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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 8 - Annexe 2


Annexe 5900 S2-C-12, 8 "2"

EN FAVEUR DU PROJET DE LOI C-12 TOUCHANT LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

(6 juin 1996)

Alice Nakamura
Winspear Professor of Business
Faculty of Business, University of Alberta
Edmonton (Alberta)
Canada
TOG 2R6
Téléphone à Edmonton : (403) 439-1960
Téléphone à Vancouver : (604) 264-1549
Télécopieur : (403) 492-9924
Secrétaire : (403) 492-2457


RÉSUMÉ

Le projet de loi C-12 comprend trots réformes structurelles clés qui pourraient faire en sorte que le nouveau programme d'assurance-chômage devienne un programme d'assurance financé par les utilisateurs qui soit équitable pour tous et qui rende service au pays à titre de stabilisateur automatique :

1) La première réforme est le remplacement des semaines de travail assurable par des heures de travail assurable ; ces dernières représenteront l'unité de comptabilisation principale du programme.

2) La deuxième est la nouvelle règle de l'intensité, selon laquelle le taux de remplacement des gains assurables diminuerait avec chaque nouveau recours au programme durant les cinq années antérieures.

3) La troisième est l' augmentation des dispositions de récupération. Le montant des prestations à rembourser par les prestataires à revenue relativement élevés augmenterait en proportion du recours au programme durant les cinq années antérieures.

L'objectif du présent mémoire est d'expliquer les raisons pour lesquelles je soutiens chacune de ces réformes.

Dans le présent mémoire, je présente les raisons principales pour lesquelles je suis fortement en faveur de la réforme du projet de loi C-12 concernant l'assurance-chômage (a.-c.), projet de loi qui apportera des changements structurels d'une portée considérable à notre programme d'a.-c. et qui lui donnera le nouveau nom d'assurance-emploi (a.-e.). Pour saisir l' importance du projet de loi C-12, il est nécessaire de comprendre certains traits fondamentaux de notre ancien programme d'a.-c. Je débute en énonçant ces derniers. La section suivante propose deux séries de principes qui peuvent être utilisées pour évaluer notre ancien programme et les réformes prévues par le projet de loi C-12, en l' occurrence les principes qui permettent à un programme d'assurance financé par les utilisateurs d'être équitable et les principes d'équité régissant un programme de transfert des revenus publics. La troisième section se penche sur trois réformes structurelles du projet de loi C-12, tandis que la quatrième section expose les avantages de faire appel à un processus en deux temps pour une mise en application progressive des changements structurels majeurs. La cinquième section est la conclusion.

LE PROGRAMME D' A . - C . ACTUEL

L'ancien programme d'a.-c. est un programme fédéral qui fournit un substitut salarial partiel aux employés admissibles qui ont subi une perte d'emploi. Aux termes de l'ancien programme d'a.-c., de 12 à 20 semaines de travail sont requises pour être admissible au programme, selon les conditions régionales de chômage. La période de référence minimale de 12 semaines s'applique aux travailleurs des régions où le taux de chômage se situe à plus de 13 p. 100. La période de référence maximale de 20 semaines s'applique aux travailleurs des régions où le taux de chômage se situe à moins de 6 p. 100. Les types de travail non admissibles aux termes de l'ancien programme d~a.-c. sont : les emplois qui comportent moins de 15 heures par semaine ou qui rapportent moins de 163 $ par semaine; les heures de travail dépassant l'ancien plafond de rémunération assurable de 815 $ par semaine; et le travail autonome.

À ceux qui ont perdu leur emploi, qui font une demande de prestations et qui ont accumulé suffisamment de semaines d'emploi assurable, le programme d'a.-c. fournit un substitut salarial équivalent à 55 p. 100 des gains hebdomadaires assurables (60 p. 100 pour les travailleurs à faibles revenue avec enfants à charge), pour un maximum de 10 à 50 semaines, selon le nombre de semaines travaillées l'année précédente et les conditions régionales de chômage. Outre ces prestations, l'ancien programme d'a.-c. paie les frais d'étude ou de formation ainsi que d'autres services en matière d'emploi pour certains des prestataires. En certains cas, la durée des prestations de substitut salarial peut être allongée au-delà de la durée maximale prévue afin de permettre aux prestataires de compléter leur programme d'études ou de formation. Ceux qui écoulent leurs semaines de prestations de chômage sans avoir trouvé de travail peuvent être admissibles à un soutien du revenu ou à une autre forme d'aide par l'entremise de programmes provinciaux d'aide sociale, programmes qui sont évalués en fonction des besoins familiaux et qui sont financés à même les recettes fiscales générales sous les régimes fédéral et provinciaux.

Tout comme le nouveau programme d'a.-e., l'ancien programme d'a.-c. était entièrement financé par les employeurs et les employés, en fonction du salaire brut de ces derniers. En 1995, les cotisations ouvrières à l'a.-c. pour la rémunération assurable s'élevaient à 3 $ par tranche de salaire de 100 $, pour un maximum hebdomadaire de 815 $ et une contribution annuelle maximale de 1 271 $ par travailleur. La cotisation patronale correspondait à 1,4 fois la cotisation ouvrière, avec une contribution annuelle maximale de 1 780 $ pour chaque employé. Le taux d'imposition aux termes de l'ancien programme d~a.-c. était rajusté périodiquement afin d'assurer l'autofinancement du programme. Le taux d'imposition réglementaire pour l'a.-c. était établi en fonction du niveau des fonds de l'a.-c. des trois années précédentes, de manière à ce que la base salariale assurable couvre les coûts prévus en matière de prestations et d'administration. On utilisait une longue période pour déterminer le taux d' imposition réglementaire pour tenter de ne pas avoir à l'augmenter de façon significative au moment d'une récession -- objectif qu'on n'a pas toujours réussi à atteindre.

Le taux réglementaire pouvait être modifié par une modification de la loi pour des raisons bien précises. En ce moment, on garde élevé le taux d'imposition relatif à l'a.-c. dans le but de constituer une réserve de fonds pour l'a.-c. (bientôt l'a.-e.) dans laquelle on pourrait puiser lors de la prochaine récession. Les cotisations patronales et ouvrières seront néanmoins légèrement réduites dans le cadre du projet de loi C-12.

Il est à noter que le programme d'a.-c. canadien n'a pas touj ours été financé au moyen de l'imposition des revenue à la source. C'est-à-dire que l'a.-c. n'a pas toujours été financé par les utilisateurs. Avant 1990, le gouvernement fédéral a contribué au programme par l'entremise de recettes fiscales générales. En vertu de la Loi sur l'assurance-chômage de 1971, la contribution fédérale au fonds de l'a.-c. était destinée à couvrir les coûts de chômage se situant au dessus et en-dessous du chômage sectoriel (décrit dans la loi comme étant le chômage s'élevant à plus de 4 p. 100), ainsi que les prestations liées à la pêche et les prestations régionales complémentaires incluses dans la loi de 1971. Selon celle-ci, il n'était pas prévu que les prestations régionales complémentaires seraient financées par les utilisateurs. Grâce à la contribution fédérale supplémentaire dans les cas de revers économiques, le programme représentait alors un stabilisateur automatique plus puissant, bien qu'il joue encore un rôle important à cet égard.

Avant les modifications apportées à la Loi sur l'assurance-chômage en 1971, il y avait un lien plus étroit entre les cotisations des participants au fonds du programme et les prestations qu'ils pouvaient retirer en période de chômage. I1 importe de noter qu'antérieurement aux modifications de 1971, ceux qui détenaient des emplois assurables mais saisonniers ne pouvaient retirer de prestations lors des saisons mortes. Les travailleurs du secteur des pêches étaient totalement exclus. Ce n'est également qu'à partir des modifications de 1971, et plus tard de celles de 1978 que les travailleurs faisant partie des régions au taux de chômage élevé pouvaient être admissibles à des prestations avec un nombre réduit de semaines d'emploi assurable et pouvaient recevoir des prestations plus longtemps que ceux habitant des régions jouissant d'un taux de chômage peu élevé. La mise en vigueur de ces modifications faisait que ceux qui représentaient un risque plus élevé pour la situation couverte, soit le chômage, pouvaient se prévaloir d'une couverture plus étendue à un coût non pas plus élevé, mais plus bas. Ceci est contraire au rapport entre le taux des primes et le risque systématique, rapport habituellement en vigueur dans les programmes d' assurance privée.

DEUX SÉRIES DE PRINCIPES

La lettre «A» dans a.-c. (et dans le nouveau sigle a.-e.) signifie assurance. Un programme d'assurance sous-entend un partage des risques entre les participants. Ces derniers contribuent tous à un fonds qui permet aux victimes du péril couvert d'être indemnisées. L'indemnisation dépasse souvent la contribution de l'assuré au fonds de l'assurance.

Si on veut qu'un programme d'assurance financé par les utilisateurs soit intrinsèquement équitable pour tous les participants, les deux principes suivants devraient être respectés :

i) Premièrement, la catastrophe faisant l'objet de la couverture doit être un événement non désiré et non prévu.

11) Deuxièmement, il faut évaluer soit les primes, soit les prestations en fonction d'une tarification personnalisée, c'est-à-dire qu'il faut ou bien que les primes soient plus élevées, ou bien que la couverture assurée soit réduite pour ceux qui représentent un risque plus élevé, de sorte que les primes couvrent les prestations prévues pour chaque participant.

Lorsque des travailleurs acceptent des emplois qu'ils savent n'être qu'à temps partiel et qu'ils ne prévoient pas travailler durant la saison morte, le chômage n'est pas un événement imprévu -- qu'il soit ou non désiré. Dans une telle situation, le risque de chômage durant la saison morte est de 100 p. 100. Si les cotisations payées pour les risques prévus ne couvrent pas entièrement les prestations déboursées pour ces risques (outre les frais généraux), il y aura une sorte de transfert de revenus des autres participants aux victimes des risques prévus. Depuis 1971, ce genre de transfert de revenue est devenu une caractéristique de plus en plus importante de notre programme d'a.-c., et les travailleurs à temps partiel retirant du chômage année après année durant la saison morte sont devenus de plus en plus nombreux.

Aux termes de l'ancien programme d'a.-c., ainsi qu'il est fait mention plus haut, ceux qui habitent des régions où sévit un taux de chômage élevé peuvent être admissibles à des prestations plus tôt et peuvent recevoir ces prestations plus longtemps que ceux qui habitent des régions où le chômage est peu élevé. Malgré cela, ces personnes et leurs employeurs se voient appliquer le même pourcentage de cotisation sur la rémunération hebdomadaire assurable. Bien sûr, ceux qui habitent des régions à chômage élevé tendent à avoir moins de semaines d'emploi assurable. Leur cotisations annuelles tendent done à être moins élevées que la moyenne, si on les compare à celles des personnes habitant les régions à faible taux de chômage. Ainsi, selon notre ancien programme d'a.-c., ceux qui représentent un risque élevé par rapport au danger assuré et qui prévoient recevoir davantage de prestations, paient moins pour leur couverture que ceux qui sont à risque moins élevé et qui prévoient ne pas recourir autant au chômage. L'ancien programme d'a.-c. ne respecte aucun des deux principes assurant l'équité d'un programme d'assurance financé par les utilisateurs.

On admet que plusieurs parmi ceux qui occupent des emplois intermittents sont réellement incapables de trouver d'autres emplois. Les Canadiens ont prouvé plus d'une fois qu'ils sont prêts à faire des sacrifices personnels pour fournir de l'aide financière à ceux qui sont dans le besoin. La plupart des Canadiens financièrement autonomes acceptent de payer des impôts pour procurer un soutien financier à ceux qui n'ont d'autres moyens financiers. Cependant, leur générosité repose sur trois exigences fondamentales, même si celles-ci ne sont pas toujours explicites.

i) La première est que ceux qui ont besoin d'aide doivent accepter de prendre en charge les mêmes problèmes que ceux qui fournissent cette aide.

ii) La deuxième condition est que ceux qui jouissent d'un transfert de paiements ne doivent pas avoir un niveau de vie plus élevé que ceux qui paient pour fournir de l'aide.

iii) La troisième condition est le principe de Robin des Bois, c'est-à-dire que les programmes sociaux devraient être financés suivant une imposition progressive (c.-à.d. que les mieux nantis devraient contribuer davantage) ou, en tout cas, non pas suivant une imposition régressive.

Notre programme d'a.-c. actuel enfreint, à un niveau individuel, les trois conditions requises pour assurer l'équité d'un programme public de transfert de revenue. La meilleure manière pour comprendre cela est de se référer à un exemple hypothétique.

Prenons deux travailleurs : l'un a un emploi régulier qui s'étale sur 10 mois et l'autre travaille toute l'année. Supposons que le premier travaille 40 heures par semaine, 4 semaines par mois, à 20 $ l'heure, que ce travailleur sait que l'emploi n'a qu'une durée de 10 mois et qu'il fait peu d'efforts sinon aucun pour trouver du travail durant les deux mois de l'année où il ne travaille pas. Aux termes de notre ancien programme d'a.-c., si cette personne le veut, elle peut vraisemblablement retirer deux mois de prestations d'a.-c. complètes à toutes les années, durant la période de «relâche». Supposons maintenant que le deuxième travailleur a un emploi assurable selon l'a.-c. et qu'il travaille 40 heures par semaine, 4 semaines par mois, à 10 $ l'heure seulement, et ce 12 mois par année chaque année. Ce travailleur ne gagne que 19 200 $ par année, mais il devra cotiser chaque année pour fournir un transfert de paiements au premier travailleur qui lui a un salaire de 32 000 $ par année.

Comme le premier travailleur dans l'exemple ne désire pas travailler 12 mois par année, la condition i) susmentionnée est enfreinte. I1 est difficile de prévenir ce genre de transgression par des lois, sans avoir à procéder à des enquêtes indiscrètes. Le premier travailleur qui reçoit un «substitut» salarial a aussi un meilleur niveau de vie que le deuxième travailleur, même si on exclut les prestations : la condition ii) est donc enfreinte. Étant donné que les travailleurs qui jouissent d'un revenu plus élevé ne paient des cotisations que jusqu'à concurrence du plafond salarial établi pour l'a.-c. et qu'un travailleur qui gagne moins, tel le deuxième, doit payer des cotisations à l'a.-c. sur la totalité de ses revenue, la condition iii) est également enfreinte.

Un programme qui adopte les principes d'une assurance équitable financée par les utilisateurs est susceptible de remporter l'approbation générale des participants, ces derniers recevant la juste valeur de leurs primes. Les demandes non pertinentes ont tendance à être automatiquement découragées grâce à la façon dont les taux subséquents des primes ou les niveaux de couverture sont évalués pour les bénéficiaires. Cela permet de maintenir le programme abordable et d'éviter les enquêtes indiscrètes, sauf dans des cas spéciaux. D'un autre côté, il faut procéder à une évaluation des besoins et à une vérification continue des programmes de transfert de revenus en raison des tentations que suscitent les transferts de revenus inconditionnels et afin d'assurer les contribuables qui fournissent le soutien financier que les conditions d'équité du programme sont respectées.

L'ancien programme d'a.-c. ne respecte pas les principes d'une assurance équitable. Il ne contient pas, cependant, de protections inhérentes contre les abus que la tarification personnalisée est en mesure de procurer à la plupart des programmes d'assurance privée. Les principes de l'assurance avaient été exclus de notre ancien programme d'a.-c. car on avait fait valoir que nombreux étaient les participants du programme qui avaient un réel besoin des transferts de revenus. Mais l'ancien programme d'a.-c. ne respecte pas davantage les principes d'un programme équitable en matière de transfert de revenus, et il ne prévoit pas l'évaluation des besoins familiaux. L'évaluation des besoins, qui fait généralement partie d'un programme de transfert de revenus comme l'aide sociale, n'a pas été intégrée dans le programme d'a.-c. pour la raison légitime que cela serait inacceptable pour un programme d'assurance. Notre ancien programme d'a.-c. a échappé à notre contrôle et il a perdu le soutien de la population parce que nous n'avons fait respecter ni les principes d'équité en matière d'assurance, ni les principes d'équité régissant un programme de transfert de revenus.

Je crois qu'il faut faire un choix et que les principes de l'assurance sont les mieux indiqués pour notre programme d'a.-c. ou d'a.-e. Le programme couvre la plupart des travailleurs canadiens et il doit continuer d'avoir une large couverture s'il veut encore jouer un rôle de stabilisation macroéconomique important. Il serait trop onéreux et trop indiscret de procéder à l'évaluation des besoins dans le cas d'un programme d'une si grande envergure. En outre, plusieurs travailleurs financièrement à l'aise désirent quand même être couverts en cas de perte d'emploi imprévue, tout comme de nombreux propriétaires désirent et achètent une assurance-habitation. Le programme sera de plus, du point de vue social, un stabilisateur automatique plus efficace s'il procure une couverture à tous les travailleurs et non aux seuls travailleurs démunis.

LES MODIFICATIONS PRÉVUES PAR LE PROJET DE LOI C-12

Le projet de loi C-12 comprend trois réformes structurelles clés qui pourraient faire en sorte que le nouveau programme d'a.-c. devienne un programme d'assurance financé par les utilisateurs qui soit équitable pour tous et qui rende service au pays à titre de stabilisateur automatique :

1) La première réforme est le remplacement des semaines de travail assurable par des heures de travail assurable; ces dernières représenteront l'unité de comptabilisation principale du programme.

2) La deuxième est la nouvelle règle de l'intensité, selon laquelle le taux de remplacement des gains assurables diminuerait avec chaque nouveau recours au programme durant les cinq années antérieures.

3) La troisième est l'augmentation des dispositions de récupération. Le montant des prestations à rembourser par les prestataires à revenue relativement élevés augmenterait en proportion du recours au programme durant les cinq années antérieures.

L'objectif du présent mémoire est d'expliquer les raisons pour lesquelles je soutiens chacune de ces réformes.

L'adoption des heures de travail comme unité de comptabilisation

La première modification proposée, soit l'adoption des heures de travail comme unité de comptabilisation principale, est une disposition tournée vers l'avenir qui améliorera la couverture du programme dans les années à venir.

Nous avons présentement un programme qui exclut les emplois qui comportent moins de 15 heures de travail par semaine. Notre ancien programme d'a.-c. incite financièrement les entreprises à fractionner les emplois à temps plein en mini-emplois, emplois pour lesquels aucune cotisation d'a.-c. n'est perçue parce qu'ils impliquent moins que 15 heures de travail par semaine. L'adoption d'une unité horaire en matière de comptabilisation éliminera cet incitatif pervers

Il est probable, bien sûr, que les emplois à temps partiel sont à la hausse pour également d'autres raisons et qu'ils continueront d'augmenter plus rapidement que les emplois à temps plein, même après la mise en vigueur de l'a.-e. Dans le cadre des règlements de notre ancien programme d'a.-c., la couverture du programme irait en rétrécissant tandis que le nombre total des emplois à temps partiel augmenterait. Quand le Canada s'enfonce dans une récession économique les travailleurs qui sont mis à pied sont obligés de réduire leurs dépenses de façon beaucoup plus importante s'ils ne sont pas admissibles à l'assurance-chômage ou à des prestations d'assurance-salaire. Outre les préjudices causés à ces travailleurs et à leurs families, la baisse considérable de leurs dépenses se traduit par des niveaux de vente décroissants et par davantage de mises à pied. Le cercle vicieux des mises à pied, qui conduisent à des baisses de vente qui à leur tour provoquent encore plus de mises à pied peut résulter en une sévère récession économique. L'utilité d'un programme d'a.-c. ou d'a.-e. en tant que stabilisateur automatique capable de prévenir une spirale descendante vers la récession dépend de l'étendue de la couverture. L'adoption d'une unité horaire en matière de comptabilisation aidera à renverser le processus d'érosion de la couverture du programme d'a.-c. causé par un nombre croissant d'emplois à temps partiel non admissibles en vertu des règlements de l'ancien programme.

Enfin, ce changement conduira à un traitement plus équitable des travailleurs à temps partiel par rapport aux travailleurs à temps plein, ce qui est de plus en plus important dans une économie où un nombre grandissant de travailleurs ne peuvent trouver que des emplois à temps partiel, bien qu'ils équivalent à un emploi à temps plein si on cumule les heures de travail de chacun des emplois.

La règle de l'intensité

Les modifications à la Loi sur l'assurance-chômage de 1971 ont lancé notre programme sur une voie qui en a fait un mélange rigide de péréquations régionales et de transferts fédéraux d'aide sociale prenant la forme d'un programme d'assurance sociale. Ce sont les modifications apportées en 1971 et plus tard en 1978 qui ont permis aux travailleurs saisonniers n'ayant accumulé qu'un petit nombre de semaines de travail de retirer du chômage durant les saisons mortes. Le nombre de travailleurs se prévalant de cette disposition s'est clairement accru depuis 1971

La règle de l'intensité aiderait à rétablir l'a.-c. (ou l'A-E) en tant que programme d'assurance sociale. J'utilise le terme assurance sociale pour signifier un programme qui est autorisé parce qu'il comporte d'importantes implications sociales mais qui n'en demeure pas moins une couverture d'assurance représentant pour ceux qui la paient une juste valeur personnelle en retour de leur argent.

Il importe néanmoins de noter que le fait d'être couvert équitablement par une assurance ne signifie pas la même chose qu'avoir un coussin personnel en prévision des mauvais jours qu'on peut utiliser à sa guise si le péril couvert ne survient pas (ou si ce qui a été payé n'est pas entièrement utilisé pour couvrir des préjudices reliés au péril). Une véritable assurance signifie que les assurés malchanceux qui sont victimes de la catastrophe couverte peuvent retirer davantage que le montant qu'ils ont investi, ce conformément aux règlements stipulés. Par ailleurs, ceux qui ont la chance de n'avoir pas subi la catastrophe contre laquelle ils sont assurés doivent se satisfaire d'avoir joui de la tranquillité d'esprit que leur apportait le fait d'être assurés.

Les dispositions de récuperation

Si les paramètres de la règle d'intensité étaient établis de manière à parvenir à un taux entièrement personnalisé, les déductions d'a.-c. à la source couvriraient alors toutes les prestations prévues, pour toutes les catégories de bénéficiaires. Cela s'appliquerait tant pour les participants au programme d'a.-c. dont le revenu est élevé que pour ceux dont le revenu est plus modeste. Un taux entièrement personnalisé abolirait la nécessité d'inclure des dispositions de récupération dans le projet de loi C-12. Cependant, même si le nouveau programme contient une certaine forme de tarification personnalisée, il est loin de faire appel à une tarification entièrement personnalisée. En vertu de la règle d'intensité du projet de loi C-12, le taux plancher de remplacement ne descend que de 55 p. 100 à 50 p. 100 pour les cas où il y a augmentation du recours au programme durant une période mobile de cinq ans. Les paramètres de la règle d'intensité prévus dans le projet de loi C-12 n'amènent qu'un faible degré de tarification personnalisée dans le programme d'a.-e. Il paraît peu probable que l'a.-e. ait jamais une tarification entièrement personnalisée.

L'objectif des dispositions de récupération est d'empêcher les Canadiens bien nantis de recourir au programme d'a.-e. de manière répétée, ce qui serait une utilisation abusive de l'assurance pour laquelle ils ont payé. Fondamentalement, les dispositions de récupération rendent le programme plus autorégulateur à l'égard des participants à revenus élevés.

UNE APPLICATION PROGRESSIVE AVISÉE DE LA STRATÉGIE

Les modifications apportées aux programmes publics de grande envergure provoquent inévitablement de l'appréhension, même lorsqu'il est clair pour presque tous que ces modifications sont nécessaires. Les gens s'inquiètent des conséquences imprévues. Une application progressive réussie des stratégies visant de nouveaux programmes permet de maîtriser les craintes liées au changement et de procéder au changement de façon ordonnée et efficiente.

Lorsqu'on établit des stratégies d'instauration progressive, il est important de reconnaître les effets potentiels des changements structurels apportés à un programme afin qu'il y ait, de prime abord, des changements mineurs sur la portée de celui-ci. Ainsi, les paramètres des nouvelles structures d'un programme devraient être établis dès le début afin de minimiser toute répercussion sur le programme. Une fois les nouvelles structures acceptées, on peut ajuster graduellement les paramètres de manière à obtenir les changements souhaités sur les répercussions financières du programme. C'est ce qui est fait avec le projet de loi C-12. Le projet de loi introduit des changements structurels majeurs qui n'auront cependant que de légères répercussions financières sur les participants.

Voyons la règle d'intensité du projet de loi C-12. Le programme d'a.-c. canadien n'a jamais, auparavant, utilisé aucune forme de tarification personnalisée. Il est donc pertinent d'introduire la règle de l'intensité en échelonnant imperceptiblement la mise en application de la baisse du taux de remplacement des prestations. C' est la raison pour laquelle le taux de remplacement prévu dans le projet de loi C-12 n'est réduit qu'à 50 p. 100 et que tous partiront à zéro pour ce qui est de l'utilisation du programme au cours des cinq années antérieures. Une fois les changements structurels acceptés, on peut alors, si on le désire, accélérer l'instauration de la baisse du taux de remplacement des prestations. De même, le changement structurel consistent à adopter les heures de travail en tant qu'unité de comptabilisation de base sera intégré en vertu du projet de loi C-12 suivant des paramètres qui maintiendront essentiellement inchangés les critères d'admissibilité pour la majorité des participants, ce intentionnellement.

Il est important de ne pas laisser les ultimatums du ministère des Finances concernant le montant des «économies» urgentes à réaliser dans les programmes ou la déception réductrice du secteur privé face aux légères réductions immédiates des cotisations d'a.-c. ou d'a.-e. empêcher l'adoption de stratégies d'instauration progressive avisées. Il vaudrait vraiment la peine de réaliser graduellement les économies dans les programmes si cela permet de faire d'importants changements structurels. Ceci vaut aussi bien dans l'optique de la ligne dure préconisée pour réduire le déficit que dans celle de l'allégement de l'impôt des entreprises.

CONCLUSION

Le débat entourant la réforme du projet de loi C-12 est hautement polarisé, avec les défenseurs de la santé financière du pays et du secteur privé d'un côté et les défenseurs des pauvres de l'autre. Mais ceux qui prennent le temps de comprendre ce projet de loi complexe et minutieusement préparé s'apercevront qu'il s'attaque à d'importants problèmes de notre système d'a.-c. actuel que les divers défenseurs ont tenté de porter à l'attention du public et des dirigeants politiques. Le projet de loi C-12 aborde ces préoccupations d'une manière intégrée et foncièrement cohérente, en tenant compte des meilleures recherches disponibles sur le fonctionnement des marchés du travail canadiens. C'est un projet de loi qui laisse entrevoir la promesse qu'on veillera aux intérêts des différentes parties et que la santé économique et sociale du pays s'en trouvera améliorée dans les années à venir.


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