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Modification de la Constitution du Canada Clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles

Présidente: L'honorable Sharon Carstairs
Vice-président intérimaire: L'honorable C. William Doody

17 JUILLET 1996


RAPPORT MAJORITAIRE

I. MANDAT ET HISTORIQUE

Le mandat du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles était d'étudier la motion présentée au Sénat et visant à autoriser une modification à la Constitution du Canada, plus précisément une modification à la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada.

Pour remplir son mandat, le Comité s'est rendu à Terre-Neuve et au Labrador, où il a entendu les témoignages de plus de quarante personnes et reçu des présentations de cinquante autres particuliers ou organismes. Lors de plusieurs audiences, le Comité avait prévu du temps pour entendre des membres de l'assistance qui n'avaient pas demandé à témoigner à l'avance, et quelque soixante personnes se sont prévalues de cette possibilité.

Au total, si l'on inclus les audiences tenues à Ottawa, le Comité a entendu plus de soixante-dix témoins, dont des experts constitutionnalistes, des représentants d'organismes religieux de Terre-Neuve et d'ailleurs au Canada, des représentants de commissions scolaires de Terre-Neuve et d'ailleurs au Canada, des membres du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, les chefs des partis d'opposition à l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que des parents et des élèves intéressés de diverses confessions -- protégées et non protégées par la Constitution -- du système scolaire de Terre-Neuve et du Labrador.

Même si certains groupes et particuliers ont critiqué le peu de temps prévu pour les audiences et laissé entendre que les opposants à la modification avaient été plus favorisés que les défenseurs de la mesure, les membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles ont estimé avoir obtenu un échantillon représentatif des opinions sur la modification proposée, en particulier à Terre-Neuve et au Labrador.

II. RÔLE DU SÉNAT

Pendant toutes nos délibérations, nous sommes restés conscients du rôle que le Sénat doit jouer dans ce processus. Les articles 43 et 47 de la Loi constitutionnelle de 1982, comme nous l'ont rappelé des constitutionnalistes qui ont témoigné devant le Comité, «donnent préséance aux assemblées élues -- c'est-à-dire à la Chambre des communes et aux assemblées provinciales -- en matière constitutionnelle, puisque dans ce cas le Sénat n'a qu'un veto suspensif, et non un veto absolu» [Témoignage de professeure Kathy Brock, 18 juin 1996, 1010-1]. Même si le Sénat a le droit de rejeter la modification, de l'adopter ou de recommander des amendements, on nous a dit :

«Toutefois, pour que le Sénat rejette la modification ou recommande des changements et, par suite, refuse d'accepter les décisions des assemblées élues et les remplace par son jugement collectif, il faudrait que les défauts de la modification et de la procédure soient importants» [Témoignage de Dr Kathy Brock, 18 juin 1996, 1010-2].

Nous avons été impressionnés par le témoignage de Professeure Anne Bayefsky, constitutionnaliste :

«Pour commencer, il faut reconnaître que la Constitution n'est pas immuable, c'est-à-dire qu'elle est ouverte à la modernisation et que la procédure de modification doit prévoir et inclure une certaine souplesse. Il me semble qu'il faut aborder le projet de modification avec l'esprit ouvert, en partant du principe, comme on l'a dit il y a bien longtemps, que la Constitution doit être considérée comme un arbre vivant.

Dans toute la question de la modernisation de la Constitution, de sa mise à jour et du maintien de sa capacité de répondre aux besoins des Canadiens, il ne suffit pas de dire qu'il y a des droits qu'on ne saurait modifier, car cela rendrait la Constitution rigide et impossible à modifier.

Oui, certains droits seront touchés. Ce qu'il faut se demander c'est : Est-ce raisonnable? Est-ce fait correctement?» [Témoignage de Professeure Anne Bayefsky, 18 juin 1996, 1020-2].

Nous sommes d'accord avec cette interprétation de notre rôle.

Il n'y a pas de doute qu'un des rôles traditionnels du Sénat est de protéger les minorités contre la «tyrannie de la majorité». Toutefois, cela ne veut pas dire que le Sénat doive automatiquement se plier à la volonté de toute minorité dont les droits sont touchés par une modification proposée, pas plus que le Sénat ne doit accepter systématiquement toutes les modifications approuvées par une assemblée provinciale et la Chambre des communes. Les auteurs de la Constitution ont donné au Sénat un rôle, un mandat, dans l'étude des modifications proposées. Nous estimons -- comme l'ont rappelé les constitutionnalistes qui sont venus témoigner -- que notre rôle est de protéger l'équilibre, de nous assurer que la modification est justifiée et qu'elle est juste.

Contrairement à ce que certains ont dit lors des audiences, la Constitution ne donne à aucune minorité un droit de veto sur les modifications proposées qui la touchent et nous ne devrions pas réécrire la Constitution pour donner ce veto. À notre avis, lire ce droit dans la Constitution reviendrait à modifier ses dispositions de modification. Il n'y a pas le moindre doute que chercher à apporter une modification aussi profonde à notre Constitution outrepasse nos pouvoirs et notre autorité.

Est-ce que les modifications proposées à la clause 17 satisfont tous les habitants et tous les groupes de Terre-Neuve. Bien sûr que non. Nous avons entendu des objections, depuis des considérations techniques sur le libellé, jusqu'au fait que les modifications vont trop loin ou pas assez. Comme le ministre de la Justice, l'honorable Allan Rock, nous l'a dit :

«Il y a des minorités au sein des minorités et il y a des opinions divergentes. Si tout le processus se sclérosait en raison de l'absence d'unanimité ou en raison de l'expression de points de vue radicaux contre une proposition, nous n'arriverions jamais à rien. Sénateur, ce qui est en cause ici, c'est le désir d'un gouvernement provincial de moderniser son système scolaire. Il n'y a pas unanimité, il y en a qui sont contre, mais il y a eu une procédure publique, méthodique et juste et on nous demande maintenant, en tant que gouvernement national, de rendre la chose possible. Si vous désirez vous en remettre seulement à ceux qui sont contre et dire qu'en raison de l'opinion de ces gens on doit bloquer la mesure, je pense que vous ferez du tort au processus bilatéral de modification de la Constitution [Témoignage de l'honorable Allan Rock, ministre de la Justice et procureur général, 20 juin 1996, 1030-27-28].

Nous sommes d'accord. Le fait que certains s'opposent résolument à la clause 17 proposée ne saurait, en soi, mettre un terme à notre étude. Il est clair qu'aucune des minorités religieuses protégées de Terre-Neuve et du Labrador n'est totalement unanime. Au sein de chacune des confessions nous avons entendu des opinions divergentes.

Un professeur de sciences politiques à l'Université Memorial de Terre-Neuve et du Labrador, M. Mark Graesser, qui se spécialise dans l'analyse de l'opinion publique, mentionnait au Comité plusieurs enquêtes qu'il avait effectuées à Terre-Neuve et au Labrador sur la question de l'enseignement religieux. Il nous a dit : «Dans toutes les enquêtes que j'ai faites, je n'ai jamais constaté la moindre unanimité parmi les catholiques et les protestants sur cette question.» [9 juillet 1996, 1630-11]

1. Le rôle du Sénat : la protection des droits des provinces

Nous savons tous que notre rôle, face à ce projet de modification, n'est pas seulement de protéger les minorités religieuses touchées par cette mesure, c'est aussi de protéger les droits des provinces, comme la Constitution nous le demande. D'ailleurs, en matière d'enseignement, les provinces ont le droit exclusif de légiférer. Même s'il y a une exception constitutionnelle pour la plupart des provinces, en vertu de laquelle le gouvernement fédéral protège le droit à l'enseignement religieux, il n'y a rien dans la clause 17 actuelle qui donne ce rôle au fédéral en ce qui concerne Terre-Neuve. Nous ne voulons pas dire par là que le Sénat n'a aucun rôle à jouer dans la protection des minorités religieuses de Terre-Neuve et du Labrador, mais simplement préciser le contexte dans lequel il peut exercer ce rôle.

La situation est claire : la modification proposée à la clause 17 a l'appui plein et entier du gouvernement de Terre-Neuve. Elle a l'appui absolu de l'Assemblée législative de Terre-Neuve. Tous les chefs des partis politiques représentés à l'assemblée provinciale sont venus devant le Comité et nous ont demandé d'adopter la modification proposée dans sa forme originale, et de le faire rapidement afin que la province puisse se mettre à la tâche et réformer le système d'enseignement de Terre-Neuve.

La clause 17 modifiée, approuvée par l'Assemblée législative de Terre-Neuve, non pas une fois, mais deux -- la deuxième fois dans le cadre d'une résolution qui disait que l'adoption d'une clause 17 révisée était essentielle pour que le gouvernement mette en place des modifications, nécessaires de façon urgente, au système d'enseignement de la province. Cette résolution, qui demandait au Parlement du Canada d'agir rapidement, a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée législative de Terre-Neuve le 23 mai 1996.

La question de la réforme de l'enseignement qui est à l'origine de la demande de modification de la clause 17 fait l'objet de discussions publiques à Terre-Neuve et au Labrador depuis des années. Certains témoins nous ont dit : «Dans notre province, nous nous interrogeons sur cette question depuis longtemps, en fait depuis que le système existe, c'est-à-dire environ 150 ans.» [Témoignage de M. William McKim, 9 juillet 1996, 1630-6] Plus concrètement, cette modification est le résultat de six années de discussions, puisque tout a commencé avec la création d'une commission royale d'enquête sur l'enseignement, en août 1990. Pendant cette période, il y a eu de nombreuses réunions et discussions entre le gouvernement et les groupes religieux protégés.

Les discussions se sont poursuivies devant le Comité sur la nature et l'effet du référendum sur la clause 17, qui s'est tenu en septembre 1995 et au cours duquel 55 p. 100 des électeurs se sont prononcés en faveur de la modification. Nous avons été particulièrement impressionnés par la déclaration de M. Loyola Sullivan, chef de l'opposition (conservatrice) à Terre-Neuve et au Labrador, qui a témoigné devant le Comité. Il a rappelé que :

«Le référendum ne liait pas l'assemblée provinciale. Lorsque nous avons commencé, en octobre, à débattre de la question de la modification à la clause 17, ce n'était que cela, une proposition qui avait reçu l'appui de la majorité des électeurs lors d'un référendum. À l'Assemblée, les députés ont défini la question et présenté leurs arguments.

Beaucoup d'entre nous, après avoir pesé le pour et le contre, ont voté en fonction des désirs de leurs électeurs. Il y avait des oui et des non des deux côtés de la chambre.

En fin de compte, la majorité des députés a choisi la solution de la modification de la clause 17. La modification de la clause 17 est devenue autre chose qu'une proposition. Au nom de tous les habitants de Terre-Neuve et Labrador, l'Assemblée législative a choisi cette façon de procéder. Nous avons pris notre décision et la question est maintenant entre les mains du Parlement fédéral» [Témoignage de M. Loyola Sullivan, chef de l'opposition officielle de Terre-Neuve et du Labrador, 11 juillet 1996, 0900-6 (nous soulignons)].

Même si certains témoins se sont interrogés sur le degré de compréhension de la question de la part de ceux qui se sont prononcés lors du référendum, aucun n'a prétendu que les députés de l'Assemblée législative ne comprenaient pas la nature et la portée de la question qui leur était soumise.

En fait, M. Sullivan n'insistait pas particulièrement sur les résultats du référendum, mais sur ceux des élections générales de 1996 à Terre-Neuve et au Labrador. Comme il l'expliquait, ces élections étaient les premières dans la province depuis que la question de la clause 17 avait été soulevée.

«Pendant la campagne électorale, les confessions et le grand public ont eu la possibilité de contester la position du gouvernement au sujet de la clause 17 et d'en faire une raison de s'opposer à certains candidats. Cela ne s'est pas produit. Au cours de la campagne, il n'y a pas eu de grand mouvement pour annuler la proposition de modification de la clause 17. En renouvelant le mandat du gouvernement, la population de la province a, de fait, approuvé la stratégie du gouvernement en ce qui concerne la clause 17» [Témoignage de M. Loyola Sullivan, chef de l'opposition officielle de Terre-Neuve et du Labrador, 11 juillet 1996, 0900-6 (nous soulignons)].

M. Sullivan, qui est lui-même catholique, parent et ancien enseignant dans le système catholique, faisait remarquer que la modification constitutionnelle de la clause 17 «n'a jamais été contestée dans ma circonscription qui est probablement catholique à 97 p. 100. J'ai peut-être reçu deux ou trois appels ou instances sur ce sujet au cours des trois dernières années, pour toute ma circonscription» [Ibid, 1000-6]. Il résumait l'opinion de la population de Terre-Neuve et du Labrador de la façon suivante :

«Mon impression, c'est que le gouvernement était résolu à poursuivre son chemin, que c'était un fait accompli, et que la population était prête à l'accepter. C'est ainsi que je voyais la chose et c'est effectivement ce qui s'est passé» [Ibid, 1000-6].

M. Sullivan résumait ainsi son opinion et celle du caucus conservateur :

«Notre caucus s'est essentiellement concentré sur la substance et a essayé d'éviter de spéculer sur ce qui pourrait se produire. Nous avons essayé de nous limiter à ce qui était présenté. Une disposition prévoit que, dans toutes les écoles de la province, il y aura place pour l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion. Une autre permet des écoles uniconfessionnelles, sujettes bien sûr à la loi provinciale. Nous voulions cela, pour éviter des difficultés aiguës. Finalement, je dirais que nous avons pris notre décision en fonction de l'ensemble de la proposition et nous avons estimé que nous ne pouvions pas retarder le processus simplement parce que nous ne connaissions pas tous les détails de l'application...

Notre décision se fonde sur notre volonté d'avoir ce qu'il y a de mieux pour les enfants de notre province, en cette période difficile sur le plan financier et à une époque où les effectifs scolaires diminuent. Nous voulons pouvoir fournir le meilleur enseignement possible sans abolir certains droits religieux et certaines pratiques religieuses qui existent dans notre système scolaire depuis des années. Ce fut le coeur de notre discussion. Nous en avons parlé très longuement au caucus. J'en ai discuté personnellement. J'ai été dans ce système pendant 20 ans. J'ai trois enfants dans le système. J'ai été critique de l'éducation, même si j'ai maintenant d'autres fonctions. J'ai regardé cette question sous différents angles et de nombreuses perspectives.

[...]

Notre caucus estime qu'il est dans notre intérêt de poursuivre dans cette voie. Nous ne devons pas nous laisser aveugler par d'autres facteurs. Nous devons garder les yeux rivés sur l'objectif à atteindre et ne pas nous laisser décourager. D'autres seraient peut-être tentés de se laisser influencer par des considérations politiques ou d'autres facteurs, mais nous ne devons pas nous écarter de notre voie, parce que ce sont les enfants qui en souffriraient [Témoignage de M. Loyola Sullivan, chef de l'opposition officielle, 11 juillet 1996, 1000-5-6].

2. Accord négocié : l'accord cadre

Il importait entre autres de déterminer si l'on avait cherché des possibilités de réforme en dehors d'une modification constitutionnelle et si les parties concernées avaient essayé de s'entendre. Or, il est clair qu'on a essayé de trouver une solution négociée pendant plusieurs années, mais sans succès.

On a longuement parlé de l'accord cadre, dont certains témoins ont dit qu'il aurait pu permettre d'éviter une modification constitutionnelle. Nous ne sommes pas de cet avis. Premièrement, il est manifeste que, durant toutes les négociations, le gouvernement n'a jamais considéré que l'accord cadre éviterait d'avoir à modifier la clause 17. Comme l'a dit le ministre de l'Éducation, M. Roger Grimes, on a poursuivi les discussions «parce que les confessions religieuses continueraient de jouir d'un bon nombre de droits importants et qu'il faudrait encore des pourparlers avec les représentants de celles-ci pour déterminer leur application concrète, même avec la nouvelle clause 17» [Témoignage de M. Roger Grimes, ministre de l'Éducation, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, 11 juillet 1996, 1000-17].

Certaines confessions religieuses auraient préféré un accord cadre négocié à une modification de la Constitution, mais cela n'a pas eu beaucoup d'effet sur la politique du gouvernement, qui a toujours été de modifier la clause 17.

Deuxièmement, les négociations n'ont tout simplement pas abouti. Comme l'a dit le ministre, «plusieurs questions essentielles sont encore en suspens ... avant même qu'on ait repris le débat sur les répercussions des changements dans la régie générale du système sur les écoles, certaines confessions religieuses ont décidé de ne plus appuyer la formule de l'accord cadre à la suite des pressions exercées par leurs fidèles» [Id. 1100-1]. Au bout du compte, comme l'a dit le ministre, «la tentative d'accord cadre a échoué. Il a été impossible d'en arriver à une entente» [Ibid ].

Plusieurs sénateurs membres du Comité pensent que les négociations auraient peut-être encore des chances d'aboutir. Nous ne croyons pas que c'est notre rôle de dire à la province ou aux minorités protégées comment les négociations doivent se dérouler ou quand et dans quelles conditions retourner à la table des négociations. Les témoins nous ont dit qu'il n'y avait pas eu d'entente, et nous l'acceptons. Le ministre de l'Éducation nous a dit ceci : «Le problème, c'est que sept groupes ont des droits. Le gouvernement ne peut pas s'entendre avec un ou deux et pas avec les autres. À notre avis, il fallait une entente. Or, quand une proposition satisfaisait un groupe ou deux ou plus, elle contrariait les autres» [Id., 1100-10].

III. DROITS DES MINORITÉS

Nous admettons que la modification proposée de la clause 17 touche des droits. Cependant, nous convenons avec Professeure Bayefsky que notre tâche ne s'arrête pas là, car cela voudrait dire que notre Constitution est rigide et constitue en soi un obstacle à la modernisation et à l'évolution. Si l'on ne veut pas que la Constitution soit une camisole de force, il faut laisser ses dispositions changer et évoluer avec le temps. Notre rôle consiste à veiller à ce que, dans la mesure où ces changements touchent les droits des minorités, ils sont appropriés et réalisés suivant un processus juste.

Professeure Bayefsky a dit que la question que nous devons trancher est celle de savoir si la mesure qui nous est soumise aurait pour effet d'opprimer des minorités ou simplement de modifier leurs droits. Infligerait-on ainsi un désavantage à un groupe minoritaire qui, à certains égards, n'a pas pu participer au processus de renouveau et de changement et qui serait placé dans une position si désavantageuse que ses objections doivent l'emporter et interdire tout changement, maintenant et plus tard, des modalités du système d'éducation de la province?» [Témoignage d'Anne Bayefsky, 18 juin 1996, 1120-3]

Beaucoup de catholiques et de pentecôtistes en particulier craignent, nous en sommes conscients, de ne plus pouvoir élever leurs enfants dans la foi si la modification proposée de la clause 17 était adoptée. Cependant, après avoir lu attentivement la modification proposée et compte tenu des témoignages que nous avons entendus et des mémoires que nous avons reçus, nous estimons que rien dans la modification proposée n'opprime les minorités religieuses. Personne n'a dit qu'un groupe religieux avait été empêché de participer pleinement au vaste et long processus de consultation publique qui a abouti à la modification proposée. En fait, nous avons été impressionnés par le degré d'organisation des groupes catholiques et pentecôtistes qui ont veillé à ce que leurs vues nous soient exposées intégralement.

1. Les droits des minorités et la clause 17 proposée

Les craintes exprimées au sujet de la nouvelle clause 17 concernent le droit des minorités catholique et pentecôtiste à une éducation religieuse. Comme l'a dit le Conseil scolaire catholique dans son mémoire au Comité, les nouvelles écoles interconfessionnelles qui seraient instituées aux termes de la clause 17 «ne sont pas des écoles confessionnelles au sens de la Constitution. Elles n'ont pas les caractéristiques essentielles d'une école confessionnelle telles qu'elles ont été énoncées par le comité judiciaire dans l'affaire Hirsch en 1928 et appliquées uniformément par la Cour suprême du Canada jusqu'à maintenant. Dans le cas de ces nouvelles écoles interconfessionnelles, il n'existerait aucun droit constitutionnel de faire baigner l'école dans une ambiance chrétienne» [Mémoire du Conseil scolaire catholique en date du 9 juillet 1996, p. 31].

Si nous ne doutons pas de la sincérité des craintes exprimées, nous estimons néanmoins qu'elles sont sans fondement. Le libellé de la clause 17 est sans équivoque :

«... sont confessionnelles les écoles dont la création, le maintien et le fonctionnement sont soutenus par les deniers publics; toute catégorie de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause, dans sa version au 1er janvier 1995, conserve le droit d'assurer aux enfants qui y appartiennent l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école».

M. Ian Binnie, un constitutionnaliste de renom, a comparu devant le Comité et a dit que l'essentiel des droits à l'enseignement confessionnel a été défini par la Cour suprême du Canada et qu'il s'agit précisément des droits inscrits dans la disposition proposée à savoir le droit à l'enseignement religieux, à l'exercice d'activités religieuses et à la pratique de la religion à l'école [Témoignage de M. Ian Binnie, 26 juin 1996, 1340-1-2].

Il nous apparaît clairement que, contrairement à ce que craignent certaines personnes, la clause 17 n'aurait pas pour effet d'abolir les écoles confessionnelles ni de priver une minorité protégée de droits à l'enseignement confessionnel reconnus judiciairement. Toutes les écoles - à de très rares exceptions près - dont la création, le maintien et le fonctionnement sont soutenus par les deniers publics aux termes de la clause 17 révisée seront des écoles confessionnelles. Nous avons la plus grande confiance dans les tribunaux canadiens et sommes persuadés qu'ils sauront donner une interprétation juste de la notion d'école confessionnelle. Nous avons d'autant plus confiance que la disposition énonce explicitement les droits des minorités protégées relativement à l'enseignement religieux, à l'exercice d'activités religieuses et à la pratique de la religion dans ces écoles, ceux-là même dont la Cour suprême a dit qu'ils constituaient l'essentiel des droits à l'enseignement religieux.

Nous notons aussi que les seuls groupes pouvant bénéficier de l'enseignement religieux, de l'exercice d'activités religieuses et de la pratique de la religion à l'école sont les minorités chrétiennes protégées aux termes de la clause 17 actuelle, à savoir les catholiques, les pentecôtistes, les adventistes du septième jour, les anglicans, les presbytériens, l'Église unie et l'Armée du salut. Autrement dit, les seuls groupes qui seront autorisés, de par la Constitution, à offrir de l'instruction et de l'orientation religieuses dans les écoles seront chrétiens<1>.

Comme on le voit, la nouvelle clause 17 garantit de manière très précise que toutes les écoles financées par l'État seront imprégnées d'une ambiance chrétienne.

2. Le droit aux écoles uniconfessionnelles : amendement par l'ajout des mots «lorsque le nombre le justifie»

Non seulement la future clause 17 garantit constitutionnellement le droit des minorités religieuses protégées de dispenser un enseignement religieux et d'assurer des activités et des pratiques religieuses dans les écoles interconfessionnelles, mais elle intègre dans la Constitution le droit aux écoles uniconfessionnelles. Cela suppose la possibilité de maintenir et de créer des écoles exclusivement catholiques, pentecôtistes ou adventistes du septième jour.

Certains témoins (et aussi certains sénateurs) craignent que, selon l'actuel libellé, les droits prévus soient plus illusoires que réels, puisqu'ils seront subordonnés aux lois provinciales. Nous ne partageons pas cette crainte. Le droit aux écoles uniconfessionnelles sera inscrit dans la Constitution – et nous avons entièrement confiance dans la capacité de nos tribunaux de faire prévaloir ce droit sur toute loi provinciale qui viserait à le rendre inopérant.

L'honorable Roger Grimes, ministre de l'Éducation dans le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, a exposé ses vues au sujet de l'amendement préconisé par certains témoins et appuyé par quelques membres du Comité, soit la suppression des mots «sous réserve du droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création ou du fonctionnement des écoles» et leur remplacement par «lorsque le nombre le justifie». L'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador a déjà examiné cet amendement, a précisé le ministre, et elle l'a rejeté . À ce propos, il a déclaré :

«C'est le noeud de la question. Le débat de l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador a surtout porté là-dessus, de même que les amendements qui ont été proposés et rejetés. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Si un amendement devait supprimer le passage «sous réserve du droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création ou du fonctionnement des écoles», il aurait été inutile de procéder à toute cette opération dans la province, de déranger l'Assemblée législative à ce sujet; de tenir un référendum; de nous adresser à la Chambre des communes; et d'organiser ces audiences. C'est le noeud de la question. Il serait malhonnête de prétendre quoi que ce soit d'autre» [Témoignage de l'honorable Roger Grimes, ministre de l'Éducation, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, 11 juillet 1996, 1100-3, c'est nous qui soulignons].

Plus tard, le ministre a parlé d'une manière encore plus explicite des conséquences possibles d'un tel amendement : «En fait, cela pourrait entraver nos efforts et nous empêcher de réaliser les réformes que nous envisageons» [Ibid., 1100-5].

Le ministre a donné les assurances suivantes au Comité :

«La formule "sous réserve du droit provincial d'application générale" n'a pas pour effet de menacer ces droits, mais bien de faire en sorte que l'Assemblée législative soit tenue, en vertu du droit et de sa mission, d'adopter des lois telles que les gens puissent exercer tous les autres droits selon les mêmes conditions. Il n'y a rien là de restreignant ou de dangereux. C'est une protection de plus. Pour la première fois, la disposition constitutionnelle elle-même, c'est-à-dire la clause 17, précise la nature des droits qu'elle protège. Toute Assemblée législative qui, aujourd'hui, dans 15 ans, dans 20 ans ou dans 100 ans, chercherait à adopter des lois rendant pratiquement impossible l'exercice des droits énoncés, verrait ces lois annulées par n'importe quel tribunal» [Témoignage de l'honorable Roger Grimes, ministre de l'Éducation, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, 11 juillet 1996, 1100-4].

M. Loyola Sullivan, chef de l'opposition officielle de Terre-Neuve et du Labrador, n'est pas favorable à ce que le pouvoir de la province de déterminer la viabilité des écoles soit remplacé par une norme fondée sur l'expression «lorsque le nombre le justifie», dont l'interprétation reviendrait aux tribunaux.

«Il serait fort difficile de prévoir des nombres dans la Constitution. En effet, ce qui est considéré comme un nombre approprié aujourd'hui, compte tenu des déplacements des populations, pourrait ne plus l'être dans quatre ans, surtout si l'on tient compte du nombre de gens qui quittent certaines régions de notre province. Faudrait-il recommencer à modifier la Constitution à chaque fois? Notre province connaît plus de mouvements que les autres, et certains groupes de population sont en déclin» [Témoignage de M. Loyola Sullivan, chef de l'opposition officielle de Terre-Neuve et du Labrador, 11 juillet 1996, 1000-1].

M. Jack Harris, chef du Nouveau Parti démocratique de Terre-Neuve et du Labrador désapprouve également l'amendement qui consisterait à ajouter les mots «lorsque le nombre le justifie». [Témoignage de M. Jack Harris, chef du Nouveau Parti démocratique de Terre-Neuve et du Labrador, 11 juillet 1996, 1000-11]

Nous remarquons que, d'après le libellé prévu, les lois provinciales doivent être «d'application générale». Aucune assemblée législative ne pourrait donc distinguer une (ou plusieurs) minorités religieuses et lui accorder un traitement spécial (ou exercer une discrimination à son égard). Toutes les minorités doivent être traitées de manière uniforme. Et nous avons entière confiance dans la capacité de nos tribunaux de reconnaître un traitement discriminatoire, même sous le masque du traitement uniforme. Nous avons entière confiance dans la capacité de nos tribunaux d'appliquer cette norme constitutionnelle pour apprécier les lois provinciales.

Nous nous posions aussi des questions au sujet de l'expression «lorsque le nombre le justifie». Il ressort de plusieurs témoignages qu'une disposition de ce genre créerait une norme impossible à respecter pour certaines minorités. Les adventistes du septième jour, par exemple, sont peu nombreux, et leurs écoles sont petites. Autrefois, selon un témoin, il y a environ 40 ans, le gouvernement de Terre-Neuve considérait qu'«une école confessionnelle pouvait être créée à Terre-Neuve avec sept élèves d'une même religion. «Voilà comment, à cette époque, le gouvernement interprétait l'expression "lorsque le nombre le justifie"» [Témoignage de M. George Morgan, 9 juillet 1996, 1200-4].

Lorsqu'ils ont comparu devant nous, les représentants des adventistes du septième jour ont affirmé clairement que les mots «lorsque le nombre le justifie» n'avaient aucun sens pour eux [Ibid].

M. Colin Irving, constitutionnaliste, est allé plus loin. Répondant à une question de la présidente, il a déclaré que le fait de substituer les mots «lorsque le nombre le justifie» à la formule figurant actuellement dans le texte proposé par la province aurait pour effet d'annuler toute protection pour les adventistes du septième jour. Il a afffirmé que dans ces conditions, «qu'ils n'auraient probablement aucune protection» [Témoignage, 10 juillet 1996, 1445-3].

Nous sommes donc d'autant plus convaincus qu'un tel amendement n'est pas souhaitable. L'objectif de la modification, d'après les témoins qui l'ont défendue devant nous, et d'après nos collègues qui sont en faveur de celle-ci, est de protéger les droits des minorités religieuses qui sont actuellement protégés par la clause 17 existante. Or, ce témoignage indique clairement que l'amendement en question ne favoriserait que certaines minorités – notamment les catholiques et les pentecôtistes, qui ensemble représentent 44 p. 100 de la population de Terre-Neuve et du Labrador – au détriment des autres minorités protégées. Bien entendu, les adventistes du septième jour constituent une minorité beaucoup plus petite que les catholiques et les pentecôtistes. Nous en sommes conscients, mais nous nous demandons si cela justifie que nous leur accordions une protection moindre ou si, en fait, à titre de protecteurs des minorit*??ce n'est pas justement en faveur des groupes les plus faibles que nous devons déployer le plus d'efforts, puisqu'ils sont peut-être moins en mesure de représenter leurs propres intérêts.

Pour toutes ces raisons, nous appuyons le maintien, sans amendement, du libellé adopté par l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador et accepté par la Chambre des communes.

3. Le droit aux écoles uniconfessionnelles : amendement proposé afin de remplacer «régir» par «déterminer et régir»

En vertu de l'alinéa c) de la nouvelle clause 17, les minorités religieuses protégées dotées d'écoles uniconfessionnelles jouiront des mêmes droits que ceux conférés en matière d'écoles interconfessionnelles - c'est-à-dire le droit d'assurer l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion. S'y rajoutera le droit de régir les aspects du programme d'études touchant les croyances religieuses, d'établir la politique d'admission des élèves et d'embaucher et de licencier des enseignants.

Plusieurs sénateurs membres du Comité ont appuyé la suggestion faite par certains témoins d'ajouter au verbe «régir» la notion de «déterminer», afin que le libellé se lise «déterminer et régir». Nous avons entendu à ce sujet des opinions contradictoires de divers témoins qui ont présenté différentes définitions tirées des dictionnaires. Ils n'ont pas réussi à nous convaincre que l'ajout du verbe «déterminer» augmenterait les pouvoirs ou les compétences déjà compris dans l'expression «régir», du moins pas suffisamment pour que nous nous permettions de rejeter les décisions des corps législatifs élus pour y substituer notre propre jugement. On peut toujours trouver à redire sur le choix de termes effectué par un rédacteur de lois, mais dans le contexte actuel, cela ne suffit pas pour permettre au Comité de demander un amendement de la clause 17 proposée.

Sur cette question, le Comité se range à l'opinion de M. Binnie : «Dire «déterminer et régir» n'ajouterait pas grand chose sur le plan linguistique et équivaudrait à une concession à la manie des avocats d'utiliser plusieurs mots la où les gens ordinaires se contentent d'un seul» [Témoignage de M. Ian Binnie, 26 juin 1996, 1350-2].

4. Les droits des minorités : trouver un équilibre

Nous pensons, comme le ministre de la Justice, l'honorable Allan Rock, que notre tâche est de vérifier l'équité du processus suivi par la province pour présenter la modification. Il nous incombe également de déterminer si une minorité a été excessivement défavorisée par le processus adopté. Selon Professeure Bayefsky, «les droits, et le fait qu'ils aient été ou non suffisamment protégés, doivent être soupesés par rapport aux droits de toute une gamme d'autres groupes. Ce serait une erreur de n'en considérer qu'un seul» [18 juin 1996, 1040-2].

Docteure Kathy Brock endosse ce principe : «Il faut élaborer clairement les critères qui permettront de déterminer si les droits des minorités risquent d'être réduits et si ce préjudice ne sera pas compensé par les avantages gagnés sur le plan de la qualité de l'enseignement ou par les droits que d'autres groupes de la société acquerront» [18 juin 1996, 1010-2].

Nous sommes d'accord avec ces principes et nous estimons que la nouvelle clause 17 offre des droits très considérables aux minorités religieuses protégées. Plusieurs témoins ont d'ailleurs affirmé qu'en vertu de la nouvelle clause 17, les minorités conserveront «beaucoup plus de pouvoir et de contrôle que n'en ont les minorités dans de nombreuses autres provinces» [Témoignage de professeure Anne Bayefsky, 18 juin 1996, 1040-1; le même point de vue fut exprimé par professeur Dale Gibson, 26 juin 1996, 1130-6].

Tout droit doit être replacé dans le contexte d'autres droits, puisqu'aucun n'est absolu. Il faut tenir compte non seulement des droits de chaque minorité religieuse protégée, mais aussi de ceux des enfants et de ceux des parents. M. Loyola Sullivan, chef de l'opposition officielle, est également père de famille, catholique et ancien enseignant; selon lui, «la modification de la clause 17 est une façon de libérer les parents de certaines entraves et de leur permettre d'effectuer un choix» [11 juillet 1996, 0900-13].

À notre avis, les droits des enfants eux-mêmes doivent compter pour beaucoup. Nous avons entendu un panel d'élèves qui nous a persuadés de l'urgente nécessité de réformer le système d'enseignement. Nous avons également été fort impressionnés par le témoignage de M. Sullivan, pour qui la décision d'appuyer la clause 17 est fondée sur «ce qui constitue le meilleur intérêt des enfants de notre province en cette époque marquée par de lourdes contraintes financières et une baisse des inscriptions» [11 juillet 1996, 1000-5].

Il ne fait aucun doute que Terre-Neuve est aux prises avec une profonde transformation de son économie qui frappe au coeur même de son mode de vie traditionnel. Ses difficultés financières sont du domaine public. Or, le Sénat du Canada ne peut pas faire obstacle aux réformes éducatives que doit instituer la province pour remplacer l'industrie traditionnelle de la pêche à la morue et pouvoir profiter pleinement de la nouvelle économie fondée sur les connaissances, économie dont la ressource la plus précieuse est une main-d'oeuvre instruite et qualifiée.

Le très révérend Donald Harvey, de l'Église anglicane, a exposé avec éloquence la situation actuelle de sa province :

«En tant que chefs religieux, la plupart d'entre nous ne connaissons que trop bien le mécontentement, la méfiance et le désir réel de changement qui existent aujourd'hui dans cette province. Certains de ces signes n'annoncent rien de bon, mais il serait pure folie de vouloir les ignorer. Je puis d'ailleurs dire qu'en 33 ans comme pasteur sur l'Île et au Labrador, période pendant laquelle j'ai été témoin de la mise en application des recommandations du rapport Warren à la fin des années 60, je n'ai jamais rien vu qui s'apparente à l'inquiétude, au mécontentement et même à l'hostilité avec lesquels la grande majorité des gens voient cette question, convaincus qu'ils sont d'avoir été manipulés et mal servis à tous les niveaux.

[...]

Une trop grande part de notre temps et de nos ressources a été consacrée à une lutte de pouvoir, rien de plus, qui a dilué et affaibli l'importance de ces objectifs. Nous espérons maintenant que l'adoption du projet de loi permettra au gouvernement, investi de nouveaux pouvoirs, de tendre l'oreille aux volontés de la population afin d'établir un système qui incarnera les meilleurs éléments du passé auxquels s'ajouteront l'efficacité et une concertation qui tiendra compte de l'évolution rapide de la démographie dans notre province. Nos enfants ne méritent rien de moins» [Témoignage du très révérend Donald Harvey, Église anglicane, 10 juillet 1996, 0830-7-8].

5. Autres minorités

Le Comité a aussi entendu des témoignages et reçu des mémoires sur la position des autochtones concernant la clause 17 et l'enseignement à Terre-Neuve et au Labrador.

Dans leur version actuelle, les Conditions de l'union de Terre-Neuve et du Labrador ne mentionnent pas explicitement les peuples autochtones. Le Comité estime que ce document devrait être éclairci afin de souligner la présence des peuples autochtones à Terre-Neuve et au Labrador et de préciser que ces peuples ont des droits.

La nouvelle clause 17 prévoit, au sous-alinéa b)(ii), que «la Législature peut approuver la création, le maintien et le fonctionnement d'une école soutenue par les deniers publics, qu'elle soit confessionnelle ou non». Nous estimons que cette disposition pourrait permettre aux autochtones de prendre le contrôle de leur instruction et nous appuyons sans réserve les efforts en ce sens. Le remaniement du système d'enseignement de la province doit s'effectuer de façon à respecter les droits des autochtones.

Nous avons aussi entendu des témoignages sur les efforts déployés par la Fédération des parents francophones de Terre-Neuve et du Labrador afin d'établir une commission scolaire pour la population francophone de la province. Nous avons été heureux d'apprendre, de la bouche du ministre de l'Éducation, M. Roger Grimes, que le 10 juillet, le cabinet a approuvé un amendement au projet de loi touchant l'enseignement, qui autorise la création d'une telle commission. Il sera donc possible de proposer des mesures législatives à cet effet, qui accompagneront les autres mesures mises en oeuvre après l'adoption de la clause 17, afin d'effectuer la réforme du système d'enseignement.

IV. LES EFFETS DE LA MODIFICATION SUR D'AUTRES PROVINCES

Le dernier point soumis à l'examen du Comité est celui de l'effet de cette modification sur d'autres provinces et la question de savoir si le Sénat créera un précédent qui pourrait menacer l'enseignement religieux dispensé ailleurs.

Nous sommes convaincus que cette modification ne créera pas de précédent juridique défavorable. La situation à Terre-Neuve est unique en son genre. C'est la seule province où toutes les écoles financées par les recettes fiscales sont confessionnelles. Aucune autre n'est dotée d'un système scolaire analogue ou du même contexte constitutionnel. La clause 17 est tout à fait distincte de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 et des dispositions adoptées par d'autres provinces pour remplacer cet article.

Le ministre de la Justice, Allan Rock, a déclaré au Comité que : «Les précédents, pour être valables, doivent porter sur des faits ou des principes, sinon identiques, du moins semblables. Il serait très étonnant de trouver ailleurs au Canada une situation qui présente les mêmes principes et les mêmes circonstances que celle qui nous occupe à l'heure actuelle» [Témoignage de l'honorable Allan Rock, ministre de la Justice et procureur général, 20 juin 1996, 1030-7].

Nous pensons que refuser d'agir peut tout aussi bien créer un précédent que le fait d'agir, comme l'a souligné Professeure Bayefsky lors de la première audience du Comité sur la question : «La Constitution doit être actualisée afin qu'elle soit à jour et continue de répondre aux besoins des Canadiens; par conséquent, le fait qu'une modification puisse changer des droits d'ores et déjà constitutionnalisés ne doit pas représenter un obstacle à cette actualisation. Sinon, la Constitution deviendrait rigide et impossible à modifier» [Témoignage de Professeure Bayefsky, 18 juin 1996, 1020-2].

Nous estimons que la Constitution peut être modernisée; c'est un document souple, capable de changer pour répondre aux besoins des Canadiens. La possibilité de réaliser une telle modification constitue le seul précédent que pourrait créer la situation unique de Terre-Neuve.

V. CONCLUSION

En conclusion, nous sommes convaincus que le processus qui a mené à la modification de la clause 17 a été équitable. Chacune des minorités protégées dont les droits seront touchés a eu toutes les occasions de participer au débat public qui a abouti à la modification, y compris aux audiences devant la commission royale sur l'enseignement, au référendum et aux élections générales de 1996. Elles ont aussi participé activement aux discussions avec le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador.

Nous sommes également persuadés que, dans l'ensemble, la modification proposée garantira suffisamment les droits des minorités protégées. Certes, elles seront touchées par la modification, mais celle-ci ne les opprimera pas. Les écoles continueront d'être confessionnelles, et chacune des minorités protégées continuera d'avoir le droit d'assurer l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école. Par ailleurs, le droit aux écoles uniconfessionnelles, en plus d'être inscrit dans la Constitution, sera élargi. En fait, les droits des minorités protégées après la modification seront plus vastes que ceux dont jouissent les minorités religieuses dans d'autres provinces.

Ayant étudié et soupesé les droits en cause, nous adoptons sans réserve la résolution présentée au Sénat par la sénatrice Fairbairn, et demandons que la modification de la Constitution du Canada soit autorisée par promulgation de Son Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, conformément à la nouvelle clause 17, telle qu'approuvée par l'Assemblée législative de Terre-Neuve et la Chambre des communes.

En conséquence, nous recommandons que le Sénat adopte la résolution sans amendement.

OPINION DISSIDENTE

I. SOMMAIRE DES TÉMOIGNAGES TEL QUE PRÉPARÉ PAR LES RECHERCHISTES DU COMITÉ

1. Contexte et avis des spécialistes

a. Contexte historique

Au moment de la confédération, la Loi constitutionnelle de 1867 a conféré aux provinces une compétence exclusive dans le domaine de l'éducation, à deux exceptions près : la protection des droits confessionnels qui existaient en droit au moment de la confédération et le rôle remédiateur du fédéral afin de protéger les droits confessionnels en matière d'éducation. Les cinq autres provinces qui se sont jointes au Canada ont adopté (Colombie-Britannique et Île-du-Prince-Édouard) ou adapté (Manitoba, Alberta et Saskatchewan) l'article 93 dans leurs conditions d'union. Cependant, la situation n'était pas la même dans toutes les provinces, et seules l'Ontario, le Québec, l'Alberta et la Saskatchewan étaient dotées de droits à l'enseignement confessionnel établis en vertu de la loi au moment de l'entrée de Terre-Neuve dans la confédération. De plus, l'absence de protection constitutionnelle pour le système scolaire catholique dans de nombreuses parties du Canada entraînait l'effritement de l'enseignement en français, ce qui compliquait la situation.

En 1949, Terre-Neuve a été la dixième et la plus récente province à se joindre à la Confédération. La clause 17 des Conditions de l'union portait sur l'enseignement confessionnel. Elle était unique à trois égards. Les neuf autres provinces prévoyaient des garanties des droits confessionels à l'extérieur du système d'enseignement public; or Terre-Neuve n'avait pas de système d'enseignement public. De plus, les conditions d'union des neuf autres provinces visaient uniquement les religions protestante et catholique, cette dernière étant en minorité dans toutes les provinces sauf le Québec et le Manitoba, alors que les Conditions de l'union de Terre-Neuve accordaient des garanties en matière d'enseignement à sept catégories religieuses différentes qui, ensemble, représentaient plus de 95 p. 100 de la population. Enfin, les dispositions constitutionnelles des neuf autres provinces en matière d'enseignement confessionnel comprenaient toutes la possibilité d'interjeter appel au Parlement dans l'éventualité où des mesures législatives provinciales ne respecteraient pas ces droits, ces mesures pouvant être annulées ou modifiées par le Parlement fédéral. La clause 17 ne fait aucune mention d'un tel rôle fédéral, décrit à l'origine aux paragraphes 93(3) et (4) de la Loi constitutionnelle de 1867.

Durant les débats qui ont entouré le rapatriement de la Constitution canadienne, certains députés de Terre-Neuve avaient dit craindre que la Charte des droits et libertés n'ait une incidence sur la clause 17 et, plus particulièrement, sur les droits des Assemblées de la Pentecôte, qui ne furent pas reconnues juridiquement avant 1954 et n'étaient donc pas protégées sur le plan constitutionnel par la clause 17. Lorsque le comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat a étudié le texte de la future Charte, un amendement fut proposé afin que celle-ci ne s'applique pas à la clause 17. Cet amendement fut élargi pour étendre à l'échelle du pays l'exemption visant les droits à l'enseignement confessionnel. En 1987, une protection constitutionnelle fut accordée aux Assemblées de la Pentecôte par une autre modification, en vertu de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982. L'article 29 de la Loi constitutionnelle de 1982 se lit comme suit :

29. Les dispositions de la présente charte ne portent pas atteinte aux droits ou aux privilèges garantis en vertu de la Constitution du Canada concernant les écoles séparées et autres écoles confessionnelles.

b. Le système d'enseignement de Terre-Neuve

Le premier enseignement organisé documenté de Terre-Neuve et du Labrador a été établi à l'été de 1686 par la collectivité française de Placentia et St-Pierre lorsque les habitants ont convenu de subvenir aux besoins d'un prêtre catholique chargé, entre autres fonctions, d'enseigner aux enfants quatre mois par année. Quand la première Education Act a été adoptée en 1836, la population était composée essentiellement d'anglicans, de catholiques et de méthodistes, et ces groupes estimaient que l'enseignement incombait à la famille et à l'Église, plutôt qu'à l'État. D'ailleurs, en adoptant la loi de 1836, l'Assemblée législative acceptait l'obligation morale de partager certains frais de l'éducation, mais en laissait la responsabilité à l'Église et aux familles.

Les commissions scolaires locales non confessionnelles envisagées par la loi de 1836 n'ont pas fonctionné, en grande partie en raison d'un différend opposant les commissaires catholiques et anglicans quant à la version de la Bible à utiliser. Une modification apportée à la loi en 1838 interdisant la lecture des Écritures saintes, quelle qu'en soit la version, a alimenté les protestations plutôt que de les faire taire. En 1843, le gouvernement, convaincu qu'aucun compromis n'était possible, instituait deux commissions scolaires distinctes, une catholique et une anglicane, la subvention à l'enseignement étant répartie proportionnellement entre les deux. Les écoles aussi ont été réparties entre les deux, et ces mesures marquent le début des dispositions législatives sur le système d'enseignement confessionnel à Terre-Neuve.

La Education Act de 1874 a reconnu l'Église d'Angleterre, l'Église catholique, l'Église congrégationaliste, la Free Church of Scotland, la Kirk of Scotland et l'Église méthodiste en tant que confessions religieuses pour les fins de l'administration des conseils scolaires. Deux ans plus tard, de nouvelles mesures législatives instituèrent trois postes de surintendant confessionnel d'éducation représentant respectivement l'Église d'Angleterre, l'ensemble de la communauté protestante et l'Église catholique. L'Armée du salut fut reconnue en 1892, l'Église adventiste du septième jour en 1912 et les Assemblées de la Pentecôte en 1954.

La Education Act de 1927, le dernier grand texte législatif adopté dans le domaine avant la Confédération en 1949, sanctionnait le système d'enseignement confessionnel en place en tant que système d'État reconnu et approuvé, et définissait quatre aspects relevant des Églises :

  1. le droit pour les confessions d'avoir des commissions scolaires pouvant posséder et exploiter des écoles;
  2. le droit de ces commissions d'embaucher et de licencier des enseignants;
  3. le droit des écoles confessionnelles de recevoir des fonds publics sur une base exempte de différenciation injuste;
  4. le droit de fonder des collèges confessionnels.

Tels étaient les droits à l'enseignement confessionnel protégés par la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada.

Au cours des 100 dernières années, des efforts concertés ont été déployés afin d'améliorer le système d'enseignement par la coordination et le fusionnement; or le souffle qui a animé ces efforts est venu principalement de la base, c'est-à-dire des parents et des enseignants. D'ailleurs, les toutes premières tentatives de coopération sont venues non pas du gouvernement ou des Églises, mais bien des enseignants. En 1890, ceux-ci ont formé une association, la Newfoundland Teachers' Association, expressément chargée, en tant qu'organisme interconfessionnel, de travailler pour le bien de tous les enseignants et de l'enseignement, sans distinction de confessionnalité.

En 1969, trois conseils scolaires confessionnels furent créés pour remplacer les surintendants, soit : l'Integrated Education Council (Conseil scolaire intégré), le Roman Catholic Education Council et le Pentecostal Education Council. Le Conseil scolaire intégré représentait au départ l'Église anglicane, l'Armée du salut et l'Église unie. Plus tard dans l'année, l'Église presbytérienne s'est jointe au Conseil, suivie de l'Église morave en 1977. L'Église adventiste du septième jour a conservé son conseil scolaire séparé et ne s'est pas jointe au Conseil scolaire intégré.

Lors de l'intégration de 1969, les 270 commissions scolaires en place furent regroupées pour n'en former que 37 : 20 intégrées, 15 catholiques, une pentecôtiste et une adventiste du septième jour. En 1992, le nombre de commissions fut réduit de nouveau, grâce à la collaboration plutôt qu'à des mesures législatives, le ramenant à 27 : 16 intégrées, neuf catholiques, une pentecôtiste et une adventiste du septième jour. Le ministère de l'Éducation, non confessionnel, les conseils scolaires confessionnels et les commissions scolaires se partagent l'intendance et l'administration du système d'enseignement, lequel a à peine changé depuis 1969.

Le mécanisme officiel de collaboration et de coordination entre les conseils confessionnels est le Comité mixte, créé en 1969, qui assure une tribune officielle où chaque conseil peut, par l'intermédiaire des membres de sa direction, discuter de questions d'intérêt mutuel, de domaines de collaboration et de services et d'installations communes.

En 1990, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a chargé une commission royale présidée par M. Len Williams d'étudier la prestation des programmes et services scolaires dans la province. Celle-ci a déposé son rapport, Our Children, Our Future, en 1992. M. Williams a comparu devant le Comité, à qui il a donné un aperçu du système d'enseignement de Terre-Neuve et du Labrador et des résultats de l'enquête de la commission royale. À son avis, et c'est aussi la conclusion de la commission, une réforme du système confessionnel s'impose. Il a expliqué que, si Terre-Neuve n'a pas de système d'enseignement public, c'est par manque de ressources. Avec 100 000 élèves éparpillés aux quatre coins de la province, un système parallèle au système confessionnel coûterait trop cher.

Selon M. Williams, si l'on veut répondre aux besoins de tous les enfants, il faut prendre des mesures concrètes pour servir les personnes et les groupes dont les besoins ne sont pas adéquatement satisfaits, c'est-à-dire les enfants ayant des difficultés d'apprentissage, les enfants qui ont des intérêts et des talents particuliers et les enfants défavorisés sur le plan socio-économique. Il faut aussi répondre aux préoccupations quant à la qualité de l'enseignement et à la compétitivité du système.

D'après M. Williams, la forte baisse des effectifs scolaires combinée aux insuffisances des systèmes financier et scolaire compromettent la qualité globale de l'enseignement. Par exemple, le système d'enseignement provincial a une tendance à l'inclusion, c'est-à-dire à accueillir tous les enfants au sein du système, même ceux atteints d'une déficience. Étant donné les coûts qu'entraîne une telle tendance, la question de l'inclusion ne devrait pas, selon M. Williams, être réglée par chaque système confessionnel séparément, mais il est difficile de surmonter les barrières entre confessions. M. Williams a cependant conclu en affirmant que les parents de Terre-Neuve étaient prêts à accepter que le système confessionnel soit remanié, mais ne voulaient pas qu'il soit remplacé.

Lorsqu'on lui a demandé pourquoi la commission royale n'avait pas recommandé une modification constitutionnelle de la clause 17, M. Williams a répondu que la commission avait cru qu'il serait possible de procéder par collaboration, comme cela s'était toujours fait, pour mettre en oeuvre ses recommandations. Toutefois, elle a reconnu qu'il fallait absolument, pour exécuter les changements recommandés, un consensus parmi les titulaires de droits ou une modification constitutionnelle. Selon M. Williams, les «vrais perdants» dans ce long débat sur la réforme de l'enseignement sont les élèves; il appuie la modification parce que, dit-il, «l'évolution est un processus très lent et nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre».

c. Le rôle du Sénat à l'égard d'une modification en vertu de l'article 43

L'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prescrit les modalités à appliquer pour la modification de dispositions constitutionnelles qui touchent une ou plusieurs provinces, mais pas toutes. De façon générale, les témoins entendus étaient d'avis que c'est l'article 43 qui s'applique pour la modification de la clause 17.

Docteure Kathy Brock, du département de sciences politiques de l'Université Wilfrid Laurier, et Professeure Anne Bayefsky, éminente constitutionnaliste et auteure, ont témoigné au sujet des modifications aux termes de l'article 43 en général.

Selon docteure Brock, l'article 43 stipule qu'une modification doit être d'abord proposée et adoptée sous la forme de résolution par la province concernée, puis adoptée par le Sénat, lequel ne dispose que d'un veto suspensif, et par la Chambre des communes, avant d'être promulguée.

Le Sénat peut approuver, rejeter ou modifier la résolution. Cependant, dans ces deux derniers cas, il substitue son jugement aux décisions des corps législatifs élus; il faut donc, à son avis, que la modification ou son processus d'élaboration présente des lacunes importantes. Par exemple, il faudrait prouver que des préjudices seraient causés aux droits des minorités, préjudices que ne compenseraient pas les bienfaits sur le plan de la qualité de l'enseignement ou les droits conférés à d'autres groupes de la société.

D'après docteure Brock, le Sénat a toujours agi comme protecteur des droits des minorités. Cela est particulièrement important étant donné les dispositions semblables à la clause 17 qui figurent à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, à l'article 22 de la Loi sur le Manitoba, et aux articles 17 de la Loi sur la Saskatchewan et de la Loi sur l'Alberta . Il faut toutefois bien préciser que la clause 17 comporte des caractéristiques distinctes qui ne se retrouvent pas dans les dispositions précitées.

Pour sa part, Professeure Bayefsky estime que toute modification aux termes de l'article 43 soulève inévitablement la question des modifications constitutionnelles en général. Selon le libellé de l'article 43, il est clair que les chambres du Parlement ne sont pas censées approuver automatiquement une proposition provenant du gouvernement provincial, mais doivent plutôt étudier avec soin le motif de la modification et l'incidence de cette dernière sur des aspects comme les droits des minorités et l'actualisation de la Constitution.

Toute modification de la Constitution, souligne-t-elle, risque d'avoir des répercussions sur des droits et qu'il importe alors de se demander si ce changement est approprié et s'il est réalisé de façon équitable.

Selon Professeure Bayefsky, le Sénat doit tenir compte de trois critères lorsqu'il examine la modification proposée : Est-ce que le processus qui y a mené est juste? Est-ce que la modification pourrait opprimer les minorités? Quelles sont ses répercussions sur le reste du pays?

En ce qui concerne l'équité du processus, Professeure Bayefsky a suggéré que le Sénat étudie une série de questions. Est-ce que la modification est le résultat d'un processus juste et démocratique? Des audiences publiques ont-elles eu lieu? A-t-on tenté de procéder par réforme non constitutionnelle? Y a-t-il eu des négociations avec les parties affectées? Y a-t-il eu un référendum? Une élection a-t-elle eu lieu qui a reposé en partie sur cette proposition?

En ce qui concerne l'incidence sur les droits des minorités, Professeure Bayefsky a proposé une autre série de questions. Est-ce que l'intention du gouvernement était d'améliorer la qualité de l'enseignement, ou était-il animé d'une intention suspecte? Quelle a été la participation de la minorité au processus? Est-ce que le résultat assure quand même une certaine protection aux droits des minorités? Ces minorités continuent-elles de jouir d'une certaine protection? Quelle est l'incidence de la Charte canadienne des droits et libertés - fondée sur des principes tels l'égalité, le multiculturalisme et la liberté de conscience - sur la conception des droits des minorités visées?

Après s'être posé les deux premières questions, c'est-à-dire celles touchant l'équité du processus et l'éventuelle oppression d'une minorité défavorisée, le Sénat devrait se pencher sur les conséquences pour d'autres groupes. Quels sont, par exemple, les effets sur les autres provinces? Est-ce qu'un précédent est établi? Est-ce que les effets connexes sont importants et préjudiciables au caractère du pays, ou s'agit-il d'une situation unique qui ne ressemble en rien à celle des autres provinces?

C'est dans ce contexte que le Comité a amorcé son étude.

d. La clause 17 et les droits aux écoles confessionnelles

Professeur Benoît Pelletier, de l'Université d'Ottawa, et professeur Dale Gibson, de l'Université de l'Alberta, ont présenté leur propre analyse de la modification proposée.

Les deux spécialistes conviennent que l'article 43 constitue le mode de révision appropriée pour modifier la clause 17. Professeur Pelletier est toutefois d'avis que l'article 93 comporte deux parties : l'introduction, qui confère à chaque province la compétence exclusive en matière d'enseignement; et l'exemption touchant les droits à l'enseignement confessionnel contenus aux paragraphes (1) à (4). Selon lui, il pourrait être nécessaire pour modifier la première partie de l'article - visant la compétence exclusive des provinces en matière d'enseignement - d'appliquer le mode de révision prévu par l'article 38, c'est-à-dire sept provinces et cinquante pour cent de la population.

Professeur Pelletier estime que la modification de la clause 17 touche uniquement Terre-Neuve. Cependant, il recommande la plus grande prudence. Si le Parlement accepte une diminution des droits en matière d'enseignement confessionnel à Terre-Neuve, il pourrait lui être difficile de refuser des modifications semblables à une autre province, particulièrement au Québec. L'on peut soutenir qu'une modification de l'article 93 nécessite le consentement de deux, quatre ou six provinces, mais il est également vrai que la Cour suprême pourrait décider d'approuver une modification dont ont convenu uniquement le Québec et le Parlement fédéral.

Selon professeur Pelletier, l'arrêt de 1993 de la Cour suprême sur les droits à l'enseignement confessionnel garantis aux catholiques et aux protestants à Montréal et à Québec [Renvoi relatif à la Loi sur l'instruction publique du Québec] confère à ces catégories de personnes le droit à des écoles confessionnelles séparées et aux «structures» qui leur permettront de gérer ces écoles. Toutefois, il est difficile de déterminer ce que la Cour entend par la notion de «structures».

Pour professeur Pelletier, la clause 17 est la seule disposition provinciale en matière d'enseignement confessionnel qui ne comprend pas la possibilité d'une intervention ou de mesures correctives de la part du gouvernement fédéral. Toutefois, ajoute-t-il, il ne faut pas conclure pour autant que le gouvernement fédéral est dépourvu de tout rôle de protection. Selon lui, l'absence, dans la clause 17, de mécanisme d'appel au gouvernement fédéral s'explique simplement par le fait qu'en 1949, il semblait peu probable que le gouvernement fédéral entende un appel à l'égard d'une mesure provinciale ou que le Parlement légifère pour remédier à des dispositions législatives prises par une province.

Professeur Pelletier a expliqué qu'il n'existe aucun lien important entre le référendum de Terre-Neuve et les référendums sur la souveraineté québécoise. Si le Québec devenait souverain en vertu du droit international, la Constitution canadienne cesserait de s'appliquer dans cette province. Par conséquent, le Québec, ses institutions, ses citoyens et ses tribunaux n'auraient plus aucun rôle à jouer dans d'éventuelles modifications de la Constitution canadienne.

D'entrée de jeu, professeur Gibson a clairement affirmé que la modification proposée de la clause 17, si elle est acceptée, n'aura aucune incidence sur la valeur d'un éventuel référendum au Québec. En premier lieu, il n'y a aucune commune mesure entre la modification d'une clause d'une constitution provinciale en vertu du mode de révision bilatéral prévu par l'article 43, et une modification qui aurait pour effet d'amputer le pays d'une de ses parties les plus importantes. En deuxième lieu, le référendum de Terre-Neuve n'a pas été un élément essentiel ou même important du processus de modification. En troisième lieu, le Parlement n'est aucunement tenu d'accepter une résolution provenant d'une province.

Professeur Gibson reconnaît que la nouvelle clause 17 assure encore davantage de droits à l'enseignement confessionnel que les lois de nombre d'autres provinces. Cependant, la résolution proposée diminuera certains droits existants en les assujetissant à la volonté législative.

Selon professeur Gibson, l'alinéa 1 c) proposé ne comprend pas certains droits à l'enseignement confessionnel qui sont probablement inscrits dans l'actuelle clause 17. Par exemple, la Constitution habilite chaque catégorie de personne à s'occuper de tous les aspects de la gestion de son propre conseil scolaire confessionnel. Une réforme découlant de la nouvelle clause 17 pourrait entraîner la création de conseils interconfessionnels représentant différentes écoles et religions, ce qui aurait pour effet d'amoindrir considérablement les capacités ou les droits de gestion des contribuables des écoles confessionnelles.

De l'avis de professeur Gibson, le droit existant en matière d'enseignement confessionnel qui était en vigueur quand la clause 17 a été adoptée en 1949 n'interdisait pas à l'Assemblée législative de Terre-Neuve d'adopter des lois prévoyant un enseignement soutenu par les deniers publics pour les groupes non protégés, mais un tel financement n'aurait pas fait l'objet d'une protection constitutionnelle. À son avis, la modification de 1987 n'était pas nécessaire pour protéger les droits scolaires des pentecôtistes, mais elle a servi à conférer un statut constitutionnel à ces droits.

De l'avis de professeur Gibson, il n'est pas nécessaire de procéder par modification constitutionnelle pour effectuer des réformes touchant les écoles non confessionnelles, ou les catégories non protégées. Cependant, d'autres réformes, comme le fusionnement de plusieurs commissions scolaires pour réaliser d'importantes économies, nécessitent une modification constitutionnelle parce qu'elles empiètent sur les droits de gestion des écoles confessionnelles garantis par la Constitution.

2. Les opinions à Ottawa

Les opinions des témoins sont regroupées sous trois critères : le processus d'élaboration de la modification était-il équitable? La modification risque-t-elle d'entraîner une certaine oppression des minorités? Entraînera-t-elle des conséquences pour le reste du pays?

a. Caractère équitable du processus

i. Genèse du processus

Le ministre de la Justice a exposé au Comité les facteurs qui ont incité le gouvernement fédéral à appuyer la modification. Le gouvernement a examiné tous les aspects du processus, y compris les décennies de discussions, les longues négociations entre le gouvernement et les groupes confessionnels, le rapport de la commission royale paru en 1992, les élections provinciales de 1996 que le parti au pouvoir a gagnées notamment en promettant de réformer le système d'enseignement, l'état du réseau scolaire terre-neuvien, la nature des modifications envisagées et les droits qui seraient préservés une fois la modification en vigueur. Enfin, on a tenu compte du fait qu'au mois de mai, l'Assemblée législative de Terre-Neuve avait adopté, à l'unanimité, une résolution appelant le Parlement à agir sans délai de manière à rendre effectif le changement constitutionnel.

Le ministre a déclaré que le véritable motif, c'est le désir du gouvernement provincial de moderniser son réseau scolaire. Il n'y a pas unanimité à cet égard, mais le processus suivi était équitable, et c'est pourquoi le gouvernement fédéral a été prié de participer.

Docteure Brock a fait remarquer que, lorsqu'on a recours à un référendum, il importe quand même de déterminer : si les minorités ont été consultées d'une autre façon (audiences ou autres mécanismes de consultation publique); si le public est conscient des conséquences que la modification entraînera; et si le débat du corps législatif était d'une qualité acceptable.

ii.Nécessité ou non d'une modification constitutionnelle

Selon le ministre de la Justice, la modification constitutionnelle est nécessaire parce que le changement envisagé concerne la manière d'exercer les droits en matière d'enseignement confessionnel.

D'après Professeure Bayefsky, le processus de la modification constitutionnelle est approprié et nécessaire, sans quoi, tout projet ultérieur de réforme serait d'emblée menacé d'être entravé par une contestation constitutionnelle et par les procédures judiciaires longues et paralysantes qui s'ensuivraient inévitablement.

M. Ian Binnie, ancien sous-ministre associé de la Justice, qui a récemment donné au gouvernement de Terre-Neuve une opinion sur le caractère constitutionnel de la modification, est aussi d'avis que la Cour suprême, dans son arrêt de 1993, Renvoi relatif à la Loi sur l'instruction publique du Québec, a donné au gouvernement du Québec une marge de manoeuvre considérable, même à l'intérieur des limites de l'article 93, pour réformer son système d'enseignement selon des critères linguistiques. Toutefois, pense-t-il, cette décision ne s'applique pas à Terre-Neuve. Selon M. Binnie, la situation qui régnait à Terre-Neuve en 1948, et qui a été intégrée dans la Constitution en vertu de la clause 17, était beaucoup plus contraignante que la situation québécoise de 1867.

Il a évoqué plus particulièrement l'article 76 de la loi de 1948 de Terre-Neuve, qui semble limiter la capacité du gouvernement de financer les écoles selon le besoin plutôt que selon la population. L'Assemblée législative de Terre-Neuve, a-t-il reconnu, pourrait à l'heure actuelle créer de nouvelles écoles, mais à condition de prévoir une participation de toutes les confessions, selon les pratiques et procédures juridiquement en vigueur en 1948. La création et le financement de nouvelles écoles signifieraient une augmentation des sommes allouées aux Églises, en fonction de la population et non pas du besoin.

En revanche, M. Lauwers, un avocat qui a comparu en même temps que plusieurs organismes catholiques, est d'avis que le système d'enseignement de Terre-Neuve peut être restructuré et réformé sans que l'on doive nécessairement modifier la Constitution. Rien n'empêche le gouvernement de Terre-Neuve, en principe ou en droit, d'établir un système scolaire interconfessionnel à l'intention de ceux qui ont voté le renoncement à leurs droits en matière d'enseignement confessionnel. L'Evangelical Fellowship pense également que, si l'actuelle clause 17 interdit au gouvernement provincial de porter préjudice aux groupes protégés, elle ne l'empêche pas d'offrir des avantages aux autres groupes.

Pour M. Williams, l'option non constitutionnelle ne peut pas fonctionner. Selon lui, la nouvelle clause 17 s'inscrit logiquement dans l'évolution historique de l'enseignement à Terre-Neuve, car les modifications proposées par le gouvernement n'auraient pour effet ni d'exclure les Églises du domaine de l'enseignement ni de rendre le système non confessionnel. Il en coûterait trop cher à Terre-Neuve d'entretenir un réseau laïque parallèle. D'ailleurs, cela n'aurait pour effet que de nuire au système déjà en place.

iii.Autres droits des minorités

Réitérant les affirmations de Professeure Bayefsky et de docteure Brock, le ministre de la Justice a souligné que ce problème demandait une pondération et un équilibrage des intérêts. Il a cité Professeure Bayefsky, à savoir que «les droits, et le fait qu'ils aient été ou non suffisamment protégés, doivent être soupesés par rapport aux droits de toute une gamme d'autres groupes. Ce serait une erreur de n'en considérer qu'un seul».

Il a rappelé la déclaration de docteure Brock : «Il faut élaborer clairement les critères qui permettront de déterminer si les droits des minorités risquent d'être réduits et si ce préjudice ne sera pas compensé par les avantages gagnés sur le plan de la qualité de l'enseignement ou par les droits que d'autres groupes de la société acquerront».

M. Rock a énuméré les droits touchés par la modification : «Premièrement, le droit des enfants de Terre-Neuve de recevoir le meilleur enseignement possible; ensuite, le droit des parents de décider où leurs enfants iront à l'école; troisièmement, les droits de chaque Église; et quatrièmement, le droit des représentants élus de Terre-Neuve et du Labrador de mettre en place un système d'enseignement approprié, comme ils l'entendent.

Le grand chef Ovide Mercredi a fait observer que la modification terre-neuvienne ne comportait aucune disposition explicite garantissant aux Premières nations de cette province le pouvoir et la compétence de maintenir et d'administrer leurs propres écoles, avec des fonds publics. Les Premières nations veulent que le droit des autochtones à l'enseignement soit reconnu séparément, au lieu d'être sous-entendu dans le contexte d'autres dispositions constitutionnelles. Elles craignent également que la nouvelle clause 17 ne permette au gouvernement fédéral d'affirmer désormais plus facilement que l'enseignement des Premières nations à Terre-Neuve est de compétence provinciale.

b.Les conséquences pour les droits des minorités

i.La nature de la nouvelle clause 17

Le ministre de la Justice soutient que la future clause 17 n'apportera de changements que dans la manière dont sont exercés les droits en matière d'enseignement confessionnel et dont sont administrées les écoles confessionnelles. Il y aura encore des écoles confessionnelles ainsi qu'un rôle pour les Églises dans l'enseignement.

Le gouvernement, a expliqué M. Rock, a pris en compte le fait qu'il n'existe pas de confession véritablement majoritaire à Terre-Neuve et que chacune des sept Églises seront touchées également par les changements envisagés. Il y aura des écoles uniconfessionnelles là où les parents le demanderont et où le nombre d'élèves le justifiera. M. Rock, comme Professeure Bayefsky, estime que «les minorités joueront encore un rôle important dans le système d'enseignement, en fait elles exerceront un pouvoir et un contrôle plus grands qu'elles ne pourraient le faire dans plusieurs autres provinces». Le simple fait qu'une disposition existe depuis 50 ans ne signifie pas qu'elle ne puisse pas être modifiée, a souligné le ministre. La Constitution est un document vivant et souple qui doit s'adapter.

D'après M. Ian Binnie, la nouvelle clause 17 porte essentiellement sur la réorganisation. Les droits qui seront diminués concernent la construction et le financement des écoles, ainsi que les rouages du système d'enseignement; rien de tout cela n'atteint le noyau essentiel des valeurs protégées par la Constitution.

Selon M. Binnie, la grande question que le Sénat doit se poser est celle-ci : Terre-Neuve respecte-t-elle ce qui constitue véritablement les droits des confessions religieuses en tant que confessions religieuses, tout en laissant aux Terre-neuviens, en tant que citoyens et que contribuables, le droit de rendre leur système d'enseignement plus rationnel?

L'alinéa 1 a), estime-t-il, vise essentiellement le maintien des droits acquis, en permettant aux écoles existantes de conserver le droit de dispenser un enseignement religieux et d'assurer l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école. Selon lui, cette disposition est axée sur la notion d'enseignement confessionnel, telle que définie par la Cour suprême. L'alinéa b) précise que tout critère appliqué par l'Assemblée législative de la province dans un domaine ne touchant pas aux valeurs essentielles - c'est-à-dire n'ayant rien à voir avec l'enseignement religieux, les activités religieuses ou la pratique de la religion - s'applique de manière uniforme.

Toutefois, pour certains témoins appartenant aux confessions touchées, la nouvelle clause 17 fera perdre dans une large mesure aux parents de Terre-Neuve et du Labrador le droit de faire instruire leurs enfants dans des écoles catholiques - au sens que l'Église donne à cette notion - car celles-ci ne pourront peut-être pas survivre. La Federation of Independent Schools est d'avis que la nouvelle clause 17 ne concerne pas la réforme de l'enseignement, mais plutôt la question de savoir par qui et comment le réseau scolaire sera régi. Et, à ses yeux, le pouvoir de régir fait partie intégrante de l'enseignement confessionnel.

Le Comité a aussi entendu M. Colin Irving qui, en tant qu'avocat, a joué le rôle de conseiller constitutionnel auprès des Conseils scolaires catholique et pentecôtiste et a témoigné devant la Cour suprême du Canada dans bon nombre de causes récentes portant sur la confessionnalité des écoles. Dans l'ensemble, les arguments de M. Irving vont dans le même sens que ceux des témoins qui estiment que la nouvelle clause 17 empiète considérablement sur les droits des parents à l'enseignement confessionnel pour leurs enfants.

Selon M. Irving, le débat en cours est essentiellement le même que celui qui a présidé à l'inclusion de l'article 93 dans la Loi constitutionnelle de 1867. À l'époque, les protestants de l'Ontario et du Québec étaient d'avis que les écoles devaient être «chrétiennes», sans être régies par l'Église. Ils souhaitaient un système scolaire public et ne voulaient pas être assujettis à l'enseignement «catholique» dans l'éventualité où ils auraient constitué une minorité dans un district scolaire donné, l'enseignement «catholique» étant, par définition, étant régis par l'Église. Par conséquent, l'article 93 devait constituer une garantie constitutionnelle pour les minorités. En 1949, la clause 17 aussi était censée protéger les droits des minorités.

Selon M. Irving, les Églises intégrées sont prêtes à renoncer à certains de leurs droits en matière d'enseignement, mais c'est qu'elles n'ont pas les mêmes exigences concernant l'exercice de ces droits que d'autres catégories de personnes, soit les catholiques, les pentecôtistes ou les adventistes.

ii.La nature et la portée de la notion d'«enseignement confessionnel»

Pour la Conférence des évêques catholiques du Canada, l'école confessionnelle est celle qui offre à l'élève un milieu propice à l'étude et à la compréhension de toutes les valeurs importantes. Pour sa part M. Lauwers, avocat de l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques, rappelle que cette notion d'enseignement catholique a été reconnue par la Cour suprême et qu'elle est bien acceptée dans la jurisprudence canadienne. L'enseignement catholique est global. Les exercices religieux et le catéchisme hebdomadaires ne peuvent à eux seuls remplacer complètement un «enseignement catholique».

Quant à l'Evangelical Fellowship of Canada, il estime que l'enseignement s'inscrit dans un cadre de croyances et de valeurs, parfois appelé «vision du monde», grâce auquel chacun donne un sens à sa vie et au monde qui l'entoure. Ainsi, la religion, ou l'idéologie, est inhérente à l'enseignement, qui lui-même repose sur la foi. Comme tout enseignement est fondé sur des valeurs, aucune école ne peut être dite «neutre».

L'Evangelical Fellowship of Canada souligne aussi que, d'après l'actuelle clause 17, il est possible, dans les écoles catholiques, adventistes du septième jour et pentecôtistes, de dispenser, heure par heure, matière par matière, un enseignement empreint de l'interprétation, des perceptions, de la pensée et des principes de la religion chrétienne. À leur avis, cela deviendra très difficile, sinon impossible, dans le nouveau système interconfessionnel. Les Églises ne pourront plus intervenir dans l'ensemble du programme des cours. Elles devront se contenter de donner des classes d'enseignement religieux et d'assurer l'exercice de la pratique religieuse.

À ce propos, M. Binnie fait remarquer que la notion «globale» d'enseignement confessionnel ne correspond pas à la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. En 1989, les commissions scolaires protestantes de Montréal ont dit, dans leur plaidoyer devant la Cour suprême, que l'éthique protestante concernait toutes les facettes de l'enseignement et tous les aspects du fonctionnement de l'école. La Cour n'était pas en désaccord avec cette idée. À la fin, toutefois, elle a décidé que l'intention qui sous-tendait les droits en matière d'enseignement confessionnel, en tant que valeur constitutionnelle, était plus étroite que l'éthique de l'enseignement, parce qu'il fallait maintenir un équilibre entre les droits de l'assemblée législative de réglementer le système confessionnel dans le meilleur intérêt de la population et le droit des écoles confessionnelles de définir précisément quels étaient les droits qui les concernaient.

Selon M. Binnie, l'arrêt de 1993, Renvoi relatif à la Loi sur l'instruction publique du Québec, contient plusieurs commentaires très importants sur l'équilibre entre les droits des assemblées législatives provinciales et les droits en matière d'enseignement confessionnel. L'article 93 et la clause 17 donnent aux gouvernements provinciaux le pouvoir exclusif de légiférer en matière d'éducation. De plus, ces dispositions établissent que les droits existants en matière d'enseignement confessionnel constituent une limite à cette compétence exclusive. En imposant de trop nombreuses limites au pouvoir législatif de la province, on empêcherait celle-ci d'exercer correctement ses compétences en matière d'enseignement. La Cour suprême a aussi reconnu la nécessité de moderniser et de modifier les rouages de l'enseignement, au fil du temps, pour répondre à des besoins changeants.

D'après M. Lauwers, la nouvelle clause 17 aura pour effet d'assujettir entièrement l'exercice du droit d'avoir des écoles confessionnelles séparées aux lois provinciales d'application générale. Les confessions religieuses terre-neuviennes actuellement protégées passeraient donc d'une situation de certitude à une situation d'incertitude totale, parce que les critères régissant l'établissement d'écoles confessionnelles séparées seraient susceptibles de modification selon les caprices du gouvernement provincial en place, tandis que les groupes confessionnels n'auraient aucun recours réel.

M. Irving est du même avis. L'alinéa 17 1) b), tout en ayant l'air d'octroyer un droit, prévoit expressément que ce droit peut être annulé par une loi provinciale : le gouvernement de Terre-Neuve y est habilité à fixer les conditions d'exercice du droit en question. Ces conditions peuvent vider le droit de toute signification ou rendre son exercice impossible.

iii.Critiques et modifications proposées à la clause 17

Selon plusieurs témoins, la nouvelle clause 17 donne à l'expression «école confessionnelle» une nouvelle signification, qui suppose une différence importante par rapport aux droits garantis en 1949. Certes, la clause contient les termes «écoles confessionnelles», mais, selon ces témoins, les écoles en question auront, en fait, une capacité minimale de dispenser un enseignement conforme aux croyances religieuses des parents, sauf circonstances exceptionnelles.

M. Binnie rappelle que la Cour suprême a défini les valeurs fondamentales de l'enseignement confessionnel et qu'il vaudrait mieux mesurer la future clause 17 au regard de ces valeurs fondamentales plutôt que d'une notion traditionnelle d'«école confessionnelle».

Les défenseurs des confessions catholique et pentecôtiste craignent surtout que la nouvelle clause 17 ait pour effet de rendre le maintien de leurs écoles tributaire des lois provinciales qui fixeront les seuils de viabilité.

Le gouvernement de Terre-Neuve, souligne docteure Brock, promet aux parents que, s'ils se regroupent, s'ils sont assez nombreux et s'ils réclament le maintien d'une école par voie d'une pétition, cette école sera maintenue. Si le gouvernement respecte ce principe, il existe bel et bien une protection. Toutefois, il ne s'agit que d'une décision politique, qui peut être modifiée à tout instant. Si le gouvernement décide de faire prévaloir l'école commune là où il existe deux écoles dans un même district, ou lorsque le nombre d'élèves commence à diminuer, on assistera à une érosion des droits en matière d'enseignement confessionnel.

À la défense de la nouvelle clause, M. Binnie fait valoir que, selon la Cour suprême du Canada, il doit y avoir un équilibre entre le pouvoir qu'a la province de réglementer le système d'enseignement dans le meilleur intérêt de la population et le droit qu'ont les écoles confessionnelles de définir en quoi consistent précisément les droits qui les touchent.

La Cour suprême, remarque M. Binnie, a établi une distinction entre les valeurs fondamentales que sont l'enseignement religieux et moral, et les aspects non confessionnels qui ne sont pas protégés par la Constitution. Selon lui, les décisions de la Cour suprême appuient l'idée que les assemblées législatives des provinces devraient avoir un rôle à jouer dans la définition des valeurs non fondamentales.

Toutefois, d'après l'expérience des représentants des commissions scolaires catholiques du Québec, lorsque la gestion d'un conseil scolaire relève de plusieurs groupes, dont certains sont plus laïques que d'autres, les programmes à caractère religieux sont en danger et risquent, au bout du compte, de disparaître. L'école uniconfessionnelle qui fait partie d'une commission scolaire interconfessionnelle ou non confessionnelle a une existence fragile et menacée.

À la question de savoir s'il accepterait que des modifications soient apportées à la résolution, le ministre de la Justice a répondu que non, parce que, a-t-il dit, «je représente la circonscription d'Etobicoke Centre et je n'ai pas la prétention, à partir d'Etobicoke Centre, de dicter à la province de Terre-Neuve comment libeller les lois concernant l'administration de son réseau scolaire». Dès lors que le processus est mené selon des principes démocratiques et équitables, et que les droits des minorités ne sont pas abrogés, le Parlement national se doit de procéder sans imposer, à son gré et à distance, des termes qui pourraient ne pas être appropriés dans le texte modifié, a-t-il ajouté.

Certains témoins sont toutefois en faveur de deux modifications précises. Quelques-uns pensent que l'absence d'un critère objectif, tel l'expression «lorsque le nombre le justifie», signifie que les minorités confessionnelles seraient sans recours devant les tribunaux. M. Irving fait partie de ces témoins. L'alinéa 17 1) b), dans le libellé prévu, créerait un droit qui n'est pas juste, selon lui. «On vous demande d'approuver une garantie constitutionnelle qui n'en est pas une et qui ne pourrait jamais être invoquée devant un tribunal», a-t-il affirmé au Comité.

M. Irving préconise que l'on substitue les termes «lorsque le nombre le justifie» à l'ensemble de l'introduction de la disposition qui commence par «sous réserve de». MM. Binnie et Irving sont d'accord pour dire qu'une modification de ce genre élargirait la portée du droit prévu dans la nouvelle clause 17; toutefois, selon M. Irving, une telle modification donnerait suite à la promesse faite par le gouvernement de Terre-Neuve au moment du référendum, à savoir que les écoles uniconfessionnelles seraient maintenues «lorsque le nombre le justifie».

Pour M. Binnie, la formule «lorsque le nombre le justifie» met en jeu la jurisprudence découlant de l'article 23 de la Charte, qui concerne les droits des minorités linguistiques en matière d'enseignement. Il ne serait pas approprié selon lui de transposer les critères régissant les droits des minorités linguistiques dans un contexte touchant l'article 93. L'article 23 est une disposition qui joue le rôle d'un rectificatif, ce qui n'est pas le cas de la clause 17.

Certains témoins s'inquiètent de ce que la clause 17 accorde aux confessions religieuses le seul droit de «régir» certaines activités des écoles uniconfessionnelles. Ils voient une différence entre le droit de régir et le droit de déterminer et pensent qu'il faudrait ajouter le terme «déterminer» à la nouvelle clause 17.

M. Binnie estime que la définition que donnent les dictionnaires du terme «régir» comprend vraisemblablement : l'exécution, l'organisation, la supervision et la détermination du déroulement de l'activité en question. Par conséquent, dire «déterminer et régir», équivaudrait à une concession à la manie des avocats d'utiliser plusieurs mots là où les gens ordinaires se contentent d'un seul. On n'empêchera jamais les avocats de remettre en question telle ou telle manière de dire les choses. Il s'agit plutôt de se demander si, au stade où nous en sommes, les problèmes de rédaction sont suffisamment graves pour justifier une reprise du processus à partir de zéro.

À ce sujet, répondant explicitement à M. Binnie, M. Irving soutient qu'il y a plus qu'une subtile distinction sémantique entre les termes «régir» et «déterminer». En particulier, il rappelle l'arrêt de 1989 de la Cour suprême du Canada concernant la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal. Selon la Cour suprême, le pouvoir de «régler le cours d'études» que la loi donne aux commissions scolaires ne signifie pas qu'elles peuvent «déterminer» les programmes de cours. Donc, une modification de la clause 17 qui octroie aux groupes confessionnels le seul droit de régir réduit considérablement leurs droits constitutionnels.

c.Les effets sur le reste du pays

À la question de savoir si la modification risquait de constituer un précédent qui mettrait en péril l'enseignement confessionnel ailleurs au Canada, le ministre de la Justice répond que la situation de Terre-Neuve est unique à plusieurs égards et que les précédents s'appliquent seulement lorsque les faits sont semblables ou les principes analogues. La clause 17 doit être appréciée pour sa valeur intrinsèque, et le fait qu'il puisse exister d'autres droits constitutionnels susceptibles d'être modifiés en appliquant la formule bilatérale de l'article 43 ne doit pas entrer en cause.

M. Rock a également souligné que les modifications concernant les droits des minorités linguistiques en matière d'enseignement, ou encore les droits des autochtones, ne pouvaient pas être apportées au moyen de la formule bilatérale découlant de l'article 43. De telles modifications exigeraient, à tout le moins, l'application de la formule de modification générale, qui suppose un consensus, c'est-à-dire un consentement de sept provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population.

Divers témoins, y compris l'Association des commissaires d'écoles catholiques, estiment toutefois que le compromis historique en matière d'éducation, qui prévoyait un système scolaire général dans lequel les protestants du Québec et les catholiques de l'Ontario avaient le droit de créer leurs propres écoles soutenues par des recettes fiscales, était la clé de la confédération, ou encore «l'arche d'alliance». Selon eux, toute modification des droits à l'enseignement confessionnel pourrait avoir de graves répercussions ailleurs au pays. M. Michael Harrington, conseiller juridique de la Conférence canadienne des évêques catholiques, a souligné que l'article 29 de la Charte, en vigueur depuis 1982, avait réaffirmé l'importance des droits à un enseignement confessionnel, dans le contexte moderne.

De l'avis de M. Gibson, la modification n'aura aucun effet sur les droits des minorités à l'extérieur de Terre-Neuve et du Labrador. Selon lui, l'ampleur de l'impact politique dépendra de la mesure dans laquelle le Parlement a considéré la valeur intrinsèque de la nouvelle clause et l'a acceptée ou non pour sa valeur intrinsèque. Si la modification était approuvée automatiquement, par exemple, cela pourrait bien créer un précédent politique. Le fait que le Parlement entérinera la modification simplement parce que la province le lui a demandé, ou parce qu'il est d'accord pour que les droits en matière d'enseignement confessionnel soient réduits, ou parce qu'il juge que la modification n'entraîne pas de réduction significative des droits des minorités aura des conséquences majeures sur le type de précédent politique que cela représentera.

Le professeur Robert Carney, de l'Université de l'Alberta, a expliqué au Comité les analogies qu'il voyait entre la modification envisagée et la situation qui régnait au Manitoba entre 1870 et 1890. Il existait alors dans cette province un mouvement en faveur du regroupement des deux systèmes séparés en un seul système public, pour, disait-on faire des économies et rehausser la qualité de l'enseignement. Cette solution était l'expression de la volonté de la majorité de la population du Manitoba, qui touchait les droits des minorités. Cependant, le Conseil privé, qui était à l'époque l'instance judiciaire suprême pour le Canada, a conclu qu'il n'y avait en rien atteinte à des droits. Selon M. Carney, cette situation présente de grandes similitudes avec le débat qui nous occupe aujourd'hui.

Il a déclaré que le premier ministre Laurier et le premier ministre du Manitoba, M. Greenway, se sont entendus sur un compromis : du temps serait consacré à l'éducation religieuse et les enseignants seraient embauchés au prorata de la proportion des élèves de chaque confession religieuse (le compromis Laurier-Greenway). Cependant, entre 1896 et 1916, certaines mesures ont été prises pour amoindrir ces droits, en particulier l'érosion des droits linguistiques en 1916. M. Carney est d'avis que l'adoption de la nouvelle clause 17 entraînera une controverse comme celle qu'il y a eue au Manitoba il y a cent ans.

3.Les opinions à Terre-Neuve

Dès le début de ses délibérations, le Comité était très conscient qu'il se devait d'entendre directement les gens de Terre-Neuve et du Labrador. Du 9 au 11 juillet 1996, à Saint-Jean de Terre-Neuve, il a tenu six séances auxquelles ont participé les principaux intéressés. Des discussions en panel ont eu lieu, regroupant des membres des trois conseils scolaires (pentecôtiste, catholique et intégré), ainsi que de l'Église adventiste du septième jour. Il y eut également un panel réunissant des jeunes des principales confessions et des «Franco-jeunes de Terre-Neuve et du Labrador», dont les discussions enthousiastes et franches se sont avérées pour le Comité aussi informatives qu'agréables.

Le Comité a également entendu des représentants du Newfoundland and Labrador Home and School Federation, de la Newfoundland and Labrador Teachers' Association, de la Newfoundland and Labrador Human Rights Association et du comité du «Yes Means Yes». Deux minorités non confessionnelles, soit la Fédération des parents francophones de Terre-Neuve et du Labrador et la Labrador Métis Association, ont décrit les conséquences que pourrait avoir pour eux la modification envisagée.

Pour terminer, le Comité a entendu des représentants des trois partis politiques à l'Assemblée législative : l'honorable Roger Grimes, ministre de l'Éducation; M. Loyola Sullivan, chef de l'opposition officielle de Terre-Neuve et du Labrador; et M. Jack Harris, chef du Parti néo-démocrate de Terre-Neuve et du Labrador.

Le Comité a aussi invité les membres du public à présenter de brefs exposés, et bon nombre se sont prévalus de cette occasion. Ces témoins impromptus ont, pour la plupart, exposé les vues de leurs confessions religieuses avec sérieux et conviction.

a.Après le rapport de la commission royale

En mars 1992, la commission royale a conclu que la province n'avait pas les moyens d'effectuer les changements qualitatifs nécessaires, à moins d'apporter des améliorations structurelles. Elle proposait notamment des commissions scolaires élues par la population et financées au prorata des besoins, l'embauche ou le licenciement des enseignants en fonction du mérite professionnel, la participation des Églises au niveau de la province et des écoles et des programmes d'enseignement religieux appropriés pour tous les élèves.

La commission royale s'est rendu compte que ses propositions pouvaient heurter certaines garanties constitutionnelles prévues à la clause 17. Toutefois, elle espérait que les Églises pourraient s'entendre afin d'apporter les changements envisagés, d'autant plus que, visiblement, la grande majorité des Terre-neuviens ne souhaitait pas la création d'un système scolaire public et laïque.

Au cours des trois années qui ont suivi, le gouvernement a négocié avec d'autres intervenants. Des ententes ont pu être conclues sur un certain nombre de questions, mais nombre d'autres n'étaient toujours pas réglées. Pendant ce temps, d'autres recommandations de la commission royale restaient lettre morte.

Le 31 mai 1995, l'Assemblée législative a mis fin à ses travaux. Le 23 juin, le premier ministre Wells a annoncé la tenue, le 5 septembre, d'un référendum sur la modification de la clause 17. La question du référendum fut rendue publique le 25 juillet. La campagne d'information publique du gouvernement s'articulait autour d'une brochure intitulée «The Education Referendum: A Decision on the Future of Education in Newfoundland and Labrador» (le référendum sur l'enseignement : une décision qui touchera l'avenir de l'instruction à Terre-Neuve et au Labrador). Quelque 55 p. 100 des personnes qui ont voté se sont prononcées en faveur de la modification. Environ 52 p. 100 des personnes ayant le droit de voter ont participé au scrutin.

Selon plusieurs témoins, la controverse entourant la modification envisagée découle du fait que le moment choisi pour tenir le référendum n'a permis la tenue ni d'un débat public exhaustif et informé ni d'un débat au sein du système d'enseignement, qui lui-même était en jeu.

Le 31 octobre, après sept jours de délibérations, l'Assemblée législative a tenu un vote libre sur la modification de la clause 17. La résolution fut adoptée par 31 voix contre 20.

En novembre 1995, le Président de l'Assemblée législative a envoyé une copie conforme de la résolution au greffier du Conseil privé à Ottawa. Le 23 mai 1996, l'Assemblée législative de Terre-Neuve adoptait à l'unanimité une résolution priant la Chambre des communes et le Sénat d'étudier la modification de la clause 17 le plus tôt possible et de prendre une décision avant que le Parlement n'interrompe ses travaux pour l'été.

Pendant ce temps, le nouveau ministre de l'Éducation avait repris les pourparlers avec les représentants des écoles confessionnelles, et un «accord cadre» fut annoncé le 18 avril 1996. Le Comité a beaucoup entendu parler de cet accord qui occupait une grande place dans les arguments selon lesquels il était possible de s'entendre sur des réformes sans recourir à une modification constitutionnelle.

Le ministre de l'Éducation a expliqué au Comité qu'il avait amorcé les discussions sur l'accord cadre afin d'assurer l'exécution efficace des changements autorisés par la nouvelle clause 17, dès la proclamation de cette dernière. Les confessions catholique et pentecôtiste n'approuvaient pas la modification, mais étaient prêtes à discuter de changements dans le cadre de l'actuelle clause 17, dans l'espoir de rendre inutile toute modification. Les écoles intégrées pour leur part considéraient plutôt l'accord comme un «document de travail».

Toutes les parties conviennent qu'il y avait entente sur deux points : le fusionnement des 27 commissions scolaires pour former dix commissions interconfessionnelles, et la création d'une commission provinciale de construction des écoles, chargée de veiller à ce que la construction, la rénovation et l'agrandissement des écoles soient financés en fonction des besoins et des priorités provinciales.

Dans sa lettre du 5 juin 1996 au chef parlementaire du gouvernement au Sénat, le ministre de l'Éducation a fait état des questions suivantes, essentielles à la réforme de l'enseignement dans la province mais non résolues : la teneur des paramètres provinciaux régissant la fermeture, la fusion ou la construction d'écoles; la désignation des écoles uniconfessionnelles; le processus pour déterminer les préférences des parents en matière de désignation des écoles.

Devenu public, l'accord cadre a suscité la controverse. Au 30 mai, les écoles intégrées avaient publié un communiqué de presse annonçant leur volonté de demeurer un système scolaire et confessionnel unique et soulignant que les mesures acceptées en vertu de l'accord cadre ne réglaient pas les difficultés liées au maintien d'écoles uniconfessionnelles. De plus, l'accord ne prévoyait rien au sujet des écoles de secteur ni de l'embauche des enseignants uniquement en fonction du mérite et des qualités, contrairement aux attentes suscitées par le référendum.

De plus, une organisation locale, Yes Means Yes, a été créée. Ses membres réclament la mise en oeuvre des réformes qui, d'après eux, ont été entérinées par le référendum : la création d'écoles interconfessionnelles ouvertes à tous les enfants sans égard à la religion; le droit de tous les enfants de fréquenter l'école de leur secteur; la possibilité d'établir des écoles uniconfessionnelles là où les parents le souhaitent et où le nombre le justifie; la nomination des enseignants en se fondant exclusivement sur leurs qualités et leurs titres de compétence, sauf dans le cas des écoles uniconfessionnelles; et la limitation de l'influence de l'Église à l'enseignement religieux et à la pastorale, sauf dans les écoles uniconfessionnelles.

Les conseils scolaires catholique et pentecôtiste sont d'avis que l'accord cadre laisse entrevoir de réelles possibilités de consensus et ont demandé au ministre de l'Éducation la poursuite des discussions à ce sujet. Ce dernier considère pour sa part que, le Conseil scolaire intégré s'étant en fait retiré du processus, les chances d'aboutir à un accord sont désormais nulles. Dans sa lettre à la sénatrice Fairbairn, il dit : «Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador est d'avis qu'un accord négocié est une impossibilité.»

b.Le point de vue des confessions religieuses protégées

Les diverses confessions religieuses protégées de Terre-Neuve ont des avis partagés quant à ce que l'on entend par enseignement confessionnel, d'où, peut-être, leurs divergences au sujet de l'ampleur du rôle que les autorités religieuses devraient jouer dans la structure de l'éducation. Les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve ont dit au Comité que le système scolaire pentecôtiste avait pour mission d'aider les parents à assurer le plein épanouissement de l'enfant et, ce faisant, d'aider l'enfant à intégrer les éléments de sa vie quotidienne dans la vision chrétienne du monde telle qu'elle est appréhendée et pratiquée par les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve. Pour sa part, le Conseil scolaire catholique a affirmé ce qui suit : «Pour nous, les écoles catholiques ont une philosophie particulière unique [...] Nous refusons de séparer le développement spirituel du développement intellectuel, la foi de la vie, les valeurs de la connaissance». L'Église adventiste du septième jour place l'éducation dans une perspective holistique analogue.

Le Conseil scolaire intégré, en revanche, se voit comme une «entreprise oecuménique» de cinq confessions religieuses (Église anglicane, Église morave, Église presbytérienne, Armée du Salut et Église unie) réunies pour les fins de l'orientation et de l'administration d'un système scolaire voué au développement des aspects intellectuel, physique, social, émotif et spirituel des jeunes. Ce système emploie une approche pluraliste non confessionnelle pour amener les jeunes à prendre leurs propres décisions en ce qui concerne leur engagement moral et spirituel. Ses partisans estiment qu'il n'est pas nécessaire que l'Église participe à tous les aspects du système d'éducation, mais qu'elle doit par contre être active dans la pastorale, le développement personnel et l'enseignement religieux.

Ainsi, toutes les confessions religieuses protégées de Terre-Neuve sont d'avis que le système d'éducation doit comporter un fort élément religieux, mais les confessions qui ne relèvent pas du système intégré (Église catholique romaine, Assemblées de la Pentecôte et Église adventiste du septième jour) entendent jouer un rôle beaucoup plus grand dans l'administration des écoles.

Aux termes de la nouvelle clause 17, il y aurait deux types d'écoles : celles de l'alinéa a), uniconfessionnelles, et celles de l'alinéa b), interconfessionnelles. Pour les confessions religieuses protégées, cette division soulève deux questions. Premièrement, la jurisprudence actuelle en matière constitutionnelle ne connaît qu'un type d'école «confessionnelle». Le Conseil scolaire catholique considère que les écoles interconfessionnelles seraient essentiellement des écoles laïques, parce que la caractéristique d'une école confessionnelle est qu'elle est administrée par un conseil scolaire lui-même uniconfessionnel.

Le Conseil scolaire intégré penche pour un système interconfessionnel, mais n'écarte pas la possibilité que les tribunaux ne reconnaissent qu'un type d'école confessionnelle, l'école uniconfessionnelle, ce qui pourrait éventuellement priver les écoles interconfessionnelles de la protection constitutionnelle. Cependant, il demeure prêt à souscrire à la nouvelle clause 17 malgré ces réserves.

Le deuxième problème tient à l'absence de critères régissant l'autorisation des écoles uniconfessionnelles. L'existence de ces écoles serait subordonnée à des lois provinciales qui s'appliqueraient uniformément à toutes les écoles. Les partisans des écoles interconfessionnelles estiment qu'on leur a garanti que les écoles interconfessionnelles seraient la norme et ont des réserves au sujet de l'accord cadre, qui semblerait contredire cette interprétation. Pour leur part, les partisans des écoles uniconfessionnelles considèrent que leurs droits seraient désormais asservis à des mesures législatives à venir sur des questions comme la viabilité des écoles uniconfessionnelles ou la façon de les établir.

De toutes les confessions religieuses protégées qui sont contre la modification, l'Église catholique est le groupe le plus nombreux : elle compte 208 900 adhérents (37 p. 100 de la population) et administre neuf commissions scolaires.

Les Assemblées de la Pentecôte regroupent environ 40 000 membres (7,6 p. 100 de la population). Leur conseil scolaire a un seul district, qui couvre toute la province. Il administre 35 écoles pentecôtistes et collabore à cinq écoles mixtes administrées conjointement avec des commissions scolaires d'autres confessions religieuses.

L'Église adventiste du septième jour représente 700 personnes (environ 0,1 p. 100 de la population). Elle administre cinq écoles relevant d'une seule commission scolaire. Elle tient particulièrement à des écoles séparées parce que, le sabbat étant célébré le samedi, les enfants adventistes ne peuvent pas participer à des activités parascolaires le vendredi soir ou le samedi. Près des deux tiers des élèves des écoles de cette Église appartiennent à d'autres confessions religieuses non reconnues comme les Mormons, les Témoins de Jéhovah, les Bible Believers et les Christadelphians. La commission royale a conclu dans son rapport qu'aucune des écoles de l'Église adventiste du septième jour n'était viable.

Les Églises qui contestent la modification ont présenté des arguments précis. Elles critiquent le rapport de la commission royale et estiment que rien dans les témoignages et informations examinés par la commission ne justifie la recommandation de celle-ci d'abolir le système confessionnel.

Elles affirment que le système confessionnel actuel n'est pas aussi coûteux que le prétend la commission royale, invoquant le manque de fiabilité des chiffres utilisés et le fait qu'on n'a pas tenu compte des contributions financières importantes des Églises. La commission royale a aussi conclu qu'il y avait trop de petites écoles et des doubles emplois excessifs dans le système confessionnel. Les Églises répondent à cela qu'on a déjà beaucoup réduit les doubles emplois et que l'accord cadre témoigne des progrès additionnels que permettrait la collaboration des parties intéressées.

Les Églises opposées à la modification critiquent le référendum et signalent le faible taux de participation. L'Église adventiste du septième jour est d'avis que le référendum représente une tentative directe d'ingérence dans la régie interne des confessions religieuses.

Les trois confessions religieuses en question reprochent au gouvernement d'avoir prétendu, à tort, que la réforme du système d'éducation exigeait une modification constitutionnelle. Elles soutiennent aussi que la publicité du gouvernement avait promis des écoles confessionnelles distinctes «lorsque le nombre le justifie», mais que cela ne figure pas dans le libellé de la modification. Elles font remarquer que la modification de la clause 17 ne figurait pas parmi les enjeux de la campagne électorale provinciale de 1996 et qu'on ne peut donc pas assimiler la victoire du gouvernement à un plébiscite à ce sujet.

Certains ayant laissé entendre que la qualité de l'enseignement à Terre-Neuve laissait à désirer et qu'il fallait par conséquent procéder à des réformes radicales, les Églises ont fait valoir avec insistance que le système d'enseignement de Terre-Neuve répondait aux normes nationales.

Enfin, les Églises opposées à la modification affirment que celle-ci les prive de leurs droits en tant que minorité, et que jamais les droits d'une minorité protégés par la Constitution n'ont été abolis sans le consentement de la minorité concernée.

L'Église catholique et les Assemblées de la Pentecôte ont proposé deux amendements qui atténueraient leurs préoccupations. Le premier consisterait à supprimer le membre de phrase commençant par les mots «sous réserve du droit provincial d'application générale» de l'article portant sur le fonctionnement des écoles uniconfessionnelles et de le remplacer par les mots «lorsque le nombre le justifie». On cherche ainsi à fixer un critère objectif pour déterminer quant une école uniconfessionnelle pourrait être autorisée au lieu de faire dépendre cette détermination de mesures législatives qui pourraient changer n'importe quand.

Le ministre de l'Éducation a dit au Comité que le gouvernement avait examiné attentivement ce libellé et l'avait rejeté, car celui-ci n'établirait pas des critères plus précis, mais plutôt laisserait aux tribunaux, et non à l'Assemblée législative, le soin de déterminer les facteurs à prendre en considération. Le gouvernement entend bien laisser le contrôle au pouvoir législatif.

Le deuxième amendement proposé concernait la disposition donnant aux confessions religieuses le droit de «régir» les activités académiques touchant aux croyances religieuses, la politique d'admission des étudiants et l'affectation et le congédiement des professeurs. Les deux Églises trouvent le mot «régir» ambigu et voudraient y substituer «déterminer et régir». Le ministre de l'Éducation a dit au Comité que le mot «déterminer» n'ajouterait rien. Il a signalé qu'il avait dit publiquement que par «régir» on entendait aussi «déterminer» et que, en cas de doute, sa propre interprétation publique devrait faire foi.

Parmi les systèmes scolaires confessionnels de Terre-Neuve, le plus important en nombre est le système intégré. Les quatre confessions religieuses protégées concernées sont l'Église anglicane (147 520 personnes), l'Église presbytérienne (2 155), l'Armée du Salut (44 490) et l'Église unie (97 395); ensemble, elles représentent un peu plus de la moitié de la population et comptent actuellement 16 commissions scolaires. Le Conseil intégré souscrit dans l'ensemble à la modification de la clause 17, malgré de nombreuses réserves. On semble craindre surtout que les écoles interconfessionnelles baignent moins dans une atmosphère chrétienne et que le rôle de l'Église dans l'enseignement se trouve amoindri. La notion même d'école interconfessionnelle étant tout à fait nouvelle, les Églises intégrées craignent que ces écoles ne bénéficient pas de la protection garantie en 1982 relativement aux droits acquis des écoles confessionnelles lorsque la Charte des droits et libertés est entrée en vigueur.

Les Églises du Conseil intégré ne voient pas dans la question une question de droits des minorités. D'ailleurs, le révérend Donald Harvey, de l'Église anglicane, a affirmé que les droits à l'enseignement confessionnel conférés par la clause 17 en 1949 sont des droits à l'enseignement chrétien accordés à la majorité chrétienne. S'il existe peut-être des différences au sein de la majorité chrétienne, les véritables minorités sont les groupes qui n'appartiennent pas au groupe chrétien protégé. De toute façon, l'évêque Harvey n'est pas persuadé que des droits se trouveraient compromis par la modification proposée.

Le Conseil scolaire intégré a dit : «Dans la tradition canadienne, une véritable école confessionnelle est une école dans laquelle on prône les valeurs religieuses chrétiennes dans tous les aspects de la vie scolaire et pas seulement durant les cours d'instruction religieuse». Étant donné que les écoles interconfessionnelles seront ouvertes à tous les élèves, certains craignent la disparition, par intervention judiciaire, des valeurs chrétiennes qui imprègnent actuellement les activités scolaires comme la prière, les activités de culte en classe, les rassemblements, les concerts, les spectacles et les cérémonies de remise des diplômes, au profit de droits spécifiques comme la liberté de conscience ou de religion. Si les confessions religieuses ne peuvent utiliser les installations scolaires que pour des fins définies de façon étroite concernant les élèves de leur catégorie, les écoles interconfessionnelles ne seront en rien différentes des écoles laïques publiques.

Les Églises intégrées ne partagent pas les préoccupations de l'Église catholique et des Assemblées de la Pentecôte au sujet des pouvoirs des autorités provinciales vis-à-vis de l'administration et des programmes des écoles, mais certaines personnes pensent que la version modifiée de la clause 17 pourrait entraîner une ingérence des autorités provinciales dans l'enseignement religieux.

Les confessions religieuses intégrées souscrivent à la création d'un système scolaire-religieux unique. Le révérend Clarence Sellars de l'Église unie a rappelé qu'il ne fallait pas négliger les droits des élèves. Il estime que si toutes les confessions religieuses exploitaient leurs propres écoles, il serait impossible d'assurer un enseignement de qualité et qu'il faut penser d'abord et avant tout à l'intérêt des élèves. Il a ajouté que l'Église unie demeurait convaincue des avantages d'un système unique, mais qu'elle respectait le processus démocratique et les résultats du référendum et ne souhaitait pas ralentir la réforme.

c.Les enseignants, les parents et les regroupements non confessionnels

La Home and School Federation a expliqué qu'elle est restée neutre quand le référendum a été annoncé car, en tant que représentante de tous les parents, il lui semblait préférable d'attendre le résultat du vote. Cependant, pour elle, il est également clair que les gens savaient ce qu'ils choisissaient en votant. Ceux qui avaient des réserves ou voulaient conserver le système actuel ont voté «non», et ceux qui ont voté «oui» étaient d'accord avec la position de compromis adoptée par le gouvernement ou voulaient un système unique interconfessionnel.

La Fédération appuie la création d'un seul système interconfessionnel qui permettrait des écoles uniconfessionnelles là où les préférences des parents et le nombre le justifient. Elle a donc exhorté le Sénat à approuver la modification de la clause 17.

La principale préoccupation de la Fédération semble être le droit des enfants de fréquenter, au lieu d'une école confessionnelle, une école de quartier ou de village qui offre un enseignement religieux et une instruction pastorale, afin que les enfants qui vivent dans un même secteur puissent aller à l'école ensemble. La Fédération est sensible à la volonté du Sénat de faire respecter les droits des minorités, mais estime que la nouvelle clause 17 n'enlèvera pas de droits aux minorités.

Selon la Fédération, la nouvelle clause 17 est un compromis équitable qui respecte les droits de tous : «les perdants ne seront pas des individus ou des catégories de personnes, mais plutôt des institutions comme les conseils scolaires confessionnels, qui ont joui de pouvoirs extraordinaires dans la province.»

La Newfoundland and Labrador Teachers' Association, à la fois syndicat et association professionnelle, estime que les intérêts des enseignants vont de pair avec ceux des élèves et des écoles. L'Association a été créée en 1890 en tant qu'organisme interconfessionnel. Elle a souligné que son mémoire ne représente pas les vues de tous les enseignants, mais reflète celles de la majorité.

Selon l'Association, c'est un mémoire établi par elle et présenté au gouvernement en 1986, qui a mis en marche la réforme actuelle. Ce document soulignait une lacune du système scolaire : l'économie de la province ne pouvait pas soutenir quatre systèmes d'écoles distincts tout en assurant, dans l'enseignement, un niveau de qualité que l'Association jugeait possible. Celle-ci appuie le concept d'un système interconfessionnel, à condition que des écoles uniconfessionnelles soient conservées dans les régions de la province où le nombre des élèves et les désirs des parents le justifient.

La morosité de l'économie, conjuguée à l'étendue et à la faible population de la province, rend nécessaire un système allégé et efficace. La province consacre 21 p. 100 de son budget global à l'enseignement, soit plus que toute autre province, et pourtant elle dépense 1 000 $ de moins que le reste du pays pour chaque enfant.

Malgré les réformes et les fusionnements, le système confessionnel nécessite un plus grand nombre d'écoles, ce qui signifie que les enseignants compétents ne peuvent pas être employés aussi efficacement : «Depuis des millénaires, la recherche sur l'enseignement aboutit toujours à la même conclusion : la qualité de l'enseignement dépend de la présence d'enseignants compétents, chevronnés et attentifs, réunis avec des élèves en nombre raisonnable, dans de bonnes conditions. Notre système confessionnel spécifique a gravement compromis cet élément.»

L'Association des enseignants rejette catégoriquement le raisonnement selon lequel le système est en évolution, le nombre d'écoles diminue et la collaboration augmente, ce qui rend la réforme inutile et la modification de la clause 17 superflue.

Selon l'Association, il s'est dit beaucoup de choses au sujet des droits des minorités, des droits linguistiques, des droits des autochtones et des Églises, mais l'on a peu parlé des droits des enfants nés à Terre-Neuve ou au Labrador. Elle a donc invité le Sénat à tenir compte des droits des autres, mais de ne pas leur donner la priorité par rapport au droit de la majorité silencieuse, les enfants, à un enseignement d'excellente qualité.

Le Comité a entendu des témoins de la Fédération des parents francophones de Terre-Neuve et du Labrador, laquelle est un organisme provincial représentant les parents et les élèves francophones en matière d'éducation. À l'heure actuelle, 325 élèves sont inscrits au programme scolaire en français, mais, selon la Fédération, entre 300 et 600 autres enfants y sont admissibles. En ce moment, trois commissions scolaires catholiques distinctes sont responsables de cinq écoles et d'une préscolaire francophones.

La Fédération ne prend pas position pour ou contre la déconfessionnalisation des écoles, car c'est plutôt l'ensemble du processus de réforme qui l'intéresse. Elle craint que la création de dix grandes commissions interconfessionnelles ne menace les intérêts et les besoins spécifiques des écoles de langue française. Pour éviter l'engloutissement par les mégacommissions scolaires, la Fédération propose la création d'une commission provinciale francophone. Elle espère qu'avec le plein contrôle de ses propres écoles et des ressources qui s'y rattachent, cette commission pourra attirer les 300 à 600 élèves qui ne profitent pas actuellement de leurs droits constitutionnels à l'enseignement dans la langue de la minorité.

Les représentants de la Fédération ont informé le Comité que le premier ministre Tobin et le ministre de l'Éducation, M. Grimes, avaient annoncé publiquement que l'on pourrait prévoir la création d'une commission scolaire francophone à Terre-Neuve, une fois adoptée la nouvelle clause 17. Or, au moment de son témoignage, la Fédération n'avait reçu aucun engagement écrit à cet égard. En outre, le Comité a été informé que, l'hiver dernier, le projet du texte législatif provincial se limitait à offrir aux francophones des pouvoirs de veto restreints au sein de sous-comités locaux relevant des nouvelles commissions scolaires. Pourtant, selon les représentants de la Fédération, la réforme actuelle fournit l'occasion idéale d'instituer une commission scolaire francophone. Lors de son témoignage devant le Comité, M. Grimes, ministre de l'Éducation, a déclaré que le cabinet avait approuvé la création d'une telle commission.

Le Comité a entendu M. Todd Russell, président de la Labrador Métis Association, et M. Ken Mesher, aîné et membre du conseil exécutif de l'Association. Celle-ci représente quelque cinq ou six mille personnes vivant dans des collectivités côtières du Labrador.

Les avis de ce groupe en ce qui concerne la modification envisagée sont partagés. L'important, pour les Métis du Labrador, est surtout de reprendre le contrôle de l'enseignement et de l'avenir de leur jeunes, que ce soit des mains des Églises ou d'une lointaine administration provinciale. Selon M. Russell, les droits des autochtones à l'autonomie gouvernementale doit comprendre un contrôle véritable sur «la façon dont [leurs] enfants sont instruits, sur les valeurs qui leur sont inculquées, sur la culture qui les entoure et sur les langues qu'ils apprennent.» M. Mesher a exprimé des sentiments semblables : «La spiritualité est essentielle à la culture, ce qui signifie que le contenu spirituel doit faire partie intégrante du programme d'études.» Cependant, les représentants de l'Association semblent penser que ni le système confessionnel actuel, ni les propositions législatives découlant de la nouvelle clause 17 n'offrent de véritable espoir que la communauté puisse exercer le contrôle en matière d'enseignement.

Selon M. Russell, la modification de la clause 17 aura une incidence directe sur les droits et l'éducation des autochtones, même si elle ne touche pas directement ces questions. Les Métis craignent que l'absence d'une mention explicite visant les droits des autochtones permette aux politiciens «d'aller de l'avant avec leurs mesures d'assimilation de [leur] peuple, sous le prétexte de fusionner pour réduire les coûts.» M. Russell a affirmé que les déclarations d'intention du gouvernement doivent être assorties de garanties.

La solution proposée est l'ajout, aux Conditions de l'union, d'une clause générale de protection stipulant que la nouvelle clause 17 n'aura aucun effet sur les droits des autochtones, notamment celui d'avoir voix au chapitre en ce qui concerne l'instruction de leurs enfants. L'Association a prié le Sénat d'adopter une résolution connexe : il approuvera la modification de la clause 17 à condition que l'Assemblée législative de Terre-Neuve et la Chambre des communes adoptent une modification des Conditions de l'union de Terre-Neuve qui protégera clairement les droits des autochtones.

d.L'Assemblée législative

Au cours de la dernière séance qu'il a tenue à Terre-Neuve, le Comité a entendu l'honorable Roger Grimes, ministre de l'Éducation, M. Loyola Sullivan, chef de l'opposition officielle à Terre-Neuve et M. Jack Harris, chef du Nouveau Parti démocratique de Terre-Neuve et du Labrador.

S'il est en faveur de la modification prévue, M. Harris est néanmoins mécontent de la manière dont la résolution a été adoptée. Selon lui, c'est avant le référendum qu'il aurait fallu tenir des discussions comme celles qui ont eu lieu devant le Comité à Terre-Neuve.

À son avis, les négociations qui ont entouré la clause 17 dans sa version initiale n'avaient pas pour but de protéger les droits des minorités, mais bien de «figer» la situation qui existait en 1949. La nouvelle clause 17 ne supprimera nullement les droits des confessions religieuses; elle déplacera plutôt le pouvoir et le droit de regard actuellement exercés par les institutions pour les donner aux parents et au public.

Au départ, M. Harris était inquiet, car il craignait que certains droits en matière d'enseignement confessionnel ne soient «assujettis aux lois provinciales». Toutefois, il estime maintenant que la disposition est d'une portée limitée et qu'elle porte seulement sur la taille et la viabilité des écoles. De plus, la nouvelle clause 17 prévoit certains droits précis.

Le système d'enseignement de Terre-Neuve fait face à des problèmes structurels, M. Harris le reconnaît, mais les élèves de la province n'ont rien à envier à quiconque pour ce qui est des résultats scolaires.

M. Sullivan a commencé par préciser que le caucus du Parti progressiste-conservateur avait appuyé la modification de la clause 17 à l'unanimité.

Il estime néanmoins qu'il s'agit d'une question difficile sur laquelle les avis sont partagés, car elle met en jeu des arguments qui s'opposent, des valeurs qui entrent en conflit et des préoccupations non résolues. Il trouve consternant que ni Terre-Neuve ni la Chambre des communes n'aient tenu d'audiences à ce sujet auparavant.

La décision du caucus de son parti reposait sur trois motifs, a-t-il expliqué : 1) la clause 17 correspond à l'orientation votée par l'Assemblée législative; 2) le mandat que le gouvernement de Terre-Neuve a reçu lors des élections de 1996 a confirmé cette orientation; 3) M. Tobin, le premier ministre provincial, s'est engagé à respecter cinq conditions qui permettront la mise en place d'une réforme de l'enseignement correspondant à celle qui a été approuvée par référendum en septembre 1995.

Ces cinq conditions sont celles qui ont recueilli près de 12 000 signatures lors de la campagne «Oui, c'est oui» («Yes Means Yes»). M. Sullivan aurait préféré connaître d'avance le projet de loi visant l'application de la nouvelle clause 17. Toutefois, le Parti progressiste-conservateur estime que M. Tobin a pris un engagement précis et qu'il devra en rendre compte.

Enfin, M. Sullivan regrette que certaines personnes aient dénigré la qualité de l'enseignement dispensé dans la province pour prouver qu'il fallait agir sans délai. Les résultats scolaires obtenus par les élèves de Terre-Neuve et du Labrador sont comparables à ceux de leurs camarades des autres provinces. Ce sont la baisse du nombre d'inscriptions et les inévitables compressions financières qui rendent nécessaire la réforme structurelle du système et non pas les résultats des élèves, a-t-il ajouté.

En guise d'introduction à ses commentaires, le ministre de l'Éducation, l'honorable Roger Grimes, a exposé rapidement la situation de l'enseignement Terre-Neuve et les raisons pour lesquelles une réforme s'impose. Terre-Neuve et le Labrador se distinguent du reste du Canada, car on n'y trouve aucune école publique non confessionnelle.

Le fait que de nombreuses décisions concernant les écoles sont prises par les confessions religieuses rend le système d'enseignement fort complexe : les doubles emplois sont considérables au niveau des commissions scolaires, des bureaux d'administration, des établissements scolaires et des réseaux de transport. De surcroît, si les fonds au titre de l'instruction et de la gestion sont versés aux commissions confessionnelles en fonction de leurs besoins, les capitaux d'immobilisation doivent être répartis en fonction de la population des confessions religieuses, sans égard aux besoins.

La baisse du nombre d'élèves et les contraintes économiques viennent encore compliquer la situation. Les inscriptions qui s'élevaient à environ 162 000 il y a 24 ans, sont tombées à quelque 110 000 en 1995-1996. Les projections démographiques laissent entrevoir que ce nombre passera en-dessous de 100 000 d'ici à trois ans. Or, tous ces élèves sont éparpillés dans des centaines de villages, le long d'un immense littoral. Un autre facteur vient encore compliquer la situation : l'échec de l'industrie de la pêche a entraîné de nombreuses difficultés financières et notamment un exode rural.

Selon le ministre, les réformes envisagées réduiront les droits en matière d'enseignement qui sont actuellement exercés par les confessions religieuses et en feront passer quelques-uns entre les mains des représentants élus. Toutes les écoles conserveront un caractère confessionnel, et les élèves auront encore la possibilité de recevoir un enseignement religieux et de participer à des activités et à des célébrations religieuses à l'école. De plus, là où les parents le souhaitent et où le nombre d'élèves est suffisant, on pourra maintenir des écoles uniconfessionnelles. Dans ces dernières, en vertu de la nouvelle clause 17, les droits en matière d'enseignement confessionnel seront comparables à ceux qui sont octroyés aux écoles séparées dans d'autres provinces.

Le Comité, a souligné M. Grimes, s'est fait dire à de multiples reprises que la modification n'aurait pas d'effets sur les droits des confessions religieuses des autres provinces. À son avis, aucune disposition analogue à la clause 17 n'existe dans les autres provinces.

Souscrivant en cela aux déclarations faites avant les élections de 1993 par le premier ministre provincial de l'époque, M. Wells, le ministre aurait préféré pouvoir mettre les réformes en oeuvre en s'appuyant sur un consensus. Toutefois, aujourd'hui, la situation est bloquée. Les opinions varient quant aux raisons de cette impasse, mais il reste que la capacité politique d'en arriver à un arrangement et à un consensus est manifestement absente à l'heure actuelle, dans la province.

Ce que l'accord cadre a changé, selon le ministre, c'est que la dissidence a changé de camp. Au cours des deux années et demie qui ont précédé les élections de 1996, c'étaient généralement les représentants de l'Église catholique et de la confession pentecôtiste qui se disaient publiquement en désaccord avec les conclusions auxquelles aboutissaient les discussions entre les confessions religieuses et le gouvernement. Le regroupement des confessions intégrées restait plutôt silencieux sur la question. Après l'annonce de l'accord cadre, les rôles ont été renversés. Plus le gouvernement semble s'approcher d'un accord avec un, deux ou plusieurs groupes, plus il s'éloigne d'une éventuelle entente avec les autres.

Le gouvernement sait que certains souhaitent l'adoption d'une modification qui supprimerait le passage «sous réserve du droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création ou du fonctionnement des écoles», pour le remplacer par les mots «lorsque le nombre le justifie». Cette question et celle de la modification proposée ont dominé le débat à l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador.

Cette modification a été rejetée par l'Assemblée législative principalement parce que les termes «lorsque le nombre le justifie» s'inscrivent dans un contexte juridique qui leur est propre et qui concerne les droits des minorités linguistiques en matière d'enseignement, aux termes de l'article 23 de la Charte. Des critères différents sont appliqués à chaque cas, parce qu'il n'existe pas de nombre établi d'avance. Or les élus de la province ne voulaient pas d'une telle situation pour les droits relatifs à l'enseignement confessionnel. D'autre part, certains suggèrent que les mots «déterminer et» soient ajoutés au terme «régir», à propos de certaines activités des écoles confessionnelles. Le ministre trouve que cette modification n'apporterait rien de plus par rapport à ce que vise la future clause 17.

Le gouvernement souhaiterait une solution politique à la question des critères contenus dans les lois provinciales d'application générale, au lieu de devoir demander aux tribunaux de déterminer, au cas par cas, si tel ou tel nombre d'élèves justifie le maintien d'une école uniconfessionnelle. Des consultations publiques se tiendront à compter de l'automne, et le processus se poursuivra. Toutefois, le ministre a confirmé ceci : le gouvernement a été informé que, s'il cherche à faire adopter des lois qui, de fait, empêchent les confessions d'avoir les écoles uniconfessionnelles auxquelles elles ont droit, des contestations judiciaires seront intentées, et le gouvernement perdra.

Le gouvernement a retenu le terme «interconfessionnel» au lieu de «public» pour éviter que soient remis en cause les droits relatifs aux activités et pratiques confessionnelles dont il est question dans la clause 17. D'après le ministre, le gouvernement pourrait créer des écoles publiques aujourd'hui, mais cela sera beaucoup plus facile lorsque la nouvelle clause sera en vigueur. En fait, le gouvernement ne souhaite pas le faire et il se réjouit que les écoles confessionnelles soient maintenues dans la province.

Le ministre a annoncé au Comité que le gouvernement s'apprêtait à présenter une loi visant la création d'une commission scolaire de langue française pour que la population francophone puisse exercer ses droits issus de l'article 23. Pendant des années, la province a soutenu que le trop petit nombre d'élèves ne justifiait pas l'existence d'une commission scolaire séparée. Aujourd'hui, le gouvernement accepte de créer une commission scolaire francophone, afin d'éviter une contestation judiciaire. Le soir qui a précédé sa comparution devant le Comité, le ministre a été informé par le premier ministre provincial que le cabinet approuvait la disposition.

En terminant, le ministre a souligné que les interminables discussions entourant ce dossier avaient créé beaucoup d'incertitude dans le système d'enseignement. Les représentants élus des citoyens de la province souhaitent que le Sénat approuve la résolution sans tarder. C'est d'abord aux enfants qu'il faut penser, à leur formation et à leur avenir. Le problème a pris et continue de prendre trop de temps et d'énergie aux éducateurs de la province, et le climat d'incertitude a des effets négatifs sur l'apprentissage des jeunes.

II. AUTRES OPINIONS

Les sénateurs conservateurs membres du Comité voudraient ajouter les opinions suivantes au texte préparé sous la direction de la présidente.

1. Les répercussions de la Charte canadienne des droits et libertés

En réponse à la question de professeure Bayefsky au sujet des répercussions de la Charte de 1982, nous faisons remarquer que, à en juger par le libellé très clair de l'article 29, celle-ci n'a pas de répercussions sur la question des droits confessionnels.

2. La clause 17 et les droits confessionnels

Il importe de noter que les mécanismes correctifs prévus à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 ou son équivalent dans certaines provinces n'ont été d'aucune utilité jusqu'à maintenant.

3. La modification de la Constitution est-elle nécessaire?

La question de savoir si une modification à la clause 17 est nécessaire afin de concrétiser l'intention du gouvernement provincial de réformer le système d'éducation demeure obscure. La question que l'on doit se poser est la suivante : est-ce que les réformes nécessaires pour améliorer la qualité de l'éducation et la rendre plus efficiente peuvent être réalisées par des négociations à Terre-Neuve, plutôt que par une modification à la Constitution canadienne?

À cet égard, nous trouvons le témoignage de Me Colin Irving, un des meilleurs experts ayant comparu devant le Comité, particulièrement à propos. Il a dit:

?«À mon avis, il n'est pas nécessaire de modifier la clause 17 pour effectuer les changements en question. L'attitude des tribunaux vis-à-vis des garanties relatives à l'enseignement confessionnel a beaucoup évolué ces dernières années. S'il faut choisir entre la nécessité de préserver ces garanties et le pouvoir du gouvernement de moderniser et d'adapter le système scolaire, on a maintenant tendance à statuer en faveur des droits des assemblées législatives locales, à la condition que, ce faisant, on ne fasse pas disparaître les droits essentiels au maintien d'écoles véritablement confessionnelles. Il est manifeste que la Cour suprême du Canada en particulier est de cet avis. Cette cour va évidemment continuer de s'exprimer sur les principes juridiques en cause, mais, à mon avis, il ne fait aucun doute que les difficultés financières actuelles de tous les gouvernements du Canada et la nécessité d'adapter les systèmes scolaires à l'évolution rapide de la conjoncture socio-économique plaideront fortement contre le rejet d'éventuelles réformes de l'éducation vraisemblablement nécessaires. Les changements en question appartiennent à cette catégorie».

4. Les droits constitutionnels institués par la nouvelle clause 17 doivent-ils être subordonnés aux lois provinciales?

Selon de nombreux témoins, notamment Me Colin Irving, le droit de créer et de maintenir des écoles confessionnelles, appelées écoles uniconfessionnelles dans la clause 17 proposée, est totalement subordonné aux lois provinciales:

?«Le droit de créer et de maintenir des écoles confessionnelles est ainsi totalement subordonné aux lois provinciales. Si l'Assemblée législative de Terre-Neuve adoptait des mesures législatives dont l'objet et l'effet serait de rendre difficile voire impossible l'exercice du droit de créer ou de maintenir des écoles uniconfessionnelles, les minorités catholique et pentecôtiste n'auraient aucun recours légal, dès lors que la loi en question s'appliquerait uniformément à toutes les écoles. Il n'est pas difficile d'imaginer comment on pourrait en arriver à ce résultat».

Nous estimons que, pour être garanti, un droit constitutionnel doit être justiciable. Comme l'a dit Me Irving, «une garantie constitutionnelle qui ne peut pas être appliquée par les tribunaux n'est pas une garantie du tout».

Dans un document déposé au Comité, le professeur Patrick Monahan, un avocat constitutionnel, a écrit ce qui suit:

?«On a toujours tenu pour acquis que les diverses garanties constitutionnelles concernant l'enseignement confessionnel en vigueur dans les provinces ne pouvaient être ni abrogées ni modifiées du seul fait que la majorité des habitants d'une province donnée souscriraient au changement en question. D'ailleurs, le fait de modifier ou d'abroger ces garanties pour ce simple motif contreviendrait au principe même qui est à l'origine de l'inscription de ces garanties dans la Constitution, et qui est de les soustraire à l'éventuel désir de la majorité de les abroger. Par conséquent, je conviens qu'une modification constitutionnelle de la clause 17 à laquelle ne souscriraient pas toutes les catégories de personnes protégées par cette garantie pourrait être considérée comme un précédent autorisant les autres provinces à demander des modifications du même ordre».

5. Le référendum

Beaucoup de témoins ont dit au Comité que la question faisant l'objet du référendum n'était pas claire, mais ambigue. D'autres ont affirmé que le texte de la résolution ne correspondait pas aux promesses qu'avait faites le gouvernement dans les documents portant sur le référendum, notamment la promesse concernant la mention «lorsque le nombre le justifie».

Comme l'a dit Me Colin Irving:

?«Si vous choisissez de respecter les résultats du référendum, vous pouvez le faire à mon avis en y voyant une volonté de réforme, mais aussi en acceptant la proposition qui avait été faite aux personnes qui ont voté pour le référendum, laquelle prévoyait des écoles confessionnelles "lorsque le nombre le justifie". Si le texte proposé est remplacé par la mention "lorsque le nombre le justifie", je crois que vous respecterez alors le résultat du référendum et transformerez la proposition en véritable garantie constitutionnelle comme toutes les autres garanties constitutionnelles. C'est la seule façon de le faire».

6. Autres questions

Nous notons que certains témoins ont soutenu que l'alinéa b ) devrait lui aussi être modifié de manière à exiger le consentement des parents en ce qui concerne la désignation de l'école.

III. OBSERVATIONS DE LA MINORITÉ

Selon les membres progressistes-conservateurs du Comité, plusieurs préoccupations majeures et d'importantes failles ont été soulevées durant les audiences publiques tenues par le Sénat sur la clause 17 proposée et doivent être examinées de façon à ce que la résolution soit modifiée.

Les sénateurs, lors de l'étude de cette résolution, ont été préoccupés par trois questions générales: l'amendement porte-t-il potentiellement préjudice aux minorités? Est-ce que le processus qui a conduit à l'amendement a été équitable? Quelles sont les conséquences sur le «reste du Canada?»

L'amendement a-t-il porté préjudice aux minorités?

L'alinéa 17(1)b) a pour effet d'assujettir la protection du droit constitutionnel d'établir et de maintenir des écoles uniconfessionnelles à la volonté de la législature provinciale. Ce droit ne serait plus protégé par la Constitution. Les dispositions proposées dans cette résolution constituent un écart majeur par rapport à la protection accordée par les articles 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, 22 de la Loi du Manitoba, 17 de la Loi de l'Alberta, 17 de la Loi de la Saskatchewan et l'actuel article 17 de la Loi de Terre-Neuve. Dans chacun de ces articles, le pouvoir de légiférer des législatures est assujetti aux droits confessionnels enchâssés dans la Constitution.

Dorénavant, à Terre-Neuve, la protection des droits confessionnels sera assujettie aux lois provinciales d'application générale, ce qui est sans précédent dans notre système.

Le Comité a entendu les témoignages de nombreux témoins qui ont demandé que la résolution soit modifié afin d'y substituer, à l'alinéa 17(1)b), le critère juridique bien connu «là où le nombre le justifie» à la place des mots introductifs actuels. Nous remarquons qu'en utilisant le critère «là où le nombre le justifie», cela signifiera que les tribunaux demeureront les gardiens ultimes des droits des classes de personnes que la clause 17 cherche à conférer. Cela est conforme avec la façon dont les minorités sont protégées au Canada.

Un deuxième problème soulevé par les classes de personnes affectées, qui vont perdre leurs droits actuels à l'école confessionnelle, est relié à la question de savoir qui va déterminer et régir les programmes dans les écoles uniconfessionnelles. L'alinéa 17(1)c) de la résolution se lit ainsi: «... d'y régir les activités académiques touchant aux ...». Cela aura effectivement pour effet d'abroger un droit constitutionnel actuel de la population de Terre-Neuve. De l'avis de plusieurs groupes, cette violation pourrait être atténuée si l'alinéa se lisait ainsi: «... de déterminer et de régir les activités académiques touchant aux ...».

En l'absence de ces changements, certains membres de ce Comité sont d'avis que la résolution proposée pourrait être vue comme étant préjudiciable aux droits constitutionnellement protégés de certaines classes de personnes.

Le processus était-il équitable?

Le Comité, particulièrement lors des audiences tenues à Terre-Neuve, a entendu des témoignages passionnés des gens représentant ces classes de personnes directement affectées par cette proposition d'amendement constitutionnel. Leurs préoccupations ne sont pas exagérées. Ces citoyens sont d'avis que leurs droits leur sont enlevés sans leur consentement. Ces mêmes personnes ont remercié le Comité de leur avoir fourni l'opportunité d'exprimer publiquement leurs préoccupations. Le gouvernement de Terre-Neuve exprima d'ailleurs son accord avec les audiences du Sénat à Terre-Neuve et admit que ce processus aurait dû avoir lieu bien avant.

Il est indiscutable que les représentants élus de Terre-Neuve et les citoyens de cette province ont exprimé le désir de réformer leur système d'éducation. Le comité appuie cette réforme à l'unanimité. Là où les membres diffèrent, cependant, c'est sur la façon d'atteindre cet objectif. Nous devons prendre en considération qu'une classe de personnes constitutionnellement reconnue est impliquée lorsqu'on veut modifier son statut.

Quelles sont les conséquences pour le reste du Canada?

Le Sénat est une institution nationale et a l'obligation d'étudier cette question dans une perspective nationale. A l'occasion des audiences qu'il a tenues, le Comité a entendu un grand éventail d'opinions concernant les conséquences nationales de l'amendement de la clause 17 et du processus y ayant conduit. Les membres progressistes conservateurs du Comité rappellent au gouvernement du Canada que lui aussi a l'obligation d'examiner ces questions dans une perspective nationale. Cela ne fut pas fait dans ce cas-ci.

Conclusion

Bien que tous les membres du Comité appuient les efforts du gouvernement provincial visant à réformer son système d'éducation, les membres progressistes-conservateurs du Comité déplorent le fait que la résolution proposée pour adoption n'ait pas tout à fait respecté les droits constitutionnellement protégés de certaines classes de personnes. La Constitution d'une nation protège des droits, elle ne les diminue pas, et c'est seulement en proposant un amendement approprié que le gouvernement du Canada et le gouvernement de Terre-Neuve respecteront ce principe fondamental.

ANNEXE « A » -- Liste des témoins

Le 18 juin 1996

Dr Kathy Brock, docteure, Sciences politiques, Université Wilfrid Laurier.

Anne Bayefsky, professeure, droit constitutionnel, auteure de « Canada's Constitution Act, 1982 and Amendments; a Documentary History ».

Le 20 juin 1996

COMPARAÎT :

L'honorable Allan Rock, c.p., député, ministre de la Justice et Procureur général.

Du ministère de la Justice:

Mme Mary Dawson, Sous-ministre délégué.

Le 25 juin 1996

Séance du matin :

De la Conférence des évêques catholiques du Canada :

Mgr. Francis J. Spence, Archevêque de Kingston; Président, Conférence des évêques catholiques du Canada;

Mgr. Henri Goudreault, omi, Évêque de Labrador City-Shefferville; co-trésorier, Conférence des évêques catholiques du Canada;

M. Peter Lauwers, conseiller juridique;

M. Michael Harrington, conseiller juridique.

De l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques :

Betty Mosely-Williams, vice-présidente;

M. Peter Lauwers, conseiller juridique.

De l' « Ontario Separate School Trustees' Association » :

Patrick Daly, président;

M. Peter Lauwers, conseiller juridique.

De l' « Ontario English Catholic Teachers' Association » :

Jim Smith, vice-président;

Paul Cavalluzzo, avocat.

Séance de l'après-midi :

Du « Evangelical Fellowship of Canada » :

Bruce Clemenger, directeur, Affaires nationales;

Danielle Shaw, coordonateur de projets;

Dr Glenn Smith, président, Groupe de travail sur l'éducation.

Dr. Robert Carney, département de l'étude des politiques d'éducation, Université d'Alberta.

Du Conseil scolaire d'Ottawa :

Linda Hunter, présidente.

Le 26 juin 1996

Séance du matin :

From the Fédération canadienne des écoles privées :

Frank Cvitkovitch, Q.C., président;

Fred Herfst, vice-président (B.C.)

Gary Duthler, directeur exécutif.

Benoit Pelletier, professeur, Faculté de droit, Université d'Ottawa.

Dale Gibson, professeur, Faculté de droit, Université d'Alberta.

Séance de l'après-midi :

Ian Binnie, avocat.

Len Williams, président, « Royal Commission of Inquiry into the Delivery of Programs and Services in Primary Elementary, Secondary Education, Government of Newfoundland and Labrador, mars 1992 ».

De la Coalition pour la confessionalité scolaires :

Jocelyne St-Cyr, Coordonnatrice, Présidente provinciale de l'Association des parents catholiques du Québec;

Paul Fernandes, président, Conseil des écoles catholiques du Grand Toronto.

De la Commission des écoles catholiques de Montréal :

Michel Pallascio, président;

Roger Dominguez, Commissaire indépendant.

De l'Assemblée des premières Nations :

Ovide Mercredi, Chef national;

Alfred Linklater, directeur de l'Éducation.

Le 9 juillet 1996 - St. Jean, Terre-Neuve

Séance du matin :

Participants au forum des pentecôtistes :

Révérend Roy D. King, surintendant général, « Pentecostal Assemblies of Newfoundland » ;

M. Domino Wilkins, surintendant, « Pentecostal Board of Education » ;

Révérend A. Earl Batstone, directeur exécutif, « Pentecostal Education Council » :

M. Michael Harrington, conseiller juridique, « Pentecostal Assemblies of Newfoundland ».

De l'Église « Seventh-day Adventist » :

Pasteur David S. Crook, président;

M. George Morgan, membre du conseil d'éducation « Seventh-day Adventist » ;

M. David R. Streifling, directeur, surintendant en éducation;

Christine Castagne, parent;

M. Barry Bussey, conseiller juridique.

Séance ouverte :

M. Robert Perreault;

Mme Mary Kearsey;

Dr Leona English;

Lois Craig;

Mme Elizabeth Williams, Paroisses St. Agnes et St. Michael;

M. Andrew Healey;

Mme Ann Rideout;

M. Ern Condon;

Mme Sharon Whitt;

M. Dave Jones;

Mme Vee Osmond.

Séance de l'après-midi :

Participants au forum des catholiques :

Très révérend James H. MacDonald, D.D., Archevêque de St-John's, président du « Catholic Education Council of Newfoundland and Labrador » ;

M. Gerald P. Fallon, directeur exécutif, « Catholic Education Council of Newfoundland and Labrador » ;

Mme Alice Prim-Furlong, vice-présidente, « Association of Roman Catholic School Board of Newfoundland and Labrador » ;

Mme Janet Henley-Andrews, « Alliance for Choice in Education ».

Séance ouverte :

M. Lawrence Jardine;

Mme Dorice Marcil;

M. William McKim;

M. Azmy Aboulazm;

M. Reilly Fitzgerald;

Mlle Suzanne Careen;

Mme Barbara Bartlett;

Mlle Lisa Murphy;

M. Mark Graesser;

M. Geoffrey Aylward;

M. Mike Tobin, Député d'état, Chevalier de Colomb, Terre-Neuve et Labrador;

Mme Catherine Shiwak-Snow.

Séance de la soirée :

Participants au forum des jeunes :

Dwayne Pilgrim, président, Conseil étudiant du « Deer Lake Pentecostal School » ;

Jonathan Curlette, « Seventh-day Adventist Church »;

Deirdre Cooper, écoles catholiques ;

Brad Hodder, écoles intégrées ;

Jeannine Benoît, Franco-jeunes de Terre-Neuve et du Labrador;

Mark Hulett, « Student Education Alliance »;

Robert Mendoza, président, « Council of the Students' Union », Université Memorial.

Le 10 juillet 1996 - St. Jean, Terre-Neuve

Séance du matin :

Participants au forum des écoles intégrées :

M. David Carmichael, « Integrated Education Council » ;

M. Hubert Norman, directeur exécutif, « Integrated Education Council » ;

Très Révérend Donald Harvey, Églice anglicane;

Révérend Ian Wishart, Église presbytérienne;

Lieutenant-colonel Howard Moore, Armée du Salut;

Révérend Clarence Sellars, Église unie.

De la Fédération des parents francophones de Terre-Neuve et du Labrador :

Mme Johanne Lacelle, vice présidente;

M. Richard Charron, président sortant.

Séance ouverte :

Mme June Alteen;

M. Brian Shortall, Surintendant, Conseil scolaire des écoles catholiques, St-Jean;

M. Mike Finn, « Appalachia Roman Catholic School Board » ;

Prof. Susan McCorquodale;

M. Bill Lee, Conseil scolaire Avalon ;

Mme Suzanne Dyer;

M. Glenn Moores;

M. Daryl Prosper;

M. Ali Chaisson;

M. Michael Furlong;

M. Robert Cormier;

Mme Lucy Counsel;

M. Patrick Counsel;

Mme Lorraine Brown.

Séance de l'après-midi :

M. Colin Irving, conseiller juridique :

Du « Yes Means Yes Committee » :

M. Tom Hann, membre;

Mme Mandy Cantle, co-présidente;

M. David Martin, co-président.

Du « Newfoundland and Labrador Home and School Federation » :

Mme Marie Law, présidente;

M. Steve Wolinetz, 1er vice président.

Du « Newfoundland and Labrador Teachers' Association » :

M. Wayne Russell, directeur exécutif.

Du « Newfoundland and Labrador Human Rights Association » :

M. Geoff Budden, avocat, vice-président;

M. Jerry Vink, directeur exécutif.

De l'Association des Métis du Labrador :

M. Todd Russell, président;

M. Ken Mesher, ancien.

Séance ouverte :

Mme Karen O'Leary;

Mme Maria Kelsey;

Mme Helena Bragg;

M. Kevin Power;

Père Aidan Devine;

Mme Mary Mulcahy;

Mme Ann Aylward;

Mme Carmel Doyle;

Mme Dianne Barker;

M. Patrick Howard;

Mme Anne Griffin;

M. Patrick Furlong;

M. Pat Collins;

Mme Heather Conran-Paul;

M. Morley Whitt;

Mme Ann Walsh;

M. Harry Bown;

M. Eric Short;

Mme Mary Arruda;

M. Roger Nippard;

M. Harold Flynn;

Mme Fay Flynn.

Le 11 juillet 1996 - St-Jean, Terre-Neuve

M. Loyola Sullivan, M.H.A., Leader de l'opposition officielle de Terre-Neuve et du Labrador.

M. Jack Harris, Leader du parti Néo-démocrate de Terre-Neuve et du Labrador.

COMPARAIT :

L'hon. Roger Grimes, ministre de l'Éducation, Gouvernement de Terre-neuve et du Labrador.


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