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VETE

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Sous-comité des affaires des anciens combattants

Fascicule 1 - Témoignages pour le lundi 20 janvier 1997


OTTAWA, le lundi 20 janvier 1997

Le sous-comité des affaires des anciens combattants du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 13 h 03, pour entreprendre l'examen des mesures visant à accélérer le règlement des demandes de pensions et à présenter un rapport sur la mise en oeuvre de ces mesures par le ministère des Anciens combattants.

Le sénateur Orville H. Phillips (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, aujourd'hui, nous allons entendre les représentants de deux associations d'anciens combattants, avant notre départ pour Charlottetown, où nous irons vérifier l'efficacité des mesures prévues dans le projet de loi C-67. Notre premier témoin est la Légion royale canadienne. Je crois qu'on vous a distribué son mémoire.

M. Ralph Annis, président, Comité d'entraide aux vétérans, Légion royale canadienne: Monsieur le président, au nom du président national de la Légion royale canadienne, Joe Kobolak, je suis heureux d'avoir l'occasion de m'adresser au comité qui fait l'examen et le compte rendu de la mise en oeuvre, par le ministère des Anciens combattants, des mesures visant à accélérer l'attribution des pensions. J'assure la présidence du comité des services aux anciens combattants, et je suis accompagné du directeur du bureau du service, Jim Rycroft, et de son directeur adjoint, Ted Keast.

La Légion royale canadienne estime que l'impact général des modifications du régime de pensions d'invalidité, qui ont été proposées le 15 septembre 1995, est positif. Avant la mise sur pied de la loi actuelle, les membres du jury ont reçu une formation au sujet des concepts de la loi administrative, qui laisse le bénéfice du doute aux anciens combattants. Lorsqu'on a commis des erreurs, par exemple en établissant la date d'entrée en vigueur d'une décision, les membres du jury ont répondu rapidement et efficacement sans qu'il y ait révision ou appel officiels. Les révisions ministérielles des décisions de première instance pourraient constituer, pour les clients recevant des pensions d'invalidité, un moyen utile d'obtenir des résultats adéquats. Par conséquent, on a réussi à rationaliser le premier processus de demande.

En ce qui concerne les révisions et les appels, on a consacré d'énormes efforts à l'établissement de l'horaire des audiences, afin d'éliminer les arriérés. La Légion royale canadienne avait prédit, en septembre 1995, que la capacité des tribunaux de rendre des décisions serait supérieure à la capacité du Bureau de services juridiques des pensions et des agents d'aide sociale de la légion de préparer et de présenter des dossiers. Cependant, afin d'apporter une contribution aussi positive que possible, la Légion royale canadienne a formé une équipe chargée de réduire considérablement l'arriéré de ses dossiers en appel d'ici octobre 1997.

Aux deux instances, on craint que la réduction des délais ne s'effectue aux dépens de l'intégrité du régime de pensions d'invalidité. À cette fin, le président national a écrit récemment au secrétaire d'État des anciens combattants, afin de l'exhorter à évaluer l'importance des modifications proposées par le projet de loi C-67 en ce qui concerne les dossiers traités en vertu des nouvelles procédures, qui ne souffrent pas des retards administratifs indus associés aux arriérés accumulés avant la réforme.

Autrement dit, monsieur le président, la Légion royale canadienne veut un système efficace, mais de qualité.

La Légion royale canadienne fait depuis plus d'un an l'expérience du nouveau régime. En octobre 1996, tous les agents d'aide sociale des directions nationales et provinciales, de concert avec des membres du comité des services aux anciens combattants, dont des représentants élus de la Légion provenant de tous les coins du pays, se sont rencontrés à Charlottetown dans le but de faire l'examen et le compte rendu des modifications mises en oeuvre un peu plus d'un an auparavant. Durant les séances, on a passé en revue le premier processus d'application, et les fonctionnaires du ministère des Anciens combattants ont exposé toutes les facettes du nouveau régime. Cette rencontre s'est révélée très positive. Les 22 agents d'aide sociale des directions nationales et provinciales et les 14 membres du comité des services aux anciens combattants ont acquis des connaissances dont ils n'auraient pu bénéficier autrement. Ces connaissances, ainsi que les observations que les agents d'aide sociale ont été en mesure de formuler en raison de l'expérience qu'ils font du nouveau régime depuis plus d'un an, nous permettent de vous soumettre le présent mémoire, dans l'espoir qu'on améliorera le nouveau régime en misant sur les fondements existants.

Le 20 décembre 1996, le sous-ministre des Anciens combattants, David Nicholson, a écrit au président national de la Légion pour l'aviser que le ministère ne pourrait entreprendre les consultations individuelles des organismes d'anciens combattants qu'à la fin de janvier ou au début de février de cette année. Nous avons l'intention de soulever les mêmes points que dans le présent mémoire. Peut-être aurions-nous des points supplémentaires à soulever, mais n'ayant pas été informés du contenu des propositions du projet de loi omnibus, nous ne sommes pas au courant, à ce moment-ci, des détails des nouvelles propositions.

Il y a quelques années, l'adoption de la Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et les civils éliminait de nombreuses iniquités fondamentales que la Légion dénonçait depuis des années. Nous croyons comprendre que le projet de loi omnibus vise à remédier au traitement inéquitable des anciens combattants de la marine marchande. Nous accueillons avec plaisir cette mesure.

J'aimerais maintenant vous parler de nos préoccupations générales. Bien que les fonctionnaires du ministère le nient avec vigueur, nous craignons que certaines des modifications du processus et la façon dont elles seront mises en oeuvre ne répondent qu'à des préoccupations financières concernant le montant des indemnités qui seront versées aux prestataires de pension. La plupart de ces questions relèvent de la politique et non de la réglementation.

Les lignes directrices relatives aux pensions pour perte auditive en sont un exemple. Nous devons nous rendre à Charlottetown, mardi prochain, pour en discuter. À vrai dire, c'est une question que nous examinons maintenant depuis plusieurs années. D'après une étude informelle que nous avons réalisée, sur les 100 requérants qui ont eu droit à une pension pour perte auditive sous l'ancien système, 29 se seraient vu refuser toute compensation en vertu du nouveau régime. Nous craignons que les lignes directrices répondent à des préoccupations qui n'ont rien à voir avec le versement d'indemnités pour perte auditive.

Ainsi, on ne devrait pas affirmer que la mise en oeuvre des modifications que la Légion royale canadienne propose d'apporter à la loi serait trop coûteuse. Les changements qui réduisent les sommes d'argent et le temps qui sont consacrés à l'administration sont louables, à condition qu'ils n'aient pas de répercussion sur l'intégrité et l'équité du régime.

J'aimerais maintenant aborder les recommandations particulières de la Légion royale canadienne, qui visent à remédier aux anomalies qui persistent depuis la mise sur pied du nouveau régime. Dans sa lettre du 20 décembre 1996 adressée au président national, M. Nicholson ajoute que le ministère ne peut accepter les propositions complexes et coûteuses, ou celles qui supposent une refonte approfondie du régime. Il poursuit en affirmant que le ministère s'attend à recevoir des propositions de nature technique ou pratique, afin de corriger les anomalies ou les incohérences de la Loi sur les anciens combattants.

Bien que nous soyons conscients de cette contrainte imposée par le ministère, la Légion royale canadienne exhorte tout de même le gouvernement à mettre en oeuvre les modifications proposées, même si elles suscitent certaines préoccupations en ce qui concerne leur impact financier.

J'ajouterai que les suggestions suivantes sont formulées non pas par ordre de priorité, mais plutôt dans l'ordre où les questions auxquelles elles se réfèrent se présentent dans la loi. Je reviendrai sur la question des priorités à la suite de l'énumération de nos suggestions particulières de changement.

Pour me reposer un peu, et puisque mes deux collègues sont avocats, je vais céder la parole à mon collègue, Jim Rycroft.

M. Jim Rycroft, directeur, Bureau d'entraide, Légion royale canadienne: Monsieur le président, j'aimerais d'abord vous parler des versements excédentaires. Nous avons, dans notre mémoire, comparé l'actuel paragraphe 5(1) à l'ancien paragraphe 14(1) de la loi, tel qu'il existait avant le 15 septembre 1995. Je propose tout simplement de vous parler du résultat.

Les commissaires de l'ancien régime faisant partie du comité d'examen avaient le pouvoir de traiter toutes les questions relatives à un versement excédentaire. Les membres du Tribunal des anciens combattants, qui agit à titre de tribunal de révision, ne jouissent pas de ce pouvoir réglementaire, qui avait été attribué à leurs prédécesseurs. Alors que les membres du Tribunal pourraient examiner l'appel d'une décision de première instance rendue par le ministre, nous estimons que le Tribunal des anciens combattants se voit refuser un droit et un avantage, s'il n'a pas le pouvoir de traiter les questions relatives au versement excédentaire, sans que celles-ci aient été examinées en premier lieu par les responsables du ministère.

Nous recommandons d'ajouter une disposition semblable à celle du paragraphe 14(1) de l'ancienne Loi sur les pensions dans la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), afin que, comme dans l'ancien régime, les versements excédentaires effectués à un ancien combattant puissent être traités par un comité d'examen, désormais désigné sous le nom de comité de révision.

La recommandation suivante porte sur les demandes supplémentaires et le paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions. Ce paragraphe ne spécifie pas qu'on peut effectuer une demande supplémentaire concernant une invalidité résultant d'une autre invalidité, qui est elle-même la conséquence de l'invalidité initiale. Par exemple, une blessure à une hanche peut causer une blessure au genou de l'autre jambe, en raison du transfert de poids que nécessite la première blessure. À son tour, le genou blessé entraîne une blessure à la cheville. Il n'est pas précisé si le degré de gravité de la blessure supplémentaire peut être supérieur à celui de l'invalidité initiale.

Nous recommandons de modifier ce paragraphe afin de préciser qu'une blessure supplémentaire peut entraîner des conséquences. De plus, on devrait s'assurer que le degré de gravité de l'invalidité supplémentaire n'est pas obligatoirement égal ou inférieur à celui de l'invalidité initiale. L'évaluation de l'invalidité devrait refléter le véritable degré de gravité qui peut être prouvé médicalement, qu'il s'agisse de l'invalidité initiale ou de l'invalidité supplémentaire.

M. Annis: Avant de passer à la question des pensions proportionnelles du conjoint suivant, j'aimerais préciser que j'ai fait partie de la Commission canadienne des pensions pendant un certain temps, et que ce problème a été soulevé à maintes reprises.

Je ne vous lirai pas les articles pertinents de la loi. Vous trouverez aux pages 9 et 10 du mémoire la résolution qu'a adoptée la Légion royale canadienne. Le quatrième paragraphe, qui est la résolution elle-même, se lit comme suit:

Il est donc résolu que le ministre des Anciens combattants devrait prendre des mesures pour modifier l'article 49 de la loi sur les pensions, afin de permettre au conjoint survivant de bénéficier de toute augmentation de l'évaluation de l'invalidité de bénéficiaire qui a été effectuée de son vivant.

En résumé, un conjoint survivant, dont le conjoint décédé n'a pas effectué, avant son décès, une demande en vertu de la Loi sur les pensions, peut chausser les souliers de ce membre décédé, comme s'il était toujours vivant. Le conjoint survivant qui peut démontrer que l'évaluation doit ou aurait dû être supérieure à 48 p. 100 -- soit une pension complète -- , peut obtenir une augmentation payable à titre de prestation de survivant. Cependant, un conjoint survivant, dont le conjoint décédé recevait une pension inférieure à 48 p. 100 et qui ne peut démontrer que cette pension devrait être supérieure à 48 p. 100, ne peut bénéficier d'une augmentation de l'évaluation, peu importe si sa demande est justifiable ou raisonnable. Par exemple, une veuve dont le mari décédé recevait une pension de 5 p. 100 pour une perte auditive, ne peut prouver que ce dernier aurait dû recevoir une pension de 10 ou de 15 p. 100, même si elle dispose d'audiogrammes qui prouvent que s'il avait survécu et effectué cette demande, il aurait reçu l'augmentation en question.

En raison du manque de souplesse de la loi, qui refuse de reconnaître toute augmentation légitime des évaluations d'invalidité inférieures à 48 p. 100, certains décideurs n'ont eu d'autre choix que d'évaluer l'invalidité à plus de 48 p. 100, afin de ne pas désavantager le conjoint survivant. Dans les cas où le décideur n'avait ni ce pouvoir ni cette volonté, une demande justifiée ne pouvait en aucun cas faire l'objet d'un redressement.

Nous recommandons fortement de remédier sans délai à cette situation injuste pour le conjoint survivant, car elle a trop durée et n'est pas conforme à l'esprit de la loi. Peut-être le ministère craint-il que cette modification n'entraîne une accumulation de demandes. Nous estimons que très peu de requérants feraient partie de cette catégorie.

De plus, les requérants d'un régime qui permet de façon rationnelle au conjoint survivant de bénéficier d'une augmentation ne feront pas les frais d'un régime qui est forcé, lorsqu'il doit verser une pension, d'accorder un montant trop élevé. En fin de compte, cette solution est la meilleure. La crédibilité de la Loi sur les pensions et les nombreux effets positifs qu'elle a entraînés seront menacés, si on ferme les yeux sur une anomalie à ce point évidente et injuste, alors que la possibilité de la corriger est à la portée de la main.

Je peux vous donner au moins un exemple d'un cas que j'ai eu à traiter. Je siégeais au sein d'un comité, avec un collègue, à Penticton, en Colombie-Britannique. Nous avions été saisis d'une demande d'une veuve, laquelle était tout à fait fondée. En raison des arguments invoqués par son avocat, l'évaluation devait être fixée à 40 ou peut-être même à 45 p. 100. Une fois les preuves présentées, mon collègue et moi avons réexaminé tout le dossier. Nous nous sommes arrêtés sur certains points, et nous sommes arrivés à la conclusion que nous pouvions peut-être ajouter 2 ou 3 p. 100 ici, et 1 ou 2 p. 100 là. Au bout du compte, nous avons accepté de lui verser une pension égale à 48 p. 100.

Nous ne le savions pas à l'époque, mais nous avons découvert par la suite que cette femme avait vendu sa voiture et mis sa maison en vente parce qu'elle avait de la difficulté à subvenir à ses besoins. Lorsqu'on lui a annoncé qu'elle recevrait une pension égale à 48 p. 100, elle s'est mise à pleurer. Elle se trouvait dans une situation très difficile. Nous aurions pu facilement lui donner une pension égale à 40 p. 100.

Le sénateur Jessiman: A-t-elle eu droit au 48 p. 100?

M. Rycroft: Oui. Nous avons accordé le maximum. C'est arrivé plus d'une fois. Les membres de la commission, à Charlottetown, avaient l'habitude de dire, «Soyons généreux avec les veuves.» Nous n'avions pas le choix, puisque nous devions leur donner ce à quoi elles avaient droit.

M. Annis: Nous recommandons fortement de modifier la Loi sur les pensions, afin de permettre aux conjoints survivants de bénéficier de toute augmentation de l'évaluation d'une invalidité d'un bénéficiaire décédé effectuée de son vivant, dont le montant est justifié par une preuve appropriée ayant été examinée par les préposés au règlement des demandes du ministère ou les membres du Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

M. Rycroft: Nous allons maintenant aborder la question de l'accès aux documents en vertu de l'article 109. Je ne lirai pas l'article, puisqu'il est reproduit à la page 12.

Archives nationales du Canada interprète cet article de façon très restreinte, conformément à la loi sur la protection des renseignements personnels et à la Loi sur l'accès à l'information. Par exemple, dans le cas d'une demande effectuée par un conjoint survivant, Archives nationales refuse de transmettre des pièces justificatives concernant le membre décédé aux agents de l'aide sociale de la Légion. Elle leur suggère de s'adresser aux fonctionnaires du ministère des Anciens combattants ou aux avocats du Bureau des services juridiques des pensions. Cette étape supplémentaire, qui est inutile et retarde le processus, constitue un gaspillage de temps et de ressources.

Un groupe de travail interministériel, formé de représentants du ministère des Anciens combattants, d'Archives nationales du Canada et de la Légion royale canadienne, s'est réuni pour discuter de cette question. Bien que la signification du libellé actuel de l'article 109 puisse faire l'objet d'un accord entre tous les ministères, il serait prudent de clarifier cet article, afin qu'aucun doute ne subsiste à propos du droit qu'ont les agents d'aide sociale de la Légion d'avoir directement accès à tous les documents pertinents, quel que soit le ministère ou l'organisme gouvernemental qui les détient, sans être obligés d'acheminer leur demande au ministère des Anciens combattants.

Nous recommandons de modifier l'article 109, afin de spécifier que les agents d'aide sociale de la Légion royale canadienne et leurs représentants en général ont directement accès aux documents pertinents, à partir du moment où ils représentent, en vertu de la Loi sur les pensions, un requérant actuel ou futur.

Passons maintenant à la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Le paragraphe 19(2), qui traite des demandes frustratoires, se lit comme suit:

Le président peut refuser de constituer un comité de révision lorsqu'il estime frustratoire une demande portant sur le montant de la compensation visée par la Loi sur les pensions.

Durant la première année de son application, on a invoqué ce paragraphe à plus de 100 reprises, afin de refuser au requérant la possibilité de contester une décision rendue à propos d'une demande concernant une perte auditive, ou de plaider en faveur d'une interprétation plus favorable de la preuve existante. En général, les tribunaux administratifs ont recours à cet article afin d'éviter les tentatives répétées d'un requérant d'obliger un tribunal à examiner une question sans fondement ou sans importance. Nous estimons que les demandes des requérants qui contestent une politique ou plaident en faveur d'une interprétation plus favorable d'une preuve n'entrent pas dans cette catégorie. Ce n'est pas tant le nombre de fois que cet article a été invoqué qui suscite des préoccupations que la nature des cas qui ont fait l'objet de son application.

Par conséquent, on doit adopter certains critères qui permettront au Tribunal de n'éliminer que les demandes qu'il estime frustratoires, conformément aux principes habituels du droit administratif. Nous recommandons que de telles décisions soient prises non pas uniquement par le président, mais par au moins deux membres du Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Si cette solution n'est pas retenue, nous recommandons de reformuler l'article 109 de façon à ce qu'il s'applique non pas à une demande initiale de révision, mais aux demandes répétées d'un requérant qui tente de faire examiner essentiellement la même question sans fournir de nouvelles preuves.

Le paragraphe 23(1) traite du nouvel examen du comité de révision. Il se lit comme suit:

Le comité de révision peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu de l'article 21 ou du présent article et soit la confirmer, soit l'annuler ou la modifier s'il constate que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées.

Nous estimons que cet article est trop restrictif sur deux points. Premièrement, le comité qui procède à l'examen ne devrait pas être constitué des membres qui ont rendu la décision originale. En fait, dans l'intérêt de la justice, particulièrement lorsqu'une décision est contestée en raison d'une interprétation erronée du droit, il peut être difficile pour un comité de révision d'avoir une perspective appropriée et objective à l'égard d'une décision qu'il a déjà prise de son propre chef.

Deuxièmement, un nouveau paragraphe devrait permettre la présentation d'une demande conformément aux mêmes dispositions que celles du paragraphe 32(1). En d'autres mots, le comité de révision peut réexaminer une décision relative à une demande, si le requérant allègue que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit sont erronées, s'il présente une nouvelle preuve au comité. Il pourrait être approprié d'exiger que la nouvelle preuve se présente sous forme de document.

Nous recommandons de modifier le paragraphe 23(1), afin d'accorder une plus grande latitude au comité de révision qui ne doit pas être nécessairement formé des mêmes membres qui ont rendu la décision originale. De plus, cet article devrait permettre à un requérant de présenter une demande conformément aux mêmes dispositions que celles du paragraphe 32(1).

Le libellé du paragraphe 32(1) est essentiellement le même. Comme dans le cas du paragraphe 23(1), le comité d'appel qui réexamine la décision ne devrait pas être nécessairement formé des mêmes membres qui ont rendu la décision originale. Cela peut être approprié si de nouveaux éléments de preuve sont présentés, mais lorsque l'auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées, le comité d'appel ne pourra peut-être pas avoir le recul nécessaire pour réexaminer une décision qu'il a rendue de son propre chef. Nous recommandons de modifier cet article, afin de rendre plus souple la constitution d'un comité d'appel qui réexamine une décision originale.

Le paragraphe 36(1), qui traite des problèmes potentiels liés à l'horaire des séances, se lit comme suit:

Le Tribunal siège au Canada aux lieu et date que son président peut fixer.

Le paragraphe 92(1) de l'ancienne Loi sur les pensions se lit comme suit:

Un comité d'examen siège à l'endroit au Canada et au moment que le président de la Commission peut fixer, compte tenu de ce qui convient au requérant et au comité.

Même si on n'a constaté aucun problème au cours de la dernière année, nous sommes préoccupés par le fait que le paragraphe 36(1) de la loi actuelle supprime le critère contenu dans le paragraphe 92(1) de la loi antérieure, qui obligeait le Tribunal à tenir compte de ce qui convient au requérant au moment de fixer les lieu et date des audiences.

Nous recommandons de modifier la formulation du paragraphe 36(1), afin de refléter le besoin de tenir compte de ce qui convient au requérant au moment de fixer les lieu et date des audiences.

M. Annis: Nous allons maintenant discuter de questions qui ne sont pas visées par la présente loi et qui soulèvent des préoccupations. Il y a d'abord la nomination d'un vice-président du Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

En nommant un vice-président, la Commission canadienne des pensions a procuré aux représentants un moyen très efficace de s'adresser au tribunal, sans obliger le président à siéger durant toutes les audiences. On a pu ainsi régler, sans autre formalité, un certain nombre de questions au bénéfice des requérants, des représentants et des membres de la commission. La loi actuelle n'oblige aucunement le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui ne compte aucun vice-président, à en nommer un.

Nous recommandons de modifier la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), afin d'obliger ce dernier à nommer un vice-président en le choisissant parmi les membres actuels du tribunal.

Le succès d'un processus de révision ou d'appel dépend beaucoup de la documentation disponible, qui permet de situer les questions soulevées dans leur contexte. Le mémoire exigé en vertu du régime en vigueur avant septembre 1995 remplissait cette fonction. Dans le nouveau régime, les règlements n'exigent aucun mémoire. Bien que les responsables du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) aient convenu de préparer un mémoire, nous croyons que l'inclusion de ce concept dans la loi en assurera la survie. En l'absence d'un mémoire approprié contenant les détails relatifs au service militaire d'un requérant et un résumé des preuves médicales pertinentes, le représentant ne connaît ni la nature des preuves ou des questions en fonction desquelles la décision a été rendue, ni les motifs de la révision ou de l'appel. En résumé, le représentant n'a aucun moyen de savoir comment il peut faire accepter sa demande. Nous recommandons que la loi exige la présentation d'un mémoire contenant tous les éléments essentiels comme les renseignements militaires, les preuves médicales pertinentes et les copies de tous les documents qui ont servi à rendre la décision en première instance.

Viennent ensuite les priorités. L'incohérence la plus flagrante de la Loi sur les pensions concerne le traitement des pensions proportionnelles versées au conjoint survivant en vertu des articles 48 et 49 de la loi actuelle. Par conséquent, on doit modifier cette dernière de toute urgence et mettre sur pied un moyen juste et rationnel d'établir le montant des pensions proportionnelles versées au conjoint survivant. Ce traitement illogique et inéquitable du conjoint survivant ne respecte en rien les objectifs d'un régime d'allocation d'invalidité somme toute rationnel et bien pensé.

La deuxième question en importance aux yeux de la Légion royale canadienne est l'inclusion, dans le paragraphe 19(2) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), de critères relatifs au caractère frustratoire des demandes.

Les autres recommandations de modification sont d'une importance à peu près égale. La question des versements excédentaires visés au paragraphe 5(1) suscite moins de préoccupations de notre part.

Les recommandations mentionnées ci-dessus, qui ont fait l'objet d'une intense réflexion, font suite à d'importantes discussions tenues au sein de la Légion royale canadienne et avec des représentants du ministère et des autres organismes d'anciens combattants que nous avons consultés de façon officieuse. Ces recommandations sont de nature constructive. Comme nous l'avons indiqué dans notre introduction, l'ensemble des importantes modifications que nous proposons d'apporter au régime de pension d'invalidité sont très positives. Nous espérons que nos recommandations serviront à solidifier les accises actuelles du régime actuel et, comme nous l'avons mentionné en juin 1995 devant le sous-comité, à améliorer un régime déjà valable.

Le sénateur Jessiman: À la page 2 de votre mémoire, vous dites que vous avez formé une équipe chargée de réduire les arriérés. Combien de personnes font partie de cette équipe?

M. Rycroft: Trois. Nous avons réembauché, à contrat, deux de nos anciens agents d'aide sociale.

J'ai demandé au Bureau de services juridiques des pensions de détacher un avocat auprès de l'équipe, ce qu'il a accepté de faire pour une période de six mois.

Le sénateur Jessiman: Il y a donc quatre personnes qui s'occupent de l'arriéré des dossiers?

M. Rycroft: Trois. Deux seront en poste à Ottawa, et la présentation des dossiers se fera essentiellement par vidéoconférence. L'avocat, lui, continuera de travailler au bureau de Charlottetown.

Le sénateur Jessiman: Depuis combien de temps travaillent-ils ensemble?

M. Rycroft: Les deux employés à temps partiel ont déjà préparé des dossiers, et le premier cas sera examiné cette semaine. Le Tribunal des anciens combattants, qui siège en tant que comité d'appel, est à Ottawa cette semaine. Certains dossiers seront présentés par un des membres de l'équipe chargée de réduire l'arriéré.

L'équipe fonctionnera à plein régime en mars. Nous avons un arriéré de plus de 300 dossiers et nous espérons ramener ce chiffre à 100 au cours des six prochains mois.

Le sénateur Jessiman: Je pensais qu'il y en avait 8 000.

M. Rycroft: C'est exact, mais les dossiers de la Légion royale canadienne ne représentent qu'environ 10 p. 100 des cas.

Le sénateur Jessiman: Donc, vous comptez réduire, en 18 mois, cet arriéré de 10 p. 100. Et qu'en est-il du gouvernement? A-t-il fait des progrès à ce chapitre? Combien de cas sont toujours en attente?

M. Rycroft: J'ai communiqué avec mon homologue au Bureau de services juridiques des pensions, et je crois comprendre qu'il comparaîtra devant vous jeudi. C'est à lui que vous devriez poser cette question. J'ai eu quelques discussions au sujet de l'arriéré des dossiers avec le ministère, mais il est sans doute plus prudent de vous adresser directement à lui. Je n'ai pas de chiffres avec moi.

Le sénateur Jessiman: Ont-ils réussi à réduire l'arriéré? Est-ce qu'ils sont sur la bonne voie?

M. Rycroft: Oui. Nos organismes sont tous deux conscients du fait qu'il n'est pas à notre honneur d'avoir un important arriéré de dossiers en appel.

Le sénateur Jessiman: Il fallait en moyenne 18 mois pour traiter une première demande. On a dit que le délai allait être réduit de moitié. Est-ce qu'il y a des demandes qui ont été traitées en neuf mois?

M. Rycroft: Nous avons réussi à régler des cas en moins de 12 jours, ce qui est tout à fait exceptionnel. En ce qui concerne les demandes qui ont été reçues après septembre 1995 et qui ont été approuvées, je crois que leur examen a pris, en moyenne, moins de neuf mois.

M. Annis: La dernière fois que nous sommes allés à Charlottetown, on nous a dit qu'il fallait environ 12 mois pour traiter une demande. Mais cela s'appliquait aussi aux demandes reçues avant septembre 1995. Il y a de nouvelles demandes qui arrivent tout le temps.

Le sénateur Jessiman: Il y a une limite au temps qu'on peut prendre. Les anciens combattants doivent avoir, en moyenne, entre 70 et 80 ans.

M. Annis: Ce facteur est à la fois positif et négatif. Le nombre de demandes ne semble pas avoir diminué. En fait, elles ont peut-être augmenté parce que les anciens combattants vieillissent. Le nombre d'anciens combattants diminue, mais leur degré d'invalidité augmente en raison de leur âge. Évidemment, il y a aussi un grand nombre de personnes qui ont servi en temps de paix, comme les membres de la GRC, et elles s'ajoutent au total.

Le fait qu'ils vieillissent et qu'ils diminuent en nombre n'a pas entraîné une baisse des demandes, comme nous nous y attendions. Les chiffres se maintiennent.

Le sénateur Jessiman: Est-ce que vos statistiques englobent uniquement les anciens combattants, par opposition aux membres de la Légion royale canadienne ou d'autres associations?

M. Annis: Oui.

Le sénateur Jessiman: Il reste très peu d'anciens combattants qui ont servi lors de la Première Guerre mondiale. Je crois que la dernière fois que vous avez comparu devant nous, vous nous avez dit que les anciens combattants qui ont servi lors de la Seconde Guerre mondiale avaient, en moyenne, 74 ans. C'était il y a deux ans, de sorte qu'ils doivent maintenant avoir, en moyenne, 76 ans. Est-ce que vous recevez un grand nombre de demandes d'anciens combattants de la guerre du Golfe?

M. Annis: Nous en recevons un certain nombre, mais je ne peux pas vous dire combien.

Le sénateur Jessiman: Il y a également les anciens combattants de la guerre du Vietnam.

M. Annis: Il y aussi les forces présentes dans les zones de service spécial dans toutes les régions du monde. Le service en temps de paix dans les zones de service spécial est assimilé au service en temps de guerre. C'est ce que disait le paragraphe 21(1) de la loi antérieure. Ces personnes étaient visées par les mêmes dispositions de la loi que celles qui avaient servi en temps de guerre. Il y a également les membres des forces qui ont servi en temps de paix au cours des 30 dernières années, dont bon nombre vieillissent aussi.

Le sénateur Bonnell: D'après vos statistiques, les nouvelles demandes sont traitées plus rapidement depuis l'adoption du projet de loi. Est-ce que les demandes qui étaient en attente avant la réforme ont pour effet de prolonger le délai de traitement moyen?

M. Annis: Nous ne voulons aucunement modifier l'engagement du ministère de réduire le délai de traitement de 50 p. 100. Si nous n'incluons pas les demandes présentées avant le 15 septembre 1995, le ministère sera en mesure de dire qu'il respecte ses engagements. Il est probablement un peu injuste d'inclure ces demandes, parce que le nouveau tribunal n'y est pour rien. Il faut lui donner le temps de faire ses preuves.

Le sénateur Bonnell: Supposons que les demandes sont traitées en 9 mois plutôt qu'en 18. Qu'en est-il du comité d'appel? N'est-il pas vrai qu'il reçoit plus de demandes que dans le passé et que celles-ci prennent plus de temps à franchir toutes les étapes du processus d'appel?

M. Annis: Je ne sais pas si tout cela est vrai, mais le comité d'appel a, lui aussi, un arriéré important. Comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire, la capacité du tribunal de rendre des décisions est supérieure à la capacité du Bureau de services juridiques des pensions et des agents d'aide sociale de la Légion de préparer et de présenter des dossiers. Il faut beaucoup de temps pour préparer un appel. À qui la faute? Je n'en sais rien. Le Tribunal peut entendre les appels si les dossiers sont prêts.

Cet arriéré important s'explique en partie par le fait que la compilation des données prend beaucoup de temps. Parfois, bien entendu, ce sont les résultats des examens médicaux qui se font attendre. Vous pouvez être obligé d'attendre trois ou quatre mois avant de voir un spécialiste. Les coupures effectuées dans le système de soins de santé sont responsables de cette situation. La Légion, le tribunal et le ministère n'ont pas beaucoup de contrôle là-dessus.

Je sais que le tribunal souhaiterait ramener le délai de traitement, à partir du jour où l'appel est déposé, à 60 jours. Dans bien des cas, vous ne pouvez même pas obtenir un rendez-vous avec un médecin avant 90 ou 120 jours. Nous allons donc contester cette décision.

La situation est loin d'être simple. Il faut prolonger un peu le délai. Un an, ce n'est pas beaucoup lorsque vous tenez compte du fait que la Commission canadienne des pensions existe depuis 72 ans. Le tribunal, lui, n'existe que depuis seize mois. Il serait injuste de le juger trop rapidement sans tenir compte de toutes les circonstances et de tous les problèmes qui se sont posés.

Le sénateur Bonnell: Vous avez déjà été membre de la commission des pensions. Nous avons maintenant le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Combien de temps faut-il pour informer un ancien combattant de la décision qu'a rendue le tribunal?

M. Annis: Nous pouvons vérifier cela, mais, de mon temps, les décisions étaient communiquées rapidement. La secrétaire y était pour beaucoup. J'en avais une qui était très compétente. Je lui transmettrais les décisions du comité, peu importe l'endroit où il siégeait au Canada, et elles étaient dactylographiées en moins d'une semaine. À mon retour, tout le travail était terminé. En fait, si je devais partir pendant trois ou quatre semaines, elle me faisait parvenir les décisions là où je devais faire escale. Je les corrigeais ou je les signais et je les lui renvoyais pour qu'elle puisse les transmettre aux intéressés.

Je crois qu'il faut maintenant environ deux mois pour communiquer les décisions une fois qu'elles ont été prises par le tribunal.

Le sénateur Bonnell: Pourquoi ce délai? Est-ce qu'ils manquent de secrétaires? Les ordinateurs ne sont-ils pas aussi rapides que les secrétaires? Pourquoi faut-il deux mois pour communiquer une décision à des anciens combattants qui sont peut-être à l'article de la mort?

M. Annis: Il y a beaucoup de vrai dans ce que vous dites, sénateur. M. Rycroft pourrait peut-être vous donner plus de précisions à ce sujet.

M. Rycroft: Je présume que le Tribunal aura sa propre version des faits à vous raconter. J'ai l'impression que les décisions sont examinées par plusieurs personnes. Même si les membres du tribunal rendent leurs décisions très rapidement, celles-ci sont dactylographiées et ensuite examinées pour voir si les dispositions pertinentes de la loi ont été appliquées. Il y a beaucoup plus de personnes aujourd'hui qui examinent les décisions. À notre avis, cela ralentit le processus. Pour que ce tribunal puisse rendre une décision, il doit bénéficier d'une certaine latitude. Il n'est pas nécessaire que les décisions soient en tous points identiques. Il est évident que si elles sont examinées par plusieurs personnes, c'est parce qu'on veut qu'elles suivent le même modèle. C'est ce qui explique, à mon avis, le délai de deux à trois mois.

Le sénateur Bonnell: L'année dernière, le président du tribunal de révision m'a dit que les anciens combattants qui constataient une erreur de fait ou de droit n'auraient pas à subir tous ces tracas une autre fois. Ils pouvaient tout simplement être entendus une deuxième fois.

Je suis bien au courant du cas de l'ancien combattant de la marine qui est tombé de son hamac et s'est blessé à la tête. Il a reçu une pension. Or, son dossier indiquait que c'était son casque, en anglais «helmet», qui s'était brisé et non son hamac, en anglais «hammock». Je lui ai demandé: «Portez-vous des casques dans la marine pour dormir?» Il a répondu: «Non, c'était une erreur.» Je lui ai dit de retourner voir le président du tribunal et de lui demander qu'il réexamine son cas. Il n'avait reçu que 5 p. 100 parce qu'on croyait que c'était son casque qui s'était brisé.

L'avocat-conseil des pensions lui a dit: «C'était simplement une erreur de frappe.» Je me suis dit: «Est-ce que l'avocat-conseil des pensions prend maintenant des décisions pour le tribunal de révision des anciens combattants? Pourquoi dirait-il une telle chose?»

M. Annis: C'est un argument intéressant. Je ne peux pas répondre à cette question, sénateur.

Le sénateur Bonnell: Si vous faisiez partie du tribunal, vous feriez appel de cette décision assez vite.

M. Annis: Il est bon de pouvoir faire appel par suite d'une erreur de droit. Cependant, si on dit: «Ce n'était pas une erreur mais une faute de frappe.»

Le sénateur Bonnell: Est-ce que cela ne reste pas quand même une erreur?

M. Annis: Ce n'est pas une erreur de droit.

Le sénateur Bonnell: Il m'a indiqué que c'était possible, si c'était une erreur de fait ou de droit.

M. Annis: Ce serait une erreur de fait.

Le sénateur Bonnell: Par conséquent, le cas devrait être revu et la pension portée à 10 p. 100.

M. Annis: Peut-être, oui. Il faudrait que je voie le dossier avant de me prononcer.

Le sénateur Bonnell: Lorsqu'il m'a raconté son histoire, j'ai trouvé que la question ne se posait pas et qu'il fallait réexaminer son cas. Je parlerai au président du tribunal lorsque je le verrai.

Vous avez mentionné les veuves. Lorsque M. Macdonald était ministre des Affaires des anciens combattants, une loi a été adoptée, selon laquelle, si l'évaluation d'invalidité de l'ancien combattant décédé était de 48 p. 100, la veuve recevait alors une pleine pension. Si l'évaluation était inférieure à 48 p. 100, elle ne recevait alors que la moitié de ce à quoi l'ancien combattant avait droit. Êtes-vous en train de dire que la situation est différente en vertu de ce projet de loi?

M. Annis: Non, ce n'est pas ce que nous disons.

Le sénateur Bonnell: Quel est votre argument?

M. Annis: Tout d'abord, un pourcentage de 48 p. 100 accorderait à la veuve ce qui serait considéré comme une pleine pension, c'est-à-dire 50 p. 100 de ce que le pensionné recevait de son vivant.

Le sénateur Bonnell: Cela signifie une pleine pension de veuve.

M. Annis: Oui, c'est exact. Si le pensionné avait une pension de 20 p. 100 au moment de son décès, la veuve en recevrait 10 p. 100. Ce que nous disons, c'est que si le processus était en cours lors du décès du pensionné, ou s'il existait des preuves médicales permettant d'accorder à la veuve 10 ou 15 p. 100 de plus, elle ne pourrait pas recevoir ces prestations supplémentaires en vertu de l'ancienne loi ni de la nouvelle.

Le sénateur Jessiman: Le processus devait-il être en cours?

M. Annis: Il n'a pas à être amorcé. Si la veuve avait des preuves médicales permettant d'appuyer une augmentation de la pension, il lui serait impossible de toucher cette pension à moins qu'elle soit équivalente à 48 p. 100. C'est là le problème.

Le sénateur Bonnell: S'il touchait 40 p. 100, alors elle n'obtiendrait pas 20 p. 100.

M. Annis: Elle n'obtiendrait rien en faisant appel de l'évaluation de l'invalidité.

Le sénateur Bonnell: Voulez-vous dire en vertu de la nouvelle loi?

M. Annis: En vertu de l'ancienne loi également.

Le sénateur Bonnell: Il n'y a aucune différence.

M. Annis: C'est ce que nous disons. Il faudrait remédier à cette anomalie de longue date. La veuve mérite cette pension. Le pensionné l'aurait reçue s'il était vivant. Pourquoi ne peut-elle pas y avoir droit?

Le président: Monsieur Annis, vous voudriez également que le montant inférieur soit indexé, n'est-ce pas?

Le sénateur Jessiman: Elles devraient recevoir leur part proportionnelle.

M. Annis: C'est notre avis. Il faut traiter la veuve de la même façon qu'un pensionné.

Le président: Si le montant de la pension est augmenté en fonction de l'inflation, je crois comprendre que la veuve qui ne reçoit pas une pleine pension n'aurait pas droit à cette augmentation.

M. Annis: Non, je ne crois pas que ce soit le cas. Elle continuerait à avoir droit aux augmentations prévues en vertu de l'indexation. Ce n'est pas un problème.

Le sénateur Jessiman: Vous parliez de la période qui s'écoule depuis le moment où un tribunal a entendu le cas, pris une décision et avisé l'ancien combattant qu'il recevra sa pension. Quand reçoit-il son argent? Cela ne se fait-il pas automatiquement en un jour ou deux? Le chèque devrait être envoyé dès que la décision est prise. Quelqu'un d'autre prépare le chèque. Lorsque la décision est prise, sait-on automatiquement le montant qu'ils recevront ou faut-il le déterminer?

M. Annis: Je ne suis pas vraiment sûr de la façon dont cela se passe maintenant. Selon l'un des changements apportés par l'ancienne commission avant qu'elle cesse ses activités, une fois la décision prise d'accorder des prestations et en cas de preuves médicales nous indiquant en quoi consiste l'évaluation, cette information figurerait également par écrit dans la décision. Cela a accéléré énormément les choses.

Le sénateur Jessiman: Ce pourcentage était-il déterminé par les médecins?

M. Annis: Oui, habituellement, il s'agit d'une décision médicale basée sur l'évaluation d'une invalidité. Si le pensionné fait appel de cette évaluation, il est alors entendu par le tribunal. On peut alors présenter des preuves médicales et le tribunal décidera si une augmentation s'impose et les choses vont alors très vite.

Le sénateur Jessiman: Lorsque l'ancien combattant fait l'objet d'une décision favorable, lui indique-t-on le pourcentage qu'il recevra?

M. Annis: Pas toujours. Il arrive que le dossier ne renferme pas d'évaluation médicale. Si le dossier renferme une évaluation médicale, nous l'aurions déjà inclue. Une fois le dossier transmis à la paye, les responsables de la paye seraient déjà au courant. Cependant, si le dossier ne renferme aucune évaluation médicale, il doit être retourné aux médecins pour évaluation sinon le pensionné devra se rendre chez un médecin de district des Affaires des anciens combattants du Canada pour y subir une évaluation. Cette évaluation sera alors envoyée à Charlottetown et franchira toutes les étapes du système dont nous avons parlé. Ce sont de petites améliorations.

Le sénateur Jessiman: Il peut donc recevoir un avis comme quoi une décision favorable a été rendue.

M. Annis: Oui.

Le sénateur Jessiman: Cependant, on ne lui indique pas le montant.

M. Annis: C'est souvent le cas.

Le sénateur Jessiman: Cela prend du temps. Lorsque le montant finit par être déterminé, il reçoit un autre avis qui le lui indique. Reçoit-il son chèque à ce moment-là?

M. Annis: Non, habituellement pas.

Le sénateur Jessiman: Après combien de temps le reçoit-il? Je peux comprendre qu'il soit impossible de préparer un chèque si on ne connaît pas le montant. Une fois qu'une décision favorable est rendue, on connaît le montant à verser. Il s'agit alors simplement de pousser un bouton quelque part pour que le chèque soit imprimé.

M. Annis: Il faut tenir compte également du salaire rétroactif et de ce genre de choses.

Le sénateur Jessiman: Cela fait partie du calcul.

M. Annis: Cela devrait être relativement simple puisqu'on indique la date d'entrée en vigueur. Si cela équivaut à 5 p. 100 à partir d'une certaine date, c'est relativement simple.

Le sénateur Jessiman: Vous nous dites que cela ne se produit pas. J'ai lu quelque part que les gens se plaignent. L'ancien combattant sait qu'il recevra de l'argent parce qu'il a droit à un salaire rétroactif. Là n'est pas la question. La question, c'est pourquoi ne peut-il pas l'obtenir? Il est en train de vieillir et il a besoin de cet argent. C'est très bien qu'il reçoive un montant forfaitaire. Cependant, s'il doit recevoir 50 $ par mois mais doit attendre 10 mois pour recevoir son premier paiement, qui comprendrait le salaire rétroactif, plutôt que de recevoir 500 $, ne serait-il pas préférable qu'il reçoive le montant mensuel.

M. Annis: Je ne suis pas sûr du délai. Habituellement, ce n'est pas très longtemps après qu'ils reçoivent l'avis.

Le sénateur Jessiman: Quelqu'un s'en est plaint.

M. Annis: Je ne suis pas sûr de la façon dont le système actuel fonctionne. Je parle de ce que je connais du système précédent. Je ne connais pas très bien le nouveau système.

Le sénateur Bonnell: Nous déterminerons cela demain ou le jour d'après.

M. Annis: Nous serons ici mardi prochain.

Le sénateur Jessiman: Vous serez également présents?

M. Annis: Nous serons ici dans une semaine, donc mardi prochain.

Le sénateur Cohen: Je suis un membre récent de ce comité. Je me suis donc documentée de façon intensive au cours des dernières 48 heures et je suis en train de faire une surdose d'information. Toutefois, j'ai impression en général que tous ceux qui s'intéressent à cette loi se soucient des anciens combattants. Nous voulons simplement améliorer et accélérer le processus.

En ce qui concerne l'indexation des pensions des veuves, nous avons parlé de ce qui se passe si l'évaluation est inférieure à 48,1 p. 100. Que pensez-vous d'indexer toutes les pensions de veuves? Cela comporterait-il d'énormes coûts?

M. Annis: Vous êtes en train de poser deux questions en même temps. L'indexation annuelle est inclue, peu importe le pourcentage obtenu. Notre argument, c'est que si par suite d'un appel il est impossible de leur accorder 48 p. 100, le tribunal ne peut rien leur donner à cause de la loi. Si elles reçoivent déjà, par exemple, 10 p. 100 et qu'elles disposent de preuves solides qui permettent d'établir que si leur conjoint était toujours vivant, il aurait reçu 10 p. 100 de plus, c'est tant pis. Comme il est mort, il leur est impossible d'obtenir cette augmentation. Nous considérons cela injuste.

Le sénateur Jessiman: Cela doit fonctionner à l'inverse également si le membre des forces est une femme et l'homme est le conjoint.

M. Annis: C'est la même chose.

Le sénateur Jessiman: Le sexe de la personne n'est pas pertinent.

M. Annis: C'est pourquoi nous utilisons les expressions «ancien combattant» et «conjoint».

Le sénateur Cohen: Ma prochaine question concerne votre proposition concernant l'obligation de nommer un vice-président. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet? Est-ce que cela rassurerait le requérant? Veut-on ainsi assurer une plus grande neutralité de la part du président? J'aimerais en savoir plus à ce sujet. Cette proposition me semblait logique lorsque je l'ai lue.

M. Annis: Pour ce qui est d'être plus rassurant ou du moins de faciliter les choses au président, le vice-président avait de nombreuses responsabilités selon l'ancien système. Dans bien des cas, ce sont la vice-présidente ou un ou deux des grands responsables de la Commission canadienne des pensions qui ont décidé d'accorder des allocations de commisération. La vice-présidente s'est occupée de nombreux cas concernant ces veuves, particulièrement de veuves ayant droit à des pensions fractionnaires, c'est-à-dire lorsque deux veuves réclament la pension d'un même conjoint. La vice-présidente s'est occupée d'un grand nombre de ces cas et a participé également aux audiences du tribunal.

Nous estimons, particulièrement en ce qui concerne les demandes frustratoires et sans fondement, qu'il ne faut pas qu'une seule personne décide: «C'est une demande frustratoire et nous devons la rejeter». Nous estimons que cette décision doit être prise par plusieurs personnes.

En fait, la vice-présidente en question s'occupait de désigner les membres devant faire partie des différents comités, le Bureau de services juridiques des pensions, dans l'ensemble du Canada. Le rôle du vice-président était d'alléger la tâche du président et de le remplacer en son absence.

Le sénateur Cohen: C'était ma prochaine question.

M. Annis: Je ne vois pas comment on peut se débrouiller sans vice-président, pour toutes ces raisons.

Le sénateur Cohen: Le président a désormais plus de responsabilités.

M. Annis: Il a de nombreuses responsabilités.

Le sénateur Cohen: Vous faites bien valoir la nécessité d'avoir un vice-président.

M. Annis: C'est ce que nous croyons.

Le sénateur Cohen: Comment les anciens combattants ont-ils réagi au fait d'être privés des services d'un conseiller juridique indépendant au premier palier?

M. Annis: Deux personnes de mes collaborateurs s'occupent de ce genre de choses maintenant et je leur demanderai de vous répondre.

M. Rycroft: En ce qui concerne la Légion royale canadienne, notre système n'a pas changé. Nous continuons à assurer cette représentation dès le premier palier et jusqu'à la fin du processus. Comme nous avons tendance à coopérer avec le bureau et les agents des pensions qui assument maintenant ce travail, nous ne recevons pas beaucoup de plaintes.

D'après notre expérience, en général les gens ne se plaignent pas de ne pas avoir été représentés par les agents des pensions. C'est peut-être parce qu'ils ignorent tout simplement en quoi consiste le système et ne savent donc pas de quoi se plaindre. Nous craignons toutefois qu'étant donné que le bureau n'intervient plus à ce premier palier, si les décisions rendues en première instance ont été mal prises, les demandeurs abandonnent simplement la partie parce qu'ils ignorent comment exercer leurs droits.

M. Annis: De plus, le Bureau de services juridiques avait l'habitude de préparer l'exposé du cas. Une personne était chargée de rédiger le document médical réunissant les renseignements médicaux. Les médecins avaient leurs renseignements. L'avocat-conseil sortait tous les dossiers et les documents nécessaires pour pouvoir se prononcer correctement sur un cas.

Le Bureau de services juridiques n'assure plus ce service. Ce sont les conseillers des Affaires des anciens combattants du Canada qui s'en occupent et nos propres agents de service. Cette charge de travail a été ajoutée à celle des conseillers des bureaux des Affaires des anciens combattants du Canada et des agents de service de la Légion.

Le sénateur Cohen: Ces agents reçoivent-ils la formation nécessaire pour agir à titre d'avocats-conseils? Par exemple, si je présentais une première demande de pension, je ne saurais pas comment procéder. Il faudrait que quelqu'un me conseille.

M. Annis: C'est ce que le Bureau des Affaires des anciens combattants tâche de faire. C'est le principe du guichet unique, selon lequel le pensionné n'a qu'à se présenter à un seul endroit et peut être guidé tout au long du processus par un conseiller.

Il y a un problème, en ce sens que les avocats-conseils aidaient le pensionné à prendre des dispositions et lui indiquaient les renseignements médicaux dont il avait besoin. Je ne sais pas si on continue à assurer ce service. On leur dit: «Vous avez besoin de tels renseignements; allez consulter votre médecin». Cela peut être difficile pour certaines personnes âgées qui ne savent même pas ce qu'est, par exemple, un «orthopédiste». Je crois que l'idée est bonne mais il y a lieu de l'améliorer.

M. Rycroft: Un aspect important de ce nouveau système, c'est que les agents des pensions ne représentent pas les clients. C'était la fonction du bureau. Les agents des pensions donnent des conseils et offrent leur aide. C'est ce qui est prévu par la loi et c'est la façon dont ils s'acquittent de leur rôle.

Les agents de service de la Légion royale canadienne et les autres organisations de service continueront à représenter leurs clients dans toute l'acception du terme, c'est-à-dire à étudier le cas dans la perspective du client et à véritablement le représenter. Conseiller et aider, c'est autre chose et je ne crois pas qu'il s'agisse vraiment de représentation.

Le sénateur Jessiman: Y a-t-il quelqu'un d'autre qui prend une décision? Certains cas sont réglés assez rapidement.

M. Rycroft: L'agent des pensions se chargera de conseiller et d'aider, de préparer le formulaire qui sera alors transmis à un arbitre et les arbitres rendront une décision en aussi peu de temps que 12 jours.

Le sénateur Jessiman: C'est une autre personne qui travaille pour le gouvernement.

M. Rycroft: C'est exact. Ce sont des arbitres du ministère qui travaillent à Charlottetown.

Le sénateur Jessiman: Ils se trouvent donc à accélérer le traitement de certaines demandes puisque certaines d'entre elles sont réglées plus rapidement.

M. Rycroft: Il faut alors se demander si la demande a bel et bien été faite. Autrement dit, un demandeur est-il allé consulter l'agent des pensions et a-t-il été représenté en bonne et due forme? Lui a-t-on déconseillé de présenter une demande?

Le sénateur Jessiman: Peut-être n'ont-ils reçu que 10 p. 100. S'ils avaient obtenu un avis impartial, ils auraient pu demander 40 p. 100.

M. Rycroft: C'est là la question. S'ils n'ont pas obtenu les 40 p. 100, partent-ils satisfaits avec les 10 p. 100 qu'on leur a accordés? Personne n'est là pour leur dire d'être judicieux. Personne ne procédera à une révision.

Le sénateur Jessiman: Recevez-vous beaucoup de plaintes de vos membres? Après avoir lu les deux mémoires, j'ai l'impression que vous pensez que les choses vont dans le bon sens.

M. Rycroft: J'ai l'impression qu'il n'y aura pas de plaintes parce que la clientèle a tendance à être assez passive. Plus les septuagénaires avancent en âge, moins ils risquent de se plaindre. Le gouvernement a parlé et a rendu une décision.

Le sénateur Jessiman: Ce n'est pas ce que je constate. Je deviens de jour en jour de plus en plus grincheux.

M. Rycroft: Vous êtes très actif, sénateur, mais une partie de notre clientèle est très passive de nature. Nos clients sont atteints de graves incapacités. Leur gouvernement a parlé. Ils sont fatigués. Ils ne veulent pas se battre contre le système et personne ne va le faire pour eux. Il arrive parfois qu'ils aient ce lien avec le bureau. S'ils ne l'ont pas, ils perdent une importante étape. Je crois qu'ils ont besoin qu'on leur tienne la main.

M. Annis: Il y a un autre point, sénateur, si vous le permettez. Beaucoup de ces anciens combattants sont fiers. Dans l'exercice de mes fonctions, il est arrivé que nous ayons à convaincre un ancien combattant qu'il ne s'agissait pas d'aide sociale et qu'il méritait cette pension. Nombre d'entre eux sont réticents. Ils nous disaient qu'ils ne voulaient pas en arriver là et qu'ils ne rajeunissaient pas, qu'ils étaient blessés, qu'ils avaient besoin d'aide et d'argent. Cependant, nous devions les convaincre qu'il ne s'agissait pas d'aide sociale.

M. Ted Keast, directeur adjoint, Bureau d'entraide, Légion royale canadienne: En ce qui concerne ces décisions qui sont renversées assez rapidement, il va sans dire qu'il ne déplaît pas à l'ancien combattant que la décision soit favorable. Cependant, en vertu du nouveau système, aucun précis médical n'est constitué comme c'était le cas sous l'ancien système. Cela a pris du temps. Ce n'est pas aussi pertinent si une décision est favorable, mais dans le cas d'une décision défavorable, il nous reste une révision ou un appel. L'absence de ce précis médical, alors que celui-ci permettait une volte-face plus rapide la première fois, nous ralentit la deuxième ou la troisième fois.

Le sénateur Jessiman: Quel est le taux de réussite au cours des 18 derniers mois par rapport à celui de la période précédente?

M. Rycroft: Au premier niveau d'arbitrage, nous avons constaté un taux de réussite d'environ 60 p. 100, si vous considérez que toute décision comporte un élément favorable. Il pourrait arriver qu'elle ne soit pas entièrement favorable. Il y a toujours la possibilité d'une révision ou d'un appel. Cependant, cela contraste avec le système qui était en place avant septembre 1995 alors que, si l'on utilise le même outil de mesure, le taux de réussite serait d'environ 30 p. 100.

Le président: Je me suis toujours posé des questions au sujet du «bénéfice du doute». Les milieux médicaux l'ont considéré comme une question d'ordre juridique et j'estime que l'ancien combattant ne s'est jamais vu accorder le bénéfice du doute. Voyez-vous quelque amélioration en ce qui a trait à cet aspect de la législation?

M. Annis: J'ai parlé à certains membres du nouveau tribunal et je leur ai demandé si, dans le cadre de leur formation, on leur avait dit d'accorder le bénéfice du doute à l'ancien combattant ou au demandeur? Ils m'ont répondu l'avoir fait à maintes reprises. Je crois que cette partie de la loi est respectée.

Le président: À quel niveau?

M. Annis: Il s'agit du niveau de l'appel. Les membres du jury étaient des employés de longue date. Je crois que la plupart d'entre eux ont rédigé un ou plusieurs précis médicaux avant d'accéder à ce poste. Ils étaient aussi au courant. Pendant leur formation, on leur a aussi enseigné qu'il fallait accorder le bénéfice du doute.

Je suis tout à fait convaincu, à l'instar de tous les gens de la Légion, qu'on accorde le bénéfice du doute aux anciens combattants.

Le président: Ma deuxième question porte sur le changement de diagnostic. Il se peut qu'un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde ait été rendu dans le cas d'une personne et qu'un spécialiste parle maintenant d'arthrose. À l'heure actuelle, il faut se présenter devant le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), pour obtenir qu'un changement soit apporté à la demande. On me dit qu'un certain nombre de personnes présentent à l'heure actuelle une nouvelle demande et essayent ainsi de modifier les données. Voilà une façon plus facile, plus raisonnable et plus sensée de procéder semble-t-il que de passer par le processus d'appel.

Si le spécialiste indiquait dans une lettre que le diagnostic initial était erroné, ne pourrait-on pas considérer qu'il s'agit d'une première demande et pourrait-on la modifier facilement sans passer par le processus d'appel?

M. Annis: Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) nous a assurés que c'est ce qui se produira. Dans le cas d'une certitude, comme le diagnostic dont vous avez parlé, si vous envoyez le bon document et tous les numéros de dossiers pertinents, c'est exactement ce qu'il peut faire. Il s'agit d'une excellente amélioration par rapport à l'ancien système.

Soit dit en passant, les membres de la commission des pensions n'étaient pas autorisés à changer un diagnostic. Nous ne faisions pas partie du corps médical. Cela revenait aux médecins. Si un appel parvenait devant l'ancienne commission des pensions, et qu'il s'agissait d'un changement de diagnostic, nous n'avions d'autre choix que de répondre qu'il fallait présenter une nouvelle demande. Il n'y a pas de doute que cela prenait du temps.

En vertu du nouveau système, on nous a assurés que dans ces cas le changement peut-être apporté sur-le-champ, ce qui est excellent.

Le président: Mon autre question porte sur les allocations octroyées par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Elles sont habituellement de 5 p. 100 parce que le demandeur n'a pas subi d'examen médical, et je suppose que ce pourcentage a été fixé par mesure de protection pour cette personne. Celle-ci doit ensuite faire appel pour obtenir une évaluation médicale et cela peut prendre jusqu'à six mois.

L'autre jour, j'ai soumis par téléphone un cas au ministère. On m'a répondu que cela pourrait prendre jusqu'à 6 mois, ce qui me semble terriblement long. Il doit bien y avoir un moyen plus simple d'accélérer le processus. Si le comité d'appel avait le pouvoir d'ordonner une évaluation médicale immédiate, je crois que ce serait beaucoup mieux. M. Rycroft a dit qu'il craignait que beaucoup de gens s'y perdent et laissent tomber. J'ai bien peur que peu de gens en appelleront de ce 5 p. 100. Ils grogneront et se plaindront qu'ils n'ont obtenu que 5 p. 100 ou 79 $ par mois. Si le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) pouvait ordonner une évaluation médicale en même temps, je crois que cela accélérerait les choses.

M. Annis: Une fois de plus, je vais revenir à mon époque. Nous avons agi de la sorte à certains endroits. Lorsque nous avions à notre disposition un médecin de district, il nous arrivait souvent de le convoquer pendant les audiences du comité. Lorsque l'admissibilité était établie, nous renvoyions immédiatement la personne au médecin qui attendait dans la pièce d'à côté et qui procédait immédiatement à une évaluation. Cela accélérait les choses.

Il ne s'agissait toutefois pas d'une pratique généralisée. Il arrivait que les médecins ne puissent se mettre à notre disposition lorsque nous en avions besoin. De plus, il a pu arriver que ce médecin soit obligé de référer l'ancien combattant à un spécialiste qui a demandé des radiographies, une échographie ou un autre examen du genre. Oui, il est possible que certaines de ces évaluations exigent beaucoup de temps. Cependant, si l'on peut s'en remettre à des médecins pendant ces audiences pour obtenir sur-le-champ une évaluation, cela accélérera sans l'ombre d'un doute le processus. Comprenez bien qu'il peut arriver qu'on ne puisse accélérer les choses.

Le président: Oui, je comprends.

Le sénateur Bonnell: Il peut arriver que les médecins que vous avez à votre disposition ne sachent pas tout. Un psychiatre peut être en mesure de vous dire que vous souffrez d'anxiété ou de névrose. Quant à vous dire si le niveau de votre arthrose est de 1 ou 5 p. 100, il y parviendrait probablement aussi bien qu'une femme de ménage. Il se peut que le médecin qui se trouve dans la pièce d'à côté soit un chirurgien qui a une meilleure idée de certaines autres choses. Le médecin suivant pourrait être un généraliste qui peut vous dire autre chose.

Tout dépend du genre de médecin que vous avez à votre disposition et de ce qui'il est en mesure d'évaluer. Il se peut que le diplôme qu'il détient lui permette de faire des accouchements, un point c'est tout. D'autres ne peuvent diagnostiquer que les maladies mentales.

M. Annis: C'est sûrement vrai dans bien des cas. C'est la raison pour laquelle nous devons envoyer les gens chez des spécialistes. D'autre part, nous disposons d'une pléthore de lignes directrices médicales sur n'importe quelle condition admissible. Vous pouvez consulter ce gros livre où l'on vous dira, par exemple, qu'un patient qui éprouve des problèmes à la colonne vertébrale aura certains symptômes. Ceux-ci sont énumérés dans des tableaux. Il s'agit par exemple de l'amplitude du mouvement, du niveau de la douleur, de la médication et ainsi de suite. Un pourcentage est ensuite établi, à 10 ou 15 p. 100 par exemple. Si le cas est plus grave et que l'utilisation d'un fauteuil roulant est requise, le pourcentage peut alors être de 30 ou 40 p. 100.

Il est possible de mettre la main sur ces tableaux. Les médecins et les membres du jury les ont. Ils sont très utiles pour effectuer ces évaluations. Les comités d'évaluation, le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) et les médecins s'en servent également.

Si je m'adressais pour une évaluation à un médecin qui n'a rien à voir avec l'AAC, je pourrais apporter ces tableaux avec moi. Je pourrais lui demander d'y jeter un coup d'oeil, d'effectuer ses examens et de faire une recommandation. Cela se fait très souvent. Beaucoup de travail a été effectué en ce sens. Personne au sein du tribunal n'est un médecin expert mais, après avoir étudié ou fait le travail pendant un an, les membres du tribunal s'en tirent très bien lorsqu'il s'agit d'évaluer les troubles de santé. Tous les cas qu'ils entendent leur en apprennent beaucoup.

Je crois qu'il s'agit d'un système équitable, probablement le meilleur que nous pouvons avoir à l'heure actuelle.

Le sénateur Jessiman: Sénateur Bonnell, faisiez-vous allusion aux conseillers médicaux de l'Administration centrale par opposition aux membres du jury?

L'autre association exprime des réserves à cet égard. Un patient a son propre médecin. D'autres spécialistes sont appelés à intervenir et peuvent dire autre chose. Le tribunal les écoute. Ces conseillers médicaux viennent ensuite renverser la décision.

M. Annis: Non.

Le sénateur Jessiman: C'est ce qui préoccupe l'association.

M. Annis: Dans le cas d'une première décision ou d'un appel à l'égard d'une décision, une fois que le tribunal s'est prononcé sur l'admissibilité, le personnel médical procède à l'évaluation.

Le sénateur Jessiman: Lorsque vous dites le personnel médical, parlez-vous des conseillers médicaux de l'Administration centrale?

M. Annis: Oui, ce sont eux qui procéderont à l'évaluation. Cependant, s'il s'agissait d'une audience qui porte non pas sur l'admissibilité mais sur une évaluation, l'ancien combattant exposerait alors son cas en donnant toute l'information et le tribunal procéderait ensuite à l'évaluation. Les médecins ne changent pas cela.

Le président: Qu'en est-il des médecins de district? Comment interviennent-ils dans le processus d'évaluation?

M. Annis: On les utilise beaucoup en fait. Si, par exemple, le tribunal siège à Saint John et que la décision en ce qui a trait à l'admissibilité est favorable, il arrive très souvent que l'on réfère l'ancien combattant au médecin principal de district aux fins d'évaluation. On recourt beaucoup à leurs services.

Il est difficile de trouver des médecins principaux de district. Dans certains endroits, cela ne pose pas de problèmes, dans d'autres, c'est très difficile. Il n'est pas toujours facile de trouver des médecins. Le ministère a parfois du mal à doter ces postes. Lorsque des médecins sont effectivement disponibles, on a énormément recours à leurs services.

Le président: Vous avez utilisé le mot «frustratoire» dans votre mémoire. Je dois dire que je n'aime pas ce mot; je préfère une expression moins dure.

Toutefois, je comprends que sur les 100 demandes environ qui ont été rejetées l'année dernière, certaines ont pu faire l'objet d'appel et être acceptées. Connaissez-vous certains de ces cas?

M. Rycroft: Nous avons entendu le président dire que certains qui avaient persisté après une décision frustratoire avaient pu demander au tribunal d'examiner leur demande. Le problème, c'est que cela dépend quasiment de la personne que l'on rencontre le jour voulu. À notre avis, le processus présente des lacunes, car il rejette des personnes qui, par hasard, peuvent faire de nouveau examiner leur demande. Le système devrait le permettre au départ.

M. Keast: Un grand nombre de ces demandes de révision de l'évaluation était des demandes liées à la perte auditive. Le tribunal a refusé la révision de l'évaluation et a demandé que la personne subisse un nouvel examen médical qui, avec un peu de chance, donnerait un nouvel audiogramme permettant d'accepter la demande. Si après cela, le tribunal ne change pas l'évaluation, nous nous occupons alors de la question.

Le président: Il s'agissait de demandes de réévaluation?

M. Keast: Certaines demandes étaient des demandes d'admissibilité, d'autres des demandes d'évaluation.

Le président: Je ne savais pas que le tribunal examinait ces demandes et décidait si la personne qui avait 5 p. 100 était admissible à une réévaluation.

M. Keast: Il y a deux types de révisions, les révisions de l'évaluation ou les révisions d'admissibilité.

Le sénateur Cohen: Le Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada a recommandé au fil des ans que la personne fasse sa demande par écrit au lieu de venir en personne. Il préconise ce processus pour faciliter les choses aux demandeurs âgés.

À votre avis, vaut-il mieux venir en personne plutôt que faire une demande écrite?

M. Annis: J'ai mon avis personnel, mais ce n'est pas nécessairement celui de la Légion. Je crois que c'est une excellente chose qu'un demandeur puisse venir s'exprimer dans ses propres termes, nez à nez, pour expliquer ce qui est à l'origine de son invalidité.

Je n'aimerais pas que toutes ces demandes se fassent par écrit. Il se peut que la télévision à circuit fermé rende service à cet égard, mais venir en personne est toujours, à mon avis, ce qu'il convient de faire.

Le sénateur Cohen: Je suis d'accord avec vous. Je n'ai pas trop apprécié cette suggestion.

M. Annis: J'aimerais ajouter qu'il peut arriver parfois que le demandeur ne soit pas vraiment aussi bien qu'on le prétend et qu'il vaut mieux qu'il présente sa demande par écrit.

Le sénateur Cohen: Je voulais vous demander ce que vous pensez des versements des prestations à un conjoint qui est la personne soignante. Cela permet au ministère d'économiser beaucoup d'argent. Ne diriez-vous pas que le conjoint devrait recevoir une prestation pour ce genre de soins?

M. Annis: Des compensations particulières sont prévues pour les anciens combattants qui sont invalides et qui requièrent des soins. Ces compensations sont appelées allocations pour soins et sont versées en plus de la pension. Il est précisé dans la décision que les soins sont donnés par le conjoint, par un foyer de soins infirmiers, par des infirmières visiteuses, par des amis, par des fils ou des filles. Cette allocation pour soins est calculée en fonction du degré d'invalidité du pensionné. Elle est donc versée, mais je ne crois pas qu'elle soit versée directement au conjoint, mais plutôt au pensionné, afin de compenser ces coûts.

Le sénateur Cohen: Sait-on en général que cette allocation existe?

M. Annis: Je le crois. Les conseillers rendent régulièrement visite à beaucoup de ces pensionnés et font un excellent travail. Lorsqu'ils se rendent compte d'une situation donnée, ils font une demande d'allocation pour soins pour la personne en question. Je crois que tout est bien organisé grâce au rôle que jouent les conseillers à cet égard.

Le sénateur Cohen: J'ai une question supplémentaire relative aux anciens combattants de la guerre du Golfe et au syndrome de la guerre du Golfe. On commence à admettre ces mystérieux malaises qui frappent les anciens combattants de la guerre du Golfe. La Légion compte des anciens combattants qui sont atteints d'une certaine forme de maladie. Comment le ministère règle-t-il ces cas? Quelle est l'attitude du ministère face au syndrome de la guerre du Golfe?

M. Annis: L'expression «syndrome de la guerre du Golfe» n'a jamais fait l'objet d'un diagnostic médical. Nous avons proposé aux gens de faire une demande de pension indépendamment de leur état. Nous nous apercevons qu'ils obtiennent gain de cause. Le trouble de stress post-traumatique est l'une des maladies courantes du syndrome de la guerre du Golfe, mais à lui seul, il représente une invalidité ouvrant droit à pension. Nous proposons à nos membres de faire leur demande en fonction d'une invalidité que nous pouvons défendre.

Le président: J'aimerais compléter la première question de le sénateur Cohen à propos d'un ancien combattant qui ne reçoit pas de pension d'invalidité, mais qui a un accident cérébrovasculaire ou autre chose du genre, et qui a besoin de soins étendus à domicile. Si sa veuve n'avait pas pris soin de lui à la maison, il aurait fallu le placer dans un foyer et, dans les cas de difficulté financière, le ministère aurait supporté des dépenses. On pense en général que la veuve qui a fait tout ce travail supplémentaire a droit à quelque chose après le décès de l'ancien combattant qui nécessitait des soins.

M. Annis: Cela ne fait pas partie de la loi. Si un ancien combattant ne reçoit pas de pension d'invalidité, il n'est pas admissible à des soins en dehors du système normal de santé du Canada. La pension des anciens combattants est strictement limitée à l'invalidité subie en temps de guerre ou pendant le service militaire en temps de paix.

Nous avons envisagé la situation sous un angle différent, bien qu'elle corresponde à celle dont vous faites mention; je veux parler du cas d'un pensionné qui reçoit une pension et aussi une allocation en vertu du Programme pour l'autonomie des anciens combattants. À l'heure actuelle, lorsqu'il décède, son conjoint survivant reçoit son allocation PAAC pendant un an.

Nous avons débattu de la question. En fait, demain, nous allons aborder bien de ces questions, y compris celle-ci, avec l'un des représentants principaux du ministère des Anciens combattants. Nous sommes en quelque sorte d'accord avec vous que si une veuve a pris soin d'un ancien combattant pensionné pendant 45 ans, elle a sûrement travaillé plus fort qu'une épouse «normale» et que peut-être nous devrions l'indemniser un peu plus. M. Rycroft a donné l'exemple d'une femme de 25 ans qui épouse un ancien combattant de 72 ans. Il meurt. Elle n'est pas dans le besoin. Nous avons stipulé que la veuve ne doit recevoir de prestations que si elle a besoin d'aide. Cela fait partie des résolutions que nous allons présenter demain au ministère des Anciens combattants. Lorsqu'il n'y a pas de pension d'invalidité et que l'ancien combattant n'est pas admissible à ce genre de chose, sa veuve ne l'est pas non plus. Cela s'applique strictement à l'invalidité subie au cours du service.

Le président: De mon point de vue, beaucoup de ces veuves ont pris soin de ces anciens combattants pendant des années. Même si l'ancien combattant ne recevait pas une pension d'invalidité, nous avons une certaine obligation à l'endroit de la veuve. Je ne crois pas que nous examinions cet aspect de la loi.

M. Annis: Non. J'apprécie ce que vous dites. Nous pourrions prendre l'exemple d'une personne qui a servi pendant 30 ans. D'après une étude effectuée il y a quelques années, beaucoup d'anciens combattants qui prennent leur retraite à 55 ans, meurent à 58 ans. L'autre étude a été faite à la fin des années 50, environ. Il faut prendre en compte les situations où un militaire a travaillé pendant 30 ou 35 ans -- c'est une vie assez dure -- s'est éreinté, a pris sa retraite; ensuite, son épouse prend soin de lui pendant 10 ou 15 ans. Malheureusement, bien que j'apprécie ce que vous dites, les lois ne permettent pas pareille chose, mais si vous pouvez le faire valoir, nous vous appuierons. Qu'en pensez-vous?

Le président: Je comptais sur votre appui.

M. Annis: Ce sera peut-être possible.

Le sénateur Bonnell: Monsieur le président, si vous leur demandez de mettre cette proposition par écrit, je crois qu'ils pourraient faire une recommandation rapidement, ce qui vous permettrait d'y donner suite.

Le président: Merci beaucoup, messieurs. Votre mémoire et la période des questions ont été des plus utiles et nous ont donné un meilleur aperçu de la loi. Nous allons essayer d'en tirer parti, lorsque le ministère des Anciens combattants nous fera son boniment à Charlottetown.

M. Annis: Je vous souhaite bonne chance à Charlottetown.

Le président: Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre les représentants du Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada.

Si je comprends bien, c'est M. Brian Forbes qui va présenter l'exposé et répondre à nos questions. Alors que nous sommes désolés de ne pas profiter de l'expérience et de la sagesse de M. Chadderton, je suis sûr que votre mémoire et vos réponses nous seront fort utiles.

M. Brian Forbes, secrétaire général honoraire, Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada: Monsieur le président, j'aimerais tout d'abord transmettre au sous-comité des Affaires des anciens combattants les regrets personnels de Cliff Chadderton. Comme vous le savez, M. Chadderton est président du Conseil national et président directeur général des Amputés de guerre du Canada. Il est à l'heure actuelle en voyage d'affaires à l'étranger et espérait pouvoir revenir à temps pour l'exposé d'aujourd'hui, mais cela n'a pas été possible. Il vous fait par de ses regrets.

Monsieur le président, j'ai le plaisir de travailler avec M. Chadderton depuis quelque 23 ans maintenant comme conseiller juridique auprès du Conseil national, ainsi qu'auprès des Amputés de guerre. Je crois que la plupart des membres du comité savent que M. Chadderton est un ardent défenseur des anciens combattants. Il est juste de dire qu'il est à l'origine de la plupart de la réforme des lois sur les anciens combattants.

Je demanderais aux honorables sénateurs de noter que le mémoire qui leur a été distribué a été préparé par M. Chadderton. Nous avons l'intention d'en faire ressortir les points saillants dans notre introduction avant la période des questions.

J'aimerais également en profiter pour présenter mes collègues. Mme Faye Lavell est directrice du Bureau national des services des Amputés de guerre. Outre ses nombreuses fonctions liées au traitement des demandes et des appels des amputés de guerre, elle s'occupe également de nombreux cas pour les organisations membres du Conseil national. Elle ne manque certainement pas de travail. Danita Chisholm est directrice des communications des Amputés de guerre. Elle observe de près les questions relatives à ce que l'on appelle maintenant le syndrome de la guerre du Golfe et pourra nous aider dans nos débats sur cette question.

En ce qui concerne le résumé, les honorables sénateurs se rappelleront que les audiences tenues en juin 1995 devant le sous-comité du Sénat ont porté en détail sur le projet de loi C-67, qui sert de cadre à la réforme du système de pension des anciens combattants. Nous tenons d'abord à remercier sincèrement le sous-comité du Sénat des efforts constants qu'il a déployés tout au long du processus législatif et de ses recommandations, qui ont permis au gouvernement et plus particulièrement au ministère des Anciens combattants, d'apporter des modifications fort nécessaires à l'administration des demandes pension et des appels ainsi qu'à la prise de décisions à ce sujet.

Les honorables sénateurs se souviendront du sénateur Marshall qui a dirigé bien des débats en 1993 et 1994 qui ont finalement abouti à cette loi.

Nous tenons également à exprimer notre gratitude au ministre des Anciens combattants, au Secrétaire d'État (Anciens combattants) au sous-ministre des Anciens combattants, de même qu'aux membres de son personnel, pour la somme colossale de travail fructueux accompli, qui a abouti à la mise en place d'un système d'arbitrage et d'appel beaucoup plus efficace.

Tout au long des 18 derniers mois, des représentants du Conseil national, qui ont eu l'occasion de travailler de concert avec des représentants du ministère des Anciens combattants, ont été impressionnés par le dévouement, l'engagement et les efforts considérables qu'a exigé la transition législative poussée que nous vivons aujourd'hui. Nous avons eu la possibilité de maintenir un dialogue constant avec des représentants du ministère à tous les niveaux des mécanismes d'arbitrage et d'appel pour veiller à ce que toutes les révisions de la politique et de la procédure soient effectuées conformément aux intérêts des Anciens combattants.

Pa plus tard que la semaine dernière, nous étions à Charlottetown où nous avons pu débattre de points particuliers relatifs aux décisions prises à propos de diverses questions comme l'allocation pour soins, l'allocation d'incapacité exceptionnelle et l'accès au système de santé des anciens combattants; les fonctionnaires du ministère ont été très réceptifs à cet égard. Nous avons été satisfaits de cette discussion et je pense que c'est grâce à la nouvelle loi que ces activités sont facilitées sous l'égide du ministre, du Secrétaire d'État du le sous-ministre.

Monsieur le président, tout bien considéré, le système d'appel comporte toujours certaines lacunes que nous allons aborder plus tard dans notre mémoire. Pour l'essentiel, ces préoccupations ont trait au fonctionnement du Bureau des services juridiques des pensions de même qu'aux relations soutenues qu'il entretiendra avec le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

Nous déposons devant le comité un certain nombre de résolutions prioritaires adoptées à l'occasion de l'assemblée générale annuelle d'octobre 1996 du Conseil national. Parmi ces résolutions, on retrouve une recommandation concernant le syndrome de la guerre du Golfe.

Si vous permettez, je vais maintenant passer au projet de loi C-67. Les honorables sénateurs voudront peut-être passer en revue certains commentaires que, le 14 juin 1995, nous avons formulés devant le présent comité en ce qui concerne l'option du projet de loi C-67 et les points précis abordés à l'occasion de notre comparution. Ils sont regroupés dans notre mémoire sous leur rubrique respective. Je vais tout d'abord parler de la responsabilité ministérielle.

Monsieur le président, à l'occasion de notre comparution en 1995, nous avons fait observer que, depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les pensions en 1919 pratiquement, le Bureau des commissaires des pensions pour le Canada et ses successeurs ont été considérés comme des organismes quasi judiciaires dont le fonctionnement était, par rapport au ministre compétent de l'époque, autonome, séparé et distinct. Le Conseil national et plus particulièrement M. Chadderton, ont exprimé l'avis que cette philosophie était inefficace. Nous avons donc proposé que les décisions -- en ce qui concerne les décisions initiales tout au moins -- soient prises par des fonctionnaires du ministère sous le contrôle direct réservé au ministre par la loi.

L'adoption du projet de loi permet au ministre d'imputer les fonctionnaires du ministère et de les tenir responsables de l'opportunité, de l'efficience et de la productivité du système d'arbitrage initial. Compte tenu de notre expérience et des indicateurs initiaux, il semble, si on en croit l'évaluation que nous faisons de la phase préliminaire de mise en oeuvre des révisions contenues dans le projet de loi, que cette réforme majeure ait été couronnée de succès.

Sous la rubrique «Appels», monsieur le président, on se rappellera que, selon nos recherches et l'information disponible avant notre dernière comparution devant le sous-comité, le taux de réussite des premières demandes présentées à la Commission canadienne des pensions était d'environ 30 p. 100, comme les représentants de la Légion l'ont indiqué plus tôt, le pourcentage éventuel d'approbation par les comités d'examen et d'évaluation de la Commission passant à 70 p. 100 et le taux de réussite ultime, devant l'ex-Tribunal d'appel des anciens combattants, s'établissant à 85 p. 100. Nous avons soutenu avec force que cette analyse statistique représentait une condamnation sévère de l'ancienne procédure d'arbitrage et d'appel. Il est apparu immédiatement que les anciens combattants qui présentaient une demande étaient, dans la plupart des cas, tenus d'épuiser la procédure d'appel tout entière pour obtenir une décision juste et équitable. Le fait le plus préoccupant demeurait le délai alarmant exigé pour obtenir un résultat favorable, souvent plus de trois ans.

Le ministère des Anciens combattants nous a tenus parfaitement au courant des résultats récents obtenus à ce chapitre et nous croyons comprendre que le taux de réussite des premières demandes a, en vertu de la nouvelle procédure ministérielle d'arbitrage, connu une augmentation marquée.

Monsieur le président, lorsque nous avons rédigé ce mémoire, nous n'avions pas les statistiques du taux de réussite du ministère. Cependant, suite à notre visite de la semaine dernière, nous avons maintenant des données dont nous aimerions faire part au comité. Les données indiquent que pour la période du 15 septembre 1995 au 15 septembre 1996, qui est la première année de fonctionnement sous le régime du projet de loi, les taux de réussite au premier niveau sont les suivants: 53 p. 100 pour les premières demandes, 94 p. 100 pour les compensations spéciales et 68 p. 100 pour les révisions ministérielles prévues en vertu de l'article 82 de la loi.

En vertu de la disposition relative à la révision ministérielle, lorsqu'un ancien combattant est insatisfait de la première décision, il a le droit de demander une révision s'il a de nouvelles preuves à présenter ou s'il y a eu une erreur de fait ou de droit. Cette possibilité est très utile, selon nous, puisque 68 p. 100 de ce genre de demandes ont été approuvés après révision.

Si l'on compare ces données statistiques à ce que nous avons connu sous le régime de la Commission canadienne des pensions, il y a eu une nette amélioration du taux de réussite des premières demandes. Nous soumettons respectueusement que c'est ainsi qu'il faut procéder, plutôt que d'obliger les anciens combattants à franchir des étapes de révision et d'appel comme c'était le cas sous l'ancien régime, si ardu et sinueux.

Le sénateur Jessiman: Je croyais que la légion avait dit que le taux était de 60 p. 100.

M. Forbes: Ce taux s'appliquait uniquement aux cas de la légion.

Mieux vaut faire une parenthèse tout de suite à ce sujet. La statistique nous fait, bien sûr, souvent hésiter. D'après les dossiers traités par notre bureau d'assistance aux amputés de guerre, le taux de réussite des premières demandes a effectivement connu une augmentation marquée. C'est ici que l'expérience personnelle peut jouer par opposition aux données statistiques des fonctionnaires. Ce n'est pas que nous ne leur fassions pas confiance, mais les cas vécus pourraient vous en dire plus long. Je soupçonne que vous interrogerez les fonctionnaires assez longtemps, cette semaine, au sujet des données, des taux de réussite et des différentes prestations d'invalidité.

À la page 3 de notre mémoire, il est question d'une note de service plutôt importante, en date du 30 octobre 1996, dans laquelle le Directeur général des prestations d'Anciens combattants Canada traite davantage d'arriéré et de charge de travail.

En octobre 1996, le ministère des Anciens combattants traitait 7 854 premières demandes. Au 30 septembre 1996, 8 113 premières demandes étaient en cours. Évidemment, de nouvelles demandes ont été présentées depuis lors et d'autres ont été réglées. D'après les données qui nous ont été présentées la semaine dernière, le ministère a reçu plus de nouvelles demandes, cette année, que durant les années précédentes, fait plutôt intéressant. J'accepte la conclusion de la légion selon laquelle l'invalidité s'aggrave avec l'âge, ce qui entraîne manifestement une croissance du nombre de demandes.

Parmi ces 8 000 demandes, 1 252, soit 15 p. 100, portaient une date antérieure à l'entrée en vigueur de la réforme des pensions, le 15 septembre 1995. Cela indique au ministère que la majeure partie de l'arriéré observé au moment de l'entrée en vigueur du nouveau projet de loi a été traité. Après le 15 septembre 1995, divers représentants ont acheminé certaines de ces demandes plus anciennes aux Services aux anciens combattants.

Le 30 septembre 1996, 4 606 des 8 113 premières demandes avaient été assignées à l'agent des pensions ou à un autre représentant. Parmi ces 4 606 demandes, on attendait des renseignements de la part du client dans environ 62 p. 100 des cas. Quant à quelque 850 demandes, nous avons attendu pendant plus de six mois que le client nous fournisse les renseignements demandés.

Le sénateur Jessiman: Faut-il soustraire les 1 252 demandes du total de 8 113, puis dire que 6 861 d'entre elles ont été traitées après le 15 septembre 1995? Le ministère en aurait-il traité autant?

M. Forbes: Oui, c'est ce qu'il aurait fait. Nous croyons comprendre qu'il a traité approximativement 800 demandes par mois et qu'il aimerait porter ce nombre à 1 200. On s'est donc vraiment efforcé d'éliminer l'arriéré et de diminuer le nombre de cas.

Je vous sais gré de cette observation, sénateur. Je ne suis pas convaincu que cette note de service répond à toutes nos questions, mais, à notre avis, le ministère s'est vraiment efforcé d'éliminer l'arriéré et de réduire le nombre de demandes.

Le sénateur Jessiman: D'après ce que vous avez dit, je conclus qu'entre ces deux dates, 6 861 demandes ont été traitées, qu'au départ, le ministère en avait 8 113 et qu'il a fait baisser ce nombre à 1 252.

M. Forbes: Il vaudrait peut-être mieux poser la question au ministère. De toute évidence, il y a eu chevauchement de nouvelles demandes et d'anciennes. Il est fort difficile de savoir avec exactitude à quel point sont traitées les anciennes et les nouvelles demandes. En réalité, le ministère tente de nous dire que l'arriéré accumulé au 15 septembre 1995, soit avant l'entrée en vigueur du projet de loi de réforme, a été éliminé.

Le sénateur Jessiman: Quand vous étiez à l'Île-du-Prince-Édouard, quel était l'arriéré? Était-il de 6 000? J'ai entendu toutes sortes de chiffres: 12 000, 13 000 et 15 000. De toute façon, je sais qu'il était considérable.

M. Forbes: Il faut se souvenir que, quand on parle d'«arriéré», on inclut les premières demandes et les appels. La note ne parle que de premières demandes, ce qui complique la réponse à votre question.

L'essentiel, c'est que, d'instinct, nous croyons, et les données avancées par le ministère semblent le prouver, qu'on s'est attaqué à l'arriéré et aux demandes qui traînaient depuis longtemps avec beaucoup d'énergie. Je crois que la légion serait d'accord avec nous sur ce point. En fait, elle a elle-même mis en oeuvre une politique en vue de faire la même chose avec ses propres dossiers.

Nous en concluons que, si l'on accepte ces données intégralement et que l'on tient compte de notre réaction instinctive, le ministère a fait des efforts dignes de mention en vue d'éliminer l'arriéré et de réduire le nombre de cas.

Il est question, plus loin dans le mémoire, du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), et nous citons des données réelles sur la situation au tribunal, ce qui est utile.

En ce qui concerne les conseillers médicaux, en juin 1995, nous nous sommes dit préoccupés par le rôle joué par les conseillers médicaux dans la procédure d'arbitrage et d'appel prévue sous le régime de la Loi sur les pensions. Le rôle dominant joué par les conseillers médicaux fait l'objet de plaintes depuis fort longtemps. Convaincu que, bien souvent, les décisions étaient, dans les faits, prises par les conseillers médicaux qui renversaient souvent les décisions de la commission, le comité Woods (1965-1968), dont M. Chadderton était le secrétaire, a condamné le système. Pour bien illustrer l'importance du problème, Les Amputés de guerre du Canada ont, en janvier 1982, demandé la tenue d'une audience d'interprétation (I-28), aux termes de laquelle l'organisme connu à l'époque sous le nom de Conseil de révisions des pensions a, le 12 février 1982, jugé qu'en matière d'arbitrage, la Commission canadienne des pensions abdiquait ses responsabilités législatives en s'en remettant, pour interpréter la Loi sur les pensions et prendre des décisions concernant des cas particuliers, aux opinions médicales de la Direction consultative médicale. La situation s'est depuis lors améliorée, mais elle continue d'être préoccupante.

Nous ne comprenons toujours pas très bien l'ampleur du rôle joué par les conseillers médicaux depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-67. Nous avons toutefois la preuve que, parfois, les conseillers médicaux de l'administration centrale continuent d'aller à l'encontre des recommandations du médecin examinateur des pensions du district ou encore des faits présentés par le spécialiste ou le médecin traitant de l'ancien combattant. Je souligne qu'il est question ici du droit à des prestations, non pas d'une évaluation. À notre avis, une telle mesure doit reposer sur des motifs solides, le médecin examinateur des pensions locales ou le spécialiste ou le médecin traitant de l'ancien combattant ayant vu ce dernier et ayant contribué à toutes les données médicales le concernant, que ce soit dans le dossier du district ou dans celui du médecin ou du spécialiste. Étant donné cette préoccupation constante, nous proposons au sous-comité de recommander que le rôle du conseiller médical fasse toujours l'objet d'un examen soigné et qu'un rapport précis à ce sujet soit préparé par le ministère à l'intention du ministre, avec copie au président du sous-comité sénatorial.

Monsieur le président, j'aimerais que Mme Lavell vous parle de cette question parce que vos échanges avec la légion et notre propre expérience nous montrent qu'il faudrait que vous soyez mis au courant de cas précis pour bien comprendre d'où vient cette recommandation.

Mme Faye Lavell, directrice, Bureau national des services, Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada: Monsieur le président, je tiens à dire tout d'abord que, tout compte fait, nous avons remarqué une amélioration dans ce domaine. Toutefois, la question demeure préoccupante. Plus particulièrement, nous sommes préoccupés par le fait que l'on rejette le rapport du médecin. Nous avons constaté que le conseiller médical continue parfois de rejeter l'opinion du médecin traitant qui, bien souvent, est un spécialiste de l'orthopédie ou un physiatre.

Les conseillers médicaux semblent aussi avoir une bien piètre opinion des diagnostics cliniques d'arthrose par opposition aux rapports d'examen radiographique, même lorsque les diagnostics sont établis par des spécialistes. Je parle ici surtout de cas où la personne à laquelle on a amputé une jambe, par exemple, se met à faire de l'arthrose dans la région lombaire ou à souffrir de l'autre jambe.

D'après nos observations, il nous semble que le conseiller médical exige l'établissement d'un net lien causal, sans quoi la demande est parfois refusée. Encore une fois, je parle ici d'un amputé qui commence à éprouver des problèmes dans le bas du dos ou dans l'autre jambe. Pareils problèmes peuvent être causés par d'autres facteurs, par exemple un changement dans la façon de marcher et des pressions exercées sur le membre controlatéral ou encore au-dessus de l'endroit où a été amputée la jambe. Nous estimons que les conseillers médicaux ne tiennent pas forcément compte de ces facteurs.

Le comité apprendra aussi avec intérêt peut-être que nous constatons des problèmes analogues lorsqu'il faut décider si une personne est admissible à des soins de santé.

Le sénateur Cohen: Parlez-vous de la même chose que la Légion, soit des demandes supplémentaires?

Mme Lavell: Il est question davantage de cas où l'ancien combattant n'obtient pas les prestations auxquelles il a droit pour une affection qui est la conséquence de celle qui lui donne droit à la pension.

Le sénateur Cohen: Le problème est de la même famille, mais dans un autre domaine.

M. Forbes: C'est une assez bonne description. La position de la Légion concerne un point très technique, soit de savoir si, aux termes de la loi, après avoir présenté une première demande, on peut faire une demande supplémentaire, puis une autre.

Mme Lavell: Je crois que la Légion parlait aussi d'évaluation.

M. Forbes: Nous aimerions vous laisser réfléchir à cette recommandation. Il reste certains problèmes secondaires quant au rôle du conseiller médical sous le régime. Je soupçonne que vous obtiendrez certains conseils du ministère à cet égard.

Le seul principe valable demeure celui qu'ont énoncé le ministre, le secrétaire d'État et le sous-ministre, lorsqu'ils ont comparu devant les divers comités parlementaires et le Sénat. Selon eux, en cas de conflit, si le dossier contient un rapport du médecin personnel, le rapport prime sur celui du conseiller médical du ministère. En règle générale, nous croyons que c'est ce qui se produit. Cependant, il reste de petites questions à régler.

Passons maintenant au Bureau de services juridiques des pensions. Dans le mémoire que nous avons soumis au sous-comité en juin 1995, nous avons décrit en détail la fonction du Bureau de services juridiques des pensions. Nous demeurons convaincus que la réalisation de tous les objectifs du projet de loi C-67 passe, entre autres, par l'adoption de mesures significatives en ce qui concerne les relations de travail entre le bureau et le Tribunal des anciens combattants, particulièrement à l'égard du fonctionnement des comités et des conseils de révision.

Comme nous l'avons déclaré devant le sous-comité, nous sommes d'avis que des mesures administratives draconiennes devront être prises pour réduire l'arriéré de façon marquée. À notre avis, la philosophie et le rythme de l'ex-système étaient totalement inacceptables et portaient préjudice aux intérêts des anciens combattants.

Il faut bien reconnaître que la charge de travail à laquelle est confronté le bureau représente environ 90 p. 100 de l'ensemble des demandes. Le bureau occupe donc beaucoup de place dans le processus de révision et d'appel actuellement.

Monsieur le président, le ministère et le Tribunal des anciens combattants nous ont fait parvenir des documents d'analyse des résultats de la première année d'activité, à tous les niveaux d'arbitrage, y compris au premier niveau de la révision et de l'appel. Bien que, selon certains indices, des progrès aient été accomplis, il est clair qu'on fait toujours face à certains retards. Dans le cadre d'arbitrage et d'appel établi par la Loi sur les pensions, on doit s'attaquer au problème des retards. Un examen préliminaire de la charge de travail laisse entendre que, au niveau du Tribunal des anciens combattants, on a singulièrement réduit la taille de l'arriéré. En fait, de la statistique récente montre que, pendant la première année de la réforme des pensions, la charge de travail du Tribunal des anciens combattants a sensiblement diminué. Nous croyons comprendre qu'au 15 septembre 1995, 6 044 cas étaient en attente d'une audience. Le 15 septembre 1996, il n'en restait plus que 2 668. À la même date en 1995, 2 281 appels étaient en cours de traitement. Un an plus tard, il n'en restait plus que 1 534. Voilà qui mérite des félicitations!

La question des délais d'exécution demeure toutefois un grave problème, particulièrement au chapitre des révisions et des appels. Nous avons remarqué les mesures positives adoptées récemment au Tribunal des anciens combattants par le président et son personnel de direction, y compris la tenue d'un nombre considérable d'audiences devant un comité composé d'une seule personne -- ce qui, de toute évidence, règle des problèmes logistiques au sein même du tribunal --, le recours substantiel aux vidéoconférences dans divers coins du pays et la création récente d'une politique provisoire de règlement des cas, où on fixe le délai ferme pouvant s'écouler entre la date où une affaire est inscrite au rôle par l'avocat et celle de la date d'audience. Nous y reviendrons.

À notre avis, il est essentiel que le tribunal prenne un virage qui lui permette de raccourcir, au niveau des révisions et des appels, les délais d'exécution actuels. Il demeure qu'une analyse détaillée des tableaux statistiques montre que le temps exigé pour la préparation d'une demande de révision ou d'appel par le Bureau de services juridiques des pensions explique la plus grande partie des délais d'exécution établis. Voici ce que révèlent les tableaux et les graphiques, pour les 12 premiers mois d'activité, soit du 15 septembre 1995 au 15 septembre 1996.

Au niveau des révisions du tribunal, les délais d'exécution ont oscillé entre 11,4 et 11,8 mois. Au niveau des appels, ils variaient entre 10,6 et 12,2 mois. Dans le cadre de notre analyse permanente du système prévu dans la Loi sur les pensions, nous en sommes venus à la conclusion que, dans le système des révisions et des appels, les services juridiques comptent pour au moins 70 p. 100 des délais d'exécution. En effet, le bureau met, à ce stade de la révision, de sept à neuf mois pour mettre la dernière main à la demande et pour se préparer à l'audience devant un comité de révision ou d'appel.

Si l'on veut que le nouveau système ait un rendement nettement supérieur, comme le souhaitent le ministère et les anciens combattants, il faudra de toute évidence réduire de façon considérable le temps alloué à cette étape de la procédure générale.

Que le système semble plus efficace nous réconforte peu s'il faut autant de temps à l'étape de la révision et de l'appel. Les résultats obtenus pour les premières demandes sont encourageants, mais il reste encore beaucoup à faire à l'étape de la révision et de l'appel.

Nous sommes également au courant d'un certain nombre de recommandations faites récemment par le président du tribunal qui, par exemple, encourage le dépôt de mémoires écrits afin de faciliter la rationalisation de la procédure et de réaliser les objectifs prescrits. Comme nous l'avons affirmé dans le cadre des audiences du comité parlementaire permanent et du sous-comité sénatorial en 1995, nous observons depuis plus de 10 ans un recours systématique aux mémoires écrits pour la grande majorité des affaires traitées par le bureau d'assistance du conseil national pour les amputés de guerre du Canada. Nous sommes fermement convaincus qu'une telle approche présente des avantages appréciables. Je demanderai donc à Mme Lavell de commenter ce processus également, parce qu'elle y est constamment exposée.

Il faudrait peut-être vous souligner que nous traitons essentiellement d'une catégorie d'anciens combattants que nous pourrions qualifier de grands invalides. Le contexte est alors tout autre.

Quant à l'idée de soumettre des mémoires écrits, à la page 6 de notre mémoire, nous disons que rien ne laisse penser que la majeure partie des anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, dont l'âge moyen est de 75 ans, tiennent à se présenter devant le tribunal. Le stress et la tension qu'une audition de la demande fait subir à un ancien combattant appartenant à ce groupe d'âge sont impossibles à mesurer, surtout lorsqu'on tient compte des degrés d'invalidité et d'incapacité dont sont souvent atteints bon nombre d'entre eux. Nous sommes d'avis qu'un mémoire détaillé accompagné de rapports médicaux appropriés, de données concernant la situation familiale et ainsi de suite permet au comité d'examen de bien juger la demande présentée par un ancien combattant. En fait, on peut soutenir qu'une telle approche améliore les chances de réussite de celui qui cherche à faire reconnaître son droit à pension ou encore à obtenir une allocation spéciale.

Parfois, l'ancien combattant se nuit à lui-même lorsqu'il refuse de participer à une audience. Il est très fier. Il a beaucoup de difficulté à parler de son incapacité, de son invalidité, des soins que doit lui donner son épouse. Mme Lavell vous en dira plus à ce sujet. Voilà pourquoi nous estimons que le mémoire écrit améliore les chances de réussite de l'ancien combattant dans certains cas.

De plus, l'expérience que nous avons acquise au cours des dix dernières années confirme parfaitement l'efficience de l'utilisation de mémoires écrits, qui va de soi. Il nous semble que le recours aux mémoires écrits optimiserait l'utilisation des membres du Tribunal, ce qui permettrait de réduire les difficultés logistiques qu'entraîne la constitution de comités de révision aux quatre coins du pays.

On doit souligner que, au cours des dix dernières années, le Bureau d'assistance des Amputés de guerre du Canada a présenté littéralement des centaines, sinon des milliers, de demandes de pensions, de demandes d'allocations spéciales au moyen de mémoires écrits. En invoquant les succès que nous avons obtenus à l'égard de ces demandes, nous sommes convaincus que les anciens combattants qui ont eu recours à ce mode de communication n'ont subi aucun préjudice.

Monsieur le président, j'aimerais maintenant céder la parole à Mme Lavell.

Mme Lavell: Comme nous l'avons mentionné, nous représentons surtout les anciens combattants qui souffrent de handicaps physiques graves. Nous avons constaté qu'ils ne sont tout simplement pas en mesure d'assister à des audiences.

Dans un cas, nous avions constitué un comité d'examen pour entendre la demande d'un ancien combattant; le matin même de l'audience, il avait une crise cardiaque. Compte tenu de tous leurs handicaps et du stress que leur cause même une visite chez le médecin, vous ne pouvez pas imaginer combien cette démarche est difficile pour un amputé qui souffre de 19 autres affectations. Ce sont ces personnes qui représentent le gros de notre charge de travail au sein du bureau d'assistance.

Nous avons l'habitude de consacrer beaucoup de temps et d'efforts aux demandes présentées en première instance, notamment aux allocations d'incapacité exceptionnelle et aux allocations pour soins. Nous examinons les états de service de tous nos requérants, et faisons venir les rapports médicaux appropriés pour étayer les demandes. Cela prend beaucoup de temps. Nous demandons au médecin de nous fournir des renseignements sur le degré d'invalidité du requérant, les soins dont il a besoin, la douleur et l'inconfort qu'il ressent, ainsi qu'une description de tous les handicaps dont il souffre et des inconvénients que cela peut lui causer au jour le jour.

Au moment d'examiner les demandes d'allocation, nous devons établir le lien qui existe entre les états de service du requérant et la condition en cause. S'il s'agit d'une demande de pension pour invalidité secondaire, nous devons établir le lien qui existe entre la nouvelle invalidité et l'invalidité antérieure ouvrant droit à pension.

Dans le cas des allocations spéciales, auxquelles nous consacrons beaucoup de temps au premier palier, nous nous adressons également à la famille pour obtenir des renseignements. Qui est mieux placée pour juger de l'aide ou des soins dont a besoin l'ancien combattant que la personne qui s'occupe de lui 24 heures sur 24? Je parle, bien entendu, de l'épouse.

Nous avons constaté que le fait de bien préparer les demandes en première instance présente deux grands avantages: d'abord, le nombre de demandes approuvées au premier palier est très élevé; deuxièmement, si nous devons appeler d'une décision, nous pouvons être prêts à défendre notre cas en un mois. Nous avons déjà tous les renseignements en main; il nous faut peut-être obtenir quelques précisions du conjoint ou clarifier certains points avec le médecin. Le délai d'attente entre le moment où la première décision défavorable est rendue et le moment où l'appel est entendu n'est pas très long.

Le sénateur Jessiman: Est-ce qu'il en est ainsi depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime, en 1995, ou est-ce que la situation est à peu près la même qu'avant?

Mme Lavell: Nous pouvons être prêts à présenter un cas en 30 jours. Notre temps de préparation...

Le sénateur Jessiman: Est le même qu'avant.

Mme Lavell: Oui. Nous avons recours aux mémoires écrits, comme l'a mentionné M. Chadderton, depuis de nombreuses années. Nous avons également l'habitude de préparer et de rassembler presque tous les renseignements requis au moment de présenter la première demande, de sorte que si nous devons aller en appel, nous pouvons être prêts à le faire en 30 jours. À ce moment-là, il n'est pas nécessaire pour nous de rassembler tous ces renseignements additionnels.

Sous le nouveau régime, et avec la commission dans une certaine mesure, nous avons recours très souvent aux examens administratifs. Nous avons constaté que cette façon de procéder est très efficace.

Le président: Vous avez effectué tout le travail préliminaire au moment de préparer la demande.

Mme Lavell: Oui.

Le président: Ce ne serait pas nécessairement la même chose dans tous les cas.

Mme Lavell: Vous voulez dire dans tous les autres cas?

Le président: Oui.

Mme Lavell: Non.

Le président: Il se peut que le Bureau de services juridiques des pensions soit obligé de partir de zéro et de recueillir tous les renseignements. J'imagine qu'il y a encore un grand nombre d'anciens combattants qui préparent eux-mêmes leurs demandes, et il se peut qu'elles ne soient pas aussi complètes que les vôtres, compte tenu de vos nombreuses années d'expérience dans ce domaine.

Mme Lavell: Vous avez tout à fait raison.

M. Forbes: Vous avez soulevé un point fort intéressant, monsieur le président. Pour ce qui est du nouveau régime, on s'interroge, et c'est une question tout à fait valable, sur la compétence des responsables des pensions, qui sont des employés du gouvernement. Quant à nous, nous avons reçu très peu de plaintes, et notre expérience avec le Bureau d'assistance du conseil national le confirme, et nous sommes convaincus qu'ils seront eux aussi en mesure, avec le temps, à préparer des mémoires exhaustifs et détaillés de sorte que le bureau, une fois saisi du dossier en appel, aura en main tous les renseignements requis. Il risque d'y avoir un problème au moment de la transition.

J'aimerais revenir au mémoire. On a des raisons de penser qu'il serait utile que le tribunal accorde la priorité aux demandeurs disposés à recourir aux mémoires écrits. Ce faisant, on encouragerait sans ambiguïté le recours aux mémoires écrits, tout en préservant le droit des anciens combattants qui tiennent à une audience orale et à avoir l'occasion de témoigner en personne à l'appui du dossier.

J'aimerais ajouter que le tribunal nous a dit -- et je suis certain qu'il le confirmera plus tard cette semaine, si vous le lui demandez --, que si on lui soumettait des mémoires écrits, il pourrait régler les cas beaucoup plus rapidement. Vous pouvez imaginer les problèmes logistiques qu'entraîne la constitution de comités dans tous les coins du pays pour entendre quatre ou cinq cas par jour. Il ne faut pas beaucoup d'imagination pour déterminer combien de mémoires écrits on pourrait examiner en une seule journée. Encore une fois, nous ne cherchons pas à dire que les délais d'exécution et l'efficience passent avant tout le reste, mais nous savons, par expérience, que le taux d'approbation des demandes est très élevé lorsqu'on a recours à cette méthode. Nous essayons d'analyser la question de façon globale.

La Légion soutient qu'il ne faut pas compromettre l'intégrité du système, et je comprends son point de vue. Toutefois, à mon avis, les délais d'exécution n'ont pas constitué une priorité majeure lorsque le projet de loi C-67 a été adopté.

On pourrait, relativement à cette recommandation particulière, adopter une procédure provisoire hybride, c'est-à-dire qu'un mémoire écrit pourrait être déposé et que, au sein de la structure du tribunal, on pourrait tenir une conférence préparatoire ou une révision provisoire. Dans l'hypothèse où le mémoire écrit soulèverait des questions, le demandeur ou son représentant pourrait être consulté, ce qui lui donnerait la possibilité de clarifier la situation ou, au besoin, d'exiger la tenue d'une audience orale. Dans les cas où le comité se dit d'avis que le mémoire écrit ne décrit pas de façon assez étoffée la demande, on disposerait ainsi d'une forme de garantie.

À notre avis, monsieur le président, il est vital que nous ne revenions pas aux lacunes de l'ancien système, où on permettait l'accumulation d'un arriéré en raison d'obstacles liés à la procédure et aux attitudes, et des déficiences inhérentes au système. Nous devons revenir à une hypothèse de base. Le Bureau de services juridiques des pensions et tous les représentants défendant des dossiers au stade des révisions et des appels doivent être prêts à reconnaître qu'on devrait déployer des efforts conjoints pour réaliser les objectifs souhaités du projet de loi C-67.

Nous devons tenir compte du fait que l'ancien combattant moyen voit le système comme une procédure collective et que, souvent, il est incapable de discerner l'effet qu'a chaque composante individuelle sur le temps nécessaire à l'obtention d'une décision appropriée ou du résultat d'un appel. À notre avis, on doit en tout temps se rappeler que ce sont les intérêts d'un corps vieillissant d'anciens combattants qui ont la priorité et que, à l'égard de leurs demandes de pension, la prise de décisions rapide et efficiente doit demeurer à l'avant-plan.

À la page 8 de notre mémoire, nous formulons une longue recommandation concernant le Bureau. Nous proposons que le ministère prépare, à l'intention du ministre des Anciens combattants, avec copie envoyée au président du sous-comité du Sénat, un rapport portant sur les relations entre le Bureau de services juridiques des pensions et le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) à propos des délais d'exécution, de même qu'une évaluation de la politique de règlement des cas actuellement mise en oeuvre par le tribunal.

On recommande de plus que le sous-comité, afin de corriger le problème des délais d'exécution concernant le dépôt et la présentation de révisions et d'appels devant le tribunal, réfléchisse aux propositions suivantes: a) les représentants devraient être tenus de recourir plus souvent qu'aujourd'hui aux mémoires écrits, par opposition au recours aux audiences en personne; b) les représentants devraient être tenus de faire la preuve qu'une audience en personne s'impose, par opposition au recours à un mémoire écrit, à telle enseigne que les audiences en personne constitueront non plus une règle, mais bien l'exception; c) on devrait imposer une limite au délai pouvant s'écouler entre le moment où des représentants présentent une demande de révision ou d'appel et celui où ils sont prêts à défendre un dossier devant le tribunal; et d) le tribunal devrait, dans des circonstances extraordinaires, faire appel à ses pouvoirs discrétionnaires pour prolonger la limite de temps imposée aux représentants.

On pourrait soutenir que les limites de temps semblent quelque peu rigides et qu'elles sont imposées dans l'intérêt des anciens combattants. Vous devez d'abord vous rappeler ce que Mme Lavell a dit au sujet du temps dont a besoin le Bureau d'assistance des Amputés de guerre du Canada pour préparer un appel. Plus important encore, si je travaille pour le Bureau de services juridiques des pensions et que j'essaie d'établir si la demande de révision ou d'appel est fondée, je rassemblerai mes preuves avant de porter une décision en appel.

Je sais qu'on ne procède pas comme cela aujourd'hui. Souvent, les décisions sont portées en appel immédiatement. À mon avis, il faudrait réduire le délai qui s'écoule entre le moment où je décide qu'une demande est susceptible d'appel et le moment où je suis prêt à défendre un dossier devant le tribunal. Nous estimons que la politique de règlement des cas du tribunal est valable.

J'aimerais dire quelques mots à ce sujet, monsieur le président, en guise de conclusion. D'après des données récentes qui nous sont parvenues du ministère, nous croyons comprendre que des mesures préliminaires ont été prises pour que le bureau s'engage à respecter un délai d'exécution de quatre mois entre la date à laquelle une révision est inscrite au rôle et la date de l'audience, et de trois mois entre la date où un appel est inscrit au rôle et la date de l'audience.

Les chiffres qui figurent entre parenthèses indiquent qu'il y a une certaine confusion entourant cette question. Vous allez peut-être mieux comprendre plus tard cette semaine. Nous croyons comprendre que le bureau et le tribunal tentent présentement de trouver un compromis pour que le délai entre la date à laquelle un appel est inscrit au rôle et la date de l'audience soit fixé à trois mois. Le tribunal s'est engagé à faire en sorte que l'appel soit entendu dans le mois qui suit.

Il s'agit d'une nette amélioration par rapport à l'ancien régime. Au niveau des appels, cela voudrait dire que l'analyse prendrait trois mois.

En outre, monsieur le président, nous trouvons un certain réconfort dans le fait que le bureau s'emploiera à accroître de façon considérable le nombre de demandes présentées au niveau des appels et que, sur le plan de la procédure, des mesures seront adoptées pour faire en sorte que toutes les demandes vieilles de plus de six mois soient entendues ou inscrites au rôle au printemps de 1997.

De plus, tous les dossiers présentés avant le 15 septembre 1995, au niveau des révisions ou des appels, seront entendus ou inscrits au rôle en janvier 1997, et le tribunal s'est engagé à réduire de un mois le délai entre la présentation et la prise d'une décision, ce qui, en cet égard, permettra de raccourcir les délais d'exécution.

Mme Lavell: Concernant les mémoires écrits, comme je l'ai déjà mentionné, nous nous occupons surtout des allocations d'incapacité exceptionnelle, des allocations pour soins et des hausses demandées aux allocations spéciales. Le comité devrait être conscient du fait que, même si in mémoire écrit est déposé, des problèmes peuvent surgir lorsque l'arbitre examine la demande. Il se peut que les renseignements soient incomplets ou que, pour une raison ou une autre, il ne puisse prendre une décision. J'ai reçu plusieurs appels d'arbitres qui étaient à Charlottetown et qui voulaient des précisions parce que le mémoire écrit n'était pas très clair. Cela se produit très souvent. Il est plutôt agréable de pouvoir parler aux arbitres. Plutôt que de rejeter une demande, ils font l'effort de trouver les renseignements qui manquent. C'est une très bonne façon de procéder.

Le président: Lorsque vous utilisez le mot «arbitre», vous faites allusion à la première demande?

Mme Lavell: Oui.

Le président: Cette démarche peut sans doute contribuer à réduire le nombre d'appels.

Mme Lavell: Oui. Cela s'applique également aux demandes de révision, quand de nouveaux renseignements viennent étayer un dossier.

M. Forbes: Sur ce point, et je ne cherche pas à en minimiser l'importance, l'ancien combattant dont la première demande est rejetée n'est pas obligé d'en appeler immédiatement en vertu de la loi. Il peut demander une révision. Lorsque nous avons jeté un coup d'oeil sur l'article 82 de la loi, qui traite des examens ministériels, nous nous sommes demandés si cette mesure serait vraiment efficace, étant donné que les motifs pouvant être invoqués pour un tel examen semblaient assez restrictifs. Or, on a eu grandement recours à cette disposition. Le ministère nous encourage à l'utiliser au premier palier.

Comme vous le savez, les statistiques à ce sujet sont très positives, puisque 68 p. 100 des anciens combattants qui choisissent cette démarche obtiennent gain de cause. En toute honnêteté, cette étape, avant l'appel au tribunal, serait d'une grande utilité si une certaine coordination pouvait être assurée entre le bureau et le ministère. En fait, le bureau n'est pas nécessairement obligé d'intervenir à cette étape.

Le Conseil national a proposé des modifications législatives lors de son assemblée générale annuelle. J'aimerais aborder certaines d'entre elles. Vous trouverez dans notre mémoire la liste complète des recommandations en question.

Il y a deux recommandations qui nous intéressent au plus haut point. La première concerne la marine marchande. Tout comme l'affirmait la Légion, des améliorations ont été apportées au régime suite à l'adoption de la nouvelle loi, en 1992, pour ce qui est des pensions versées aux anciens combattants de la marine marchande.

Nous aimerions mettre l'accent sur la deuxième recommandation du Conseil national. En plus de proposer que la loi visant les anciens combattants de la marine marchande soit modifiée de manière à la rendre conforme aux dispositions de la Loi sur les pensions et de la Loi sur les allocations aux anciens combattants, le Conseil demande que le gouvernement verse une somme forfaitaire aux civils et aux anciens combattants de la marine marchande visés par la Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchandes et les civils en compensation des avantages relatifs à la charte des anciens combattants dont ils n'ont pas bénéficié au même titre que les anciens combattants des forces armées; que la somme en question ne puisse en aucun cas être inférieure à 5 000 dollars si la personne a servi pendant une période d'au moins six mois; et, de plus, que la somme forfaitaire soit établie en fonction de la durée du service.

Nous ferons quelques commentaires à ce sujet dans un instant. Nous pourrions peut-être aborder maintenant la question de l'indemnité de prisonnier de guerre. Certains aspects nous inquiètent sérieusement au Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada.

Tout d'abord, nous proposons que les indemnités versées aux prisonniers de guerre soient considérées comme imputables à une «invalidité» même si un diagnostic médical ne confirme pas nécessairement cet état de fait; deuxièmement, que la Loi sur les pensions soit modifiée de manière à ce que l'on tienne compte de l'indemnité prévue pour les anciens combattants à l'article 71 et qu'on l'applique dans tous les articles pertinents de la Loi sur les pensions notamment en ce qui concerne l'allocation pour soins, les frais de maladie et d'enterrement et l'allocation d'incapacité exceptionnelle; et troisièmement, que les indemnités versées aux prisonniers de guerre soient considérées comme «liées à la guerre» en ce qui concerne le Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants de manière à ce que le bénéficiaire d'une compensation pour prisonnier de guerre ait droit à des prestations de santé, à des soins de longue durée dans un établissement du ministère ou à un lit retenu par contrat.

Nous avons également formulé des recommandations concernant la modification des taux des indemnités pour prisonnier de guerre. Il s'agit des points 4 à 6 de notre mémoire.

J'aimerais passer à la page 11 de notre mémoire car nous n'avons pas l'intention de lire les recommandations 6 à 12. Nous aimerions qu'elles soient déposées auprès du comité. Ce sont des recommandations importantes, mais aujourd'hui l'accent porte sur le projet de loi C-67. Nous ne voulions toutefois pas laisser passer cette occasion de vous présenter ces recommandations.

J'aimerais passer maintenant à la Loi sur la marine marchande. Il est à notre avis tragique que le gouvernement canadien ne reconnaisse pas l'extraordinaire contribution des marins marchands canadiens, immédiatement après la Deuxième Guerre mondiale. L'histoire est bien connue: le gouvernement de l'époque -- et présume-t-on, les fonctionnaires qui avaient pour tâche de prodiguer des conseils au gouvernement -- n'ont pas reconnu les difficultés et les dangers extraordinaires que représentait, pendant la Deuxième Guerre mondiale, le service dans la marine marchande.

De même, on s'est livré à une désinformation considérable en ce qui concerne les modalités du service et la rémunération. En ce qui concerne le premier aspect, il ne fait aucun doute que les marins marchands étaient tenus de mettre leur vie en danger en vertu du contrat qui les liait au gouvernement canadien. Même s'il est vrai que, dans certains cas, la rémunération a pu être légèrement supérieure à celle dont bénéficiait, par exemple, le simple soldat, l'écart n'est certainement pas suffisant pour justifier le fait qu'on refuse aux anciens combattants de la marine marchande le statut d'ancien combattant à part entière et les avantages qui s'y rattachent.

Il est vrai que la situation a été quelque peu améliorée à la suite des modifications apportées le 1er juillet 1992 à la Loi sur la marine marchande. Cette importante anomalie est toutefois facile à comprendre. La loi ne prévoit aucune disposition permettant de remédier au fait que les indemnisations ne correspondent pas à celles qui sont prévues pour les anciens combattants des forces militaires régulières. Cela est particulièrement vrai à propos de certaines indemnités. Nous avons reproduit aux pages 12 et 13 une liste d'exemples de types d'indemnités offertes aux anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale qui n'étaient pas offertes aux marins marchands et c'est un aspect sur lequel nous aimerions insister.

Le président: Monsieur Forbes, comme le temps passe vite, pourrions-nous présenter une motion pour que le reste de votre mémoire soit annexé à notre procès-verbal? Vous pourriez ensuite souligner rapidement les aspects les plus importants.

M. Forbes: Oui.

Le président: Pourrais-je avoir une motion en ce sens?

Le sénateur Jessiman: Je présente une motion en ce sens.

Le président: Adoptée.

(Le texte du document se trouve à l'annexe, p. )

M. Forbes: Je le ferai avec plaisir. En ce qui concerne les marins marchands, nous aimerions, en conclusion, recommander vivement qu'on envisage de leur verser la somme forfaitaire dont nous avons parlé pour les indemnités qu'ils n'ont jamais reçues. C'est la recommandation que formule notre conseil en ce qui concerne les marins marchands.

Le sénateur Cohen: Que se passe-t-il dans le cas du conjoint survivant d'un marin marchand décédé?

M. Forbes: C'est une très bonne question. Je devrai l'examiner dans le cadre de la loi. Le conjoint aurait certainement été un bénéficiaire si la loi avait existé à l'époque.

C'est un problème courant en ce qui concerne beaucoup des avantages des anciens combattants et cela en est un autre exemple.

Dans notre mémoire, nous indiquons que les lois concernant les indemnités de prisonniers de guerre comportent une grande lacune, à savoir que les indemnité des prisonniers de guerre ne constituent pas une pension d'invalidité en vertu de la Loi sur la pension donnant droit à tous les autres avantages prévus. Donc, selon la loi, ces indemnités ne donnent pas droit à une allocation de soins, ni à une allocation d'incapacité exceptionnelle. En fait, elles ne constituent pas un préalable aux fins de certains avantages.

L'histoire nous indique que la disposition qui a finalement été adoptée en 1971 était fondée sur des invalidités indéterminées -- c'est-à-dire sur des invalidités qui existaient bel et bien -- et cet aspect n'a toujours pas été inscrit dans la Loi sur les pensions. Nous préconisons fortement que les dispositions législatives sur les indemnités de prisonniers de guerre soient modifiées pour que ces indemnités leur ouvrent droit à tous les avantages qui se rattachent à une pension d'invalidité.

Cliff Chadderton a consacré une grande partie de sa vie à s'occuper de la cause des anciens combattants de Hong Kong, comme je l'ai fait. Toute cette histoire indique à quel point on a tardé à reconnaître les avantages auxquels avaient droit les prisonniers de guerre et à quel point ce phénomène était généralisé. C'est un autre exemple de la façon dont cet aspect s'inscrit dans la Loi sur les pensions.

Je demanderai à Mme Chisholm de prendre brièvement la parole. Vous voudrez peut-être vous servir du sommaire sur le syndrome de la guerre du Golfe. Cela mettra fin à notre présentation.

Mme Danita Chisholm, directrice des communications, Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada: Au cours de l'assemblée générale annuelle de notre conseil le 31 octobre, une recommandation a été approuvée concernant le syndrome de la guerre du Golfe et les anciens combattants de la guerre du Golfe. Nous aimerions vous présenter cette recommandation aujourd'hui. En raison des contraintes de temps, je serai brève.

Environ 4 500 militaires canadiens ont servi dans la zone de service spécial connu sous le nom de guerre du Golfe. Selon nos informations, environ 350 de ces militaires ont présenté ou présenteront au ministère des Anciens combattants des demandes de pension liées au service dans la région.

Il semble que les responsables des pensions tentent de régler ces cas de manière rapide et généreuse. Selon nos enquêtes, on se heurte toutefois à certaines difficultés, car on a du mal à faire le lien entre les invalidités et le type de troubles observés pendant la guerre du Golfe. On semble toutefois posséder suffisamment d'information pour établir l'existence d'un syndrome de la guerre du Golfe.

Un comité d'étude spécial relevant du ministre de la Défense nationale a été constitué, mais comme il est difficile de définir une cause et un effet précis des invalidités qui se manifestent chez les anciens combattants de la guerre du Golfe, cela nécessitera sans doute de nombreuses années d'étude et pourrait en fait s'avérer une tâche impossible.

Jusqu'à présent, des études ont été faites surtout aux États-Unis. Au Canada, une étude commandée par le MDN a été effectuée par le docteur A.B. Miller de l'Université de Toronto et publiée le 23 janvier 1996.

Notre mémoire renferme un extrait assez long de son rapport. J'en soulignerai les principaux éléments. Il a fait remarquer qu'on n'avait pas encore défini un ensemble unique de symptômes entraînant un syndrome particulier de la guerre du Golfe. Il s'agit plutôt d'une série de diagnostics, certains dont les causes sont connues et pour lesquelles il existe des traitements, tandis que de nombreux autres font partie d'un ensemble de symptômes dont les appellations diffèrent mais les caractéristiques se recoupent.

Toujours selon le docteur Miller, il est fort probable que la majorité des symptômes désignés sont effectivement réels même s'il est impossible de déterminer dans quelle mesure on peut avoir affaire à divers effets non spécifiques ou exacerbants.

Il indique par ailleurs qu'il sera impossible de tirer des conclusions définitives avant plusieurs années et que, même si de nombreuses recherches sont en cours aux États-Unis et les autorités du Royaume-Uni sont disposées à attendre les résultats de ces recherches, il ne croit pas qu'il s'agisse d'une option appropriée pour le Canada. Selon lui, il sera difficile d'effectuer aux États-Unis les recherches épidémiologiques de base nécessaires. De toute façon, il ne serait pas forcément possible d'en transposer directement les résultats au Canada.

Nous nous servons comme précédent de la situation des anciens combattants canadiens de Hong Kong. Ils se sont trouvés dans une situation similaire. Les problèmes médicaux découlant de l'incarcération des prisonniers de guerre au Japon étaient pour l'essentiel inconnus étant donné la rareté des données concernant les facteurs de morbidité en Extrême-Orient. Par ailleurs, nombre des symptômes observés ne sont pas apparus immédiatement après la démobilisation. Ce retard dans les traitements a entraîné de graves effets secondaires et des conséquences les années suivantes.

En tout, il a fallu attendre 25 ans pour qu'une disposition soit adoptée, leur accordant 50 p. 100 de la pension de base.

D'après l'expérience des États-Unis, il semble évident qu'il faudra de nombreuses années pour établir un lien direct entre des études épidémiologiques et les symptômes que présentent aujourd'hui les anciens combattants de la guerre du Golfe. C'est pourquoi nous recommandons que le sous-comité demande au ministre de se pencher sur les propositions suivantes. Premièrement, que tous les militaires canadiens répondant au critère de base en ayant servi dans la zone de service spécial de la guerre du Golfe aient droit à une indemnité de base de 5 p. 100 en vertu de la Loi sur les pensions, à condition qu'on ait fait la preuve de l'existence d'une invalidité acceptable. Deuxièmement, que de tels pensionnés aient droit à tous les avantages prévus dans la Loi sur les pensions, y compris ceux qui s'appliquent aux personnes à charge. Troisièmement, qu'aucune tentative ne soit faite pour quantifier le pourcentage en fonction de rapports médicaux portant sur la gravité de l'invalidité ou la durée du service dans la région du Golfe. Quatrièmement, que les décisions concernant les invalidités traditionnellement reconnues continuent d'être prises conformément à l'article 21 de la Loi sur les pensions. Le cas échéant, la pension devrait être séparée et distincte de la pension de 5 p. 100 prévue.

L'un des avantages de la proposition concerne le traitement médical. En vertu des dispositions actuelles, un ancien combattant de la guerre du Golfe n'aurait droit à un traitement médical qu'une fois établi ce que, en vertu de la Loi sur les pensions, on appelle le droit à pension. Cette recommandation leur permettrait d'avoir un pied dans la porte en leur accordant une pension de 5 p. 100.

Je terminerai simplement par une mise à jour. Le 7 janvier 1997, le comité consultatif présidentiel américain a présenté son rapport. Les auteurs critiquent qu'on ait tant tardé à tirer des conclusions de l'expérience de la guerre du Golfe mais concluent que jusqu'à présent, on n'a recueilli aucune preuve établissant l'existence d'un lien entre le service dans la région du Golfe et les maux dont se plaignent les soldats américains. Les auteurs du rapport semblent confirmer nos dires, à savoir qu'il existe à coup sûr des symptômes pouvant être définis. De plus, on croit maintenant savoir que d'autres études seront menées. Nous sommes d'avis qu'il ne faut pas attendre, les maladies concernées ne pouvant que s'aggraver avec le temps.

J'aimerais terminer en citant un extrait d'un article du Washington Post publié le lendemain de la parution du rapport:

(B4) Le président Clinton a déclaré hier qu'il pourrait appuyer une modification des règles concernant l'invalidité pour les anciens combattants de la guerre du Golfe afin de permettre à un plus grand nombre d'entre eux de toucher des prestations d'invalidité pour des «maladies non diagnostiquées».

M. Forbes: Voilà qui met fin à notre présentation, monsieur le président.

Le président: Puisque nous parlons du syndrome de la guerre du Golfe, vous avez sans doute entendu les auteurs du mémoire de la Légion dire que M. Nicholson avait indiqué dans une lettre que le projet de loi omnibus apporterait des changements de forme mais ne pourrait pas inclure de dispositions susceptibles d'entraîner une forte augmentation des dépenses.

Ne serait-il pas possible d'envisager comme autre option le recours à l'article concernant les allocations de commisération, déjà prévu par la loi. Cet article a déjà été invoqué dans des cas très graves comme la maladie de Lou Gehrig, pour permettre aux gens de recevoir un traitement en bonne et due forme. Cette disposition permet d'accorder à ces personnes une compensation immédiate jusqu'à ce qu'on détermine la cause de leur maladie.

M. Forbes: Monsieur le président, j'estime qu'il s'agit d'une idée éclairée compte tenu du contexte. Ma seule préoccupation, c'est que les prestations de traitement ne découlent pas généralement d'une allocation de commisération en vertu de la Loi sur les pensions. Cela pourrait faire partie d'un amendement que vous pourriez proposer.

Comme vous le savez, l'allocation de commisération a un statut unique en vertu de la loi. Je ne crois pas me tromper en disant qu'il existe un problème en ce qui concerne les prestations de traitement qui découlent de ce type d'allocation. C'est la raison pour laquelle Cliff Chadderton et le conseil ont proposé une pension de 5 p. 100, ce qui ne serait pas tellement coûteux si M. Nicholson s'inquiète des coûts que pourrait entraîner une telle recommandation.

L'important, c'est que les anciens combattants reçoivent les prestations de traitement qui correspondent aux maux dont ils souffrent. La définition est difficile. Ces maux ne sont pas diagnostiqués, sont mal définis et nous rappellent la situation des anciens combattants de Hong Kong, qui ont été privés de pension pendant 25 ans parce que personne ne savait vraiment de quoi ils souffraient. Cliff Chadderton considère que nous n'avons pas le temps de faire subir à ces anciens combattants un processus et une analyse qui dureront des années et que d'ailleurs, cela ne serait pas juste envers eux.

J'estime que votre idée a du mérite. Il s'agit de déterminer si nous pouvons la fignoler pour que l'allocation de commisération donne droit également à certaines prestations.

Le président: Nous pourrions peut-être obtenir une entente du ministère pour que cette allocation donne droit à des prestations sans qu'il soit nécessaire d'apporter d'amendement.

M. Forbes: Oui.

Le président: Je voulais vous interroger à propos de la protection prévue pour les réservistes. Bien des militaires qui ont servi dans la zone de la guerre du Golfe étaient des réservistes. J'ai un peu de difficulté à comprendre le traitement auquel ils sont admissibles. Je crois comprendre qu'il existe un écart considérable entre le traitement offert à un réserviste et celui offert à un membre des forces permanentes.

M. Forbes: Monsieur le président, lors de la réunion du conseil qui a eu lieu à Toronto en octobre 1996, nous avions un représentant des réservistes qui a participé à la guerre du Golfe. Nous avons un document qui pourrait vous intéresser où on traite de toute cette question. Les réservistes estiment qu'il existe une lacune dans la Loi sur les pensions et qu'ils ne sont pas traités équitablement. Votre question est bonne. Le conseil a convenu de s'occuper de cette question et d'y donner suite avec le ministère.

Le président: Vous pourriez peut-être avoir l'amabilité d'envoyer aux membres du comité un exemplaire de ce document.

M. Forbes: Nous n'y manquerons pas.

Le sénateur Jessiman: En ce qui concerne la demande de première instance, y a-t-il une transcription de la preuve ou suffit-il de comparaître devant la personne qui travaille pour le gouvernement?

M. Forbes: Tout est fait à l'interne, effectivement.

Le sénateur Jessiman: À l'instance de révision, les preuves sont-elles transcrites?

M. Forbes: Elles l'étaient sénateur. Je crois qu'elles ne le sont plus.

Le sénateur Jessiman: Et au niveau de l'appel?

M. Forbes: Je ne crois pas qu'il y ait une transcription à ce palier non plus à moins qu'une demande expresse ait été présentée en ce sens.

Le sénateur Jessiman: Vous proposez simplement que la preuve soit mise par écrit. C'est un peu comme un procès de novo en droit. Même si l'on commence à partir de là et qu'on présente de nouvelles preuves ou quoi que ce soit, l'important est de les mettre par écrit. Il serait peut-être préférable de tout mettre par écrit.

M. Forbes: Laissez-moi vous donner un exemple précis qui illustre pourquoi, à notre avis, cela serait plus efficace. Lors de l'audience orale, la présentation est limitée à 20 minutes. En plus de la preuve présentée de vive voix par l'ancien combattant, un témoin peut être présent. Il faut alors présenter ses arguments de vive voix.

En tant qu'avocat-conseil ayant une certaine expérience, je préférerais qu'on me donne la possibilité de présenter un mémoire écrit qui me permettrait d'inclure tous les commentaires de l'ancien combattant et les preuves présentées par la famille, puis de présenter mes arguments juridiques au comité de révision et au tribunal d'appel.

Ma réponse à votre question est oui, je crois que cela améliorerait les chances de succès. Je respecte ce que M. Annis a dit en ce qui concerne la méthode du face-à-face mais dans ce genre de situation, certains anciens combattants risquent de perdre leurs moyens.

Le sénateur Jessiman: Y a-t-il suffisamment d'antécédents et d'exemples pour appuyer cette approche?

M. Forges: Laissez-moi vous donner le point de vue du Bureau national des services aux Amputés de guerre. Environ 99 p. 100 des demandes sont faites par écrit. Nous nous occupons des allocations de soins, des allocations d'incapacité exceptionnelle et des réclamations indirectes de la plupart des anciens combattants lourdement handicapés, qu'il s'agisse d'amputés de guerre, d'anciens combattants de Hong Kong ou d'autres catégories. La demande faite par écrit est beaucoup plus efficace à notre avis.

Le sénateur Jessiman: Je m'inquiète de ce que les personnes qui siègent aux comités de révision et d'appel appartiennent en fait au même groupe. Et même s'ils font actuellement partie du même groupe, y en a-t-il un certain nombre qui s'occupent des révisions et un autre nombre qui se chargent des appels, ou s'occupent-ils des deux à la fois. M. Smith peut, par exemple, siéger une journée à titre d'agent de révision et, le jour suivant, s'occuper des appels?

M. Forbes: Je crois qu'ils siègent aux uns et aux autres et qu'il y a des avantages, estime-t-on, à ce qu'il en soit ainsi puisque cela permet de créer davantage de comités. Quant au Tribunal des anciens combattants (révision et appel), il a pour politique de ne pas permettre aux membres de siéger lorsqu'il s'agit de leurs propres révisions.

Le sénateur Jessiman: Cependant, ils siègent à d'autres comités. Si je siège avec vous aujourd'hui à un comité de révision, il se peut que demain vous siégiez pour entendre un de mes appels et je pourrais siéger à mon tout pour un de vos appels.

M. Forbes: Pour être juste avec la position de la Légion, celle-ci parlait de réexamen, bien sûr, aux termes de cet article 23 ou 32, où en fait les mêmes membres revoient leurs propres décisions à l'étape du réexamen. Je crois que nous pouvons appuyer la Légion, vu qu'il y a là certains sujets d'inquiétude. Cependant, simplement pour vous donner une idée générale de la situation, l'ancien combattant peut s'y reprendre à six fois. Au premier niveau, il y a la demande. Vient ensuite l'examen par le ministre aux termes de l'article 82. Un comité de révision intervient ensuite et il y a une possibilité de réexamen. Il y a un appel.

Le sénateur Jessiman: Qui procède au réexamen?

M. Forbes: Le même comité.

Le sénateur Jessiman: Cependant, la Légion demande que le comité ne soit pas composé par les mêmes membres?

M. Forbes: Oui, surtout lorsqu'il s'agit de points de droit, et je peux y voir une certaine utilité vu que l'on essaie d'obtenir d'une personne à l'esprit plus ouvert qu'elle réexamine le cas. Étant donné tous les appels et tous les réexamens, nous devons prendre garde de ne pas créer un nouvel arriéré, tous ces droits étant exercés jusqu'au point où nous n'avons aucun contrôle. Même si nous partageons l'inquiétude de la Légion, je crois qu'elle serait d'accord pour dire qu'il faut imposer une limite aux genres de réexamen qui peuvent être accordés. Ce que nous disons, c'est qu'en vertu de ce nouveau système l'ancien combattant a un certain nombre de chances pour présenter ses arguments.

Le sénateur Cohen: Je voulais vous demander ce que vous pensez de la recommandation de la Légion en ce qui a trait à une vice-présidence. Après avoir écouté vos exposés, j'ai l'impression que Mme Lavell assume au sein de votre conseil les fonctions qu'exerçait le vice-président, selon la Légion. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Forbes: Je crois que nous pourrions réagir en disant qu'un vice-président ou une vice-présidente serait d'une grande utilité au président actuel que nous connaissons bien et qui fait un excellent travail. Je crois qu'il aimerait de temps à autre déléguer une partie de ses tâches administratives à quelqu'un d'autre. Nous sommes bien sûr au courant de ce qui s'est passé au conseil lorsqu'il y avait un poste de vice-président. Le conseil de révision des pensions a eu un poste de ce genre pendant des années. Je devrais m'en remettre à la Légion sur ce point. Nous n'avons pas formulé d'opinion dans un sens ou dans l'autre, mais je comprends leur position.

Le sénateur Cohen: Nous nous rendons à Charlottetown, comme vous le savez, pour discuter de la révision des décisions. Compte tenu de votre visite et de votre expérience des 18 derniers mois, y a-t-il des questions que vous aimeriez que nous posions?

M. Forbes: Je vous proposerais d'en poser dans le domaine que nous n'avons pas abordé dans notre mémoire. Ce n'est pas que cela pose un problème particulier présentement, mais c'est toujours un sujet d'inquiétude sous le régime de cette loi.

Par le passé, la Commission canadienne des pensions a établi des lignes directrices, le barème des invalidités et, pour ainsi dire, la façon de procéder en ce qui a trait aux cas particuliers. Il s'agit maintenant d'une responsabilité ministérielle. Nous sommes très vigilants en ce qui a trait aux politiques, aux lignes directrices et aux barèmes. Si l'on commence à réviser ces choses, cela aura plus de répercussions sur les réclamations individuelles que n'importe quelle modification législative, étant donné la très grande importance que revêtent ces politiques et ces règlements. Je n'ai rien à signaler de particulier aujourd'hui mais c'est un domaine que nous surveillons de près. Je suis convaincu que la Légion et d'autres associations d'anciens combattants le font également vu qu'un tout petit changement de fond peut avoir plus de répercussions qu'un changement apporté par n'importe quel autre moyen.

Le sénateur Jessiman: Au cours des 10 derniers mois, des demandeurs se sont-ils plaints du fait qu'ils n'avaient pu recourir aux services du bureau?

M. Forbes: Je ne crois pas que nous ayons eu de plainte du genre.

Le sénateur Jessiman: Avez-vous eu recours aux avocats avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi?

M. Forbes: Voulez devez vous rappeler que nous venons ici en portant deux ou trois chapeaux. Le Bureau des services aux amputés de guerre ne s'occupe que d'une infime partie des réclamations adressées au Conseil national des associations d'anciens combattants de sorte que les représentants du Conseil national, qui établissent le bien-fondé d'une cause, devraient recourir aux agents de pension et ne pas avoir accès au bureau.

Le sénateur Jessiman: Vous y aviez accès auparavant. Trouvez-vous que cela complique les choses?

M. Forbes: C'est un domaine où nous pourrions différer légèrement d'opinion par rapport à la Légion. Comme nous vous l'avons dit en juin 1995, nous estimons qu'au premier niveau de la demande, les ressources juridiques ne sont pas nécessaires. C'est la position qu'avait défendue Cliff Chadderton, et c'est la nôtre pour ce qui est du premier niveau. Des agents parajuridiques travaillent dans le domaine à l'heure actuelle. Il s'agit de personnes qui ont l'habitude de recueillir de l'information et d'obtenir des rapports médicaux. Il s'agit plus de ce genre de fonctions. J'hésiterais à dire que des points de droit sont soulevés dans beaucoup de cas au premier palier. Ils le sont plutôt aux niveaux de la révision et de l'appel.

Le sénateur Jessiman: Avant l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi, même si cela n'était pas nécessaire, y avait-on toujours recours?

M. Forbes: Oui. Les gens du conseil national y recouraient.

Le sénateur Jessiman: Quant au nombre limité de demandes dont vous vous occupez, cela n'a pas eu d'effets néfastes. Vous n'avez pas eu de demandes qui ont été rejetées ou on n'a pas considéré qu'elles n'avaient pas été bien préparées? Considérez-vous que vous les préparez aussi bien qu'auparavant, du moins au premier niveau?

M. Forbes: Je devrais dire oui mais je vous dirais aussi que les mesures de protection prévues au sein du système doivent être surveillées de très près. J'entends par là que si je perds une affaire au premier palier, il faut alors -- et je crois que M. Rycroft l'a bien fait ressortir -- que je sois très vigilant pour ce qui est de la suite des événements. Est-ce que cette personne a suffisamment d'information pour savoir qu'elle peut s'adresser au bureau et faire réexaminer son cas ou interjeter appel? Est-ce que cette personne a suffisamment d'information pour savoir qu'elle peut demander une révision ministérielle en vertu de l'article 82? Je crois qu'il faut surveiller cela de très près si l'on ne veut pas qu'un ancien combattant négligent ses possibilités de recours et d'appel. Je sais que nous avons signalé la chose au ministère et, je le répète, je crois qu'on ne saurait trop insister là-dessus. C'est un sujet de grande inquiétude.

Le sénateur Jessiman: J'aurais cru qu'on pourrait remettre au demandeur dont la cause a été rejetée par le ministère un document précisant ses droits.

M. Forbes: Ils ont un document de ce genre, sénateur.

Le sénateur Jessiman: Le problème, c'est de le faire lire par les anciens combattants.

M. Forbes: C'est exact. Disposer d'un document, c'est une chose et vous faire expliquer ce que vous pouvez faire en est une autre.

Le président: J'aimerais me reporter à vos recommandations concernant le Bureau des services juridiques des pensions. Je crois que vous lisiez dans mes pensées lorsque vous avez dit que le traitement rapide des demandes devient sans doute l'élément primordial. J'ai aussi l'impression que le traitement rapide des demandes a maintenant préséance sur la qualité. Dans les cas où j'ai collaboré avec le Bureau des services juridiques des pensions, on a remonté aux registres régimentaires. Un grand nombre de régiments sont maintenant des unités de la réserve qui recourent essentiellement à des volontaires pour recueillir l'information dans un registre. Cela complique beaucoup les choses et exige beaucoup de temps. Cela pourrait prendre ensuite de quatre à six mois pour obtenir le rapport du spécialiste.

M. Forbes: Tout à fait.

Le président: J'ai travaillé sur des cas où le demandeur avait vu le spécialiste qui ne semblait toutefois n'en faire qu'à sa tête et refusait de se mettre en rapport avec l'ACC. Votre recommandation à cet égard m'inquiète. Cependant, j'aimerais ajouter que je regrette que M. Chadderton ne soit pas ici vu que nous nous sommes toujours entendus tous les deux sur l'avis médical.

M. Forbes: Je me souviens de ces échanges qui remontent à plusieurs années, sénateur.

Je dirais simplement ceci à ce sujet. Il y a en effet des cas où il faut pas mal de temps pour obtenir le rapport du médecin ou du spécialiste, ou pour vraiment parfaire l'appel. C'est la raison pour laquelle nous avons ajouté à notre liste de recommandations que le tribunal ait le pouvoir de prolonger le délai d'exécution. Je crois que ce ne serait que juste et raisonnable dans les circonstances dont vous avez parlé. Nous ne voulons pas que le système soit draconien, mais je crois que tout le monde doit participer à un système comportant des délais d'exécution.

Je reviens à un autre point. Avant d'inscrire cette plainte au rôle du Bureau des services juridiques des pensions, j'aimerais bien avoir le rapport médical dont vous parlez. Après tout, pourquoi en appeler si je n'ai pas entre les mains le rapport médical qui donne plus de poids à mon cas? Je crois qu'il y a une procédure à suivre, mais je pense que ce que vous avez dit est très juste.

Le président: Si le délai entrait en ligne de compte après la réception de tous les rapports médicaux, je serais beaucoup plus heureux.

M. Forbes: Oui, je crois que c'est une observation juste.

Le président: Je ne crois pas que vous avez été très clair à cet égard. L'une des plaintes que j'ai reçues du ministère des Anciens combattants et du BSJP concerne l'accès à l'information provenant d'archives. Est-ce que cela vous pose un problème?

Mme Lavell: Non, mais nous ne nous occupons que d'un nombre limité de causes du conseil national. Nous offrons beaucoup plus en matière de services de conseil et de counselling. Lorsque nous nous occupions de cas particuliers pour les anciens combattants de Hong Kong, nous n'avions aucun problème.

M. Forbes: Pour être juste avec la recommandation de la Légion, il ne semble pas y avoir de raison de limiter l'accès. Je crois qu'il s'agit là d'une bonne proposition. En fait, je dis que si un ancien combattant autorise son représentant, qu'il s'agisse de la Légion, des Amputés de guerre du Canada ou qui sais-je encore, celui-ci devrait avoir un droit d'accès et cela devrait suffire. Il ne devrait pas y avoir de limites. Je suis surpris qu'il ne soit pas reconnu que l'autorité conférée par l'ancien combattant à son représentant devrait suffire.

Le président: Je vous remercie beaucoup de votre mémoire et des réponses détaillées que vous nous avez données. Je suis convaincu que nous les trouverons très utiles pour notre visite à Charlottetown et la rédaction de notre rapport sur la question.

La séance est levée.


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