Aller au contenu
SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 6 - Témoignages - Après-midi


OTTAWA, le jeudi 6 juin 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, saisi du projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada, se réunit ce jour à 14 h 30 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Mabel M. DeWare (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous recevons aujourd'hui M. Brad Lavigne, de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, de même que deux de ses collègues.

M. Brad Lavigne, président, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants: Je ne vais pas lire le mémoire. Nous vous l'avons remis afin de vous situer le contexte. Je vais me contenter de le résumer, et nous pourrons passer directement aux questions.

La présidente: Vous avez la parole.

M. Lavigne: J'aimerais vous expliquer brièvement l'organisation que nous représentons ici aujourd'hui.

La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants est l'organisation nationale des étudiants du Canada. Elle représente plus de 350 000 étudiants, de Victoria en Colombie-Britannique jusqu'à St. John's à Terre-Neuve en passant par les villes et collectivités intermédiaires.

Nous nous faisons les avocats d'un enseignement postsecondaire de haute qualité ouvert à tous. Par ailleurs, nous défendons de différentes façons les droits des étudiants, que ce soit dans le milieu des études ou dans celui du travail. Nous sommes venus présenter nos positions au Comité des affaires sociales et, espérons-nous, l'inciter à la réflexion.

Je veux commencer par remercier les membres du comité de nous avoir invités à comparaître. Je vais brièvement passer en revue quelques éléments saillants de notre mémoire. J'indiquerai ensuite nos recommandations, avant de nous mettre à votre disposition pour répondre à vos questions.

Nous formulons trois recommandations aujourd'hui pour vous aider dans vos délibérations sur le projet de loi C-12. Elles procèdent de notre conviction que ce projet de loi néglige deux aspects: le marché du travail actuel des jeunes et les salaires des jeunes.

Il est patent que le marché du travail est devenu une obsession nationale et l'on s'accorde largement à reconnaître qu'il est en train de traverser une profonde mutation. Il est une évidence que nul ne conteste, à savoir qu'il existe un manque d'emplois alors que, parallèlement, certains postes restent vacants par manque de main-d'oeuvre qualifiée. Ces problèmes sont encore aggravés par l'apparition de tendances inquiétantes telles que la prolifération du travail à temps partiel et des contrats de courte durée. Beaucoup d'études restent à faire si l'on veut pleinement cerner ces problèmes, mais un certain nombre ont déjà été réalisées, dont nous voulons aujourd'hui vous faire part.

Une étude publiée récemment par le Industrial Relations Centre de l'Université Queen's qualifie le Canada de pays caractérisé par la précarité de l'emploi. Le Canada est de tous les pays de l'OCDE celui où l'emploi est le moins stable. Alors que la durée moyenne d'un nouvel emploi n'a guère changé entre 1981 et 1984, on constate aujourd'hui un déplacement sensible de la durée des emplois, au détriment de ceux d'une durée de un à cinq ans et au profit de ceux de moins d'un an. Il n'est pas surprenant, dans ces conditions, que les Canadiens souffrent aujourd'hui d'une forte dose d'insécurité en matière d'emploi. Nulle part cette angoisse n'est-elle plus manifeste que parmi les jeunes d'aujourd'hui.

Lorsque je parle des jeunes, j'utilise la définition de Statistique Canada, à savoir les personnes ågées de 18 à 24 ans.

Je vais maintenant mettre en lumière cinq aspects avant de présenter nos recommandations.

On peut citer différentes raisons pour expliquer la tendance vers le travail à temps partiel, le chômage des jeunes et les emplois de courte durée. L'une sont les récessions successives et les changements structurels intervenus dans l'économie. Par ailleurs, la plupart des employeurs ont fait de la compression des effectifs leur première stratégie concurrentielle. Les jeunes sont souvent les premiers à en faire les frais, c'est du moins ce que montrent les études. Vous trouverez les détails dans le texte que nous avons distribué.

J'aimerais passer en revue quatre constats principaux.

Quel que soit l'angle sous lequel on considère le problème, il n'est pas facile de trouver un emploi; il est encore plus difficile de trouver un emploi durable. Les chiffres sont clairs. Les jeunes sont découragés et nombre d'entre eux ont même cessé de chercher. Par exemple, un chiffre qui peut éclairer nos délibérations de cet après-midi est qu'entre novembre 1989 et novembre 1993, le pourcentage des jeunes qui n'ont jamais travaillé a considérablement augmenté, passant de 10 à 16 p. 100.

Le taux de chômage des jeunes a toujours été plus élevé que la moyenne nationale, mais jusqu'à la dernière récession, l'écart diminuait. Cette tendance s'est inversée. Aujourd'hui le taux de chômage des jeunes est supérieur de 6 p. 100 au taux moyen.

Le travail à temps partiel est également en hausse chez les jeunes. Facteur encore plus important, la proportion des jeunes qui voudraient travailler à temps plein et qui n'ont qu'un emploi à temps partiel a fait un bond. Le sous-emploi est massif et constitue un très grave problème.

L'impression qu'ont les jeunes travailleurs d'être coincés dans des emplois sans avenir est fondée. Les jeunes Canadiens ont perdu du terrain au cours des dix dernières années en comparaison avec les travailleurs plus ågés. Ils travaillent moins d'heures et sont mal rémunérés. Les diplômes ne sont plus une garantie. Ils facilitent encore l'obtention d'un emploi, mais pas nécessairement d'un bon emploi. Ils ne sont plus une police d'assurance garantissant que cet emploi soit durable. Dans ce contexte, il ne vous surprendra pas que la fédération considère que les jeunes chômeurs et sous-employés aient besoin de davantage de protection et non pas de moins.

Je vais passer en revue certaines dispositions du projet de loi C-12 qui nous paraissent particulièrement injustes à l'endroit des jeunes Canadiens.

La première de ces mesures est la pénalité pour utilisation fréquente.

Les changements apportés par le projet de loi C-12 pénaliseront quiconque a touché des prestations d'assurance-chômage au cours des cinq dernières années. Selon les chiffres qui figurent dans notre document, 80 p. 100 de tous les titulaires d'un premier emploi devront faire appel à l'assurance-chômage pour survivre pendant les périodes séparant leurs emplois successifs.

La fédération propose que les personnes qui ont cessé de travailler dans le but de poursuivre des études dans un établissement d'enseignement postsecondaire reconnu et qui étaient auparavant admissibles à l'assurance-chômage ne soient pas reclassifiées comme réentrants ou nouveaux entrants sur le marché du travail.

Deuxièmement, la fédération est opposée à la prise en compte des semaines à zéro heure de travail dans le calcul des gains hebdomadaires. C'est fondamental. La fédération propose une formule de calcul des prestations hebdomadaires différente pour les étudiants, et ce pour une très bonne raison. Nous recommandons aussi que les semaines sans travail ne soient pas englobées dans ce calcul.

Cette dérogation est nécessaire, à notre avis, parce que les étudiants ont besoin de temps pour leurs études et que, dans la plupart des établissements postsecondaires, il faut réserver deux semaines pendant les semestres d'automne et de printemps aux examens. Nous pensons que les étudiants devraient être exonérés non parce que nous sommes étudiants et prétendons être traités différemment des autres Canadiens, mais parce qu'il y a des raisons structurelles qui nous empêchent de travailler le nombre d'heures nécessaires chaque semaine. Nous sommes obligés, par la force des choses, de nous absenter de notre travail pour passer nos examens.

Notre prochaine recommandation intéresse la pénalité imposée aux nouveaux entrants sur le marché du travail. Les nouveaux entrants vont devoir accumuler un total de 910 heures, comparé à de 420 à 700 heures sous l'ancien régime. Les étudiants, jeunes et moins jeunes, de même que tous ceux qui réintègrent la population active vont être pénalisés pour le seul fait qu'ils démarrent ou redémarrent dans la vie active.

La fédération est opposée à la différenciation entre assurés anciens et nouveaux et à l'obligation pour ces derniers de travailler 910 heures au lieu de 420 à 700 heures avant d'être admissibles aux prestations. Ce que fait ce projet de loi, c'est mettre les prestations d'assurance-chômage hors de la portée des étudiants en augmentant le nombre d'heures de travail requis.

La dernière recommandation intéresse la perception de cotisations d'assurance-emploi auprès des étudiants. L'étude de cas que je vais présenter au comité fait apparaître le problème structurel qui existe actuellement. Il suffirait d'une légère modification du projet de loi pour le rendre plus équitable à l'égard des étudiants et des jeunes gens.

Si le projet de loi est adopté en l'état, un étudiant de n'importe quelle province qui travaille à temps partiel pendant l'année scolaire, qui prend quatre semaines de congé pour passer ses examens, et qui travaille ensuite à plein temps tout l'été au salaire minimum, comme c'est le cas de la plupart de nos membres, n'aura effectué que 880 heures et gagnera environ 6 160 $. Bien que cet étudiant travaille autant qu'il lui est possible de le faire, il lui manquera 30 heures pour atteindre le nombre d'heures minimales requis et il touchera 4 160 $ de plus que le plafond d'exonération des cotisations. L'étudiant devra donc puiser dans ses maigres moyens de subsistance pour verser 181,72 $ de cotisations d'assurance-chômage, mais ne pourra néanmoins toucher aucune prestation s'il ne trouve pas d'emploi à plein temps à la fin de l'été.

Si 181 $ peuvent paraître un montant modique à nombre de Canadiens, pour les étudiants, dans la situation actuelle, avec l'accroissement des droits de scolarité et le faible niveau du salaire minimum, celui que touchent la plupart de nos membres, ce montant représente quelques semaines de nourriture, ou bien l'achat de manuels d'étude, ou d'autres choses essentielles. Les honorables sénateurs peuvent nous croire: 200 $ prélevés sur le budget annuel d'un étudiant, un budget très serré, constituent une grosse somme.

En résumé, le principal reproche adressé par le gouvernement au programme d'assurance-chômage est qu'il dissuaderait de travailler. Cependant, les changements proposés feront que moins de travailleurs seront admissibles aux prestations, la durée et le montant de ces dernières étant eux aussi considérablement réduits. En outre, ils ne feront, au mieux, que contraindre davantage de gens à accepter des emplois à bas salaires et en acculeront d'autres à la pauvreté et à la dépendance vis-à-vis de l'aide sociale. Ces changements réduisent le soutien du revenu des Canadiens qui ont été privés non seulement de leur emploi, mais aussi de la possibilité de s'adapter à l'évolution du marché du travail.

Si le gouvernement recherche véritablement une solution au chômage, il devrait se concentrer sur la création d'emplois comme il a promis de le faire. Ce qu'il faut, c'est un programme actif de création d'emplois financé par tous les Canadiens par le biais des impôts.

Voilà nos trois recommandations. Si les membres du comité ont des questions à ce sujet ou sur tout autre point du mémoire, nous nous ferons un plaisir d'y répondre.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Madame la présidente, ma question est très technique. La Fédération canadienne des étudiants et des étudiantes représente combien de membres à peu près? Est-ce que vous êtes dans chaque province? Est-ce que vous êtes dans les universités françaises? Est-ce que vos représentants francophones sont au courant que vous nous présentez un mémoire rédigé complètement en anglais?

M. Jocelyn Charron, coordonnateur des relations gouvernementales: La Fédération, présentement, a des membres dans huit ou neuf des dix provinces y compris le Québec. Le nombre de membres francophones n'est pas très élevé puisqu'au Québec, ce sont les associations québécoises qui représentent en grande majorité les universités et les collèges.

Quant au fait que notre mémoire soit rédigé seulement en anglais, la pratique veut que la première version de notre document, celle que l'on n'enverra pas aux membres, soit rédigée en général en anglais. Ensuite - nous venons de le terminer -, nous l'envoyons à la traduction. Dès que la traduction est terminée, nous envoyons la version française et anglaise à nos membres. C'est généralement la façon dont nous fonctionnons.

La fédération, pour la taille de son organisation, investit des ressources considérables en termes de bilinguisme, d'interprétation et de traduction. On s'excuse si notre document n'est pas en français, mais en général, on fait bien les choses de ce côté.

Le sénateur Losier-Cool: Est-ce que l'Université de Moncton fait partie de votre fédération?

M. Charron: Malheureusement, non. Ils ont déjà fait partie de notre fédération, mais ils nous ont quittés il y a deux ou trois ans, je pense.

[Traduction]

Le sénateur Rompkey: Je veux souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je crois savoir qu'ils parlent au nom de la plupart des étudiants universitaires du Canada. Je me souviens de l'époque où l'organisation s'appelait la FNEUC, la Fédération nationale des étudiants des universités canadiennes. Je trahis mon åge en disant cela. Il se trouve que j'ai été président des étudiants de l'Université Memorial en 1957. L'organisation a évolué depuis, mais elle reste un interlocuteur très valide.

Trois choses m'intriguent. Vous dites que si vous étudiez, cela ne devrait pas faire de vous un nouvel entrant et vous empêcher de toucher les prestations, que cela ne devrait rien changer à vos droits à l'assurance-chômage, et que nous devrions reconnaître le fait que vous n'avez la possibilité de travailler qu'un nombre d'heures limitées chaque année.

Votre objection à la prise en compte des semaines sans travail m'intrigue, car c'est là un changement sur lequel nous avons travaillé lorsque j'étais à la Chambre des communes. Le caucus de l'Atlantique a beaucoup insisté pour l'obtenir parce que nous avons beaucoup de travailleurs saisonniers dans notre région. Ils travaillent quelque temps, puis ils sont inactifs pendant quelque temps. Nous avons beaucoup insisté pour obtenir ce changement et le ministre nous a écoutés. Je sais que les travailleurs de la région atlantique y tiennent beaucoup et je serais très réticent à modifier cela. Je ne sais pas comment sortir de ce dilemme, mais j'aimerais connaître votre avis car nous avons là des revendications contradictoires au sujet des semaines sans travail.

Au sujet de la pénalité imposée aux nouveaux arrivants sur le marché du travail, vous dites qu'il ne faudrait pas faire de différence. Je vous rappelle que les 910 heures peuvent être accumulées sur une période de deux ans. Il n'est pas nécessaire de le faire en une seule année. Vous disposez de deux ans; d'une certaine façon, c'est presque la même chose qu'une reprise d'activité.

Ce qui m'impressionne davantage, ce sont les cotisations, le fait que vous soyez pénalisé d'environ 180 $, même si vous travaillez le nombre d'heures maximal pendant l'année scolaire. Je dois vous dire que deux de mes enfants viennent de terminer leurs études. L'un a eu son diplôme il y a deux ans et l'autre il y a quatre ans environ. Vous avez raison, le budget d'un étudiant est très serré et 200 $ font une grosse différence.

Je ne sais pas ce que l'on peut faire pour remédier à cela. Cependant, je prends note du fait que si un étudiant travaille le maximum d'heures possibles, il aura dépassé de 15 heures le plafond pour le remboursement des cotisations, mais sans en avoir suffisamment pour être admissible aux prestations. Il est pénalisé à tout coup. Je ne sais pas quelle est la solution, mais c'est un problème que nous devons prendre sérieusement en considération.

La dernière chose que je voudrais mentionner est la couverture dès la première heure de travail. Nous recevrons plus tard cet après-midi l'Association des restaurateurs. J'aimerais avoir votre avis sur la couverture dès la première heure. Beaucoup considèrent que cela rendra les choses nettement plus difficiles. Les employeurs paieront davantage de cotisations et cela fera également une différence pour les étudiants.

J'aimerais connaître votre position sur la première heure. Je me suis laissé convaincre que le passage à une formule horaire est une bonne chose. Un certain nombre de groupes ayant témoigné ici pensent de même. Même ceux qui n'approuvent pas le projet de loi dans son ensemble disent que le passage à la formule horaire est une bonne idée.

J'aimerais connaître la position des étudiants à ce sujet.

M. Lavigne: Vous avez soulevé plusieurs questions, sénateur. Pour ce qui est de la prise en compte des semaines à zéro heure de travail pour le calcul du salaire, on pourrait se montrer créatif. Je ne sais pas s'il faut être créatif au point de prévoir une dérogation sur le formulaire de demande. Mais il est évident que l'administration du régime d'assurance-emploi pourrait exonérer les étudiants qui doivent passer des examens et s'absenter du travail pendant une ou deux semaines par semestre. Il suffirait qu'ils cochent une case disant: «J'étais en examen, je suis étudiant à temps plein, je travaille à temps partiel». On pourrait donc calculer leur revenu antérieur sur cette base, sur une base différente de celle des travailleurs saisonniers ou autres.

Nous sommes forcés, par la nature des choses, d'arrêter le travail environ deux semaines par semestre pour passer les examens. Comment prendre cela en compte? Je ne voudrais pas que ce soit si complexe que le comité dise que c'est trop difficile à mettre en oeuvre. Mais serait-ce si compliqué si les étudiants pouvaient cocher une case ou remplir un formulaire supplémentaire pour dire: «Je suis étudiant à temps plein. J'ai eu deux semaines d'examen. Voilà pourquoi j'ai des semaines à zéro heure dans mon calcul de revenu.»?

Ce n'est qu'une idée.

Mme Denise Doherty-Delorme, chargée de recherche, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants: La raison qui a été donnée pour exiger que les nouveaux entrants fassent un nombre minimal d'heures de travail différent de celui des autres demandeurs est de les dissuader de tomber dans le cycle de la dépendance à l'égard de l'assurance-chômage - la succession de périodes de chômage et de travail à temps partiel selon un cycle qui se répète. Les étudiants et les jeunes gens sont perçus comme travaillant saisonnièrement et se prélassant le reste du temps au ski ou à la plage, en vivant de l'assurance-chômage.

Or, si vous regardez le salaire versé pour un travail à temps partiel et les prestations d'assurance-chômage correspondantes, vous verrez que l'on ne peut en vivre. Les étudiants, les jeunes gens, une fois parvenus à un certain åge, veulent entrer dans la population active. La plupart des gens se définissent par leur profession. Nous estimons discriminatoire que l'on différencie entre les personnes en dessous d'un certain åge et les personnes qui ont arrêté de travailler pour reprendre des études et s'instruire davantage. Pour certains, ce chiffre de 910 heures est une barrière insurmontable.

Le sénateur Rompkey: Il suffit de 490 heures dans une année.

Mme Doherty-Delorme: Le scénario que nous donnons est celui d'un étudiant qui, à la fin de ses études, est à court d'argent. Au lieu de se concentrer sur ses études à temps plein, il a pris un emploi à temps partiel pendant ses derniers semestres d'école. Pendant l'été, il trouve un emploi dont il espère qu'il deviendra permanent. Mais, à la fin de l'été, sans qu'il en soit de sa faute, il perd cet emploi. Il n'aura pas accumulé suffisamment d'heures pour être admissible à l'assurance-emploi. Cependant, il aura payé toutes ces cotisations. Il aura payé tout cet argent qui était censé le couvrir au cas où il ne trouve pas de travail à temps plein.

Nous savons que c'est là un cas particulier. Cependant, nous cherchons à protéger ceux qui seront défavorisés par les changements, et c'est pourquoi nous essayons de mettre en lumière la différence de traitement entre les deux.

Le sénateur Rompkey: Pouvez-vous mettre un pourcentage là-dessus?

Mme Doherty-Delorme: Le pourcentage des étudiants dans cette situation, non. Il y a un manque de statistiques, chez Statistique Canada et ailleurs, sur le marché du travail des étudiants et le temps qu'il leur faut pour trouver un emploi décent après leur diplôme.

Le sénateur Rompkey: J'aimerais connaître votre position sur la couverture dès la première heure.

Mme Doherty-Delorme: Nous convenons que l'assurance dès la première heure est une bonne idée. Certains étudiants occupent plusieurs emplois à temps partiel en marge de leurs études. Par le passé, ils n'étaient pas admissibles à l'assurance-chômage. Cette mesure sera bénéfique pour certains étudiants. Nous pensons que c'est une bonne mesure, hormis l'écart entre les 2 000 $ et le seuil d'admissibilité.

Le sénateur Rompkey: Il s'agit là des travailleurs qui tombent entre les deux chaises, et l'on ne sait pas de quel pourcentage il s'agit.

Mme Doherty-Delorme: C'est juste. Ce pourrait être une grosse proportion de la population que nous représentons.

La présidente: Si vous étiez une étudiante qui a travaillé tout l'été avant de retourner aux études, vous ne pouviez pas toucher l'assurance-chômage. Aujourd'hui, avec l'assurance au premier dollar, vous pourrez monter dans le train de l'assurance-chômage, si je puis m'exprimer ainsi.

Mme Doherty-Delorme: C'est juste.

La présidente: Du fait que vous retournez aux études, vous ne pourriez toucher de prestations. Mais le nombre d'heures s'accumulerait et, l'été prochain, si vous travaillez de nouveau, vous pourriez de nouveau en ajouter à votre total. Vous retournez de nouveau aux études. Vous ne seriez pas considérée comme une nouvelle entrante la troisième année, si vous finissez alors vos études. Ce serait donc à votre avantage. Vous ne seriez pas une nouvelle entrante sur le marché du travail; vous n'auriez pas besoin de faire 910 heures, vous les auriez déjà accumulées. Est-ce exact?

Mme Doherty-Delorme: C'est juste. Cependant, c'est là le scénario du meilleur cas possible.

La présidente: Si vous faites des études et si vous avez travaillé auparavant, vous avez une fenêtre de trois années pendant lesquelles vous n'êtes pas obligée d'attendre 910 heures, si vous avez travaillé quelque temps pendant les trois années précédentes. Il faut avoir un arrêt de travail de trois à cinq ans avant que l'on soit considéré comme un nouvel entrant.

Mme Doherty-Delorme: C'est juste.

La présidente: Mais le délai d'attente existe au départ.

Mme Doherty-Delorme: Cela s'applique aux étudiants qui quittent un travail à temps plein pour retourner aux études.

Le sénateur Phillips: Ma première question porte sur votre recommandation d'établir une formule de calcul des prestations hebdomadaires spécifique aux étudiants.

Je ne suis pas opposé à ce qu'il y ait une formule propre aux étudiants, mais je vous signale que si vous regardez le tableau d'ensemble, d'autres catégories sont touchées de la même façon. Par exemple, si une serveuse est mère de deux ou trois enfants et que l'un d'eux est malade, elle doit rester à la maison pour le soigner. Elle perd des heures de travail. La même chose est vraie d'une employée d'une usine de conditionnement de poisson qui n'est appelé au travail que pour un nombre limité d'heures. Si cette mère doit rester chez elle, elle est pénalisée.

Je pense qu'il faudrait revoir la façon dont les heures sont calculées plutôt que de se pencher sur le cas d'un groupe particulier. Convenez-vous que notre comité devrait se pencher sur d'autres catégories de personnes de ce même point de vue?

M. Lavigne: Oui, tout à fait. C'est exactement ce que nous disons. Nous disons qu'en ce qui nous concerne, les étudiants - et peut-être les restaurateurs, qui comparaîtront ensuite, vont-ils également se porter à la défense du serveur ou de la serveuse que vous mentionnez. Le fait est qu'il faut prévoir certaines dérogations car nous serons structurellement défavorisés, dans l'économie qui est la nôtre.

Nous ne disons pas que cela ne devrait s'appliquer qu'aux étudiants, mais si l'on va prévoir des dérogations ou des formules de calcul différentes, les étudiants doivent faire partie de la liste. Dressons cette liste et donnons la dérogation à tous. Nous ne sommes pas opposés à ce que d'autres groupes soient inclus.

Le sénateur Phillips: Ma deuxième question porte sur la page 10 de votre mémoire, où vous dites:

La fédération est opposée à l'utilisation des fonds de l'assurance-emploi à des fins autres que les prestations d'AE.

J'ai écouté un ou deux membres de ce comité nous dire que le fait que ces fonds puissent être utilisés pour la formation représente un avantage énorme que ce projet de loi apporte. Je suppose que vous ne voyez pas l'intérêt que voient certains sénateurs d'utiliser les fonds de l'AE pour - et j'aime bien cette expression -, des emplois permanents au moyen de fonds transitoires.

Je présume que vous êtes opposé à cette notion. N'est-ce pas?

M. Charron: C'est juste. Il y a plusieurs raisons à cela.

La première est que le principe des instruments sociaux en général devrait être que les avantages vont à ceux qui paient.

La formation et le besoin de formation sont un autre problème. Les cotisations d'assurance-chômage ne devraient pas être détournées pour la formation, ce qui, bien entendu, n'enlève rien à la nécessité d'assurer la formation professionnelle. Mais il ne faut pas confondre les deux sujets.

Le même débat, dans une certaine mesure, se déroule au sujet du Régime de pensions du Canada. Le fait est que c'est un programme financé par répartition et que les gens y cotisent. La seule différence est qu'il n'y a pas ce critère d'åge. Dans le cas de l'assurance-chômage, les cotisants sont également les bénéficiaires; c'est un peu différent dans le cas du RPC. Mais de façon générale, ce sont là les principes sur lesquels reposent les instruments sociaux, et je pense qu'il faut les conserver.

La question de la formation professionnelle est un peu différente. Encore une fois, la formation est nécessaire. Cependant, il faut dire, et nous le mentionnons dans notre mémoire, que le secteur privé au Canada fait très peu sur le plan de la formation de la main-d'oeuvre et ne prend pas ses responsabilités à cet égard. Pourquoi le gouvernement devrait investir massivement pour remédier à cette carence, c'est là un sujet dont on pourrait débattre, de même que l'on pourrait débattre des impôts que paient ou ne paient pas les sociétés.

Le sénateur Phillips: Je pense que vous avez omis là un aspect qui me préoccupe. Je le mentionne car j'ai deux filles qui enseignent au niveau secondaire et elles voient souvent des élèves décrocher pour raisons familiales ou parce qu'ils ne savent tout simplement pas ce qu'ils veulent faire dans la vie. Ils se retrouvent pompistes ou chez McDonald's ou dans quelque autre petit boulot et s'en contentent pendant un an ou deux. Puis ils se disent: «Voilà, j'ai trouvé quelque chose qui m'intéresse». Ces gens-là sont complètement oubliés par ce projet de loi et ne seront pas admissibles à une formation parce qu'ils travaillent déjà.

Vous avez raison lorsque vous dites que les fonds cotisés à l'AE devraient être réservés à cette seule fin. Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus.

Le sénateur Bosa: Voyez-vous un avantage à ce que le critère d'admissibilité soit désormais un nombre d'heures? Par exemple, auparavant, un employeur pouvait faire en sorte que l'employé reste en deçà du seuil d'admissibilité. En revanche, le système présente également des inconvénients en ce sens qu'il faut travailler davantage d'heures, ce qui peut exiger un plus grand nombre de semaines, avant de devenir admissible. Est-ce que les changements proposés représentent un avantage, à votre avis? Que pensez-vous de cet aspect du programme proposé?

M. Lavigne: À notre sens, le calcul horaire protège les employés à temps partiel, comme vous l'avez déjà mentionné, et la plupart de nos membres travaillent à temps partiel.

Vaut-il mieux calculer le seuil d'admissibilité en nombre d'heures plutôt qu'en nombre de semaines? À notre avis, c'est préférable. Cependant, il y a d'autres éléments qu'il faudrait prendre en compte. Mais si vous nous demandez notre position de principe, nous optons pour les heures plutôt que pour les semaines.

Le sénateur Bosa: Vous avez signalé une faiblesse dans vos réponses aux questions du sénateur Rompkey sur la remise de 181 $. Savez-vous qu'avec le nouveau régime, par exemple, quelque 500 000 Canadiens deviendront admissibles qui ne l'étaient pas sous le régime précédent et que les trois quarts d'entre eux obtiendront le remboursement de leurs cotisations, ce qui n'était pas le cas précédemment?

M. Lavigne: Je pense que notre rôle ici est de faire ressortir ce qu'il reste à faire pour que la loi soit équitable envers tous les Canadiens. D'autres groupes pourront s'exprimer sur d'autres aspects de l'admissibilité et cetera. Je conçois notre rôle, et celui des autres témoins, comme étant de signaler les vices structurels du projet de loi qui nous pénalise.

Cela est réparable sans bouleverser tout le document. Cet état de fait radicalement injuste existe bel et bien; je veux parler du fait que nous allons cotiser au régime sans être admissibles aux prestations. Je pense que l'on peut modifier cela maintenant, avant qu'il soit trop tard.

Le sénateur Bosa: Il doit y avoir énormément d'étudiants qui gagnent moins de 2 000 $ par an et qui se verront rembourser leurs cotisations.

M. Lavigne: Oui. Nous ne le contestons pas. Nous mettons en lumière les faiblesses auxquelles il convient encore de remédier.

Le sénateur Cohen: Nous convenons tous que vous avez des préoccupations légitimes. Nous voulons améliorer le projet de loi. Nous voulons aider les étudiants. Le gouvernement cette année s'est efforcé d'améliorer le régime pour les étudiants et leur offrir davantage d'opportunités.

Plusieurs de mes questions ont déjà été posées par d'autres. J'aimerais attirer votre attention sur la page 16, où vous dites, sous le titre «Répercussions pour les étudiants enseignant au niveau postsecondaire»:

...toute bourse spécifiant que les fonds sont alloués pour l'exécution d'un travail sera amputée des cotisations d'assurance-chômage.

Pourriez-vous nous donner quelques explications à ce sujet? Je ne saisis pas très bien.

Mme Doherty-Delorme: À l'heure actuelle, si vous recevez une bourse, c'est considéré comme un revenu, mais non comme un revenu de travail.

Le sénateur Cohen: Oui.

Mme Doherty-Delorme: Il n'y a donc pas de déductions; vous n'êtes pas admissible à l'assurance-chômage. Or, certaines bourses, comme nous le disons, constituent un don en argent d'un certain montant et d'autres sont mixtes et exigent une contrepartie d'heures travaillées. Dorénavant, nous semble-t-il, le montant correspondant à la contrepartie travail sera amputé des cotisations d'assurance-chômage.

Le sénateur Cohen: C'est bien ce que j'avais cru comprendre. Cela me préoccupe, moi aussi. Je ne trouve pas cela juste. Vu l'importance de l'éducation de nos jours dans cette économie mondialisée où il faut être à la pointe des connaissances, si les étudiants gagnent une bourse, celle-ci ne devrait pas être taxée.

Je recommande au comité de prendre cela en considération lors de ses délibérations.

Le sénateur Rompkey: Je crois savoir que la question de l'assujettissement des bourses n'est pas encore tranchée. Le jury n'a pas encore rendu son verdict. Il y a encore des gens qui travaillent là-dessus à la lueur des chandelles.

Je voulais vous poser une question sur la formation professionnelle. Vous dites que les fonds pour la formation ne devraient pas provenir d'un régime d'assurance pur, mais plutôt d'autres postes budgétaires. Accepteriez-vous une majoration des impôts pour financer la formation professionnelle en puisant dans les recettes fiscales générales?

M. Lavigne: Nous serions ravis de participer à un débat sur la fiscalité. Nous sommes tout prêts.

Le sénateur Rompkey: Ce que je veux dire, c'est pouvons-nous avoir le beurre et l'argent du beurre? Nous essayons de trouver un magot quelque part. Quelque part dans cette contrée appelée colline du Parlement, nous tombons sur un magot. Nous pouvons en prélever une partie et nous en servir pour la formation. Dans l'intervalle, comme vous le savez, on sabre dans les budgets pour réduire le déficit. Il y a donc moins d'argent pour les provinces.

Bien entendu, cela arriverait quel que soit le parti au pouvoir. Les deux partis, d'une certaine façon, ont suivi la même politique en matière d'éducation. Ces coupures n'ont pas commencé hier. Le mouvement a commencé il y a quelque temps.

Lorsque nous voyons toutes ces coupures budgétaires imposées un peu partout, et nous sommes tous conscients de la réalité, n'est-il pas un peu utopique d'exiger que l'argent vienne d'ailleurs que du fonds d'assurance-emploi? Cela ne me paraît pas très raisonnable.

M. Lavigne: Je ne pense pas que ce soit utopique. Nous reconnaissons que ces décisions fiscales et les politiques monétaires et financières du gouvernement actuel reposent sur des choix politiques. C'est un choix politique que d'autoriser des sociétés profitables à reporter leurs impôts. C'est un choix politique que de réduire le nombre des tranches d'imposition, rendant l'impôt sur le revenu moins progressif. C'est un choix politique que d'augmenter la taxe de vente, par exemple.

Ce sont tous là des choix politiques faits par des politiciens ici et à côté de chez vous. La question est celle-ci: d'où proviendront les crédits pour la formation professionnelle? Nous avons quantité de suggestions à faire au ministre du Revenu ou au sous-comité du revenu. Si vous nous posez la question à propos de ce projet de loi, oui, je pourrais vous donner des réponses. Nous avons calculé qu'environ 40 milliards de dollars d'impôts sur le revenu des sociétés sont dus au peuple canadien, tandis que nous en sommes réduits à protester contre les réductions du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

Ce sont là des choix politiques. Ces choix politiques sont faits en fonction de qui le gouvernement choisit d'écouter et de choyer.

Ce n'est pas du tout utopique. Nous disons que le gouvernement fait le mauvais choix.

Le sénateur Rompkey: Vous avez dit également que les entreprises ne font pas de formation. Si je vous ai bien suivi, vous avez dit que le gouvernement ne devrait pas le faire non plus. Vous dites que les entreprises ne font pas grand-chose pour former leur main-d'oeuvre et que le gouvernement ne devrait pas combler la lacune, alors que nous savons que la formation professionnelle est la clé de la productivité. Certaines provinces, comme le Nouveau-Brunswick, par exemple, lui accordent une très haute priorité, avec beaucoup de succès.

M. Charron: Bien entendu, la formation professionnelle en général est un sujet très complexe. Il faut se demander dans quel cadre elle est la plus efficace. Plusieurs études ont clairement montré qu'elle est la plus efficace lorsqu'elle est faite sur le tas, dans les entreprises elles-mêmes.

Si nous allons ouvrir un débat sur la formation, il faut se demander comment la dispenser de la manière la plus efficace. J'estime que si les entreprises ne l'assurent pas, nous pouvons leur donner des incitations à le faire. Si cela ne suffit pas, nous pourrons trouver des moyens de les faire payer pour que l'État le fasse à leur place, même si nous savons que ce sera moins efficace. Voilà comment il faut aborder la formation professionnelle.

Si nous savons qu'il y a quelques formes efficaces de formation professionnelle dispensées par l'État, je suis sûr que les Canadiens seront sensibles à cette argumentation, vu ce que la formation rapporte, et qu'ils accepteront de payer plus d'impôts. Les Canadiens s'inquiètent de la façon dont on dépense l'argent de leurs impôts. Si vous avez de bons arguments pour justifier la façon dont cet argent sera dépensé, si vous pouvez prouver que les programmes seront efficaces et donneront des résultats, alors vous aurez un bon argument politique à leur offrir. Voilà comment nous voyons les choses.

La présidente: Je vous remercie d'être venus.

Nous allons maintenant passer à nos témoins suivants, l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires.

Vous avez la parole.

M. John Rothschild, président-directeur général, Prime Restaurant Group, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires: L'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires est heureuse de cette invitation à exprimer les vues du secteur canadien de la restauration et des services alimentaires sur le projet de loi C-12.

Je suis membre du conseil d'administration de l'ACRSA, la plus grande association d'entreprises d'accueil du Canada, avec plus de 12 000 membres dans tout le pays. Je suis également président-directeur général de Prime Restaurant Group, une société qui compte quelque 85 restaurants au Canada, principalement en Ontario, au Québec et dans les Maritimes. Notre entreprise emploie environ 8 000 personnes, dont approximativement 25 p. 100, soit 2 000 personnes, sont des employés à temps partiel.

Le programme d'assurance-emploi est très important pour les restaurateurs du fait que l'industrie des services alimentaires en est une à forte participation de main-d'oeuvre. Les salaires représentent près de 30 p. 100 des dépenses d'exploitation d'un restaurant, si bien que toute majoration de charge salariale se répercute fortement sur les coûts.

L'ACRSA s'est exprimée initialement en faveur de cette réforme du régime d'assurance-chômage car le gouvernement semblait avoir conscience du fardeau croissant que représentent les charges salariales et les répercussions de celles-ci sur la capacité des entreprises à forte concentration de main-d'oeuvre de préserver et de créer des emplois. Cependant, nous estimons que le gouvernement a perdu de vue cet objectif. Au lieu de réduire les cotisations, le projet de loi augmente de 17 p. 100 les frais d'assurance-chômage du secteur de la restauration.

Nous restons partisans de bon nombre des principes qui sous-tendent le projet de loi. Les mesures visant à resserrer les conditions d'admissibilité et qui incitent les personnes à davantage s'assumer sont nécessaires et devraient déboucher sur un programme moins coûteux et plus substantiel. Cependant, nous sommes extrêmement préoccupés par un changement particulier qui va menacer des milliers d'emplois. Je vais concentrer mes propos sur l'assurance au premier dollar et l'effet dévastateur que ce changement aura pour les employés à temps partiel, particulièrement les étudiants qui cherchent à mettre de l'argent de côté pour leurs études. Mais auparavant, j'aimerais vous dire quelques mots de notre secteur.

Le secteur de la restauration est l'un des plus gros de l'économie canadienne, avec un chiffre d'affaires global de 29 milliards de dollars, soit 3,7 p. 100 du PIB. Avec ses 670 000 salariés, c'est l'un des plus gros employeurs canadiens du secteur privé.

Au cours des 25 dernières années, notre industrie a connu une croissance spectaculaire, qui s'est enrayée au début de cette décennie. Depuis 1991, nous assistons à une stagnation de la croissance et à une baisse considérable de notre part de marché. Notre part de «l'estomac», comme nous disons, a décliné chaque année de cette décennie, tombant d'un maximum de 42 p. 100 au chiffre actuel de 36 p. 100. En 1995, nous avons enregistré le plus grand nombre de faillites que l'on ait jamais vues.

En 1991, notre secteur a mis à pied 46 000 Canadiens, soit l'équivalent de toute la main-d'oeuvre de General Motors du Canada. C'était en grande partie le fait de la TPS. Le recul de notre part de marché est dû à des iniquités anciennes que cette taxe a durablement entérinées. Nous sommes également une industrie caractérisée par de faibles marges bénéficiaires et des frais salariaux élevés. Trente cents sur chaque dollar passant dans ma caisse vont dans la poche de mes employés. Ce n'est le cas d'aucun autre secteur de l'économie.

Permettez-moi de commencer par vous expliquer pourquoi ce projet de loi va tuer l'emploi dans la restauration. J'ai mentionné qu'un tiers du chiffre d'affaires des restaurateurs va directement aux employés. La marge bénéficiaire avant impôts n'est que de 5 p. 100. La plupart des frais d'exploitation d'un restaurant sont fixes. Répercuter ces coûts sur les prix n'est pas une option dans le marché férocement concurrentiel d'aujourd'hui. Notre secteur a déjà perdu, depuis 1991, 5 p. 100 de sa part des dépenses d'alimentation au profit des épiceries, et cela ne laisse aux restaurateurs d'autre choix que de réduire les heures d'ouverture et le personnel. Nos recherches montrent que les profits avant impôt dans ce secteur sont en moyenne de 5 p. 100. Cela peut vous sembler un rendement suffisant, jusqu'à ce que vous réalisiez que le chiffre d'affaires moyen d'un restaurant est de 360 000 $. Cela signifie un rapport avant impôts de 18 000 $.

Dans mon entreprise, comme je l'ai indiqué, nous employons environ 2 000 personnes à temps partiel. La plupart de ces étudiants travaillent moins de 15 heures par semaine. Ils choisissent cela parce que leur priorité va à la famille et aux études. En tant qu'employeurs, nous veillons à ne pas compromettre par un excès de travail les intérêts académiques de nos étudiants travaillant à temps partiel. Nous sommes très fiers d'offrir à nos employés étudiants un horaire de travail flexible qui leur permet de se concentrer sur leur priorité - les études. Nous fonctionnons dans un marché très dur où la concurrence de plus en plus vive entraîne une baisse de mon chiffre d'affaires. L'assujettissement aux cotisations à partir du premier dollar portera un coup sérieux à mon entreprise.

Notre préférence aurait été que le gouvernement renonce à passer à un système d'assurance à partir du premier dollar. Il y a des raisons valides et défendables pour opter pour un système de revenu assurable hebdomadaire maximal. Dans notre secteur, des employés travaillent moins de 15 heures par semaine et il s'agit principalement d'étudiants dont la participation au marché du travail est marginale. Leur travail à temps partiel n'est pas leur priorité, et c'est bien ainsi. Les recherches montrent que les étudiants qui travaillent un nombre d'heures modéré tout en poursuivant des études obtiennent de meilleures notes que ceux qui ne travaillent pas ou qui travaillent plus de 20 heures par semaine.

Les taux d'abandon scolaire augmentent lorsque les étudiants travaillent un nombre d'heures excessif. Les pédagogues appuient les efforts de l'industrie visant à limiter les heures de travail des étudiants, de façon à préserver un équilibre entre les études, le travail et la vie sociale et familiale. De fait, certains pédagogues disent même que nous ne limitons pas suffisamment nos heures et que nous pourrions donner à davantage d'étudiants la possibilité d'acquérir une expérience de travail.

Nous avons initialement accepté le raisonnement voulant que le passage à un système horaire réduirait le fardeau administratif tant pour le gouvernement que les entreprises. Cependant, les amendements apportés au projet de loi par le comité permanent du développement des ressources humaines réduisent à néant la seule raison légitime qu'il y avait de passer à un système horaire. Nous rejetons le raisonnement voulant que l'assujettissement à partir du premier dollar réduira l'incitation à embaucher des employés à temps partiel.

Les employeurs dans notre secteur n'organisent pas leurs horaires en fonction du programme AE mais selon les hauts et les bas de la demande du consommateur et de l'activité. Les périodes de pointe sont les périodes de repas, et les périodes de repas les plus occupées varient d'un restaurant à l'autre et selon les heures de la journée, les jours de la semaine, les manifestations locales, la météo, les jours fériés, et cetera.

Les employeurs structurent également leurs horaires en fonction des besoins de leurs employés à temps partiel qui souhaitent maximiser leurs gains et les concentrer sur un nombre minimal d'heures. Il faut savoir que la flexibilité des horaires est l'un des principaux attraits du travail à temps partiel dans la restauration.

Les modifications au projet de loi relatives à la prise en compte des arrêts de travail aux fins du calcul des prestations auront de profondes répercussions sur le secteur de la restauration. Le travail des employés à temps partiel est irrégulier car c'est cela que les employés désirent. Ils ont la possibilité de refuser le travail lorsque le travail scolaire devient trop lourd. Souvent, ils demandent à ne pas être appelés pendant les périodes d'examen ou à cause d'autres obligations ou circonstances scolaires ou familiales. Il serait extrêmement coûteux et fastidieux pour les restaurateurs de recenser chaque période sans travail. Outre que cette condition annule entièrement toute simplification administrative apportée par l'assujettissement à partir du premier dollar, elle empêcherait les restaurateurs d'offrir à leurs employés la flexibilité dont ces derniers ont besoin.

Nous considérons que le seuil de revenu de 2 000 $ et l'abattement offert aux petites entreprises constituent une reconnaissance de l'impact sur les coûts et de l'iniquité de l'assujettissement à partir du premier dollar. Malheureusement, aucune des deux options ne fera plus qu'apporter un soulagement marginal aux employés de la restauration ou aux étudiants à temps plein. En effet, selon les chiffres ministériels les plus récents calculés à partir des déclarations d'impôt, le remboursement des cotisations à ceux gagnant moins de 2 000 $ ne s'appliquera qu'à 34 p. 100 des étudiants à temps plein travaillant au Canada. Les employeurs, pour leur part, n'auront pas droit au remboursement.

L'abattement pour petites entreprises est totalement insuffisant. Premièrement, il ne s'agit que d'une mesure temporaire et, deuxièmement, il ne s'applique qu'à une certaine catégorie d'entreprises. Dans deux ans, toutes les entreprises canadiennes devront absorber le coût intégral du changement.

Si le gouvernement est résolu à instaurer l'assujettissement à partir du premier dollar, il est possible d'alléger le fardeau financier, de sauver les emplois estudiantins et de préserver les possibilités d'emploi des jeunes, en exonérant les étudiants des cotisations d'assurance-emploi.

L'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires a collaboré avec les fonctionnaires ministériels pour réduire le coût de cette option. Partant d'un coût estimé par le ministère à 1 milliard de dollars, l'association a élaboré une proposition qui coûterait moins de 200 millions de dollars. Elle suppose une exonération des salaires inférieurs à 5 000 $ réservée aux étudiants. Elle serait similaire à l'exemption de base du RPC, mais s'appliquerait uniquement aux étudiants à temps plein et à leurs employeurs. Selon les chiffres ministériels, 76 p. 100 des étudiants à temps plein gagnent moins de 5 000 $ par an, comparé à 34 p. 100 gagnant moins de 2 000 $.

L'admissibilité des étudiants aux prestations commencerait à la première heure au-delà du seuil de 5 000 $. L'exonération des étudiants irait dans le sens de la priorité nationale accordée à la création d'emplois pour les jeunes. Elle renforcerait le message lancé aux jeunes de poursuivre des études et permettrait aux étudiants de mettre de l'argent de côté et de contribuer au coût des études à un moment où les pouvoirs publics réduisent leur soutien. L'expérience de travail que les étudiants accumulent ainsi tout en s'instruisant accroîtrait grandement leur perspective de trouver un emploi à temps plein une fois leur diplôme en poche.

Ce projet de loi touchera le plus durement les petites entreprises qui offrent le meilleur potentiel de création d'emplois et les jeunes qui cherchent à s'instruire et à se forger un avenir. Nous demandons aux membres du comité sénatorial permanent de ne pas fermer les yeux sur les répercussions de l'assujettissement à partir du premier dollar sur les coûts et l'emploi, sachant qu'un si grand nombre d'emplois sont en jeu.

Nous ne pensons pas qu'il soit de l'intention de ce gouvernement de nuire à l'emploi des jeunes. C'est pourquoi nous avons tenu à comparaître devant vous aujourd'hui. Nous sommes là dans le but de proposer des solutions qui permettront d'améliorer le projet de loi et d'en faire un créateur d'emplois et non un tueur d'emplois. Pour l'avenir de notre industrie et celui des milliers de jeunes que nous employons, nous vous exhortons d'amender ce projet de loi de façon à exonérer les étudiants. Je vous remercie de votre attention.

Le sénateur Rompkey: Je tiens à remercier l'Association des restaurateurs d'être venue comparaître aujourd'hui. Ce n'est pas la première fois. Nous avons entendu tout à l'heure les étudiants. Ils pensent que l'assurance à partir de la première heure est une bonne chose pour eux, en soi. Nous avons maintenant entendu les difficultés que cela cause aux restaurateurs. Je comprends le dilemme, mais comment en sortir?

Pour ce qui est de l'exonération des étudiants, comment éviter, premièrement, qu'elle n'ait pour effet d'évincer d'autres catégories d'employés, telles que les mères célibataires? Y a-t-il un moyen d'éviter cela?

Mon autre question est de savoir ce qu'est un étudiant. Comment définissez-vous un étudiant? Comment prouve-t-on que l'on est étudiant? J'appartiens au troisième åge. J'ai dépassé la soixantaine. Vous n'avez pas besoin d'applaudir ni rien, je ne fais qu'énoncer un fait. C'est une réalité de la vie. Tout ce que j'ai à faire, c'est prouver mon åge, ce qui est facile. Mais comment puis-je prouver que je poursuis des études? Est-ce que je fréquente un établissement d'enseignement public, un établissement privé, un collège privé, ou suis-je en formation dans l'industrie? Est-ce qu'un apprenti chez General Motors est un étudiant? Qu'est-ce qu'un étudiant? Comment définissez-vous un étudiant? Comment prouver que l'on est étudiant? C'est la difficulté que je vois, outre le fait que l'exemption pourrait évincer d'autres, tels que les mères célibataires.

Mme Joyce Reynolds, directrice des ressources humaines, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires: Il y a un précédent en Saskatchewan où les étudiants sont exemptés de certaines cotisations auxquelles les employés à temps partiel autres sont assujettis. Dans cette province, les étudiants sont exonérés. L'étudiant y est défini comme «tout étudiant portant une charge d'enseignement d'au moins 60 p. 100». Nous avons passé en revue les lois sur l'éducation de la plupart des provinces. Nous ne pensons pas qu'il serait trop difficile de trouver une définition standard de l'étudiant à temps plein. Il faudra peut-être exiger que les étudiants produisent une attestation de leur établissement d'enseignement, à remettre à leur employeur.

Pour ce qui est de votre première question, celle de savoir pourquoi les employeurs ne se limiteraient pas à embaucher des étudiants si ces derniers sont exonérés, il y a une réponse toute simple: nous avons tellement de périodes de repas différentes et de quarts de travail que les étudiants ne peuvent les couvrir tous, par manque de disponibilité.

Le sénateur Rompkey: Pour ce qui est du seuil de 2 000 $, aujourd'hui, environ 440 000 travailleurs paient les cotisations d'assurance-chômage sans être admissibles aux prestations. Avec le régime d'assurance-emploi, ce chiffre tombe à 300 000. Il me semble que c'est un progrès. J'aimerais connaître votre position à ce sujet.

Mme Reynolds: Il est intéressant de comparer notre exposé à celui du groupe précédent. Je pense que nous avons tous deux mis le doigt sur le même problème, nous avons simplement offert une façon différente de le résoudre.

Il y a un lien très fort entre les charges sociales et l'emploi. C'est notre message clé.

Le sénateur Rompkey: Est-ce que la réduction récente des cotisations ne facilite pas les choses?

Mme Reynolds: Selon nos calculs, les cotisations devraient diminuer de 54 cents pour compenser le coût de l'assujettissement à partir du premier dollar dans notre secteur. Une baisse de 5 cents des cotisations ne représente pas grand-chose comparé au coût de l'assurance à partir du premier dollar.

Le témoin précédent a indiqué qu'il y a beaucoup de jeunes aux alentours de 25 ans qui n'ont jamais occupé un seul emploi. Notre secteur est celui qui offrait traditionnellement la première expérience de travail à un tiers de la population. Ainsi que M. Rothschild l'a expliqué, nous avons perdu 46 000 emplois et ne pouvons plus remplir notre rôle traditionnel de premier employeur. Il y a aujourd'hui beaucoup plus de gens dans le milieu de la vingtaine qui n'ont pas de travail. Une raison en est qu'ils n'ont pu acquérir leur première expérience de travail dans notre secteur ou dans d'autres secteurs d'activité similaires qui seront très durement touchés par cette mesure.

Le sénateur Bosa: Quelle est la proportion d'étudiants dans le secteur de la restauration, par rapport aux employés à temps plein?

Mme Reynolds: Le pourcentage d'étudiants dans notre secteur, à temps plein et à temps partiel, est d'environ 21 p. 100. Je peux vérifier pour m'assurer du chiffre exact.

M. Rothschild: Dans un restaurant qui compte 100 employés, la proportion type est d'environ 25 employés à temps partiel. En d'autres termes, 75 p. 100 des employés sont à plein temps.

Le sénateur Bosa: Je vais me faire l'avocat du diable. Il y a 18 mois, les cotisations d'assurance-chômage ont baissé. Est-ce que la réduction dont vous avez bénéficié à l'égard de 75 p. 100 de votre main-d'oeuvre ne compense pas l'augmentation des coûts résultant de ce projet de loi, s'il entre en vigueur?

Est-ce que le fait que les cotisations seront payées sur la base de la première heure travaillée ne compense pas la hausse de coûts de vos charges sociales, que vous avez chiffrée à 17 p. 100?

M. Rothschild: Si je vous suis bien, vous recherchez une équation mathématique, et la réponse est que la compensation n'est pas appréciable.

Le sénateur Bosa: Vous n'avez pas fait ce calcul?

M. Rothschild: C'est un calcul mathématique, 75 p. 100 d'employés à temps plein, comparé à la hausse. La réponse est que cela ne fait pas une différence appréciable.

Le sénateur Bosa: Cela ne compense pas?

Mme Reynolds: Voulez-vous parler de la diminution de cotisation de 5 cents qui est entrée en vigueur?

Le sénateur Bosa: Non. Soixante-quinze pour cent de votre effectif travaille à temps plein, c'est-à-dire que vous payez pour lui les cotisations d'assurance-chômage au taux plein. Sous le régime actuel, du fait que vous organisez les horaires de telle façon que les étudiants ne travaillent pas plus de 15 heures par semaine, vous n'êtes pas pénalisé par le fait que vous ne payez pas à leur égard de cotisations d'assurance-chômage. Cependant, sous le nouveau régime, vos cotisations vont augmenter parce que le nombre d'heures que les étudiants travaillent seront calculées de manière différente de la manière actuelle - sur une base horaire, par opposition à une base hebdomadaire.

Ce que j'essaie de déterminer, c'est si la réduction de cotisations qui est entrée en vigueur il y a 18 mois, et qui s'applique à 75 p. 100 de votre main-d'oeuvre, ne compense pas les cotisations supplémentaires que vous allez devoir payer dorénavant à l'égard des 25 p. 100 d'employés étudiants?

Mme Reynolds: La réponse à la question est qu'il nous faudrait une diminution de cotisations de 54 cents pour compenser le coût de l'assujettissement à partir du premier dollar. Il y a eu une baisse de 5 cents; il nous faudrait une baisse de 54 cents pour compenser le surcoût. Ce sont les calculs mathématiques que nous avons effectués.

M. Rothschild: Une autre façon d'aborder la question est de considérer le bilan d'un restaurant, son profit. Si les cotisations ont baissé, on s'attendrait à ce que la marge bénéficiaire du restaurant augmente. Il n'en a rien été. Il ne fait pas de doute que d'autres facteurs entrent en jeu.

Le sénateur Bosa: S'agissant du résultat net, vous avez mentionné un chiffre précis de 17 p. 100, mais si vous tenez compte du fait que les cotisations seront déductibles, maintenez-vous que vos frais de main-d'oeuvre augmenteront de 17 p. 100?

M. Rothschild: Pour ce qui est des frais de main-d'oeuvre, oui, l'augmentation est de 17 p. 100 et cela se répercutera sur la marge bénéficiaire.

Mme Reynolds: L'une des options qu'envisagent les restaurateurs est d'utiliser certaines des technologies nouvelles qui font leur apparition, sur le plan de la préparation des plats et de la prise de commandes. Lorsque le coût de la main-d'oeuvre devient trop élevé du fait des charges sociales, ils sont obligés de rechercher ces solutions de rechange, et cela ne fera qu'aggraver la situation de l'emploi des jeunes dans notre pays.

Le sénateur Phillips: Ma question s'adresse à Mme Reynolds. Il s'agit des heures de travail perdues par les mères qui doivent s'occuper de leurs enfants. Je dois confesser que lorsque j'ai commencé à étudier ce projet de loi, je pensais que c'était une bonne idée d'avoir une formule horaire plutôt qu'hebdomadaire. Je commence à me demander si c'est bien vrai. Je sais que vous avez des employés qui travaillent juste aux heures du déjeuner. Ce sont habituellement des mères de famille qui peuvent travailler à l'heure du déjeuner pendant que leurs enfants sont à l'école, tout en étant libres lorsque ceux-ci rentrent. Si une mère perd une semaine parce que l'un de ses enfants est malade et ne peut aller à l'école, et qu'elle doit rester à la maison pour s'en occuper, est-ce que cette méthode de calcul horaire, qui comptabilise le nombre d'heures par opposition au nombre de semaines, ne va pas la pénaliser?

Mme Reynolds: C'est la même chose que la personne travaille à temps partiel ou à temps plein et quel que soit le secteur d'activité, je pense. La raison la plus convaincante de passer à la formule d'assurance à partir du premier dollar était la simplicité administrative. Malheureusement, lorsqu'il faut tenir compte de tous les cas particuliers, on revient pratiquement au système du gain hebdomadaire assurable. Pour chaque problème que l'on résout, on en crée d'autres. Je sais que beaucoup de gens occupent plusieurs emplois à temps partiel et j'admets la nécessité de faire en sorte qu'ils soient couverts. C'est une autre raison convaincante d'opter pour une couverture à partir du premier dollar. Cependant, on peut trouver tout autant de défauts à un système horaire qu'il y a de raisons de le choisir.

Le sénateur Cohen: J'aimerais préfacer ma question par une remarque. J'avais un commerce de détail et je sais que la TPS a tué notre entreprise. Je sais également que la TPS et la récession ont provoqué des cascades de faillites dans tout le pays. Lorsque je vous écoute, je me dis que le Canada ne peut se permettre de voir des entreprises de restauration comme les vôtres fermer leurs portes. Nous avons vu une accumulation de faillites dans toutes les provinces dans les secteurs de services qui emploient les étudiants, les mères célibataires et les familles à deux revenus.

Je ne suis pas économiste, j'ai simplement été commerçante. Cependant, je pense que nous devons regarder de très près votre industrie car si vous coulez, vu toutes les autres petites entreprises qui ont déjà sombré, où les gens vont-ils trouver les emplois dont ils ont tant besoin? Je suis heureuse de votre intervention et je pense que nous allons devoir regarder cela de très près. Lorsque le ministre était là l'autre jour, il a dit que ce projet de loi présente beaucoup d'avantages, mais a ajouté qu'ils vont devoir suivre ses résultats de très près au cours des deux prochaines années afin d'apporter des rectificatifs. J'espère que certains des rectificatifs pourront être apportés à l'avance de façon à ne pas avoir à réaménager le régime aussi souvent ensuite.

M. Rothschild: Merci beaucoup.

La présidente: À votre avis, combien d'étudiants seront visés par l'exonération jusqu'à 5 000 $?

Mme Reynolds: Cela toucherait tous les étudiants car même s'ils gagnent 7 000 $, ils seraient exonérés jusqu'à hauteur de 5 000 $. Chaque étudiant à temps plein en retirerait un avantage, mais le chiffre du ministère est 76 p. 100.

La présidente: Vous avez dit que 34 p. 100 des étudiants gagnent moins de 2 000 $, si bien qu'ils obtiendront le remboursement de leurs cotisations s'ils produisent une déclaration d'impôt.

Mme Reynolds: C'est juste.

La présidente: Il n'y a pas de chiffre absolu ici. C'est juste 76 p. 100. Y a-t-il d'autres questions?

Le sénateur Bosa: Faites-vous des pressions sur les gouvernements des provinces qui n'ont pas harmonisé leur taxe de vente provinciale avec la TPS?

Mme Reynolds: Certainement, nous travaillons très fort là-dessus. Dans certaines provinces, comme la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, il n'y a pas de taxe sur les produits alimentaires, et nous voulons être traités sur un pied d'égalité. Voilà notre position.

M. Rothschild: Nous avons exercé des pressions, nous exerçons des pressions et nous continuerons à le faire.

Le sénateur Bosa: Je vous remercie.

La présidente: Je vous remercie d'avoir comparu devant notre comité aujourd'hui.

Honorables sénateurs, nous accueillons parmi nous aujourd'hui des représentants de la Coalition canadienne des organismes communautaires de développement de l'employabilité. Allez-y, je vous prie.

M. Warren Gander, coprésident, Coalition canadienne des organismes communautaires de développement de l'employabilité: Madame la présidente, j'aimerais, au nom de la Coalition canadienne des organismes communautaires de développement de l'employabilité, remercier le comité sénatorial de nous recevoir. M'accompagne aujourd'hui Nicole Garneau. Elle m'aidera à faire la présentation. Elle paraphrasera notre mémoire original, que nous avons présenté en février 1996 au comité permanent du développement des ressources humaines de la Chambre des communes, lorsque celui-ci était saisi du projet de loi qui vous occupe aujourd'hui, et qui était à l'époque le projet de loi C-111.

À la fin de la présentation de Nicole, je ferai quelques dernières remarques au sujet de certaines choses qui ont été constatées plus récemment, notamment l'offre faite aux provinces par le ministère du Développement des Ressources humaines il y a de cela six jours, et quelques rumeurs qui circulent depuis ce matin. Sur ce, je cède maintenant la parole à Nicole.

[Français]

Madame Nicole Galarneau, co-vice-présidente Coalition canadienne des organismes communautaires de développement de l'employabilité: Je suis la femme qui retourne au travail. Je suis le nouvel immigrant au Canada qui n'a aucune expérience de travail. Je suis l'ex-détenu. Je suis l'analphabète. Je suis le jeune. Je suis le toxicomane. Je suis la personne handicapée. Je suis votre voisin. Je suis votre mère. Je suis votre fils. Je suis un Canadien, une Canadienne, pourtant je suis «inadmissible.»

Le projet de loi C-12 : pas de réclamation ... pas de chèque... pas de service.

La Coalition canadienne des organismes communautaires de développement d'employabilité est une organisation nationale sans but lucratif qui a pour mission de développer et de promouvoir la formation communautaire en développement de l'employabilité au Canada.

La coalition représente environ 450 organismes oeuvrant dans toutes les provinces et territoires, et desservant quelque 250 000 clients. La majorité des clients desservis par nos organismes rencontrent des difficultés d'ordre économique et sociales liées au chômage.

Le projet de loi C-12 interpelle directement les organismes membres de la coalition tant à ce qui a trait aux clientèles qu'ils desservent actuellement qu'à leur mission spécifique.

L'accès à la formation et aux services de développement de l'employabilité est une condition essentielle pour lutter efficacement contre le chômage. Le projet de loi C-12 remplace la Loi sur la formation nationale et la Loi sur l'assurance-chômage.

Selon le projet de loi C-12, les sans-emploi qui ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi seront exclus des prestations d'emploi. Les milliers de chômeurs, qui avaient accès à la formation et aux services de développement de l'employabilité avant le projet de loi C-12, n'y auront désormais plus accès.

Dans ce mémoire, comparativement à ceux que vous avez reçu avant, nous analyserons la partie II du projet de loi concernant le Service national de placement et les prestations d'emploi. De plus, nous recommanderons une stratégie pour maintenir les services de développement de l'employabilité à l'intention des sans-emploi, économiquement et socialement défavorisés, qui ont été exclus.

Nous approuvons l'initiative d'une réforme de la Loi de l'assurance-chômage dont les applications actuelles ne correspondaient plus au but original.

Toutefois, la coalition souscrit aux principes d'égalité, d'équité et d'accessibilité. Nous croyons que ces principes sont des préalables pour des communautés, des provinces et un pays en santé. Ils ne semblent pas évidents dans les directives ou les formulations du projet de loi C-12.

Nous recommandons que le projet de loi C-12, dans ses structures et fonctions, soit guidé par les principes d'égalité, d'équité et d'accessibilité.

Les programmes doivent être accessibles à tous les sans-emploi, sans restriction ou distinction de statut. Le postulat de base voulant que chacun ait droit à un travail sous-tend l'idée que chacun devrait pouvoir améliorer ses compétences pour avoir accès à ce travail.

Le projet de loi, en proposant que les programmes de formation et de développement de l'employabilité s'adressent uniquement aux personnes inscrites à l'assurance-chômage, semble limiter ce principe fondamental d'accessibilité. II excluera certaines catégories de sans-emploi qui seront alors confrontés à des difficultés plus grandes pour intégrer le marché du travail.

Notre expérience nous démontre qu'il y a de plus en plus d'individus qui sont sans aucun revenu, ceux que l'on appelle les «sans-chèque», et qui ont besoin d'un soutien pour mener à bien leur démarche d'intégration au marché du travail. Si les restrictions aux prestations de chômage demeurent, le nombre des exclus et des sans-chèque augmentera dans toutes les régions du pays.

Quelques exemples de ces personnes qui seront exclues: les femmes qui doivent retourner sur le marché du travail pour faire face à l'appauvrissement de leur famille; des immigrants sans expérience de travail au Canada; des ex-détenus; des personnes handicapées physiques, mentales ou au niveau du développement; les toxicomanes; les jeunes en difficulté.

Cette forme d'iniquité exclut des programmes de formation des personnes déjà exclues du marché du travail. Cela a pour effet pervers de créer de l'exclusion dans l'exclusion.

Nous en arrivons à une seconde recommandation qui veut que le gouvernement fédéral développe une stratégie nationale pour garantir à tous les sans-emploi socialement et économiquement défavorisés des programmes de formation et de développement de l'employabilité; que cette stratégie comprenne un soutien au revenu et qu'elle soit à part du projet de loi C-12.

Sinon, nous recommandons que l'article 58 soit abrogé et que l'article 59 soit amendé en effaçant le mot «assuré».

Les membres de la coalition ont démontré leur efficacité dans le développement de programmes pour ces clientèles qui sont socialement et économiquement défavorisées. Notre organisation serait heureuse de collaborer à la conception et à l'implantation d'un programme national pour ces groupes.

L'article 57(1)a)c) s'adresse aux instances locales et reconnaît que les communautés connaissent leurs besoins: à problème local, solution locale. La prise de décision au niveau local est théoriquement un outil positif qui confère du pouvoir.

Les seules décisions entérinées par le projet de loi C-12 sont celles concernant les prestations d'emploi pour les sans-emploi admissibles à l'assurance-chômage. Si une communauté décide que les sans-emploi les plus démunis sont ceux inadmissibles à l'assurance-chômage, le projet de loi C-12 ne s'applique pas. Le législateur n'offre alors que des choix limités aux instances locales.

Notre recommandation à cet égard est que les sommes pour les mesures actives soient utilisées pour le Service national de placement et que celui-ci soit universel. Qu'une réelle prise de décision au niveau local soit possible en élargissant les choix et en permettant un accès universel aux cinq outils.

L'intention, stipulée dans l'article 57(2), de travailler de concert avec le gouvemement de chaque province pour l'élaboration, la mise en oeuvre et l'implantation d'un cadre permettant d'évaluer la pertinence de l'aide, est fort louable.

On y a retrouvé des faiblesses, par ailleurs. II n'y a pas de critères nationaux pour guider les négociations avec les provinces même s'ils ont été souhaités par les Canadiens qui ont participé aux consultations sur la revue des programmes de la sécurité sociale. Les résultats peuvent être tellement différents d'une province à l'autre qu'ils pourraient contribuer à la fragmentation du filet de sécurité sociale du pays.

Le postulat de base, selon lequel chaque province peut prendre soin de ses citoyens, semble ne pas se vérifier dans le cas de deux provinces au moins.

Historiquement, nous avons vu que les accords entre le fédéral et les provinces sont toujours longs à négocier, quel que soit le sujet.

À propos de cet article, nous avons deux recommandations: que la décentralisation administrative soit guidée par un ensemble de critères nationaux et de principes spécifiques pour s'assurer que les personnes qui ont besoin des programmes recevront les services. Qu'il soit possible de fournir des programmes et des services durant la période de négociations.

Je passerai outre nos recommandations sur l'article 58. À l'article 59b), les suppléments temporaires de revenu pourraient contribuer à niveler les salaires par le bas, en les abaissant artificiellement. Le mot «encourager» est le mot-clé de cette interprétation. Pourtant, en pratique, on pourrait exiger qu'un sans-emploi accepte n'importe quel emploi.

L'article 59e) reconnaît que certains sans-emploi ont besoin de connaissances de base pour obtenir un emploi et implique que le gouvernement reconnaît que des personnes qui ont déjà été sur le marché du travail n'ont pas encore toutes les compétences voulues.

Subventionner des individus et non les infrastructures signifiera qu'un grand nombre de projets de développement de l'employabilité disparaîtront. Les études réalisées au sein même du ministère de DRHC ont démontré que les organismes communautaires ont une performance inégalée et que ce modèle noninstitutionnel est le plus adapté pour répondre aux besoins des personnes qui n'ont pas les compétences de base.

Service Jeunesse Canada est un exemple de programme qui ne subventionne pas les infrastructures. II résulte que, malgré un taux de chômage de 30 p. 100 chez les jeunes Canadiens, les allocations du Service Jeunesse Canada n'ont pas été toutes dépensées parce que les organismes n'avaient pas les ressources financières nécessaires pour parrainer le programme sans support administratif.

À ce sujet, nous avons une septième recommandation: que des fonds pour l'administration et les infrastructures soient disponibles afin que les sans-emploi puissent choisir les programmes de développement de l'employabilité qui répondent le plus à leurs besoins particuliers.

Au-delà du projet de loi C-12, mettre l'accent sur la fiscalité et ignorer les déficits sociaux aura un impact encore plus négatif sur l'avenir de notre économie. Au Canada, on commence à peine à mesurer les avantages sociaux et économiques que l'on retire du secteur communautaire. Des études récentes démontrent que celui-ci fournit une contribution significative à la population, aux communautés, aux provinces et au Canada.

La coalition fait partie de ce secteur. Le secteur communautaire ne peut être considéré seulement comme un groupe d'intérêt social ou une organisation philanthropique. Il signifie également donner du pouvoir, participer, s'engager à améliorer la vie humaine. Le but devrait être de chercher à créer une vraie société civile.

Un secteur communautaire en santé est essentiel à une société en santé. Derrière les défis économiques, il y a une crise morale ou politique des plus sérieuse et profonde. Le projet de loi C-12 subventionnera le client et non les infrastructures pour servir le client. Comment continuerons-nous à répondre aux besoins des plus démunis tout en étant obligé d'avoir recours à des honoraires, à des frais de service, et à d'autres formes essentiellement commerciales pour financer nos opérations?

Le projet de loi C-12, en mettant l'accent sur le marché, ne servira que «les meilleurs». De plus, avec la perte de services pour les clients non admissibles à l'assurance-chômage, il démontrera que le gouvernement fédéral néglige ses responsabilités envers les plus démunis.

Si le secteur communautaire doit prendre la décision de retirer ses services ou d'exister à l'extérieur d'un système axé sur le marché, alors il négligera lui aussi ses responsabilités envers les Canadiens qui ne sont pas «les meilleurs».

Si le secteur communautaire et le gouvernement fédéral ne supportent pas réellement ceux qui sont les plus vulnérables, qul d'autre le fera?

Si le secteur communautaire et le gouvernement fédéral doivent défendre une cause, ils doivent défendre celle-ci.

[Traduction]

M. Gander: J'aimerais conclure notre présentation en faisant quelques observations sur l'annonce récente du ministre Young, offrant aux provinces et territoires la responsabilité en ce qui concerne les mesures actives d'emploi.

L'offre aux provinces comporte une déclaration en vertu de laquelle il est attendu qu'elles acceptent certains employés fédéraux en même temps qu'elles acceptent des fonds destinés à la formation. Je tiens à souligner ici que les agents de formation communautaire ont toujours été, dans la pratique, des employés du Canada.

La croissance du secteur communautaire au cours des 25 dernières années a résulté de la nécessité pour le Canada d'offrir une formation de qualité aux personnes particulièrement désavantagées sur le plan emploi. La formation pour ce segment de la population n'était pas disponible auprès des institutions publiques existantes, ni auprès du secteur de formation privée, à but lucratif. Voilà pourquoi il s'est créé au pays une infrastructure de formation privée sans but lucratif. Il serait myope et erroné, sur le plan économique, de ne pas veiller à ce que cette infrastructure survive en attendant que les provinces et le Canada établissent, dans le cadre du nouveau régime, des partenariats qui fonctionnent.

Dans le communiqué de presse du ministre - que je vais paraphraser - certains employés du gouvernement du Canada verront peut-être leur travail se déplacer chez un autre employeur. Nous nous attendons à ce que les provinces et territoires veuillent accueillir la plupart de ces employés chevronnés. Il s'agit de personnes qui connaissent leurs communautés et les besoins du marché du travail de leurs régions. Le gouvernement du Canada s'engage à veiller à ce que les droits de ces employés soient pleinement respectés.

Le Canada tente de maintenir sa propre structure d'effectif qui a élaboré l'infrastructure sans but lucratif axée sur des projets, mais non pas les programmes qui sont offerts. Lorsque ces employés auront été réunis sous la coupole provinciale, l'infrastructure sans but lucratif pourrait très bien ne plus exister. Les secteurs de formation publics et à but lucratif s'empresseront de combler le vide, mais avec des frais d'exploitation de loin supérieurs, sans parler des frais initiaux, et sans l'aide de décennies d'expérience auprès des personnes défavorisées, expérience qui ne peut être offerte que par le secteur communautaire de développement de l'employabilité.

Les autres secteurs de formation, c'est-à-dire écoles publiques, universités, collèges communautaires et collèges professionnels privés, ne pouvaient pas offrir de formation efficace à cette catégorie de personnes par le passé, et il est raisonnable de supposer qu'il en sera de même à l'avenir. Par conséquent, si l'infrastructure sans but lucratif venait à disparaître pendant la période de transition, il faudrait la ressusciter à un moment donné. Cela doit relever d'une forme de sciences économiques supérieure, car je ne comprends pas du tout.

Par ailleurs, toutes les études internes et indépendantes montrent que le secteur sans but lucratif est le secteur de formation le plus efficace avec lequel le Canada travaille en partenariat. En l'absence de délais auto-imposés et de lignes directrices claires et précises pour la province, il y a gros à parier que les services seront interrompus pendant la transition. Je n'ai encore jamais vu de formation rapide de partenariat entre le Canada et une quelconque province.

Personne ne conteste la logique du Canada dans son transfert de la formation aux provinces, mais s'il n'y a pas de sécurité transitoire pour le secteur qui offre au Canada le meilleur rapport qualité-prix, ce transfert pourrait fort bien se voir inscrire dans les livres d'histoire comme étant le bébé le plus cher que le Canada ait jamais jeté avec l'eau du bain. On parle ici de milliards de dollars pour ressusciter le secteur de formation sans but lucratif, sans parler des centaines de milliers de Canadiens démunis qui ne se verront offrir qu'une formation très inférieure, si même formation il y a, pendant la période d'écroulement du système et de sa résurrection.

Si je peux utiliser mon programme à Winnipeg à titre d'exemple... l'Educare Business Centre Inc. est une organisation charitable enregistrée. Il s'agit d'une entreprise de rattrapage scolaire et de formation professionnelle, qui est administrée par un consortium de compagnies privées depuis 1972. Pendant les dix premières années, les contributions fédérales et de sociétés privées étaient notre seule source de revenus. Depuis 14 ans, le gouvernement du Manitoba et celui de la ville de Winnipeg nous appuient financièrement aux côtés du fédéral et du secteur privé. Depuis huit ans, nous offrons également au public des programmes de formation en logiciel de détail. Cette année, nous nous sommes enregistrés en vertu de la Loi sur les écoles privées. D'innombrables programmes ont donné lieu à des activités productrices de revenus qui nous permettent de continuer d'offrir aux gouvernements des programmes axés sur des projets, au prix coûtant, voire à un coût inférieur à celui-ci.

Le Canada met beaucoup l'accent sur le partenariat: ce sont des agents de formation communautaire qui ont inventé le partenariat. L'une de nos forces a été notre capacité d'obtenir fonds et compétences auprès d'autres partenaires dans l'exécution de nos programmes de formation. Nous ne sommes pas seulement des défenseurs de groupes d'intérêt spécial. Notre rôle est de renforcer l'économie sociale qui, elle, crée des emplois.

Il doit y avoir une garantie de permanence de fonds pour la période de transition. Nous ne demandons pas de cadeaux en vue d'être là lorsque les choses se seront tassées; nous voulons tout simplement continuer d'assurer des services.

Techniquement, le Canada a les mains libres en ce sens que toute la documentation produite avertit les responsables de programmes qu'ils ne doivent pas dépendre de l'aide financière du Canada. D'un autre côté, le gouvernement fédéral a créé et favorisé la dépendance étant donné que cela s'inscrivait dans une relation symbiotique qui servait très bien la clientèle.

Quoi qu'il en soit, le Canada sait ce qu'il a créé et sait quels programmes fonctionnent bien et quels programmes ne fonctionnent pas. Dans le secteur sans but lucratif, les programmes qui ne fonctionnent pas bien ont déjà disparu. L'administration du ministère du Développement des Ressources humaines doit donner aux directeurs généraux régionaux des lignes directrices précises pour la période de transition, prévoyant la préservation de ce qui reste du secteur de formation sans but lucratif.

L'annonce récente de DRHC dit que pendant la période de transition, avant l'entrée en vigueur des nouvelles ententes, le gouvernement du Canada maintiendra des services ininterrompus à la clientèle, tout en travaillant de concert avec les provinces et territoires.

Le service ininterrompu pour les Canadiens les plus défavorisés, et d'ailleurs pour l'ensemble des citoyens canadiens, doit être inclus aux côtés du service ininterrompu pour les bénéficiaires d'assurance-emploi. Il serait très naïf pour le Canada de supposer qu'aucun de ses citoyens ne souffrirait pendant la période de transition telle que prévue. À bien des égards, cette supposition pourrait s'avérer fort coûteuse.

J'aimerais maintenant aborder deux choses que j'ai entendues ce matin. La rumeur veut que les revenus assurables soient réintégrés au système de formation, comme à l'époque des programmes visant les personnes très défavorisées sur le plan de l'emploi. Nous nous étions opposés à ce genre de choses il y a de cela des années. Il semble que l'on vise aujourd'hui un autre public.

On parle également ce matin à Ottawa d'un changement d'orientation voulant que l'on passe d'un système de financement de base à un système de financement par projet pour ce qui est des programmes visant les personnes handicapées, ce sur une période de trois ans. Cela inquiète beaucoup les agents de formation communautaire car cela entamera très certainement leur capacité de servir ce groupe. Nous ne sommes pas prêts, pour l'heure, à traiter des effets particuliers de ce changement de cap.

Le sénateur Rompkey: Je remercie les témoins d'être venus nous rencontrer. Il est difficile de savoir par où commencer. Commençons par nous occuper de leur situation particulière. Si j'ai bien compris, le groupe a été financé par un mélange de fonds fédéraux et de fonds en provenance du secteur privé. Les fonds d'origine fédérale ne sont plus là. Est-ce bien cela?

[Français]

Mme Galarneau: Majoritairement, les organismes et les projets sont financés par des fonds fédéraux. La part des industries se fait avec la réception de stagiaires. Je dirais que 90 p. 100 du financement des projets nous vient du gouvernement fédéral.

[Traduction]

Le sénateur Rompkey: Je comprends l'importance de groupes comme celui-ci. Ceux d'entre nous qui, à l'intérieur de nos familles ou ailleurs, ont été confrontés à des personnes handicapées savent que cela fait toute la différence que d'avoir derrière soi une organisation qui vous appuie, qui vous offre des services. Cela est évident.

L'autre réalité à laquelle nous sommes tous confrontés - sans vouloir me lancer dans une discussion constitutionnelle -, est le déplacement de la responsabilité du domaine fédéral au domaine provincial. J'ai bien peur que ce soit un fait accompli. Il y en a autour de la table qui le regrettent. Certains d'entre nous regrettent peut-être le manque de normes nationales dans ce pays. C'est mon cas. Si vous me permettez de m'exprimer de façon radicale, je dirais que je pense que l'éducation devrait être une responsabilité fédérale. Je serais bien plus heureux si c'était le cas. Je n'hésite aucunement à le dire.

La réalité est que l'éducation est, en vertu de la Constitution, une responsabilité provinciale. Les provinces l'ont d'ailleurs jalousement gardée. Tous ceux d'entre nous qui avons vécu ce débat le savons.

La présidente: Nous ne pouvons pas retourner à la période antérieure à la Confédération.

Le sénateur Rompkey: La réalité est que cette responsabilité a été transférée aux provinces. Elles l'ont voulue et elles l'ont obtenue. C'est bien dommage, mais elles doivent maintenant s'en occuper. Il s'agit peut-être là d'une dure réalité, mais cette réalité est incontournable.

Il semble, cependant, que le processus décisionnel au niveau local se soit amélioré. Je sais que dans ma région du Labrador, par exemple, nous n'avions pas vraiment de région proprement dite auparavant, mais aujourd'hui, nous en avons une. Les administrateurs qui sont sur place peuvent maintenant prendre des décisions qui relevaient auparavant de Halifax, de St. John's ou d'Ottawa. Il me semble que c'est un pas en avant que d'avoir ce genre de processus décisionnel, au sein du ministère du Développement des Ressources humaines, avec les partenaires sur place dans la communauté. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Vous dites que les fonds destinés à l'infrastructure et aux frais administratifs doivent être disponibles. D'un autre côté, je vois un avantage à remettre de l'argent à l'étudiant, à la personne qui cherche à se former.

Comme je l'ai déjà dit ailleurs, cela a été recommandé par la Commission royale MacDonald, par exemple, ainsi que par la Commission Forget et par d'autres commissions, fédérales et provinciales. La recette «supermarché», qui accorde un certain pouvoir à l'étudiant en mettant de l'argent dans sa poche et en le laissant magasiner pour le cours dont il a besoin, où et quand il le veut, a selon moi un certain mérite. Il me semble que le marché réagira, qu'il soit public ou privé. Qu'en dites-vous?

M. Gander: Une quarantaine de réponses s'imposent ici. En ce qui concerne le transfert aux provinces, il me semble que personne ne sait vraiment quel en sera le résultat final. À l'échelle nationale, 90 p. 100 de nos fonds proviennent peut-être du gouvernement fédéral, mais au Manitoba et en Alberta, par exemple, nous sommes cofinancés par la province, le gouvernement provincial, d'autres gouvernements et le secteur privé, et ce depuis quelque temps déjà. La question de savoir ce qui se passera une fois que cela aura été pris en mains par la province n'est en réalité pas notre problème.

Notre problème est la question de savoir si nous serons toujours là lorsque la structure améliorée sera en place. Le gouvernement fédéral, qu'il nous finance à 10 p. 100 ou à 90 p. 100, peut nous placer dans une situation fort précaire si cet argent est retiré et si rien ne vient le remplacer jusqu'à ce que la nouvelle structure soit bien en place.

La question n'est pas vraiment celle de savoir si des décisions locales seront meilleures ou pires que des décisions nationales. Je ne prétendrai jamais que les agents de formation communautaire s'opposeraient à des décisions locales car, bien que nous soyons dirigés par la communauté, toutes nos décisions sont prises au niveau local. Nous réagissons aux besoins locaux de nos communautés de sorte que toutes nos décisions, historiquement, ont été prises au niveau local.

Je ne pense pas que nous envisagions de difficulté dans nos rapports avec les gouvernements provinciaux en matière d'éducation ou de formation, ni avec les ministères qui en assumeront la responsabilité. Ce que nous disons, c'est que personne ne sera là pour servir la clientèle dans l'intérim.

À l'heure actuelle, nous sommes, essentiellement, des employés fédéraux. On nous met à pied en attendant la mise en place de la nouvelle structure. Cela signifie qu'une infrastructure d'une valeur de plusieurs milliards de dollars sera perdue à tout jamais. C'est aussi simple que cela. Même le gel non officiel de la formation l'automne dernier, en attendant pendant deux mois les résultats du référendum québécois, a à mon sens balayé 30 ou 40 programmes communautaires au pays. Ces programmes ne disposent pas d'un compte en banque leur permettant de survivre pendant deux mois sans une quelconque forme de formation.

Chaque petit accroc est critique pour un organisme sans but lucratif, qui ne devrait pas avoir un gros compte en banque ni un fonds d'urgence bien garni. S'il est question d'un débat de six mois entre le gouvernement fédéral et les provinces, alors 90 p. 100 d'entre nous ne serons plus là.

La présidente: Le ministre a dit dans la présentation qu'il nous a faite que ce qui était prévu c'était une période de transition de trois ans. Mon interprétation de ses propos est non pas que les choses seront tout simplement stoppées, mais que les changements seront apportés progressivement sur une période de trois ans et que tout restera en place en attendant que la transition soit faite.

M. Gander: Je conviens que le ministre l'a dit. Je sais qu'il l'a dit. Cependant, je ne suis pas convaincu que cette déclaration soit interprétée de la même façon par tous les directeurs régionaux.

[Français]

Mme Galarneau: Je peux vous donner l'exemple du Québec. Sur 44 organismes dont les contrats vont venir à échéance au 31 août, à l'heure actuelle, il y en a 48 p. 100 qui ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Il n'y a pas de fonds, même si l'on nous parle d'une période de transition, cela veut dire qu'il y aura 5 000 personnes qui n'auront plus de services. Cela représente également des pertes d'emploi.

C'est assez paradoxal, mais dans un marché où les intervenants viennent en aide à des gens qui se cherchent de l'emploi, eux-mêmes vont perdre leur emploi. Alors, durant la période de transition, on ne connaît pas, à l'heure actuelle, les conditions dans lesquelles le gouvernement fédéral va transmettre ses responsabilités aux provinces. Nous ne connaissons pas l'accueil que les provinces réservent aux organismes qui portent un drapeau canadien. Sur le terrain, il ne faut pas se le cacher, il y a des organismes qui reçoivent du financement fédéral, des organismes qui reçoivent du financement provincial et pourtant le client, quand il se présente dans ces organismes, n'a pas un drapeau plus qu'un autre sur le front.

[Traduction]

La présidente: Je suis très au courant des programmes de formation qui existent dans les provinces. Si les provinces estiment qu'elles n'ont pas les compétences voulues ni le personnel requis, ou si les collèges communautaires n'offrent pas le programme demandé, alors des organisations comme la vôtre administrent le programme en question pour eux. C'est bien cela, n'est-ce pas?

Mme Galarneau: Oui.

La présidente: Les provinces pourraient vous recruter et recevoir des fonds auprès du gouvernement fédéral pour financer un tel programme de formation. La question que j'aimerais vous poser est la suivante: pourquoi pensez-vous que les choses ne continueront pas de se passer ainsi une fois les fonds transférés aux provinces? Pourquoi pensez-vous que les rapports que vous entretenez présentement avec les gouvernements provinciaux en matière de formation ne seront pas maintenus?

M. Gander: Je ne dis pas que cela ne sera pas maintenu dans le cas de ceux et celles qui entretiennent déjà de tels rapports. Notre crainte est que pendant la période de transition, à moins que le gouvernement fédéral ne fasse une déclaration claire et nette aux provinces ou ne s'engage à maintenir le soutien au niveau actuel, nous ne soyons plus dans le paysage.

Dans le cadre du programme de Winnipeg, une part plus importante de notre budget provient des gouvernements provincial et municipal. L'équilibre a changé quelque peu au cours des dernières années, étant donné les exigences en matière d'aide pour les chômeurs. Ce n'est cependant pas le cas de l'ensemble des programmes au Manitoba, et ce n'est certainement pas le cas de la majorité des programmes offerts au Québec et en Ontario. Les organismes dans ces provinces font du très bon travail avec leurs clients, mais ils n'ont pas de relations avec la province. Nous demandons de pouvoir continuer de faire ce que nous faisons en attendant que la question soit réglée.

[Français]

Mme Galarneau: Il y a toute la question également du type de clientèle que l'on nous demande de servir pendant la période de transition. Pendant la période de transition, on nous demande de desservir des clients qui sont éligibles à l'assurance-emploi. Qu'arrive-t-il de ces sans-chèques avec lesquels les organismes travaillent?

C'est toute une expertise dans laquelle on a investi. Le gouvernement a investi depuis 15 ans. C'est une expertise qui sera perdue à l'égard de ces personnes. Les organismes ont toujours montré une capacité de s'adapter mais ils vont s'adapter à cette nouvelle clientèle. Nous allons perdre l'expertise qu'ils ont développée à l'égard des sans-chèques. Au Québec, on les appelle les plus «poqués» de notre société. Dans le fond, le gouvernement, même à travers son projet de loi, dit que l'on va mettre une croix sur 15 p. 100 de la population parce que ceux-là ne sont pas assez bons pour rejoindre le marché du travail. Pourtant, nos expériences et les résultats des organismes prouvent que ces gens rejoignent le marché du travail.

[Traduction]

La présidente: Cette question a déjà été soulevée: je veux parler ici du cas des personnes qui suivent de la formation sous contrat, qui perdent leur emploi et qui, parce qu'elles n'ont pas de prestations d'assurance-chômage, ne peuvent pas participer à ce programme.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: J'ai des questions et des commentaires, mais je suis déconcertée. D'abord, je vous remercie d'être ici. Je trouve que c'est une belle présentation. C'est certain que votre mémoire nous intéresse, en particulier votre page texte à la page deux. Je partage les préoccupations de toutes les personnes qui y sont mentionnées.

Est-ce qu'il y a vraiment des sans-chèques qui n'ont rien? Il me semble que s'ils ne recoivent pas l'assurance-chômage, ils ont autre chose. J'aurais voulu, à la fin de votre mémoire, que vous disiez: «Je veux plus de chèques, je veux plus d'argent ou plus de compensation.»

Il y a au Manitoba, je crois, des agences qui donnaient des services aux personnes ayant des déficiences physiques ou mentales, et ces agences ne pourront plus le faire à partir du mois d'août. Je crois que c'est cela que le témoin essayait un peu de nous expliquer.

Le Globe and Mail de ce matin annonce que le ministre du Développement des ressources humaines, M. Young, veut essayer de compenser ce manque en donnant aux provinces une autre façon de calculer les taxes, et en créant un groupe de travail ou une commission pour étudier toute cette question. Êtes-vous au courant de cela? Est-ce que ce sont là vos préoccupations quand vous parlez des 15 p. 100 qui n'ont rien?

[Traduction]

M. Gander: Eh bien, cela fait partie de mes préoccupations, mais je n'ai pas entendu parler de cela ce matin. Je n'ai pas lu le Globe and Mail de ce matin.

Le sénateur Cohen: Je l'ai lu, et un groupe de travail se penche précisément sur les questions que vous avez soulevées.

M. Gander: Si j'ai bien compris, c'est Andy Scott qui en sera le président. La crainte est que si l'on enlève la dimension nationale, il y aura un impact au niveau provincial en ce qui concerne les services offerts à la communauté des personnes handicapées. Nous avons entendu parler de cela ce matin seulement, alors nous n'avons pas la moindre idée de ce qu'en sera le résultat net.

Le sénateur Losier-Cool: Est-ce là l'une de vos préoccupations?

M. Gander: Depuis ce matin, oui. Je n'ai pas eu le temps d'y réfléchir. Il y aurait encore une douzaine d'autres exemples également.

Dans le cadre des programmes communautaires de développement de l'employabilité, nous offrons, certes, une formation aux personnes physiquement ou mentalement handicapées, ainsi qu'aux pauvres qui travaillent, aux pauvres qui ne travaillent pas, aux ex-détenus, aux alcooliques et à ceux et celles à qui le système d'écoles publiques n'a pas réussi. Ce dernier groupe est celui dont le sénateur vient de parler. Ces personnes sont coincées quelque part entre ce qu'elles ont quitté et l'endroit où elles pourraient ou ne pourraient pas aboutir. Je pense que nous sommes le seul secteur à leur offrir un pont pour se remettre sur les rails et être en mesure de profiter d'autre chose.

La réussite d'un programme communautaire a toujours été mesurée en fonction du seul critère de l'emploi. C'est l'emploi qui est le but ultime. Si le taux d'embauche en bout de ligne est bon, peu importe que vous commenciez avec un habitué de 30 ans des prestations sociales ou avec quelqu'un qui est à l'assurance-chômage. À l'issue de votre programme, c'est l'emploi qui est la mesure du succès. Nous avons toujours obtenu d'excellents résultats. Nous sommes le seul secteur qui obtienne de bons résultats avec cette catégorie de gens.

Nous ne vous demandons pas de nous écouter, car nous avons bien sûr des préjugés. Nous vous demandons d'écouter ce que disent nos études. Le ministère du Développement des Ressources humaines a réalisé des douzaines d'études qui appuient la rentabilité des programmes communautaires. Le Programme d'amélioration de l'employabilité de Développement des ressources humaines Canada de juillet 1995 fait ressortir leur rentabilité en fonction de l'argent dépensé.

Le sénateur Losier-Cool: Vous n'avez pas à nous demander de vous écouter. Cela fait partie de notre travail. Nous sommes justement ici pour vous écouter et nous trouvons cela très intéressant.

Pour enchaîner là-dessus et sur ce que vous avez mentionné - soit le taux de réussite de votre travail communautaire -, seriez-vous favorable à un objectif général voulant que les programmes d'assurance-chômage soient plus décentralisés et relèvent davantage des provinces? Vous avez fait état de situations régionales.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: A la page 7 de votre mémoire, vous faites une recommandation. Est-ce qu'en principe, vous aimeriez que tout le programme de l'assurance-chômage soit décentralisé?

Mme Galarneau: Nous avons toujours dit que les solutions se trouvaient à côté des problèmes. Nous croyons que le transfert des programmes de formation aux provinces évite les dédoublements. Ce qui est important pour nous, c'est que l'on arrive à maintenir des services pour nos clientèles, que ce soit au niveau de la province ou au niveau du fédéral.

Le fédéral a toujours été le seul à se préoccuper des plus démunis. Au Québec, par exemple, les programmes qui ont été offerts l'ont été en grande partie pour les prestataires d'aide sociale, très peu pour les sans-chèques. Le fédéral a toujours été le seul à offrir des services pour les sans-chèques. De là notre inquiétude, lorsque ce sera transféré aux provinces, que les sans-chèques continuent à recevoir des services.

Ce n'est pas une question de centralisation ou de décentralisation. Pour nous, c'est une question de services qui seront offerts aux sans-chèques. Nous avions une assurance jusqu'à maintenant avec le fédéral. Avec ce projet de loi, il est très clair pour nous, que les sans-chèques n'ont pas leur place. Nous espérons que cela sera repris par les provinces.

Le sénateur Losier-Cool: J'ai un peu de difficulté avec la définition de «sans-chèques».

Mme Galarneau: Vous ne croyez pas à notre définition de sans-chèques. Nous pourrions vous donner de multiples exemples. Il y a la femme qui retourne sur le marché du travail qui est sans-chèques ou la femme en instance de divorce avec deux enfants.

Le sénateur Losier-Cool: N'a-t-elle pas droit aux bénéfices de l'aide sociale?

Mme Galarneau: Si elle est en instance de divorce, elle n'est peut-être pas encore partie de chez elle. Elle vit encore aux dépens de son mari. Il y a également le jeune qui vit encore chez ses parents, il n'est pas nécessairement sur l'aide sociale et il n'est pas chômeur non plus. Ce sont les gens qui viennent dans les organismes. Il est toujours difficile de croire qu'il y ait des gens qui sont sans-chèques, mais cela existe, et plus que l'on pense.

Le sénateur Losier-Cool: Je comprends. Je suis d'accord qu'il y a des gens qui sont pauvres et qui ont des besoins. C'est peut-être le mot qui me manque.

Mme Galarneau: Nous allons en retrouver encore plus suite aux modifications aux prestations d'assurance-chômage. Lorsque les bénéficiaires ont épuisé les prestations d'assurance-emploi, ceux qui ont trop de biens pour recevoir une prestation d'aide sociale devront carrément vivre de leurs économies. Ce sont des sans-chèques.

[Traduction]

M. Gander: Historiquement, les gouvernements - et ce à juste titre -, ont toujours voulu former les personnes qui étaient inscrites sur leurs listes. Si la ville envoie un chèque à un prestataire d'allocations sociales ou si la province remet un chèque à un prestataire de bien-être social ou encore si le gouvernement fédéral vient en aide à un chômeur, l'objet est de faire en sorte que ces personnes sortent du système. On parle ici des personnes qui se voient verser de l'argent mais qui ne réintègrent pas l'économie. En gros, toutes les personnes qui ne relèvent pas d'un de ces systèmes sont laissées de côté. Il en existe quantité d'exemples. C'est une bonne chose de former les gens pour qu'ils sortent de ce système, mais il existe plusieurs systèmes et plusieurs exemples.

Le sénateur Phillips: Le témoin a dit avoir travaillé avec des personnes qui avaient été prestataires d'assurance-chômage. Je pense vous avoir également entendu dire que vous avez travaillé avec une personne qui était à l'assistance sociale depuis 30 ans. Dans le cadre de vos programmes de recyclage, avez-vous constaté une différence entre les prestataires d'assurance-chômage de courte durée et les bénéficiaires d'aide sociale de longue date? Quel est votre taux de réussite avec chacun de ces deux groupes?

M. Gander: Je dirais que le taux de réussite est à peu près le même dans le cadre de notre programme, mais il est sans doute légèrement inférieur pour les bénéficiaires d'aide sociale. Nos programmes sont conçus de façon à être beaucoup plus courts pour les bénéficiaires d'assurance-chômage et plus longs pour les prestataires d'aide sociale. Le produit final est le même: les participants ont les connaissances et les aptitudes voulues. Il est sans doute infiniment plus facile - et je ne sais trop comment exprimer cela -, de travailler avec le récipiendaire d'assurance-chômage parce que celui-ci est motivé. De façon générale, c'est le jour et la nuit. La différence entre les prestataires d'assurance-chômage et les bénéficiaires d'aide sociale est énorme. Les premiers ont en règle générale perdu un emploi et ils ont håte d'acquérir des compétences et de retourner au travail. Il est très facile de travailler avec ces gens-là.

La présidente: Nous vous sommes reconnaissants d'être venus nous rencontrer aujourd'hui et d'avoir porté à notre attention le problème qui vous occupe. Nous avons discuté avec le ministre des personnes qui ne sont pas à l'assurance-chômage, mais il nous a donné l'impression que, parce qu'il était en pleine négociation avec les provinces, il ne pourrait pas prendre d'engagement tant et aussi longtemps que les négociations n'auraient pas abouti. Nous vous remercions encore d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.

Honorables sénateurs, accueillons maintenant, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, Catherine Swift, présidente, et Garth Whyte, directeur exécutif, Affaires nationales, qui sont ici parmi nous pour discuter du projet de loi C-12. Allez-y, je vous prie.

Mme Catherine Swift, présidente, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante: Merci. Nous vous sommes reconnaissants de l'occasion qui nous est ici donnée de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous saisir de la position de la petite entreprise à l'égard du projet de loi.

J'ignore si vous connaissez notre organisation et si vous savez ce que nous faisons. Nous défendons les intérêts des petites et moyennes entreprises du Canada. Nous comptons à l'heure actuelle 87 000 membres, de toutes les régions du pays et de tous les secteurs de l'économie. Notre organisation d'entrepreneurs est quelque peu unique en ce que nous établissons nos positions en matière de politiques en nous fondant exclusivement sur les opinions données par nos membres par le biais de sondages, de visites personnelles, et cetera.

Cela étant, une part importante des propos que nous allons vous tenir aujourd'hui relativement au projet de loi C-12 s'appuient sur toute une gamme de sondages et d'autres formes de communications avec nos membres.

Nous vous avons remis aujourd'hui une brève déclaration de trois pages, ainsi que le texte du mémoire que nous avons soumis en mars au comité de la Chambre des communes qui avait été saisi de cette question. Le mémoire traite plus dans le détail des différents éléments. Il a été distribué à tous les députés et, bien sûr, aux hauts fonctionnaires pertinents. Dans le mémoire, nous avons essayé de résumer quels sont pour nous, et pour nos membres, les principes de la réforme de l'assurance-chômage et les conditions nécessaires à la création d'emplois.

Une part importante de ce qui est proposé dans le projet de loi C-12 est selon nous très positive et nous pensons que cela permettra de réparer bon nombre des problèmes qui existent dans le cadre du système actuel. Nous aurions également quelques suggestions à faire en vue d'améliorer le projet de loi.

Comme le veut la nature humaine, nous avons mis l'accent sur ce que nous n'aimons pas et sur les éléments qui, selon nos membres, leur causeront de gros problèmes.

Les deux principales questions sont donc les suivantes: l'adoption de l'assurance-chômage fondée sur les heures travaillées, également appelée l'assurance dès le premier dollar, et le niveau de l'excédent dégagé par l'assurance-chômage et la façon dont celui-ci devrait être géré. Nos membres considèrent ces deux mesures comme des taxes cachées.

Enfin, nous aurions quelques recommandations à faire aujourd'hui en vue d'une réduction sensible des cotisations d'assurance-chômage, ce qui, d'après les renseignements dont nous disposons, contribuerait à accroître la création d'emplois.

En ce qui concerne l'actuel système d'assurance-chômage, les vrais problèmes sont de deux ordres: financier et structurel. Notre objectif, selon nous, devrait être d'élaborer un système qui soit juste pour tout le monde - et qui corresponde en même temps aux moyens dont nous disposons.

Comme vous le savez sans doute déjà, c'est la petite entreprise qui crée la quasi-totalité des nouveaux emplois, et nos membres estiment que les réformes futures du système devraient déboucher sur des coûts d'assurance-chômage inférieurs plutôt que supérieurs, tant pour les employeurs que pour les employés. Le gouvernement fédéral n'a cessé, tout au long du processus de réforme, de mettre l'accent sur la création d'emplois. Si ce n'était pas là notre but, pourquoi nous préoccuperions-nous de tout cela? Dans ce contexte, ce processus de réforme doit, au minimum, ne pas entraver la création d'emplois, et doit, idéalement, en faire la promotion.

Tout changement, quel qu'il soit, au système ne doit pas avoir d'incidence négative sur la petite entreprise, et ce pour des raisons évidentes, étant donné que ce sont les petites entreprises qui sont à l'heure actuelle au coeur de l'activité de création d'emplois au Canada.

Comptent parmi les problèmes dont nos membres nous parlent de plus en plus depuis quelques années, les charges sociales, dont l'assurance-chômage, et les fardeaux réglementaire et législatif qui leur sont imposés. La réforme envisagée offre des possibilités intéressantes d'améliorer la situation en ce qui concerne ces deux éléments. Nous pensons que ce devrait être là des objectifs importants.

Je vous renverrai à la Figure 1 de la page 6 de notre plus gros mémoire. Cette figure résume les résultats d'un sondage que nous avons effectué l'automne dernier. Nous avions demandé à nos membres quelles conditions devaient selon eux exister pour qu'ils embauchent davantage d'employés en 1996. Naturellement, la condition la plus importante était une amélioration de leurs perspectives de vente ce qui - et cela n'a rien d'étonnant - est un euphémisme pour amélioration de la conjoncture économique, et il s'agit là d'une chose sur laquelle nous n'avons que très peu de contrôle.

Ce qui était intéressant c'est que la deuxième condition en ordre d'importance concernait l'impôt sur la masse salariale, ce sur quoi les gouvernements exercent, collectivement, énormément de contrôle. En d'autres termes, la deuxième condition la plus importante, et la première à laquelle on puisse quelque chose, concerne les charges sociales. Cela est appuyé catégoriquement par nos travaux de recherche. Nous faisons de la recherche depuis des années, tout comme l'Institut C.D. Howe, Statistique Canada, la Banque du Canada, et cetera. Il existe une volumineuse documentation selon laquelle il nous faut dans ce pays des déductions du côté de l'impôt sur la masse salariale.

De façon générale, nos membres qui sont de petites entreprises créatrices d'emplois appuient l'objet du projet de loi, qui est d'aider les Canadiens sans travail à obtenir des emplois valables. Malheureusement, par le passé, le système a davantage encouragé les gens à rester au chômage qu'à réintégrer la population active. Nombre des changements que nous avons recommandés dans notre réponse au Livre vert se retrouvent dans le projet de loi C-12.

Cependant, les avantages qui, de l'avis de nombreuses personnes, sont les changements minimaux requis pour améliorer l'assurance-chômage, sont peut-être carrément balayés. Si le projet de loi est adopté, cela augmentera sensiblement les coûts d'assurance-chômage pour de nombreux propriétaires de petites entreprises, ce à cause du système à l'heure qui est proposé. Nous craignons qu'un grand nombre des éléments positifs du projet de loi soient plus qu'annulés par les ramifications négatives des changements.

Nous ne pouvons pas appuyer la proposition visant à étendre la couverture à la première heure travaillée, vu que cela augmenterait les coûts d'assurance-chômage d'un très grand nombre de propriétaires de petites entreprises. En fait, une enquête menée auprès de nos membres a fait ressortir que 83 p. 100 des petites entreprises n'appuient pas l'élargissement du programme pour inclure un plus grand nombre de travailleurs à temps partiel.

Nos craintes relativement à ce changement sont décrites en détail dans notre mémoire, alors nous ne nous y étendrons pas trop ici. De façon générale, nous montrons que le fait d'opter pour un système fondé sur les heures travaillées, sans l'assortir de mesures corollaires, par exemple une réduction sensible des primes d'assurance-chômage, revient à de la piraterie fiscale déguisée. Malheureusement, cela nuira non seulement aux travailleurs à temps partiel en général, et tout particulièrement aux étudiants, mais également à la création d'emplois.

Chose intéressante, nous avons constaté que l'analyse de la proposition d'assurance dès le premier dollar, faite par le ministère du Développement des Ressources humaines, montre qu'avec le changement envisagé dans le projet de loi, environ 235 000 entreprises, représentant plus de 90 p. 100 des PME qui sont actives dans l'économie canadienne, paieront plus, en bout de ligne, au titre de cotisations à l'assurance-chômage. Environ 400 000 entreprises en seront au même point et près de 65 000 entreprises paieront moins. En d'autres termes, un nombre important de petites entreprises verront leurs coûts d'assurance-chômage augmenter, et rares seront les sociétés qui constateront une réduction des ces mêmes dépenses, si ce qui est prévu n'est pas assorti d'autres mesures.

Même si le gouvernement a inclus dans le projet de loi une disposition visant le remboursement des primes pour contrecarrer certains de ces effets, ceci doit être temporaire et n'être en place que pendant une année ou deux, après quoi les augmentations dans les charges sociales frapperont les entreprises de plein fouet.

Nous constatons par ailleurs que le seuil de 500 $ énoncé dans le projet de loi n'est tout simplement pas raisonnable du point de vue des PME.

Je demanderai maintenant à Garth de poursuivre notre exposé en vous parlant de certaines de nos recommandations.

M. Garth Whyte, directeur exécutif, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante: La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante appuie nombre des changements législatifs proposés, du côté tant des avantages en matière d'assurance que des avantages en matière d'emploi. Cependant, les propriétaires de PME n'appuieront pas ces changements car le fait de passer à un système d'assurance fondé sur les heures travaillées augmentera les coûts qu'auront à payer nombre de nos membres. Si tel s'avère être le cas, et si cela leur nuit, cela nuira non seulement à leurs activités, mais également à la création d'emplois dans le pays.

Nous proposons donc quatre recommandations qui, selon nous, ne changeront pas le fond du projet de loi, mais le rendront plus souple. Ces recommandations offrent par ailleurs au gouvernement des options visant la réduction des coûts d'ensemble pour les PME et les employeurs de façon générale, ce qui aiderait l'économie.

La première recommandation serait qu'on prévoie une exemption volontaire des cotisations pour les étudiants. Cela nous ramène à la question du système fondé sur les heures travaillées. Lorsqu'on réfléchit au bien-fondé du recours à un système fondé sur les heures travaillées... les gens parlent du fait qu'un grand nombre de personnes doivent avoir plusieurs emplois à temps partiel. Il ne serait pas juste que ces personnes n'aient pas droit à l'assurance-chômage. Nous pensons que cela devrait être volontaire. Que la personne qui travaille à temps partiel ait le choix.

La figure 5, à la page 14 de la version française de notre mémoire, donne les résultats d'un sondage. Chacun de nos graphiques s'appuie sur un rapport. Je porterai à votre attention le graphique intitulé «Raisons pour embaucher des employés à temps partiel». Contrairement à ce que dit le ministère, l'objet n'est pas d'exploiter l'employé, ni d'échapper aux taxes sur la masse salariale. La principale raison est que les employeurs veulent avoir assez de souplesse pour faire face aux périodes de pointe. Une autre raison est l'imprévisibilité des revenus et des liquidités. D'autre part, un répondant sur quatre a dit que les employés n'étaient libres qu'à temps partiel. Un répondant sur cinq a déclaré que si l'emploi était à temps partiel c'était à la demande de l'employé. Si c'est le cas, alors ne pourrait-on pas insérer dans le projet de loi une disposition qui nous permette de faire les deux choses. Cela protégerait ceux et celles qui ont plusieurs emplois et n'entraverait pas les employeurs ou employés qui optent pour le temps partiel pour des raisons tout à fait légitimes.

Nous recommandons un amendement au projet de loi permettant aux employés et employeurs d'être exemptés volontairement du versement de cotisations d'assurance-chômage pour les cas où l'employé déclare qu'il ne veut pas d'assurance-chômage et qu'il compte travailler moins de 15 heures par semaine. Il y a des cas du genre. Il se pourrait fort bien qu'un étudiant ne veuille pas cotiser. Nous pensons que cela allégerait sensiblement le fardeau financier tout en étant juste pour les employés à temps partiel et leurs employeurs.

Notre deuxième recommandation vise une exonération des cotisations d'assurance-chômage pour les nouvelles recrues ou une augmentation du livre de paye. Lorsqu'une telle mesure, éliminant les cotisations d'assurance-chômage, lorsque la liste de paie augmente, a été mise en oeuvre par le gouvernement en 1993, elle a été largement appuyée par les PME. Dans le cadre d'un sondage sur les effets de cette mesure menée auprès de 18 000 chefs d'entreprise, 80 p. 100 ont dit qu'elle aurait un effet positif, 3 p. 100, qu'elle aurait un effet négatif, et 17 p. 100 qu'elle n'aurait aucun effet.

La proposition d'assurance-emploi reconnaît qu'il s'agit d'une mesure positive du fait qu'il s'agit d'offrir un remboursement de cotisations aux petites entreprises. Cependant, comme l'a déjà souligné Mme Swift, cette proposition n'est pas assez généreuse, car elle n'est offerte qu'après une augmentation de 500 $ des cotisations et elle doit prendre fin après deux ans.

La troisième recommandation, qui déborde peut-être de l'objet du projet de loi, mais qui pourrait néanmoins en découler, vise une réduction importante des primes d'assurance-chômage. Les primes d'assurance-chômage devraient être sensiblement réduites en 1997, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, cela réduirait le fardeau fiscal total, ce qui stimulerait la création d'emplois et les dépenses des consommateurs. Deuxièmement, cela contrebalancerait les augmentations prévues des cotisations au Régime de pensions du Canada. Troisièmement, cela garantirait que la loi en matière d'assurance-emploi n'amènerait pas une augmentation des coûts d'assurance-chômage.

Nos discussions avec la Commission d'assurance-chômage et le ministère du Développement des Ressources humaines ont fait ressortir qu'il serait possible de réduire considérablement les cotisations d'assurance-chômage, de l'ordre de 60 cents à 70 cents. Une réduction de 10 cents des cotisations équivaudrait à environ 700 millions de dollars. Étant donné que le gouvernement prévoit un nouvel excédent de 4,5 à 5 milliards de dollars, il a toute la marge de manoeuvre voulue pour autoriser une telle réduction des cotisations tout en maintenant l'excédent de 5 milliards de dollars qui sera amassé en 1996. Ici encore, tout le monde en sortirait gagnant. Les employés bénéficieraient d'une réduction, et les employeurs aussi. Cela aiderait et l'économie et la création d'emplois.

Nous avons tenté de faire des recommandations qui ne nuisent pas aux personnes qui sont au chômage. Nous ne voulons pas miner le projet de loi ni les nombreuses mesures positives qui y sont énoncées. Nous recommandons un partage 50-50 des cotisations entre employeurs et employés.

Il n'y a pas de justification à l'heure actuelle, étant donné surtout que les avantages pour les employés... sur le plan formation, encore 800 millions de dollars; sur le plan développement, cela peut atteindre 2 milliards de dollars; viennent s'ajouter à cela les prestations pour les pêcheurs. Au lieu d'un partage 60-40, pourquoi n'aurait-on pas un partage 50-50? Dans le cadre du système actuel, les employeurs paient 1,4 fois les cotisations des employés, ce qui n'est pas équitable, étant donné surtout que le projet de loi prévoit qu'environ 4 milliards de dollars seront affectés exclusivement aux programmes de formation et autres pour les employés.

D'autre part, les employés qui gagnent moins de 2 000 $ bénéficieront d'un remboursement de leurs cotisations, alors que ce ne sera pas le cas de leurs employeurs. La grande majorité de nos membres, soit 87 p. 100 de ceux que nous avons interrogés, estiment qu'il devrait y avoir un partage égal des cotisations. Nous ne disons pas que cela devrait se faire tout de suite ni de façon drastique, mais l'on devrait tendre progressivement vers un partage 50-50, et ce non pas en augmentant les cotisations des employés, mais en les réduisant plus lentement que les cotisations des employeurs. Vous pourriez réduire un peu plus rapidement les cotisations des employeurs, et réduire un peu plus lentement celles des employés, ce qui rajusterait graduellement les choses. Nous pensons que cela favoriserait une plus grande équité dans le système, tout en permettant une légère baisse du côté des cotisations versées par les employés. N'oubliez pas que l'étude de l'OCDE et que diverses études du gouvernement font ressortir que réduction des charges sociales égale création d'emplois.

En conclusion, le défi posé par la réforme de l'assurance-chômage consiste à créer un régime financièrement soutenable qui aide les personnes qui sont dans le besoin sans entraver la création d'emplois. Un secteur des PME sain, dans lequel l'émergence de nouvelles entreprises et l'expansion sont encouragées, non seulement contribuera à la création d'emplois et favorisera la croissance économique, mais allégera les pressions exercées sur le régime d'assurance-chômage et sur le filet de sécurité sociale canadien.

La FCEI a fait un certain nombre de suggestions constructives en vue d'améliorer le projet de loi. Nous avons également fait quatre recommandations qui réduiraient sensiblement les coûts de l'assurance-chômage. Ces recommandations pourraient être réalisées sans modification importante des changements structurels proposés et pourraient être financées sans sabrer dans le système. En l'absence de ces changements, le projet de loi sera perçu comme contribuant à la perte d'emplois plutôt qu'à la création d'emplois.

La présidente: Merci beaucoup de votre proposition. Vous êtes l'un des rares groupes à avoir déposé auprès du comité des recommandations positives plutôt que négatives, et nous vous en sommes très reconnaissants.

J'aimerais vous interroger au sujet de cette idée d'exemption volontaire. Vous êtes favorables à l'assurance dès le premier dollar, mais il devrait y avoir, en plus, une exemption volontaire. Comment les PME mettraient-elles cela en oeuvre? Serait-ce difficile pour elles de le faire?

M. Whyte: Nombre de ces mesures ont pour objet la simplification, mais s'il s'agit de choisir entre payer un dollar et simplifier le système, les PME choisiront de ne pas payer un dollar de plus.

Quant à la façon de procéder, nous n'avons pas encore arrêté de solution. Nous voulions lancer l'idée et travailler aux côtés du ministère, mais nous pensons que le concept est solide.

La présidente: Pour faire les deux choses.

M. Whyte: Oui. Nous avons dit volontaire, mais pas juste pour les étudiants, car nous avons voulu couvrir le cas des étudiants qui travaillent à temps partiel mais également celui des personnes ågées qui travaillent à temps partiel. Nous n'avons pas voulu faire de discrimination à l'égard d'un groupe par rapport à un autre. Il y a des circonstances tout à fait légitimes dans lesquelles un employé pourrait dire: «Oui, j'aimerais être exempté de cela».

À l'heure actuelle, il y a une option d'exemption, mais elle est rétroactive, alors vous ne touchez pas l'argent tout de suite, et les employeurs n'y sont pas inclus. C'est comme des gains fortuits pour le trésor public. Nous ne pensons pas que cela soit favorable pour l'emploi. Cela sème l'incertitude et nous pensons que cela nuira au travail à temps partiel.

Nous essayons de trouver une méthode pour élaborer cela. Il y a un si grand nombre d'autres questions à l'ordre du jour que nous n'avons pas vraiment eu le temps de travailler là-dessus jusqu'au bout, mais nous pensons qu'il s'agit d'une solution qui mérite d'être examinée de plus près.

Le sénateur Phillips: Ma question concerne ce que vous avez dit au sujet des déductions. Étant donné le nombre d'heures par jour par semaine pendant lesquelles siègent le comité, au bout d'un certain temps, on commence à se perdre dans les chiffres. La loi prévoyait une réduction du côté du montant sur lequel des primes sont perçues. Ce montant a été sensiblement réduit. Avez-vous tenu compte de cela?

M. Whyte: Oui. Il y a un autre projet de loi qui a réduit les cotisations. Est-ce de cela que vous voulez parler?

Mme Swift: Du niveau maximal de revenus assurables?

Le sénateur Phillips: Oui.

M. Whyte: Nous sommes très favorables à cela.

Le sénateur Phillips: Combien cela économisera-t-il aux membres de votre organisation?

M. Whyte: Cela a été annoncé l'an dernier. La réduction de 10 cents de la cotisation signifie que tous nos membres ont bénéficié d'une réduction. L'année d'avant, lorsqu'ont été annoncées la réduction de la cotisation à l'assurance-chômage et l'augmentation du plafond des revenus assurables, 30 p. 100 de nos membres ont connu une augmentation nette à cause des revenus assurables maximaux. Nous avons toujours maintenu que cette formule était ridicule. C'était comme une formule de dix ans. Ce n'était pas approprié.

Au niveau de cotisation actuel, c'est-à-dire le niveau de 1996 qui tient compte du plafond sur les revenus assurables hebdomadaires, les statistiques du ministère montrent que la majorité des entreprises vont soit en être au même point, soit perdre de l'argent. La rémunération maximale assurable, telle que plafonnée, ne compense pas les effets du recours à un système fondé sur les heures travaillées.

Le sénateur Phillips: J'ai lu certaines critiques émanant de témoins qui vous ont précédés - je pense que le CTC était de ce nombre -, et selon lesquelles la réduction du plafond des revenus assurés favoriserait le recours à des heures supplémentaires plutôt que l'embauche de nouveaux employés. Êtes-vous de cet avis?

M. Whyte: Comme le montre le graphique que nous avons publié dans notre rapport, la première raison pour laquelle un employeur embauchera des employés à temps partiel sera pour couvrir les périodes de pointe. Le système fondé sur les heures travaillées, tel que prévu, découragera les gens de recruter des employés à temps partiel car cela leur coûtera plus cher. C'est cela qui nous inquiète. Ce n'est pas le plafond des revenus assurés qui obligera les gens à faire des heures supplémentaires; c'est la mise en place d'un système fondé sur les heures travaillées.

Dans une petite entreprise, si vous avez cinq employés, vous n'embauchez pas un employé à temps plein pour ensuite aller chercher d'autre travail. Vous obtenez d'autre travail puis vous faites des heures supplémentaires ou bien vous embauchez quelqu'un à temps partiel, avant d'embaucher un employé à temps plein. Un de nos membres avait un magasin de chaussures et un jour, pas un seul client n'est entré dans son magasin. Il a dit: «Je ne vais pas mettre en péril les employés que j'ai à l'heure actuelle, mon commerce, mon gagne-pain, mon hypothèque, en embauchant quelqu'un à temps plein. J'attendrai que les affaires aillent mieux. Je ferai moi-même des heures supplémentaires, mes employés actuels feront des heures supplémentaires, et j'embaucherai un employé à temps partiel».

Le plafond hebdomadaire des revenus assurables ne sera pas une incitation, en tout cas pas chez les petits entrepreneurs, à demander aux gens de faire des heures supplémentaires. Je ne suis pas d'accord avec le CTC là-dessus.

Le sénateur Phillips: Pour être juste, il me faudrait dire qu'en faisant cette déclaration, je comptais sur ma seule mémoire.

Nous avons également entendu le ministre et des fonctionnaires nous dire que le réinvestissement dans la formation dans certains domaines créera des possibilités d'emploi et stimulera l'économie. Êtes-vous de cet avis, ou bien y voyez-vous quelque difficulté?

Mme Swift: Cela fait maintenant plusieurs années que nous travaillons sur toute cette question des charges sociales, fédérales et provinciales, l'assurance-chômage n'en étant qu'un élément d'un tout. Le gros des recherches concourent à dire que lorsque les charges sociales sont élevées, la création d'emplois est faible, voire nulle. L'Europe est un parfait exemple. La création d'emplois y est à toutes fins pratiques nulle depuis plusieurs décennies, et les charges sociales là-bas comptent parmi les plus élevées au monde.

Au Canada, nous sommes passés d'une économie où les charges sociales étaient relativement faibles au début des années 80 à un système à l'intérieur duquel les charges sociales ont augmenté radicalement au cours des 15 ou 16 dernières années. Le mélange fiscal a de ce fait beaucoup changé. Toutes les entreprises en ressentent les effets, mais les petites entreprises sont en général caractérisées par une forte concentration de main-d'oeuvre. Elles ne remplacent pas aussi facilement les gens par des machines. Nombre d'entre elles oeuvrent dans le secteur des services.

L'augmentation des charges sociales a une incidence négative disproportionnée sur la petite entreprise, bien qu'elle nuise à l'ensemble des entreprises. Nous voyons aujourd'hui, comme nous le constatons depuis 15 ans, que c'est le secteur de la petite entreprise qui est le secteur le plus dynamique. Ce sont les petites entreprises nouvelles et existantes qui sont responsables du gros de la création d'emplois.

Le fardeau des taxes sur la masse salariale décourage, ce qui est logique, la création d'emplois. Il est par ailleurs difficile de ne pas lier les changements en matière d'assurance-chômage aux problèmes du côté du RPC. Nous nous attendons à ce qu'il y ait des augmentations de ce côté-là aussi. De nombreux gouvernements provinciaux sont en train d'augmenter les charges sociales pour des éléments comme l'indemnisation des accidents du travail. Ce n'est pas directement votre problème, mais c'est un problème pour tout le monde, dans la réalité, et nous cherchons à obtenir des améliorations partout où cela est possible.

L'assurance-chômage est un cas classique, car on est en train d'y remettre un peu d'ordre. Le fonds affiche des surplus toujours croissants. La création d'emplois est alors non seulement une bonne idée, mais une chose tout à fait faisable. Des réductions du côté des cotisations d'assurance-chômage pourraient peut-être contrecarrer les augmentations du côté du RPC, de sorte que l'effet serait nul pour les travailleurs.

Nos membres ne cessent de nous dire que les charges sociales sont la principale cible. Elles ne varient pas en période de récession, au contraire de l'impôt sur le revenu, et elles ont donc un effet punitif à l'intérieur du cycle d'activité. Nous discutons de tout cela avec tous les paliers de gouvernement.

M. Whyte: Nous pensons que le premier ministre avait raison lorsqu'il a dit que ce ne sont pas les gouvernements qui créent les emplois, mais les entreprises, et tout particulièrement les petites. Le ministre des Finances dit que la petite entreprise est en train de tenir son bout.

Nous préférerions que l'argent correspondant aux cotisations reste dans la poche du petit entrepreneur au lieu d'être versé au gouvernement, pour que celui-ci se retourne et tente de créer des emplois.

Le sénateur Phillips: Vous avez dit que vos membres étaient préoccupés par le RPC. Je suis d'accord avec vous pour dire que la petite entreprise sera frappée de ce côté-là dans un proche avenir. Vous avez également dit que les charges sociales provinciales vous inquiètent. Cela déborde du cadre du projet de loi dont nous sommes saisis, mais y a-t-il eu de nombreuses augmentations dans les charges sociales provinciales du fait des coupures fédérales du côté des subventions et des paiements de transfert pour les soins de santé et l'éducation? J'aimerais qu'on ait le tableau d'ensemble.

Mme Swift: Dans certaines provinces, il y a eu des augmentations. Pour la plupart, ces taxes sur la masse salariale qui existent sont versées au système de soins de santé. L'indemnisation des accidents du travail est en quelque sorte une autre charge sociale. Différentes provinces ont fait différentes choses.

Nous avons fait pas mal de recherches, et nous pourrons vous en fournir les résultats si cela vous intéresse. Nous avons fait un échantillonnage auprès d'un certain nombre de sociétés et nous avons comparé ce qu'elles paient maintenant à titre de charges sociales par rapport à ce qu'elles payaient il y a quelques années. Cela ne s'inscrit peut-être pas dans votre mandat, mais il ne nous faudrait pas ignorer ce qui se passe dans d'autres domaines, sans quoi notre travail pourrait être annulé par quelque chose de tout à fait différent.

Nos travaux de recherche révèlent que les charges sociales et même les taxes foncières ont beaucoup augmenté au cours des 15 dernières années. Les taxes qui suivent le moins le cycle d'activité ont donc augmenté de façon dramatique au cours des 15 dernières années. On entend souvent dire que les entreprises ne paient pas leur juste part d'impôts. Bien sûr, l'impôt sur le revenu des sociétés baisse lorsque le revenu des sociétés recule.

La dernière récession a donné lieu à un nombre sans précédent de faillites et à des niveaux d'emploi épouvantables. M'appuyant sur ma formation d'économiste, je dirais que cela a été causé par ce qui est arrivé à notre régime fiscal dans les années 1980. Il n'y avait dans le système aucune flexibilité. Les taxes foncières et les charges sociales sont fixes. Certaines entreprises ont mis des employés à pied pour éviter la faillite.

Le sénateur Phillips: Je vous demanderais de nous fournir l'étude que vous venez de mentionner.

Le sénateur Cohen: J'ai le sentiment que vous vous adressez directement à moi, car j'ai participé à votre sondage. Je ne pouvais pas savoir à l'époque qu'on allait venir ici m'en donner les résultats.

Je vous remercie de votre présentation succincte. Dans votre deuxième recommandation, vous parlez du remboursement des cotisations pour les petites entreprises. Vous dites qu'une augmentation de 500 $ et que deux années, cela ne suffit pas. Selon vous, qu'est-ce qu'il faudrait? Qu'est-ce qui serait juste?

M. Whyte: Ce que nous visons, gråce à la conjugaison de ces quatre recommandations, c'est une réduction sensible des coûts d'ensemble.

En ce qui concerne la mesure que vous venez de mentionner, en 1993, cette initiative avait eu pour objet de favoriser l'embauche. Cela avait été perçu comme un moyen d'encourager les entreprises à grossir leur liste de paye.

L'option actuelle énoncée dans le projet de loi est telle que de nombreuses entreprises n'atteindront jamais le seuil de 500 $. D'autre part, au-delà de ce seuil de 500 $, elles ne récupéreront que 50 p. 100 la première année et 25 p. 100 l'année suivante.

Nous préférerions quant à nous le modèle de 1993, qui s'appliquait rétroactivement à l'ensemble du livre de paye. C'était lié à la liste de paye totale, ce de façon à éviter tout abus. Il n'y avait pas moyen de jouer de tours, par exemple en rayant des travailleurs de la liste de paie pour les y réinscrire en les appelant de nouvelles recrues. L'incitation était très positive.

Le sondage que nous avons mené auprès de nos membres à l'échelle du pays a fait ressortir que c'est dans la région de l'Atlantique que cette formule jouissait du plus grand soutien.

Le sénateur Cohen: Dans un monde parfait, le gouvernement accepterait peut-être quatre amendements. Cependant, s'il ne devait en retenir qu'une, quelle recommandation serait la plus populaire, d'après votre sondage?

M. Whyte: Vous penserez peut-être que je m'esquive , mais peu importe, pour nos membres, laquelle des recommandations est retenue. Nos membres veulent voir une réduction générale des cotisations et une réduction sensible des coûts d'assurance-chômage. Ils veulent avoir la certitude que ces coûts vont baisser et non pas augmenter. Ils ne veulent pas voir de nouvelles recommandations ou propositions au nom de changements structuraux visant à améliorer le système d'assurance-chômage, pour ensuite constater qu'il y a une augmentation des coûts du fait de l'instauration d'un système fondé sur les heures travaillées, par exemple.

Le sénateur Cohen: Les petites entreprises luttent désespérément pour survivre. Il s'agit d'une recommandation vitale.

Le sénateur Bosa: Je suis heureux que les témoins aient fait des observations positives au sujet de la loi.

Vous n'avez rien dit au sujet de certaines questions. Je suppose, par exemple, que vous êtes favorable à la récupération des prestations à un certain niveau. Les autres articles dont vous n'avez pas fait état vous satisfont, j'imagine.

Vous êtes très négatif quant au principe de l'assurance dès le premier dollar. Vous pensez que par suite de cela, le nombre de travailleurs à temps partiel diminuera ou que les employeurs n'embaucheront pas de travailleurs à temps partiel. Vous estimez qu'il s'agit là pour les employeurs d'une désincitation à recruter des travailleurs à temps partiel.

Étant donné que les entreprises augmenteront leur production et qu'il y aura une demande accrue pour leurs produits, ne pensez-vous pas qu'il leur faudra continuer de recourir à des travailleurs à temps partiel? En tant qu'association de gens d'affaires, ne croyez-vous pas en un terrain de jeu égal pour l'ensemble des entreprises?

Mme Swift: Voilà pourquoi il est difficile de séparer une recommandation des autres. Nous voulons tous de la création d'emplois. Cela bénéficierait à tout le monde. Les petites entreprises sont déjà en train de créer des emplois.

L'assurance dès le premier dollar coûtera énormément d'argent, comme vous pouvez vous l'imaginer. Il s'agit là de l'une des propositions du projet de loi qui coûtera le plus cher. Si cela est adopté sans être assorti de certaines des mesures que nous avons proposées en vue d'en réduire l'impact, alors le projet de loi détruira au lieu de créer des emplois, que ceux-ci soient à temps partiel ou à temps plein.

Nos sondages font ressortir que les principales raisons pour lesquelles un employeur recourra au temps partiel sont liées à la conjoncture. Bien sûr, on n'embauchera pas un employé à temps plein tant que l'on ne sait pas si l'augmentation des ventes va se maintenir. Cela continuera d'être un facteur déterminant avec ou sans l'assurance dès le premier dollar. Cependant, il n'y a aucun doute que si un de nos membres paie plus lorsque la marge n'est pas très grasse, alors il lui faudra couper quelque part. Selon nous, sa tendance sera de couper en recourant à du temps partiel. Ces coupures ne se répercuteront pas uniquement là, mais c'est moins d'argent dans le pot.

Nous avons suggéré plusieurs mesures qui pourraient selon nous limiter l'incidence, sur le plan augmentation des coûts, de l'assurance dès le premier dollar. Il importe que ces mesures soient envisagées, sans quoi le projet de loi aurait pour effet l'inverse de ce qui était prévu au départ.

M. Whyte: Le projet de loi pourrait être discriminatoire à l'égard des jeunes. Cela rejoint l'argument que vous faites relativement au salaire minimum. Si le salaire minimum est trop élevé, les employeurs ne sont pas incités à embaucher des jeunes sans expérience. Les employeurs embauchent souvent des étudiants. Le gouvernement est en train de se pencher sur l'emploi pour les jeunes. Nous pensons que ce qui est envisagé ici va dans le sens contraire. En l'absence d'une exemption volontaire ou d'une exemption pour les étudiants, cela nuira en fait à l'initiative prévue. Toutes les parties - groupes d'entrepreneurs, et cetera -, mettent l'accent sur l'emploi pour les jeunes, mais le projet de loi pourrait très bien lui nuire. S'il y a dans le projet de loi un élément discriminatoire, cela pourrait fort bien influencer les employeurs dans le choix des travailleurs à temps partiel qu'ils embaucheront.

Le sénateur Bosa: Selon vous, que vont en penser les étudiants? Par exemple, à l'heure actuelle, un étudiant ou quelqu'un d'autre qui travaille à temps partiel et qui fait 14 heures, se verra retrancher 3 $ de son chèque de paye. Cela permettra peut-être à la personne, pendant la période de deux ans, d'être admissible à l'assurance, en accumulant les 910 heures requises. Il s'agit là d'un aspect très important pour les travailleurs à temps partiel.

M. Whyte: Nous sommes tout à fait d'accord avec vous. C'est pourquoi nous disons que ce devrait être au choix de l'employé, mais de nombreux étudiants diront: «Je veux l'argent tout de suite. Je ne veux pas payer pour ensuite devoir demander un remboursement rétroactif». Le projet de loi reconnaît que les gens voudront récupérer leurs cotisations à l'assurance-chômage. Pourquoi ce remboursement devrait-il être limité aux seuls employés?

Le sénateur Landry: Si j'ai bien compris, vous vous opposez à l'idée d'un système fondé sur les heures.

M. Whyte: Nous faisons des propositions. Nous comprenons que la situation puisse être injuste pour les employés qui ont peut-être plusieurs emplois à temps partiel. Nous nous sommes efforcés de soumettre des propositions qui traitent de ces préoccupations tout à fait légitimes, tout en contrecarrant certains des autres effets qui pourraient imposer des coûts supplémentaires aux employeurs, surtout aux plus petits. Au niveau de cotisation actuel, et dans le contexte des résultats prévus pour 1996, selon les études du ministère 235 000 sociétés verront leurs coûts augmenter. Quatre-vingt dix pour cent d'entre elles sont des petites entreprises. Étant donné que le gros de la création nette d'emplois est le fait de petites compagnies, cela portera un dur coup à la création d'emplois.

Le sénateur Landry: Je pense que la situation est tout à fait l'inverse. Quelqu'un travaillera peut-être trois heures par-ci, trois heures par-là et trois heures ailleurs, pour un total de neuf heures. Il pourra obtenir un crédit de trois heures à trois endroits différents.

M. Whyte: Nous sommes d'accord. Si l'employé opte pour la couverture, c'est très bien.

Mme Swift: C'est une question d'équité.

La présidente: Je ne pense pas que le sénateur Landry ait entendu la première proposition au sujet de l'exemption volontaire. Vous voudrez peut-être la lui expliquer.

Mme Swift: L'une de nos recommandations est que l'employé puisse demander une exemption volontaire des cotisations. On a également utilisé l'expression «exemption pour étudiants».

Le sénateur Landry: Y aurait-il à choisir entre deux options différentes?

Mme Swift: Excusez-moi, mais je ne comprends pas ce que vous voulez dire par «deux options différentes».

Le sénateur Landry: Ce ne serait pas uniforme.

La présidente: Ce ne serait pas uniforme. Ce serait une exemption volontaire.

Mme Swift: C'est exact. Cependant, il y a quantité de précédents à ce genre de choses.

Le sénateur Landry: La loi actuelle prévoit-elle une exemption volontaire?

Mme Swift: Non, mais la question ne se pose pas à l'heure actuelle, car il y a cette exigence de 15 heures de travail par semaine. La question ne se pose pas dans le cadre de la loi actuelle. Cependant, nous pensons que si c'était au choix de l'employé, le processus décisionnel serait au bon endroit. Bien sûr, le projet de loi contient une proposition autorisant les employés à demander le remboursement de leurs cotisations s'ils le veulent, jusqu'à concurrence d'un certain montant, mais l'employeur, lui, ne récupère pas son argent. Je ne sais pas comment d'aucuns peuvent prétendre que cela est équitable. Je trouve cela déraisonnable à tous les niveaux.

Le sénateur Landry: Ça ne peut pas être aussi grave que cela.

Le sénateur Losier-Cool: J'aimerais savoir quelle est la position de la FCEI pour ce qui est des mesures gouvernementales visant à aider les Canadiens qui optent pour l'activité indépendante. J'ai entendu quelque part que la FCEI pense que le projet de loi va subventionner l'économie souterraine, ce qu'on appelle au Québec le travail au noir. Maintenant que vous voyez que le programme va obliger l'employé à déclarer toutes ses heures de travail et tous ses revenus et que le programme est une incitation à faire appel à quantité de programmes, êtes-vous toujours convaincu qu'il favorisera l'économie souterraine?

M. Whyte: Nous pensons que de nombreuses dispositions du projet de loi vont venir améliorer le système. C'est davantage une désincitation à rester au chômage; c'est plus une incitation pour les gens à se trouver du travail. À cet égard, nous pensons que le projet de loi est une amélioration.

La présidente: Nous savons à quel point vous êtes des gens occupés, et nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Vous nous avez fait une excellente présentation et nous allons en tenir compte.

Honorables sénateurs, notre prochain témoin est M. Crowley, président de l'Atlantic Institute for Market Studies. Nous vous remercions d'être venu et sommes impatients d'entendre votre exposé.

M. Brian Crowley, président, Atlantic Institute for Market Studies: Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissant de votre invitation à vous présenter un mémoire et à comparaître devant vous pour traiter de ce que nous, à l'Institut, considérons être un sujet d'importance vitale mais très méconnue, à savoir la réforme de l'assurance-chômage.

Je veux prendre quelques instants, pour nous présenter, à l'intention de ceux d'entre vous qui ne connaissent pas notre institut. Nous sommes un groupe de réflexion sur la politique sociale et économique apolitique et non partisan, dont les membres et les soutiens englobent maintes personnalités éminentes du patronat, des professions libérales et des universités, tant au niveau régional atlantique qu'au niveau national. Je pense que certains des membres de notre conseil d'administration ne vous sont pas inconnus. Cedric Ritchie, qui a récemment quitté ses fonctions de président du conseil d'administration de la Banque de Nouvelle-Écosse pour prendre sa retraite, est le président de notre conseil. Purdy Crawford, l'ancien président d'Imasco, est également membre du conseil. Ceux d'entre vous qui viennent de la région atlantique connaissent sans aucun doute certains autres membres du conseil qui ont une moindre renommée nationale: Vic Young, de FPI à St. John's, Jacquelyn Thayer-Scott, présidente d'UCCB de Sydney, et Denis Losier, président de Assumption Life de Moncton.

Je voudrais préciser également que nos travaux de recherche - j'ai dit que nous sommes un groupe de réflexion sur la politique sociale et économique -, ne sont pas décidés par le conseil d'administration mais par un comité indépendant de conseillers en recherche composé de sommités en sciences économiques de nos universités. Je citerai par exemple les noms de Bill Milne, titulaire bénévole de la chaire d'économie régionale de l'Université du Nouveau-Brunswick, et Ed West, professeur émérite de sciences économiques à l'Université Carleton, ici, à Ottawa.

Notre institut est vieux de deux ans. Ses fondateurs partagent trois grandes préoccupations. Premièrement, le fait que la région atlantique du Canada soit devenue plus dépendante des aides de l'État que toute autre du pays.

Face à la crise financière du secteur public, nous avons compris que la stratégie de dépendance vis-à-vis de l'État, aussi opportune qu'elle ait pu être par le passé, n'a tout simplement plus beaucoup d'avenir.

Troisièmement, nous avons constaté une pénurie réelle d'idées quant aux stratégies nouvelles à suivre pour permettre à notre région - c'est-à-dire le Canada atlantique -, non seulement de survivre, mais de prospérer. C'est pour combler cette lacune que notre institut a été créé, de façon à ce que tout l'éventail des options réalistes de développement de l'économie atlantique soient analysées en profondeur. Cela nous amène au sujet dont nous traitons aujourd'hui: la réforme du régime canadien d'assurance-chômage.

J'aimerais avoir quelque chose d'aussi retentissant à dire que: «La réforme de l'AC provoquera davantage de désastres de type Westray». De fait, si je m'appliquais, je suis sûr que je pourrais arguer que cette réforme amènera l'éclatement du pays, ou la fin de l'assurance-maladie, ou quelque autre cataclysme. Malheureusement, nous avons pris la décision, assurément timorée, d'asseoir notre mémoire sur des faits démontrables et mesurables concernant l'assurance-chômage. Je vous demande pardon par avance si cela rend notre mémoire un peu moins sensationnel qu'il l'aurait été autrement.

Vous avez en mains notre mémoire, qui résume bon nombre des conclusions d'une vaste recherche menée pour notre institut par deux économistes de renommée nationale, experts en assurance-chômage. Elle a pour titre «Vers le développement durable de la région atlantique: argumentaire en faveur de la réforme de l'assurance-chômage». L'un des auteurs en est Doug May, bien connu de tous ceux qui s'intéressent à la réforme de l'assurance-chômage. Il a été l'année dernière le co-auteur de l'étude de l'Institut C.D. Howe intitulée «The Rock in a Hard Place» et est membre du conseil consultatif de la recherche de notre institut. L'autre auteur est Morley Gunderson, qui est professeur de sciences économiques à l'Université de Toronto et directeur du Centre for Industrial Relations de cette université. M. May et moi-même avons collaboré à la rédaction du mémoire que vous avez sous les yeux.

Nous disposons de relativement peu de temps. Je vais sans plus tarder vous faire un bref résumé de ce que nous, de l'institut, avons à dire sur la réforme de l'assurance-chômage. Je vais essayer de me limiter à dix ou 12 minutes de façon à laisser le maximum de temps pour des échanges avec les membres du comité.

Nous pensons qu'il y a un très large consensus au Canada pour reconnaître que le régime d'assurance-chômage actuel est gravement vicié. C'est certainement vrai des économistes professionnels, qui s'accordent à dire que l'assurance-chômage au Canada gonfle de près de 2 p. 100 le taux de chômage national. C'était déjà la conclusion de la Commission royale MacDonald et c'est celle de nombreux experts. Elle a été confirmée récemment par des travaux de modélisation effectués par le ministère des Finances fédéral, qui a estimé qu'un barème de prestations intégralement modulé selon les antécédents réduirait non seulement notre taux de chômage national de 2 p. 100, mais accroîtrait notre PIB dans la même proportion.

La conviction que quelque chose ne va pas avec l'assurance-chômage est partagée par l'opinion publique - les témoins précédents y ont fait allusion -, et les résultats des sondages montrent que c'est tout aussi vrai dans la région atlantique qu'ailleurs. Autrement dit, les Canadiens de l'Atlantique, si vous les sondez en tant que groupe, se disent fermement convaincus que le régime d'assurance-chômage est gravement vicié.

À notre sens, l'assurance-chômage présente trois grands défauts. Nous estimons que les réformes originales proposées par le gouvernement ne représentent qu'un pas infime et hésitant dans la direction d'une réforme réelle, durable et viable de l'assurance-chômage et que les modifications tant vantées introduites par la Chambre des communes ne font presque rien pour modifier ce jugement.

Je vais passer en revue chacun des trois problèmes qui sont inhérents, à notre avis, au régime d'assurance-chômage.

Premièrement, les incitations qu'il donne sont perverses tant d'un point de vue économique que d'un point de vue social. De fait, on pourrait même aller jusqu'à arguer qu'elles sont moralement perverses, mais nous laisserons de côté ce débat pour un autre jour. Les économistes considèrent - à juste titre, à mon sens - que les incitations importent car elles rendent certains cheminements plus attrayants que d'autres et les gens vont naturellement suivre le chemin qui les favorise le plus.

Les incitations sont importantes et les travailleurs, les employeurs et gouvernements, surtout dans la région atlantique, réagissent à ces incitations d'une manière qui est nuisible à l'économie et particulièrement néfaste aux populations ågées des zones rurales. Ces mêmes incitations amènent les générations montantes à embarquer dans la galère de la dépendance à l'égard de l'assurance-chômage. Une fois à bord, les obstacles à surmonter pour en redescendre peuvent paraître effrayants et insurmontables.

De quelles incitations parlons-nous? La liste est excessivement longue, mais permettez-moi d'en extraire juste quelques exemples.

Dans nos collectivités rurales - et je parle ici particulièrement de la région atlantique -, où il y a une pénurie de travail, du moins à court terme, l'assurance-chômage encourage la création d'emplois saisonniers car, dans sa forme actuelle et même avec la réforme proposée dans le projet de loi, elle représente une subvention au travail saisonnier. Quiconque a jamais étudié l'économie vous dira que si vous subventionnez quelque chose, vous aurez davantage de cette chose. Si vous subventionnez le travail saisonnier, vous aurez davantage de travail saisonnier.

Cela contribue à perpétuer le cycle de la dépendance, qui fait que les qualifications professionnelles se détériorent et que les équipements sont sous-utilisés, comparé à d'autres régions du pays. Cela engendre également - et c'est un problème terrible qui reste très méconnu -, une pression énorme pour les employeurs à partager le travail entre tous les membres de la collectivité, de façon à maximiser le revenu collectif, même lorsque - et c'est habituellement ce qui se passe -, ce comportement réduit la productivité et la profitabilité et rend ces entreprises économiquement beaucoup plus précaires qu'elles ne le seraient autrement.

Un aspect très négligé de cela est que l'assurance-chômage détourne l'énergie des gens de la création de biens et de services qui ont une valeur et peuvent être vendus sur le marché. À la place, les gens s'aperçoivent très vite que la façon la plus rapide et la plus sûre d'améliorer leur bien-être économique est de faire pression sur le gouvernement pour qu'il accroisse ou améliore les prestations.

Ainsi, dans le secteur de la pêche, par exemple, le poisson n'est fréquemment perçu que comme un moyen de toucher l'assurance-chômage. Cela explique, entre autres, pourquoi nous avons un si bas niveau de valeur ajoutée dans le secteur de la pêche du Canada atlantique, particulièrement dans la pêche du poisson de fond qui est aujourd'hui fermée. Dans les parties de la région atlantique qui dépendaient le plus de la pêche du poisson de fond avant le moratoire, plus de 50 p. 100 des revenus des pêcheurs provenaient non pas de la pêche, mais de l'assurance-chômage. S'ils n'avaient pas disposé de ce recours, ils auraient été obligés de mieux valoriser cette richesse naturelle, comme le font d'autres pays de pêche tels que l'Islande et la Norvège, où la pêche est réellement la source principale de revenus.

Pour les gouvernements provinciaux, l'assurance-chômage crée aujourd'hui une incitation à gaspiller l'argent des impôts sur des projets de création d'emplois artificiels, rien que pour rendre ces travailleurs admissibles à l'assurance-chômage et éviter qu'ils émargent au budget d'aide sociale provincial, engendrant un phénomène bien connu que Tom Courchene a judicieusement baptisé de «chaise musicale intergouvernementale», où un palier de gouvernement adopte une stratégie destinée à transmettre le coût d'une population dépendante à un autre palier de gouvernement.

N'oubliez pas que nous passons là en revue une liste des incitations perverses engendrées par l'assurance-chômage. Pour les chômeurs, les prestations complémentaires régionales sont une forte incitation à passer d'une région à faible taux de chômage à une région à fort taux de chômage, parce que le programme d'assurance-chômage, pour utiliser le jargon technique, est horizontalement inéquitable. Ce n'est qu'un grand mot pour dire qu'il traite de façon dissemblable des personnes placées dans des circonstances semblables. Une personne de Sydney ou de la péninsule Great Northern de Terre-Neuve aura droit, après 12 semaines de travail, à près de 38 semaines de prestations. Une personne se trouvant dans exactement la même situation à Calgary, ou Vancouver ou Toronto, ayant le même nombre de semaines de travail, n'aura droit à rien, même si elle perd son emploi. Cela explique largement la migration vers l'ouest du pays qui se produit lorsque la conjoncture est bonne et la migration de retour vers les régions de fort chômage lorsqu'elle est mauvaise.

Pour les jeunes, l'assurance-chômage crée un monde artificiel où l'on peut choisir entre une vie de dépendance à l'égard de l'assurance-chômage et de menus travaux saisonniers, et une vie où l'on continue à développer ses connaissances et ses capacités comme notre économie à forte intensité de savoir l'exige. Lorsqu'on vit de l'assurance-chômage, on ne peut aller à l'université, sauf rares exceptions, car on est alors étudiant et inadmissible.

Mon collègue Doug May, qui a contribué à la rédaction de ce mémoire, peut vous raconter qu'il voit ses étudiants de l'Université Memorial de Terre-Neuve défiler en larmes dans son bureau, parce que dans les hameaux côtiers isolés d'où ils viennent leurs camarades qui n'ont pas terminé leurs études secondaires, qui font des petits boulots, touchent l'assurance-chômage, font un peu de pêche saisonnière et vivent très bien. Ils ont des camions et des petites amies, vivent avec leurs parents et se moquent de ceux qui vont à l'Université Memorial, qui s'endettent jusqu'au cou et prennent des risques dans l'espoir de trouver un emploi dans le genre d'économie dans laquelle nous voulons les encourager à travailler.

Maintenant que nous avons vu certaines de ces incitations, le deuxième problème majeur de l'assurance-chômage est qu'elle cherche à intégrer deux créatures très différentes au sein d'un même programme. C'est à la fois un programme d'assurance-chômage, du point de vue technique, et un programme d'aide sociale. C'est les deux. Or, les objectifs d'un programme d'assurance-chômage et ceux d'un programme d'aide sociale sont sensiblement différents et c'est la contradiction entre ces deux ensembles d'objectifs qui taille en pièces l'assurance-chômage.

Le programme d'assurance implicite dans l'assurance-chômage contient très peu de principes d'assurance, si bien que le régime distribue des prestations de manière à la fois capricieuse et économiquement dévastatrice; ainsi, pour reprendre un exemple que j'ai déjà utilisé, lorsqu'il subventionne des emplois faiblement qualifiés et hautement saisonniers aux dépens d'emplois à plein temps bien rémunérés qui durent toute l'année, et c'est précisément ce que fait l'assurance-chômage. Cette aberration économique est financée par une taxe sur les salaires, qui, ainsi que les témoins précédents l'ont expliqué, est une tueuse d'emplois avérée dont le fardeau, contrairement à ce qu'ont dit les témoins précédents, pèse principalement sur les travailleurs. Il ne pèse pas surtout sur les employeurs. Quantité de recherches ont montré que le fardeau réel des cotisations d'assurance-chômage repose à 80 p. 100 sur les épaules des travailleurs et à 20 p. 100 sur celles des employeurs. C'est dû au fait, bien entendu, qu'une bonne partie de l'argent qui sert à payer les cotisations patronales pourrait autrement être versée sous forme de salaires.

Pour un régime qui est un programme d'assistance sociale à peine déguisé, une taxe sur les salaires est une méthode de financement singulièrement perverse et régressive, car elle frappe uniquement les revenus du travail et pas les autres formes de revenu ou de richesse. Si l'on veut avoir un programme d'aide sociale par opposition à un programme d'emploi ou d'assurance-chômage, il est tout à fait inapproprié de le financer au moyen d'une taxe sur les salaires.

Le troisième grand problème de l'assurance-chômage est qu'elle est profondément injuste. C'est dû évidemment au problème que je viens de mettre en lumière: sa dualité, en tant que programme d'assurance et que programme d'aide sociale. Cependant, il faut bien préciser une chose: contrairement à ce qu'un certain nombre de témoins ont pu vous dire, on ne peut absolument pas défendre l'assurance-chômage en disant qu'elle favorise l'équité sociale. Quiconque croit cela n'a pas regardé la répartition des prestations d'assurance-chômage entre les catégories de revenus.

En Nouvelle-Écosse, l'assurance-chômage a canalisé 100 millions de dollars vers les ménages ayant un revenu supérieur à 60 000 $, mais 30 millions de dollars seulement vers les ménages ayant un revenu inférieur à 10 000 $. À Terre-Neuve, 40 p. 100 des ménages disposant d'un revenu supérieur à 60 000 $ ont touché des prestations d'assurance-chômage, alors que cela n'a été le cas que d'un quart des ménages ayant moins de 10 000 $.

Il semble donc que la question à laquelle il faille répondre est celle-ci: est-ce que les modifications du régime d'assurance chômage proposées par le gouvernement répondent au défi de la réforme, au défi de la mise en place d'un système qui aide les chômeurs véritables, et ce au meilleur coût et sans engendrer les effets pervers que j'ai mentionnés? Tout bien considéré, à notre sens la réponse est non, elles ne le font pas.

Cela ne signifie pas, et je tiens à le souligner, que ces changements ne représentent pas une amélioration, car le régime d'assurance-emploi est certainement meilleur que le régime d'assurance chômage actuel. Là où nous pensons qu'il y a amélioration, nous en avons donné acte, tant dans le mémoire que dans le document de recherche que j'ai mentionné.

Cependant, selon notre analyse, rien de fondamental ne distingue le régime AE de l'ancien régime AC.

Les réformes proposées ne sont qu'un bricolage à la marge d'un système qui est vicié et régressif et qui appelle une refonte complète. Je pourrais vous en parler de façon très détaillée, mais je me limiterai ici à dire que l'assurance-emploi, selon notre analyse, réduit légèrement certaines des incitations les plus perverses mais que les effets sont réellement très marginaux. Le régime d'assurance-emploi, avant les amendements apportés par la Chambre des communes, accentuait nettement la répartition inéquitable des prestations, qui favorisait déjà de façon disproportionnée les nantis. Les amendements de la Chambre des communes tempèrent quelque peu cet effet mais sans le faire disparaître.

L'assurance-emploi continuera de subventionner les activités saisonnières employant une main-d'oeuvre faiblement qualifiée et prolongera même les prestations complémentaires pour les régions à fort taux de chômage. Cela continuera d'empêcher la redistribution des ressources et de l'emploi des secteurs en déclin vers les secteurs en expansion dans ces régions du pays et continuera de freiner le développement d'une main-d'oeuvre plus qualifiée.

Pour conclure, j'ai conscience que beaucoup de ceux qui admettent que l'assurance-chômage est un mauvais régime diront néanmoins que le moment est mal choisi pour le réformer. Ils ont tort. Ils ont tort non pas parce que la réforme de l'assurance-chômage ne sera pas douloureuse; elle sera douloureuse. Il est impossible de réparer sans douleur les dégåts infligés pendant 25 ans à l'économie de la région atlantique. Ils ont tort précisément parce qu'il n'y aura jamais de bon moment. Il n'y aura jamais de moment où ce ne sera pas douloureux.

Plus on attendra, et plus la réforme sera douloureuse et coûteuse, non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan humain, sur le plan qui doit compter le plus - les bouleversements, la perte de revenus, l'angoisse et l'incertitude. Ce sont là les aspects auxquels nous devons attacher le plus de poids.

Pourtant, nous savons que les avantages d'une réforme réelle de l'assurance-chômage, d'une réforme qui empoigne sans fléchir l'ortie de la restructuration économique, de la disparition de quantité d'activités dépassées, et de l'apparition d'un type d'économie entièrement nouveau fondé sur notre intelligence et notre savoir - une telle réforme créerait beaucoup plus d'emplois. Comme je l'ai dit au début, elle réduirait le taux de chômage de 2 p. 100 et rendrait tous les Canadiens plus prospères, accroissant notre produit intérieur brut de 2 ou 2,2 p. 100. Il n'y a aucune raison de temporiser, aucune raison autre que la timidité politique et la soumission à une minorité bruyante.

Le Sénat, je suis heureux de le dire, a montré récemment dans son rapport sur le développement économique régional, par exemple, qu'il est capable de dire la vérité et de s'opposer aux intérêts particuliers qui prétendent prospérer aux dépens du contribuable et des travailleurs. Je pense que le moment est venu pour vous de puiser de nouveau dans ce courage et de dire au gouvernement et à la Chambre des communes que leur réforme est trop timide, trop limitée, trop prisonnière du passé.

Nous, à l'institut, au nom de tous les Canadiens de la région atlantique, qui avons été si mal servis par l'assurance-chômage, vous demandons et vous exhortons - et j'irais même jusqu'à dire, vous implorons -, de ne pas abandonner encore une fois notre région à l'emprise d'un système d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi profondément malsain et néfaste. Attrapez à pleines mains aujourd'hui l'ortie de la réforme.

Les auteurs de notre mémoire et de notre étude considèrent qu'avec une bonne gestion et la volonté de prendre des risques politiques, nous pouvons faire la transition vers une expansion économique durable et la croissance de l'emploi dans la région atlantique. Nous pensons que les principaux bénéficiaires seront un groupe qui n'a jamais touché de chèque d'assurance-chômage. Ce seront mes enfants et, je le soupçonne, vos petits-enfants et les générations qui suivront. Je vous remercie de m'avoir écouté si patiemment.

Le sénateur Bosa: Je vous remercie de nous signaler les défauts que présente, à votre avis, le régime de l'assurance-chômage.

Vous avez longuement défendu votre thèse que l'assurance-chômage est mauvaise pour l'économie et mauvaise pour les Canadiens, qu'elle encourage la dépendance tant des individus que des collectivités locales et des provinces.

Convenez-vous que le projet de loi que nous étudions, qui apporte certains changements au programme d'assurance-chômage, est au moins un pas dans la bonne direction? Va-t-il au moins dans la bonne direction, même s'il ne va pas aussi loin que vous le voudriez?

M. Crowley: C'est une question très importante. Il ne fait aucun doute que ces changements, dans l'ensemble, vont dans la bonne direction. Je pourrais cependant contester divers éléments.

Bon nombre des problèmes que j'ai décrits, l'absence de prise en compte des antécédents, la désincitation à s'instruire, la répartition perverse ou bizarre des prestations, le projet de loi en donne au moins acte dans une petite mesure. Nous en sommes heureux. Cependant, pour parler franchement, sénateur, cela fait 15 ans que l'on essaie de réformer l'assurance-chômage au Canada.

Un certain nombre des tentatives précédentes sont allées un peu plus loin dans les directions que je préconise. Ce projet de loi met en place certains leviers qui peuvent servir à orienter l'assurance-chômage dans la bonne direction, mais n'exerce presque aucune pression sur ces leviers. Voilà mon opinion.

Le sénateur Bosa: Vous avez cité l'exemple d'une famille en Nouvelle-Écosse qui gagne 60 000 $; les prestations d'assurance-chômage versées dans cette province se montent à 100 millions de dollars. Vous avez ensuite donné un exemple similaire pour Terre-Neuve. Vous semblez approuver la récupération des prestations prévue dans les modifications apportées à la Loi sur l'assurance-chômage actuelle.

M. Crowley: C'est une question très complexe. Permettez-moi de prendre quelques instants pour vous expliquer pourquoi je la trouve complexe. D'une certaine façon, il devrait être très simple de répondre oui, nous approuvons, car nous désapprouvons la répartition inéquitable des prestations. C'est un sujet qui nous tient très à coeur. Les Canadiens sont clairement en faveur d'un système qui réserve les prestations à ceux qui en ont besoin.

L'un des problèmes de l'assurance-chômage est qu'elle fait précisément l'inverse. Votre question nous ramène à la dualité de l'assurance-chômage. Elle est à la fois un programme d'assurance et un programme d'aide sociale.

S'il s'agissait purement d'un programme d'assurance, je n'aurais pas d'objection à ce qu'une personne ayant un revenu de 70 000 $, advenant qu'elle perde ce revenu pour quelque raison, touche des prestations d'un montant très élevé. Cependant, le système n'utilise pas de tarification modulable selon les risques - en d'autres termes, une famille qui gagne 70 000 $ ne paie pas une cotisation proportionnelle aux prestations potentielles - tout le système, pour reprendre un terme que j'ai employé plusieurs fois, est plutôt pervers.

La récupération va à l'encontre des principes de l'assurance. Par conséquent, si nous voulons un régime d'assurance-emploi, cela ne semble pas fondé. Mais du point de vue de l'équité, j'y suis tout à fait favorable; mais aussi longtemps que l'on administrera ces deux programmes comme s'ils ne faisaient qu'un, nous ne sortirons jamais de cette contradiction fondamentale.

Le sénateur Phillips: Je pense que cela ne surprendra aucun des membres du comité que je dise au témoin que j'ai beaucoup de mal à accepter son mémoire.

Vous dites que le programme d'assurance-chômage tel qu'il s'est constitué au cours des 25 dernières années est l'une des grandes causes du retard économique de la région atlantique. Mais la région atlantique était déjà en retard sur le reste du Canada il y a 25 ans, avant même la mise en place du programme. Quelle était la cause alors?

M. Crowley: Vous avez tout à fait raison de dire que le Canada atlantique était en retard sur le reste du pays il y a 25 ans. Nous pouvons avoir une discussion sur les raisons de cet état de choses, mais je pense que cela nous détournerait de la question principale, à savoir quel a été l'effet de l'assurance-chômage.

Permettez-moi de commencer par faire observer que le taux de chômage au Canada, et nous parlerons du Canada atlantique ensuite, a suivi de très près celui des États-Unis jusqu'en 1971. Il y avait un écart constant de 1,5 à 2 p. 100 entre les taux de chômage canadien et américain.

En 1971, qui est l'année où nous avons libéralisé le régime d'assurance-chômage, les deux taux de chômage, le canadien et l'américain, ont commencé à diverger. J'ai le graphique ici quelque part et je peux vous le montrer. Le taux canadien s'est écarté très sensiblement du taux américain en 1971.

On observe un phénomène similaire dans la région atlantique. Le taux de chômage du Canada atlantique diverge depuis 1971. En d'autres termes, il a augmenté plus que le taux de chômage national.

Il y a également quantité de recherches menées par des universitaires indépendants de très haute réputation qui démontrent très clairement qu'une grande partie de l'écart du taux de chômage entre la région atlantique et le reste du Canada s'explique par les prestations complémentaires régionales. Ce n'est pas simplement une opinion que je tire de nulle part, sénateur; je l'appuie sur quantité de recherches empiriques.

Le sénateur Phillips: Vous avez mentionné l'expérience américaine, et je voudrais répondre à cela brièvement. J'ai passé de nombreuses heures dans cette salle à écouter des gens m'expliquer l'évolution des taux canadien et américain. Si vous regardez la question de très près, monsieur, vous constaterez qu'une bonne partie de ce changement est due au fait que les Américains ont modifié leur méthode de comptabilisation du chômage, et pas nous. Cela explique au moins deux à trois points d'écart.

Vous avez longuement souligné que trop de pêcheurs se sont accrochés plus longtemps qu'ils ne l'auraient dû. Quelle autre solution aviez-vous pour eux? Étaient-ils censés crever de faim, ou bien aviez-vous d'autres emplois pour eux ou des investissements pour remplacer leur gagne-pain?

M. Crowley: Premièrement, vous avez tout à fait raison de dire que nous comptabilisons le chômage de façon différente au Canada et aux États-Unis. Chaque pays a son propre système.

Ce qu'il faut bien voir, c'est qu'une fois que l'on admet qu'il y a des méthodes de mesure différentes, on peut néanmoins distinguer des tendances. Ce qui compte, c'est la tendance, non le chiffre absolu. La tendance du chômage au Canada suit une pente plus accentuée qu'aux États-Unis. Même s'ils comptent le nombre de chômeurs de façon différente, cela ne déguise pas la tendance, et c'est la tendance qui m'inquiète. Ce ne sont pas les nombres absolus, même si je considère que les nombres absolus ne cachent pas la réalité fondamentale.

Deuxièmement, permettez-moi de vous donner en retour, sénateur, un contre-exemple, car je pense que la façon dont votre question est formulée trahit précisément une des difficultés que nous avons à liquider les distorsions engendrées par l'assurance-chômage. Le postulat qui sous-tend la question est qu'il est de la responsabilité de quelqu'un, en quelque sorte, de fournir du travail à chaque Canadien et que si nous ne lui fournissons pas du travail, nous sommes en quelque sorte obligés de lui fournir l'assurance-chômage. Permettez-moi de vous donner un contre-exemple.

Au début du siècle, près de 80 p. 100 de la population canadienne vivait de la culture de la terre. Il y avait des ouvriers agricoles. Avec l'avènement de la mécanisation, beaucoup de ces ouvriers ont perdu leur emploi. Aucun gouvernement ne s'est présenté pour dire: «Vous perdez votre emploi. Eh bien, restez où vous êtes et nous allons suppléer à une partie de vos revenus perdus. Contentez-vous de travailler à temps partiel jusqu'à ce que nous trouvions une autre solution». Si nous avions fait cela, nous aurions aujourd'hui des centaines de milliers de personnes continuant à vivre dans les campagnes de l'Ontario, du Manitoba et de Saskatchewan, à faire un travail à productivité toujours décroissante, avec des revenus en baisse et une dépendance toujours plus grande à l'égard de l'assurance-chômage. Nous avons pu opérer une transition très réussie entre l'économie lourdement dépendante de l'agriculture vers une économie lourdement dépendante de l'industrie, sans que quelque gouvernement arrive et dise: «Grands dieux, voici la solution».

Je ne pense pas que les gouvernements aient la solution. La solution réside dans l'intelligence et l'ingéniosité et l'esprit d'entreprise des Canadiens, y compris ceux de la région atlantique. J'entends souvent dire: «Mais si vous arrêtez de payer l'assurance-chômage ou si vous réformez le système radicalement, les Canadiens de l'Atlantique n'auront rien à faire. Ils vont mourir de faim». Je pense que c'est grossièrement calomnier la population de la région.

Je dois dire que je considère les Canadiens de l'Atlantique comme les gens les plus entreprenants que j'ai jamais rencontrés. C'est simplement que nous avons créé un système tel qu'ils consacrent toute leur énergie entrepreneuriale à extorquer diverses sortes de prestations et de programmes au gouvernement. Toute région du pays qui parvient à soutirer des usines d'eau lourde, des serres pour cultiver le concombre et des usines Bricklin, et je pourrais poursuivre la liste, ne manque pas d'esprit d'entreprise.

Le sénateur Phillips: Je pense que nous pourrions débattre encore longtemps sans que l'un de nous change d'avis.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Je vous remercie, madame la présidente. Lorsque vous parlez d'équité, des deux dimensions au niveau vertical et au niveau horizontal et de la dépendance que l'assurance-chômage a occasionnée, cela n'a rien de nouveau pour les membres de ce comité. Nous le savons. Nous sommes aussi au courant des inégalités des 100 millions de dollars que les familles en Nouvelle-Écosse reçoivent. Je pense que tout cela a amené cette réforme. Êtes-vous d'accord qu'à l'intérieur des paramètres de l'assurance-chômage ou plutôt de l'assurance-emploi, ce programme est un progrès assez significatif?

M. Crowley: Sur quel point précisément, sénateur Losier-Cool?

Le sénateur Losier-Cool: Pour certaines parties du programme, par exemple, le calcul des heures, cela ne serait-il pas une motivation pour recevoir plus de bénéfices? Une motivation pour travailler davantage et avoir un emploi?

M. Crowley: Sur ce point, je suis tout à fait d'accord. Nous sommes entièrement en faveur d'un système basé sur les heures plutôt que sur les semaines de travail. Dans le système actuel, un des effets pervers dont je n'ai pas parlé est celui de la création de deux systèmes ou deux marchés de travail parallèles: d'une part, un marché du travail où les travailleurs sont couverts par l'assurance-chômage et, d'autre part, celui des travailleurs à temps partiel qui ne sont pas couverts par l'assurance-chômage.

Nous croyons que cela est une erreur. Tous les travailleurs devraient être sur un même pied d'égalité, sujets aux mêmes primes et aux mêmes prestations. C'est une incitation à travailler davantage. Ce sont vraiment, comme je l'ai dit tantôt, non pas des pas de géant mais bien des pas de bébé, vers le but ultime.

Le sénateur Losier-Cool: Qu'en est-il des suppléments pour les gens à faible revenu?

M. Crowley: Encore là, sénateur Losier-Cool, nous sommes en plein dans le problème de deux systèmes qui existent au sein d'un seul programme, c'est-à-dire un programme de soutien au revenu et un programme d'assurance-chômage.

Nous sommes évidemment tout à fait en faveur de tout ce qui peut donner davantage de prestations ou de bénéfices aux familles à faible revenu. Il faut faire attention parce que nous apportons des petits ajustements à un système qui est foncièrement mal fait.

Dans le cas actuel, nous choisissons arbitrairement de privilégier les familles à bas revenu qui, par hasard, ont à la fois des enfants et un chômeur.

Ce sont les travailleurs à faible revenu qui vont bénéficier de ce programme. Ce serait le point de vue de l'institut. Nous aimerions mieux que l'on soit très honnête, très ouvert et ue l'on dise que nous voulons donner plus de soutien aux familles et aux individus à faible revenu, non pas à cause de facteurs comme le chômage ou le fait qu'ils aient des enfants ou pas.

Si vous vivez en-dessous du seuil de la pauvreté et que vous n'avez pas d'enfants, cela ne change rien à votre situation. Vous êtes quand même dans la pauvreté, même si votre voisin a des enfants et reçoit plus de prestations sociales. Ces petits ajustements faite un peu à l'improviste finissent par faire un système qui ne se tient pas debout.

Le sénateur Losier-Cool: Si vous étiez un membre de ce comité, quelle sorte de système mettriez-vous en place afin d'éliminer cette dépendance? Nous aspirons tous à ce que tous les Canadiens et les Canadiennes aient leur part de soleil. La région de l'Atlantique aussi, encore davantage.

M. Crowley: Il y a au moins deux changements qui seraient fondamentaux et que nous croyons absolument nécessaires.

Premièrement, la séparation du programme de soutien au revenu du programme d'assurance-chômage ou le réaménagement du système d'assurance-chômage, pour que ce système soit basé sur «the insurance principles, the experience rating» et, deuxièmement, l'intégration du programme de soutien aux familles à faible revenu à même le système fiscal, c'est-à-dire le système d'impôt sur le revenu.

Il s'agit de changements absolument indispensables à la création d'un système qui serait à la fois efficace économiquement et équitable socialement. A ce moment-là, lorsqu'il s'agit de soutenir les revenus des moins bien nantis, les prestations vont directement aux gens qui en ont besoin. Cela est démontré très clairement à l'intérieur du système de taxation.

Le système économique sera soutenu par le programme d'assurance-chômage parce que les employeurs et les employés auront des incitations à l'intérieur du système pour créer le maximum d'emplois et pourront maintenir cette base d'emplois plutôt que de s'engager dans les hauts et les bas d'un système saisonnier comme c'est le cas dans notre région.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie de votre exposé et de nous avoir fait part de votre analyse du problème de l'assurance-chômage dans la région atlantique. Tous les membres du comité ne sont pas là ce soir, car il y a d'autres séances de comité en même temps, mais sept des membres de notre comité sont du Canada atlantique. Nous avons beaucoup apprécié votre intervention.

La séance est levée jusqu'à 18 h 45.


Haut de page