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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 8 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 26 mai 1998

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones, à qui a été renvoyé le projet de loi C-6, Loi constituant certains offices en vue de la mise en place d'un système unifié de gestion des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie et modifiant certaines lois en conséquence se réunit aujourd'hui à 15 h 40 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je sais que nous n'avons pas le quorum, mais nous allons procéder. Allez-y, je vous prie.

Mme Ruby McDonald, présidente, Sahtu Secretariat Incorporated: Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour parler de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie au nom des Dénés et des Métis du Sahtu. Je suis la nouvelle présidente élue du Sahtu Secretariat Incorporated, qui succède au Conseil tribal du Sahtu. Cette organisation représente 2 403 Dénés et Métis du Sahtu actuellement visés par l'Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu.

Notre peuple a pris une décision osée en choisissant d'entreprendre des négociations sur une revendication territoriale régionale et encore plus osée en ratifiant l'entente sur la revendication territoriale négociée. Ces décisions n'ont pas été prises à la légère. À l'intérieur et collectivement, notre peuple a pesé l'énormité de ces décisions. Il nous est apparu que ce que nous faisions était dans notre intérêt ainsi que celui de nos familles et de nos communautés.

Depuis l'entrée en vigueur de l'entente sur la revendication territoriale du Sahtu le 24 juin 1994, notre peuple, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement du Canada travaillent ensemble pour faire en sorte que l'intention, les principes et les obligations que renferme l'entente soient respectés. C'est dans cet esprit de coopération que les membres du Sahtu Secretariat ont d'abord commencé à travailler à l'ébauche du projet de loi C-6, par l'entremise d'un vaste processus de consultations avec des représentants du Conseil tribal des Gwich'in, du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et du gouvernement du Canada. Il s'est agi d'un long et épuisant processus qui a dépassé de deux ans le cadre défini dans l'entente sur la revendication territoriale du Sahtu.

En vertu du projet de loi C-6, on établira un régime intégré de cogestion des ressources de la vallée du MacKenzie, de l'ouest des Territoires du Nord-Ouest. Il s'agit d'une obligation constitutionnelle qui incombe au gouvernement du Canada à l'endroit des Dénés et des Métis du Sahtu, aux termes de l'entente sur la revendication territoriale du Sahtu. Le dépôt du projet de loi C-6 témoigne de la volonté du gouvernement de respecter son obligation, et je l'en félicite.

Dans les régions du Sahtu et de l'ouest des Territoires du Nord-Ouest, la sanction royale du projet de loi C-6 se soldera par la création de quelques conseils de cogestion. Je ne parlerai pas des conseils Gwich'in, sinon pour dire que nous appuyons leur revendication territoriale et ce qu'ils font.

En ce qui concerne les divers conseils qui seront créés aux termes du projet de loi C-6, j'aimerais d'abord dire un mot de l'Office d'examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie. Cet office sera le principal organisme à entreprendre des évaluations et des examens des impacts environnementaux dans la vallée du Mackenzie. Il assurera une représentation égale aux peuples des Premières nations, y compris ceux qui n'ont pas encore signé une entente sur la revendication territoriale. Étant donné l'impact potentiel de projets qui ont trait aux réseaux hydrographiques et à l'utilisation du territoire, qu'un office territorial doit examiner et évaluer les impacts environnementaux éventuels. À titre d'exemple, nous citons le projet de pipeline interprovincial qui, au départ de Norman Wells dans la région du Sahtu, traverse le Deh Cho avant l'arrivée dans le nord de l'Alberta.

Le Nord a toujours été le siège de mégaprojets, et il en sera toujours ainsi. L'établissement d'un office territorial est le seul moyen d'assurer une évaluation et un examen uniforme de ces projets.

L'Office des terres et des eaux du Sahtu sera le deuxième office créé. Il aura pour tâche de régir l'utilisation des terres et des eaux dans l'ensemble de la région visée par l'entente. L'office délivre, modifie et renouvelle les permis d'utilisation des eaux et des terres. Il assure aux Dénés et aux Métis du Sahtu une représentation égale à titre de membre, en plus de leur permettre, pour la première fois, de participer à un organisme public chargé de prendre des décisions concernant l'utilisation des terres et des eaux dans le Sahtu.

L'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie sera le troisième office créé. Il aura les mêmes caractéristiques et pouvoirs que l'Office des terres et des eaux du Sahtu, dans un territoire plus vaste, la vallée du MacKenzie, dans l'ouest des Territoires du Nord-Ouest. L'établissement de l'office territorial reléguera l'Office des terres et des eaux du Sahtu au rang de groupe de travail de l'office plus grand, mais le groupe de travail continuera de fonctionner normalement. Une fois de plus, l'office territorial assurera une représentation égale aux peuples des Premières nations, y compris ceux qui n'ont pas encore signé une entente sur la revendication territoriale.

L'Office de l'aménagement territorial du Sahtu sera le dernier office créé. Il sera chargé d'élaborer un plan d'aménagement territorial dans la région désignée visée par l'entente, ainsi que de procéder à des examens et de proposer des approbations, des exceptions et des modifications du plan. Une fois de plus, les Dénés et les Métis du Sahtu bénéficient d'une représentation égale au sein de l'office.

En créant les divers offices prévus par le projet de loi C-6, le gouvernement s'acquittera de l'obligation constitutionnelle que lui fait l'entente sur la revendication territoriale, reconnaîtra le vaste processus de consultation entrepris auprès des Dénés et des Métis du Sahtu et, enfin, préparera les régimes de cogestion dans la région visée par l'entente et l'ouest des Territoires du Nord-Ouest. Les offices garantiront aussi la présence de mécanismes d'évaluation environnementale et de gestion des ressources uniformes, sûrs et efficaces dans la région visée par l'entente et l'ouest des Territoires du Nord-Ouest.

J'ai évoqué l'obligation qui échoit au Canada à l'endroit de notre peuple aux termes du projet de loi C-6. Même si, dans l'entente sur la revendication territoriale que nous avons signée, on envisage la création d'un office territorial, notre peuple n'a jamais eu l'intention d'imposer un régime de gestion des ressources aux Premières nations de la vallée du Mackenzie qui n'ont pas encore signé une entente sur la revendication territoriale. Le gouvernement du Canada nous a donné l'assurance que le projet de loi C-6 n'allait pas porter préjudice aux négociations des revendications territoriales ou des ententes d'autonomie gouvernementale futures, et nous avons accepté cette assurance.

Le projet de loi C-6 ne porte pas atteinte aux droits ancestraux ou issus de traités garantis par l'article 35 de la Constitution. Le projet de loi comprend des garanties à ce sujet.

Le projet de loi, ainsi qu'on le définit dans l'entente sur la revendication territoriale du Sahtu, a pour but la création d'un régime qui assurera la protection et la préservation de l'écosystème du Nord, tout en garantissant aux Dénés et aux Métis du Sahtu un engagement à l'égard de la revendication territoriale. Bien que tardif, le projet de loi répond, à mon avis, à l'engagement pris par le gouvernement à l'endroit des Dénés et des Métis du Sahtu, aux termes de l'entente sur la revendication territoriale, relativement à l'instauration d'un régime intégré de gestion des ressources. Nous sommes disposés à accepter notre nouveau rôle dans la gestion des ressources ainsi que dans l'évaluation et l'examen environnementaux sur nos terres ancestrales.

Le sénateur Andreychuk: Merci de nous avoir expliqué en détail pourquoi vous considérez le projet de loi comme nécessaire pour vous et pourquoi vous pensez qu'il s'agit d'une entente valable, imposée par la loi à la suite du règlement de votre revendication.

Le débat ne consiste toutefois pas à déterminer si l'entente ou si le projet de loi sont valables pour vous. La question est plutôt de savoir s'ils ont pour effet de piéger d'autres groupes dont les revendications territoriales n'ont pas encore été réglées. Au moment où vous avez signé l'entente, étiez-vous au courant qu'elle allait lier d'autres personnes à un régime de gestion de ressources en eau, et avez-vous obtenu un avis juridique à ce sujet?

M. Rick Hardy, conseiller juridique, Sahtu Secretariat Incorporated: À notre avis, la signature de l'entente sur la revendication territoriale n'a nullement pour effet de lier quelque autre groupe que ce soit. La seule prescription qui découle de l'entente sur la revendication territoriale a trait à la création d'un Office des terres et des eaux du Sahtu et de l'Office d'aménagement territorial du Sahtu. Aucune des dispositions de l'entente n'a pour effet d'exiger la création d'un office territorial des terres et des eaux. Il est donc certain que rien, dans l'entente du Sahtu, n'a pour effet de lier d'autres groupes de revendication qui n'ont pas encore signé une entente.

Le sénateur Andreychuk: Si l'entente relative aux eaux entre en vigueur et que ces offices sont constitués, les mesures que vous prenez pourront avoir des répercussions sur d'autres territoires puisque ce que vous faites de vos eaux et de votre bassin hydrographique aura un effet sur les leurs.

M. Hardy: Oui, de la même façon que ce qu'on fait dans ces administrations aura des répercussions sur l'utilisation des eaux en Alberta, en Colombie-Britannique et au Yukon: ces choses échappent tout simplement à notre contrôle. Nous sommes limités à notre région géographique.

Le sénateur Andreychuk: Vous avait-on prévenu que, en signant ces ententes, nous risquions d'entrer en conflit avec d'autres groupes et leurs revendications.

M. Hardy: Si ma mémoire est bonne, je ne crois pas qu'on puisse dire que nous avons été prévenus de l'intention du gouvernement d'agir de cette façon. Si ma mémoire est bonne, nous aurions préféré que les offices du Sahtu soient constitués, conformément aux seules prescriptions que renferme l'entente. Nous n'exerçons certes aucune pression pour que le gouvernement crée également l'office territorial des terres et des eaux

Le sénateur Andreychuk: Selon votre interprétation, on se conformerait à l'entente signée avec vous en constituant simplement l'office chargé de la gestion des eaux dans votre territoire?

M. Hardy: Oui, c'est exact.

Le sénateur Forest: Nous apprécions votre participation. Nous aurions aimé nous rendre dans la vallée. Certains d'entre nous ont déjà visité la région, et nous sommes conscients de l'importance que revêt le projet de loi pour l'ensemble du bassin du Mackenzie.

On nous a dit que le projet de loi répond aux obligations du gouvernement dans le contexte de vos revendications territoriales, et nous en sommes venus à cette conclusion avec l'assurance que le projet de loi ne porte pas préjudice aux droits issus de traités des personnes dont les revendications territoriales n'ont pas encore été réglées. Le projet de loi comporte une disposition qui le précise, et vous l'avez vous-même mentionné dans votre témoignage, cet après-midi. De plus, je crois comprendre qu'il existe une lettre dans laquelle le ministre donne à certaines personnes l'assurance que le projet de loi ne portera nullement atteinte à leurs droits.

Ce matin, nous avons toutefois appris que d'autres personnes n'en sont pas aussi sûres. Elles sont toujours inquiètes et craignent sincèrement que les dispositions législatives s'appliqueront à elles, au moment même où elles en sont au stade de la négociation de leurs droits. Elles demandent qu'on apporte des modifications qui auraient pour effet de restreindre l'application du projet de loi C-6 aux deux groupes concernés, le Sahtu et les Gwich'in, dont les revendications territoriales ont déjà fait l'objet d'une entente. D'autres ont laissé entendre qu'on devait différer l'application des dispositions législatives jusqu'à ce que les revendications territoriales aient été réglées dans les autres régions. Je me demande si vous pourriez nous dire ce que vous en pensez puisque nous entendons les deux camps et que nous sommes en quelque sorte pris au milieu.

M. Hardy: J'ai examiné certains autres mémoires, particulièrement celui du Conseil tribal des Dogrib visés par le traité no 11. Si je comprends bien, on propose de limiter l'application des parties 3 et 4 aux régions du Sahtu et des Gwich'in?

Le sénateur Forest: Oui, je crois.

M. Hardy: D'un point de vue juridique et technique, ce genre de disposition, à mon avis, ne pose pas de bien grands problèmes. L'obligation constitutionnelle à l'endroit du Sahtu consiste à créer les offices grâces auxquels les Dénés et les Métis du Sahtu auraient compétence sur leur propre territoire, et ce genre de disposition le permettrait.

Le sénateur Forest: Dans votre mémoire, vous dites que vous bénéficieriez d'une bonne participation au sein de ces offices. Certains des groupes qui ont comparu devant nous ont indiqué que, dans certains de ces offices, la participation des autochtones serait inférieure à ce qu'elle est aujourd'hui. Avez-vous des préoccupations à ce sujet?

Mme McDonald: Personnellement, non. Je siège à tous ces groupes de travail. On parle de groupes de travail et non d'offices parce que l'Office parce que la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie n'a pas encore été adoptée. Dans la plupart des groupes de travail, les autochtones bénéficient d'une représentation égale; dans certains, les Premières nations bénéficient même d'une représentation supérieure.

Le sénateur Forest: Ce matin, nous avons entendu les Deh Cho.

Le sénateur Taylor: Dans votre mémoire, vous dites:

Une fois de plus, l'office territorial assurera une représentation égale aux Premières nations, y compris celles qui n'ont pas encore signé une entente territoriale.

Égale à quoi? Hormis les Premières nations, qui d'autre siège à l'office?

Mme McDonald: Dans tous les offices, la représentation est de 50-50.

M. Hardy: Les nominations aux offices se font par décret. Le gouvernement fédéral procède à toutes les nominations, mais, dans la moitié des cas, il doit choisir parmi une liste de candidats fournie par les Premières nations. Dans les faits, les Premières nations bénéficient de la moitié des nominations.

Le sénateur Taylor: Y a-t-il une division quelconque entre les Premières nations, relativement au Sahtu ou aux Dénés? Les représentants peuvent-ils tous venir de la même nation?

M. Hardy: Si nous n'avions affaire qu'aux offices qui visent le territoire du Sahtu, c'est-à-dire l'Office des terres et des eaux du Sahtu et l'Office d'aménagement territorial du Sahtu, les 50 p. 100 des représentants viendraient du Sahtu. Si l'office est élargi et que la partie 4, qui vise l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie, entre en vigueur, les 50 p. 100 proviendraient toutefois des Premières nations de toute la vallée du Mackenzie.

Quant au nombre exact de représentants que chacun peut nommer -- je crois que le Sahtu a droit à au moins un des représentants issus des Premières nations à l'Office de la vallée du Mackenzie. Peut-être l'un de vos fonctionnaires pourrait-il vous donner plus de détails concernant les autres nominations.

Le sénateur Taylor: Nous pourrions établir le nombre en tenant compte du fait que la moitié de l'office territorial est réservé aux Premières nations et qu'un certain nombre de sièges sont réservés au Sahtu. Que reste-t-il pour ceux qui n'ont pas signé d'entente?

M. Hardy: Peut-être vaudrait-il mieux regarder le projet de loi lui-même et voir ce qu'on y propose.

Le sénateur Taylor: Je peux le faire. Je pensais que vous auriez peut-être des informations plus à jour que les miennes.

Si l'office se compose de seulement 50 p. 100 des représentants des Premières nations et que le Sahtu et les Gwich'in bénéficient d'un nombre de sièges réservés, qu'avez-vous laissé aux trois Premières nations qui n'ont encore rien signé?

M. Hardy: C'est un peu injuste puisqu'il ne nous appartenait pas de leur laisser quoi que ce soit.

Le sénateur Taylor: Voici où je veux en venir. Je n'ai pas l'impression qu'on les ait laissées entre très bonnes mains.

M. Hardy: Il s'agit d'un projet de loi du gouvernement fédéral, et vous devez donc vous tourner vers le gouvernement fédéral pour poser des questions à propos de ce qui a été fait.

Notre présidente n'a pas soulevé une question en suspens, dans un effort délibéré pour ne pas soulever d'aspects négatifs. En vertu de l'entente territoriale signée avec les Dénés et les Métis du Sahtu, le gouvernement du Canada avait l'obligation de constituer les offices dans les deux ans suivant la signature de l'entente. Or, le quatrième anniversaire des dispositions législatives approche à grands pas.

Lorsque l'entente a été conclue et promulguée, le délai était de deux ans, et nous le savions. À l'époque, cependant, nous avions tout lieu de penser que le délai de deux ans marquait une date limite. Nous pensions que les choses allaient se dérouler rondement; selon notre perception de l'époque, les offices devraient fonctionner depuis environ trois ans. Tel n'a pas été le cas.

L'absence de l'Office d'aménagement territorial pose des problèmes particuliers. L'office devait disposer d'une période de cinq ans pour élaborer un plan d'aménagement territorial appelé à régir toutes les activités et tous les aménagements dans le secteur, et nous avons maintenant, dans notre perspective, perdu environ trois années du temps réservé à la planification. Entre temps, l'activité se poursuit. L'exploration pétrolière et gazière est florissante, on délivre des permis d'exploration, l'activité minière passe par la prospection et l'octroi de concessions, et un certain nombre de personnes qui convoitent des terres s'installent dans la région -- autant d'activités qui devraient être régies par un plan d'aménagement territorial. Nous ne sommes pas préoccupés par le fait que le gouvernement ne se soit pas acquitté de son obligation constitutionnelle. Ce qui nous préoccupe, ce sont les effets pratiques de la perte de trois années que nous aurions pu consacrer à la planification de l'aménagement territorial.

À deux reprises, nous avons proposé une solution au problème -- la première fois au ministre précédent, Ron Irwin. En vertu de la Loi sur les terres territoriales, le ministre a le pouvoir de mettre en place un régime d'octroi de terres et de permis exigeant le consentement des Dénés et des Métis du Sahtu. Nous avons fait cette demande au ministre précédent, et nous l'avons réitérée au ministre actuel. Comme le gouvernement a omis de donner suite aux engagements pris dans l'entente, il devrait, à notre avis, prendre des mesures pour faire en sorte que les Dénés et les Métis du Sahtu aient leur mot à dire comme ils l'auraient eu en vertu du régime de planification de l'aménagement territorial. La seule solution pratique consiste à prendre les mesures qui s'imposent en application de la Loi sur les terres territoriales. Ainsi, la Couronne ne devrait pas pouvoir céder de terres du Sahtu sans le consentement des Dénés et des Métis du Sahtu. C'est la seule réserve que nous inspire tout le processus.

Le président: Je crois que le gouvernement a accepté le règlement de vos revendications territoriales il y a quatre ans, n'est-ce pas?

M. Hardy: Les dispositions législatives ont été adoptées il y a près de quatre ans. L'entente elle-même a été ratifiée il y a environ quatre ans et demi.

Le président: De votre côté, je suis certain que vous ne voyez aucun inconvénient à la mise en oeuvre de l'entente. Mais qu'en est-il du secteur privé? Cette question fait partie de la responsabilité du secteur public. D'où viennent les ressources pécuniaires dont vous avez besoin pour la mise en place du secteur public?

Mme McDonald: Dans le plan de mise en oeuvre, nous avons assez d'argent pour faire ce que nous devons faire, mais là n'est pas la question. Ce que nous disons, c'est que l'entente a été signée en 1994. Il n'y a pas de plan d'aménagement territorial en place. Des gens continuent de venir dans la région du Sahtu, de louer des terres, d'aménager des cabanes et de s'adonner à l'exploration minière et gazière, et nous ne serons en mesure d'exercer un contrôle que si le gouvernement bloque les transactions foncières comme nous le demandons.

M. Fred Koe, sous-ministre, ministère des Affaires autochtones, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest: Je suis très heureux de présenter un mémoire au nom de mon ministre et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Le ministre ne pouvait être ici aujourd'hui parce qu'il était à l'assemblée législative.

De nombreux débouchés économiques emballants s'offrent aux Territoires du Nord-Ouest, souvent dans la vallée du Mackenzie. Les secteurs minier, pétrolier et gazier sont déjà bien établis, et nous serons sous peu le premier producteur de diamants au Canada. Le pétrole et le gaz suscitent de plus en plus d'intérêt. Toutefois, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a toujours eu pour politique de faire en sorte que le développement économique s'effectue de manière avisée sur le plan social et environnemental, dans le respect des ententes conclues avec les peuples autochtones.

La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie établira un régime concerté de gestion des ressources pour régir l'utilisation des terres et des eaux dans le secteur. Elle confère aux résidents du Nord un rôle plus prononcé dans la réglementation de l'utilisation des terres et des eaux. Elle donne également suite aux obligations contenues dans les ententes sur la revendication territoriale globale du Sahtu et des Gwich'in.

Voilà donc pourquoi le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest appuie le projet de loi. Il ne s'ensuit pas que le gouvernement est satisfait de chacun des articles. Nous avons certaines préoccupations, mais nous accepterons la notion selon laquelle la gestion des ressources constitue souvent une optimisation d'intérêts, de valeurs et de besoins divergents. Dans le domaine de la gestion des ressources, l'essence du processus décisionnel tient à l'équilibrage des intérêts.

La conception du régime de réglementation et l'élaboration des dispositions législatives elles-mêmes sont aussi le produit de l'équilibrage et du consentement de nombreuses parties différentes. La modification proposée constitue une amélioration par rapport au régime de réglementation existant, et elle parvient à intégrer bon nombre d'aspirations et de besoins des Premières nations, par l'entremise d'institutions du gouvernement populaire. On donne suite aux obligations découlant des ententes sur les revendications territoriales, et on répond à bon nombre d'objections de longue date des peuples autochtones en ce qui a trait à l'approbation des utilisations des terres et des eaux.

La coordination améliorée qui résultera de ce nouveau régime de réglementation simplifiera le processus décisionnel qui préside à l'approbation des projets de développement, ce qui aura pour effet de clarifier la situation pour les industries qui souhaitent investir dans le Nord et leur conférera une certitude plus grande. Par conséquent, l'adoption du projet de loi favorisera le développement économique, tout en assurant le développement durable de nos ressources naturelles, en plus de contribuer à la réalisation de notre objectif, à savoir l'autosuffisance et l'autodétermination.

L'une des caractéristiques particulièrement attrayantes du régime de réglementation proposé a trait au partenariat qu'il institue entre les autorités autochtones, communautaires, territoriales et fédérales de même qu'avec le grand public. Chacun a un rôle important à jouer et apportera une contribution au processus décisionnel général lié à l'utilisation des ressources naturelles de la vallée du Mackenzie.

La conception d'un régime de réglementation ne date pas d'hier. De fait, le régime n'est pas né soudainement en 1992 à la suite de l'Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich'in. En réalité, sa conception remonte aux années 80: le gouvernement ainsi que les Dénés et les Métis de l'ensemble de la vallée du Mackenzie avaient alors entrepris de mettre au point un système mieux adapté aux besoins de ces derniers. On était en quête d'une approche novatrice puisque, pour parler en termes généraux, aucune réserve n'avait été établie dans les Territoires du Nord-Ouest. Les communautés ont été établies, et on y retrouve toujours des résidents autochtones et non-autochtones.

Comme je l'ai mentionné, la conception du projet de loi C-6 résulte aussi de l'équilibrage d'intérêts, comme le montre clairement le fait que le processus d'élaboration du projet a pris presque cinq ans. Notre réponse aux efforts de consultation déployés au cours des dernières années n'est peut-être pas aussi idéal qu'on pourrait l'espérer, mais le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est convaincu qu'on a tenu compte des préoccupations exprimées et qu'on les as intégrées dans toute la mesure du possible.

L'application de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie dans l'ensemble de la vallée du Mackenzie comporte des avantages considérables. Depuis de nombreuses années, le public revendique une réforme du régime de réglementation.

À la fin de l'année dernière, des Dénés d'une communauté voisine de Yellowknife ont protesté pacifiquement contre le régime actuel de réglementation, précisant qu'il n'est pas adapté à leurs besoins. La plupart des citoyens souhaitent un changement.

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est sensible aux préoccupations soulevées par les nations autochtones dans les régions de la vallée non visées par les ententes territoriales. Ces préoccupations tournent autour de la nature potentiellement préjudiciable du nouveau régime de règlement de leurs revendications territoriales. Dans le projet de loi C-6, on reconnaît que les ententes futures sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale pourront se traduire par des modifications. En fait, on accepte clairement que les dispositions législatives devront être modifiées pour faire place à ces changements; mieux, on le prévoit. Les ententes sur les revendications territoriales globales ont préséance sur d'autres dispositions législatives. Voilà une garantie de plus que les ententes sur les revendications territoriales s'appliqueront en cas d'incompatibilité entre elles et les dispositions législatives.

Après la création des deux nouveaux territoires en 1999, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest s'attend à l'émergence de deux nouvelles unités politiquement et économiquement viables au Canada. Une fragmentation plus poussée au niveau administratif et politique ira à l'encontre de cet objectif. Le projet de loi C-6 établit un équilibre entre la participation et la prise de décisions aux niveaux régional et communautaire, ce qui suppose une coordination et une uniformité dans l'ensemble de la vallée du Mackenzie.

Outre la participation accrue du public, on note, parmi les améliorations, une coordination et une intégration plus grandes des mécanismes de réglementation, de même qu'une réduction des dédoublements. L'établissement d'un guichet unique aux fins des évaluations environnementales et des approbations des utilisations de l'eau est également digne de mention. En dernière analyse, le régime devrait également se traduire par des mécanismes décisionnels plus efficaces et efficients.

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est sensible aux préoccupations soulevées dans le cadre des consultations et réitérées devant le comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, particulièrement celles qui ont trait aux régions dont les revendications territoriales n'ont pas fait l'objet d'une entente. On s'inquiète en particulier de l'équité de la représentation aux offices constitués pour l'ensemble de la vallée en application des parties 4 et 5 du projet de loi, ainsi que du préjudice que l'adoption du projet de loi pourrait porter à de futures revendications territoriales, aux droits issus de traités et aux négociations concernant l'autonomie gouvernementale.

Au chapitre de la représentation, il existe déjà une marge de manoeuvre considérable, et des dispositions non dérogatoires ont également été prévues. De nouvelles modifications ont été adoptées à la suite des délibérations de la Chambre des communes, lesquelles visaient à atténuer encore davantage ces préoccupations. Les consultations se sont également soldées par des améliorations suggérées aux dispositions transitoires. Reconnaître et protéger les terres, les intérêts et les droits existants et garantir qu'on n'aura pas affaire à des dédoublements superflus des évaluations et des examens environnementaux constituent deux autres enjeux importants auxquels on devra s'intéresser davantage.

En conclusion, l'économie des Territoires du Nord-Ouest dépend des ressources naturelles. Les dispositions législatives proposées définissent une coordination sûre du régime de réglementation pour l'utilisation des terres et des eaux. Voilà qui aura pour effet non seulement de favoriser le développement économique, mais en plus de faire en sorte que ce développement s'effectue de façon avisée sur le plan social et environnemental.

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, à titre de signataire des ententes sur les revendications territoriales globales conclues avec les Gwich'in et le Sahtu, est déterminé à s'acquitter de ces obligations. Le projet de loi C 6 découle de ces dernières. Le gouvernement, partie aux revendications territoriales en cours et futures, de même qu'aux négociations qui ont trait aux droits issus de traités et à l'autonomie gouvernementale, est déterminé à assurer le règlement équitable des revendications de même que la mise en oeuvre des droits ancestraux et issus de traités.

L'un des objectifs de longue date du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest consiste à obtenir qu'on cède au Nord les responsabilités, les pouvoirs et les programmes qui ont trait aux territoires du Nord. Pour un certain nombre de raisons, nous n'y sommes pas parvenus, mais notre volonté de prendre en main notre propre avenir n'est pas en cause. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est encouragé de constater que la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie constitue un progrès dans l'épanouissement politique des Territoires du Nord-Ouest. L'établissement de partenariats et l'octroi d'un pouvoir décisionnel plus grand aux résidents du Nord compte parmi les avantages indéniables du projet de loi. Voilà pourquoi le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est favorable au projet de loi C-6.

Le sénateur Andreychuk: Vous n'êtes pas favorable à tous les articles du projet de loi, mais vous avez le sentiment que, dans l'ensemble, il constitue la bonne marche à suivre. Êtes-vous préoccupé par le fait que, malgré les assurances données, quelques groupes ont toujours le sentiment de subir des préjudices? Comment le gouvernement devrait-il traiter avec ces groupes? Croyez-vous que les assurances que renferme le projet de loi sont suffisantes?

M. Koe: Les principes généraux, l'approche et le cadre qui figurent dans le projet de loi C-6 sont les mêmes qu'on retrouve dans les mandats actuels du gouvernement aux fins de la négociation des revendications territoriales globales dans la vallée du Mackenzie. Jusqu'à ce que ces mandats soient modifiés, toutes les parties reconnaissent ce fait. En ce qui concerne le rôle qu'il est appelé à jouer dans les négociations actuelles, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a plaidé en faveur d'un régime concerté de réglementation de l'utilisation des terres et des eaux passant par des institutions du gouvernement populaire.

Les mandats actuels du gouvernement ainsi que les principes et l'approche qui sous-tendent le projet de loi C-6 sont compatibles avec la politique du gouvernement fédéral concernant les droits inhérents. On peut se demander si les propositions de certains groupes de revendication sont conformes à la politique, et c'est pourquoi nous sommes en train de négocier. Toutefois, nous avons le sentiment de bénéficier d'une marge de manoeuvre suffisante dans le cadre des négociations pour pouvoir apporter des modifications et des améliorations répondant aux besoins précis, dans une perspective régionale.

La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie ne s'applique pas à l'ensemble de la vallée du Mackenzie au motif qu'elle pourrait porter préjudice aux négociations concernant l'autonomie gouvernementale, les négociations actuelles, et à l'examen de propositions foncièrement différentes dans le contexte des revendications territoriales. Pendant que de nouvelles options et propositions sont mises au point et, par la suite, analysées par les parties gouvernementales, les négociations s'interrompront probablement.

Si ces propositions sont considérées comme faisables, on devra modifier les mandats, ce qui entraînera de nouveaux retards. C'est un cercle vicieux. Nous sommes d'accord dans la mesure où l'idée d'un régime global de réglementation pour l'ensemble de la vallée nous sourit.

Le sénateur Andreychuk: Ce matin, certains groupes nous ont dit qu'il vaudrait mieux que le régime de gestion des eaux ne soit mis en oeuvre que pour le Sahtu et les Gwich'in. Entre-temps, un régime de consultation distinct pourrait être mis en place pour le reste de la vallée du Mackenzie, jusqu'à ce qu'un régime de gestion complet soit constitué. Je crois comprendre que vous préféreriez que les dispositions législatives s'appliquent à toute la région et que, à vos yeux, un tel régime ne porterait pas préjudice aux revendications territoriales et à d'autres enjeux, n'est-ce pas?

M. Koe: Oui, c'est ce que nous pensons, du point de vue de la réglementation. La coexistence de deux régimes de réglementation ou plus se révélerait fort peu pratique pour notre territoire, pour l'Arctique de l'Ouest et pour la vallée du Mackenzie. Du point de vue de la gestion environnementale, on ne serait pas en mesure de protéger efficacement les grands écosystèmes du bassin du fleuve Mackenzie. Nous savons tous que les eaux descendent de l'Alberta et du nord de la Colombie-Britannique, passent par le sud des Territoires du Nord-Ouest jusque dans le delta du Mackenzie, pour ensuite se jeter dans l'océan Arctique. Les deux groupes dont les revendications territoriales ont fait l'objet d'une entente sont les Gwich'in de même que les Dénés et les Métis du Sahtu, sans oublier les Inuvialuit, qui se trouvent bien plus loin en aval. Nous proposons que l'ensemble du réseau du Mackenzie soit intégré, de façon que toutes les parties puissent collaborer à la mise en place des protections réglementaires et environnementales qu'elles jugent nécessaires pour toute la vallée.

Le sénateur Chalifoux: Nous avons entendu quelques exposés au sujet de la représentation aux offices. Vous avez dit ne pas nourrir d'inquiétude à ce sujet, mais d'autres témoins se sont montrés très préoccupés: à leurs yeux, la représentation ne sera pas suffisante. En deuxième lieu, ils ont beaucoup de mal à accepter que le projet de loi entre en vigueur avant que leurs revendications territoriales ne soient réglées. Auriez-vous l'obligeance d'étoffer votre pensée sur ces deux questions? Dans la région, on est confronté à trois revendications territoriales distinctes qui n'ont pas encore été réglées. Quel est votre opinion?

M. Koe: Nous sommes parfaitement au courant de ce problème et des préoccupations des Premières nations dont les revendications territoriales n'ont pas été réglées. Une partie de ma tâche consiste à négocier ces revendications au nom du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, de sorte que nous sommes très actifs à toutes les tables et que nous sommes bien au courant des préoccupations des intéressés. Notre gouvernement est d'avis que le projet de loi est souple: il donne au ministre la possibilité de nommer des membres et de faire en sorte que tous les représentants des nations autochtones soient nommés à l'un ou l'autre des divers offices.

Le sénateur Chalifoux: Dans quels articles retrouve-t-on une marge de manoeuvre suffisante pour régler ces problèmes?

M. Koe: Nous sommes convaincus qu'il existe une marge de manoeuvre suffisante et que tout fonctionnera. Nous savons également que tous les détails concernant la composition des offices seront arrêtés d'entrée de jeu. Bon nombre de ces questions seront abordées dans le cadre des négociations entourant l'autonomie gouvernementale et, dans l'ensemble de la vallée, divers groupes en sont à des stades de négociation différents. Certains groupes siègent à des tables actives, et certains autres se préparent tout juste à y faire leur entrée. Nous pensons que les dispositions du projet de loi C-6 devraient être considérées comme une mesure intérimaire, jusqu'à ce que toutes les ententes aient été négociées et menées à bien.

Le sénateur Chalifoux: Plus tôt, vous avez déclaré que certaines personnes s'inquiètent de l'équité de la représentation aux offices constitués pour l'ensemble de la vallée en application des parties 4 et 5 du projet de loi ainsi que du préjudice que l'adoption du projet de loi pourrait porter aux revendications territoriales futures. Dites-vous maintenant que ces préoccupations sont inopportunes? Vous nous dites que certaines personnes nourrissent des préoccupations, mais que le projet de loi est suffisamment souple pour répondre à ces problèmes?

M. Koe: Nous sommes très sensibles aux préoccupations soulevées par les nations autochtones qui n'ont pas signé d'entente. Au fur et à mesure que les négociations progressent, nous pensons que le projet de loi sera suffisamment souple pour permettre à ces nations de négocier des sièges aux divers offices. Nous ne pouvons prédire le résultat des négociations, et deux parties -- la nation visée par le traité no 8 et la nation Deh Cho dans les Territoires du Nord-Ouest -- ne siègent pas encore à une table. Nous ignorons quelles positions elles défendront lorsqu'elles s'assoiront à une table.

Le sénateur Chalifoux: Les Métis de North Slave et les Métis de South Slave sont-ils compris?

M. Koe: Les Métis de South Slave sont à une table. Ils travaillent actuellement à la conclusion d'une entente de principe sur les revendications globales et étudient la possibilité de négocier l'autonomie gouvernementale. Les Métis de North Slave ne sont pas à une table. Ils s'efforcent de travailler avec les Dogrib et la Première nation assujettie au traité no 8, qui se trouvent aux environs de Yellowknife, de sorte que nous ne savons pas exactement où ils en sont. Nous savons que les Métis de South Slave participent à des négociations actives, et je sais qu'ils veulent que nous différions notre appui. Une fois de plus, toutefois, il s'agit d'une question que nous devons régler à la table des négociations.

Le sénateur Forest: Le projet de loi C-6 vise à créer un régime intégré de gestion des terres et des eaux dans la vallée du Mackenzie, et c'est là un de ses points forts. Divers groupes de la vallée du Mackenzie ont toutefois soulevé des préoccupations relativement au nombre d'institutions établies de même qu'à leur capacité de coordonner et d'intégrer leurs processus, entre eux et avec ceux d'autres institutions. Certains y voient une structure plutôt bureaucratique, qui pourrait se révéler plus difficile à diriger que celle qui existe actuellement. Avez-vous des inquiétudes à ce sujet, ou croyez-vous que ce type de coordination donnera de bons résultats?

M. Peter Bannon, directeur, Politiques et coordination, ministère des Affaires autochtones des Territoires du Nord-Ouest: Comparons le régime de réglementation actuel, avec les lois et les organismes différents qu'il comporte, à ce qui est proposé dans le projet de loi C-6. Dans les faits, les dispositions législatives proposées simplifient les choses, en plus d'assurer une bien meilleure coordination des activités. Il prévoit une coordination entre les offices dans les institutions, et nous sommes convaincus qu'il s'agira d'une amélioration par rapport au régime existant.

Le sénateur Forest: Je déduis de ces propos que vous souhaitez qu'on aille de l'avant à plein régime et qu'on s'occupe des groupes qui ont des préoccupations dans le cadre des négociations. Je sais bien que les revendications antérieures ont été réglées il y a quelque temps déjà et que ces groupes sont très impatients qu'on aille de l'avant. On est donc confronté à deux camps opposés: les uns souhaitent qu'on diffère l'adoption du projet de loi, ou encore que ce dernier ne s'applique pas à eux, et les autres estiment qu'il se fait attendre depuis trop longtemps et qu'il est temps d'aller de l'avant.

M. Bannon: Nous sommes d'accord pour dire qu'il vaut mieux aller de l'avant. Le projet de loi C-6 assure une participation plus grande au processus décisionnel -- à la fois pour le public et les nations autochtones -- que le régime actuel. Il s'agit d'une amélioration par rapport à ce qui existe aujourd'hui. Les groupes des Premières nations auront l'occasion de négocier leurs revendications territoriales et les ententes relatives à l'autonomie gouvernementale, pour tenter d'obtenir l'intégration de leurs aspirations et de leurs besoins régionaux.

Le sénateur Taylor: Si le gouvernement décidait de modifier le projet de loi C-6 en précisant qu'il ne s'appliquera que pendant trois ou quatre ans, à moins que des ententes sur les revendications territoriales ne soient conclues par les autres peuples de la vallée, comment réagiriez-vous? Le gouvernement aurait intérêt à obtenir une entente ou à faire adopter le projet de loi puisque, dans le cas contraire, ce dernier mourrait de sa belle mort dans les trois ans. En revanche, les trois groupes qui n'ont pas encore signé d'entente sur les revendications territoriales sauraient que, à moins qu'une entente ne soit conclue dans les trois ans, l'ensemble de l'accord sur la gestion des ressources en eau disparaîtrait. Il s'agit en quelque sorte d'une disposition ultimatum.

Beaucoup de personnes tirent beaucoup d'argent de la négociation, et l'idée consiste à faire traîner les choses en longueur. Je me suis fait la réflexion qu'on pourrait ainsi amener les parties des deux côtés à négocier.

M. Koe: À titre de gouvernement, nous aurions beaucoup de mal à appuyer une telle démarche. Comme je l'ai déjà dit, nous avons le sentiment que le régime aura pour effet d'uniformiser un système. Dans l'ensemble de la vallée, un système intégré serait en place. L'eau coule, et les animaux et les oiseaux qui vont et viennent utilisent l'écosystème aquatique. Si on adoptait des dispositions ultimatums, le projet n'aurait pas, croyons-nous, l'impact qu'il mérite.

À la fin de la période de trois ans, que se produirait-il? Si certaines nations autochtones n'ont pas signé d'entente, les négociations -- nous ne devons pas l'oublier -- vont dans les deux sens. Le gouvernement et les nations autochtones doivent en venir à un accord. Après toutes ces années, certaines des nations autochtones ne sont pas même présentes à une table. Bon nombre d'autres siègent à une table, et certaines en sont arrivées à une entente, de sorte que l'éventail d'opinions est relativement étendu. Il existe également un éventail d'opinions quant à ce que les nations autochtones souhaitent tirer d'une entente, qu'il s'agisse d'un traité ou d'une entente sur une revendication territoriale globale. Jusqu'à ce qu'elles aient déterminé quels sont leurs besoins, leurs souhaits et leurs aspirations, il est difficile de dire: «Oui, attendons trois ans.» On pourrait tout aussi bien attendre dix ans. Cependant, il n'est pas dans notre intérêt de prolonger ces négociations à jamais.

Le sénateur Taylor: Comment réagiriez-vous si les habitants des trois autres secteurs parvenaient à obtenir une meilleure représentation que la vôtre et peut-être même une meilleure entente territoriale? Considéreriez-vous toujours que vous avez terminé et que tout est fini, ou fonctionnez-vous selon le principe des nations favorisées -- c'est-à-dire que vous voudrez rouvrir les négociations s'ils obtiennent quelque chose de mieux?

M. Koe: Telle est la nature des négociations. Certaines nations autochtones attendent de voir si elles peuvent obtenir une meilleure entente et ce que fera le gouvernement en place dans le cadre des négociations. Il est possible qu'elles fassent exactement ce que vous dites. Dans certaines ententes, on retrouve des dispositions qui prévoient des modifications, ou encore qu'on accepte ou intègre les dispositions négociées supérieures à celles qui existent aujourd'hui. On dispose d'une certaine marge de manoeuvre. La nature des négociations est telle que la stratégie de certains groupes consiste à attendre pour voir s'ils peuvent obtenir de meilleures conditions. Une fois de plus, je n'ai pas la possibilité de définir un échéancier puisque deux nations importantes ne sont toujours pas à la table.

M. Richard Nerysoo, président, Conseil tribal des Gwich'in: Je vous remercie beaucoup des efforts que vous avez déployés pour m'accueillir.

J'ai siégé à l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest pendant 16 ans. J'ai été leader du gouvernement, ministre de la Justice, ministre des Ressources renouvelables et ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources. J'ai agi comme président de l'assemblée législative, en plus de présider le comité permanent des finances de même que le comité permanent de la législation. J'ai occupé presque tous les portefeuilles. J'ai occupé la présidence de la Fraternité nationale des Indiens et la vice-présidence de la nation dénée. J'agis aujourd'hui comme président du Conseil tribal des Gwich'in, poste que j'ai déjà occupé, de sorte que, malgré mon jeune âge, j'ai des antécédents variés. Aujourd'hui, je représente le Conseil tribal des Gwich'in, responsable de la mise en oeuvre de l'Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich'in. Nous appuyons l'adoption du projet de loi C-6 et l'établissement d'un régime intégré de gestion des terres et des eaux dans la vallée du Mackenzie.

J'aimerais dire brièvement pourquoi le Conseil tribal des Gwich'in est favorable à ce fort important texte de loi. J'aimerais également réagir à certaines oppositions politiques que nous avons suivies à la Chambre des communes, puis, aujourd'hui, au niveau du comité sénatorial permanent.

Lorsque j'ai comparu devant le comité de la Chambre des communes, l'année dernière, je me suis assuré, mesdames et messieurs, que ses membres ne perdent pas de vue l'objet du projet de loi C-6. L'objectif qui sous-tend la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie consiste à donner au gouvernement du Canada et au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest la possibilité de s'acquitter des obligations qui leur échoient en l'application de l'entente sur la revendication territoriale globale conclue entre Sa Majesté la Reine et les Gwich'in. L'Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich'in a été confirmée par voie législative en décembre 1992. Au regard de la Constitution, il s'agit d'une entente sur une revendication territoriale, au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Comme nous le faisons ressortir dans le mémoire que nous vous avons soumis, les Gwich'in, jusqu'à la signature de l'Entente sur la revendication territoriale, n'étaient pas associés à la prise de décisions concernant l'utilisation des terres et des eaux dans leur région. Nos valeurs et nos opinions concernant les terres et les eaux que nous utilisons et parcourons depuis des temps immémoriaux n'étaient ni reconnues ni recherchées par le gouvernement.

Dans les années 70, nous nous sommes prononcés contre le projet de pipeline de la vallée du Mackenzie qui, nous le savions, allait porter préjudice à nos terres et à notre mode de vie traditionnel. Nous avions également compris qu'il n'allait pas assurer le développement économique durable de notre peuple. L'enquête Berger a été un jalon important dans le régime d'évaluation des impacts environnementaux et sociaux que le projet de loi C-6, à mon avis, instaurera.

À la suite de l'enquête ainsi que de la reconnaissance des droits ancestraux et de la Constitution, le Canada ne pouvait plus faire fi du droit à l'autodétermination des peuples autochtones du grand Nord.

Au cours des deux dernières semaines, d'autres témoins vous ont sans doute dit que les structures administratives et décisionnelles constituées par le projet de loi risquent de poser certains problèmes aux groupes qui n'ont pas encore signé d'entente territoriale. J'aimerais toutefois vous demander de vous pencher pendant un instant sur ce que prévoit le projet de loi C-6 pour les autochtones et le public de la vallée.

Le projet de loi C-6 reconnaît la participation directe des Gwich'in, du Sahtu et d'autres communautés qui concluront sous peu des ententes territoriales aux décisions touchant la gestion des ressources, en plus d'assurer la protection environnementale des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie. Ce texte de loi d'avant-garde repose sur un certain nombre de percées importantes réalisées dans le domaine des sciences environnementales appliquées mises de l'avant par Berger et d'autres. À cet égard, on a été influencés par les autochtones -- notamment en ce qui concerne les approches axées sur les écosystèmes ou les bassins hydrographiques auxquels on doit faire appel pour régir comme il se doit les utilisations des terres et des eaux. On protège ainsi les droits des personnes qui vivent en aval.

L'environnement comprend des facteurs biophysiques, sociaux et économiques. Les aménagements ont des effets cumulatifs sur les terres et les eaux. Dans le cadre du développement, on doit tenir compte des utilisations futures. Les autochtones, en vertu des ententes sur les revendications territoriales, ont le droit de participer à la gestion de l'utilisation des terres et des eaux, par le truchement d'institutions du gouvernement populaire.

Le projet de loi C-6 repose sur la théorie de la cogestion. Cette approche de la gestion des ressources exige l'établissement d'offices publics qui respectent le principe selon lequel les autochtones ont le droit de prendre des décisions sur leurs terres ancestrales. Dans la prise de décisions concernant les ressources, la faune et le développement économique des régions désignées, on doit de plus tenir compte de l'intérêt de l'ensemble des Canadiens et des non-Autochtones qui vivent et travaillent dans les régions concernées. Il s'agit d'un partenariat.

Le projet de loi C-6 porte la création d'un Office Gwich'in des terres et des eaux, d'un Office Gwich'in d'aménagement territorial, d'un Office régional d'examen des répercussions environnementales et, enfin, d'un office des terres et des eaux pour l'ensemble de la vallée. Ces offices agiront à titre d'institutions du gouvernement populaire dans le cadre d'un régime intégré de gestion des terres et des eaux pour la vallée du Mackenzie.

Le projet de loi C-6 a été ébauché sur une période de cinq ans, en étroite collaboration avec le Sahtu Secretariat Incorporated et le Conseil tribal des Gwich'in.

J'aborderai certaines des préoccupations soulevées récemment par la North Slave Métis Alliance (traité no 11) et le South Slave Métis Tribal Council. Premièrement, cependant, j'aimerais féliciter les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ainsi que les membres et les leaders du Conseil tribal et du Sahtu Secretariat, qui ont travaillé d'arrache-pied pour ébaucher le projet de loi. Il s'est agi d'un effort de planification concerté et visant à associer les résidents du Nord à tous les stades de la rédaction. Même si certains groupes ne sont pas disposés à respecter le calendrier législatif du MAINC en raison de la situation de leurs négociations sur les revendications territoriales, la participation de ceux qui en avaient la capacité a sans nul doute eu pour effet de renforcer le projet de loi.

Dans le cadre des audiences du comité permanent qui se sont déroulées dans la dernière partie de 1997, le Conseil tribal des Gwich'in a pris conscience de la nature de l'opposition au projet de loi C-6. Avant la tenue des audiences, nous avons entendu les préoccupations de l'industrie et des groupes du sud de la vallée du Mackenzie. Plus récemment, nous avons été mis au courant de la très vive opposition de la North Slave Métis Alliance, du South Slave Métis Tribal Council et, enfin, des Dogrib assujettis au traité no 11, qui ont déjà comparu devant le comité.

La question des négociations qui entourent les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale est difficile, et les intéressés ont droit à toute la sympathie des Gwich'in. Toutefois, l'opposition actuelle à des aspects précis de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie ne justifie pas qu'on bloque son adoption. Le projet de loi se fait attendre depuis quatre ans. Le gouvernement du Canada, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, le Conseil tribal des Gwich'in et le Sahtu Secretariat ont consacré beaucoup d'argent et de temps pour faire en sorte que le projet de loi soit aujourd'hui devant le Sénat.

Dans les régions, on a préparé avec diligence les groupes de travail appelés à assumer les responsabilités qui, en matière de réglementation, revenaient au MAINC. Tout nouveau retard dans l'adoption du projet de loi constituera encore une violation de l'Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich'in et de l'Entente sur la revendication territoriale globale du Sahtu. Les Gwich'in sont d'avis qu'il est impératif de donner suite à l'établissement de ces offices, de façon à ce que l'on puisse poursuivre la mise en oeuvre, suivant un calendrier raisonnable, des structures découlant des revendications territoriales. On retarde déjà depuis quatre ans l'adoption du projet de loi, ce qui a eu un effet négatif sur le calendrier de mise en oeuvre de notre entente sur les revendications territoriales.

En matière de gestion des terres et des eaux, le projet de loi C-6 instaure un cadre d'avant-garde, ce qui revêt une importance encore plus grande que la question de l'opportunité. Par l'entremise des revendications territoriales, il accorde des droits aux Autochtones; en ce qui concerne les principes de la gestion écologique des ressources, il n'a pas son pareil dans le Nord. Il s'agit de l'un des premiers exemples de régime de gestion des ressources fondé sur la cogestion des terres et des eaux, dans le cadre d'une entente sur une revendication territoriale globale. Nous sommes fiers d'être associés à ce cadre, et nous pensons que d'autres groupes, particulièrement ceux qui pourront être avantagés à l'avenir, devraient l'être aussi.

Je presse les membres de ces groupes d'examiner avec sérieux les avantages centraux et à long terme du projet de loi, et ils constateront qu'il avantage tous les résidents de la vallée du Mackenzie. S'ils ont en tête un régime supérieur à celui-ci du point de vue de l'équité, de l'équilibre et du respect des principes environnementaux, sociaux et économiques dont les discussions actuelles sur les revendications territoriales font l'objet, j'aimerais bien le voir.

On s'est opposé à la formation de l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie, office qui regroupera les groupes de travail régionaux chargés de l'étude des demandes d'utilisation des terres et des eaux susceptible d'avoir un impact dans plus d'une administration. Cette opposition est imputable au fait que les revendications territoriales dans les régions du sud n'ont pas été réglées.

On aurait recours à l'office lorsque, par exemple, une demande de permis d'utilisation des terres et des eaux dans le sud du bassin du Mackenzie risquerait d'avoir, en aval, un impact sur d'autres administrations du bassin. Les Dogrib ont laissé entendre qu'ils refuseront d'appuyer le projet de loi, à moins qu'il ne soit amputé des parties 3 et 4 qui portent sur la réglementation des terres et des eaux et l'établissement de l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie.

La modification n'aurait pas pour effet d'empêcher la création des offices régionaux, mais elle empêcherait l'établissement de l'Office qui aura pour mandat de faire en sorte qu'on tienne compte, dans le cadre du processus d'examen préliminaire, des impacts qu'auront en aval les aménagements dans la région désignée visée par les ententes conclues avec les Gwich'in et le Sahtu. Nous ne sommes pas d'accord pour attendre plus longtemps l'établissement de l'office, et nous sommes d'avis que la présence de représentants issus du sud au sein de l'office sera avantageuse pour les personnes qui vivent dans les régions du sud, même si elles n'ont pas conclu l'entente sur les revendications territoriales.

En ce qui concerne l'application de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, le gouvernement du Canada a déjà pris des mesures à l'égard de futures négociations entourant les revendications territoriales. Il importe toutefois de dissocier la question du cadre relatif au bassin hydrographique que prévoit le projet de loi de celle des régimes individuels de gestion des ressources qui seront établis à la suite des négociations entre les Premières nations et le gouvernement du Canada.

La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie est un régime d'avant-garde de gestion concertée pour l'ensemble de la vallée. Elle assure la participation des autochtones et du public aux décisions relatives aux terres et aux eaux susceptibles d'avoir des effets cumulatifs et des effets en aval sur la qualité et la quantité des eaux. Il n'impose aucune restriction grave à la façon dont une administration peut élaborer des politiques ou des lignes directrices adaptées à ses caractéristiques uniques, ni aux ententes sur les revendications territoriales qu'elle peut conclure.

Permettez-moi de vous donner un exemple à l'aide de l'Office Gwich'in des terres et des eaux et de l'Office des terres et des eaux du Sahtu. Oui, le projet de loi porte que les deux administrations établiront des offices des terres et des eaux régionaux et indépendants: au sein de chacun, un nombre précis de sièges seront réservés au gouvernement, d'une part, et au Sahtu Secretariat et au Conseil tribal des Gwich'in, d'autre part. Dans le projet de loi, on ménage une place aux caractéristiques uniques de l'entente du Sahtu et de l'entente de Gwich'in, compte tenu surtout de la nature divergente des structures de droit de propriété qu'on retrouve dans chacune des administrations. Cette différence résulte directement des négociations indépendantes entourant les revendications territoriales qui se sont déroulées dans l'une et l'autre des deux régions.

Dans la région du Sahtu, des sociétés régionales possèdent des terres conférées par l'entente sur leur territoire, tandis que, dans la région Gwich'in, le Conseil tribal des Gwich'in détient collectivement l'ensemble des terres conférées par l'entente. Ainsi, la manière dont on traite les demandes de permis d'utilisation des terres et des eaux est passablement différente, et cet écart se reflète dans les politiques et les procédures de chacun des offices des terres et des eaux. En raison de ce droit de propriété, les processus de consultation sont aussi passablement distincts.

Le projet de loi est suffisamment souple pour donner à chacune des administrations le moyen d'exploiter ses préférences. En même temps, cependant, le projet de loi fait en sorte que chacune d'elles respecte certains principes, y compris le respect des administrations en aval, là où les aménagements risquent d'avoir des effets nuisibles sur la faune, les eaux et les terres.

Une fois de plus, il importe de noter que le gouvernement du Canada a déclaré que le projet de loi pourrait être modifié une fois réglées les revendications territoriales dans le sud de la vallée du Mackenzie. Je prie instamment tous les sénateurs de ne pas oublier les principes généraux du projet de loi que j'ai évoqués plus tôt et de se concentrer sur eux. Le projet de loi prévoit un régime régional de gestion des eaux et des terres qui permettra l'examen des impacts en aval des aménagements et la participation des parties concernées à la prise de décisions.

De par sa nature intégrée, le projet de loi prévoit l'examen des impacts cumulatifs des aménagements, ce qui permet l'établissement d'un régime public équilibré de gestion des terres et des eaux qui doit obligatoirement tenir compte des vues du public.

Malgré les arguments des opposants au projet de loi, les autochtones bénéficient ici d'une occasion en or de participer au processus d'évaluation et d'examen environnementaux, soit un régime de gestion à leur avantage. Nous aurons beau débattre des fondements de la négociation des revendications et de ce que sont les politiques gouvernementales, la réalité est que les positions de négociation sont une question d'ordre public, autour de laquelle il incombe au gouvernement et au Cabinet de prendre une décision et non une question autour de laquelle on devrait articuler un projet de loi. Il s'agit d'une distinction importante dont on doit tenir compte dans le traitement de ces enjeux.

Le sénateur Forest: Avons-nous votre mémoire par écrit?

M. Nerysoo: Oui.

Le sénateur Forest: J'ai été particulièrement intéressée de vous entendre dire qu'on a pris des mesures d'accommodement dans les ententes territoriales des Gwich'in et du Sahtu, lesquelles permettent, en ce qui a trait aux terres et aux eaux, un fonctionnement individuel. Il s'agit d'un point important -- si on a pu faire des exceptions pour votre groupe et le Sahtu, on pourra aussi en faire pour les peuples dont les revendications territoriales n'ont pas encore été réglées. Il s'ensuit qu'on dispose d'une certaine marge de manoeuvre, ce qui me rassure quelque peu, puisque de véritables préoccupations ont été exprimées.

Un certain nombre d'autres groupes nous ont dit ne pas être convaincus que la disposition du projet de loi selon laquelle les dispositions ne portent pas préjudice aux droits issus de traités constitue une garantie suffisante. Ils ont reçu du ministre une lettre rassurante, mais ils ne sont malgré tout pas convaincus que le projet de loi n'aura pas pour effet de restreindre la marge de manoeuvre dont ils disposent dans le cadre de leurs négociations.

Nous avons entendu de nombreux groupes différents, et nous avons entendu les deux camps. Notre tâche consiste à digérer tout ce que nous avons entendu et à aboutir à une conclusion acceptable pour tous, laquelle se traduira par le meilleur régime intégré possible pour la vallée du Mackenzie. Nous savons ce qui nous attend.

Le sénateur Chalifoux: Dans le projet de loi, les Gwich'in et les Dénés et les Métis du Sahtu se voient allouer la majorité des sièges à l'office, tandis que les autres nations n'en ont que quatre. Elles n'ont pas droit à une représentation à la hauteur de leurs attentes. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

M. Nerysoo: L'article 11 du projet de loi établit de façon assez claire qu'il incombe au ministre de procéder à la nomination des membres de l'office. Dans le projet de loi, rien ne laisse entendre qu'on ne pourra faire une place à d'autres Premières nations à l'Office de la vallée. En fait, nous avons indiqué assez clairement qu'on devrait envisager de nommer des représentants de la plupart des Premières nations à l'office en question, parce qu'on améliore ainsi la qualité des contributions apportées à la gestion des ressources.

Jusqu'à un certain point, on doit déterminer si on continuera ou non de diviser les autochtones en groupes divers ou s'il vaut mieux ou non faire en sorte que la voix des autochtones soit clairement exprimée et comprise dans ces offices. Il faut se garder de nommer un nombre de représentants si grand que le fonctionnement des offices serait compromis. Il s'agit d'une considération très importante.

Par ailleurs, nous n'avons jamais dit qu'aucun représentant des Premières nations qui sont à la table de négociation ne devrait être nommé. En fait, il est plutôt dans notre intérêt que toutes les parties siègent au conseil, simplement parce que nous devons nous mettre à la tâche. Certains se plaignent du fait que d'autres aménagements sont en cours. Il importe que nous nous fassions entendre maintenant, et non plus tard. Nous débattons de cette question depuis des années, et il est maintenant temps que nous participions.

Le sénateur Chalifoux: Les autres Premières nations disent vouloir une partie plus grande de cette voix. Lorsqu'on soustrait les membres issus des Premières nations des Gwich'in et du Sahtu, il n'y a plus, si je comprends bien, que sept membres à nommer aux offices. Parmi ceux-ci, le gouvernement en désigne trois, ce qui ne laisse que quatre sièges pour les nations qui restent. Voilà ce qu'elles prétendent.

Malgré tout, les Premières nations du Sahtu et des Gwich'in doivent faire les recommandations. Le ministre doit choisir le membre parmi la liste des personnes recommandées, mais, dans les faits, on peut bien nommer une personne issue des Premières nations des Gwich'in ou du Sahtu. Telle est leur préoccupation, et j'aimerais bien vous entendre à ce sujet.

M. Nerysoo: Permettez-moi de lire l'article 11:

exception faite du président et des membres spéciaux visés à l'article 15, le ministre fédéral nomme les membres de l'office en conformité avec les parties 2 à 5: certains sont nommés soit sur la proposition des premières nations ou du ministre territorial, soit après consultation de celles-ci.

On ne dit nulle part que seuls des membres du Conseil tribal des Gwich'in ou du Sahtu Secretariat pourront être nommés. La mesure s'appliquerait aussi aux cas et aux circonstances où les régions sont touchées. On doit en tenir compte lorsque les aménagements s'étendent au-delà des régions où vivent des groupes particuliers ou lorsque les conséquences ont des effets dans plus d'une compétence.

M. Brian Crane, conseiller juridique, Conseil tribal des Gwich'in: Certaines personnes ont été nommées à des groupes de travail. En théorie, on cherche ainsi à donner aux futurs membres des offices la possibilité de s'initier à leur rôle. Les groupes de travail se familiarisent avec un large éventail de fonctions de même qu'avec le traitement de leurs demandes.

Bon nombre des personnes nommées à ces groupes de travail sont des autochtones, même celles qui ont été désignées par le ministre. En fait, on a jusqu'ici désigné un plus grand nombre d'autochtones que ce que prévoit l'entente.

La question de la représentation s'assortit d'un aspect important. M. Nerysoo a indiqué qu'il existe de nombreux groupes autochtones et que de nombreuses sections de groupes autochtones comparaissent devant vous. La question du nombre de nominations est d'ordre pratique.

Le principal aspect, toutefois, c'est que l'office siégera en groupes de travail. Règle générale, ces groupes de travail comprendront trois membres. Les accords portent que la représentation, au sein de ces groupes de travail, sera de 50-50. À l'occasion des auditions de demandes, il y aura un président, plus un Autochtone nommé par une Première nation, plus une personne nommée par le ministre. Lorsque le groupe de travail tiendra des audiences, l'équilibre sera établi.

Le sénateur Chalifoux: Au chapitre 24.1.1 de l'Entente sur la revendication globale des Gwich'in, on précise que le gouvernement conserve le pouvoir ultime de réglementer les terres et les eaux. Faut-il en conclure que la personne du gouvernement nommée par le ministre aura le dernier mot à propos de ces permis?

M. Crane: Non. Le groupe de travail est considéré comme un office public. Il fait partie de la structure du gouvernement, même s'il s'agit d'un office de cogestion.

Le sénateur Taylor: Si les autres nations ne signent pas d'entente, l'entente sur la revendication territoriale que vous avez déjà signée pourrait être, avez-vous dit, touchée. Je croyais que tout était coulé dans le béton, mais votre déclaration laisse entendre que le défaut, par les autres nations, de se joindre aux offices pourrait porter préjudice à votre revendication territoriale.

M. Nerysoo: Je ne me rappelle pas avoir tenu de tels propos. Ce qui importe, c'est que toute la notion de structure intégrée de gestion des ressources conjugue tous les aspects de la gestion des terres et des eaux.

Le sénateur Taylor: Comme j'ai oeuvré dans le secteur du génie, des mines et du développement, je comprends bien la valeur du concept. Dans votre exposé, vous avez dit que l'entente sur la revendication territoriale que vous avez signée pourrait être touchée, et cela m'a intrigué. Nous remettrez-vous une copie de votre mémoire?

M. Nerysoo: Oui.

Le sénateur Bernston: Il y a un certain nombre d'années, j'ai parrainé l'Entente sur la revendication globale des Gwich'in pour notre parti. Ma mémoire n'est plus ce qu'elle était, cependant, et je ne me rappelle pas tous les détails du texte de loi. Peut-être pourriez-vous m'éclairer un peu.

Lorsque l'entente sur les droits territoriaux a été signée, les Gwich'in savaient-ils qu'un projet de loi comme le projet de loi C-6 aurait plus tard des répercussions sur des terres non visées par les droits en question -- des terres dont les titres pourraient faire l'objet de différends?

M. Nerysoo: Aux termes du chapitre 24.1.1 de l'Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich'in, il est relativement clair que de nouvelles dispositions législatives sont attendues. On y précise qu'un régime intégré de gestion des terres et des eaux devrait s'appliquer à la vallée du Mackenzie. Dans mon esprit, il s'agit sans nul doute d'une indication claire.

On y ajoute que tout autre office des terres et des eaux établi dans la région exerce les pouvoirs de l'Office des terres et des eaux et, aux fins de l'entente, devient l'Office des terres et des eaux. Il est clair qu'ils comprenaient ce qui allait arriver.

Le sénateur Bernston: Les offices auxquels vous faites allusion étaient prévus dans les dispositions législatives sur les droits territoriaux?

M. Nerysoo: Oui.

Le sénateur Bernston: En marge de l'entente conclue avec les Gwich'in, des terres font toujours l'objet de différends, cependant, et, d'une certaine façon, quelqu'un met la charrue avant les boeufs. On ne doit pas espérer que les groupes qui n'ont toujours pas signé avec le gouvernement d'entente sur les droits fonciers observent ce qui se passe les bras croisés. Dans le dossier du règlement des trois autres revendications, j'ignore qui se traîne les pieds. Au bout du compte, ces groupes devront se contenter d'une entente conclue ailleurs, par opposition à une entente qu'ils auraient eux-mêmes négociée. Avons-nous l'obligation de leur donner la même occasion de négocier ce qui est juste et raisonnable que celle dont ont bénéficié les Gwich'in et le Sahtu?

M. Nerysoo: Je ne conteste pas ce principe de base. En revanche, cependant, rien, dans le projet de loi, n'empêche les autres Premières nations de négocier une entente additionnelle prévoyant la modification des dispositions législatives.

Les Dogrib assujettis au traité no 11 ont fait allusion au Yukon, mais, même dans ce cas, des négociations ont lieu entre les Premières nations et le gouvernement du Canada. J'ai été moi-même associé au processus d'évaluation des projets de développement du Yukon et au texte de loi.

L'expérience que j'ai du projet de loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie me porte à croire qu'il s'agit d'un meilleur régime de gestion que celui qu'on propose au Yukon. Il est moins compliqué, et il intègre de nombreux enjeux. Dans le régime du Yukon, on préserve toutes les structures qui existent actuellement, à ceci près qu'on remplace la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale par le processus d'évaluation des projets de développement du Yukon.

Le sénateur Bernston: Si l'ensemble du processus produit des résultats positifs, j'aurai été heureux d'y avoir été associé.

Le sénateur Adams: Les Gwich'in et le Sahtu ont aujourd'hui conclu des ententes, et les frontières ne posent pas pour le moment de problème. En ce qui concerne le tracé de ces frontières, tout le monde est d'accord avec vous. Qu'arrivera-t-il à l'avenir, cependant, lorsqu'on aura affaire à des choses comme les lignes de transport d'énergie? Qui dira par où ces lignes devraient passer? À l'avenir, les poissons et les baleines risquent aussi de poser des problèmes.

M. Nerysoo: Lorsqu'un projet de développement particulier concerne une seule région -- quelle qu'elle soit --, il appartient à cette région de s'en occuper. Lorsqu'un projet s'étend au-delà de la région en question, l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie se chargera de l'examiner.

Le projet de loi comporte un aspect qui échappe à bon nombre de personnes. Je viens de Fort McPherson, et la rivière Peel se rend jusqu'au Yukon. D'autres rivières vont jusqu'en Alberta et en Colombie-Britannique. Le projet de loi autorise l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie à exiger la tenue d'un examen sur un projet exécuté à l'extérieur de son territoire, lorsque des effets se feront sentir en aval. Il s'agit d'un aspect très important qui modifie la façon dont nous percevons la gestion des terres et des eaux, dans la mesure où il modifie l'attitude des administrations. On doit en tenir compte.

Le sénateur Adams: Ma préoccupation a trait au zonage. Nous ne voulons pas aboutir à une situation comme celle qui caractérise Churchill Falls ou les résidents du Labrador, assujettis au contrôle du gouvernement du Québec. Si des lignes de transport d'énergie traversent les trois différents secteurs, on doit s'occuper de la question des recettes générées par l'énergie. Nous ne savons pas ce qui va se produire. Les personnes concernées tirent leur subsistance du territoire, et les usines hydroélectriques aménagées dans d'autres régions auront des effets sur elles. J'espère que le projet de loi C-6 les protège.

Le président: Si on tient compte des Inuvialuit, trois ententes ont été conclues dans la portion supérieure des Territoires du Nord-Ouest. Pourquoi les Inuvialuit ne sont-ils pas associés au présent exercice -- en d'autres termes, pourquoi ne font-ils pas partie de l'office?

M. Nerysoo: Leurs structures et leur entente ont été établies avant la signature de notre entente. À l'époque des négociations, nous avons travaillé dans le contexte de l'entente finale concernant les Dénés et les Métis, puis nous nous sommes intéressés aux structures en conséquence, en raison de cette entente avortée.

Le président: À l'avenir, risque-t-on d'être confrontés à une certaine forme de dédoublement de compétences auxquelles on devra remédier? Dans la législation de votre gouvernement ou dans cette proposition en particulier, y a-t-il place pour un mécanisme de règlement des différends?

M. Crane: Lorsqu'un projet a un impact sur une autre région, on peut associer à l'office d'autres membres issus de la région en question. Cette disposition a été ajoutée en réaction directe à ce qu'on trouve déjà dans l'entente des Inuvialuit, de sorte qu'il y a un lien.

Des dispositions législatives sont également prévues à l'égard des projets qui auront un impact général et qui exigent une évaluation environnementale. Il existe des dispositions en vertu desquelles le ministre fédéral peut établir un office conjoint entre les deux régions. Lorsque des projets se chevauchent, les liens ainsi conclus entre les compétences répondront aux besoins des Inuvialuit, tout comme à ceux des Inuits et du Yukon.

Le président: Par inadvertance, il arrive parfois que, dans le cadre de négociations, nous oublions les aspects les plus importants. Dans ce contexte, imaginons que l'entente conclue avec les Inuvialuit dise une chose, la Fédération Tungavik, autre chose, et le projet de loi en particulier, encore autre chose. Qui l'emporterait? Y a-t-il un mécanisme de règlement des différends relatifs au chevauchement?

M. Nerysoo: En cas de conflits entre le projet de loi et les ententes finales -- qu'il s'agisse de l'entente conclue avec les Gwich'in, de l'entente conclue avec le Nunavut Tungavik ou de l'entente conclue avec les Inuvialuit --, ces dernières ont la préséance. Il faudrait mettre au point un outil d'arbitrage pour régler ces différends puisque les ententes sont des textes de loi protégés par la Constitution, tandis qu'il s'agit ici d'un projet de loi qui peut être modifié par la Chambre des communes.

Le président: Avez-vous l'impression que le projet de loi fait déjà une place à cette disposition particulière?

M. Nerysoo: Oui.

Le président: Revenons maintenant aux trois régions dont les revendications territoriales n'ont pas été réglées.

Vous avez dit que le projet de loi donne aux intéressés la possibilité d'éviter de manquer le bateau. Selon vous, les autres groupes ont donc la possibilité de s'associer au processus?

Une fois les dispositions législatives en vigueur, pourquoi êtes-vous si certain qu'on tiendra compte de leurs intérêts, par exemple les droits de chasse ou les redevances ou encore des différents éléments qu'ils sont susceptibles de vouloir négocier?

M. Nerysoo: Premièrement, des autochtones de ces régions siègent déjà aux groupes de travail et apportent des contributions très importantes et très positives à ces structures.

Le président: Vous voulez dire que des personnes qui appartiennent à des groupes dont les revendications territoriales n'ont pas été réglées sont déjà associées au processus?

M. Nerysoo: Dans certains cas, des membres de ces communautés siègent aux groupes de travail, et ils fournissent certains conseils très précieux quant au fonctionnement futur de ces organismes.

Les Dogrib ont une entente et auraient probablement pu pousser les choses plus loin. Malgré tout, ils sont parvenus à négocier avec BHP un accord relatif aux avantages en marge de leur entente sur les revendications territoriales. À mon avis, il s'agit d'une base valable que d'autres Premières nations devraient utiliser dans le cadre de négociations. Les modalités sont extérieures à l'entente, mais il s'agit d'une bonne illustration du fait que, même si nous avons déjà conclu une entente, d'autres Premières nations font des choses qui, à l'avenir, pourront être avantageuses pour nous. Nous n'avons pas eu une telle expérience; par conséquent, tout cela est très avantageux pour nous.

Le président: Selon l'interprétation du Sahtu Secretariat, les dispositions législatives ne s'appliqueraient que dans la région visée par l'entente. L'impression que j'ai est que tout ce qui est extérieur au secteur visé par l'entente du Sahtu ne préoccupe en rien les intéressés.

Pourquoi semblent-ils si hésitants à admettre que les dispositions du projet de loi peuvent s'étendre au-delà de la région visée?

M. Nerysoo: Je ne peux pas me prononcer pour le Sahtu Secretariat, qui a déjà fait connaître sa position.

À mon avis, il est dans notre intérêt de travailler ensemble, à l'exception des Inuvialuit, dans la portion inférieure de la vallée du Mackenzie. Depuis la formation de la Fraternité nationale des Indiens et de la nation métisse en 1969, le mot d'ordre est la collaboration. Même si les revendications peuvent faire l'objet de négociations individuelles, ce principe collectif devrait être à la base de l'établissement de régimes de gestion par nous, Autochtones.

Le président: C'était l'intention de vos groupes avant que, en 1990, ils ne commencent à se morceler en organisations indépendantes. Néanmoins, on a adopté la même formule dans l'ensemble de cette négociation. Peut-être ont-ils oublié qu'ils n'étaient plus regroupés.

Il y a un autre aspect intéressant que vous devriez aborder. Vous avez dit que le projet de loi pourra un jour faire l'objet d'une révision. Une fois que les trois groupes auront mené à bien leurs négociations territoriales, rien ne nous empêcherait d'apporter des modifications en profondeur au projet de loi. Pourriez-vous fournir plus de détails à ce sujet?

M. Nerysoo: Les dispositions législatives elles-mêmes peuvent toujours être modifiées relativement à toute entente territoriale négociée. Nous n'avons jamais laissé entendre que le projet de loi ne devrait pas être modifié au vu de situations changeantes. À la suite de consultations, nous avons en fait apporté certaines modifications pour répondre aux besoins de l'industrie et de certaines Premières nations, dans le cadre de l'examen réalisé par le comité permanent.

Je crois que nous devons aller de l'avant parce que la vallée a besoin d'un régime fonctionnel. Il est important que nous le fassions.

Le président: Monsieur Nerysoo, quelle serait votre recommandation? Nous nous retrouvons dans une situation difficile, étant donné les arguments avancés par les quatre groupes qui n'ont pas encore été en mesure de négocier leurs revendications. Il semble que nous serons voués aux gémonies quoi que nous fassions. Je comprends votre impatience d'aller de l'avant et de mettre en oeuvre les règlements, et je la partage. Je me suis déjà trouvé dans cette situation, et je comprends donc de quoi il s'agit. Je suis surpris de constater que vous êtes détendu et non agressif. À votre place, je serais probablement en train de taper sur la table, surtout que vous avez des personnes à représenter. Sur ce point, je vous comprends parfaitement.

Y a-t-il une issue? Que doit faire le ministre? Je ne parle pas du ministère -- je parle de la ministre, de la personne politique. Que doit-elle faire pour donner satisfaction aux trois groupes sans apporter de modifications au projet de loi? Pour y apporter des modifications, nous devrions, vous le savez, le renvoyer à la Chambre des communes. Si nous voulons l'éviter, que nous recommanderiez-vous?

Vous avez une vaste expérience des affaires gouvernementales et ministérielles, et je suis certain que vous avez certaines réponses.

M. Nerysoo: Un élément très important a trait à la position stratégique adoptée à l'égard des négociations des revendications de même qu'à toute la question du traitement qu'on réservera à l'autonomie gouvernementale et au mandat. Si le mandat n'a pas changé, les négociations des autres Premières nations seront manifestement touchées. Il s'agit d'un aspect très important, et le projet de loi ne modifie en rien la donne. À mon avis, il constitue seulement un véhicule qui nous donne à tous la possibilité de travailler de concert.

J'ai toujours eu l'impression que le Sénat était la Chambre haute et ce qu'on appelle la Chambre de la réflexion posée. C'est sous cet angle que je dois voir les choses.

Le président: Nous entendrons maintenant la Première nation crie Mikisew, qui souhaite défendre sa position dans le dossier de l'imposition.

M. Ian Taylor, directeur du développement économique, Première nation crie Mikisew: L'exposé que je présenterai reproduit essentiellement celui que nous avons présenté ce matin au comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nos remarques portent sur le projet de loi C-28 qui modifie la Loi de l'impôt sur le revenu, de même que sur l'impact qu'il aura sur le développement économique des Premières nations.

Cette information ayant été transmise à votre comité, nous espérons pouvoir aborder plus en détail d'autres questions ayant trait à l'autonomie gouvernementale et à des mécanismes que peut appuyer le gouvernement du Canada.

Mme Rita Martin, conseillère, Première nation crie Mikisew: Je vais vous parler de la modification qu'on se propose d'apporter à l'alinéa 149(1)d) de la Loi de l'impôt sur le revenu et qui est contenue dans le projet de loi C-28.

La Première nation crie Mikisew habite l'extrémité du coin nord-est de l'Alberta, sur les rives du lac Athabasca. Les terres de notre réserve principale sont situées de part et d'autres du hameau de Fort Chipewyan, fondé en 1788. Il s'agit de la plus ancienne colonie de peuplement permanente de l'Alberta.

Durant neuf mois par année, notre localité n'est accessible que par bateau ou par avion. Au cours des mois d'hiver, nous pouvons construire une route d'hiver temporaire, qui nous permet de faire provision de ce qui nous sera essentiel pour le reste de l'année.

Les Mikisew sont, et de loin, le groupe le plus influent en ce qui a trait à la population, à l'organisation et à l'innovation. Au cours des dernières années, les Mikisew ont mis sur pied diverses structures d'entreprise afin de corriger les effets économiques qui découlent du fait que nous sommes parmi les localités les plus isolées du pays.

Depuis 1985, les Cris Mikisew ont fait d'énormes tentatives pour changer. En réaction aux directives des membres de notre collectivité, nous avons entrepris de créer un certain nombre d'entreprises. Nous en avons mis sur pied pour la distribution du combustible, le transport aérien des personnes et des marchandises, la construction, les matériaux de construction et les services de main-d'oeuvre pour les exploitations de sables bitumineux au sud de chez nous, à Fort McMurray.

Contrairement aux entreprises du Sud du Canada, les nôtres ne sont pas conçues pour procurer un dividende ou un profit aux actionnaires. En fait, elles sont conçues pour donner à nos membres un accès à la formation, à l'emploi et à la prestation de services essentiels à la vie de notre localité.

Nous voulons réduire notre dépendance à l'endroit des matériaux, des compétences et des capitaux externes ainsi que les paiements de transfert de l'aide sociale. C'est pour l'acquisition de cette autonomie que les modifications proposées sont si importantes.

En termes pratiques, les Cris Mikisew tentent d'établir une économie qui peut fonctionner dans ce qu'on ne peut décrire que comme un environnement hostile. La protection accordée par l'exemption existante, si légère soit-elle, revêt une importance critique, parce qu'elle permet de niveler légèrement les chances de tous sur le plan économique.

Les grosses pétrolières ont récemment annoncé un investissement de plus de 20 milliards de dollars pour de nouveaux projets d'exploitation du sable bitumineux, et notre collectivité se prépare à établir une soumission audacieuse pour organiser ce qui sera, de l'avis de tous les observateurs, une période de croissance et de prospérité soutenue pour la région tout entière. Nous n'avons aucune ressource qui nous appartienne en propre et qui nous permette de nous préparer à cette expansion économique à court terme. Si ne nous pouvons les obtenir à temps, nous serons, une fois de plus, laissés derrière.

La participation à cette nouvelle activité d'exploitation des sables bitumineux produira des rentrées de fonds pour les Cris Mikisew durant les 20 prochaines années. Ces fonds seront réinvestis dans la formation, l'emploi et la planification d'une utilisation durable de nos ressources renouvelables, par exemple dans les domaines du tourisme, de la pêche et de l'exploitation forestière contrôlée. Ces nouvelles industries appuieront le développement de nos enfants et de nos petits-enfants pour les générations à venir.

Si des modifications de l'alinéa 149(1)d) contenues dans le projet de loi C-28 sont promulguées telles quelles, elles signifieront littéralement la fin de l'expansion économique dans notre localité, ainsi que dans celle de bien d'autres Premières nations. Nous avons besoin des exemptions qui y sont prévues pour devenir autonomes.

En vertu de cet alinéa, une Première nation organisée, contrôlée et exploitée comme un véritable gouvernement reçoit la même protection fiscale que les autres gouvernements du Canada. Lorsqu'une Première nation fonde la conception et l'établissement de ses structures institutionnelles et administratives sur cette disposition, il se produit deux choses importantes.

Tout d'abord, le développement économique qui se fait par l'entremise des investissements, de la construction et de la création d'emplois ne peut se faire que si l'on est sûr que tout le revenu est réinvesti dans la collectivité, et non pas versé sous forme de paiement de dividendes, de prise de profits ou d'impôt. Ainsi, on pourrait mettre les capitaux en commun pour d'autres activités de développement et de réinvestissement, ce qui pourrait nous permettre à long terme d'accroître notre autonomie.

Ensuite, en établissant les structures administratives et gouvernementales nécessaires pour être admissibles à l'exemption, les Premières nations établissent les fondements de l'autonomie gouvernementale. À cet égard, les Cris Mikisew ont réalisé de réels progrès en établissant des règlements concernant la gestion de l'utilisation du territoire et des mesures de contrôle financier internes et externes, ainsi que des mesures de reddition de comptes rigides et transparentes pour notre collectivité.

Les Mikisew ont bien progressé dans l'établissement d'une constitution, assortie d'un ensemble complet de règlements. Ainsi, elle pourra jouir des mêmes protections que la Constitution accorde à l'ensemble de la population. Voilà exactement où voulaient en venir depuis des années les autorités gouvernementales canadiennes et toutes les parties représentées ici. Établir un gouvernement autochtone légitime conforme à l'esprit et à la lettre de la Constitution.

Sans la protection que nous accorde l'alinéa 149(1)d), seulement une poignée de Premières nations au pays auront accès à la terre, aux ressources et aux avantages géographiques et aux débouchés d'emploi nécessaires à leur autosuffisance et à leur autonomie gouvernementale. Si les modifications qu'on propose d'apporter à la Loi de l'impôt sur le revenu sont adoptées, on se trouvera à reculer.

Avec tout le respect que nous avons pour la sagesse et les connaissances de votre comité, nous demandons aujourd'hui que vous envisagiez d'ajouter un paragraphe à la modification proposée. Le paragraphe est inclus dans le mémoire que nous vous avons déjà présenté.

Le sénateur Taylor: Un certain nombre d'entreprises sont mises sur pied en vertu de la Loi sur les Indiens, plutôt qu'en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Pourquoi établissez-vous la vôtre en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu?

M. Taylor: La protection accordée aux entreprises qui appartiennent aux bandes par les articles 87 et 89 est constamment diminuée. Nos consultants et nos experts, ainsi que nos impressions quant à l'humeur de Revenu Canada et du ministère des Finances, nous laissent croire que cela se poursuivra.

En ce qui concerne l'établissement d'une confiance pour l'avenir, même une mauvaise règle est une règle raisonnable si vous savez ce que sera la situation dans dix ans. À cet égard, nous n'avons aucune confiance en la Loi sur les Indiens. Essentiellement, la Loi de l'impôt sur le revenu tire son fondement de la Constitution, contrairement à la Loi sur les Indiens. À ce titre, toute modification qu'on se propose d'apporter à la Loi de l'impôt sur le revenu doit être présentée au Parlement, et au cours de ce processus, elle doit être présentée devant un comité comme le vôtre. Si une modification comme celle dont il est question avait trait à la Loi sur les Indiens, nous n'aurions jamais cette possibilité. C'est pourquoi nous privilégions la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le sénateur Taylor: Pourquoi pensez-vous être régis par une modification qui touche les autorités municipales ou locales? Par exemple, dans les provinces de l'Alberta et de l'Ontario, les sociétés d'État ne sont pas imposées. Pourquoi ne vous considériez-vous pas comme l'équivalent d'une société de la Couronne provinciale, plutôt que d'une société de la Couronne municipale?

M. Taylor: Nous nous considérons comme un équivalent non seulement d'une société de la Couronne provinciale, mais aussi d'une société de la Couronne fédérale. Cependant, il n'existe aucun mécanisme législatif ou administratif qui nous permette de nous organiser comme tel, et Revenu Canada ne peut non plus satisfaire notre organisation à cet égard.

À cet égard, les modifications que nous préconisons -- qu'elles soient de nature structurelle, administrative, bureaucratique ou autre -- visent directement à nous permettre d'entrer dans cette case. C'est une mesure d'arrière-garde, et en tentant de faire entrer des pions carrés dans des trous ronds, nous tentons de trouver certains types de mécanismes qui permettront à nos entreprises d'être protégées.

Au cours des 18 derniers mois, nous avons versé plus de 1 million de dollars à des fiscalistes et à des avocats pour établir des structures administratives qui nous accorderaient cette protection. Nous aurions préféré avoir une définition claire des droits dont jouit un gouvernement des premières nations en ce qui concerne l'exploitation d'une entreprise en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous aurions préféré dépenser cet argent en services sociaux; c'était d'ailleurs ce à quoi était à l'origine destiné cet argent.

Le sénateur Chalifoux: J'ai entendu dire un peu partout que les entreprises situées sur des réserves sont exonérées d'impôt. Si elles sont situées hors de la réserve, elles doivent verser de l'impôt sur le revenu. Pourquoi votre réserve ne fait-elle pas l'objet d'un traitement semblable à celui d'autres endroits comme la nation Enoch ou Hobbema?

M. Taylor: Des 650 Premières nations du Canada, seulement quelques-unes ont accès aux marchés, à des routes, à des centres urbains. La Première nation crie Mikisew est complètement isolée; aucune route permanente ne permet de s'y rendre. Certains hivers, nous ne pouvons même pas établir de route. C'était le cas cette année, et nous avons été dans une zone sinistrée durant plusieurs mois cet hiver. Cette situation a amené Mikisew à établir un certain nombre d'entreprises, dont certaines sont fructueuses et d'autres éprouvent des problèmes, à tenter d'établir un rendement sur les investissements qui soit complètement réinjecté dans l'établissement d'une infrastructure.

Si la règle des 10 p. 100 devait être imposée comme le prévoit la modification, nous perdrions pratiquement toute la protection fiscale que nous avons. Il nous est impossible d'établir une économie en fonction d'un marché de 1 200 personnes, dont 78 p. 100 gagnent en moyenne de 18 000 $ à 20 000 $ par année. Nous n'avons pas beaucoup de ressources sur lesquelles compter. Pour pouvoir acquérir les ressources fondamentales pour la collectivité, il nous faut accéder aux marchés de Fort McMurray, puisqu'il y existe des débouchés dans l'exploitation des sables bitumineux.

Si les modifications prévues dans le projet de loi C-28 sont adoptées, nous perdrons toutes les exemptions, sauf si nous pouvons faire en sorte que 90 p. 100 de notre activité économique se produise dans la réserve proprement dite.

Le sénateur Chalifoux: Avez-vous établi une modification ou un plan? S'il s'inscrit dans le projet de loi, cela permettrait à d'autres réserves du Sud d'obtenir le même avantage.

M. Taylor: Les Mikisew soulèvent une question fondamentale concernant l'autonomie gouvernementale et des difficultés que traversent les Premières nations des collectivités isolées, alors qu'on pourrait y remédier de façon structurelle d'un bout à l'autre du Canada. Nous ne nous opposons à aucune modification ni à aucun rajustement de la politique qui ouvrirait des portes aux Mikisew. C'est pourquoi nous nous en occupons à ce niveau.

Nous négocions à divers niveaux avec le ministère des Finances et avec Revenu Canada pour tenter de trouver d'autres mécanismes pour contourner le problème. Il serait cependant intéressant de voir le gouvernement du Canada éliminer l'un des plus importants obstacles à l'autonomie des Premières nations.

Le sénateur Chalifoux: Je comprends bien cette situation. Je dis simplement que les bandes du sud auraient exactement les mêmes occasions que vous, et elles ont pourtant accès à tous les marchés, y compris ceux des États-Unis. Avez-vous pensé au genre d'exemption dont vous auriez-besoin?

M. Taylor: Oui.

Le sénateur Chalifoux: Dans la zone du Canada central, la situation est mauvaise, tout comme elle l'est dans le Nord. C'est pourquoi je vous pose la question.

M. Taylor: Revenu Canada fonde essentiellement ses décisions sur des critères géographiques. Nous demandons à ce que ce point de vue soit modifié, et à ce qu'on s'attache d'abord et avant tout à l'utilité. L'endroit où les revenus seront générés n'est pas nécessairement aussi important que les fins pour lesquelles il sera utilisé. En ce qui concerne l'alinéa 149(1)d), c'est le rôle et l'utilité du revenu produit par un organisme public qui seront le plus importants -- et non pas la façon dont il est produit et l'endroit où il l'est. Le concept géographique tout entier n'est utilisable que pour le long terme.

Le sénateur Fairbairn: Avant l'introduction de ce projet de loi, vous a-t-on consulté sur cette disposition?

M. Taylor: Non.

Le sénateur Fairbairn: Avez-vous l'impression que les rédacteurs de ce projet de loi étaient au courant de ces difficultés? Avez-vous l'impression que vous apportez une nouvelle façon d'interpréter le projet de loi?

M. Taylor: Voilà une bonne question, sénateur. Dans mes moments les plus cyniques, je me demande parfois si je suis payé pour être paranoïaque.

Lorsque le projet de loi C-28 a été présenté pour la première fois dans le cadre de ce projet de loi omnibus, c'était un très gros projet de loi qui visait à rajeunir la Loi de l'impôt sur le revenu, et il avait été en rédaction et à l'étude depuis environ 1995. Lorsque nous avons posé pour la première fois des questions au ministère des Finances et à Revenu Canada concernant la nature de la modification, on nous a dit qu'il s'agissait d'un oubli, et que personne n'avait jamais eu l'intention de nuire à l'accès des Premières nations à l'autonomie.

Quant on approfondissait la question, on avait un peu l'impression d'enlever une à une les pelures d'un oignon. Toutefois, nous avons eu la chance de rencontrer les auteurs des modifications. Il ne fait aucun doute à mes yeux que ces gens ont échoué à propos d'Otineka et que c'est là leur façon de se venger. Tout cela vise très manifestement à fermer les portes qu'avait ouvertes Otineka.

Le sénateur Chalifoux: Ouvertes par qui?

M. Taylor: Revenu Canada.

Le sénateur Fairbairn: Peut-être que ces questions sont déloyales et qu'il vaudrait mieux les poser à des fonctionnaires. Ils tentent de combler ce qui est à leurs yeux une échappatoire.

M. Taylor: Aux yeux des gens de Revenu Canada, Otineka est une échappatoire. L'alinéa 149(1)d) n'est pas considéré par les fonctionnaires du ministère des Finances et de Revenu Canada comme une règle fiscale qui devrait être utilisée par les Premières nations.

Ces règles visent à traiter les municipalités d'une façon classique, conforme à celles de la majorité. Les fonctionnaires de Revenu Canada et du ministère des Finances ont toujours un mouvement de surprise et de mécontentement lorsqu'ils constatent qu'une bande indienne a le front de se donner le nom de municipalité et s'attend à être traitée comme telle.

Les gens du ministère des Finances n'ont pas l'impression qu'il s'agit d'un véhicule approprié de développement économique pour les Premières nations. Évidemment, la question qui se pose devient alors celle-ci: si nous ne pouvons utiliser ce véhicule, lequel pouvons-nous prendre? Alors, on constate qu'il n'y en a pas d'autres pour nous.

Le sénateur Fairbairn: Avez-vous eu l'occasion de parler à l'un des ministres responsables?

M. Taylor: Nous n'avons jamais parlé directement à un ministre. Nous avons rencontré des SMA du ministère des Finances et de celui des Affaires indiennes et Nord Canadien. Je l'ai déjà dit, nous travaillons sur une autre voie, qu'on pourrait mieux décrire comme un accord de location de domaine fiscal semblable à celui qui est accordé à la bande Westbank pour la TPS. Nous ne faisons que commencer à travailler là-dessus, et il pourrait falloir un an ou deux avant que cela soit prêt. Nous étudions la possibilité de conclure un accord de location de domaine fiscal pour les impôts d'entreprise prélevés sur notre propriété.

Encore une fois, on nous offre des solutions politiques à ce qui est essentiellement un problème structurel. Ils semblent terrifiés à l'idée de permettre une modification du projet de loi C-28, car ils craignent que cela ouvre tout grand les vannes. La question n'a pas vraiment d'importance. Le gouvernement ne fait actuellement pas d'argent en taxes sur les investissements des entreprises des Premières nations.

Très rares sont les Premières nations dont les activités auraient une ampleur telle qu'elles seraient admissibles aux critères de l'alinéa 149(1)d). Par conséquent, nous considérons que le critère de qualification est l'un des plus importants outils d'acquisition de l'autonomie gouvernementale, c'est-à-dire l'un des meilleurs encouragements possibles. Nous n'organisons pas de structures pour l'administration, la prise de décisions ou la reddition de comptes à l'échelle communautaire pour respecter les critères d'un quelconque programme pour lequel nous avons reçu un financement, ni encore pour nous acquitter des obligations que nous impose un quelconque accord de transfert. On est parti de zéro pour arriver à administrer une zone géographique, devenant de ce fait un gouvernement.

C'est là un encouragement précis à établir des institutions gouvernementales autonomes, et s'est exactement adapté aux besoins des collectivités de tout le pays. Il n'y a aucune dépense supplémentaire, et personne n'a besoin de financement. Nous ne demandons pas d'aide ni de financement. Nous demandons simplement au gouvernement d'éliminer un obstacle à l'établissement d'économies autonomes. Nous pensons que c'est une demande raisonnable, mais cela semble terroriser les gens de Revenu Canada.

Le sénateur Adams: Vous avez parlé des sables bitumineux de Fort McMurray. Les membres de notre comité s'y sont rendus il y a deux ou trois ans. Nous avons vu beaucoup de gens d'affaires autochtones qui établissaient des contrats pour l'entretien de l'équipement lourd destiné aux sables bitumineux. Comment ce système fonctionne-t-il en ce qui concerne le projet de loi C-28?

M. Taylor: Un certain nombre de membres des bandes possèdent leur propre entreprise et travaillent, par exemple, comme entrepreneurs en camionnage ou en construction. Ils traitent avec Revenu Canada de façon autonome, puisqu'ils sont visés très clairement par l'article 87 de la Loi sur les Indiens. Ils versent des impôts, sauf si leur revenu est produit à l'intérieur d'une réserve. Ils n'ont aucun problème avec cette question, et nous non plus.

Ce qui nous préoccupe, ce sont nos «sociétés d'État», si je peux utiliser ce terme. Il s'agit d'entreprises qui appartiennent à la Première nation et sont exploitées par elle, et qui ont le mandat d'élargir les débouchés de formation et d'emploi des membres des Premières nations. Ils appartiennent à 100 p. 100 aux bandes, et tout le rendement sur investissement est utilisé pour établir l'infrastructure physique et sociale de la réserve. En tant que service public, ces entreprises peuvent conclure des ententes administratives et contractuelles afin de procurer des revenus à une municipalité ou à une province. En vertu de la Constitution, elles sont exonérées d'impôt, puisqu'un ordre de gouvernement ne peut imposer un autre ordre de gouvernement. Nous nous attendons à conclure une entente du même genre avec le gouvernement du Canada.

Le sénateur Adams: À l'heure actuelle, le revenu gagné dans une réserve n'est pas imposable. Le sera-t-il avec le projet de loi C-28?

M. Taylor: Les particuliers sont individuellement sujets à l'impôt sur le revenu, et rien dans le projet de loi C-28 n'aura de répercussion là-dessus. La disposition à laquelle vous faites allusion se trouve tant dans la Loi de l'impôt sur le revenu que dans la Loi sur les Indiens. La modification du projet de loi C-28 a trait à l'imposition d'une société de la Couronne: notre société aérienne, nos marchés du travail, nos entreprises de distribution de combustible, notre entreprise de construction.

Le sénateur Adams: Y a-t-il du pétrole dans votre région?

M. Taylor: Non. Si magnifique qu'elle soit, la région de Fort Chipewyan est probablement la seule en Alberta qui ne soit pas située sur une nappe de pétrole. Nous sommes en fait situés sur le Bouclier canadien, de sorte que nos caractéristiques géologiques sont semblables à celles du nord de l'Ontario.

Le sénateur Adams: Si le projet de loi est adopté, cela affectera-t-il votre économie? Je crains que si Revenu Canada vous retire de l'argent, certaines personnes pourraient se retrouver au chômage.

M. Taylor: La compétition est une question qui revient constamment. Je vais vous donner quelques exemples rapides, par exemple sur notre société aérienne Contact Air, et sur le troisième employeur d'Autochtones en importance dans la région, 2000 Plus.

Notre entreprise 2000 Plus a ouvert ses portes il y a quelque sept ans, et elle est rentable depuis trois ans. Elle offre des services de soutien du marché du travail dans le domaine de la surveillance, de la sécurité et de l'entretien d'usines d'extraction des sables bitumineux comme Syncrude et Suncor. Lorsque les nouvelles entreprises ouvriront leurs portes, nous allons aussi, du moins l'espérons-nous, travailler avec Mobil et Shell.

Notre effectif est composé à 88 p. 100 d'Autochtones, dont 76 p. 100 sont des membres de la bande Mikisew. La grande majorité de ces gens n'auraient pas trouvé de travail dans une autre entreprise. Ils n'ont ni les compétences, ni l'expérience ni la scolarité nécessaires. Notre entreprise les forme, les encadre et leur offre le soutien dont ils ont besoin pour conserver leur emploi et s'organiser. On leur enseigne toutes sortes de choses, depuis la tenue d'un compte bancaire jusqu'à la façon de lire un horaire d'autobus. Voilà le genre de service de soutien que nous offrons, et nous en tirons un revenu. Personne au Canada n'est prêt à prendre ce risque ou à consacrer d'autant d'efforts à l'embauche et à la formation d'Autochtones.

Mon deuxième exemple concerne notre société aérienne, Contact Air. Je le répète, Fort Chipewyan est une collectivité isolée. Il y a quelques années, les Cris Mikisew ont acheté la seule société aérienne qui desservait la collectivité. À l'époque, le service était intermittent. Aujourd'hui, il y a deux vols quotidiens, et tous les services d'évacuation médicale aériens sont aussi offerts.

Lorsque nous avons établi l'entreprise, nous avions pour premier objectif de réduire les fuites, c'est-à-dire le montant des dépenses en transport de la bande qui se retrouvait dans les poches de quelqu'un d'autre. À présent, notre argent passe simplement d'une de nos poches à une autre de nos poches. Nous avons réalisé certaines économies.

L'étape suivante consiste à réduire le coût du transport aérien, de façon que le résident moyen de Fort Chipewyan puisse véritablement aller quelque part. La population est très pauvre. À l'heure actuelle, l'entreprise traverse des difficultés. Nous arrivons bien à joindre les deux bouts, mais un billet d'avion aller-retour vers Fort McMurray, situé à 25 minutes de vol, coûte encore 240 $.

Pour que nous puissions continuer de mettre sur pied le service auquel nous avons droit et que la plupart des autres collectivités canadiennes jugent simplement normal, l'entreprise doit trouver des façons de faire des profits. Nous devons noliser des avions et viser le secteur touristique. Nous devons trouver d'autres façons d'obtenir des revenus de façon à réduire les coûts et, ainsi, à donner à notre population l'accès au transport à coût raisonnable. Quelle entreprise du secteur privée ferait cela?

Si nous offrons la protection que nous offre l'alinéa 149(1)d), nous perdrons notre société aérienne. Nous arrivons difficilement à survivre avec nos dettes actuelles. Avec les taxes projetées, nous allons perdre notre société aérienne. Je puis vous garantir qu'aucun capitaliste n'est impatient de courir à la faillite dans l'une des collectivités les plus isolées de notre pays.

Le sénateur Adams: La piste d'atterrissage appartient-elle à des intérêts privés?

M. Taylor: Je pense que toutes les pistes d'atterrissage au pays appartiennent au gouvernement fédéral. Dans notre cas, c'est la municipalité de Wood Buffalo qui l'exploite.

Le sénateur Chalifoux: Durant des années, nous avons combattu la perception selon laquelle les bandes indiennes ont tous les privilèges. Les autochtones n'ont pas à payer d'impôt. Avez-vous pensé à quelque chose pour combattre cette perception?

Combien de bandes indiennes ont lu la Loi de l'impôt sur le revenu?

M. Taylor: Voilà un excellent argument.

Le sénateur Chalifoux: Avez-vous parlé avec les représentants des autres bandes indiennes du Nord? Je ne parle pas de celles du Sud, puisqu'elles ont accès à tant de choses; je parle plutôt des colonies isolées.

M. Taylor: Comme vous le savez sans doute, la Première nation Mikisew est membre du conseil tribal d'Athabasca, qui a été pleinement informé.

Vous savez aussi probablement que diverses bandes se sont développées à un rythme différent dans cette partie du pays, et que toutes ont des problèmes pressants. Une bande doit réussir, être bien organisée et avoir établi des entreprises qui produisent des revenus. Ces revenus doivent servir au développement de l'infrastructure de la collectivité. Si une bande n'a pas accès à ces choses, elle fait face à de gros problèmes.

Les Cris Mikisew sont les leaders du nord de l'Alberta. Nous sommes la seule bande dans la région qui fasse quelque chose. Ce faisant, nous sommes pénalisés. La question est même encore allée plus loin. Notre chef a présenté un exposé au cours de la dernière conférence regroupant tous les chefs de l'Alberta. Une résolution a émané de cette conférence, selon laquelle l'APN doit présenter les préoccupations aux instances compétentes. Lorsque j'aurai terminé ici aujourd'hui, je dois me rendre à une réunion avec les représentants de l'APN informer ses techniciens.

Pour nous, les dangers de cette modification sont relativement manifestes, parce que nous sommes dans une position où elle pourrait s'appliquer. Cependant, la plupart des autres nations n'en sont pas à un stade de développement où elle revêt autant d'importance. Elles s'occupent de problèmes beaucoup plus immédiats.

D'une certaine façon, cela fait mal au coeur. Si une question avait pu faire sortir les gagnants et les dirigeants de la collectivité autochtone, j'aurais espéré que ce soit celle-là. C'est bien malheureux de voir qu'il y a si peu de sensibilisation et tant de difficultés.

Loin de moi l'idée d'être frivole, mais les opinions qu'ont les Mikisew sur la question de la reddition de comptes sont ridicules. Cette collectivité a pu compter sur un incroyable degré d'engagement au cours des ans, et la notion selon laquelle un membre de la bande n'a pas un accès complet à l'information concernant ce qui se passe est risible. J'aimerais que nous ayons davantage de soutien. Il serait plus facile de venir à Ottawa et d'y présenter nos témoignages si nous avions de l'aide.

Le sénateur Forest: Comme je suis albertaine, cette question m'intéresse particulièrement. Il est tout à fait logique que les bandes s'organisent et soient en mesure de maintenir leur mode de vie, et qu'elles obtiennent de l'aide pour y parvenir.

C'est ce que vous avez dit lorsque vous avez communiqué avec le gouvernement à ce propos pour la première fois, les fonctionnaires ont pensé qu'il s'agissait d'un oubli, et ils ont commencé à avoir peur. Vous ont-ils dit pourquoi cette disposition devait être incluse? Avez-vous demandé aux fiscalistes pourquoi? N'y a-t-il eu aucune indication selon laquelle ils se préparaient à étudier sérieusement la question?

M. Taylor: Ils ne sont pas intéressés à examiner de près l'alinéa 149(1)d).

Le sénateur Fairbairn: Y a-t-il une autre façon de contourner cette modification?

M. Taylor: Oui. Il y a des façons que le gouvernement utilise depuis des années; acheter quelqu'un, faire taire quelqu'un, et tirer profit du reste. C'est ce qu'on nous propose.

Je ne veux pas compromettre nos négociations actuelles avec le ministère des Finances et le MAINC. Nous sommes en train de négocier un accord de location de domaine fiscal afin d'atteindre l'autonomie gouvernementale. Dans l'intervalle, ils négocient une entente qui bénéficierait à la Première nation Mikisew. Les Mikisew seraient achetés et, à mesure que d'autres Premières nations atteindraient notre niveau de développement, elles devraient livrer à leur tour la même bataille.

Je pense que le Canada pourrait simplement et aisément réduire ou éliminer un obstacle important. Peut-être suis-je trop idéaliste ou trop optimiste. Il y a des années que j'entends parler du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Dans les deux versions du livre rouge, dans le travail qui a porté sur l'article 35, dans la CRPA, dans le rapport proprement dit et la réponse qui y a été faite, ainsi que dans «Rassembler nos forces». Nous avons tous ces engagements, mais nous n'avons pas une simple adaptation structurelle qui permettrait aux Premières nations de parvenir d'elles-mêmes à l'autonomie gouvernementale.

Le sénateur Forest: Ce ne peut certes pas être une affaire de revenu perdu ou produit. Autrement dit, si vous devenez financièrement indépendants au moyen de vos entreprises, cela leur coûtera moins cher. Ce n'est tout simplement pas logique.

M. Taylor: C'est pourquoi nous sommes ici.

Le sénateur Forest: À l'heure actuelle, le prix du pétrole en Alberta est en baisse. Compte tenu de cela, croyez-vous qu'on s'écartera des grands projets de développement?

M. Taylor: Nous n'en avons vu aucun signe.

Le sénateur Forest: Ne gagez pas là-dessus.

M. Taylor: Les plans relatifs au développement, au redéveloppement ou à l'expansion ont des calendriers qui dépassent de beaucoup les fluctuations que peut connaître à court terme le marché au comptant du pétrole.

Le sénateur Forest: Alors, compte tenu de l'économie autochtone dans la région, vous pensez que votre peuple pourrait être capable d'en tirer profit si certaines de ces barrières étaient éliminées?

M. Taylor: Nous l'espérons ardemment.

Le sénateur Chalifoux: La bande de Westbank, près de Kelowna, possède tout ce qui se trouve sur sa réserve. Si vous pouviez annuler cette modification, en quoi serait-elle touchée?

M. Taylor: Westbank est l'une des rares collectivités au Canada qui réponde à la règle des 90 p. 100. Si 90 p. 100 de votre revenu est généré sur la réserve, vous avez toujours droit à l'exemption. Seules les bandes qui n'ont pas la capacité de faire du développement sur la réserve en souffriront. Les bandes qui en tirent profit sont celles qui sont plus avancées, en ce qui concerne les structures comptables ou administratives habituelles. Nous encourageons celles qui s'en tirent bien et nous nous assurons que celles dont cela n'a pas été le cas n'y arriveront jamais.

Le sénateur Chalifoux: Madame Martin, que dit votre conseil à propos de tout cela?

Mme Martin: Nous sommes très en faveur d'une modification du projet de loi C-28. La Première nation crie Mikisew est très progressiste et très moderne. Nous exploitons nos entreprises depuis 1985. Nous y sommes arrivés par notre seule détermination, et nous avons embauché les techniciens les mieux qualifiés pour faire le travail. Nous sommes très fiers de posséder nos propres sociétés aériennes et pétrolières ainsi que d'entretenir de bons rapports avec Syncrude, Suncor et d'autres pétrolières. Nous sommes axés sur le progrès, et nous voulons aller de l'avant. C'est pourquoi nous sommes les premiers à venir à cette table pour poser des questions, pour voir si nous pouvons modifier le projet de loi C-28.

Je pense que la bande de Sawridge sera elle aussi en quelque sorte affectée, parce qu'elle aussi possède des entreprises à Slave Lake.

Notre conseil est très sensible à ce qui s'est produit. Nous rencontrons continuellement nos conseillers juridiques et fiscaux. Nous connaissons très bien la question.

Le président: J'ai apprécié votre exposé, et vos commentaires nous seront utiles au moment où nous commencerons à examiner le concept d'autonomie gouvernementale et la façon dont nous pouvons vous donner une base économique. Vous ne pouvez parler d'autonomie gouvernementale si vous n'avez pas une solide base économique et certaines capacités, par exemple un pouvoir fiscal.

J'ai traité avec des sociétés aériennes dans le passé, et je partage tout à fait vos préoccupations en ce qui concerne les coûts refilés aux consommateurs. La question devient urgente. La question de l'imposition est particulièrement inéquitable pour les collectivités isolées, et nous devons trouver une façon de corriger la situation.

Avez-vous d'autres recommandations concernant ce projet de loi particulier, hormis le fait qu'il faut le modifier? Que diriez-vous d'une zone franche, si nous pouvions intégrer cela dans le projet de loi? Est-ce que cela vous serait utile?

M. Taylor: Des zones franches? Est-ce quelque chose de semblable à des zones de libre-échange?

Le président: Oui.

M. Taylor: Certaines bandes en profiteraient, par exemple celles de Kamloops et de Westbank.

Le président: Ces zones devraient concerner précisément les collectivités isolées.

M. Taylor: Excusez-moi si j'ai l'air de dire une sottise, mais je ne peux voir l'avantage d'une telle zone pour une collectivité isolée comme Fort Chipewyan. Ce serait certes un avantage immense pour une Première nation située près d'une route ou d'un centre urbain. Cela encouragerait même les entreprises à s'y établir. Cependant, je ne vois pas en quoi cela toucherait une collectivité isolée comme la nôtre.

Le président: Je pense que cela serait tout à fait bénéfique, non seulement pour les entreprises, mais aussi pour les consommateurs. Pouvez-vous examiner la question et nous en faire rapport?

Le sénateur Fairbairn: Comment s'est passé votre exposé devant le comité sénatorial permanent des banques et du commerce?

M. Taylor: Ils ont été très gentils avec moi. Le ton y était très différent; je n'avais jamais présenté de mémoire au Sénat auparavant, et votre approche est beaucoup plus pragmatique que celle des comités habituels de la Chambre des communes. Ils étaient très sympathiques et voulaient conclure une entente à la table. Il y avait beaucoup d'intérêt.

Le ministère des Finances y avait délégué bien des représentants, et ils ont été mis à rude épreuve. Ils étaient peu intéressés par la modification que nous suggérions, qui réduit les barrières et nivelle un peu les chances. Ils ont dit que la meilleure réponse était un accommodement politique, faute d'un autre terme pour désigner la chose. Nous n'avons pas le choix, nous en sommes bien conscients. Nous allons faire toutes les tentatives possibles et nous emprunterons toutes les voies pour y parvenir. Parfois, ce qu'il faut dire pour faire cela fait peur. Je parle ici à des politiciens chevronnés. Je ne vous apprends rien.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé.

J'aimerais maintenant aborder une question à huis clos.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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