Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Peuples autochtones
Fascicule 13 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 18 novembre 1998
Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit ce jour à 17 h 41 pour étudier, en vue d'en faire un rapport, l'autonomie gouvernementale autochtone.
Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Je vous souhaite la bienvenue, sénateur Adams. Étant donné que nous n'avons pas besoin du quorum, nous allons commencer.
L'audience d'aujourd'hui rentre dans le cadre de l'étude effectuée spécialement par le comité sur l'autonomie gouvernementale autochtone. Notre comité entreprendra d'examiner au cours des prochains mois ce qui est déjà en place et les divers modèles qui existent, ainsi que les arrangements futurs qui seront pris entre les peuples autochtones, le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux concernés.
Le comité étudiera le nouveau rapport structurel. Les mécanismes de mise en oeuvre d'un tel rapport seront étudiés avec le modèle d'autonomie gouvernement autochtone nécessaire pour répondre aux besoins des peuples autochtones et pour compléter ce nouveau rapport structurel.
Nous avons aujourd'hui comme témoin le président du Metis Settlements General Council d'Alberta, M. Ken Noskey.
Vous avez la parole.
M. Ken Noskey, président, Metis Settlements General Council: Honorables sénateurs, je suis très heureux d'être ici. Mon exposé consistera en un petit film vidéo qui sera suivi d'une projection de transparents. Je vous parlerai de la structure de gouvernement et des documents législatifs qui régissent les huit établissements de Métis situés au nord de l'Alberta.
Projection de la vidéocassette.
M. Noskey: Nous vous avons montré ce film parce que nous avons jugé important que le comité sache et comprenne le fondement de notre démarche. La plupart des gens qui figurent dans le film sont décédés mais il est bon que vous voyiez notre peuple et certains chefs communautaires d'autrefois.
Ce film vidéo figure dans le programme scolaire de tous les établissements que nous administrons. Nous espérons également créer un petit livre pour contribuer à l'éducation de nos jeunes.
Je vais maintenant passer à la projection des transparents en commençant par une carte qui vous montre les huit établissements qui couvrent une grande partie de l'Alberta du nord. Le plus gros, l'établissement de Paddle Prairie se situe près de High Level et les établissements de Fishing Lake et Elizabeth se trouvent à la frontière de la Saskatchewan. Les autres se trouvent entre les deux. À eux tous ils représentent 1,25 million d'acres de terre et une population de 7 000 personnes. Chaque secteur a un gouvernement local.
La structure juridique du gouvernement de l'établissement est un système créé par le Metis Settlements Act adopté en 1989 dans le cadre de l'Alberta Metis Settlements Accord. Le pouvoir du gouvernement local est représenté par un conseil de cinq membres élus par la population de la région géographique concernée. Chaque établissement compte de 500 à 1 100 personnes.
Quatre lois provinciales sont à l'origine du gouvernement des établissements de métis. Le Metis Settlements Act représente la structure de gouvernement et nous dit comment nous devons être organisés et prendre des décisions. Il y a le Metis Settlements Land Protection Act dans lequel il est prévu de réserver des terres pour les métis de la province de l'Alberta. Nous avons aussi modifié la constitution de l'Alberta pour enchâsser nos terres dans cette constitution. Il y a également le Metis Settlements Accord Implementation Act qui porte création de la Metis Settlements Transition Commission. Cette dernière loi contient un arrangement financier sur une période de 17 ans qui représente un montant de 310 millions de dollars.
Nos règlements administratifs ne peuvent être en conflit avec la législation provinciale. Les législations provinciale et fédérale s'appliquent à nous. Le ministre a le pouvoir d'examiner les conseils et les activités au nom de l'intérêt public. Par exemple, il y a récemment eu une évaluation de toutes les communautés à cause de pétitions envoyées au ministre car celui-ci a la responsabilité, en vertu de la loi, de protéger l'intérêt public des établissements de Métis. C'est de cette façon que nous sommes structurés.
Certaines entreprises, notamment une compagnie de gaz et de pétrole, appartiennent aux huit gouvernements des établissements. Dans le cadre de notre entente et de notre législation, nous avons un accord de cogestion des ressources souterraines. Nous pouvons participer jusqu'à concurrence de 25 p. 100 à toute exploitation de gaz et de pétrole et exiger de toute compagnie de gaz ou de pétrole qui travaille sur les établissements des redevances dérogatoires en plus de celles que la province peut percevoir. Ces réserves appartiennent à la Couronne de la province de l'Alberta, mais nous avons une participation pour plus de 100 puits de pétrole et de gaz situés sur les établissements.
Nous avons également notre propre banque pour les établissements, je devrais plutôt dire une coopérative de crédit autochtone, la Settlement Investment Corporation, qui a été fondée il y a 10 ans avec 4 millions de dollars versés par le gouvernement fédéral. Ces fonds étaient prévus pour aider nos membres à lancer de petites entreprises. Cet établissement est donc en activité depuis 10 ans. La Settlement Sooniyaw Corporation est la propriété des huit établissements. Il s'agit de la branche du développement économique des établissements et elle s'occupe des occasions économiques qui se présentent et de programmes de formation également.
C'est le conseil de l'établissement de chaque région géographique qui prend les décisions relatives à l'établissement en question. Les lois qu'il adopte régissent les régions de l'établissement prévues dans les dispositions de la loi. C'est un peu comme pour les administrations municipales. Les règlements administratifs doivent être approuvés par l'ensemble des membres de chaque collectivité. Ils ont le pouvoir de prendre des décisions concernant l'acceptation des membres et la législation précise les conditions d'admissibilité. Ils ont également le pouvoir de décider qui reçoit des parcelles de terre dans chaque région géographique. Les programmes et les services sont aussi administrés par le conseil. Il s'agit entre autres du ramassage des ordures, des réparations des maisons, et des sociétés et des entités qui fournissent du travail et des emplois aux membres de l'établissement de cette région.
Le conseil rend des comptes aux membres. Les membres peuvent approuver ou rejeter les règlements administratifs au cours de réunions générales. Ils approuvent les dépenses financières et reçoivent des rapports vérifiés chaque année.
Les membres élisent les conseils pour des mandats d'un ou deux ans. Nous envisageons de changer cette partie de notre législation car nous pensons que tout est trop politisé. Toute décision prise pour savoir qui va avoir un emploi ou une maison est liée à des relations politiques. Six mois avant une élection, les candidats font campagne et six mois après l'élection, ils exécutent les promesses faites pendant la campagne. C'est l'un des domaines qui nous posent des problèmes.
Le Conseil général, comme la société, est l'organisme représentatif de la collectivité qui dispose des terres et adopte les lois. Le gouvernement collectif est actuellement appelé le Conseil général. Le Conseil général gère également les fonds collectifs. Nous avons mis de côté 65 millions de dollars au total et nous espérons obtenir 120 millions de dollars. On ne peut toucher à ces fonds avant l'an 2007. Ce montant représentera le financement de base pour les activités administratives des gouvernements locaux et collectifs.
Nous coordonnons également les activités et nous sommes l'organisme politique qui représente les huit régions d'établissement. Les politiques du Conseil général sont adoptées par les 44 représentants élus des huit régions. Elles sont exécutoires pour tous les conseils des établissements et les politiques du Conseil général ne peuvent être contredites par des règlements administratifs locaux dans aucune région d'établissement. Les politiques portent sur des questions comme la participation aux propriétés foncières, tout ce qui a à voir avec la chasse, la pêche, le piégeage, l'exploitation du pétrole et du gaz et les impôts fonciers.
Un autre organisme est financé par la province de l'Alberta, il s'agit du tribunal d'appel des établissements de Métis, le Metis Settlement Appeal Tribunal. Il compte sept membres. Trois sont nommés par le gouvernement et trois autres par nous-mêmes. Le président est choisi par le ministre sur une liste qui lui est soumise par le Conseil général.
Le travail du tribunal consiste à faire enquête, servir de médiateur et d'arbitre dans la résolution des différends concernant le statut de membre et les questions foncières. C'est un tribunal peu coûteux et qui est sensible à la culture des Métis. Nous cherchons des moyens d'élargir la compétence de cette instance. Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement provincial et nous espérons également impliquer le gouvernement fédéral.
Nous avons formé des institutions sociales qui comprennent des choses comme un programme de formation pour les initiatives de formation au marché du travail auquel on a accordé 2,4 millions de dollars par an. Nous espérons signer une entente pour un arrangement semblable pour les cinq prochaines années en vertu duquel notre peuple recevrait une formation dans certains domaines et pourrait se présenter sur les marchés du travail des collectivités environnantes.
Grâce à notre société d'éducation, nous offrons 32 bourses par année aux membres des établissements pour des programmes d'études postsecondaires de deux et quatre ans. Nous avons signé une entente avec la province de l'Alberta en 1997 pour financer les services à nos enfants. C'est notre peuple qui administre le programme qui s'appelle Région 18 et qui traite des questions sociales concernant les enfants.
Le transparent suivant vous montre le tableau d'ensemble de la structure de tous les organismes et conseils. Vous voyez au centre le conseil d'établissement et, là encore, les responsables locaux adoptent les lois, et cetera. Ils constituent également le conseil général que vous voyez dans cet organigramme et nous avons également le tribunal d'appel. Le gouvernement de l'Alberta figure sur ce diagramme puisque la province a certaines responsabilités en vertu de la loi et que nous relevons encore d'un ministère provincial qui a actuellement à sa tête M. David Hancock, ministre des Affaires intergouvernementales et autochtones.
Voilà donc la structure de base. Indépendamment de cela, vous voyez la compagnie de gaz et de pétrole et le programme de formation dont je vous ai parlé plus tôt. Nous avons aussi une entente avec les gouvernements provincial et fédéral qui est donc tripartite et en vertu de laquelle nous coordonnons les activités d'accès au programme.
Nous avons notre propre bureau d'enregistrement des terres et des membres. Chaque membre de chaque établissement est inscrit dans notre système d'enregistrement ainsi que tous les propriétaires fonciers. C'est donc un système assez vaste et complet. À l'heure actuelle, il est financé par la province.
Voilà donc un survol rapide du gouvernement des établissements de métis. J'ajouterais à cela la question du revenu. Comment nous proposons-nous de financer le gouvernement? J'ai parlé du fonds pour l'avenir. En obtenant un intérêt d'environ 10 millions de dollars par an régulièrement, nous constituerons notre financement de base. Nous avons, à l'heure actuelle, 23 millions de dollars par an qui proviennent d'une entente provinciale que nous avons signée avec la province de l'Alberta. Nous avons également le droit, en vertu de la législation, de percevoir des droits et des contributions auprès des membres des établissements en échange des services que nous leur fournissons. Donc cela nous sert aussi de source de revenu pour financer nos gouvernements. En vertu de notre politique de contribution pour les entreprises, chaque fois qu'un membre souhaite lancer une entreprise sur un établissement, il doit verser un droit qui va également constituer une source de revenu pour l'établissement.
Nous avons une politique pour les services publics. Il y a des droits de franchisage pour les sociétés d'électricité et de gaz qui font de l'exploitation sur les terres des établissements. C'est une autre source de revenu. Il y a les redevances pour le pétrole et le gaz et la participation par capitaux propres à l'exploitation du gaz et du pétrole. Nous avons accès à des programmes fédéraux et provinciaux par l'entremise de Santé Canada, DRHC, Industrie Canada et d'autres ministères.
En tant que gouvernement, nous sommes aux prises avec des questions nationales parce que nous sommes uniques. Nous sommes les seuls Métis de tout le pays à avoir une assise territoriale. Nous estimons avoir eu de la chance que nos anciens chefs et le gouvernement de l'Alberta aient réservé des terres qui resteront toujours notre territoire. Mais nous essayons d'obtenir que nos terres soient enchâssées dans la Constitution fédérale. Nous espérons participer à des programmes de guérison et de santé. Nous essayons d'obtenir un financement fédéral auprès d'un ministère pour promouvoir notre langue, notre culture et notre patrimoine. Nous voulons aussi nous occuper des problèmes que vivent nos jeunes et nos membres handicapées.
Voilà certains de nos objectifs à long terme. En raison de la façon dont nous prenons des décisions au niveau local et de la collectivité, lancer une entreprise dans un établissement est parfois un processus très lourd. Il s'agit plutôt d'obtenir un consensus qu'une simple majorité. Cela freine parfois les progrès et les activités commerciales que nous souhaitons favoriser. Tout le monde n'est pas toujours d'accord sur les questions de cet ordre.
L'article que je tiens dans ma main est ma bible. Ce sont les quatre textes législatifs provinciaux avec à leur suite les politiques du Conseil général. Je les mettrai à votre disposition. Il est important que vous en preniez connaissance. Ce sont des choses que nous avons créées. Le gouvernement provincial les a proposées à l'assemblée législative et les a intégrées dans la législation provinciale, mais nous avons mis cela au point. Nous avons eu un référendum en 1989 et notre peuple a accepté de régler le litige dont nous avons parlé.
Nous respectons la législation que nous avons créée. Elle évolue et nous changeons au fur et à mesure que nous progressons. Nous la modifions et nous procédons à des ajustements. Voilà 60 ans que nous y travaillons et nous sommes encore là pour longtemps. Nous avons signé l'entente avec la province en 1989 et depuis lors nous avons apporté des ajustements à la législation et aux règles qui régissent notre communauté.
Je mettrai ce document à votre disposition le plus tôt possible pour que vous puissiez prendre connaissance de la complexité de notre gouvernement, la comprendre et l'apprécier. Il est très complexe et je ne peux vous en expliquer tous les détails au cours d'une seule audience.
Le président: Le comité a l'intention d'approfondir ce que vous nous avez montré dans votre film vidéo et dans vos transparents au cours de votre témoignage d'aujourd'hui. Nous vous avons donné un très court préavis lorsque nous vous avons demandé de comparaître et nous nous sommes aussi accordé très peu de temps pour étudier vos documents; je puis donc vous garantir qu'à une date ultérieure, nous vous demanderons de comparaître à nouveau afin d'approfondir les questions que vous nous avez présentées. Nous en serons très heureux car nous savons le succès que représente le Metis Settlements Act ainsi que la façon dont vous avez pu persuader la province de l'Alberta de vous prendre au sérieux et d'entamer avec vous des négociations en vue de signer l'accord et ensuite de prendre des mesures pour développer davantage cet accord.
Je suis sûr que les sénateurs ont des questions à vous poser. Je vais leur donner l'occasion de le faire et je vous poserai quelques questions précises moi-même plus tard.
Le sénateur Adams: Votre exposé me permet d'espérer qu'avec un travail acharné, comme celui que vous faites depuis de nombreuses années dans vos collectivités, le changement des Territoires du Nord-Ouest se passera de la même façon le 1er avril 1999.
À l'heure actuelle, tous les gens qui vivent dans les huit régions qui vous sont réservées en Alberta sont-ils tous des métis ou y a-t-il d'autres peuples autochtones? Avez-vous des choses en commun avec les peuples des Premières nations ou parlez-vous uniquement pour les Métis?
M. Noskey: En ce qui concerne les établissements de métis, pour avoir droit aux programmes et aux services, et pour être candidat à un poste officiel, il faut être membre des établissements de Métis. Il faut être un Métis et non un membre d'une Première nation. C'est bien précisé dans la législation. Si vous êtes Indien inscrit, vous ne pouvez pas être membre de notre communauté. Ainsi, parce que les terres ont été réservées pour les Métis, il faut être un métis pour avoir droit aux programmes. Mais il y a des gens qui ont obtenu à nouveau le statut en vertu du projet de loi C-31. Avant 1990, si vous étiez indien inscrit et que vous viviez dans la communauté, que vous en étiez membre en vertu de la loi précédente, cela restait un droit acquis car nous ne voulions pas provoquer l'éclatement des familles. Il y a donc des Indiens inscrits qui sont membres à part entière des établissements de métis. Nous avons aussi des enseignants et des entrepreneurs qui ne sont ni des Métis, ni des Indiens et qui vivent dans nos établissements.
Le sénateur Adams: Vous parlez des enseignants et des services de santé. Y a-t-il un autre secteur qui soit financé par vous ou par le gouvernement? Dans nos collectivités, nous avons normalement une infirmerie mais nous n'avons pas d'hôpitaux. Nous vivons dans les territoires, mais pour nous faire opérer, il nous faut aller à Churchill ou à Winnipeg. Lorsque les femmes accouchent, elles doivent souvent aller à Churchill ou à Winnipeg. Comment fonctionne le système dans votre région? Vous permet-il d'avoir un plus grand contrôle au sein de votre communauté?
M. Noskey: La province reste responsable de l'éducation, du financement de nos écoles. Nous avons cinq écoles dans les huit établissements qui offrent l'enseignement de la 1e à la 6e année ou du jardin à la 6e année. Nous avons aussi une école dans la communauté qui va jusqu'à la 9e année. Pour le reste de leurs études, nos enfants vont dans les régions voisines de nos collectivités. Nous avons nos propres conseils scolaires locaux dans cinq collectivités et nous sommes également actifs au sein des autres conseils scolaires où nos enfants vont à l'école.
La santé relève aussi de la province. Nous ne sommes pas responsables de la santé. C'est une responsabilité du gouvernement albertain.
Les services aux enfants sont fournis par un organisme de services sociaux, la Région 18, que nous administrons au nom de la province avec nos membres. Nous avons des gens qui ont des maîtrises en travail social et qui ont les qualifications voulues pour diriger ces programmes.
Le sénateur Adams: Le nombre d'années d'enseignement sont-elles limitées dans votre communauté? Avez-vous une université ou vos membres doivent-ils aller à Edmonton ou ailleurs en Alberta pour faire des études universitaires?
M. Noskey: Ils doivent quitter notre communauté pour la plus grande partie de leurs études bien que l'on accepte maintenant dans nos collectivités l'enseignement à distance. En raison des liens directs Internet, on peut avoir accès à ces programmes. Nous avons un financement fédéral dont nous faisons bénéficier nos membres pour qu'ils puissent profiter de ces programmes. La plupart de nos jeunes quittent nos collectivités pour aller suivre des cours dans des établissements postsecondaires en ville.
Le sénateur Adams: Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest avait une politique à un moment donné en vertu de laquelle on ne pouvait aller que jusqu'à la 10e année dans les collectivités et les élèves devaient ensuite aller dans des établissements plus importants pour la 11e et la 12e année. En est-il de même chez vous?
Et la police? Vous avez des règlements administratifs et des conseils locaux. Avez-vous une entente avec la GRC pour les services de police? Maintenant qu'on a des terres, des forêts, du pétrole, du gaz et un nouveau gouvernement au Nunavut, a-t-on besoin de l'aide de services de police de l'extérieur?
M. Noskey: En ce qui concerne les services de police dans nos collectivités, je travaille avec le ministère de la justice provincial. J'ai fait des exposés pour indiquer que nous avions besoin de notre propre corps de police, de nos propres agents de réglementation dans nos collectivités. Nous espérons prendre en main cette responsabilité et faire de nos collectivités des endroits paisibles. Je ne sais pas quand je pourrai négocier ce genre de système mais c'est ce à quoi nous nous efforçons d'arriver. Nous pourrons peut-être négocier un corps de police des établissements de métis. Nous aimerions assumer nous-mêmes cette responsabilité.
À ce sujet, pour obtenir ce que nous avons aujourd'hui, nous nous sommes attachés à une chose à la fois, à prendre une seule bouchée à la fois comme lorsqu'on mange une pomme. Nous avons assumé un domaine de responsabilité, nous nous en sommes rendus maîtres et nous l'avons gardé, puis nous sommes passés à une autre bouchée. C'est un processus qui se fait étape par étape. Nous n'allons prendre en charge un programme que si nous avons la capacité de l'administrer. Nous voulons nous assurer que nos membres ont la capacité et la responsabilité voulues pour gérer un programme avant de nous en charger. C'est toujours de cette façon que nous avons procédé.
Le sénateur Adams: Avez-vous actuellement des problèmes avec le ministre des Affaires indiennes et du Nord dans votre communauté? Je sais que différents traités s'appliquent à vous mais j'aimerais savoir si c'est le ministère ou votre communauté qui est responsable.
M. Noskey: La Constitution du Canada reconnaît l'existence de trois peuples indigènes ou autochtones dans notre pays: les Inuits, les Indiens et les Métis. Le gouvernement fédéral a pris la responsabilité des Indiens et des Inuits, mais nous les Métis ne sommes nulle part. On dit qu'on nous reconnaît comme peuple autochtone mais qu'il n'y a ni ressources ni programmes qui sont spécialement destinés aux métis comme c'est le cas pour les Premières nations. Ralph Goodale est notre interlocuteur métis à l'heure actuelle, mais il n'appartient pas à un peuple, il n'a pas de ressources et n'a pas le droit de négocier quoi que ce soit parce que le gouvernement fédéral refuse d'assumer la responsabilité fiduciaire des Métis.
En Alberta, nous avons eu de la chance. Le gouvernement albertain a réservé des terres et a bien voulu négocier avec nous en tant que Métis. C'est pourquoi nous avons ce que nous avons. Nous n'avons pas grand-chose à voir avec le MAIN parce que nous ne sommes pas une Première nation, bien que j'aie parlé à Jane Stewart à plusieurs reprises pour essayer d'obtenir un remboursement pour l'argent des Métis qui a été utilisé pour fournir un service aux peuples des Premières nations. La dernière fois que nous nous sommes vus, elle m'a dit que c'était la première fois qu'elle entendait parler d'une telle chose. C'est ce à quoi je travaille et ce que mes membres me poussent à faire. Vous utilisez de l'argent des Métis pour fournir un service aux peuples des Premières nations qui relèvent de la responsabilité fédérale. En ma qualité de chef, on me demande d'essayer de voir ce que je peux faire pour ce remboursement. Nous avons établi des précédents intéressants dernièrement et nous verrons où ils vont nous mener. Nous n'avons pas grand-chose à faire avec le MAIN parce qu'il ne nous reconnaît pas.
Le sénateur Adams: Vous semblez avoir encore des inquiétudes concernant certains aspects du projet de loi C-31 même s'il a été adopté il y a longtemps. Qu'est-ce qui vous inquiète en ce qui concerne les Métis?
M. Noskey: Nous avions des inquiétudes lorsque nous avons négocié l'entente parce que la plupart de nos membres ont retrouvé leur statut en vertu du projet de loi. Parce nous ne voulons pas provoquer l'éclatement des familles, en 1989, nous avons conféré un droit acquis à tout le monde en vertu de la nouvelle loi. Si vous vous êtes inscrit après 1990, vous ne pouvez pas devenir membre. C'est ce qui nous pose quelques problèmes.
[Français]
Le sénateur Prud'homme: D'abord, c'est difficile pour moi de réagir. Je ne suis pas membre du comité, je viens par intérêt personnel. Je pense avoir beaucoup d'affinités avec ce que j'ai vu sur le film. Pendant quelques instants, j'avais l'impression que c'était un film sur le peuple ou la nation canadienne-français du Québec à laquelle j'appartiens. J'ai bien spécifié la nation canadienne-française du Québec à laquelle j'appartiens. Il est évident que j'ai des frères et s<#0139>urs dans les autres provinces. J'avais l'impression que vous avez très bien décrit ma propre fierté. Comme je tiens très fortement à ce que les gens comprennent qui nous sommes, qui je suis, j'ai une obligation de comprendre qui vous êtes. Quand je lis rapidement le document que vous nous avez remis, je vois qu'en 1932, les Métis de l'Alberta étaient sous le leadership de Joseph Dion -- j'espère que ce n'est pas un parent de notre ministre, M. Dion -- un Canadien français, j'imagine un Métis francophone. Et quand j'ai vu les noms sur ce document de Florence Parenteau, Sylveste Auger, Richard Poitras et de Bill Parenteau, je me sens presque dans ma famille.
[Traduction]
J'ai l'impression que c'est ma famille. C'est pourquoi je suis ici. Je sais qu'il y a des gens qui craignent beaucoup ceux qui parlent aussi librement, même dans ce soi-disant grand pays libre où tout le monde est égal. Nous sommes égaux tant que nous nous comportons comme eux. Ça ne me va pas.
C'est ce que je dis depuis 35 ans. Je vois ici un très bon ami membre d'une grande tribu huronne du Québec. J'ai des obligations. Je vous dirai pourquoi et c'est tout ce que je vous dirai.
Autrefois, j'ai participé à une conférence constitutionnelle avec M. Joe Clark en Colombie-Britannique. Il y avait un jeune punk de la Saskatchewan que j'ai désespérément essayé de convaincre pendant trois jours, sans réussir. J'ai été très courtois, sans aucune agressivité, comme je pense l'être, bien que je sois décidé. Une Indienne a déclaré vouloir prendre la parole. Je me suis dit: «Je peux me débrouiller avec ce jeune punk de la Saskatchewan, mais d'elle, je vais devoir tout accepter.» Ce fut cependant le contraire qui s'est produit. J'ai attendu toutes ces années pour le dire publiquement.
Elle m'a dit qu'elle comprenait que je sois fier de ma tradition, de mon mode de vie, de ma culture et de ma détermination de rester moi-même. Elle m'a dit que le seul problème que posait ce jeune homme, c'est qu'elle était obligée d'exprimer sa fierté en anglais parce qu'elle avait perdu la langue de ses ancêtres. Elle a dit qu'elle comprenait mon désir de ne pas perdre ma langue.
Combien de Métis y a-t-il en Alberta?
M. Noskey: D'après le recensement de 1998, les établissements de Métis comptent environ 6 800 membres. La nation des Métis de l'Alberta, qui est l'autre organisme reconnu, prétend représenter 50 000 Métis de la province. Il y a donc au total environ 58 000 Métis en Alberta.
Le sénateur Prud'homme: Mes ancêtres sont venus au Canada au XVIIe siècle. Je n'ai pas honte de dire qu'il y a beaucoup de sang mêlé parmi les francophones du Québec.
Si un Métis épousait une non-Métisse et avait des enfants, quel serait leur statut depuis le projet de loi C-31?
M. Noskey: Je m'en tiendrai aux établissements de Métis parce que c'est ce que je connais le mieux. Dans ces établissements, si vous épousez un ou une non-autochtone, que vous l'ameniez dans la collectivité et que vous ayez des enfants, votre progéniture pourrait devenir membre à part entière des collectivités de Métis.
Le sénateur Prud'homme: Cela vaut-il que le Métis qui épouse un non-Métis soit un homme ou une femme?
M. Noskey: Oui.
Le sénateur Prud'homme: Rencontrez-vous beaucoup de résistance lorsque vous soulevez ces questions? Je vois ce qui se passe avec les Nisga'a pour qui j'ai un très grand respect. Vivez-vous la même chose qu'eux lorsque vous revendiquez ces choses?
M. Noskey: Absolument, mais de moins en moins avec le temps. Les gens changent d'avis. Voilà 15 ans que je suis chef. J'ai vécu toutes sortes de discriminations. Les Blancs et les Indiens s'en sont pris à moi. Pendant le processus de Charlottetown on m'a classé comme autochtone de seconde classe parce que j'étais un Métis. Je le répète, je suis de nulle part parce que je suis un Métis, mais nous sommes ce que nous sommes.
Le président: J'aimerais revenir sur la question soulevée par le sénateur Prud'homme concernant le statut de membre pour bien comprendre. Est-il vrai que si un Métis épouse une non-Métisse, seuls les enfants peuvent devenir membres de la collectivité en vertu de la Loi sur les Métis?
M. Noskey: C'est exact. Ils peuvent devenir membres à part entière de la collectivité, oui.
Le président: Et si c'était l'inverse, en serait-il de même?
M. Noskey: Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par: «si c'était l'inverse»?
Le président: Lorsqu'un Métis épouse une non-Métisse, seuls les enfants y ont droit. Si une Métisse épouse un non-Métis, les enfants y ont-ils droit?
M. Noskey: Oui. Cela vaut dans les deux sens, pour un homme comme pour une femme. Il n'y a pas de différence de sexe. Si vous êtes membre de la collectivité, vous avez tous les droits et les privilèges et votre progéniture peut devenir membre mais pas votre conjoint.
Le président: Que se passe-t-il dans le cas d'un individu, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme, qui en quelque sorte vit dans le «no man's land» dans lequel vous dites vous-même vivre?
M. Noskey: Dans les établissements de Métis, vous avez le droit de résidence et le droit de posséder des terres et d'obtenir des services parce que votre progéniture vit avec vous sur cette terre. Tant que votre conjoint est vivant, tout est sous le nom du conjoint. Si votre conjoint venait à décéder, tout serait transféré, que vous soyez membre ou non, et serait placé en fiducie pour vos enfants jusqu'à ce que l'on puisse tout leur transférer.
Le président: Dans le passé, vous avez donc adopté des hommes ou des femmes qui sont devenus membres à part entière de votre communauté? Avez-vous dû exclure un ou une non-Métis, car seuls les enfants peuvent le devenir, parce que vous avez eu une mauvaise expérience dans le passé?
M. Noskey: Je ne pourrais pas vous le dire mais nous avons des dispositions dans la législation en vertu desquelles nous pouvons adopter un individu, homme ou femme, s'il est Indien inscrit visé par un traité avant de devenir adulte.
Le président: Cela vaut-il uniquement pour ceux qui sont inscrits comme Indiens visés par un traité?
M. Noskey: Oui.
Le président: Je pose ces questions parce que vous avez un système qui est différent de celui des Indiens inscrits et aussi de celui des Inuits, lesquels ont des arrangements avec le gouvernement du Canada ainsi qu'avec les provinces.
Dans le cas des Inuits du Québec, par exemple, nous adoptons. Autrement dit, si une femme épouse un autochtone, elle devient automatiquement bénéficiaire en vertu de ce critère. La même chose vaut pour un homme. Nous avons beaucoup de problèmes dans nos collectivités. Vous êtes plus instruit que les autres membres de la communauté. Vous avez tendance à essayer de profiter de ce qui est disponible pour des raisons économiques et sociales. C'est gênant pour les collectivités, surtout dans les petites collectivités du nord du Québec. On fait la même expérience actuellement dans les Territoires du Nord-Ouest -- du moins, si ce n'est pas encore le cas, on va la faire très prochainement.
Les Inuits du Québec peuvent en fait identifier ce problème maintenant et veulent faire quelque chose parce qu'ils ont 20 ans d'expérience de mise en oeuvre d'une entente du type de celle dont vous parlez.
Je tenais à le dire parce que vous envisagez de faire quelque chose dans ce domaine pour trouver une solution au problème, à ce que je vois.
M. Noskey: Sur la question de l'adoption, on donne la priorité aux membres de l'établissement lorsqu'il s'agit de travail. Cela ne veut pas dire que si vous êtes membre de la collectivité parce que vous êtes marié à un Métis, vous n'allez pas avoir de travail ou de services. Vous avez des avantages et des droits de résidence si vous êtes marié à l'un des membres de l'établissement.
Le président: Le seul avantage que vous avez dans ce domaine c'est que l'individu, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme, qu'il ou elle soit non autochtone, ne va pas essayer d'utiliser un service parce qu'il ou elle n'a pas été adopté(e) comme membre. Vous n'avez pas ce problème.
Je vais maintenant revenir sur certains éléments de votre exposé sur lesquels j'aimerais avoir des précisions.
Vous parlez des transitions qui ont eu lieu de 1938 à 1990. J'ai appris, en regardant votre document, que pendant cette période vous aviez proposé deux instruments. L'un est un instrument de gouvernement, l'idée d'autonomie gouvernementale, et vous avez réussi à convaincre le gouvernement de l'Alberta de vous prendre au sérieux. L'autre est une coopération de développement économique.
Vous parlez de faciliter le développement économique et du fait que le fonctionnement de la structure gouvernementale de l'établissement pose actuellement un problème. C'est ce que vous décrivez ici, de deux façons. Par exemple, vous dites que tenir des élections toutes les années crée trop d'incertitude et empêche les investissements et le développement. Du même coup, vous dites que la structure gouvernementale est peut-être trop démocratique et que tout le monde peut voter sur tout.
Pourquoi faites-vous le lien entre les deux? D'un côté il s'agit du secteur privé et de l'autre du secteur public. Quel lien y a-t-il entre eux pour que vous puissiez dire que vous avez des problèmes dans ce domaine particulier, savoir que vous ne pouvez pas traiter des questions économiques comme telles ou prendre des décisions économiques? Il semble que cela soit favorable au secteur du gouvernement. Pourriez-vous expliquer davantage? J'aimerais savoir si c'est un problème que nous devrions étudier.
M. Noskey: C'est certainement un problème auquel il faut penser pour toute administration ou institution, politique ou économique, que vous créez. Toutefois, étant donné que notre branche du développement économique et l'entreprise que nous avons créée est la propriété des huit établissements à égalité et que notre conseil d'administration se trouve être constitué de membres qui sont des personnes nommées pour des raisons politiques ou des représentants élus, il y a chevauchement. Certaines décisions de l'entreprise sont influencées par la politique de nos collectivités et de nos membres. Nous avons essayé de séparer le social de l'économique et du politique. C'est pourquoi il y a des entités différentes. Il y a un certain chevauchement à l'heure actuelle mais avec le temps, cela évoluera et nous aurons des entreprises qui ne s'occuperont que d'affaires, qui ne s'inquiéteront pas d'intégration verticale ou de questions sociales. Là encore il faut du temps et l'évolution nous permettra de régler ce problème.
Le président: Y a-t-il des gens qui jouent deux types de rôles?
M. Noskey: Exactement. Dans certains cas, il y a des gens qui sont membres d'institutions sociales, politiques et économiques et qui sont influencés par la politique dans de nombreux cas. Comme nos collectivités sont petites et qu'il n'y a qu'une poignée d'individus qui sont capables de comprendre la réalité des affaires, de la politique et des questions sociales, ils sont membres de plusieurs conseils d'administration et institutions. Cela crée des problèmes.
Comme je l'ai dit, les décisions concernant l'octroi des logements ou des emplois sont liées à la politique parce que nous avons des élections annuelles. Deux membres sont élus chaque année par roulement.
Nous envisageons actuellement des élections et nous espérons les adapter au système municipal d'élections. Nous pourrions ainsi mettre en oeuvre nos plans d'entreprises et prendre des décisions qui soient moins motivées politiquement parce que nous aurions quatre ans pour mettre en oeuvre notre plan d'entreprise une fois qu'il est constitué. C'est ce que nous envisageons actuellement.
Le président: Vous avez aussi indiqué dans votre exposé que vous releviez de la compétence provinciale. Ainsi, les obligations générales de l'Alberta valent également pour vous.
Il ne me semble pas possible que l'on puisse faire partie de structures commerciales et gouvernementales à la fois. Il doit bien exister des lignes directrices sur les conflits d'intérêt en Alberta. Avez-vous étudié cela pour voir s'il n'y a pas une loi qui existe que vous puissiez utiliser pour essayer de remédier à ces problèmes?
M. Noskey: Les lois qui gouvernent nos institutions sont des documents de constitution en société. Toutefois, parce que nous avons le contrôle, il y a peu de lignes directrices sur les conflits d'intérêts dans les règlements administratifs de ces entités que nous créons. Ainsi, ces documents d'application générale ne valent pas nécessairement. On ne prend pas le temps de voir ce qui pourrait constituer un conflit d'intérêt pour un conseil d'administration de l'une de nos sociétés pétrolières, par exemple. Mais nous étudierons la chose de plus près. Vous soulevez un point intéressant.
Le président: Recommandez-vous au comité d'étudier ces problèmes non seulement dans le cadre de la loi mais également des règlements? Aimeriez-vous des recommandations à cet égard?
M. Noskey: Nous accepterions des recommandations de la part de quiconque a de l'expérience en la matière.
Le président: Si j'ai bien compris, ce n'est que la législation albertaine qui vous inquiète.
M. Noskey: Exactement.
Le président: N'y a-t-il pas un texte de loi général du gouvernement fédéral qui reconnaisse le fait que les métis ont des établissements en Alberta? Un autre texte de loi est-il nécessaire pour protéger ce que vous obtenez par négociations avec la province?
M. Noskey: Indépendamment de protéger nos terres, il n'y a pas d'entente générale qui protège ce que nous avons.
Nous avons signé une entente avec la province de l'Alberta en 1989. Dans le cadre de cette entente, le gouvernement albertain s'est engagé à faire enchâsser nos terres dans la législation fédérale. Tant que cela ne sera pas fait, le litige que nous avons eu avec la province pendant 20 ans reste en suspens. Tant que cet engagement ne se sera pas traduit par des faits concrets, la menace de litige reste là. Nous espérons qu'un jour non seulement nos terres, mais aussi l'entente que nous avons ainsi que les dispositions que nous avons seront enchâssées dans la Constitution du Canada.
Le président: Vous avez aussi dit que les lois de l'Alberta devraient être modifiées pour donner naissance à une nouvelle loi pour les Métis. Tombez-vous sous le régime des critères prévus à l'article 35 de la Loi constitutionnelle?
M. Noskey: L'entente que nous avons signée avec l'Alberta en 1989 stipule que le gouvernement n'abrogera aucun droit autochtone ou prévu par les traités et n'y dérogera pas. Nous avons maintenant un arrangement foncier complexe comparé à ce que nous avions avec la province de l'Alberta.
Le président: Autrement dit, vous risquez toujours que l'Assemblée législative de l'Alberta change ce qu'elle vous a accordé ou en retire certaines choses.
M. Noskey: Aucun tribunal ne peut exproprier une partie de nos terres sans notre consentement. Cela figure dans la législation. On ne peut absolument pas l'exproprier sans notre consentement. Aucun juge ne peut statuer contre pour autoriser l'expropriation de nos terres. Nous sommes donc protégés de cette façon.
Il n'est pas question des Métis dans la Constitution du Canada en dehors de la disposition qui traite des peuples autochtones. Toutefois, dans la constitution albertaine, il est dit que nous sommes des métis, que nous avons contribué à l'histoire et à l'identité de l'Alberta et que nous continuons à le faire.
Le président: Si je vous ai bien compris, cette clause de non-dérogation, qui est je crois l'article 25 de la Loi constitutionnelle, est la seule qui soit précisément mentionnée dans la loi sur les établissements?
M. Noskey: Autant que je sache, oui.
Le président: Nous approfondissons la question pour voir quelle est l'interprétation juridique effective de ces deux dispositions et de quelle façon les deux sont liées.
Vous avez aussi parlé d'une disposition de temporisation lorsque l'Alberta a adopté la législation concernant le financement. Je crois que vous arrivez à la fin de ce programme.
Que prévoyez-vous de faire? Allez-vous commencer à utiliser les pouvoirs qui vous ont été accordés en vertu de votre structure de gouvernement, c'est-à-dire lever des taxes et des impôts, obtenir des investissements ou émettre des obligations? Pouvez-vous vendre les terres? Pouvez-vous utiliser les terres comme garantie? Pouvez-vous demander des investissements? Pouvez-vous vous adresser à la communauté internationale pour demander à des investisseurs de venir investir sur vos terres?
M. Noskey: Je répondrai à vos questions de façon générale étant donné qu'elles sont de nature générale.
Notre entente avec la province de l'Alberta est un accord financier de 17 ans. Dans le cadre de cet accord, nous avions des possibilités pour vérifier si les montants étaient suffisants pour répondre à l'objectif de l'entente. Jusqu'ici, nous avons négocié une autre entente pour obtenir 10 ans supplémentaires afin de compléter l'entente originale.
Nous recevons actuellement un financement de base de 23 millions de dollars par année. Et cela va aller jusqu'à l'an 2007. Nous espérons que d'ici là le fonds ainsi constitué, et dont je vous ai déjà parlé, nous donnera en intérêts uniquement environ 10 millions de dollars. Nous avons certaines dispositions et avantages dans le cadre de l'entente de cogestion pour le pétrole et le gaz qui nous donneront 10 autres millions de dollars par an que nous pourrons utiliser pour continuer à nous financer.
En dehors de cela, nous avons accès aux programmes et services fédéraux dont peuvent bénéficier les autres peuples indigènes et les administrations municipales. Cela aussi va aider nos gouvernements. Nous espérons que les droits autochtones, les ententes financières et la réponse du gouvernement à la CRPA, la Commission royale sur les peuples autochtones, nous apporteront aussi des revenus. C'est ce que nous espérons car nous n'avons abrogé aucun droit autochtone pas plus que nous y avons dérogé. En tant que Métis, nous estimons que nous avons des droits. En conséquence, nous espérons que cela va nous rapporter un revenu en même temps, indépendamment des droits, des taxes et impôts que nous pouvons percevoir auprès des entreprises du secteur industriel et des services publics. Nos membres paient des droits pour les services que nous leur offrons. Voilà donc les différentes sources de revenus que nous envisageons.
Le président: Avez-vous aussi dit dans votre exposé que vous êtes presque arrivé au point où vous devez utiliser vos propres fonds, les fonds des Métis, à des fins publiques? Normalement, ce sont des dépenses qui sont assumées par le gouvernement notamment. Craignez-vous que, lorsque vos fonds seront épuisés, vous ayez besoin de commencer à utiliser les fonds de vos ressources qui sont censés être pour le développement économique des Métis et non pour des services publics tels que l'éducation, le bien-être, le logement et autres choses de ce genre?
M. Noskey: Nous espérons arriver pour finir à prendre tous ces domaines de responsabilité à la province et au gouvernement fédéral pour administrer les programmes nous-mêmes. Nous espérons que lorsque nous en aurons la responsabilité, il y aura un engagement à long terme et une entente qui nous permettra d'avoir une source continue de financement pour offrir ces services. Si ce n'est pas le cas, nous ne prendrons pas en charge les services et les gouvernements provincial et fédéral conserveront ces responsabilités et l'administration de ces programmes. Je n'ai donc guère de craintes à ce sujet. Tout cela fait l'objet de négociations actuellement et c'est de cette façon que nous avons toujours procédé pour tout ce que nous avons fait.
Le président: Qu'arrive-t-il si une de vos collectivités a besoin d'une installation récréative pour ses jeunes? Allez-vous prélever dans vos fonds privés et aller ensuite demander à l'un des gouvernements de faire une contribution?
M. Noskey: Nous nous adressons à l'industrie et au gouvernement tout en utilisant nos propres fonds.
Le sénateur Adams: Je ne connais pas le nombre exact de Métis qu'il y a au Canada. Votre organisation aide-t-elle d'autres Métis? Dans les territoires, nous avons le traité no 8 et le traité no 11. Quels traités avez-vous en Alberta?
M. Noskey: En Alberta, nos traités portent les nos 6, 7 et 8. Mais là encore, il s'agit des Premières nations. Les Métis ont deux organisations. L'organisation que je représente compte 7 000 membres qui ont une assise territoriale. Il y a une autre organisation qui s'appelle la Metis Nation of Alberta qui fait partie du Metis National Council et avec laquelle nous ne sommes pas affiliés. Nous sommes différents, distincts et uniques.
Le sénateur Adams: Il ne devrait pas y avoir de différences entre les Métis de l'Alberta, du Manitoba et de la Saskatchewan. Je crains que divers groupes de Métis puissent vouloir être reconnus différemment par les gouvernements. Vous avez dit vous-même que vous n'avez plus besoin de partenariat avec le gouvernement provincial. Mon peuple fera partie du Nunavut et nous serons comme n'importe quel autre gouvernement provincial.
Ce que je crains, c'est que chaque organisation de Métis souhaite avoir un traité distinct avec Ottawa et la province où elle réside. Cela vous pose-t-il un problème?
M. Noskey: Les Métis des autres provinces ont le même contexte ancestral que les Métis de nos établissements. Il n'y a pas de différence. Là où il y a des différences, c'est dans les organisations. Nous ne faisons pas partie des organisations provinciales de métis des autres provinces. Nous sommes distincts du Metis National Council. Nous sommes le même peuple, nous avons la même histoire et la même identité. Vous avez raison en ce qui concerne la représentation politique. Parce que nous sommes un peuple autochtone, nous nous efforçons d'obtenir les mêmes droits que les peuples indiens et inuits. C'est ce à quoi notre peuple s'efforce. Que ce soit sous ma direction ou celle de quelqu'un d'autre par la suite, c'est ce que nous aimerions obtenir.
Le sénateur Adams: Le financement de l'Alberta va-t-il continuer ou va-t-il se terminer à un moment donné? Vos réserves sont-elles assez importantes et les contrôlez-vous? Comment fonctionne l'entente avec la province?
M. Noskey: Notre entente financière pour le financement de base se termine en 2007. Nous espérons que notre réserve pourra obtenir suffisamment de revenu pour nous permettre d'avoir en permanence un financement.
Le sénateur Adams: Après 2007, vous n'aurez plus à payer les impôts de l'Alberta. Est-ce qu'une partie des revenus que vous obtenez dans le secteur du pétrole et du gaz va à la province de l'Alberta sous forme d'impôts?
M. Noskey: Parce que la province est propriétaire du pétrole et du gaz, toutes les redevances lui sont versées. Mais nous prélevons des redevances dérogatoires auprès des compagnies qui font de l'exploitation. Ces dernières sont en sus de ce que perçoit la province. Nous avons des ententes de partenariat avec ces compagnies. Nous sommes des partenaires et nous sommes des acteurs car nous avons aussi notre propre compagnie de pétrole et de gaz.
Le sénateur Adams: Les compagnies dont vous êtes partenaires peuvent-elles vendre leur gaz et leur pétrole partout au Canada?
M. Noskey: Oui.
Le sénateur Prud'homme: Si je comprends bien la plus grande partie de vos membres, mais non la totalité, sont des descendants de gens qui, après la bataille de Batoche de triste mémoire, sont allés en Alberta. C'est bien cela?
M. Noskey: Oui.
Le sénateur Prud'homme: Après la triste affaire Riel -- un point noir de l'histoire canadienne -- vous êtes partis vers l'Ouest.
Ne pensez-vous que cela constitue une faiblesse que d'être seulement 7 000? J'apprends aujourd'hui qu'il y a d'autres Métis, évidemment, mais que vous avez votre propre organisation. Vous en êtes fier et je le comprends.
J'ai été triste de voir de quelle façon nous avons traité les gens de Thompson au Manitoba dans les années 60. Mon peuple, le peuple canadien-français, n'était pas responsable. Il est bon que ce soit dit publiquement.
Je constate qu'il y a des Métis en Alberta, mais j'en sais davantage sur la situation des Métis du Manitoba et de la Saskatchewan.
[Français]
Est-ce qu'il n'y a pas une faiblesse au sein de deux organisations qui ne sont pas affiliées en Alberta? Vous dites que vous êtes le chef de 7 000 personnes. Mais il y a une autre organisation. Vous avez répondu à mon collègue qu'il y a plusieurs autres organisations au Manitoba mais qu'il n'y avait pas d'affiliation.
Pourquoi n'y a-t-il pas une affiliation de force? Cela représente une force que d'être plus nombreux. Quand on entend un chef métis parler, on est porté à penser qu'il parle pour tous les Métis.
[Traduction]
Avant de venir s'asseoir ici, on ne se rend pas compte de la chose, mais plus on rencontre de gens -- des Métis, des Indiens, des francophones de l'Ontario ou du Québec -- plus on comprend qu'on est très différent, quoi qu'on lise ou dise en Alberta. Je n'ai pas besoin de faire des concessions venant du Québec comme doivent le faire mes frères et soeurs de l'Ontario quotidiennement pour survivre. Trouvez-moi un Prud'homme en Saskatchewan, par exemple. Nous avons disparu. Pourquoi faut-il que tant d'organisations expriment la même fierté? Certains groupes autochtones sont très riches, mais ils sont souvent situés à côté d'une bande qui n'a rien. J'imagine que je connais la réponse.
S'il y a des gens contre vous pour de mauvaises raisons, ne vous en faites pas. Attendez-vous à ce que je sois de votre côté, même si ce n'est pas bien vu. J'ai toujours été comme ça. J'ai défendu les Palestiniens, par exemple, alors vous pouvez imaginer!
M. Noskey: Je dois dire pour commencer que Girouxville et Falher, en Alberta, sont des collectivités francophones dont nous sommes proches et avec qui nous sommes amis.
Il y a deux organisations de Métis en Alberta. Les métis de la province de l'Alberta ont le droit de demander à devenir membres à part entière de notre communauté et de bénéficier de tous les droits et privilèges de notre organisation.
L'autre organisation, la Metis Nation of Alberta, est une société constituée en vertu du Societies Act of Alberta, et n'a pas d'assise territoriale. Elle s'occupe des Métis des autres régions rurales de l'Alberta qui ne vivent pas dans des établissements. Ce sont deux groupes distincts de personnes, l'un ayant un territoire, l'autre non. Étant donné que nous sommes le seul groupe de métis à avoir une assise territoriale de tout le Canada, notre situation est unique. Nous accueillons les Métis de toutes les régions du Canada s'ils veulent faire partie de nos établissements de métis de l'Alberta parce que nous représentons un territoire pour les Métis. À l'heure actuelle, cette situation est protégée par la législation de notre pays. Voilà donc la différence pour la question que vous avez posée.
Je suis d'accord qu'être plus nombreux représente une force et je serais certainement favorable à une organisation qui représenterait la population des Métis du pays, du Pacifique à l'Atlantique avec tous les Métis situés entre les deux. Je serais pour un organisme, un porte-parole et un groupe représentatif qui respecte les pouvoirs régionaux et les organismes représentatifs. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas. C'est triste, mais c'est vrai. C'est ainsi.
Je travaille avec le Metis Settlements General Council et je suis pour ce que fait le conseil. Je souhaiterais que toutes les provinces réservent des terres. Je souhaiterais qu'elles aient des textes de loi pour les Métis, comme l'Alberta. Je les appuierais et je les encouragerais.
Je suis allé en Amérique du Sud avec Gerald Morin la semaine dernière et nous nous sommes demandé comment nous pourrions travailler ensemble. Je rencontre Audrey Poitras, présidente de la Metis Nation of Alberta, de façon régulière. Nous essayons de voir comment nous pourrions nous assembler pour permettre à tous les Métis de l'Alberta de mieux gagner leur vie. Nous avons des programmes de formation communs et des entreprises en participation. Nous avons des relations et nous avons un respect mutuel qui est tout à fait sain. C'est comme un système fédéral où une confédération de provinces se rassemble pour le bien de tous. Voilà comment je vois notre situation.
Le président: J'aimerais revenir sur la question des établissements de Métis en Alberta. Sur la carte, on indique les terres qui ont été accordées aux Métis par l'entente des Métis de l'Alberta. Lorsqu'on a décidé de la taille et des limites des établissements, vous les a-t-on accordés en tant qu'autochtones ou sous forme de territoire municipal?
M. Noskey: Douze régions ont été réservées en 1938. Il y avait des colonies de Métis sang mêlé où les Métis pouvaient vivre selon leur mode de vie traditionnel et défendre leur culture.
Le président: Cela n'a pas été fait uniquement parce qu'il était nécessaire d'avoir une structure municipale pour la collectivité; c'était plutôt parce que vous étiez des Métis, vous étiez différents et vous aviez des droits à défendre.
M. Noskey: Exactement. C'est pour cela qu'on les a réservées.
Le président: Estimez-vous qu'en tant que citoyens de ce pays vous avez droit à un gouvernement local, mais en même temps vous avez aussi droit à un territoire limité à l'intérieur duquel se situera ce gouvernement local, sans prendre en compte votre statut autochtone?
M. Noskey: Je ne comprends pas votre question.
Le président: En tant qu'autochtone, vous avez dit que vous avez obtenu ces terres uniquement parce que vous étiez des Métis. Vous êtes différents.
M. Noskey: C'est exact.
Le président: Avez-vous utilisé cet argument pour convaincre le gouvernement de l'Alberta?
M. Noskey: Oui.
Le président: N'êtes-vous pas d'accord pour dire que vous avez droit à un gouvernement local et que votre gouvernement local a droit à une certaine quantité de terres désignées pour cette activité locale, que vous soyez des Métis ou non?
Ma question est la suivante: Prévoyez-vous toujours pour la suite d'entamer des négociations auxquelles participerait le gouvernement fédéral pour obtenir un territoire du fait de votre statut d'autochtone, statut qui est reconnu par la Constitution?
M. Noskey: En cela, nous ne sommes pas différents des autres groupes autochtones. Notre peuple estime qu'il devrait avoir des droits semblables à ceux qui sont accordés aux peuples autochtones de notre pays -- le droit à l'autonomie gouvernementale, à l'identité, à la protection de notre langue et de notre culture.
Ce que nous avons en Alberta, c'est un type d'administration municipale. Je dirais que c'est un gouvernement régional et territorial autochtone. Ce n'est pas une administration municipale. C'est un gouvernement autochtone.
Le président: Ce n'est pas une administration «purement municipale»?
M. Noskey: Vous ne pourriez pas administrer cette région si vous n'étiez pas un métis ou un autochtone. Il n'est absolument pas question que vous, en tant que personne venant d'une autre collectivité, puissiez venir pour diriger les affaires de notre gouvernement parce que c'est un gouvernement propre aux Métis. Il l'a toujours été et le sera toujours.
Le président: Ces secteurs désignés regroupent-ils tout en tant que limite municipale? Fixez-vous votre limite municipale de cette façon et avez-vous ensuite une zone ayant des limites plus réduites pour les activités du gouvernement local?
M. Noskey: Il n'y a qu'une délimitation et elle enserre un secteur géographique particulier de l'établissement. C'est la seule limite que nous connaissions. Elle est en dehors des limites municipales et des districts municipaux de la province de l'Alberta. Elle est unique et différente. Les administrations municipales n'ont aucune compétence dans le secteur de notre établissement.
Le président: Où est la limite de compétence de votre structure de gouvernement? S'applique-t-elle uniquement aux régions indiquées sur la carte avec les limites qui y figurent?
M. Noskey: Ce n'est que dans ces régions géographiques, oui.
Le président: Tout gouvernement a besoin de s'assurer qu'il y ait une population suffisante dans un secteur géographique donné. Malgré cela, vous pouvez vous doter d'un gouvernement local si vous le voulez et avoir une limite à l'intérieur de laquelle ce gouvernement local administre. Il semble que vous ayez mis tous les oeufs dans le même panier plutôt que d'avoir un secteur public et un secteur privé. Ne faites-vous pas la différence entre les deux?
Vous protégez votre statut de peuple autochtone. Vos préoccupations autochtones se reflètent dans la structure de votre gouvernement car vous ne permettez à personne d'autre de pénétrer dans ce secteur. C'est uniquement pour les Métis. Ce n'est donc pas un gouvernement public; c'est un gouvernement ethnique. Pour cette raison, vous êtes plutôt satisfait de tout placer sous l'égide d'une seule structure de gouvernement plutôt que de créer un autre instrument pour protéger les questions culturelles des Métis. Est-ce bien cela?
M. Noskey: Oui. Il s'agit de la même chose.
Le président: Dans notre pays à l'heure actuelle, on fait la différence entre les deux. On essaie de trouver un moyen de faire un contrat de mariage entre le gouvernement public et le gouvernement ethnique. Ils étaient séparés en vertu de l'entente et maintenant on en examine des bribes ici et là pour voir si on ne peut pas les réintégrer à la structure de gouvernement même si c'est un organisme public.
Nous utilisons le terme «ethnicisation» lorsqu'on parle d'un organisme public où il y a une véritable participation et un contrôle par un organisme autochtone. Si la structure de gouvernement va être un organisme public, nous disons que le système, les procédures, les valeurs doivent être «ethnicisées».
M. Noskey: Notre organisme de gouvernement est un organisme des établissements de métis uniquement. Il est propre aux Métis pour ce qui concerne le public.
Le président: Autrement dit, à l'heure actuelle, personne d'autre dans notre pays n'a ce que vous avez.
M. Noskey: C'est exact. C'est unique et particulier. Lorsque vous parlez de défendre l'intérêt public, c'est le ministre qui a actuellement la responsabilité de défendre l'intérêt public des membres des établissements de Métis.
Le président: Le seul problème est que la population canadienne en général a tendance à considérer un gouvernement ethnique comme un gouvernement raciste. La population canadienne pourrait avoir une perception négative, mais, dans un sens, on pourrait l'admettre. Les droits des peuples non autochtones pourraient en fait être suffisamment bien décrits et traités par les Métis. Il faudra sans doute que cela se fasse à un moment donné.
M. Noskey: C'est sans doute une bonne façon de décrire la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous adoptons des lois contre les Indiens et nous disons qu'ils ne peuvent pas devenir membres des établissements de Métis. Quelqu'un pourrait nous contester en vertu de la constitution et nous accuser de faire de la discrimination contre un individu ou une race. Cela vaudrait pour les autres Canadiens aussi.
Quelqu'un pourrait sans doute nous contester à l'avenir, mais nous avons un droit autochtone car nous sommes une organisation autochtone et ce pays était le nôtre avant l'arrivée des Européens. Pour nous Métis, la plus grande partie de notre identité est l'élément autochtone. Les juges sont d'accord avec nous pour dire que nous vivons selon un mode de vie indien. Nous avons eu des procès dans la province de l'Alberta où certains de nos membres ont été pris à chasser sur des terres de la Couronne non occupées mais, parce que nous vivons selon un mode de vie indien, on nous a accordé les mêmes droits qu'aux Indiens pour la chasse de subsistance.
C'est donc un fait. Il ne faut pas oublier que nous sommes un peuple autochtone. C'est le fondement de notre entente.
Le président: Diriez-vous que vous apprenez encore et que vous mettez encore au point une nouvelle façon de traiter avec les autres gens qui pourraient avoir un intérêt à entrer dans votre société ou qui pourraient en avoir la capacité? La porte est ouverte si je vous ai bien compris.
M. Noskey: Absolument. Nous sommes toujours ouverts. Nous sommes prêts à être des partenaires. Nous sommes prêts à être des Canadiens. Nous sommes prêts à être uniques. Nous sommes prêts à parler aux gens aussi. Actuellement nous traitons avec des municipalités, des villes, des provinces, le gouvernement fédéral et l'industrie. Nous avons des relations et des ententes avec les Premières nations également. Nous avons des ententes de partenariat avec tous ceux qui sont dans nos collectivités et c'est comme cela que nous avons toujours fonctionné. Nous payons l'impôt sur le revenu et l'impôt provincial comme tous les autres Canadiens.
Le président: Vous êtes des contribuables de plein droit comme les Inuits.
M. Noskey: Nous sommes comme tous les autres habitants du Canada. C'est une importante distinction à faire. Nous payons la TPS et le reste. Nous ne sommes pas exonérés.
Pour ce qui est de la responsabilité financière et de l'obtention d'un revenu à long terme, nous discutons avec Revenu Canada pour savoir si nous pouvons, comme les Nisga'a, recevoir une partie des revenus que nous versons dans les coffres du Canada.
Le président: Voulez-vous dire que vous voulez vous imposer vous-mêmes et profiter de ces revenus?
M. Noskey: Si nos membres se payaient des impôts et en payaient à leur gouvernement, ils seraient plus actifs pour ce qui est de la façon de dépenser cet argent. Ils prendraient leurs élections plus au sérieux. Nous nous gouvernerions et nous nous réglementerions nous-mêmes en même temps.
Le sénateur Prud'homme: Y a-t-il d'autres personnes qui réclament une partie des établissements de l'Alberta qui sont actuellement votre propriété en vertu de la loi? Quelqu'un d'autre revendique-t-il la propriété de certaines de ces terres, comme on le voit de plus en plus en Colombie-Britannique? Là-bas, il y a des revendications qui s'opposent à d'autres revendications pour les mêmes terres. Est-ce que les huit établissements de Métis que je vois clairement définis et décrits ne sont pas revendiqués ou est-ce qu'il y a un groupe indien qui les revendique aussi en totalité ou en partie?
M. Noskey: Autant que je sache, il n'y a pas de Premières nations ni de groupe visé par un traité qui revendiquent la propriété des terres des établissements de Métis à l'heure actuelle.
Je dirais cependant une chose à l'égard des terres. Pour ce qui est des quatre autres parcelles qui ont été réservées en Alberta pour les Métis, plusieurs personnes aimeraient acquérir à nouveau ces terres pour les Métis de l'Alberta. En tant que chef, on m'a soumis cette question à plusieurs reprises.
Le président: Nous vous remercions de votre exposé. Nous vous demanderons de revenir pour traiter des domaines particuliers qui ont besoin d'être approfondis. Nous vous demanderons peut-être aussi de prendre part à la table ronde sur le gouvernement.
M. Noskey: Étant donné que je suis membre de cette table ronde, j'aimerais beaucoup voir le rapport.
La séance est levée.