ivre, il y a sur la banquette arrière une pièce de matériel électronique avec un numéro de série en dessous qui permettrait de l'identifier comme pièce volée, et qu'ils la tournent pour voir ce numéro, alors les policiers enfreindraient l'aspect de bien bien en vue. Il n'est pas bien en vue, alors, ils ne peuvent le regarder. Est-ce vrai?

M. Rosborough: Nous ne nous sommes pas penchés là-dessus dans le mémoire, sénateur. Je devrai revoir la disposition pour pouvoir faire un commentaire là-dessus. Pour répondre à votre question directement, cependant, du point de vue du droit, il ne s'agit pas d'un bien bien en vue.

Le sénateur Gigantès: C'est le genre de chose qu'il serait difficile d'expliquer aux citoyens.

Le sénateur Beaudoin: Votre recommandation numéro 9 porte sur la saisie d'objets bien en vue.

M. Rosborough: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Votre dixième recommandation porte sur un second mandat.

M. Rosborough: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Les deux se rapportent à l'article 48.

M. Rosborough: Oui.

Le sénateur Beaudoin: C'est, de toute évidence, un élément central de vos recommandations.

M. Rosborough: C'est conforme à ces recommandations, oui.

Le sénateur Beaudoin: La distinction est peut-être ténue, mais elle est toutefois là. Dans certaines circonstances, il est raisonnable de ne pas obtenir un second mandat parce que les preuves disparaîtront.

M. Rosborough: Oui, bien que les policiers aient le mandat initial. L'Association du Barreau canadien ne veut pas que ces dispositions soient utilisées de manière à perquisitionner des lieux -- le genre de bien bien en vue dont nous parlons ici -- afin de mener ce qui serait autrement des perquisitions non autorisées, en recourant tout simplement à une autre disposition portant sur un autre type de mandat. Si la police n'a pas lieu de croire qu'il existe des preuves en un endroit, nous ne voulons pas qu'elle puisse obtenir un mandat d'arrestation qui lui permettrait de fouiller et de ramasser des choses, procédant ainsi à une perquisition sans mandat.

Nous sommes d'avis que si elle veut procéder à une perquisition, elle devrait obtenir un mandat de perquisition. Si elle ne le fait pas, elle peut saisir ces objets bien en vue. Si elle veut aller au-delà de cela, elle devrait obtenir le mandat actuellement requis par la loi.

Le sénateur Milne: Mais ces parties de la loi ne sont pas supprimées par ces amendements à la loi. Elles s'appliquent toujours.

Le sénateur Beaudoin: Les principes de droit applicables demeurent.

M. Rosborough: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Pensez-vous que ce qui est ajouté par ce projet de loi à l'article 48 enfreint la Charte des droits et libertés?

M. Rosborough: Cela dépendra en bonne partie des faits de situations particulières, mais si la police utilise cette disposition comme moyen de pénétrer dans une habitation privée, arrête l'individu et procède ensuite à une perquisition dans des circonstances dans lesquelles elle ne serait autrement pas autorisée à le faire, cela pourrait être bien être une violation de l'article 8 de la Charte.

Le sénateur Beaudoin: Je respecte cela, bien entendu. C'est un point de vue, mais vous le basez sur une violation de la Charte. Nous nous préoccupons de la légalité et de la constitutionnalité. Si c'est seulement une question d'opinion, les opinions varieront. Nous étudions le projet de loi et nous devons déterminer s'il est conforme à la Charte. Je crois qu'il l'est, mais vous êtes un spécialiste et vous dites qu'il pourrait bien être contraire à la Charte des droits et libertés.

M. Rosborough: Cette disposition surmonterait le premier obstacle posé par l'article 8 de la Charte. Il s'agit d'une perquisition autorisée par la loi mais, comme vous le savez, sénateur, les deuxième et troisième étapes de cette enquête exigent que la loi elle-même ne soit pas abusive.

Le sénateur Beaudoin: Oui.

M. Rosborough: Il se pourrait bien que la trop grande portée que nous craignons de donner à cette loi la rende boiteuse sur le plan constitutionnel.

Le sénateur Beaudoin: Vous ne pensez pas qu'elle est raisonnable?

M. Rosborough: Non, nous la voyons comme trop étendue.

Le sénateur Beaudoin: La portée est trop vaste?

M. Rosborough: Tout à fait.

La présidente: Monsieur Rosborough, je pourrais comprendre si le mot «perquisition ou fouille» figurait à l'article 489, mais ce n'est pas le cas. Le mot utilisé est «saisir».

M. Rosborough: Je comprends cela.

Le sénateur Nolin: Pour saisir, ils perquisitionnent. C'est ce qu'ils disent.

M. Rosborough: C'est un commentaire très astucieux. Nous ne nous opposons pas à la saisie de ce qui est bien en vue. Ce que nous ne voulons pas, c'est que la perquisition qui ira de pair, et la perquisition est souvent la seule raison pour laquelle vous entrez dans une propriété privée, soit suivie de la saisie et de l'arrestation. C'est là l'objet de notre opposition à cette disposition.

Le sénateur Jessiman: La police peut actuellement saisir les choses précisées dans le mandat?

M. Rosborough: Oui.

Le sénateur Jessiman: Ils disent que quiconque exécute un mandat peut saisir, outre ce qui est mentionné dans le mandat toute chose qu'il croit...

M. Rosborough: Oui.

Le sénateur Jessiman: Vous dites donc que c'est pour eux élargir le pouvoir de saisie à la perquisition.

M. Rosborough: Oui.

Le sénateur Gigantès: Si vous saisissez des choses bien en vue, perquisitionnez-vous? Quelqu'un a donné comme exemple le fait qu'on ne regarde pas dans une armoire pour trouver un éléphant. On le fait si l'armoire est suffisamment grande et que l'éléphant est suffisamment petit.

La présidente: Vous n'avez pas le droit d'ouvrir le coffre d'une voiture?

M. Rosborough: C'est juste.

La présidente: Ce qui vous inquiète c'est que cette disposition permettrait à la police de faire ouvrir le coffre de la voiture?

M. Rosborough: Ce que nous disons est très simple. S'il était dit, dans cette disposition législative, qu'on ne peut saisir que les articles qui seraient autrement bien en vue, ce serait correct, mais comme le sénateur l'a fait remarquer auparavant, une fois que vous êtes là à fouiller, la portée de cette disposition rend inutile la demande d'un mandat de perquisition. Vous n'avez pas besoin d'un mandat de perquisition maintenant parce que vous perquisitionnez les lieux bon gré malgré et, à notre avis, ce qui est important, ce sont les garanties dont est assortie l'obtention d'un mandant de perquisition. Nul besoin de codifier le principe de la saisie des choses bien en vue, mais si on veut le faire, pourquoi ne pas utiliser les mots «bien en vue»?

La présidente: À mon avis, c'est la raison pour laquelle ils ont utilisé le mot «saisir» et pas «perquisitionner».

Le sénateur Pearson: J'avais cru comprendre qu'il n'était question que de «saisir» et pas de «perquisitionner». Ils peuvent procéder à une perquisition pour les choses qui figurent sur le mandat, mais si, au cours de cette perquisition, ils voient un fusil chargé ou quelque chose, j'imagine qu'ils peuvent le saisir.

Le sénateur Gigantès: Ils peuvent saisir les choses qui figurent sur leur mandat.

Le sénateur Jessiman: Relativement à votre première recommandation, le gouvernement nous dit qu'il serait impossible de consulter le juge chaque fois pour obtenir confirmation.

M. Rosborough: À la recommandation numéro 1, nous disons que cela revient presque à ordonner d'intenter des poursuites. Autrement dit, si une condition est fixée injustement par l'agent de la paix et qu'elle est enfreinte par l'accusé, la personne qui serait remise en liberté, un fonctionnaire judiciaire pourrait ne pas ratifier cette condition particulière d'une entente, qui serait alors à l'origine de la poursuite. Cependant, la ratification intervient a posteriori.

Par exemple, pour une infraction qui n'a rien à voir avec l'alcool, le policier pourrait imposer comme condition de mise en liberté qu'une personne ne puisse consommer de l'alcool. L'individu en question respecterait probablement cette condition afin d'être libéré.

S'il consommait de l'alcool, il enfreindrait la condition, mais un fonctionnaire judiciaire pourrait dire qu'au départ, la condition était injuste et qu'il n'y aura pas matière à poursuite. Nous parlons d'une ratification a posteriori. Il s'agit essentiellement d'une signature.

Le sénateur Milne: Au numéro 14, vous recommandez que la question des frais en matière pénale soit examinée à fond dans un contexte où les facteurs sociaux seraient pleinement équilibrés, plutôt que de demander aux tribunaux de fixer leurs propres critères selon la méthode du cas par cas. Autrement dit, vous recommandez l'établissement de paramètres. Convient-il que le gouvernement fixe des paramètres en matière de frais?

M. Rosborough: Je crois que le gouvernement devrait le faire, et de façon globale.

Nous assistons à une prolifération de ce genre de cas dans le contexte des poursuites entamées aux termes de la Charte, notamment dans les cas liés à la communication de renseignements. Par exemple, en raison d'une erreur administrative ou autre, il pourrait arriver qu'une copie de la feuille de contrôle d'un technicien qualifié ne soit pas versée au dossier de la poursuite. L'avocat de la défense écrira pour en obtenir copie. Par inadvertance, la feuille de contrôle n'est pas envoyée et des frais sont imposés. Chaque année, il se produit des milliers de poursuites de ce genre.

Compte tenu de la prolifération de ces cas, nous sommes d'avis que cette disposition n'a pas sa place dans un projet de loi omnibus.

Le sénateur Milne: Y a-t-il un cas où le gouvernement fixe les paramètres en matière de frais de justice?

M. Rosborough: Cette question déborde quelque peu ma sphère de compétence étant donné qu'il s'agit de poursuites civiles, mais oui, il le fait. Les règles de pratique interviennent souvent lorsqu'il est question d'attribuer les dépenses et elles sont pas mal complètes.

Le sénateur Milne: Cela figure-t-il par écrit dans le Code criminel?

M. Rosborough: Oui.

Le sénateur Nolin: L'article 6 modifie le paragraphe 175(2) concernant la preuve apportée par un agent de la paix. La déclaration d'un agent de la paix sera suffisante pour accuser quelqu'un de flânage ou d'obstruction à la justice.

M. Rosborough: Oui.

Le sénateur Nolin: Pourriez-vous nous donner un exemple, s'il vous plaît?

M. Rosborough: Le terme «flânage» est ambigu.

Le sénateur Nolin: Il figure déjà dans le Code criminel.

M. Rosborough: Je sais.

Le sénateur Nolin: C'est le niveau de preuve requis qui change.

M. Rosborough: Exactement. Nous craignons, et c'est pourquoi nous sommes en désaccord avec cette disposition, qu'elle puisse être utilisée par les agents de police pour accroître leurs pouvoirs en matière d'arrestation, essentiellement. Rappelez-vous qu'à chaque fois qu'un agent de la paix constate qu'un individu commet une infraction punissable par procédure sommaire, il peut l'arrêter. L'agent de la paix déduit maintenant qu'un désordre est causé -- déterminé ou non selon la loi -- et il détient un pouvoir d'arrestation dans ces circonstances et peut intervenir dans les poursuites. Nous estimons qu'il ne s'agit pas là d'une mesure positive en droit pénal et qu'il existe déjà une jurisprudence en la matière.

Le sénateur Nolin: Tout ce que l'agent doit faire, c'est une déclaration. Il n'a pas besoin de plus de preuve de cet actus reus que sa déclaration.

M. Rosborough: Exactement. Il n'a pas à fournir de preuve d'obstruction ni de preuve de désordre réel. La cour ne fait que déduire la preuve d'après le témoignage de l'agent de police.

Le sénateur Nolin: Je ne pense pas que nous puissions faire quoi que ce soit à ce sujet à ce moment-ci.

La présidente: Merci, monsieur Rosborough et madame Thomson, pour votre exposé de cet après-midi.

Monsieur Bobiasz, je vais commencer avec l'amendement au paragraphe 175(2) concernant la preuve apportée par un agent de la paix. Vous avez expliqué hier que cet amendement découle d'une demande formulée par de nombreux groupes de municipalités du pays.

M. Bobiasz: C'est exact, sénateur Carstairs. C'est une recommandation de la Fédération des municipalités canadiennes. Elle vise simplement à éviter d'avoir à recourir à d'autres témoins que l'agent de la paix pour témoigner d'une gêne sur la voie publique. Je ne pense pas que le simple fait que l'agent de police témoigne de la gêne soit nécessairement suffisant. Le juge des faits doit être convaincu qu'il y a eu en fait gêne.

Cela dit, après la réunion d'hier, j'ai soigneusement examiné le mémoire de l'Association du Barreau canadien, et j'estime que leur difficulté à accepter cette disposition tient au fait qu'ils n'aiment pas l'infraction. Flâner dans un endroit public et gêner des personnes qui s'y trouvent constituent, pour bien des personnes, une infraction mineure.

Le sénateur Nolin: Elle y est déjà.

M. Bobiasz: Elle y est déjà et nous n'ajoutons pas grand-chose. En fait, ce qu'on ajoute n'est peut-être pas apparent compte tenu de ce que j'ai dit au sujet de ce qui figure présentement dans le Code criminel et ce qui n'y figure pas. On ne fait qu'appliquer la mesure à l'alinéa c).

Actuellement, un agent de la paix peut témoigner des autres aspects de cette infraction; c'est-à-dire, flâner dans un endroit public et les autres infractions précisées aux alinéas a) et b), et je ne suis au courant d'aucun problème à ce sujet. On ne fait qu'y assujettir un autre aspect, ce que je ne considère pas comme une extension de grande portée. Ce n'est certainement pas une extension de responsabilité. Comme je l'ai dit hier, on ne veut que préciser qu'un agent de la paix qui est témoin d'une gêne peut en témoigner et, à moins de preuve du contraire, ça devrait suffire.

Le sénateur Beaudoin: Monsieur Bobiasz, j'aimerais connaître à nouveau votre avis sur l'article 48 concernant la saisie de biens bien en vue et le second mandat. Vous en avez parlé hier. Nous avons maintenant entendu un spécialiste à ce sujet et j'aimerais connaître votre réaction.

M. Bobiasz: Ma réaction est la même qu'hier. Je vous renvoie aux commentaires du sénateur Carstairs à cet égard. Il est question ici de saisie. Ces amendements n'autorisent d'aucune façon, ou sous aucune forme, une perquisition.

Le sénateur Beaudoin: Oui.

M. Bobiasz: Si un mandat d'arrestation était obtenu pour pénétrer dans un lieu pour une raison détournée, ce serait incorrect en soi, mais ce mandat d'arrestation n'autoriserait pas une perquisition et, si une telle perquisition était effectuée, ce serait contraire à la Charte. La seule chose autorisée ici est une saisie.

Utiliser les mots «bien en vue» pourrait suffire pour indiquer aux avocats que c'est ce dont nous parlons ici, mais en toute honnêteté, je ne crois pas que ce soit nécessaire. Je ne pense pas que nous ayons besoin d'utiliser ces mots que l'on trouve principalement dans la jurisprudence et la doctrine américaine pour appréhender un concept qui existe présentement dans le Code criminel aux termes de l'article 489. Nous ne faisons que l'étendre à différentes catégories de matériel saisissable. Dire que pour que les avocats en saisissent bien le sens, il nous faille utiliser les mots «bien en vue», n'est vraiment pas nécessaire, sauf votre respect.

Cela dit, l'Association du Barreau canadien devrait être rassurée que nous ayons eu cette discussion parce qu'il sera officiel que ce que veut le Parlement, si cette disposition était adoptée, est une codification du principe de la saisie des choses bien en vue.

Le sénateur Beaudoin: De toute façon, il est bon de discuter de ce point qui sera consigné au compte rendu.

M. Bobiasz: Sauf votre respect, on semble craindre également qu'en permettant une telle chose, il sera plus facile pour des agents de police malhonnêtes de se conduire d'une façon malhonnête. Cela semble être l'argument et le thème. Je suis d'avis que si nous avons affaire à des agents de police qui sont prêts à se comporter de façon malhonnête, ils n'ont pas besoin de cet article. Ils le feront de toute façon. Je ne crois pas que cela en dise beaucoup plus sur cette question.

Le sénateur Gigantès: Je suis encore préoccupé par l'amendement à l'article 175. Je connais un jeune procureur qui pratique pour le gouvernement fédéral au Québec, qui est un nationaliste québécois, qui dit que les agents de police du Québec sont trop cow-boys. Ce sont ceux avec qui il est en contact. Il ne pratique nulle part ailleurs. Il dit que d'après ce qu'il peut voir un grand nombre de ces agents de police en prennent large avec l'article 175. Il dit qu'heureusement que les juges ne les croient pas la plupart du temps. Cet article semble accorder trop de pouvoirs aux policiers.

M. Bobiasz: Sauf votre respect, sénateur Gigantès, cet article existe déjà. Si les policiers veulent abuser de leurs pouvoirs et profiter d'une disposition, ils peuvent déjà le faire.

Le sénateur Jessiman: Il est possible que la cour n'accepte pas leurs preuves.

M. Bobiasz: Bien sûr. Ce que le sénateur Gigantès veut peut-être dire, c'est que les policiers se fient à cette disposition, bien que je ne sache pas comment, pour empiéter d'une quelconque façon sur les droits des individus. Je ne vois pas de quelle manière ou sous quelle forme l'ajout de cette disposition changerait cela. S'ils sont disposés à violer la loi, à dépasser les limites de la loi, cet article n'y changera pas grand-chose.

Cela dit, il se peut très bien que dans certains territoires le comportement des policiers soit déplacé. Je ne suis pas ici pour en parler, mais pour y remédier, il conviendrait que les autorités concernées disciplinent ceux qu'elles sont chargées d'administrer. En fait, au Québec, on a récemment formé une commission pour étudier certains aspects de la Sûreté du Québec. Il se peut que certains des incidents dont il a été fait mention en fassent partie, mais ce n'est pas le Code criminel qui mène à cela.

Le sénateur Jessiman: Il est dit «peut». C'est permissif. On n'utilise pas l'indicatif.

M. Bobiasz: Ce l'est certainement, sénateur Jessiman. Je suis très surpris de l'attention qu'on y accorde parce que ce n'est guère une mesure énergique.

[Français]

Le sénateur Nolin: J'analyse l'article 175 d'un peu plus près et, à la lecture du texte français, si je le compare au texte anglais -- je comprends que ce sont deux équipes de rédacteurs différentes -- il m'apparaît que le niveau de preuve est différent.

Deuxièmement, le texte anglais est plus précis que le texte français. Dans le texte anglais, on dit, les quatre dernières lignes:

[Traduction]

[...] that a disturbance described in paragraph (1)(a) or (d) or an obstruction described in paragraph (1)(c) was caused or occurred.

Si vous regardez la version française, on parle de...

[Français]

[...] la survenance d'un désordre visé aux alinéas (1) a), c) ou d).

Dans la version française du paragraphe (1) de l'article 175: le mot «désordre» qu'on voit dans le paragraphe (2), est générique, il ne se réfère pas à un mot précis, comme on le retrouve dans la version anglaise. Je suis peut-être trop pointilleux, mais pourquoi on agit comme cela?

M. Bobiasz: Je peux prendre la responsabilité de ce qui est dans le projet de loi, mais je ne peux pas prendre la responsabilité de tout ce qui y est déjà. On ne change pas ce qui existait auparavant.

[Traduction]

Le sénateur Nolin: Je sais, mais si vous lisez l'actuel paragraphe (2), il fait déjà mention d'un désordre décrit aux alinéas 1a) ou d) ayant été causé ou s'étant produit. L'ajout, en anglais, ne figure pas en français. En français, nous utilisons le mot «désordre» comme mot générique. Le sens du mot «désordre» est très vaste. Si vous regardez l'actus reus de l'alinéa 1c), en français vous avez:

[Français]

[...] flâne dans un endroit public et de quelque façon gêne des personnes qui s'y trouvent.

Donc il y a «flâne» et «gêne». Est-ce que le mot «désordre», en français, utilisé dans le paragraphe 2, réfère et à flâner et à gêner alors que, dans l'anglais, on ne parle que d'obstruction qui est la deuxième partie.

[Traduction]

Me suivez-vous?

M. Bobiasz: Je vous suis. Je m'excuse de ne pas avoir avec moi mon code en français, mais je crois que ces dispositions y figurent actuellement. Tout ce que nous avons fait, ça a été d'apporter l'ajustement nécessaire à la mention à l'alinéa d). Les rédacteurs ont étudié la disposition de fond et estimé que la mention appropriée dans la loi couvre la situation, alors qu'en anglais, étant donné la définition des trois genres de comportement, ils ont estimé qu'il fallait les délimiter.

Le sénateur Nolin: D'accord. Le désordre, c'est un comportement.

[Français]

Un désordre, si je regarde la description de l'infraction que l'on retrouve au paragraphe (1), c'est plus précis dans l'actuelle version anglaise, dans la loi actuelle, que dans la version française.

Lorsqu'on y ajoute le paragraphe c), tel que l'intention du projet de loi, on retrouve plus de précision dans la version anglaise que dans la version française.

M. Bobiasz: Est-ce que je peux vous demander la version française qui réfère à l'alinéa c).

[Traduction]

La présidente: Je crois qu'il serait peut-être utile que nous sachions ce que stipule l'article 175(1) du Code criminel:

(1) est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, selon le cas:

a) n'étant pas dans une maison d'habitation, fait du tapage dans ou près d'un tel endroit [...]

(i) soit en se battant, en criant, vociférant, jurant, chantant ou employant un langage insultant ou obscène,

(ii) soit en étant ivre, ou

(iii) soit en gênant ou molestant d'autres personnes;

c) flâne dans un endroit public et, de quelque façon, gêne des personnes qui s'y trouvent;

d) trouble la paix et la tranquillité des occupants d'une maison d'habitation en déchargeant des armes à feu ou en causant un autre désordre [...]

À l'heure actuelle, l'agent de police peut témoigner des infractions commises aux termes des alinéas a) et d). Il ne peut pas le faire seulement dans le cas de l'alinéa c). Tout ce que nous ajoutons ici est l'alinéa c) «flâne dans un endroit public et, de quelque façon, gêne des personnes qui s'y trouvent». Ce n'est pas comme si les deux principales catégories n'étaient pas déjà incluses; l'une consiste essentiellement à causer du désordre et l'autre, à troubler la paix en déchargeant des armes à feu ou en causant un autre désordre.

Le sénateur Gigantès: Madame la présidente, dans la version française du projet de loi, on utilise la phrase «le comportement d'une personne, même indéterminée» -- même une personne indéterminée pour la survenance d'un désordre. On peut peut-être causer du désordre, mais la survenance d'un désordre?

La présidente: Je crois que c'est le libellé qu'ils ont utilisé.

Le sénateur Nolin: Nous appuierons tous le projet de loi.

La présidente: Êtes-vous en train de dire que comme à l'accoutumée, nous trouvons à redire, sénateur Nolin?

Le sénateur Nolin: C'est exactement ce que j'ai dit en préambule à cette question.

M. Bobiasz: Je pense que c'est plus que cela, mais cela découle de la question à laquelle j'ai fait allusion hier quand le sénateur Corbin a signalé que nous apportions certains ajustements au français. C'est simplement que pour de bonnes raisons de principe, nous estimons que la rédaction doit se faire en parallèle et qu'il n'y a pas lieu de donner une traduction littérale.

Le sénateur Nolin: Sur ce point, vous admettrez qu'en anglais, vous avez à prouver une chose, alors qu'en français vous devez en prouver deux.

M. Bobiasz: Après mûre réflexion, je pense que dans le prochain projet de loi qui sera mis en chantier, nous changerons cela.

La présidente: Je suis heureuse de constater que M. Bobiasz et le sénateur Nolin sont d'accord.

Honorables sénateurs, sommes-nous prêts à entamer l'étude article par article du projet de loi C-17?

Le sénateur Lewis: Je propose que nous fassions rapport du projet de loi sans amendements.

La présidente: Il est proposé par le sénateur Lewis que nous fassions rapport du projet de loi sans amendements. Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

La présidente: Il en sera ainsi fait demain après-midi.

La séance est levée.


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