Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Peuples autochtones
Fascicule 5 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 5 mai 1998
Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones qui a fait l'objet d'un renvoi concernant le projet de loi C-6, Loi constituant certains offices en vue de la mise en place d'un système unifié de gestion des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie et modifiant certaines lois en conséquence, se réunit ce jour à 9 h 05 afin de faire l'étude du projet de loi.
Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, le comité directeur s'est réuni le 28 avril et a accepté d'entendre 11 groupes qui souhaitent témoigner devant le comité au sujet de ce projet de loi. Nous siégerons également le 12 et le 26 mai. Nous n'avons pas encore établi l'heure de ces réunions. Est-ce que 9 heures vous conviendrait? Comme il n'y a qu'un seul groupe mardi prochain, nous pourrions commencer à 10 heures. Le vice-président ou quelqu'un d'autre devra présider les réunions, puisque je serai absent pendant plusieurs semaines à partir de demain. Je crois que vous avez une liste des groupes qui souhaitent se présenter devant le comité. Nous avons reçu un message du gouvernement territorial qui souhaite dépêcher un représentant pour témoigner devant le comité ou nous faire parvenir une lettre. Ils n'ont pas encore décidé.
Quelqu'un peut-il proposer une motion nous permettant d'entendre les témoins présents aujourd'hui?
Le sénateur Chalifoux: J'en fais la proposition.
Le sénateur St. Germain: Je l'appuie.
Le président: La motion est adoptée.
Nous allons maintenant entendre l'Alliance des métis de North Slave.
M. Clem Paul, président de l'Alliance des métis de North Slave: Bonjour sénateurs. Je remercie les membres du comité de me donner la possibilité de venir témoigner ce matin.
Je vous parle au nom des métis de la région de North Slave, dans les Territoires du Nord-Ouest. Les métis de North Slave sont des autochtones dont les liens avec la terre sont antérieurs à l'arrivée de la civilisation européenne. Grâce au commerce de la fourrure, les contacts sociaux et les mariages entre les autochtones de la région de North Slave et les gens de l'extérieur venus échanger des marchandises contre des fourrures ont joué un rôle important dans la formation de notre culture, contribuant ainsi à ce que nous sommes devenus aujourd'hui.
Les terres sur lesquelles nous vivions et sur lesquelles nous pratiquions la chasse, la pêche et le piégeage, font partie de ce que l'on appelle aujourd'hui la vallée du Mackenzie. Elles s'étendaient des rives sud du Grand lac des Esclaves vers le nord, jusqu'au Grand lac de l'Ours. Nous nous considérons comme des métis. Nous utilisons et occupons la région de North Slave depuis au moins 1921. Cette date est importante puisque nos ancêtres ont signé à l'époque le traité no 11 avec le gouvernement du Canada. Dans l'environnement politique actuel, les métis de North Slave se sont réunis dans l'Alliance des métis de North Slave.
J'ai parlé du traité no 11. Au XIXe siècle, nos ancêtres campaient sur les rives du Grand lac des Esclaves, dans une région qui fait maintenant partie de la ville de Yellowknife et un peu plus au nord, sur la rive nord du Grand lac des Esclaves. Lorsqu'a commencé la traite des fourrures, Old Fort Rae a été créé sur une presqu'île du bras nord du lac, à un endroit offrant une vue imprenable sur le plan d'eau. Old Fort Rae est devenu un lieu de rencontre pour les autochtones et les non-autochtones qui y venaient pour le commerce et les contacts sociaux. C'est là que vivaient les métis lorsqu'ils n'étaient pas dans le bois. Nos ancêtres voyageaient en canot sur les eaux parfois dangereuses du Grand lac des Esclaves pour échanger leurs fourrures contre des vêtements et le matériel de chasse, de pêche, de piégeage dont ils avaient besoin pour améliorer leur vie dans le bois.
Au bout de quelques années, le poste de traite a été déplacé plus au nord sur le lac. On l'appelait tout simplement Fort Rae. C'est là qu'au mois d'août 1921 des représentants du gouvernement sont venus pour signer un traité avec notre peuple.
Le commissaire H. A. Conroy relate de la manière suivante sa rencontre avec les autochtones:
À Fort Rae se trouve la plus grande bande d'Indiens, environ 800, dans cet endroit des plus inaccessibles, sur le bras du Grand lac des Esclaves. La traversée de ce lac est difficile, surtout à la fin de l'été et en automne, à cause des orages. Nous sommes nous-mêmes restés bloqués à Hay River pendant cinq jours avant de pouvoir traverser. Ces Indiens chassent un peu partout depuis le fort, certains s'éloignant jusqu'à 200 milles et ne revenant au poste qu'au printemps pour apporter leurs fourrures. Aussi, je propose qu'à l'avenir on s'arrête à ce poste en premier pour faire les paiements.
Je suis ici pour vous présenter les commentaires et les préoccupations du peuple métis de North Slave au sujet du projet de loi C-6. Ce projet de loi peut nous apporter beaucoup, mais il contient également de nombreuses lacunes faisant en sorte que les métis ne pourront pas bénéficier pleinement de cette nouvelle loi. Je vais résumer notre point de vue avant d'examiner plusieurs articles en détail.
Auparavant, j'aimerais vous donner un aperçu de l'histoire des métis dont la patrie traditionnelle est la région de North Slave. Depuis que le ministère des Affaires indiennes et du Nord s'occupe des autochtones, les métis sont désavantagés par rapport aux autochtones à qui la Loi sur les Indiens confère un statut spécial. Les droits des Indiens en vertu de ce statut sont administrés conformément aux politiques mises au point par le MAINC pour l'application de la loi. Les métis ne relèvent pas de la Loi sur les Indiens et n'ont par conséquent pas retenu l'attention du gouvernement fédéral.
Nous sommes des autochtones et la Charte nous donne actuellement la possibilité de faire définir et accepter nos droits, mais, jusqu'à présent, nous avons toujours été laissés pour compte. Le projet de loi sur la gestion des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie perpétuera cette situation si aucune modification ne lui est apportée. L'exploitation de mines de diamants dans la région de North Slave a laissé entrevoir à notre peuple une prospérité économique sans précédent. L'Alliance des métis de North Slave a négocié avec Broken Hills Properties Limited, BHP, une entente susceptible de se traduire par des emplois et des possibilités de commerce pour les métis, et de leur offrir d'autres avantages sociaux qui les aideront à passer d'un mode de vie communautaire traditionnel à une économie industrielle moderne.
Les débouchés économiques qu'offrira la mine BHP auront une incidence importante sur la population métisse de la région de North Slave et d'autres ententes d'exploitation minière verront le jour au cours des prochaines années.
Notre situation de groupe autochtone ayant le droit de présenter une revendication territoriale s'est de beaucoup améliorée en mars dernier lorsque le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a reconnu l'Alliance des métis de North Slave comme un groupe autochtone avec lequel il pourrait entrer en négociation. Nous avons déjà entamé avec le négociateur fédéral le processus visant le règlement de notre revendication.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-6 s'adresse aux groupes autochtones dont les revendications territoriales ont déjà été réglées. Le sommaire du texte le précise clairement:
Ce texte législatif met en oeuvre les obligations découlant des accords de revendication conclus entre Sa Majesté la Reine du chef du Canada et les Gwich'in et les Dénés et métis du Sahtu, respectivement. L'Entente sur la revendication territoriale des Gwich'in a été signée le 22 avril 1992 et l'Entente sur la revendication territoriale des Dénés et métis du Sahtu a été signée le 6 septembre 1993.
Le préambule du projet de loi qui fera partie intégrante de la loi lorsqu'elle sera adoptée, précise cet objectif en détail:
Attendu que l'Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich'in et l'Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et métis du Sahtu, d'une part, exigent la mise en place d'un office d'aménagement territorial et d'un office des terres et des eaux pour chacune des régions désignées qu'elles visent et d'un office d'examen des répercussions environnementales pour la vallée du Mackenzie, et, d'autre part, prévoient la mise en place d'un office des terres et des eaux pour une région qui s'étend au-delà des régions désignées;
Attendu que ces offices doivent, selon ces accords, être mis en place à titre d'organismes gouvernementaux faisant partie d'un système unifié et coordonné de gestion des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie;
Et attendu que l'intention reconnue par les signataires consiste à mettre en place ces offices dans le but de régir toute forme d'utilisation des terres et des eaux, y compris le dépôt de déchets, dans les régions désignées ou la vallée du Mackenzie, selon le cas...
Ce projet de loi crée des offices qui auront des pouvoirs étendus sur les ressources terrestres et aquatiques et la protection de l'environnement qui sont cruciales pour la préservation du mode de vie autochtone. Les métis de la région de North Slave n'ont pas la possibilité de faire partie de ces offices. Ils auront donc de la difficulté à faire entendre leurs points de vue si leur participation est refusée. Ils seront plus ou moins tenus à l'écart des questions concernant l'aménagement, l'utilisation des terres et des eaux, la gestion des ressources et les problèmes environnementaux. Je vais évoquer toutes ces questions en examinant quelques-uns des articles du projet de loi.
L'article 2 contient les dispositions interprétatives de la loi. On y trouve la définition de «Première nation», une expression que l'on rencontre fréquemment dans le projet de loi. Cette expression s'applique clairement aux nations des Gwitch'in et du Sahtu, mais il n'existe aucune définition claire du peuple métis. La définition mentionne le mot «métis», de même que l'expression «région de North Slave», mais il n'existe dans ce projet de loi, ni dans aucun autre texte législatif concernant les peuples autochtones, aucune définition expliquant le sens de ces termes.
Étant donné la fréquence d'utilisation de l'expression «Première nation» dans le projet de loi, il s'agit là d'une lacune qui empêche les métis de North Slave de bénéficier de manière significative de l'application de ce texte législatif. Le projet de loi définit les accords de revendication, la région désignée et les terres désignées qui se rapportent à la région de la vallée du Mackenzie couverte par les accords de revendication tels que les ententes conclues avec les Gwitch'in et les autochtones du Sahtu. Le texte de loi met en place la structure permettant d'établir de nombreux règlements dans ces deux régions, mais laisse les autres parties de la vallée du Mackenzie à la périphérie.
Dans sa forme actuelle, le texte législatif est prématuré puisqu'il établit un système de réglementation à deux paliers selon qu'un accord de revendication a été conclu ou non. Si le projet de loi n'est pas modifié, il devra être mis de côté jusqu'à ce que tous les accords de revendication prévisibles dans la vallée du Mackenzie soient conclus.
L'article 8 du projet de loi exige de consulter les Premières nations au sujet de toute modification de la loi ou dans le cadre de la négociation d'une entente de revendication territoriale. Tant que la définition de «Première nation» ne sera pas clarifiée, rien ne garantit que cet article inclut les métis.
L'article 9.1 est une déclaration générale précisant que tout office a pour but de permettre la participation des habitants de la vallée du Mackenzie à la gestion des ressources de cette région, et ce tant dans leur propre intérêt que dans celui des autres Canadiens. On peut se demander comment atteindre ce but étant donné que le projet de loi semble s'intéresser uniquement aux deux régions désignées. L'énoncé précisant que les offices doivent oeuvrer dans l'intérêt des autres Canadiens est trop général pour être d'une utilité quelconque.
L'article 11 est une disposition générale concernant la nomination des membres aux offices établis par la loi. Par la suite, le projet de loi contient d'autres dispositions analogues concernant les nominations à des formations spéciales. L'article 11 et les articles connexes énoncent de manière générale qu'un Autochtone devra être nommé par une Première nation ou par le ministre des Territoires, ou après consultation avec les Premières nations. Là encore, l'absence d'une définition claire des groupes autochtones participants, rend problématique la nomination des membres des offices.
Les postes réservés aux autochtones au sein des offices étant peu nombreux par rapport au nombre de groupes autochtones de la vallée du Mackenzie, la présentation et la nomination de membres ne refléteront pas une représentation véritable des groupes ayant des intérêts légitimes, mais prendront plutôt l'allure d'une course politique.
Mes commentaires s'appliquent à l'article 36 concernant l'Office gwich'in d'aménagement territorial; à l'article 38 concernant l'Office d'aménagement du Sahtu; à l'article 54 sur l'Office des terres et des eaux; à l'article 99 sur l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie; ainsi qu'à l'article 112 concernant l'Office d'examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie.
Les deux offices de la vallée du Mackenzie sont d'un intérêt capital pour les métis, étant donné qu'ils ont compétence sur l'ensemble de la vallée du Mackenzie qui englobe la région de North Slave. Pour illustrer le problème, il me suffira de vous dire que la récente nomination d'un représentant de la région de North Slave à l'Office nouvellement constitué des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie s'est faite sans consultation des métis de North Slave. Nous n'avons absolument pas participé au processus de mise en candidature.
L'article 15 prévoit la nomination d'autochtones aux offices des Gwich'in et du Sahtu si un problème se pose dans une région voisine des régions désignées des Gwich'in et du Sahtu. L'article vise les régions voisines qui relèvent également d'un accord de revendication. Une fois de plus, ce projet de loi refuse aux autochtones qui n'ont pas conclu une entente de revendication territoriale s'appliquant à leur région, le droit de s'exprimer sur des questions qui concernent leur territoire.
L'article 35 énonce les principes directeurs s'appliquant à l'aménagement territorial. La première partie de l'article précise que le but est de protéger «le bien-être social, culturel et économique des habitants et des collectivités de la région, compte tenu des intérêts de l'ensemble des Canadiens».
L'alinéa b) de l'article 35 ordonne qu'une attention particulière soit accordée aux droits conférés aux Premières nations des Gwich'in et du Sahtu. Cet article contient également des généralités sur l'intérêt de l'ensemble des Canadiens.
L'article 38 prévoit que l'Office d'aménagement territorial du Sahtu sera composé de membres des Premières nations, mais ne garantit aucun droit de représentation aux métis des autres régions. Étant donné que le Sahtu est notre voisin du nord, les projets d'aménagement à cet endroit pourraient avoir des répercussions sur la région de North Slave. Les métis de North Slave n'ont pas leur mot à dire dans ces décisions.
L'article 40 contraint l'office d'aménagement à consulter les personnes concernées au sujet des objectifs relatifs à la préparation d'un plan d'aménagement visant la région désignée. Or, ce processus ne peut avoir lieu que lorsqu'une entente territoriale a été conclue. Les métis de North Slave n'auront pas leur mot à dire dans l'aménagement territorial prévu par la partie 2, étant donné qu'ils n'occupent pas une région désignée telle que définie dans ce projet de loi.
L'article 42 porte sur les avis publics dans les régions désignées avoisinantes. Par définition, l'avis sera publié dans les régions des Gwich'in et du Sahtu. Il est clair que ce sont les Gwich'in et les habitants du Sahtu qui décideront de l'aménagement territorial sans être tenus de consulter les autres groupes. Cette disposition donne un avantage social, politique et économique très net aux régions qui ont déjà signé une entente de revendication territoriale.
Passons maintenant à la partie 3 du projet de loi. Je réserve à peu près les mêmes commentaires aux dispositions du projet de loi C-6 concernant les permis d'utilisation des eaux et des terres. La définition de l'article 51 limite l'application de la partie 3 à la région des Gwich'in et du Sahtu. Les membres autochtones proviendront des Premières nations. Rien n'est prévu pour la participation des habitants des régions voisines aux décisions de l'office.
La représentation limitée dans ces offices est une grave lacune, compte tenu des dispositions générales des articles 58 et 59 et des indications précises contenues dans l'article 58 selon lesquelles les décisions doivent être prises de la façon la plus avantageuse possible pour les habitants de la région désignée, ceux de la vallée du Mackenzie et tous les Canadiens.
L'article 73 accorde le droit d'utiliser les eaux et de déposer des déchets sans permis d'utilisation, pour diverses activités qui ne sont pas limitées aux régions désignées. Cet article confère plus de droits que n'en accordent les ententes de revendications territoriales. Il faut absolument supprimer cette ambiguïté.
Les articles 74 et 75 accordent aux nations des Gwich'in et du Sahtu des droits exclusifs concernant l'utilisation des eaux et les dépôts de déchets sans permis et sans que la qualité, la quantité et le débit des eaux ne soient altérés par qui que ce soit. Les nations des Gwich'in et du Sahtu bénéficient d'une préférence qui n'est offerte à personne d'autre et qui pourrait avoir des conséquences négatives graves sur l'utilisation et la jouissance des eaux par les métis de la région de North Slave.
L'article 83 impose au ministre fédéral de consulter les Premières nations des Gwich'in et du Sahtu ainsi que l'office créé par le projet de loi, au sujet des propositions de modification de la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest. Il n'est absolument pas question de consulter les autres groupes autochtones, en particulier les métis de North Slave.
L'article 90 accorde d'importants pouvoirs de réglementation en consultation avec le ministre des Affaires indiennes et les Premières nations. Ces pouvoirs s'étendent à toutes les terres de la vallée du Mackenzie. Dans l'état actuel du projet de loi, rien n'est prévu pour assurer aux métis une participation quelconque à l'élaboration des règlements.
L'article 92 prévoit les peines qu'encourent ceux qui contreviennent aux mesures de protection de l'environnement. Les amendes devraient être beaucoup plus sévères et ne pas se limiter au maximum de 15 000 $ prévu par cet article.
Dans la partie 4 du projet de loi C-6, l'article 99 prévoit la création à une date ultérieure de l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie. À ce moment, les représentants de l'Office des Gwich'in et du Sahtu deviendront membres de l'office régional.
L'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie sera composé de 17 membres regroupant les membres des offices régionaux des Gwich'in et du Sahtu et d'un président, de trois membres nommés par le ministre fédéral, en consultation avec les Premières nations, d'un membre nommé sur la proposition du ministre territorial et de deux autres membres.
Les présidents des deux offices régionaux disposeront apparemment d'un droit de vote au sujet de la composition des offices. Cela paraît insignifiant. L'entente avec les Dénés et les métis dont le projet n'a pas abouti, prévoyait une représentation autochtone de 50 p. 100 dans tous les offices. Le projet de loi prévoit la présence de sept autochtones seulement dans un office de 17 membres.
Ensemble, les nations du Sahtu et des Gwich'in ont quatre membres autochtones. Il ne reste que trois sièges à répartir en vertu des futurs accords de revendication dans la zone géographique désignée sous le nom de vallée du Mackenzie. Il est impossible de savoir actuellement si les trois sièges de cet office suffiront à représenter adéquatement les intérêts de tous les groupes autochtones qui n'ont pas encore signé d'entente dans la vallée du Mackenzie. En outre, le projet de loi ne prévoit aucune procédure de consultation des groupes autochtones par le ministre au cours du processus de nomination. Compte tenu du fait que les négociations de certaines revendications territoriales sont encore en suspens, le projet de loi est trop vague pour être conservé dans sa forme actuelle.
Dans les deux régions désignées, les Premières nations nomment le représentant à l'office établi en vertu de l'entente de revendication territoriale conclue. Le projet de loi C-6 accorde au mieux aux Premières nations la possibilité d'être consultées par le ministre avant qu'il ne procède à une nomination. Le projet de loi accorde aux autochtones une moins grande latitude en matière d'autodétermination que les ententes de revendication déjà conclues.
L'article 108 prévoit la création de formations régionales supplémentaires. Les rédacteurs du projet de loi envisagent peut-être le règlement prochain de trois revendications, afin de mettre un point final aux revendications dans la vallée du Mackenzie. Si c'est le cas, les rédacteurs ont probablement pensé à la région de North Slave. Vous noterez sans doute que cette région occupe une place extrêmement importante dans les remarques que je vous présente aujourd'hui.
La formation régionale doit être composée d'un membre désigné par le gouvernement fédéral après consultation des Premières nations et d'un membre nommé sur la proposition du ministre territorial ou d'une autre personne dont la provenance est inconnue. Le président sera nommé par le ministre fédéral parmi les candidats proposés par la majorité des membres de la formation régionale. Étant donné qu'il n'y a que deux membres, il ne peut y avoir de majorité. Apparemment, il n'y aucune raison que ces formations régionales soient plus petites que les organismes des Gwich'in ou du Sahtu. D'autre part, les métis n'ont aucune assurance qu'une personne représentant leurs intérêts sera nommée membre de la formation régionale de North Slave.
L'article 8 doit être modifié en profondeur si l'on veut que les métis de North Slave en bénéficient.
Dans la partie 5, l'article 112 prévoit la création de l'Office d'examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie et établit sa composition. À part le président, la moitié des membres sera nommée par les Premières nations et l'autre moitié sur proposition du ministre territorial.
Si l'office est composé de sept membres -- effectif minimal prescrit -- deux des trois membres des Premières nations proviendraient des nations des Gwich'in et du Sahtu. Il ne resterait donc plus qu'un seul siège pour les autres groupes autochtones de la vallée du Mackenzie. Cela ne permet pas aux métis d'avoir vraiment voix au chapitre en matière environnementale.
Le résumé législatif prévoit la création d'un office d'examen des répercussions environnementales composé de 11 membres pour toute la vallée du Mackenzie. Si l'on veut que cet office fonctionne de manière efficiente, il faudrait qu'il soit composé au minimum de 11 membres, permettant ainsi la représentation des groupes autochtones de la zone géographique désignée sous le nom de vallée du Mackenzie, à savoir les nations des Gwich'in, du Sahtu, de South Slave, de North Slave et de Deh Cho. Si l'on veut que l'office soit totalement représentatif, il faudra qu'il tienne compte également des intérêts distincts des métis.
L'article 126 autorise le groupe autochtone de deux régions désignées à soumettre certaines questions environnementales à l'office d'examen. En attendant le règlement d'une revendication dans la région de North Slave, le projet de loi ne prévoit aucun mécanisme pour un tel renvoi. Actuellement, les sociétés d'exploitation des mines de diamants explorent et développent le centre de la région de North Slave. Voilà qui pose une autre difficulté pour la mise en oeuvre du projet de loi C-6 dans sa forme actuelle. En vertu de l'article 132, la représentation des Gwich'in et du Sahtu au sein de l'office d'examen dénote un déséquilibre en faveur de ces deux régions par rapport aux autres groupes autochtones de la vallée du Mackenzie.
Enfin, l'article 136 fait état de la communication de la décision des offices d'examen. Le projet de loi exige que cette décision soit signalée à toutes les Premières nations concernées. À mon avis, il faudrait que les Premières nations participent au processus avant que la décision ne soit prise. C'est la première fois que le projet de loi prévoit une intervention de toutes les Premières nations.
En conclusion, les métis de North Slave sont décidés à préserver les terres et les eaux pour les générations futures, par une gestion conjointe et une représentation garantie. Malheureusement, le projet de loi C-6 ne va pas dans cette direction. Et il faut l'amender. Actuellement, il offre aux métis une possibilité de participation réduite, voire même inexistante. Les régions pour lesquelles une entente a été conclue bénéficient de privilèges sur certaines questions dont sont privés les habitants des autres régions de la vallée du Mackenzie.
Je remercie le comité de m'avoir invité à venir témoigner aujourd'hui. À présent, je vais essayer de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
Le président: Je vous remercie pour cet excellent exposé.
Le sénateur St. Germain: Vous avez de nombreuses réserves au sujet du projet de loi. La semaine dernière, les représentants du gouvernement nous ont présenté leurs points de vue et j'espère que le gouvernement a bien l'intention d'agir pour le bien de la population plutôt que dans son propre intérêt.
Je vais vous poser ce matin certaines des questions que nous avons soumises aux fonctionnaires et vous demander d'y répondre. Lorsque les fonctionnaires sont venus témoigner la semaine dernière, ils avaient en main un exemplaire de chacune des ententes sur les revendications territoriales. Ils nous ont dit que le projet de loi s'inspirait des ententes conclues avec les nations du Sahtu et des Gwich'in. Cela m'inquiète parce qu'il y a beaucoup de revendications comme la vôtre qui restent en suspens et aussi parce que le statut des métis n'est pas vraiment défini, comme vous l'avez expliqué dans votre exposé.
Pour ce qui est de la représentation, vous savez que tous ces offices ont un effectif minimum, mais qu'il n'y a pas de maximum. Il est possible -- et je ne sais pas si cette solution vous paraît très satisfaisante, que tous soient représentés au sein de ces comités. Mais, savez-vous qu'il est impossible de faire fonctionner un comité lorsque ses membres sont trop nombreux?
M. Paul: Oui, je le sais. J'ai essayé d'en parler dans mon exposé. La structure de ces offices territoriaux, telle que définie dans le projet de loi, est très lourde. Le projet de loi précise que l'Office des terres et des eaux sera composé de cinq membres des Gwich'in, cinq du Sahtu et trois de chacune des régions autres que la région concernée par les revendications non réglées, ce qui porterait l'effectif total à neuf membres, plus le président. Chacune de ces formations régionales a un président désigné. Les présidents ont droit de voter et de participer à la formation régionale et au comité territorial général. Il y a sept autochtones membres de la commission régionale, six présidents, cinq d'entre eux provenant des formations régionales et un de la formation territoriale, ainsi que six membres des Territoires. D'après le libellé actuel du projet de loi, tous les autochtones siégeant à l'Office territorial des terres et des eaux seront chapeautés par un président. Nous estimons que le président devrait avoir un rôle neutre à l'échelon régional, et nous ne comprenons pas pourquoi le projet de loi lui accorde un droit de vote à l'échelon territorial.
Le sénateur St. Germain: J'aimerais vous poser les mêmes questions que nous avons soumises aux fonctionnaires la semaine dernière et j'aimerais si possible connaître votre point de vue sur ces différents aspects.
Selon moi, les offices constitués selon les ententes intervenues en matière de revendications territoriales ne sont pas les meilleurs moyens de prendre en compte les questions relatives à l'environnement, à l'aménagement territorial et aux eaux. Pensez-vous qu'il serait possible de confier la gestion de tous ces aspects à un seul office bénéficiant d'une représentation suffisante et d'un seul secrétariat?
Pensez-vous qu'il serait préférable d'établir les qualifications exigées des membres désignés de ces offices? Il faudrait peut-être exiger une certaine qualification de la part des membres de ces offices qui prennent des décisions si importantes pour les habitants de ces régions. Or, le projet de loi ne prévoit rien à ce sujet.
M. Paul: Je souhaiterais certainement réduire la bureaucratie que ce projet de loi dans sa forme actuelle se propose de créer. Comme je l'ai signalé dans mon mémoire, le défunt projet d'entente avec les Dénés et les métis prévoyait une représentation de 50 p. 100 de Dénés et de métis dans la région désignée. Si l'on décide de réunir les groupes régionaux, nous perdons cette représentation de 50 p. 100. Quant à la formation territoriale qui est censée prendre des décisions et surveiller leur application dans toute la vallée du Mackenzie, elle réserve seulement sept sièges aux autochtones -- Dénés et métis -- sur un total de 17 membres. Nous sommes loin de la représentation de 50 p. 100 qui était censée respecter les revendications des Gwich'in et du Sahtu et la revendication avortée des Dénés et métis des Territoires du Nord-Ouest.
Je peux comprendre qu'il faudrait créer des formations régionales. Je n'y vois aucun inconvénient, mais je pense qu'il faudrait que cela respecte les conditions négociées de bonne foi avec le gouvernement du Canada au moment de l'élaboration du défunt projet d'entente avec les Dénés et les métis qui prévoyait une représentation des Dénés et des métis de toute la vallée du Mackenzie sans l'exclusion d'aucun groupe. Le gouvernement fédéral a créé un comité provisoire intitulé groupe de travail de l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie. Il a nommé sans nous consulter une personne de North Slave. Il ne nous a même pas demandé de présenter une candidature ou un représentant. Il n'y avait absolument aucune ligne directrice ni aucun critère.
Le sénateur St. Germain: J'aimerais vous poser une question au sujet de l'article 5 concernant la non-dérogation et la protection des droits existants. Cependant, après avoir entendu votre témoignage, je crois que votre principale préoccupation est que le projet de loi tienne compte des deux ententes de revendication conclues alors que les autres revendications restent en suspens et que le droit des métis n'a pas été clairement défini. Vous préconisez donc que le projet de loi soit reporté tant que les autres revendications territoriales n'auront pas été réglées?
M. Paul: Exactement. Actuellement, on nous consulte sur certaines choses. Avec le projet de loi, ce sera bien pire. Il ne nous donne aucune garantie de consultation. La seule garantie, c'est que le ministre nous consultera une fois que la décision aura été prise. Nous, nous voulons être consultés avant, pas après.
Le sénateur St. Germain: Est-ce que certaines décisions risqueraient de porter préjudice aux autochtones qui n'ont pas signé d'entente de revendication territoriale? La prédominance au sein de l'office des groupes qui ont signé une entente de revendication territoriale risque-t-elle d'avoir des conséquences négatives sur les autres groupes?
M. Sholto Douglas, vice-président, Alliance des métis de North Slave: Selon l'entente définitive sur la revendication des Gwich'in et l'entente définitive sur la revendication du Sahtu, cinq membres des formations régionales siégeront à l'office territorial. Par ailleurs, le Sahtu obtiendrait le statut de membre à part entière de l'office pour ses comités régionaux. Il y aura dix membres: quatre autochtones -- deux du Sahtu et deux des Gwich'in; quatre personnes nommées, deux nommées par le gouvernement à l'office des Gwich'in et deux à l'office du Sahtu; et deux présidents indépendants siégeant à l'échelon de l'office. Un maximum de sept membres supplémentaires pourraient siéger à cet échelon. Ils pourront intervenir dans toutes sortes de domaines, auront droit de vote et divers pouvoirs.
Actuellement, nous n'avons aucune représentation dans notre territoire. Il y a toutes sortes d'activités d'exploitation de mines de diamants. Les lois existantes telles que la Loi des Territoires du Nord-Ouest et la Loi sur l'aménagement territorial nous permettent d'obtenir toutes les informations dont nous avons besoin. Ces renseignements nous sont fournis. Nous pouvons examiner toutes les demandes de permis et donner notre point de vue. Avec les nouvelles dispositions, c'est l'office qui s'en chargera. Nous ne serons pas représentés dans cet organe et il ne sera pas nécessaire de nous faire parvenir les informations. L'office prendra des décisions concernant l'utilisation de notre territoire traditionnel.
Le sénateur Forest: Je vous remercie messieurs pour ce témoignage très stimulant. Je suis très intéressée par la vallée du Mackenzie. Je siégeais autrefois à l'office des transports. Je connais la région dont vous parlez et je sais combien il est important de bien gérer l'utilisation des terres et des eaux. Je sais également qu'un examen environnemental est nécessaire. Vous avez mentionné à plusieurs reprises que les autochtones qui n'ont pas conclu de revendications seraient défavorisés par le projet de loi. J'aimerais savoir à quel point sont rendues vos négociations et quand vous prévoyez de conclure une entente.
M. Paul: Comme je l'ai dit dans mon mémoire, la ministre des Affaires indiennes nous invite à négocier un processus de revendication territoriale globale dans la région de North Slave. Nous allons rencontrer le négociateur fédéral la semaine prochaine et les représentants des Dogribs de la région afin de déterminer s'il est possible de conclure une entente réunissant les Dénés et les métis de la région. Pour vous donner une idée de la durée du processus, les Dogribs envisagent de conclure les négociations cette année et de signer peut-être au printemps.
En vertu du traité no 8, les métis de South Slave prennent part actuellement à des négociations concernant le territoire Akaitcho. Je ne sais absolument pas où ils en sont rendus ni quand ils prévoient de conclure l'entente.
Quant aux Deh Cho, je crois qu'ils sont en négociation. Leur revendication est en cours d'examen, mais je ne sais absolument pas où ils en sont rendus.
Si vous proposez peut-être d'attendre que les ententes soient conclues, je ne suis pas en mesure de dire quand cela arrivera.
Le sénateur Forest: Cela pourrait prendre du temps, compte tenu des difficultés rencontrées au cours des autres négociations. Ne craignez-vous pas que les futures activités d'aménagement du Mackenzie, l'exploitation des mines de diamants, et cetera, causent des dommages irréparables à l'environnement ou nuisent à l'utilisation des terres et des eaux?
M. Paul: Cette semaine ou au début de la semaine prochaine, notre directeur régional général des Territoires du Nord-Ouest annoncera l'ouverture d'une autre mine de diamants. Actuellement, nous nous efforçons de jouer un rôle significatif dans le processus. Nous allons opter pour un processus d'examen global plutôt que pour un processus de surveillance. J'ai eu la chance d'être invité à une réunion pour examiner certains de ces détails avec notre directeur régional général. Il a assuré aux autochtones de la région que le processus d'examen global est si vague et si ambigu qu'il autorise une certaine créativité, permettant d'élaborer un processus conçu dans le Nord, de faire participer les autochtones aux prises de décisions à l'échelon régional concernant leur territoire. Nous estimons que nous avons de la chance.
Je parle uniquement au nom des métis, mais cela nous donne une assurance que nous n'avons jamais eue auparavant. Ces initiatives ont véritablement lieu et notre participation au processus est en cours. Elle n'est pas garantie, mais comme je l'ai dit plus tôt, nous préférons le statu quo au projet de loi. Par exemple, nous sommes consultés, alors que le projet de loi ne prévoit aucune consultation. Nous allons prendre part à un processus conçu dans le Nord. Sincèrement, je préfère ce processus à la formule que propose le projet de loi dans sa forme actuelle.
Le sénateur Taylor: Étant géologue et ingénieur minier, vous pouvez imaginer que j'ai passé beaucoup de temps dans la vallée du Mackenzie et dans le Nord-Ouest. J'aimerais vous demander de nous parler de la situation générale des métis dans cette région. Ils sont nombreux là-bas. Considérez-vous que vous représentez tous les métis du Nord, ou simplement ceux de la région de North et South Slave?
M. Paul: Comme je l'ai dit dès le départ, je ne peux m'exprimer qu'au nom de l'Alliance des métis de North Slave qui regroupe de manière générale une bonne majorité des métis de la région de North Slave.
Le sénateur Taylor: Je suppose que la majorité de la population de cette région, sans parler des bandes, a du sang indien et qu'elle est, autrement dit, d'origine métisse. Ce sont les métis qui constituent la population. Les habitants qui ne font pas partie d'une bande et qui n'ont pas de sang autochtone sont certainement en minorité, sauf peut-être dans la ville de Yellowknife.
Je ne comprends pas pourquoi les métis ne se considèrent pas comme la population en soi. Autrement dit, pourquoi choisissent-ils de se démarquer comme métis alors qu'ils forment la majorité de la population non inscrite et sans statut d'autochtone de la vallée du Mackenzie?
M. Paul: Je ne connais pas les statistiques les plus récentes, mais je pense que nous représentons environ la moitié des Dénés.
Le sénateur Taylor: Est-ce qu'on peut être reconnu comme membre des métis? Est-ce qu'il y a un conseil d'anciens qui décide qui peut être considéré comme un métis? Je ne pense pas que vous ayez recours aux analyses de sang?
M. Paul: Non, nous ne faisons pas d'analyses de sang. Les critères sont différents dans toutes les localités. La nation métisse, dont nous ne faisons pas partie, a une quinzaine de sections locales dans diverses localités de la vallée.
Le sénateur Taylor: À mon avis, vous devriez être représentés et avoir voix au chapitre, mais la bureaucratie pose également problème. Vous avez parlé des 15 sections locales métisses; vous avez dit que vous ne faites pas partie de la nation métisse. Cela semble poser un plus grand problème qu'ailleurs dans le monde. Quelles sont les procédures? Nous reconnaissons les métis de North Slave et de South Slave et 15 autres organisations métisses. Est-ce qu'il est possible de simplifier tout cela? Vous pourriez peut-être vous prévaloir du projet de loi C-31 afin d'être intégrés aux bandes?
M. Paul: Je suppose qu'on le ferait si c'était possible, mais tout comme le projet de loi que nous examinons, le C-31 impose certaines lignes directrices et principes auxquels il faut satisfaire pour être considérés comme Indiens. Si vous ne respectez pas ces critères, vous ne pouvez être considéré comme un Indien aux termes du projet de loi C-31.
Le sénateur Taylor: En Alberta, presque tout le monde parvient à se conformer aux critères.
Le sénateur Chalifoux: Ce n'est pas vrai.
Le sénateur Taylor: Vous n'avez pas essayé, sénateur Chalifoux.
Le sénateur Chalifoux: Mais, je n'en ai pas l'intention, puisque je suis métisse.
Le sénateur Taylor: Je comprends bien, mais j'essaie de trouver les mots pour décrire le processus permettant de reconnaître des organisations qui décident de leurs propres effectifs. Il y a une vingtaine de groupes de ce type dans toute la vallée. Comment résoudre ce problème?
M. Douglas: À titre d'information, la nation métisse des Territoires du Nord-Ouest a quatre sections locales affiliées aux métis des Territoires du Nord-Ouest dans la région des Gwich'in. Il y a trois sections locales métisses dans la région du Sahtu. Ces deux régions ont signé des ententes sur leurs revendications territoriales. À l'extérieur de ces deux régions désignées, huit localités métisses sont affiliées à la nation métisse des Territoires du Nord-Ouest. Elles se trouvent dans la région des Deh Cho et dans la région de South Slave. À Yellowknife, il y a des métis affiliés à la nation métisse des Territoires du Nord-Ouest, mais deux communautés de la région de North Slave ne sont pas affiliées à la nation métisse, et il y a également les localités métisses qui font un travail parallèle au nôtre.
C'est parce qu'elles ont décidé de régler leurs revendications à l'échelon régional. Actuellement, leur intérêt et l'ordre du jour politique se situent au palier régional. L'ancienne revendication des Dénés et des métis dont nous avons parlé un peu plus tôt regroupait les cinq régions ainsi que les bandes et les localités métisses. Désormais, il y a le conseil tribal des Gwich'in, le conseil tribal du Sahtu, des Dénés et des métis, le conseil tribal des Premières nations Deh Cho, le conseil tribal du Traité no 8, les Dogribs de South Slave relevant du traité no 11 et l'Alliance des métis de North Slave. Dans l'ancienne revendication des Dénés et des métis, tout le monde se trouvait sur un pied d'égalité. Si les négociations avaient abouti et s'étaient traduites par la reconnaissance des Dénés et des métis, les métis auraient pu participer aux institutions en tant que membres des Premières nations, et vice-versa. Un membre des Premières nations aurait pu participer aux institutions métisses, puisque certaines localités relevaient entièrement des Premières nations ou de la nation métisse.
À Norman Wells par exemple, il n'y a pas de bandes des Premières nations, mais il y a une communauté métisse. Les membres des Premières nations des autres communautés de la région du Sahtu qui vivent et travaillent à Norman Wells auraient pu être recensés et bénéficier de l'entente, même s'ils se trouvaient être des autochtones vivant dans une localité métisse. C'était leur droit et ils pouvaient choisir cette option. La défunte entente concernant les Dénés et les métis prévoyait des dispositions touchant le statut de membre.
L'échec de cette entente générale a permis aux régions d'aller de l'avant. Dans notre cas, les Gwich'in ont pu poursuivre leurs négociations et signer l'entente définitive sur leur revendication territoriale en s'inspirant de l'entente avec les Dénés et les métis qui a échoué le 9 avril 1990 et qui a été suivie de l'entente du Sahtu. Certains métis ont pris part au processus de négociation des Gwich'in, mais ils ont choisi de se présenter au conseil tribal comme des Gwich'in. Dans la région du Sahtu, on compte surtout des métis à Norman Wells -- il n'y a jamais eu aucune bande à cet endroit -- et cette communauté a demandé à être reconnue par les Dénés et les métis.
Voilà ce qui s'est passé dans la région et comment a été signée l'entente qui s'intitule désormais Entente sur la revendication globale des Dénés et métis du Sahtu. Les Dogribs sont sur le point de signer leur entente. L'Alliance des métis de North Slave a reçu récemment une lettre de la ministre des Affaires indiennes. Nous allons opter soit pour un processus parallèle à celui des Dogribs, soit d'élaborer une revendication qui serait propre à l'Alliance des métis de North Slave.
Les communautés autochtones ont abandonné la revendication générale et se sont plutôt tournées vers des ententes régionales. L'Alliance des métis de North Slave est l'organisme régional qui s'occupe de notre secteur. Selon l'ancienne entente avec les Dénés et les métis, la représentation des autochtones des cinq régions était fixée à 50 p. 100 et le reste était constitué de personnes nommées par le gouvernement pour la mise en place des régimes proposés.
Lorsque le processus est descendu à l'échelon régional, nous ne pouvions accéder à aucune table de négociation pour la conclusion d'un accord final, étant donné que les autres processus de négociation étaient plus avancés. Il est impossible d'avoir accès à la table de négociation tant que l'on n'a pas atteint la stature voulue. Dans ce cas, c'est mettre la charrue avant les boeufs. Nous sommes en retard par rapport à ce projet de loi.
Le sénateur Taylor: Je présente mes excuses au président et en particulier aux deux témoins. Je suis très intéressé par tout ce qui se dit ici, étant donné que j'ai passé une bonne partie de ma vie dans cette région, mais il y a un débat houleux et une lutte politique au comité de l'énergie et nous sommes convoqués à 10 heures. Je dois y être pour voter. Nous ne voterons pas ici ce matin. Je lirai attentivement votre témoignage plus tard. C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup.
Les sénateurs présents aujourd'hui sont très compétents et vous poseront les questions que je vous aurais moi-même posées. Veuillez encore une fois m'excuser. Ce genre d'imprévu arrive parfois.
Le sénateur Andreychuk: Lorsque les ententes du Sahtu et des Gwich'in nous ont été présentées, on nous a dit qu'elles avaient échoué parce que les métis, les Inuits et les membres des Premières nations n'étaient pas parvenus à s'entendre. Cependant, on espérait que les revendications de ceux qui n'avaient pas été inclus, seraient réglées rapidement. Avez-vous pris part à ces premières ententes et négociations? Vous parlez d'avoir accès actuellement à la table de négociation. Est-ce que vous avez participé aux négociations qui ont abouti à ces ententes?
M. Paul: Le projet de loi s'inspire de l'ancienne entente avec les Dénés et les métis qui a échoué en 1990 et qui regroupait tous les autochtones, les Dénés et les métis de la vallée du Mackenzie. Tous les signataires étaient censés être traités également par le projet de loi et être des participants égaux et actifs. Malheureusement, l'entente a échoué. Par la suite, les Gwich'in ont signé leur propre entente. Deux années plus tard, les Dénés et métis du Sahtu ont signé eux aussi leur entente.
Leurs ententes contiennent pratiquement le même libellé que le projet d'entente avec les Dénés et les métis qui réclamait l'adoption d'une loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. On envisageait l'adoption d'une loi sur la gestion des ressources après le règlement de toutes les revendications dans la vallée du Mackenzie regroupées en une seule entente. Or, nous nous retrouvons actuellement avec seulement deux ententes représentant environ 25 p. 100 de la population autochtone. Les revendications des 75 p. 100 restants sont en suspens. C'est pourquoi, comme je l'ai dit dans mon exposé, le projet de loi C-6 dans sa forme actuelle, et compte tenu de la situation politique du Nord, serait inéquitable pour les habitants des régions où aucune entente n'a encore été signée. Dans l'ancienne revendication, tout était clair et nous étions tous égaux. Elle prévoyait des représentants des Dénés et des métis dans toute la région. Selon l'ancienne formule, tous les membres auraient été des participants actifs et égaux. Le projet de loi C-6, quant à lui, favorise clairement certains groupes, et ce n'est pas nous.
Le sénateur Andreychuk: Lorsque les deux ententes ont été signées et soumises au Parlement, avez-vous manifesté votre objection concernant les droits sur les ressources aquatiques dans les terres en litige?
M. Paul: En fait, ces ententes ne leur donnent pas de droits sur les ressources aquatiques de nos terres.
Le sénateur Andreychuk: Mais on peut dire qu'il y aura un certain impact.
M. Paul: Je crois que leur entente était bonne, puisqu'elle a été adoptée. Elle plaisait aux personnes concernées. Je ne vais pas discuter ses mérites. Mais, leur entente prévoyait l'adoption d'une loi. Elle précisait clairement aussi que les signataires avaient des droits dans leur région désignée, mais qu'à l'extérieur, ils devaient se conformer aux lois d'application générale. Or, le projet de loi leur donne plus de pouvoirs qu'ils n'en réclamaient dans leurs revendications territoriales. Ils auront désormais une représentation garantie à l'office, bénéficieront d'une participation active, détiendront une majorité des sièges et prendront part aux décisions sur des questions nettement extérieures à leur région désignée.
Le sénateur Andreychuk: Je crois que vous réclamez également que ce projet de loi soit mis en suspens jusqu'à ce que les revendications soient réglées.
M. Paul: J'ai proposé deux options: soit d'apporter des changements importants pour tenir compte des préoccupations que j'ai formulées et de celles qui seront sans doute présentées par d'autres habitants du Nord; soit de la mettre en suspens ou peut-être les deux, modifier le projet de loi et différer son application.
Les deux ententes signées proposent la création d'un régime de gestion englobant toute la vallée du Mackenzie. Or, à mon avis, le projet de loi tel qu'il se présente actuellement ne sera pas une panacée pour les Gwich'in et le Sahtu. Leurs revendications précisent clairement leurs compétences et leurs pouvoirs à l'intérieur de leur territoire. Ce projet de loi ne nous accorde pas les mêmes avantages.
Le sénateur Andreychuk: Est-ce qu'à l'origine le projet de loi vous était plus favorable? Toutes les clauses avantageuses qu'ils ont ajoutées contribuent-elles à aggraver le problème?
M. Paul: Pour parler franchement, le dernier texte que j'ai vu était l'ébauche 37 et puis, le projet de loi est arrivé. Tout comme beaucoup de gens du Nord, nous n'avons pas participé à l'élaboration de ces différentes ébauches.
Je me souviens qu'il y a un an et demi, certains autochtones se sont plaints de ne pas pouvoir suivre la progression du projet de loi. Quand ils avaient fini de lire l'ébauche no 16, les rédacteurs en étaient déjà rendus à l'ébauche no 24. Il y a eu une soixantaine d'ébauches tout au long du processus. Au bout d'un certain temps, beaucoup d'habitants du Nord ont abandonné la partie. Ils ne parvenaient pas à comprendre la signification du projet de loi et les répercussions qu'il aurait sur eux. Ils attendaient de voir le produit fini qui nous est parvenu dans sa forme actuelle au mois de mars. C'est de ce produit que je vous parle aujourd'hui, mais je n'ai absolument pas participé auparavant à ce processus.
Le sénateur Andreychuk: Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, est-ce qu'il aurait une incidence sur votre revendication territoriale? Ou est-ce que les clauses accordant des privilèges et les autres articles n'auront aucun effet sur vos négociations en cours?
M. Paul: Nous serons touchés dans la mesure où le projet de loi est favorable aux ententes signées. Le défunt projet d'entente avec les Dénés et les métis nous garantissait une représentation de 50 p. 100 dans tous les offices. Or, l'office territorial des terres et des eaux compte 17 membres et seulement sept autochtones.
C'est beaucoup moins que 50 p. 100. Nous espérons que ce ne sera pas considéré comme un précédent dans nos revendications territoriales et que nous prendrons part aux négociations de nos revendications. Nous refusons qu'on nous dise que nous avions l'occasion d'exprimer nos préoccupations au sujet du projet de loi C-6, que nous avons perdu notre combat et que désormais la représentation de 50 p. 100 sera réduite à seulement 23 p. 100 comme le précise le projet de loi C-6.
Le sénateur Andreychuk: Le projet de loi précise aussi que cela ne constitue pas un précédent ayant une incidence sur les revendications territoriales. Est-ce que vous nous dites que vous n'en êtes pas persuadé?
M. Paul: Ce n'est pas le précédent ni les préjudices possibles aux revendications territoriales qui me préoccupent surtout aujourd'hui. Je réclame une plus grande représentation au sein des offices, ainsi que d'autres choses. Il me paraît insensé de donner à des présidents neutres de cinq offices régionaux des droits de vote dans le territoire. Il faudrait modifier un certain nombre de choses.
Le sénateur Andreychuk: Moyennant ces modifications, est-ce que le projet vous paraîtrait satisfaisant? Est-ce que vous vous opposez à l'adoption du projet de loi même si toutes les revendications n'ont pas été réglées?
M. Paul: Si l'on nous accordait la même chose que dans les ententes des Gwich'in et du Sahtu, je n'aurais probablement pas les mêmes inquiétudes au sujet du projet de loi tel qu'il se présente actuellement.
Le sénateur Adams: La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, il pleuvait à Victoria, en Colombie-Britannique. Aujourd'hui, il pleut à Ottawa. Il pleut partout où nous allons.
Est-ce qu'il y a un certain chevauchement entre l'Alliance des métis de South Slave, l'Alliance de North Slave et le conseil tribal des métis? Le conseil tribal des métis compte environ 800 membres. Savez-vous combien de personnes regroupe l'Alliance des métis?
M. Paul: Je suppose que vous faites allusion à une information que j'ai prise directement dans le document du traité no 11 lui-même. Au moment de la signature du traité no 11, il y avait 800 Indiens à Fort Rae. Nos ancêtres en faisaient partie.
Le sénateur Adams: Est-ce que vous négociez deux ententes séparées, une pour la région de North Slave et une pour celle de South Slave?
Le président: Oui, il s'agit de deux ententes séparées.
Le sénateur Adams: Vous revendiquez la plus grande partie de la région qui entoure le lac des Esclaves. Vous devriez peut-être réclamer de plus grands pouvoirs dans le cadre de votre revendication territoriale en raison de la façon dont le projet de loi C-6 pourrait influer sur tout type de développement dans votre région -- pas seulement sur l'exploitation minière, mais aussi sur l'aménagement hydroélectrique.
J'aimerais connaître vos vues sur les projets de développement à venir -- pas seulement pour les mines, mais aussi pour l'électricité. Terre-Neuve et le Québec ont convenu récemment de mettre en oeuvre un autre projet aux Chutes Churchill. Un jour, des entreprises de la Colombie-Britannique et de l'Alberta voudront probablement aménager des barrages et construire des lignes d'énergie électrique dans la vallée du Mackenzie. Qu'est-ce que vous en pensez? Si le projet de loi C-6 est adopté, j'ai bien peur que des entreprises se mettent à dire qu'elles veulent construire une ligne d'énergie électrique avant même que vous ayez pu obtenir le règlement de votre revendication territoriale.
M. Douglas: L'entente des Dénés et des métis prévoyait que 50 p. 100 des représentants seraient des autochtones et 50 p. 100 seraient nommés par le gouvernement. Les problèmes que posait la vieille entente seraient réglés si nous pouvions avoir un représentant des Gwich'in ou du Sahtu à l'office. Il est important qu'ils participent et qu'ils sachent ce qui se passe dans les régions situées en amont. L'entente actuelle sur le règlement de la revendication ne renferme aucune mesure de protection. C'est une question qu'il va falloir régler.
Le sénateur Adams: J'ai entendu dire que les Dénés du Nunavut avaient conclu une entente quelconque au sujet des futurs projets d'exploitation minière ou d'aménagement hydroélectrique. Prévoit-elle le partage des redevances?
M. Douglas: Le défunt projet d'entente des Dénés et des métis prévoyait que 75 p. 100 des redevances seraient mises de côté pour les cinq régions de la vallée du Mackenzie et réparties suivant un certain pourcentage. Ces redevances se rapportaient aux droits d'exploitation du sous-sol -- c'est-à-dire des métaux communs, du pétrole et du gaz. Les redevances des Gwich'in devaient s'élever à 15 p. 100 et celles du Sahtu -- de la région de North Slave, je crois -- à 28 p. 100.
Je ne sais pas ce qui va arriver dans les régions où toutes les revendications n'ont pas été réglées, mais où des nations comme celles des Gwich'in et du Sahtu ont conclu un accord. Je ne sais pas si ça va faire partie des accords qui pourraient intervenir dans les régions où toutes les revendications n'ont pas été réglées. Je ne sais pas si des redevances pourraient être mises de côté pour les régions où un accord n'est pas encore intervenu. Nous n'avons pas de réponse claire à vous donner à ce sujet.
Si ceux qui ont obtenu un accord de règlement de leurs revendications pouvaient toucher des redevances dans les régions qui n'ont pas fait l'objet d'une entente, et siéger aussi aux offices, il y aurait un conflit. Ce serait un problème pour nous -- des gens en aval pourraient prendre des décisions au sujet de l'exploitation minière et de la mise en valeur sur notre territoire de mégaprojets concernant le pétrole, le gaz, l'utilisation des terres, les permis pour les eaux, et cetera. Il est important pour nous d'être représentés à ces offices.
Le sénateur Adams: Les témoins du MAINC nous ont indiqué que la ministre n'avait pas encore pris une décision finale au sujet de la composition de l'office et qu'on ne savait pas encore si les représentants locaux y seraient majoritaires. Êtes-vous d'accord?
Habituellement, un ministère n'aime pas que nous amendions un projet de loi; il veut simplement que nous l'adoptions. Selon le MAINC, toutefois, ce projet peut être amendé. Avez-vous des amendements à proposer au sujet de la composition de l'office?
M. Paul: Je ne pense pas que nous devrions avoir moins que ce que la vieille entente des Dénés et des métis prévoyait, ou moins que ce qui a été accordé aux nations des Gwich'in ou du Sahtu. Elles peuvent nommer 50 p. 100 des représentants à ces offices. Notre office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie devrait être composé à 50 p. 100 d'autochtones. Les présidents ne devraient pas y être majoritaires. Nous voulons que des décisions soient prises. Il ne sert à rien d'avoir six personnes neutres à la table.
Le sénateur Adams: Il arrive souvent que les membres de l'office des eaux, de la Commission des accidents du travail et du Conseil de la société de l'électricité soient les mêmes. Ce ne sont pas des gens de la place et c'est ce qui me préoccupe.
Le sénateur Chalifoux: Votre exposé était très bien réfléchi et très bien préparé. Vous dites, tout au bas de la page 8:
Les nations des Gwich'in et du Sahtu bénéficient d'une préférence qui n'est offerte à personne d'autre et qui pourrait avoir des conséquences négatives graves sur l'utilisation et la jouissance des eaux par les métis de la région de North Slave.
Pourriez-vous vous expliquer? Selon vous, quoi faire pour que ça change?
M. Paul: L'article 73 du projet de loi dit que:
Malgré les articles 8 et 9 de la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, les Premières nations des Gwich'in et du Sahtu ont le droit d'utiliser les eaux ou de déposer des déchets, sans permis d'utilisation de celles-ci, soit pour leurs activités de piégeage, soit pour toute autre forme d'exploitation -- à des fins non commerciales toutefois -- des ressources fauniques, soit encore pour des activités de transport s'y rattachant ou à des fins patrimoniales, culturelles et spirituelles traditionnelles.
Le projet de loi ne dit pas «sur leurs terres». Il est plutôt ambigu et pourrait donner à penser qu'elles jouissent de pouvoirs plus grands que ceux que leur a conférés leur accord de revendication. Autrement dit, elles seraient libres de s'adonner au piégeage, de déposer des déchets et de pratiquer toutes les autres activités mentionnées sur des terres autres que celles qui sont visées par le règlement -- sur nos terres, en fait. Cette ambiguïté nous inquiète. Aucune limite n'est imposée à leur utilisation des terres, ni à leur capacité de déposer des déchets.
Le président: En fait, vous dites que ces nations ont déjà obtenu le règlement de leurs revendications territoriales et que cela dépasse les bornes, pour ce qui est de leur droit de s'adonner à leurs activités traditionnelles.
Je pense que c'est une disposition générale qui s'applique à tous les règlements, parce que nous ne voulons pas nous restreindre à un territoire en particulier. C'est toujours ce qui s'est passé dans le cas du processus de règlement des revendications territoriales. Si vous leur imposez des limites, vous allez par le fait même vous en imposer à vous-mêmes. Ce n'est pas la première fois que cette question se pose et il est préférable de ne pas avoir de restrictions.
M. Paul: Le fait est qu'il n'est nulle part mention de consultation.
Le président: Cela n'a rien à voir avec l'imposition de limites. Si vous leur en imposez, vous allez vous limiter vous aussi.
M. Paul: Je n'aurais pas le moindre scrupule à leur imposer des limites en ajoutant «sur leurs terres» ou «après avoir consulté d'autres nations dont les terres sont contiguës». Le texte est tellement ambigu que ces nations peuvent exercer leurs droits n'importe où. Elles n'ont pas besoin de consulter qui que ce soit; elles peuvent aller n'importe où et faire ce qui leur plaît.
La tradition autochtone veut qu'on fasse preuve d'un certain respect, et il faudrait que le projet de loi en tienne compte. Ce respect englobe la consultation des autochtones qui occupent les terres voisines ou d'autres collectivités autochtones.
Le président: Je comprends.
Le sénateur Chalifoux: Passons à l'article 58. Vous dites dans votre mémoire que compte tenu des dispositions générales de cet article:
[...] les décisions doivent être prises de la façon la plus avantageuse possible pour les habitants de la région désignée, ceux de la vallée du Mackenzie et tous les Canadiens.
Je vous demanderais de bien vouloir nous donner plus de précisions.
M. Paul: Rien ne dit qu'ils doivent consulter les propriétaires des terres voisines. Nous sommes propriétaires de ces terres. Le projet de loi ne fait allusion qu'aux régions visées par un règlement. Tant que nous n'aurons pas obtenu le règlement de notre revendication territoriale, nous n'aurons pas, selon la loi, de région désignée. Ils ne sont pas obligés de nous consulter à propos d'aucune de leurs activités.
Nous n'avons pas les mêmes droits que les deux autres, que les nations des Gwich'in et du Sahtu. Elles se consultent mutuellement et elles consultent aussi les Inuvialuit du Nunavut et les autochtones de Yellowknife et de toutes les autres régions désignées. Ce projet de loi ne les oblige cependant pas à consulter les autochtones de North Slave ou du Deh Cho, dont les terres sont attenantes à celles du Sahtu et des Gwich'in.
Le sénateur Chalifoux: Vous voulez donc que les métis de North Slave et du Deh Cho soient inclus dans le processus de consultation en attendant le règlement de vos revendications territoriales?
M. Paul: Absolument.
Le président: Pour la même raison que vous voulez avoir un nombre égal de représentants à l'office; vous voulez qu'il y ait un équilibre des pouvoirs. Vous avez l'impression que cette mesure législative avantage deux groupes autochtones dont la revendication a déjà été réglée. Je pense que nous avons très bien compris votre point de vue et nous en prenons bonne note.
Notre prochain témoin est prêt. Bienvenue.
M. Paul Harrington, président, conseil tribal des métis de South Slave: Nous vous remercions de nous avoir permis de comparaître devant vous aujourd'hui.
J'aimerais vous présenter M. George Kurszewski. C'est notre négociateur en chef et porte-parole en plus d'être notre expert technique à tous les points de vue.
M. George Kurszewski, négociateur en chef, conseil tribal des métis de South Slave: C'est la deuxième fois que nous avons l'occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi C-6. Nous avons comparu devant un comité permanent de la Chambre des communes à qui nous avons exposé nos préoccupations. Depuis, nul compte n'a été tenu de la plupart de nos préoccupations, et nous comprenons pourquoi. Ce processus est en cours depuis longtemps et il est parvenu à la fin de son voyage. Ce n'est pas l'idéal pour les groupes autochtones et les métis de South Slave d'être consultés durant les toutes dernières minutes. Néanmoins, nous sommes ici pour vous faire part de nos vues sur le projet de loi.
Les métis de South Slave sont un groupe uni. Au cours de la dernière série de discussions, un représentant fédéral a dit qu'il y a deux groupes de métis à South Slave; ce n'est pas vrai. Le Conseil tribal des métis de South Slave est le seul organisme de South Slave qui représente les métis de la région. Il y a ici une autre organisation métisse, mais depuis l'adoption du projet de loi C-30, il s'agit non plus de métis, mais d'Indiens inscrits.
Les métis de South Slave sont de bons Canadiens. Nous sommes fiers d'être Canadiens. Nous avons envoyé des gens libérer la Hollande; mon grand-père y était. Nous avons des gens qui se sont battus en Italie et partout en Europe durant la Seconde Guerre mondiale. Nous nous sommes aussi battus pendant la Première Guerre mondiale, et nous en sommes fiers. Nous sommes fiers de notre pays. Nous savons que les gens considèrent le Canada comme le meilleur pays au monde, comme un pays démocratique qui attache beaucoup d'importance à la liberté d'expression.
De notre point de vue, il faut maintenir la tradition démocratique dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous sommes depuis trop longtemps traités comme une colonie. Un grand nombre des décisions qui ont influé sur nos vies, notre avenir, notre économie et nos enfants ont été prises ailleurs. Je sais que d'autres régions du pays sont dans la même situation. Dans notre cas, le gouvernement territorial est en réalité un bras de commande du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il est régi par la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, qui n'est pas une constitution.
Les habitants des Territoires du Nord-Ouest sont en train de rédiger une constitution pour l'ouest des Territoires du Nord-Ouest. Lorsque le Nunavut sera créé l'an prochain, un territoire de l'ouest sera aussi formé, mais bien des gens n'en savent rien. C'est décourageant pour nous dans l'ouest.
Le Nunavut est en train d'être créé et nous reconnaissons que les Inuit de l'est auront enfin leur propre gouvernement. Les habitants de l'ouest méritent eux aussi d'avoir leur propre gouvernement. C'est quelque chose que nous réclamons depuis longtemps. Nous méritons le même genre de droits constitutionnels que d'autres Canadiens et il faudrait qu'ils soient inclus dans certaines des lois fondamentales qui nous régissent.
Les Canadiens connaissent bien l'histoire des métis. Nous étions là dans les tout premiers jours de l'histoire du Canada lorsque le commerce des fourrures a rendu accessibles de nombreuses régions différentes. Nos gens étaient des guides, des interprètes et des commerçants. Nous avons voyagé partout.
Les habitants de la région de South Slave ont des liens de parenté avec les métis de la vallée de la rivière Rouge, le pays de Louis Riel. Nous avons des liens de parenté avec de nombreux peuples autochtones. Nous sommes solidement enracinés dans ce pays et nous avons toujours bien su gérer les ressources.
Les lois qui ont été adoptées et les différents organismes qui ont été créés au fil des ans ne permettent peut-être pas de le reconnaître, mais nous avons très bien géré les ressources. Nous avons certaines lois concernant les terres qui nous guident depuis bien des années. À cet égard, les métis sont comme les autochtones et les Inuit. Nous comprenons les lois du pays qui nous été léguées et nous les respectons. Cela fait partie de ce que nous sommes et de notre culture.
Les Territoires du Nord-Ouest et la région de South Slave sont demeurés en grande partie intacts. Des hardes de caribous sillonnent notre territoire. Nous avons des bisons que nous avons le privilège de chasser de temps à autre. Nous avons de nombreux animaux et poissons qui n'ont pas été affectés par quoi que ce soit. Nous avons vigoureusement protégé notre territoire contre les influences de l'extérieur. Nous nous sommes opposés à la construction d'un barrage sur la rivière des Esclaves qui aurait entraîné des changements considérables dans notre région du pays et nous nous opposons à la construction d'usines de pâte à papier depuis un certain nombre d'années.
En ce qui concerne la protection de l'environnement, nous sommes les travailleurs de première ligne. Nous oeuvrons sur le terrain. Nous sommes là pour faire la part des choses. Nous ne sommes pas des philosophes ni des universitaires; nous sommes des gens pratiques. Nous devons gagner notre vie et c'est ce que nous faisons. Nous nous défendons. Nous tenons à nous assurer que nos enfants pourront utiliser nos terres et nos ressources comme nous l'avons fait. Nous protégeons jalousement nos terres et nos ressources.
Nous voyons une menace dans ce projet de loi. Il mettrait en place un régime qui confierait à d'autres la capacité et la responsabilité que nous avons actuellement de prendre des décisions concernant notre partie du territoire. À cette étape-ci, aucune crise écologique ne menace notre territoire. Même si des pressions sont exercées sur l'environnement, ce genre de mesure n'est pas justifié. C'est notre premier argument.
Il n'est pas nécessaire d'aller aussi vite. Je sais que vous avez des obligations juridiques envers les Gwich'in et je sais aussi que c'est dans une bonne intention qu'on veut créer un régime unifié de gestion des ressources. Les obligations juridiques que vous avez envers les Gwich'in concernant leur territoire ne nous posent aucun problème. Les Gwich'in devraient pouvoir gérer leur territoire, tout comme nous devrions pouvoir gérer le nôtre.
C'est la question du régime unifié de gestion qui nous pose un problème. Le concept de ce régime remonte aux années 80. Nous l'avons dépassé depuis, et les tribunaux aussi. Les tribunaux ont enfin compris que nous nous définissons, comme autochtones, en fonction de nos rapports avec la terre. Dans certains milieux, Delgamuukw n'est pas un mot acceptable.
Le président: Qu'est-ce que ça veut dire?
M. Kurszewski: C'est la décision qui a été rendue par la Cour suprême du Canada en Colombie-Britannique dans une affaire concernant les intérêts fonciers des autochtones et la gestion de leurs terres. J'estime qu'il est important de tenir compte des innovations de ce genre, parce que nous maintenons depuis des années que notre nation jouit de certains droits de gestion des terres.
Cela n'a pas été reconnu lors des négociations dans les années 80. Les négociations de 1980 des Dénés et des métis se sont drôlement passées. J'étais négociateur principal à ce moment-là et j'ai travaillé sous la direction de Bob Overvold, qui était le négociateur en chef, puis, plus tard, de Ted Blondin. J'ai été là pendant toute la durée des négociations et je peux vous dire que si vous y regardez de près, vous verrez que la revendication des Dénés et des métis est une revendication de droits pour des tiers. Elle a donné lieu à toutes sortes de droits des tiers. En fait, l'entente intervenue comporte plus de droits pour des tiers et des non-autochtones que de droits ancestraux. Elle a conféré de nouveaux droits à des non-autochtones en territoire autochtone, ce qui n'a de toute évidence pas fonctionné. Les gens n'étaient pas prêts à aller aussi loin. C'était un trop grand pas en arrière à ce moment-là, et c'est un pas encore plus grand aujourd'hui. Les gens ont délaissé ce concept.
Je tiens à vous répéter que nous ne nous opposons pas à un régime unifié de gestion des ressources. Il faut toutefois qu'il soit réalisable, et nous ne pensons pas que celui-ci l'est. Il doit tenir compte de la situation qui existe. Il doit aussi tenir compte du fait que les autochtones ont le droit, selon la loi, de gérer leurs propres ressources d'une manière qui soit logique et non de la manière dont quelqu'un pense qu'ils devraient les gérer.
Nos décisions concernant nos ressources -- c'est-à-dire tous les plans qui pourraient être établis pour le développement, l'utilisation des terres, et cetera -- doivent être respectées. Ce n'est pas ce que fait ce projet de loi. Il prendra nos décision en considération, mais il pourra aussi les annuler. Cela ne nous rassure pas tellement. Cela ne rassurerait personne.
Nous avons demandé que ce projet de loi englobe un certain nombre de choses. Nous voulions qu'il fasse une plus grande place aux ententes d'autonomie gouvernementale, ainsi qu'à la protection des résultats de ces ententes. Les temps ont changé et les gens reconnaissent le rôle positif que les autochtones peuvent jouer si on les traite avec moins de condescendance. Allons un peu plus loin encore. Si nous faisons des erreurs, comme tout le monde en fait à l'occasion, ce ne sera pas grave. Notre avenir est en jeu ici et nous ne ferons pas d'erreurs graves. Nous avons à coeur le bien-être de nos enfants et nous tenons à leur léguer les terres et les ressources dans l'état où elles étaient lorsque nous les avons reçues.
L'histoire vous enseignera que notre façon de penser -- les décisions que nous prenons et notre façon de faire des affaires -- coïncide avec les buts et les objectifs du Canada. Une abondante documentation fait foi de nos activités à l'égard des questions environnementales et d'autres questions de développement qui peuvent avoir menacé notre région du pays. Je fais allusion à l'enquête de la commission Berger dans la vallée du Mackenzie dans le cadre de laquelle, comme le reste des autochtones, nous avons fait valoir l'importance de protéger le pays. J'estime qu'il faudrait faire confiance aux autochtones; nous pouvons jouer un rôle bénéfique pour le pays et nous sommes des gens fiables lorsqu'il y va des terres et des ressources et de la nécessité de les protéger.
Quant à l'aspect technique de ces questions, nous avons fait certaines recommandations dans notre mémoire. Nous recommandons que la protection constitutionnelle des droits ancestraux soit explicitement reconnue dans les principes généraux, ainsi que les articles de fond du projet de loi. Nous recommandons notamment que les principes directeurs qui guideront les offices créés en vertu de ce projet de loi reconnaissent explicitement la protection constitutionnelle des droits ancestraux. La meilleure façon de le faire serait d'inclure les mots «Il est entendu que» qui figurent au paragraphe 5(2), dans la partie I, Dispositions générales concernant les offices, et dans les articles du projet de loi qui définissent les pouvoirs des offices.
Nous recommandons en outre que le projet de loi renferme une disposition de non-exemption en vertu de laquelle les droits des autochtones sur les eaux, décrits aux articles 73 à 75, et les limites imposées à ces droits, définies à l'article 76, ne seraient pas applicables dans les régions où il n'y a pas eu règlement des revendications puisque ces droits font encore l'objet de négociations.
Fait intéressant à signaler, le comité permanent a discuté de ces dispositions apparemment réconfortantes. Un des membres du comité a signalé que le paragraphe 5(2) offre une piètre consolation. Un autre a ajouté qu'ils sont dans l'ensemble d'avis que les préambules n'offrent qu'une faible lueur d'espoir. Les métis espèrent que ce projet de loi leur offrira plus qu'une faible lueur d'espoir.
Comme je l'ai déjà indiqué, l'adoption de ce projet de loi ne presse pas puisqu'il n'y a pas de crise. Nous croyons, cependant, que son adoption immédiate pourrait influer sur le cours des événements. Les métis ont entrepris des négociations sur les terres et les ressources en 1997. Elles vont bon train et nous espérons avoir des résultats dans deux ans. En fait, nous avons articulé notre calendrier autour du mandat du gouvernement.
Nous voulons dans la mesure du possible éviter les longues négociations. Nous voudrions qu'elles aboutissent en temps opportun pour qu'une loi puisse être élaborée et adoptée par le Parlement avant la fin du mandat du gouvernement actuel. C'est important pour nous, parce que nous aimerions que tout soit réglé pour que notre vie puisse reprendre son cours normal. Nous aimerions continuer à mettre nos terres et notre économie en valeur. Nous aimerions pouvoir faire les choses que nous avons dû laisser de côté pendant un certain temps en raison des problèmes que nous devions régler par la négociation et dans l'arène politique.
Nous ne pouvons pas prévoir l'issue de ces négociations, mais j'ai l'impression qu'elles vont modifier en profondeur les structures de gestion en raison surtout de l'autonomie gouvernementale. Les groupes autochtones assumeront des pouvoirs législatifs accrus. C'est un effet accessoire des négociations de l'autonomie gouvernementale.
La loi proposée devrait considérer les ententes d'autonomie gouvernementale comme un aspect important de la structure législative dans la vallée du Mackenzie pour les années à venir. C'est une chose importante à prendre en considération, parce que ces négociations sont en cours. Ce genre de projet de loi devrait tenir compte du fait que les ententes d'autonomie gouvernementale seront une force dans la vallée du Mackenzie dans un avenir tant rapproché que lointain. J'ai pu constater lors de négociations antérieures que les représentants officiels et les négociateurs sont extrêmement jaloux des concessions qui leur ont été faites par la loi. Il est plus difficile d'essayer d'enlever quelque chose à un tiers par la négociation. L'attribution de droits de plus en plus nombreux à différentes parties ne fait que rendre la négociation encore plus difficile.
Nous avons recommandé au comité permanent de la Chambre des communes d'amender le projet de loi de manière à reconnaître explicitement que ses dispositions ne portent pas atteinte aux revendications territoriales en cours ou futures ni aux ententes d'autonomie gouvernementale. Nous avons recommandé que l'article 2 de la partie définition soit amendé de manière à préciser que toute entente future sur la revendication territoriale ou l'autonomie gouvernementale désigne toute entente sur la revendication territoriale globale ou l'autonomie gouvernementale qui pourrait être conclue dans la vallée du Mackenzie.
Nous avons parlé d'autonomie gouvernementale dans notre exposé à cause de l'évolution des droits ancestraux dans la vallée du Mackenzie au cours des 25 ou 30 dernières années. Qu'il s'agisse des actions en justice intentées dans les années 70 ou des négociations avec les Dénés et les métis, les Inuvialuit, les Inuit, les nations des Gwich'in et du Sahtu ou les Dogribs -- ou même des négociations que nous avons nous-mêmes entreprises -- le facteur sous-jacent a toujours été la nécessité de l'autonomie gouvernementale et de l'autodétermination. Cela a toujours été le but premier.
On nous a incités à négocier des revendications territoriales globales, parce que c'est ce que veut le processus. Nous nous sommes d'abord adressés au tribunal qui a enregistré notre opposition dans la vallée du Mackenzie. Vous connaissez l'histoire. Nous avons accepté de négocier pour régler nos problèmes. Toutefois, nous avons dû accepter certains processus et certaines structures pour obtenir des résultats.
Un des sous-produits de ces processus est l'idée d'un office, où nous n'occupons que 50 p. 100 des sièges, qui fait des recommandations à un ministre. C'est une notion dépassée. Les métis pourraient ne jamais avoir la chance de siéger à ces offices. Nous vivons dans la même région que les Dénés assujettis au traité no 8, mais nous sommes deux peuples distincts. Nous sommes apparentés et nous partageons les mêmes terres, mais nous sommes distincts. Les Dénés nous considèrent comme un peuple distinct et nous les considérons comme distincts. Nous nous respectons mutuellement. Cependant, la ministre nous a invités à proposer un candidat pour notre territoire tout comme elle a invité les autochtones assujettis au traité no 8 à lui proposer un candidat, et l'un d'eux sera nommé à l'office. Il se pourrait que ce ne soit pas un métis. Il pourrait s'agir d'un Déné. Où sont les métis de South Slave et où est l'obligation du Canada de nous consulter sur notre propres terres?
Nous trouvons que c'est très problématique. Selon nous, l'idée d'un office composé d'un nombre égal de représentants ne devrait pas avoir survécu à cette étape-ci. Les régimes unifiés de gestion envisagés dans le projet de loi devraient être plus progressistes et mieux refléter l'approche actuelle, qui est intergouvernementale. Respectez le gouvernement métis. Respectez le gouvernement dogrib. Respectez le gouvernement du Deh Cho. Reconnaissez qui nous sommes. Nous sommes une collectivité; nous ne sommes pas des intérêts. Nous sommes des nations et nous avons le droit d'être reconnus. Nous avons nos propres gouvernements. Nous avons le droit de représenter notre territoire et notre peuple par l'entremise d'un représentant de notre gouvernement à une agence intergouvernementale.
C'est l'approche que nous aimerions adopter. Nous ne voyons aucun inconvénient à siéger avec des gens pour prendre avec eux des décisions concernant un territoire plus vaste, mais nous devons nous respecter mutuellement -- au lieu d'être forcés à nous entendre par la ministre. Nous aimerions beaucoup mieux prendre place à une table de banquet où nous serions tous respectés pour ce que nous sommes. Cela contribuerait à faire de notre pays un meilleur endroit où vivre et à améliorer son image de marque.
Il serait préférable que cette loi ne s'applique pas à notre région tant que nous n'aurons pas terminé nos négociations sur les terres et les ressources et nos négociations sur l'autonomie gouvernementale. Si elle s'y appliquait dès maintenant, avant que ces négociations aient pris fin, il nous faudrait un jour la modifier. Il faudra refaire tout le travail. Personne ne sait encore ce que ça représentera comme travail. Les résultats des négociations de l'autonomie gouvernementale entraîneront de nouvelles complications et de nouveaux problèmes. Le manque de respect dont semblent faire preuve les agences en exerçant des pressions n'aidera en rien les négociations ni ne contribuera à de bonnes relations politiques.
Comme mesure provisoire, nous recommanderions d'augmenter le nombre des représentants autochtones à l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie pour qu'aucun groupe autochtone ne soit laissé pour compte. Il en va de même du Bureau d'examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie.
Nous avons de nombreuses préoccupations. Nous vous avons fait part de nos vues, mais vous n'avez pas encore notre consentement. La loi proposée n'est pas de nature à respecter les métis. Nous sommes des amis, et les amis devraient être traités avec respect. Sinon, il faut le dire et c'est pourquoi nous sommes ici.
Nous avons été consultés à deux reprises, mais ce n'est pas assez. Le Canada doit se montrer à la hauteur de certaines normes lorsqu'il s'agit de consulter les autochtones. Il doit y avoir une véritable consultation, mais cela ne s'est pas produit. Les Premières nations des Gwich'in et du Sahtu ont été véritablement consultées. Je doute qu'elles l'auraient été si elles n'avaient pas conclu un accord de revendication exigeant qu'elles soient consultées. C'est peut-être la raison pour laquelle nous n'avons pas été consultés.
Essayez de nous donner le temps qu'il faut pour que les négociations territoriales en cours aboutissent. Les Dogribs ont entrepris de conclure une entente, tout comme nous. Tout progresse assez bien dans la vallée du Mackenzie. Prévoyons assez de temps pour que ces processus se poursuivent et qu'on puisse en arriver aux accords qui devraient être en place pour notre territoire. Concluons ces accords pour avoir quelque chose à partir de quoi travailler. Nous éviterons ainsi les complications, parce que nous n'aurons pas à revenir en arrière et à rafistoler la loi lorsque les négociations auront pris fin.
En terminant, je tiens à répéter qu'aucune crise ne nous presse à adopter ce genre de mesure. Même s'il n'est pas parfait, le régime actuel fera pour un petit bout de temps. Dans le cadre du programme provisoire de gestion des ressources, la ministre consulte davantage les groupes en négociation qui n'ont pas encore conclu un accord. Nous prenons davantage part à l'examen des projets de développement et des répercussions sur notre région. Nous sommes satisfaits pour le moment. C'est une bonne mesure provisoire. Nous n'avons pas besoin de prendre des mesures plus radicales, parce qu'elles ne s'imposent pas.
Préoccupons-nous davantage des relations entre les métis et les Canadiens, entre nos gouvernements et le vôtre, au lieu de tant nous inquiéter des questions environnementales qui pourraient surgir. Nous pourrons nous y attaquer lorsqu'elles se présenteront. Il s'agit uniquement d'un projet de loi, la mesure n'est pas encore en vigueur. Jusqu'à maintenant, nous sommes venus à bout de toutes les préoccupations environnementales.
Le sénateur St. Germain: Merci, messieurs, de cet excellent exposé pragmatique.
L'affaire Delgamuukw représente un changement important. Elle me préoccupe, comme résident de la Colombie-Britannique, mais mes préoccupations sont différentes des vôtres. Je pense que les juges qui ont pris cette décision ne sont jamais allés en Colombie-Britannique.
J'ai l'impression que tout ça s'explique par le fait que les nations des Gwich'in et du Sahtu sont parvenues à un accord et que le gouvernement se sent maintenant obligé de faire adopter cette mesure législative.
L'alinéa 35b) dit ceci:
b) une attention particulière doit être accordée aux droits conférés aux Premières nations des Gwich'in et du Sahtu sous le régime de leur accord de revendication respectif...
Je m'inquiéterais moi aussi si j'étais à votre place. Les représentants officiels sont venus nous rencontrer de bonne foi et il ne fait aucun doute pour moi qu'ils agissent de bonne foi. Ils nous ont dit que le projet de loi avait été rédigé en fonction de ces deux accords. Ils en ont parlé lorsqu'ils sont venus nous rencontrer ici la semaine dernière.
Vous avez plus d'expérience que nous en la matière. Selon vous, comment pourrions-nous nous y prendre pour retarder l'adoption de ce projet de loi?
M. Kurszewski: Vous vous trompez peut-être. Vous avez peut-être plus d'expérience de ce genre de choses ici à Ottawa.
Je sais que c'est un peu tard. Le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes et le Sénat en a été saisi. Je ne connais pas très bien le processus, mais je pense que c'est une décision politique, par opposition à une décision technique. Il s'agit d'une décision politique pour le gouvernement. Le gouvernement doit tenir compte à la fois des intérêts des Premières nations des Gwich'in et du Sahtu, qui ont conclu un accord, et des intérêts d'une population plus vaste de la vallée du Mackenzie dont les revendications n'ont pas encore été réglées. Si vous regardiez la carte, vous verriez que la région des Gwich'in et du Sahtu représente, au plus, un tiers du territoire de la vallée du Mackenzie. Cependant, les deux autres tiers de la population de la vallée seront eux aussi visés par ce projet de loi.
Si cette loi s'appliquait à toute la vallée du Mackenzie, je crois savoir qu'elle ne s'appliquerait pas aux Inuvialuit. Les Gwich'in et le Sahtu soutiennent qu'ils sont en aval, mais les Inuvialuit sont encore plus loin en aval du territoire des Gwich'in. La situation est plutôt bizarre.
Le sénateur St. Germain: Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit d'une décision politique, mais j'espère qu'elle est quand même impartiale.
J'ai lu quelque part que les Premières nations des Gwich'in et du Sahtu ne représentent que 25 p. 100 de la population. L'autre 75 p. 100 de la population visée par ce projet de loi dit que, même si elle sera représentée, le traitement de faveur accordé aux deux autres groupes nuira à la bonne foi dans les négociations à venir.
Pourriez-vous nous fournir d'autres armes pour que nous puissions retarder l'adoption du projet de loi jusqu'à ce que le règlement de vos revendications ait été négocié. Je pense à quelque chose que le comité pourrait examiner de manière impartiale et logique dans l'intérêt de toute la population de cette région des Territoires du Nord-Ouest. Ce serait la seule façon d'y parvenir.
Les projets de loi émanant du gouvernement nous sont soumis après avoir été adoptés par la Chambre des communes. J'espère qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi partisan. Le gouvernement a un programme et des obligations et il doit gouverner. Cependant, des erreurs peuvent se produire. Il arrive parfois que le gouvernement doive changer de cap. En fait, il y a actuellement une question délicate qui fait la une des journaux.
Pouvez-vous me donner des renseignements que je peux présenter à notre président qui agit toujours dans le meilleur intérêt des autochtones?
M. Kurszewski: Nous vous avons à peu près tout dit. Le gouvernement a une obligation envers les autochtones qui n'ont pas obtenu le règlement de leurs revendications territoriales. Il n'en a pas tenu compte. Il est évident qu'il a accordé la préférence aux nations des Gwich'in et du Sahtu.
Nous en avons parlé entre nous et nous avons aussi parlé des moyens qu'on pourrait prendre. L'avenir s'annonce mal. Nous sommes dans cette position aujourd'hui parce que les Gwich'in ont menacé d'intenter des poursuites il y a un an ou deux. Ils n'arrivaient pas à obtenir ce qu'on leur avait promis dans leurs accords de revendication. Ils ont agi ainsi parce que les formations régionales qu'ils ont créées pour s'occuper de leur territoire n'ont pas reçu du gouvernement du Canada les pouvoirs qu'il fallait par rapport à l'office unifié de la vallée du Mackenzie. Cet office jouit de pouvoirs plus vastes tandis que ces formations régionales sont consultatives.
Le gouvernement aurait pu reconnaître ces formations régionales et leur demander plus souvent leur avis. Il aurait pu leur donner plus de pouvoir en attendant la mise en place d'un régime intégré. Il pourrait encore le faire. Il pourrait déléguer aux offices des Gwich'in et du Sahtu qui existent déjà des responsabilités et des pouvoirs plus grands à l'égard de leur territoire que ceux prévus par les accords de revendication. Au lieu d'essayer de donner satisfaction aux Gwich'in -- il n'y aurait pas eu d'action en justice, pas de menace de recours aux tribunaux et pas d'urgence ou de crise -- les représentants officiels et les agences en cause ont dit que nous ne pouvions prendre aucune décision en matière de gestion parce que le système unifié n'était pas encore en place. Ils nous ont dit que tant qu'il ne serait pas en place, nous n'aurions pas plus de pouvoir, ni plus d'influence. Ils auraient aussi bien pu dire: «Intentez-nous un procès et nous prendrons les mesures qu'il faut.»
À mon avis, le gouvernement aurait dû s'y prendre autrement. Il aurait dû tenir davantage compte des intérêts de la majorité des peuples autochtones de la vallée du Mackenzie. Je crois que le gouvernement aurait pu mieux planifier et accorder aux Premières nations des Gwich'in et du Sahtu un peu plus de pouvoir sur leur territoire en attendant le régime unifié. C'est tout ce qu'elles voulaient. Elles ne tiennent pas à avoir un système unifié pour le plaisir de la chose. Ce qui leur importe, c'est leur autorité à l'intérieur de leur territoire et leur rôle dans la prise de décisions.
Le sénateur Chalifoux: Le personnel du gouvernement a-t-il consulté les collectivités au sujet du projet de loi?
M. Kurszewski: Autant que je me souvienne, il n'y a pas eu de consultations. On a essayé de tenir des séances d'information il y a quelques années et j'ai d'ailleurs assisté à l'une d'elles. C'est tout ce qu'il y a eu comme consultation.
Le sénateur Chalifoux: Avez-vous consulté vos membres à propos de ce projet de loi ou une de vos organisations l'a-t-elle fait? Quelque chose a-t-il été mentionné au cours d'une assemblée?
M. Kurszewski: Nous avons discuté de cette question.
Nous avons joint la résolution no 05 à notre mémoire. Nous avons adopté cette résolution à notre assemblée annuelle tenue à Fort Smith en janvier dernier et elle concerne le projet de loi. L'assemblée a rejeté la mesure législative proposée dans son libellé actuel pour les diverses raisons énumérées et demandé que la ministre en soit informée pour qu'il y ait un suivi.
Le sénateur Chalifoux: Que pensez-vous des discussions qui ont eu lieu avant que les métis de South Slave n'adoptent cette résolution?
M. Kurszewski: Les gens étaient très offensés. Ils avaient l'impression que le gouvernement fédéral reprenait d'une main ce qu'il avait donné de l'autre. D'une part, nous avions entamé des négociations à propos de nos propres terres et ressources, de nos propres régimes de gestion, et de toutes les questions qui figurent dans le projet de loi. D'autre part, quelque chose d'autre nous était imposé. Personne ne savait plus trop ce que tout cela voulait dire. Nous avions peur que le gouvernement négocie pour la forme en connaissant d'avance l'issue des négociations. En décembre, nos gens ont été très offusqués par le fait que le comité permanent n'avait pas pris à coeur un grand nombre de nos préoccupations.
Le sénateur Chalifoux: Quelle définition du mot métis utilisez-vous? Est-ce la même que le métis National Council?
M. Kurszewski: Je ne sais pas quelle définition au juste le métis National Council utilise. Notre définition est bien simple. Le terme englobe tous les descendants d'Indiens et de non-Indiens qui ne sont pas des Indiens inscrits.
Le sénateur Andreychuk: J'ai l'impression que le gouvernement se trouve pris entre deux feux puisqu'il a une obligation envers les Premières nations des Gwich'in et du Sahtu et la responsabilité de poursuivre la consultation en vue de régler les revendications territoriales. Tout le reste s'ensuit.
Avez-vous demandé aux nations du Sahtu et des Gwich'in de vous appuyer pour retarder l'adoption de ce projet de loi? Vous êtes le premier à nous proposer des moyens à prendre pour tenir compte de leurs préoccupations et de leurs besoins tout en n'empiétant pas sur vos besoins. Les avez-vous consultées? Dans l'affirmative, que pensent-elles du délai que vous proposez?
M. Kurszewski: J'ai parlé de cette question aux Gwich'in une ou deux fois, il y a déjà quatre ans de ça. Nous étions en dehors de la salle à ce moment-là et nous savions que quelque chose se passait à l'intérieur. On m'a dit que c'était le seul moyen pour eux d'exercer leur autorité sur leur territoire, en l'absence de la reconnaissance par le gouvernement de leurs offices régionaux.
Lorsque je leur ai fait part de mes préoccupations au sujet de ce processus, ils m'ont exposé leur problème de sorte que nous nous sommes compris. Ils m'ont dit que leurs offices régionaux n'étaient pas efficaces et qu'ils ne pouvaient pas faire ce qu'il leur fallait faire. C'est parce qu'ils faisaient partie du système unifié d'une autorité plus vaste qui leur déléguerait un jour le pouvoir de prise de décisions qu'ils veulent. Bien sûr, je leur ai demandé pourquoi ils ne pouvaient pas l'obtenir. Ils m'ont répondu qu'Ottawa ne les y autorisait pas.
C'est pourquoi, en réponse à la question du sénateur St. Germain, j'ai dit qu'il s'agit d'une décision politique. En réalité, Ottawa peut, en dehors d'un accord de revendication, reconnaître les autorités de gestion légitimes que les autochtones devraient avoir à l'intérieur de leur territoire. Le gouvernement pourrait peut-être aussi reconnaître un degré d'autorité de gestion plus élevé que dans l'accord sur le règlement des revendications territoriales des années 80.
S'il le faisait, les nations autochtones des Gwich'in et du Sahtu n'exerceraient pas de pressions pour qu'on s'en tienne à cet échéancier. Je crois qu'elles seraient prêtes à attendre que nous ayons conclu des ententes sur nos revendications territoriales, nos terres et nos ressources, avant d'essayer de mettre en place ce régime unifié.
Le sénateur Andreychuk: Vous pensez que le gouvernement pourrait s'en sortir?
M. Kurszewski: Oui.
Le sénateur Andreychuk: Avez-vous présenté cette proposition directement au gouvernement et en avez-vous discuté récemment avec les nations autochtones des Gwich'in et du Sahtu?
M. Kurszewski: J'en ai discuté avec les nations autochtones des Gwich'in et du Sahtu l'année dernière. Les Gwich'in ont indiqué qu'il n'y a pas de grandes chances qu'elle soit acceptée. Ils croient que c'est la seule solution pour eux. Ils ne pensent pas que le gouvernement fera ce que je pense qu'il devrait faire. C'est aussi une question de fierté pour eux. Ils ont négocié une entente de bonne foi et accepté l'extinction de leurs droits. Ils s'attendaient à quelque chose en échange, mais le gouvernement n'a pas tenu parole. Ils croient qu'il devrait s'en tenir à ses promesses.
Cette disposition de leur accord touche nos régions et c'est ce qui pose un problème. Cependant, je comprends leur point de vue, parce que les promesses qui leur ont été faites n'ont pas été tenues. Ils méritent d'avoir ce qu'on leur a promis parce qu'ils ont renoncé à beaucoup de choses en échange.
Ils m'ont indiqué qu'ils ne voient pas d'autre moyen d'atteindre leur but. Ils sont pris entre l'arbre et l'écorce.
Le sénateur Andreychuk: Vous dites que le gouvernement a l'air de laisser tomber les nations autochtones des Gwich'in et du Sahtu. Si nous nous rangions dans votre camp et que nous retardions l'adoption de ce projet de loi, pensez-vous qu'elles auraient l'impression que nous les laissons tomber nous aussi?
M. Kurszewski: Probablement, si vous vous contentiez simplement de prendre une décision en fonction de cet exemple. Il vous faudrait recommander dans votre rapport que le gouvernement reconnaisse de plus grands pouvoirs à ces offices régionaux jusqu'à ce qu'un régime de gestion unifié ait été mis en place. C'est vraiment ce que veulent ces nations autochtones. Elles veulent exercer un contrôle sur leur territoire, et elles ne le peuvent pas à cause de ce régime unifié.
Le sénateur Forest: Vous nous avez présenté un argument convaincant, messieurs. Vous avez raison de dire que le gouvernement est pris entre l'arbre et l'écorce, tout comme vous d'ailleurs.
Vous espérez que vos revendications territoriales auront été réglées d'ici un an ou deux?
M. Kurszewski: Oui.
Le sénateur Forest: Si ce projet de loi était adopté, mais que ses dispositions ne s'appliquaient pas dans les régions autres que celles où un règlement des revendications territoriales est intervenu, vous seriez moins inquiets. Vous auriez quand même des inquiétudes à propos de la composition des offices, n'est-ce pas?
M. Kurszewski: C'est vrai. Cela pourrait enfin régler le problème qui nous concerne, parce que quelqu'un d'autre ne prendrait pas de décisions à l'intérieur de notre territoire en notre nom. Par contre, la composition des offices est une chose à laquelle il faut bien réfléchir. Les offices publics qui garantissent une représentation à 50 p. 100 sont un vieux concept, adopté dans un but en particulier en vertu de la politique d'extinction, qui n'existe plus. À mon avis, cette mesure pourrait même être illégale. Quoi qu'il en soit, l'extinction n'est pas nécessaire pour le moment.
Étant donné aussi les autres précédents juridiques qui ont été créés, les organismes ou outils de gestion auxquels les autochtones ont accès sont différents d'un office assurant une représentation à 50 p. 100 sous la direction d'un ministre.
Le sénateur Forest: Je comprends que vous ne vouliez pas que la loi s'applique à votre territoire avant que vos revendications territoriales aient été réglées. Cependant, je suis certaine que vous comprenez l'inquiétude des Gwich'in et du Sahtu au sujet d'un programme unifié, parce qu'ils n'ont pas d'autre choix, comme ils l'ont indiqué. Vous dites que ce n'est pas vraiment le cas.
Nous sommes préoccupés par le développement dans la vallée du Mackenzie et nous tenons à nous assurer que l'environnement est protégé. C'est une autre raison pour laquelle nous voudrions que soit en place un système unifié qui permettrait de protéger l'environnement et de faire en sorte que tout projet de mise en valeur respecte l'environnement.
Qu'en pensez-vous?
M. Kurszewski: À l'heure actuelle, c'est l'aménagement d'usines de pâte à papier dans le nord de l'Alberta qui menace le plus l'environnement. Quelle utilité aura cette mesure législative en ce sens?
Le sénateur Forest: Vous faites là une remarque judicieuse. Je suis Albertaine et je comprends ce que vous dites. Nous nous battons en vain depuis des années.
Le sénateur Adams: Y a-t-il des problèmes entre l'Alliance des métis de North Slave et le Conseil tribal des métis de South Slave? En ce qui concerne la revendication territoriale, je vois que les deux partagent certaines frontières. Tout a-t-il été réglé entre eux en ce qui concerne les frontières? Y a-t-il des problèmes avec d'autres nations qui partagent vos frontières?
M. Kurszewski: Aucun problème ne se pose avec ceux avec qui nous partageons nos frontières. À l'heure actuelle, les métis et les Dogribs peuvent chasser n'importe où dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous allons en territoire dogrib pour chasser le caribou. Nous sommes un centre d'éducation. Par conséquent, ceux qui viennent dans notre partie du territoire peuvent y chasser. Ça ne nous dérange pas. Les autochtones devraient pouvoir chasser pour assurer leur subsistance n'importe où au Canada, et nous respectons ça. Nous avons établi de bonnes relations au fil des ans et nous avons une longue tradition de partage des ressources et des terres, surtout en ce qui concerne la chasse et la pêche. Les limites ne posent pas vraiment de problème.
Le sénateur Adams: Dans le cas du bison, avez-vous des quotas de chasse?
M. Kurszewski: Dans notre région du pays, il n'y a pas de quotas pour le bison. Toutefois, parce que nous sommes fiers d'avoir des bisons pour la chasse, nous faisons très attention à la façon dont la chasse se fait. La menace qui pèse sur le bison ne vient pas des chasseurs autochtones; elle vient des chasseurs de l'extérieur. C'est une pratique qui frise l'illégalité.
Le sénateur Adams: Quelle est la situation de la pêche commerciale à Slave Lake? Si je me souviens bien, il y avait autrefois une usine de transformation du poisson à Hay River.
M. Kurszewski: Mon président siège au conseil consultatif du Grand lac des Esclaves qui s'occupe de la pêche commerciale et de l'utilisation du poisson. Il est arrivé au conseil de se heurter à des difficultés, et il pourrait vous donner plus d'explications.
Le sénateur Adams: Y a-t-il des quotas dans la région pour les métis de North Slave et de South Slave?
M. Harrington: Le Grand lac des Esclaves est divisé en différentes régions. Il n'y a pas du tout de pêche dans la région 6 qui est contrôlée au moyen de quotas. À l'heure actuelle, la région où la pêche est la plus abondante est la 1 ouest, à l'embouchure du fleuve Mackenzie. Les quotas sont habituellement toujours remplis, ce qui n'est pas le cas ailleurs. L'année dernière, les prix du corégone ont chuté. La demande n'est donc pas très grande. Il n'y a pas de pêche et les quotas ne sont pas atteints.
Notre industrie de la pêche se porte très bien. Le corégone du Grand lac des Esclaves est classé parmi le poisson de la meilleure qualité sur le marché canadien. Nous aimons le mentionner chaque fois que nous le pouvons.
Les contaminants que les usines de pâte à papier rejettent dans la rivière des Esclaves sont notre plus grande source de préoccupation. Ce projet de loi ne permet de s'attaquer à aucune de ces questions.
Le sénateur Adams: Avant que les frontières soient délimitées, je crois que vous étiez préoccupés par la zone de caribou de la partie est de votre territoire, que vous partagez avec le Nunavut. Est-ce que tout a été réglé avec le Nunavut?
M. Kurszewski: Notre zone chevauche celle des Inuit du Keewatin, mais aucun problème ne se pose. Il doit y avoir une frontière quelconque pour délimiter le territoire. Pour ce qui est de la cueillette, de la chasse et de la pêche, l'accord du Nunavut nous reconnaît le droit de continuer à chasser là où nous avons toujours chassé. Notre accord renferme une disposition de réciprocité des droits selon laquelle d'autres autochtones reconnaissent notre droit de chasser sur leur territoire traditionnel. Chacun peut donc chasser sur le territoire de l'autre.
Le président: Je vous remercie de votre exposé. Nous vous ferons part de nos conclusions. Nous avons encore neuf témoins à entendre.
Le sénateur Adams: Quelqu'un a mentionné les Inuvialuit. Des représentants des Inuvialuit seront-ils invités à comparaître?
Le président: Nous n'en avons aucun sur la liste pour le moment.
Le sénateur Adams: Avez-vous entendu dire quoi que ce soit au sujet des réserves que les Inuvialuit pourraient avoir à propos du projet de loi C-6? Je sais que nous serons saisis d'un autre projet de loi concernant le caribou.
M. Kurszewski: J'ai été surpris de le constater, et vous pouvez me corriger si je me trompe, mais le projet de loi C-6 ne s'applique pas au territoire des Inuvialuit. Cette loi sur la vallée du Mackenzie devait couvrir l'Arctique de l'Ouest, le territoire de l'ouest. Je ne sais pas pourquoi elle ne s'applique pas au territoire des Inuvialuit. Ça me paraît très étrange. L'idée était d'avoir un régime unifié qui s'appliquerait à tout le bassin. Le territoire des Inuvialuit représente une partie importante du bassin. Ils ont le delta, où tout se jette dans la mer de Beaufort.
Personne ne m'a encore expliqué pourquoi. Je ne veux pas dire qu'on a eu tort. Je ne veux rien dire à ce sujet-là, mais il serait bon d'examiner la question afin de savoir pourquoi.
Le sénateur Adams: Les baleines migrent là chaque année autour de Tuktoyaktuk. Cette région pourrait être affectée par la pollution venant du delta du Mackenzie. Merci.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.