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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 16 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 2 décembre 1998

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit à 17 h 37 pour étudier en vue d'en faire rapport la fonction gouvernementale autochtone.

Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je souhaite la bienvenue à MM. Harold et Jason Calla. Je remercie également mes collègues du Sénat qui assistent aux séances. Le travail que nous accomplissons revêt une très grande importance.

Monsieur Calla, vous avez la parole.

M. Harold Calla, directeur des finances, nation Squamish: Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Je suis comptable général licencié et, depuis 12 ans, je suis directeur des finances de la nation Squamish. Je suis aussi un membre élu du Conseil squamish et j'ai fait partie d'autres conseils. Je suis venu à Squamish après avoir passé 20 ans à travailler dans les affaires internationales. Je travaille avec l'Association des comptables généraux agréés du Canada à l'élaboration de normes comptables pour les Premières nations. Je suis accompagné de mon fils, Jason Calla, qui est également membre de la nation Squamish et a obtenu récemment son diplôme à la London School of Economics and Political Science. Il est titulaire d'un diplôme de maîtrise en planification urbaine régionale.

Il me paraît important de vous donner une petite idée de ce que sont les Squamish. La tribu squamish s'est regroupée dans les années 20 autour de revendications territoriales, plus précisément à Kitsilano, à Vancouver. Mon grand-père était à l'époque l'un des dirigeants. Nous comptons aujourd'hui quelque 3 000 membres. Nous avons 24 réserves qui s'échelonnent du centre-ville de Vancouver jusqu'à 30 milles au nord de Whistler, tout au long du couloir de Whistler. La zone proposée pour les Jeux olympiques se trouve exactement dans notre région.

Nous sommes une bande indienne au sens de la Loi sur les Indiens. La plupart de nos membres habitent dans le Grand Vancouver, à peu près la moitié à l'intérieur des réserves et l'autre moitié à l'extérieur. Nous avons un budget annuel de quelque 32 millions de dollars, dont la majeure partie vient de nos propres sources de revenus. Nous possédons des terres considérables, soit environ 800 acres, du côté nord de Burrard Inlet, et la partie sud du centre commercial Park Royal est située sur nos terres. Nous avons construit le Real Canadian Superstore à l'extrémité nord du pont Second Narrows, et nous avons aussi divers autres baux.

Avant de revenir à Squamish, j'ai toujours travaillé dans des organisations qui avaient besoin de capitaux et aussi besoin d'idées. C'est presque l'inverse à Squamish. Nous avons des biens immobiliers d'une valeur de 1 milliard de dollars et nous ne pouvons pas obtenir de capitaux. Nous ne pouvons pas faire de développement. Il m'a fallu du temps pour me faire face à cette évidence.

C'est là une source d'exaspération pour nous tous, car nous ne pouvons pas répondre aux besoins de notre collectivité et il n'y a aucune raison pour que nous ne puissions pas le faire. À cause de l'endroit où ils habitent, les Squamish ont dû s'attaquer à bien des problèmes d'utilisation des terres. En réalité, nous fonctionnons comme un gouvernement. Nous sommes un important propriétaire foncier de Vancouver. Je ne pense pas qu'il y ait qui que ce soit d'autre à Vancouver qui, comme nous, possède des biens fonciers valant 1 milliard et libres de toute charge.

D'après mon expérience à moi, qui suis passé de l'entreprise privée au gouvernement, la Loi sur les Indiens limite nos possibilités de parvenir à l'autarcie. Elle limite notre capacité de brasser des affaires sérieusement, et cela a évidemment des conséquences politiques pour notre autodétermination. Tant que nous ne réglerons pas ces problèmes, tout ce que nous pourrons dire de l'autarcie économique et de l'autodétermination politique se résumera à des promesses en l'air. Nous sommes heureux que le comité ait pour mandat de s'attaquer à ces problèmes. Nous avons de très profondes convictions.

Le gouvernement squamish est un conseil comptant 16 membres représentant les 16 villages qui se sont amalgamés. Notre régime traditionnel autorise ces 16 personnes à se charger des affaires de la nation. Nous rencontrons régulièrement les membres de la nation et recevons d'eux nos directives. Voilà notre mode de gouvernement. Nous avons un intérêt collectif. Lorsque nous nous sommes amalgamés pour former la nation Squamish, toutes nos terres sont devenues propriété collective. Nous n'avons pas de vastes terrains comme il arrive qu'on en consente à certains. Tous ce que nous faisons est dans l'intérêt commun. Notre problème, c'est que nous devons répondre aux besoins de la collectivité, qui compte sur nous pour le faire.

On peut envisager dans un contexte historique la relation financière et budgétaire. Le rapport de la commission royale fait ressortir toute une gamme de problèmes historiques qui ont miné nos institutions et notre mode de vie. Il faut y faire face. Le tissu social de nos collectivités a souffert de ces initiatives qui partaient de bonnes intentions, mais qui ont tout de même eu de lourdes conséquences.

Je n'ai jamais vraiment saisi, avant de revenir travailler pour la nation Squamish, ce que c'était que d'être assis d'un côté de la table et d'être considéré comme un Indien. Il faut comprendre que, quelques mois auparavant, je travaillais dans le contexte des affaires internationales. Et voilà que, en rentrant chez les miens et en assistant aux premières réunions avec le ministère et d'autres instances, j'ai dû comprendre pour la première fois ce que cela voulait dire, être un pupille et ne pas pouvoir prendre ses propres décisions. Cela fait partie des vrais problèmes que nous devons essayer de régler au moyen de toutes ces démarches.

M. Jason Calla, membre de la nation Squamish: Je vais poursuivre l'exposé de notre relation budgétaire et financière actuelle. Nous avons remis des diapositives pour décrire la situation.

Selon nous, les relations actuelles sont guidées par deux principes fondamentaux. La premier est celui de la relation fiduciaire, qui relègue les Premières nations au statut de pupille ou de mineur. Le deuxième principe est celui de la concentration du pouvoir, qui fait que la législation et la politique fédérales imposent unilatéralement les règles régissant les relations et les structures internes des Premières nations comme entités juridiques et politiques.

De toute évidence, ces caractéristiques ont des conséquences considérables. La commission royale a décrit ces conséquences comme une crise sociale. Nous serions portés à soutenir que ces principes nous plongent également dans une crise budgétaire et financière, dans une crise économique.

Une relation qui est définie unilatéralement, dans laquelle tout le pouvoir revient à l'une des parties, qui définit la relation et agit comme tuteur ou fiduciaire auprès de l'autre produit et perpétue un état de dépendance. L'une des conséquences est que les Premières nations ont fini par accepter cette perpétuelle dépendance. Une deuxième conséquence est probablement notre incapacité de contrôler nos terres, notre richesse et nos affaires internes.

Aux plans budgétaire et financier, les Premières nations sont incapables, dans l'état actuel des choses, de produire efficacement de la richesse et de favoriser le développement économique. Nous voudrions renvoyer le comité à un document que nous avons présenté et qui s'intitule An Evaluation of the Political Impediments to Land Use and Development on Capilano Indian Reserve No. 5. Cet ouvrage, que je viens de rédiger pour obtenir mon diplôme, présente un bon exemple illustrant comment le régime actuel empêche l'exploitation de nos propres sources de revenus dans les terres des réserves indiennes.

Le régime actuel complique énormément les choses aux Premières nations qui veulent se procurer des capitaux par des mécanismes que peuvent facilement employer d'autres gouvernements. De plus, dans la mesure où les Premières nations se comportent comme des entreprises dans le secteur privé, le régime les empêche également d'accéder à des capitaux. Par conséquent, les Premières nations doivent retomber dans le cycle de la dépendance qui les lie au gouvernement fédéral. Nous en sommes réduits à réclamer des fonds fédéraux, qui sont limités, pour répondre à nos besoins sociaux et économiques et soutenir les initiatives économiques. Généralement, il faut, pour obtenir ces fonds, franchir de nombreux niveaux de formalités administratives, et il est rare qu'on puisse les obtenir rapidement. Harold a plus d'expérience que moi de ce côté-là.

M. Harold Calla: Les problèmes attribuables au régime actuel ont été généralement reconnus, mais il me semble que les solutions proposées actuellement suscitent encore plus de problèmes. Si je dis cela, c'est que presque tout le monde dans le secteur privé considère maintenant les Premières nations comme des gouvernements qui sont là pour offrir des programmes et des services. À notre point de vue, il semble que, depuis quelques années, la Couronne cherche à résoudre une partie de ses problèmes de déficit national en nous laissant nous débrouiller les problèmes de manque de financement et en adoptant avec les Premières nations des ententes de financement global. À titre de directeur des finances des Squamish, j'ai à cet égard une connaissance de première main. La plupart des collectivités des Premières nations estiment que le gouvernement manque ainsi à ses responsabilités de fiduciaire.

Encore une fois, ce problème est aggravé du fait que, actuellement, le régime de la Loi sur les Indiens n'encourage pas l'investissement ni l'innovation susceptibles de conduire à l'indépendance économique ou à l'autarcie. Il y a de nombreux niveaux de bureaucratie et, sans vouloir critiquer qui que ce soit en particulier, bien des fonctionnaires ne comprennent pas grand-chose aux terres ni aux populations qu'elles essaient d'administrer. La conséquence, c'est que, dans de nombreuses collectivités des Premières nations, il existe un énorme potentiel qui passe inaperçu. Les collectivités des Premières nations qui essaient de répondre à leurs propres besoins en puisant à leurs propres sources de revenus sont pénalisées par les politiques d'Affaires indiennes et du Nord Canada, qui réduit ou élimine le financement discrétionnaire. Cette politique décourage les efforts des Premières nations.

Il faut reconnaître que les collectivités des Premières nations ont été obligées d'offrir des programmes et des services dont elles ne contrôlent ni le contenu, ni l'admissibilité. Pour l'instant, Affaires indiennes et du Nord Canada fournit des ressources en puisant dans les crédits que lui accorde le Conseil du Trésor. Or, il n'existe aucun processus permettant d'établir les besoins réels des collectivités des Premières nations ni la façon dont on peut les financer.

Il est important de prendre conscience que, tout comme les gouvernements souhaitent établir avec certitude les principes des droits et titres autochtones, les Premières nations veulent avoir des certitudes semblables. Là où nous voulons des certitudes, c'est dans la capacité de parvenir à l'autarcie. Assurément, ce résultat ne saurait être atteint qu'avec la participation des Premières nations elles-mêmes, et ces processus sont la clé. Les principes et les responsabilités imposés aux Premières nations n'ont guère de chance de fournir des solutions; il est plus probable qu'elles ne feront qu'aggraver la crise existante.

M. Jason Calla: Notre réflexion sur ce problème a fait ressortir une foule d'idées. Nous avons essayé de structurer le problème. Nous avons décidé tout d'abord quels étaient les principes régissant la relation existante, puis nous avons parlé des conséquences. Ensuite, nous avons réfléchi à ce que nous souhaitions pour l'avenir. Nous avons établi une liste de cinq principes qui, selon nous, devraient guider les relations futures. Le premier principe, c'est la suppression des entraves économiques et financières au développement de nos propres sources de revenu. Si les Premières nations pouvaient accéder aux capitaux et si les investisseurs pouvaient obtenir des garanties sur leurs investissements dans les réserves, cela transformerait fondamentalement la relation existante et permettrait aux Premières nations de participer beaucoup plus à l'activité économique.

Le deuxième principe qui devrait selon nous guider une nouvelle relation, c'est l'instauration d'une plus grande efficacité dans l'administration des gouvernements de Premières nations, dans leurs fonctions tant publiques que privées. Si le cadre réglementaire que les Premières nations doivent respecter était simplifié, des progrès pourraient être accomplis dans la portée et la qualité des activités du secteur public et notre capacité d'exploiter les possibilités commerciales du secteur privé.

Le troisième principe est l'élimination progressive de la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral. Il est certain que cette responsabilité protège les droits des Premières nations, mais nous estimons qu'elle crée aussi une dépendance, et ces forces contradictoires ne nous permettent pas de promouvoir le développement économique.

Le quatrième principe est la création d'un régime juridique sûr. Selon nous, cette certitude au plan juridique donnerait aux investisseurs privés plus de confiance au moment de conclure des ententes et de lancer des entreprises avec les gouvernements des Premières nations dans les terres autochtones. Une relation plus fructueuse serait possible entre les gouvernements des Premières nations et les autres niveaux de gouvernement. On en trouvera un exemple dans le document que j'ai présenté. Il existe beaucoup d'incertitude entre les gouvernements, notamment aux niveaux municipal et régional; on ne sait pas trop qui a le pouvoir de faire quoi. Un plus grand degré de certitude tirerait ces questions au clair.

Le cinquième principe qui, selon nous, devrait guider la relation est celui qui consiste à permettre aux Premières nations de parvenir à l'autarcie économique et à mettre fin à l'apartheid économique. L'objectif principal de cette relation doit être de mettre un terme à la dépendance des Premières nations à l'égard du gouvernement fédéral et d'acquérir l'estime de soi que confère la capacité d'assurer à nos collectivités un niveau de vie comparable à celui des autres Canadiens.

M. Harold Calla: À partir de ces principes, nous voudrions proposer des changements dans les relations actuelles. Il est crucial que vous compreniez que je remplis un double rôle, à titre de conseiller de la nation Squamish. Comme représentant élu, je dois assurer un bon gouvernement à nos 3 000 membres, mais, pour l'instant, on me demande aussi de protéger nos biens et de développer notre économie. J'ai un double rôle, celui de représentant du gouvernement et celui d'homme d'affaires. Ces deux rôles subsisteront, même si je n'en conserve qu'un et si l'autre est joué par quelqu'un d'autre. Notre collectivité aura toujours des actifs en propriété commune, et il y aura toujours des initiatives commerciales venant de notre gouvernement et de notre collectivité.

Nous devons établir le coût réel du gouvernement au Canada. La nation Squamish a un budget de 32 millions de dollars. De ce montant, 24 millions viennent de nos propres sources de revenus. Je dois préciser aussi que 88 p. 100 de ces 24 millions servent à combler les lacunes dans le financement que le ministère des Affaires indiennes nous consent pour offrir les programmes et services du gouvernement. Il faudrait probablement encore de 10 à 15 millions de dollars pour répondre à nos besoins, ce que nous ne faisons pas en ce moment.

Si nous voulons nous lancer dans l'activité économique et conserver ce double rôle, nous devons établir quels seront les coûts réels du gouvernement de façon à pouvoir tenir compte des besoins et des aspirations des Premières nations. Nous nous inquiétons grandement du fait que, en ce moment, le gouvernement fédéral et son ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien estiment pouvoir se décharger des problèmes de manque de financement de programmes dont nous ne contrôlons ni le contenu, ni les critères d'admissibilité. C'est là une situation très dangereuse pour nous.

Si je dis cela, c'est que nous avons une longue expérience des tractations avec les institutions financières. Avant qu'elles n'envisagent d'investir dans des activités économiques avec nous, elles tiennent compte de notre capacité de conserver le contrôle sur nos coûts de gouvernement. Nous avons à trouver des ressources pour assumer ces coûts. Nous estimons que, pour le faire, les Premières nations doivent avoir des pouvoirs d'imposition.

On parle beaucoup d'imposition sans discrimination. Je songe à l'élimination de l'article 87 de la Loi sur les Indiens et aux exemptions fiscales. Si nous voulons des dispositions non discriminatoires, si c'est ce que l'avenir nous réserve, les gouvernements des Premières nations doivent avoir la certitude, au-delà de tout doute, de pouvoir financer les coûts de gouvernement. Les choses ne peuvent pas rester comme elles le sont actuellement. Nous devons avoir un processus rationnel de budgétisation, mais les gouvernements des Premières nations sont probablement les seuls à se limiter à des périodes de planification de 12 mois, puisque c'est tout ce qu'autorise le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous agissons en fonction non pas de nos besoins, mais des fonds mis à notre disposition. Nous devons commencer à définir nos besoins réels et à les présenter de façon à refléter l'apport réel en ressources qui sont nécessaires au fonctionnement de notre gouvernement.

Nous ne sommes pas préparés parce que nous avons enduré trop longtemps la relation des accords de contribution avec le gouvernement fédéral, qui agit par l'entremise de son ministère des Affaires indiennes. L'une des certitudes que nous souhaitons, c'est la capacité de partager nos revenus à la source. Finances Canada a accompli un gros travail, auquel j'ai participé, sur des initiatives fiscales non discriminatoires concernant les taxes sur le tabac et l'essence. Nous voyons là une voie d'avenir et, à dire vrai, la seule raison pour laquelle les Squamish n'ont pas adhéré à ces propositions, c'est que nous devons aller beaucoup plus loin. Si nous voulons proposer à nos collectivités une fiscalité non discriminatoire, ce que nous sommes très probablement disposés à faire, nous voulons que cela porte sur toutes les taxes et tous les impôts perçus sur nos terres. Nous espérons travailler là-dessus dans un proche avenir.

À mon avis, les gens n'ont pas encore réalisé qu'une fois qu'on a pris en considération le montant des coûts liés à l'autonomie gouvernementale et à la satisfaction des besoins au sein des communautés autochtones, il se pourrait fort bien que le concept de «marge fiscale» ne soit plus applicable. Il y a peut-être lieu d'intégrer ce montant dans un processus de budgétisation beaucoup plus global qui détermine les taux d'imposition de façon générale, non pas seulement au sein de nos communautés.

Les communautés indiennes doivent se voir offrir les mêmes opportunités que tous les autres Canadiens, et ce, afin de générer de la richesse. Ce n'est pas parce que nous travaillons pour un bénéfice collectif que chaque dollar que nous générons devrait servir à assurer la prestation des programmes et des services et à financer le gouvernement. Nous pensons qu'il est opportun, surtout que la nouvelle relation comporte une disposition fiscale non discriminatoire, de n'assujettir les activités économiques des Premières nations qu'aux taux ambiants.

Pour progresser, les Premières nations doivent avoir davantage accès aux marchés des capitaux et avoir le droit de développer leurs propres économies. La grande différence que j'ai constater depuis que je suis rentré chez moi pour travail, c'est que je n'obtiens plus aussi facilement de l'argent. Il est très difficile pour une communauté indienne d'obtenir de l'argent. Quand nous avons voulu acquérir une maison, je me rappelle encore à combien s'élevait l'intérêt. C'était un piètre bail relatif à un bien en fiducie. Nous avons décidé d'oublier l'affaire et d'utiliser notre propre argent pour effectuer la transaction. Ce fut mon baptême du feu. Je me suis présenté devant notre communauté et j'ai dit: «Nous allons racheter notre terre». Les gens m'ont regarder comme si j'étais tombé sur la tête. Néanmoins, on a obtenu l'engagement de la communauté parce que j'ai réussi à faire la preuve que c'était important. Il a fallu 18 mois pour emprunter 2 millions de dollars. Il y avait alors 7 millions de dollars dans les comptes de la banque de la nation Squamish, mais je n'ai pas pu toucher à cet argent parce que des avocats du ministère de la Justice, du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, la banque et nos avocats s'étaient réunis dans une salle à peu près comme celle-ci, en presque aussi grand nombre, pour définir ce qu'était un projet de bande et établir les sources de financement.

Il nous faut modifier ce processus bureaucratique car il y a beaucoup d'argent en jeu. On a dit à la nation Squamish que si les assises territoriales de nos réserves étaient considérées comme en fief simple, elles vaudraient 1 milliard de dollars. Dans ces conditions, on pourrait s'imaginer être en mesure d'obtenir un peu d'argent. Eh bien, ce n'est pas si facile. Les gouvernements des Premières nations se trouvent devant un dilemme: ne rien faire ou établir des relations commerciales avec le secteur privé qui rapportent peu ou prou de bénéfices à la communauté.

Je vais prendre comme exemple le Park Royal Shopping Centre parce que tout le monde qui est allé à Vancouver le connaît. Il a été fondé au début des années 60. Il s'agit d'une stricte relation locateur-locataire et les retombées sont très faibles en termes de développement des ressources humaines. Nous en avons tiré de l'argent mais pas de création d'emplois. Nous n'avons pas bénéficié de transfert de compétences. Comment cela se fait-il? Pourquoi ne le pourrions-nous pas? Parce que personne n'a pensé que nous le pourrions. Personne n'a voulu nous faire confiance, et nous avons dû finir par céder nos pouvoirs. La règle d'or veut qu'il appartient à ceux qui ont l'or de faire les règles.

Par conséquent, plusieurs Premières nations doivent abandonner la maîtrise des projets, d'où la faible part du développement des ressources humaines. Sur le plan financier, cela a pour effet d'établir une relation élastique inverse entre l'activité liée au développement économique et les programmes sociaux. Les coûts de nos programmes sociaux sont bien supérieurs à ce qu'ils étaient autrefois. Les données démographiques de la nation Squamish sont étonnantes. Elles sont plus ou moins le reflet de la population canadienne. Quelque 66 p. 100 de notre population sont âgés de 35 ans ou moins, et 88 p. 100 de 50 ans ou moins. Compte tenu des données démographiques, nous serons plus de 2000 personnes d'ici 20 ans. Les initiatives dont nous parlons quand il est question d'autonomie et de la nécessité de déterminer les coûts de fonctionnement du gouvernement, cela vaut pour l'ensemble du pays parce qu'à mon avis nos données démographiques sont sensiblement les mêmes que celles que l'on observe ailleurs au Canada en ce qui concerne les Indiens.

Nous souhaiterions également -- on y travaille depuis quelque temps déjà -- la mise en place d'un régime de l'enregistrement foncier des terres indiennes qui feraient pendant à ceux des provinces. Ce serait un grand pas. Pour intéresser les marchés des capitaux, il nous faut leur garantir un environnement sans faille de façon qu'ils s'y sentent en sécurité et désirent y participer.

La loi proposée sur la gestion des terres des Premières nations constitue une mesure législative importante. Il y a au pays quinze Premières nations qui sont sur le point d'entreprendre un exercice qui pourrait mettre un terme à la relation fiduciaire qui liait la Couronne et nous-mêmes par rapport à la gestion de nos terres. C'est vraiment un pas dans la bonne direction. Cette loi, ainsi que le régime de l'enregistrement fonction des terres indiennes, mettraient fin progressivement à cette relation et créeraient un environnement sans faille pour les marchés de capitaux et les investisseurs.

Je suis d'avis qu'il faut permettre aux Premières nations de soutenir la concurrence sur un pied d'égalité, tout ce qui est fait dans ce domaine en témoigne. Tout le monde, y compris plusieurs amis que je connais depuis des lustres, aime tenir ce genre de propos: «Vous devrez vous occuper de vous-mêmes. Toutes ces terres vous appartiennent. Profitez-en. Commencez par payer vos comptes.» Nous sommes tout disposés à le faire. Seulement, les gens qui parlent ainsi ne veulent pas reconnaître que dès qu'on investit ses avoirs dans l'économie, on est en concurrence. Alors la situation change du tout au tout. Vous n'êtes plus les bienvenus.

Il ne faudrait pas accepter, selon moi, que le syndrome «pas dans ma cour» vienne empêcher le développement économie au sein des communautés autochtones. C'est précisément ce qui a fait perdre à Squamish 900 000 $ par an dans un projet à Park Royal. Nous n'avons pas pu aller de l'avant, parce que les gens ne voulaient pas de nous; ils estimaient que nous leur faisions une concurrence déloyale parce que nous voulions aménager un Home Depot dans un centre commercial régional.

Le sénateur St. Germain: Qu'entendez-vous par «votre propre Home Depot»?

M. Harold Calla: Il devait s'agir d'un magasin pour gens d'affaires. Nous devons faire bien attention à cet aspect. Nous voulons être en mesure de soutenir la concurrence. Je pense que bien des gens, particulièrement ceux qui n'appartiennent pas à notre communauté, aiment bien la loi proposée sur la gestion des terres des Premières nations pour la bonne raison qu'ils estiment qu'elle va leur permettre de faire des affaires sans se heurter aux divers paliers de gouvernement, qui tous offrent à quiconque la possibilité d'intercéder auprès du ministère de la Justice ou du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Nous venons de compléter, après 18 mois de négociations, l'installation d'un Real Canadian Superstore sur une de nos réserves de la côte Nord. Nous avons réussi, pour la première fois, à faire inscrire des dispositions d'emploi privilégié dans le bail. Nous avons recruté 80 anciens assistés sociaux. Pour ce faire, il nous a fallu passer par plusieurs paliers de gouvernement, y compris le nôtre. Le propriétaire de la compagnie de construction- aménagement qui a réalisé Westfair Foods m'a raconté que c'est quatre fois plus long et quatre fois plus cher de faire des affaires sur les terres de réserve. Les mesures sur le code foncier et les autres devraient contribuer à l'élimination de ce problème.

Je pense que les communautés autochtones sont toutes disposées à entrer dans l'ensemble de la vie économique et à devenir des membres autosuffisants et actifs de leur localité. Nous sommes impatients d'en faire partie. Pour l'heure, l'initiative gagne en popularité parce qu'elle encouragera l'autonomie et réduira les coûts de fonctionnement découlant de sa relation fiduciaire. C'est très bien. Nous allons devoir y venir un jour ou l'autre de toute façon. La plupart des Premières nations vont devoir développer des capacités internes, c'est un fait incontournable.

Contrairement à tout le monde, la nation Squamish gère ses terres depuis plus de 50 ans, et ce, en raison de notre situation géographique. Nous devons traiter avec le ministère de la Justice et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien mais, depuis les années 60, nous négocions. Nous devons ensuite convaincre les gens de Vancouver qui ont vraiment le pouvoir de prendre ce genre de décisions que nous avons fait ce qu'il y avait de mieux à faire pour nos communautés.

Tout le monde n'est pas dans cette position. Il faut encourager les Premières nations à développer ces capacités, et le secteur privé devra collaborer avec les Premières nations afin de les aider à développer ces capacités. Nous avons toujours misé sur les alliances stratégiques pour favoriser le développement économique. Nous devons permettre aux experts en la matière de participer à nos efforts et les encourager à comprendre que c'est un transfert de compétences que nous visons.

Il nous faut à coup sûr encourager les marchés des capitaux et les institutions financières à faire leur part. Quand, il y a 18 mois environ, des fonctions du ministère des Finances sont venues à Vancouver pour me parler d'une autre société de capital, j'ai dit non. C'est exactement ce qu'il ne faut pas faire. Ce ne sont pas des capitaux. Tel est le problème. Il y a plein de sociétés de capital et on parle d'une initiative d'envergure nationale. Mais ce n'est pas parce qu'on dispose d'un peu de capitaux propres pour entreprendre une initiative que l'on peut trouver les fonds nécessaires pour en assurer la réalisation. Si on veut investir dans quelque chose qui peut favoriser le développement économique des communautés autochtones, il vaut mieux passer par les structures existantes.

Je ne vois pas pourquoi les marchés des capitaux et les institutions financières ne pourraient être mis à contribution en vue de la création des possibilités de développement économique pour nous-mêmes. Pour l'instant, ils voient surtout le risque, de sorte qu'il faudra les y encourager. Cet encouragement consiste à leur accorder un avantage qui pourrait prendre la forme d'un crédit d'impôt accordé à quiconque finance le développement économique des Autochtones. Et il ne faudrait pas oublier ceux qui nous ont fourni des services jusqu'ici.

M. Jason Calla: Nous aimerions également proposer des modifications mineures en ce qui concerne les constitutions des Premières nations et la certitude à l'incorporation.

Tous les gouvernements modernes fonctionnent sur une base constitutionnelle interne à la fois rationnelle et cohérente. Cette base constitutionnelle définit la nature, la portée, les compétences et les limitations d'un gouvernement. Elle crée une certitude à l'incorporation en donnant aux citoyens de cette société et aux autres gouvernements l'assurance que le gouvernement en question est un gouvernement de droit et qu'il doit rendre des comptes en raison même de la primauté du droit.

Dans les sociétés démocratiques modernes, des constitutions émanent des sociétés elles-mêmes et sont censées refléter leurs valeurs. Les Premières nations du Canada tirent actuellement leur base constitutionnelle interne de la Loi sur les Indiens. Or, cet instrument juridique anachronique ne reflète pas les valeurs et les aspirations des communautés autochtones, pas plus qu'il ne permet à ces communautés de prospérer dans le système fédéral canadien. La Loi sur les Indiens s'inscrit dans un autre siècle et reflète les valeurs racistes propres à ce siècle-là.

Pour que les Premières nations puissent pénétrer dans le XXIe siècle, nous devons les encourager à développer leurs assises constitutionnelles internes. Les constitutions des Premières nations doivent émaner des communautés elles-mêmes et refléter les valeurs de celles-ci. Seulement, ces constitutions doivent également être en harmonie avec l'ordre constitutionnel du Canada dans son ensemble.

Les gouvernements des Premières nations doivent être à la fois démocratique et responsable sur les plan politique et économique. Ce n'est que grâce à la mise en place de telles assises constitutionnelles que les gouvernements et les sociétés autochtones peuvent prétendre à l'autonomie gouvernementale. Cela étant dit, nous sommes conscients que la redéfinition de la base constitutionnelle des gouvernements des Premières nations, applicable à l'ensemble des sociétés, ne se fera que lentement, pas à pas. Bon nombre de Premières nations mettront du temps à saisir les implications de pareil développement constitutionnel.

À cet égard, il est important que le gouvernement fédéral élimine les obstacles juridiques et politiques qui se dressent devant les Premières nations qui désirent emprunter cette voie. Voilà pourquoi nous recommandons au gouvernement fédéral d'adopter les dispositions du récent traité conclu avec les Nishgas qui a permis à cette nation d'élaborer sa constitution. Mais il y a encore beaucoup à faire pour permettre aux Premières nations d'aller rapidement de l'avant. Je le répète, les codes fonciers proposés en sont un bon exemple.

M. Harold Calla: Il y a treize ans, quand j'ai commencé à travailler à Squamish, j'ignorais s'il y avait d'autres comptables indiens au pays. Il y en avait certes, mais nous ne le connaissions pas. Dans les communautés indiennes, l'argent c'était mal vu. Il s'est produit une véritable révolution au cours de ces 13 ans, c'est qu'on a réalisé qu'il fallait de l'argent pour faire fonctionner un gouvernement et qu'il fallait se renseigner sur les moyens d'en obtenir. Il y a encore du pain sur la planche. J'ai été invité à assister à une conférence à Whistler, une sorte de groupe de réflexion qui s'est intéressé aux relations financières à l'échelle nationale. Ce genre d'initiative organisée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et l'Assemblée des premières nations constitue un grand pas. Une prise de conscience nationale s'impose dans ce domaine. Les choses évoluent. Il y a actuellement au Canada, si je ne m'abuse, plus de 60 Premières nations qui ont des comptables à leur disposition. Nous retournons chez nous et faisons profiter nos communautés de l'expérience acquise. Il existe un nouveau savoir-faire en la matière mais sa mise en oeuvre ne peut se faire du jour au lendemain.

J'étais en Saskatchewan lors des négociations sur les droits fonciers issus de traités en rapport avec mes démarches auprès de la Many Nations Benefit Co-operative, qui est située dans cette province. Je me rappelle avoir parlé de gouvernement et de municipalités. Ce fut un tollé. Je n'aurais jamais dû prononcer ces mots à la conférence nationale. Au sein de notre groupe de réflexion sur les relations financières, un porte-parole a dit qu'on allait présenter tous ces enjeux aux 72 Premières nations de la Saskatchewan. Je pense que l'on devrait former une table nationale. C'est dans l'intérêt de tous. Je pense qu'il y a des initiatives à prendre à cet égard et qu'il faut les soutenir.

Il importe de comprendre que toutes les communautés autochtones n'ont pas évolué pareillement, et ce, pour diverses raisons, et qu'elles ne sont pas toutes prêtes à se lancer dans ce genre de pourparlers. Il faut le reconnaître et l'accepter, mais on ne saurait ignorer celles qui veulent aller de l'avant, car il y a là un énorme potentiel non utilisé. Nous pouvons apporter d'énormes contributions, et pas seulement à nos communautés. La nation Squamish investit chaque année 32 millions de dollars dans les communautés où nous habitons, soit dans cinq municipalités de trois districts régionaux différents. Notre budget est passé de 7,5 millions de dollars qu'il était il y a 12 ans à 32 millions de dollars aujourd'hui. Il s'établit aux environs de 50 ou 60 millions de dollars dans quelques années et nos activités représentent des débouchés considérables pour les communautés indiennes et non indiennes.

Le président: Je vous remercie de votre excellent exposé. Comme j'ai eu l'occasion de vous rencontrer à Vancouver il y a un an, j'ai l'impression de vous connaître et de partager vos préoccupations que j'ai déjà entendu formuler.

J'aimerais d'abord toujours un mot du projet de loi C-49. Je crois que c'est la loi proposée sur la gestion des terres des Premières nations à laquelle vous avez fait allusion. Cette mesure législative permettra à 14 Premières nations de se soustraire de l'obligation qui était faite dans les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à la gestion des terres, autrement dit elle vous permettra de gérer vous-mêmes vos terres.

Qu'en est-il alors de la question du champ de compétence? Vous 14 nations, vos 14 communautés, seront-elles reconnues? Votre champ de compétence s'étendra-t-il sur les terres au même titre que par rapport aux provinces et les terres resteront-elles partiellement sous l'administration du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, même si vous pouvez vous soustraire de l'application de la Loi sur les Indiens pour ce qui est de la gestion des terres? Je me demande si vous ne pourriez pas éclairer ma lanterne?

M. Harold Calla: La loi dans sa forme actuelle est une loi habilitante qui exige que la communauté adopte un code foncier qui définit très clairement les attributions et les pouvoirs qui seront conférés aux personnes qui géreront les terres. Jusqu'à la mise en place de que nous avons appelé un régime de l'enregistrement foncier, les terres demeureront des terres fédérales. Telle est du moins notre opinion. Le code fonction nous permettra de faire des affaires un peu comme le ferait un propriétaire de terres en fief simple. Une fois que notre code foncier aura été approuvé par l'ensemble de nos membres dans le cadre d'un référendum, tout le monde saura que les décisions prises au niveau de notre conseil sont des décisions auxquelles on peut donner suite. Il n'est pas alors tenu de demander la permission et le consentement du ministère de la Justice ou du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Nous sommes pris dans ce que j'appelle une impasse fiduciaire, causée par un besoin d'éviter de courir des risques. Le gouvernement n'est pas disposé à se mettre dans une position où il pourrait faire l'objet de poursuites ultérieurement de la part d'un membre ou d'une bande à la suite de décisions concernant l'utilisation de terres. Toutes sortes de causes présentement en cours portent sur ces questions. Par conséquent, une Première nation qui songe à s'engager dans une activité qui pourrait comporter des risques, comme participer à une entreprise commerciale au lieu de se contenter d'être propriétaire foncier, n'est pas facilement capable de le faire pour le moment à cause du rapport spécial qui existe dans le cadre fiduciaire. Voilà le principal facteur de cette initiative.

Elle ne permet pas non plus à des groupes spéciaux de recourir à d'autres ministères du gouvernement fédéral pour faire obstacle au développement économique dans les réserves pour des raisons politiques ou économiques. Prenez par exemple les activités de la Première nation Tswassen à Vancouver récemment. Certaines personnes ont jugé que cette bande ne devrait pas être autorisée à établir un ensemble d'habitations en copropriété sur son territoire. Ils ont fini par s'assurer l'appui du ministère des Pêches et des Océans, dont les représentants sont venus, armés, pour saisir des documents. Dans mon travail, je parle de ce genre d'intervention et de la capacité de livrer concurrence.

Les Premières nations sont reléguées au rôle d'entités dirigées. On considère convenable de faire seulement ce que d'autres -- un district régional, un gouvernement local, Justice Canada ou le gouvernement fédéral -- estiment que l'on devrait faire. À un moment donné, les Premières nations voudront peut-être diriger à l'égard de certaines initiatives. Il nous faut être en mesure de pouvoir le faire.

Le sénateur St. Germain: Comme je suis de la Colombie- Britannique, je connais bien certains de vos défis et certaines de vos réussites. Je voudrais en savoir davantage à propos des défis auxquels vous faites face. Nous avons entendu d'autres exposés au sujet du rôle du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien dans la vie de nos autochtones ainsi que de son manque d'empressement à respecter les ententes.

Vous avez parlé de l'élimination finale de la responsabilité fiduciaire du gouvernement. Considérez-vous que cela va de pair avec l'élimination du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, ou certaines de vos collectivités plus riches sont-elles dans une position différente de celles qui ne connaîtront peut-être jamais la viabilité économique? Je le demande, parce que nous étudions le projet de loi S-14. Walter Twinn, de la nation du Petit lac des Esclaves, a proposé ce qui pourrait être une loi habilitante pour faire ce que l'on veut faire: investir hors réserve et utiliser ses terres comme on l'entend.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien est un des rares qui continuent de grandir. Son budget augmente chaque année, alors que tous les autres subissent des coupes. Cela étant, comment éliminer ce ministère?

M. Harold Calla: Après 130 ans, cela prendra du temps. Vous avez raison de dire qu'il y a des Premières nations qui ne pourraient pas fonctionner et devenir autonomes à en juger d'après les ressources dont elles disposent actuellement. Il nous faut négocier une définition de ce que les droits autochtones et le droit à l'autonomie gouvernementale signifieront au Canada. Il s'agit d'un processus, non d'un événement. Nous devons commencer par les Premières nations qui sont capables de devenir autonomes, qui en ont la capacité. Avec le temps, espérons-le, toutes les autres Premières nations au Canada auront la possibilité d'être dans la position dans laquelle nous sommes. Elles devraient l'être. Entre-temps, les collectivités qui ne sont pas capables d'assurer leur autonomie pour le moment auront encore besoin que le gouvernement fédéral assume certaines responsabilités. Il est irréaliste de penser que nous pouvons amener toutes les Premières nations du Canada, au nombre de plus de 600, sur la ligne de départ au même moment.

Le sénateur St. Germain: Êtes-vous en négociations présentement?

M. Harold Calla: Oui, nous le sommes.

Le sénateur St. Germain: Êtes-vous bien avancés?

M. Harold Calla: Nous avons été distraits par des litiges liés à des revendications territoriales particulières, et le gouvernement fédéral n'a pas voulu négocier avec nous pendant 15 ou 18 mois. Nous en sommes encore à l'étape de l'accord-cadre. Nous prévoyons parvenir à l'étape de l'accord de principe l'an prochain.

Le sénateur St. Germain: Vous ne voulez pas vous assimiler, mais vous voulez intégrer la vie économique générale. Comment cela fonctionne-t-il?

M. Harold Calla: Cela fonctionne très difficilement. Cela nous semble très important. Nous avons une longue maison dans la réserve de Capilano, qui est située à 15 minutes du quartier des banques dans le centre-ville de Vancouver. Quand on pénètre dans cette longue maison, on revient mille ans en arrière. Notre collectivité, qui était très nombreuse, se compose maintenant d'un petit nombre de personnes qui ont ressuscité bon nombre de nos traditions. Nous avons conservé notre culture et notre langue. L'assimilation ne se fera jamais. Si l'article 35 de la Charte signifie quelque chose, nous devrons bien finir par nous attaquer à la question de ce que signifie le droit à l'autonomie gouvernementale. Cela signifie-t-il que nous sommes relégués pour toujours à un système foncier de réserve? Peut-être pas. Personne sans doute ne peut répondre à cette question pour le moment.

Je le répète, il s'agit d'un processus, non d'un événement. Nous voulons conserver notre langue, notre culture et nos traditions. Nous pensons réussir à le faire si nous vivons en collectivités, et je pense qu'il y aura un désir de le faire dans l'avenir prévisible. Cela ne constitue pas une menace pour le reste du pays.

Le sénateur St. Germain: Je ne considère pas cela comme une menace non plus, monsieur, mais je ne sais pas jusqu'à quel point les deux peuvent coexister. Je ne veux pas trop accaparer le temps du comité, mais vous et moi devrions peut-être avoir une conversation un de ces jours. Je trouve que vous et votre fils avez fait un excellent exposé. Merci.

Le sénateur Austin: Je tiens à ajouter mes remerciements pour votre exposé. Vous avez abordé tous les points clés que notre comité désire examiner. Votre rôle dans la vie de Vancouver est bien connu. Au fil des années, j'ai discuté avec de nombreux membres de votre collectivité.

Le premier point que je voudrais aborder a trait à la croissance de votre population, à votre intérêt pour le logement, à votre collectivité dont la population augmente à l'intérieur de la réserve. Avez-vous un plan pour aider les membres de votre collectivité à se loger à l'extérieur de la réserve? Comment vous débrouillez-vous avec ce problème?

M. Harold Calla: Nous avons actuellement 860 personnes inscrites sur une liste d'attente pour un logement.

Le sénateur Austin: Le logement appartient-il à la collectivité?

M. Harold Calla: Oui. Juste avant mon départ, lundi, nous avons reçu du ministère des Affaires indiennes, pour la première fois depuis trois ans, des fonds d'immobilisation pour l'infrastructure. Le système actuel ne répondra jamais à nos besoins en matière de logement. C'est tout simplement impossible. À l'heure actuelle, nous aimerions pouvoir construire 15 unités par année. Comme nous en avons besoin de 35, ça ne marche tout simplement pas. Le financement du logement dans la réserve est un défi. Il faut que cela change.

Dans la nation Squamish, nous avons résolu que nous achèterons des terres. Nous allons simplement acquérir des terres en les payant selon leur valeur marchande, en nous disant qu'à mesure que les problèmes liés aux traités se résolvent, les problèmes liés à l'assise territoriale de la réserve se régleront eux aussi. Pour le moment, notre bande s'est réunie et m'a enjoint de préparer l'économie de Squamish et d'aller acheter des terres parce que nous allons bâtir des maisons. Si vous vérifier le point central de notre exposé, vous verrez que nous avons pour objectif de mettre une économie sur pied, et cela dans le but surtout de répondre aux besoins de notre collectivité.

Le sénateur Austin: Quelle proportion de votre collectivité vit dans la réserve et quelle proportion à l'extérieur? Quand je dis «collectivité», je veux parler de vos membres votants.

M. Harold Calla: Probablement 55 p. 100 environ de nos membres votants vivent dans la réserve et 45 p. 100 à l'extérieur, mais quant à la répartition de la population totale, ce serait plutôt moitié-moitié. Étant donné la nature du dilemme auquel nous faisons face en matière de logement, ça ne prendra pas de temps avant que la population vivant hors réserve constitue une majorité importante.

Le sénateur Austin: C'est donc là une des pressions principales avec laquelle vous tâchez de réagir en bâtissant votre économie. Votre principal actif économique réside dans votre assiette territoriale. Il représente une valeur très réelle. Que voulez-vous être en mesure de faire afin de répondre aux normes normales des marchés de capitaux, qui cherchent à obtenir des garanties pour la dette encourue? Quels nouveaux modèles de garantie pensez-vous que vous pourriez offrir aux marchés de capitaux?

M. Harold Calla: Nous voulons qu'ils aient l'assurance que leur intérêt est garanti. L'intérêt locatif qu'ils reçoivent à l'heure actuelle est garanti. Une des anomalies qui se sont produites au début des années 60, c'est que, pour des raisons que personne ne peut comprendre, le bail du centre commercial Park Royal s'est trouvé inscrit dans le système provincial d'enregistrement foncier. Cette anomalie a permis à la société Park Royal de se refinancer à maintes reprises. Ce fait à lui seul est peut-être une chose qui peut rassurer les marchés de capitaux. Il ne fait aucun doute que les Premières nations elles-mêmes devront bâtir leur crédibilité auprès des institutions.

J'ai donné un exemple tout en l'heure en évoquant le fait que j'avais dû mendier pendant 18 mois pour obtenir un prêt de 2 millions de dollars afin de racheter un bail. Huit avocats ont dépensé beaucoup d'argent pour tâcher de l'obtenir. Étant donné que nous avons un rapport de crédibilité avec cette institution existante, je m'y suis présenté l'année dernière et j'ai emprunté 4 millions de dollars pour 90 jours en m'appuyant sur une résolution du conseil de bande, sans aucune intervention d'avocats. Les Premières nations doivent évoluer; elles doivent faire leurs preuves. Elles doivent prouver qu'elles peuvent gérer le coût de la gestion de leurs affaires, et elles doivent prouver qu'elles tiendront leur parole, qu'elles feront ce qu'elles ont dit et entreprendront des projets. À ce moment-là, les marchés de capitaux se montreront bien disposés à leur égard. Au bout du compte, il est certain que lorsque quelqu'un, habituellement à Toronto, cherche à savoir d'où viendra l'argent ou d'où viendra la garantie contre cet argent, il faut revenir aux formes habituelles, et c'est ce que nous devons être en mesure de fournir.

Le sénateur Austin: Combien d'objectifs pouvez-vous servir avec un type de programme économique? Je veux dire par là que vous pouvez bâtir un courant d'investissement pour l'argent et utiliser cet argent à des fins socioéconomiques; ou bien vous pourriez avoir un courant socioéconomique. Autrement dit, une des conditions pour que vous participiez à l'investissement économique tiendrait à l'emploi de membres de la collectivité. Laquelle de ces deux représente l'orientation principale que vous tâchez de donner à votre plan de gestion économique?

M. Harold Calla: Nous tâchons de faire ce qui permet au membre de la nation Squamish de pourvoir aux besoins de sa famille de la même façon que tous les autres Canadiens peuvent le faire. Une partie du problème tient au fait que les membres de la bande ne sont pas assez exposés à la réalité extérieure, qu'ils ont peur de sortir de la collectivité. Il en résulte que beaucoup d'autochtones n'ont pas d'expérience et ne connaissent pas les débouchés existants hors de la réserve. Quand nous avons entamé les négociations pour installer le Real Canadian Superstore dans notre réserve, nous avons décidé que nous voulions en retirer certains avantages, car nous avons eu beaucoup d'argent durant de nombreuses années, mais nous déplorons tout autant de problèmes sociaux que toutes les autres collectivités. L'argent, en soi, ne règle pas les problèmes. Il faut se préoccuper principalement du développement social de la collectivité et de ses membres.

Le sénateur Austin: Vous retenez le modèle socioéconomique.

Si l'accord avec les Nishgas n'était pas adopté, cela aurait-il un effet négatif sur votre programme de développement économique ou sur votre rapport avec la collectivité, ou si cela n'aurait aucun effet particulier sur ce que vous faites?

M. Harold Calla: Je pense que cela aura d'énormes répercussions sur l'ensemble de la Colombie-Britannique, et plus particulièrement sur les Squamish, à cause du potentiel que nous avons.

Le sénateur Austin: Vous parlez actuellement d'une adoption positive, n'est-ce pas?

M. Harold Calla: Non, je dis que si l'accord n'est pas adopté, les répercussions en Colombie-Britannique en seront très négatives. Depuis l'affaire Delgamuukw, à cause de l'incertitude qui règne dans la province à propos des terres et de la reconnaissance que les titres fonciers de la Couronne et les titres fonciers des autochtones coexistent quand des traités sont signés, il est impérieux d'apporter de la certitude dans ce dossier. Si le traité avec les Nishgas n'est pas signé, si le processus de négociation de traités en Colombie-Britannique ne peut se poursuivre pour finir par en arriver à une conclusion, l'édifice au bout de la rue qui abrite la Cour suprême sera visité à maintes reprises.

Le sénateur Austin: Je suis parfaitement d'accord avec ce que vous dites.

Le sénateur Chalifoux: En tant qu'ancienne militante métisse durant de nombreuses années, je me suis intéressée directement au dossier. Je regrette que le sénateur St. Germain ne soit pas ici en ce moment. Il a parlé d'assimilation. Je n'emploie pas le terme «assimilation»; je préfère le terme «identité». Les Chinois ont su de façon extraordinaire conserver leur identité tout en réussissant à travailler au sein de la population en général. Je pense que cela se verra de plus en plus dans nos collectivités autochtones. L'identité est très importante pour la survie de nos gens et de nos nations.

Je voudrais parler de la question des femmes et de leur appartenance à une bande. La loi C-31 a créé beaucoup de bonnes choses et beaucoup de mauvaises choses. Mon premier sujet d'intérêt est de savoir si la qualité de membre constitue une des priorités dans votre conception de l'autonomie gouvernementale. Les enfants des femmes bénéficiant de la loi C-31 sont assujettis à la Loi sur les Indiens jusqu'à l'âge de 19 ans, après quoi ils sont largués. Pardonnez-moi d'employer le terme «largué», mais c'est exactement ce qui se passe.

Comment vos collectivités et votre réserve traitent-elles la question de l'appartenance et le retour des femmes et des enfants en vertu de la loi C-31? Comment cela s'intègre-t-il dans votre structure de gouvernement?

M. Harold Calla: Je suis un de ceux qui sont retournés vivre en réserve. Mes enfants y sont retournés eux aussi. La population de la nation Squamish a augmenté de 25 p. 100 en conséquence de la loi C-31. Dans notre collectivité, on est convaincu que si l'on a une once d'appartenance aux Squamish, on est Squamish. On peut établir son appartenance en remontant dans sa famille. Notre collectivité a bien accueilli ceux qui sont rentrés. Beaucoup de nos membres rentrés en vertu de la loi C-31 ont apporté des contributions importantes à la collectivité. Le problème chez nous maintenant, c'est qu'on parle des petits-enfants, de nos petits- enfants. On aborde la question dans le cadre de notre processus de négociation de traité, indépendamment de la Loi sur les Indiens. Nous avons reconnu que les gens dont les ancêtres remontent aux Squamish seront reconnus comme Squamish, et ils sont les bienvenus.

Le sénateur Chalifoux: Je voudrais revenir au sujet du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et du budget. J'ai rencontré la semaine dernière Charles Wood et Richard Arcand, de la Western Aboriginal Development Association. Vous les connaissez peut-être. Ils m'ont dit qu'une des réserves avait dépensé 1,3 million de dollars par année au chapitre de l'aide sociale et 300 000 $ par année pour le développement économique. Comment votre bande, votre collectivité, considère-t-elle cela et qu'arriverait-il si vous pouviez prendre le contrôle de la situation?

M. Harold Calla: Nous aimerions en prendre le contrôle dans certaines conditions. Il existait autrefois un mode optionnel de financement, un MOF, avec le ministère. En vertu des accords de MOF, les Premières nations recevaient en effet un financement global et jouissaient de liberté quant à l'utilisation de ces fonds. Certaines Premières nations ont pu utiliser aux fins du développement économique les fonds qu'elles recevaient au titre de l'aide sociale, et elles en ont retiré un énorme avantage.

Le défi auquel nous faisons face actuellement tient en partie au fait qu'il s'agit d'un programme obligatoire. Les accords actuels de financement avec le gouvernement fédéral, appelés accords de transfert de fonds fédéraux, créent beaucoup d'appréhension dans nos collectivités. En tant que conseiller et directeur des finances de la nation Squamish, je n'ai jamais été autant sur le point d'être très fâché depuis longtemps. Le fédéral veut se débarrasser de son devoir de fiduciaire sur les conseils de bande. Il veut créer des accords de financement global et créer par la suite des secteurs particuliers.

Il se peut alors que cela devienne la Mecque de tous les autochtones du pays. Il n'y aurait aucun contrôle sur l'admissibilité ou le contenu. Ainsi, il y a une crainte légitime. Nous devrions être en mesure de pouvoir dire qu'il vaut mieux investir dans le développement économique que dans l'aide sociale, et notre objectif est justement de pouvoir faire cela. Nous le faisons avec nos propres sources de revenus à l'heure actuelle, dans la mesure où les fonds pour les programmes et les services du gouvernement peuvent être utilisés de cette façon. Chose certaine, nous encourageons cela.

Nous avons fait l'acquisition d'une entreprise de construction pour mener nos activités dans le domaine de la construction sur la réserve et à l'extérieur. Cette entreprise travaille pour les municipalités et le ministère de la Voirie.

Lorsque nous construisions notre champ d'exercice, j'avais l'habitude de suivre le processus de construction. Beaucoup de gens participaient à cette construction. Je ne les avais jamais vus sourire auparavant. Tout à coup, ils avaient un but dans la vie. Ils subvenaient aux besoins de leurs familles, ils avaient un bon revenu.

Notre entreprise de construction a construit le Real Canadian Superstore pour la société Westfair Foods. Ainsi, nous abordons ces projets par l'entremise d'une alliance stratégique avec des gens qui sont compétents dans le domaine. Nous utilisons notre capacité de nous assurer une participation dans ces projets. Beaucoup de gens de notre collectivité profitent énormément de cela. Nous avons réussi, grâce à ces initiatives, à faire que 80 personnes ne dépendent plus de l'assistance sociale. Nous considérons vraiment le développement économique, l'éducation et le développement social comme essentiels à notre peuple.

Le sénateur Chalifoux: Je crois comprendre que vous avez une merveilleuse collectivité et une superbe entreprise. Cependant, je travaille et traite avec des collectivités qui n'ont rien. Lorsqu'on se rend dans ces collectivités, c'est comme si on revenait 50 ou 60 ans en arrière. Dans le cadre de votre autonomie gouvernementale, croyez-vous qu'il vous incombe d'aider à former les gens en question et de prendre toutes les mesures voulues pour amener les autres réserves et collectivités au même niveau que vous, à un niveau semblable? Comment percevez-vous cela?

M. Harold Calla: Nous croyons dans cela. La question Squamish est un chef de file depuis de nombreuses années à ce chapitre. Depuis 13 ans, je voyage beaucoup juste pour parler de gestion financière et d'impôt. Nous recevons de nombreuses personnes d'autres régions du pays qui veulent voir ce que nous faisons. En fait, c'est le gouvernement fédéral qui nous les envoie. Nous considérons que nous donnons l'exemple. Nous croyons que nous pouvons donner des conseils et faire part de nos expériences. Au besoin, nous aidons les collectivités en question à atteindre les mêmes objectifs et les mêmes buts que nous et nous les aidons à tirer des leçons de quelques-unes des erreurs que nous avons commises. Le fait que nous avons de l'argent ne fait qu'amplifier nos problèmes. Depuis cinq ou six ans, nous comprenons vraiment qu'il faut s'occuper des familles et non se demander si nous construisons ou non le Real Canadian Superstore.

Le sénateur Chalifoux: À la page 13 de votre mémoire, au principe 5, on peut lire ce qui suit: «Encourager le gouvernement fédéral à établir un comité national des relations financières et lui octroyer des ressources financières».

Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là?

M. Harold Calla: Nous voyons qu'il y a un problème systémique dans les sommes que le Conseil du Trésor affecte au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous constatons que nous sommes tous incapables de nous préoccuper du développement économique des Premières nations. Le comité national des relations financières doit commencer par les travaux nécessaires pour déterminer comment on va financer l'autonomie gouvernementale des Indiens et comment le développement économique des Indiens peut aider au développement des ressources humaines dans les collectivités autochtones.

Il y a beaucoup de travail à faire. Une partie de notre dilemme, dans le cas de cet exposé, réside dans le fait qu'on aurait pu facilement s'étendre bien davantage sur chaque question soulevée, si nous l'avions souhaité. Il y a beaucoup de travail à accomplir. Nous voulons nous pencher non seulement sur l'avenir, mais également sur les répercussions de la politique actuelle sur les collectivités autochtones.

L'entente de transfert financier aura des répercussions. J'ai rencontré notre banquier lundi. Il me dit déjà: «Qu'est-ce que cela signifie, Harold? Allez-vous être en mesure de couvrir les coûts de votre gouvernement? Qu'est-ce qu'on entend par ces zones visées?»

Le sénateur Chalifoux: Vous avez parlé de la banque. Vous avez toujours eu des problèmes avec les banques. Avez-vous constaté une discrimination latente dans le monde des banques, en ce qui concerne les propositions de développement économique de votre bande?

M. Harold Calla: Non. Notre banque fait tous les efforts possibles. Elle nous prête de l'argent en fonction de notre rendement, même si elle n'a pas vraiment de garanties.

Le sénateur Austin: Si vous et moi participions à une réunion nationale sur les relations financières, et si j'étais un représentant du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, que me demanderiez-vous de mettre sur la table? S'agirait-il des budgets du ministère pour les trois ou cinq prochaines années? Recherchez-vous des engagements fiables en matière de transfert financier? De quoi discuterions-nous?

M. Harold Calla: Nous devons discuter des priorités et de l'affectation des fonds au ministère.

Le sénateur Austin: Ce serait un examen des priorités du ministère, la façon dont il injecte l'argent dans le système à l'heure actuelle. Le ministère doit faire face à tellement d'éventualités. Allons-nous avoir 600 bandes représentées à cette négociation ou vont-elles élire des représentants? Comment voyez-vous les choses?

M. Harold Calla: Nous croyons qu'il faut avoir recours à des organismes politiques provinciaux. Il y a une initiative en cours. Je sais que le sommet des Premières nations, en Colombie- Britannique, s'est engagé à participer à ces discussions. Je serais là en tant que représentant. Nous en sommes aux premiers stades. Cette initiative a besoin de prendre plus d'élan et d'être appuyée.

L'autre grande question sur laquelle on doit se pencher dans le cadre d'une réunion sur les relations financières, ce sont les sommes affectées par le Conseil du Trésor. Nous devons savoir combien le gouvernement coûtera.

Le sénateur Johnson: Merci de votre exposé. J'attends avec impatience de lire le mémoire également. Vous faites remarquer dans votre mémoire que la nation Squamish a des revenus de 24 millions de dollars par année, surtout grâce à des baux et vous ajoutez que ces recettes représentent environ 15 p. 100 des recettes qu'on pourrait obtenir. Comment pourriez-vous obtenir des recettes de 240 millions de dollars? Quels sont les obstacles à la réalisation de cet objectif?

M. Harold Calla: Permettez-moi de dire, tout d'abord, que le principal obstacle réside dans le fait que nous sommes sous la direction du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. En tant que gens d'affaires, nous devons être en mesure de nous engager de la même façon que vous pourriez le faire si vous aviez des terrains. Si la nation Squamish était CP Rail, à Vancouver, nous n'aurions pas laissé en jachère des terrains valant un milliard de dollars au cours des 70 dernières années.

À Vancouver, il y avait probablement une préférence, auparavant, pour les terres en fief simple plutôt que les terres amodiées. Cependant, maintenant que les seules terres inexploitées sont les nôtres, il y a un intérêt. J'ai dressé une liste de projets que nous entreprendrons, selon nous, sur les terres de la nation Squamish au cours des 15 ou 20 prochaines années. Nous participerons à certains, mais pas à d'autres. Cette liste représente au total 1,3 milliard de dollars d'activités. Nous devons déterminer dans quelle mesure nous aurons une véritable part de ces activités et avantages. Il s'agit de dire que nous voulons une assise territoriale que nous pouvons contrôler et diriger et que nous pouvons utiliser à des fins économiques de la même façon que tout le monde.

De plus, nous voulons fonctionner comme un gouvernement. Squamish a son propre régime d'impôt foncier. Nous avons des ententes de services avec les municipalités et nous avons été en mesure de financer certaines de nos activités grâce à cela. Pour Squamish, c'est un double rôle. Lorsque nous stimulons notre économie, les recettes de notre gouvernement augmentent. C'est ce que nous essayons de faire. Alors que nous nous tournons vers l'avenir et plus particulièrement alors que nous commençons à parler de dispositions fiscales non discriminatoires, nous ne croyons pas qu'il convienne d'exiger que toute la richesse que nous produisons serve à offrir des programmes et des services. En tant que membre de la nation Squamish, je devrais être en mesure de tirer des avantages de mes biens. Si j'achetais un terrain à l'extérieur de la réserve, si je le mettais en valeur et en tirais certains profits, je paierais les impôts voulus et j'utiliserais le reste comme bon me semble. Nous devons être en mesure de faire la même chose. Il y a parfois certaines confusions, car on mélange notre rôle en tant que gouvernement avec nos rôles en tant que propriétaires.

M. Jason Calla: Il y a deux choses qui nuisent au développement économique de la nation Squamish. La première, c'est la capacité interne, à la suite des 150 dernières années d'histoire, d'un manque de confiance, d'un manque d'instruction, de problèmes sociaux. C'est un énorme obstacle à surmonter. La seconde, est la réglementation externe, plus particulièrement la Loi sur les Indiens. L'article 18 prévoit que Sa Majesté détient les réserves; l'article 21 dit que les terres de réserve ne figurent pas dans le registre provincial; et aux termes de l'article 29, les terres des réserves ne sont pas assujetties à aucune saisie. Tout cela crée un régime foncier bien différent et c'est pourquoi je dis qu'il s'agit d'un obstacle important pour les entreprises privées qui pourraient vouloir participer à une entreprise conjointe avec les Premières nations.

Le sénateur Johnson: Quels sont les domaines dont votre gouvernement assume maintenant la responsabilité? Pouvez-vous me donner des exemples? Je serais très intéressée de le savoir.

M. Harold Calla: L'éducation, les services sociaux, l'assistance sociale, l'appartenance à la bande, le bien-être des enfants, et certains aspects de la santé. Toute la question des transferts en matière de santé se pose et nous devons travailler pour comprendre ce que cela signifie. Nous gérons une bonne partie de nos terres à l'heure actuelle. C'est pourquoi nous parlons de cela avec autant d'intensité.

Le sénateur Johnson: Dans quelle mesure assumez-vous les responsabilités dans le domaine de la santé? Sur quoi vous concentrez-vous dans ce domaine? C'est un domaine essentiel pour vous à l'heure actuelle, pour nous tous, en fait.

M. Harold Calla: Dans notre collectivité, à l'heure actuelle, on se penche surtout sur les soins aux aînés et les soins offerts à certains de nos jeunes. Nous remarquons dans le cadre des initiatives du gouvernement fédéral, que les paiements de transfert en matière de santé vont, en définitive, se faire par l'entremise d'ententes de transferts financiers. En fait, toutes les dispositions en matière de financement dans le cas des collectivités autochtones vont découler d'une seule entente, vont être reliées à une seule enveloppe, alors qu'on doit accepter toutes sortes de responsabilités pour des choses qui échappent à notre contrôle. Ce sont des questions de ce genre qui nous posent un problème, car nous devons non seulement nos préoccuper de nos citoyens membres de la nation Squamish, mais dans bien des cas, nous devons également nous occuper de ceux qui habitent les zones visées, qu'ils soient Indiens ou pas.

Les prestations de santé non assurées constituent un grave problème pour nous, à l'heure actuelle. Notre dilemme, c'est que nos membres s'attendent à ce que nous jouions un rôle de fiduciaire en fonction de ce qu'ils croient, depuis toujours, qu'il faudrait faire. Le problème, c'est comment remplir ce mandat qui échappe à notre contrôle.

Le sénateur Johnson: Étant donné que votre population est relativement jeune, ce doit être un énorme défi d'assurer tous les services nécessaires.

M. Harold Calla: Nous administrons 87 programmes.

Le sénateur Johnson: Cela expose bien la situation, n'est-ce pas?

Le sénateur Andreychuk: Je m'excuse d'être en retard. Ce n'est pas manque de respect pour votre exposé. C'est surtout attribuable au fait que nous avons trop de comités.

J'ai lu très rapidement le rapport et je suis quelque peu confuse sur un point. Vous avez exprimé de façon éloquente vos préoccupations, votre vision. Vous avez dit que vous vouliez plus de souplesse afin de réaliser vos objectifs. Vous avez séparé l'assise territoriale des fonctions reliées à l'autonomie gouvernementale, selon vous. Ainsi, je ne sais pas au juste ce que vous souhaitez dans le cas de votre assise territoriale. Réclamez-vous un droit de propriété absolu? Demandez-vous plus de souplesse à l'intérieur du système actuel?

Il est évident que dans la plupart des cas, il y a risque pour ceux qui investissent dans des terrains et ceux qui cèdent des terrains aux fins d'investissement car cela conduit souvent à des faillites et à la reprise des terrains à leurs propriétaires. Lorsque nous avons établi la relation de fiduciaire, c'était pour protéger les terres pour la collectivité d'une décennie à l'autre, d'une génération à l'autre. Recherchez-vous plus de souplesse à l'intérieur du système actuel, ce qui entraînerait des restrictions, ou recherchez-vous un droit exclusif sur les terres?

M. Harold Calla: En fin de compte, nous voulons un droit exclusif. Permettez-moi de vous expliquer un peu ce que nous voyons dans le code foncier et comment nous fonctionnons à l'heure actuelle en tant que gouvernement. Nos terres sont détenues par une entité collective. Nous n'avons jamais trouvé approprié de risquer de perdre ces terrains. Lorsque je parle d'une certaine souplesse pour pouvoir mettre en valeur nos terrains, il s'agit de la souplesse voulue pour créer un droit foncier sur les terrains, généralement dans le cadre d'un contrat de tenure à bail. Notre collectivité voudra toujours être certaine qu'elle ne perdra pas ses terrains, et nous ne mettrons jamais cela en péril. Ce que nous comprenons, à l'heure actuelle, du fait du nombre de gens qui frappent à notre porte, c'est que certains sont intéressés à mettre en valeur les terres indiennes. Il est important de créer un environnement sûr et stable, où les compétences sont bien établies et il n'y a pas de compétences parallèles. Ainsi, dans le cadre de l'initiative touchant le code foncier, on va clarifier des questions comme les heures de fonctionnement, les règlements sur l'affichage et les compétences parallèles. Ce sont des choses de ce genre que nous voulons clarifier.

Le sénateur Adams: Vous dites avoir travaillé avec la ville de Vancouver. Je voudrais en apprendre davantage sur votre système dans le domaine des services policiers assurés dans votre collectivité. Voulez-vous avoir votre propre corps policier et même, peut-être, votre propre système de justice? Êtes-vous prêts à maintenir la structure actuelle et à collaborer avec la police de Vancouver?

M. Harold Calla: Nos terres de réserve se trouvent dans cinq municipalités différentes et trois districts régionaux dont trois sont situés sur la côte nord de Vancouver -- soit la ville et le district de North Vancouver et le district de West Vancouver. Les questions touchant les services de police étaient un défi jusqu'à ce que nous entrions dans le domaine de l'impôt foncier. Aux fins du partage des recettes fiscales, les municipalités ont divisé la réserve. Lorsque nous appelions la police ou les pompiers, on nous renvoyait à l'autre municipalité. Ensuite, nous sommes entrés dans le domaine de l'impôt foncier et nous avons commencé à payer pour les services. Au début, les deux municipalités répondaient à un appel, alors qu'auparavant, une maison brûlait entièrement.

Nous avons cherché à réaliser des économies d'échelle sans recréer les institutions qui existent déjà. Nous voulions entretenir des rapports de bon voisinage avec nos municipalités, avoir des rapports marqués au coin de la coopération et du respect. Il n'est pas dans notre intérêt de détruire la collectivité dans laquelle nous vivons tous. Étant donné la gravité de nos problèmes, nous devons développer des économies pour nous occuper de nos citoyens. Le fait qu'un habitant du district de West Vancouver puisse peut-être attendre cinq minutes pour traverser le pont Lions Gate à cause d'un projet n'est pas une raison pour ces gens de s'opposer à cela, selon nous. Il suffit de nous pencher sur nos terres, et de voir dans quelle mesure nous avons contribué à l'infrastructure régionale par l'entremise de ponts, de routes, de pipelines, de voies de chemin de fer et des stations de traitement des eaux usées pour mieux comprendre cela. Nous voulons être des voisins. Nous voulons coopérer. Nous ne voulons tout simplement pas être contrôlés. Nous ne voulons pas échapper à l'emprise du ministère des Affaires indiennes pour nous apercevoir que nous sommes sous l'emprise d'un conseil municipal.

Le sénateur Adams: À l'extérieur de votre réserve, s'il y a une accusation portée contre un membre de votre collectivité dans la ville de North Vancouver ou de Vancouver, avez-vous la chance de parler aux représentants de la ville ou aux juges avant que des accusations ne soient portées?

M. Harold Calla: Oui, nous avons des travailleurs auprès des tribunaux dans notre collectivité.

Nous voyons une occasion d'établir un meilleur dialogue pour faire en sorte que nos membres fassent partie des institutions déjà existantes. Cela n'exclut pas, en ce qui concerne les traités et l'autonomie gouvernementale, une certaine forme de système de justice tribale. Cependant, il est inutile, selon nous, de modifier le véhicule qui administre tout cela par l'entremise des services de police. Il s'agit simplement que nous ayons un rôle à jouer.

Le sénateur Austin: Je voudrais aborder deux ou trois autres sujets. L'un d'eux a trait à la culture et à l'éducation dans la nation Squamish. Comme vous le savez, certaines traditions tribales s'opposent à l'éducation dans sa forme occidentale habituelle. Quand je regarde Jason Calla, je ne voix pas cette culture opérer. Je voulais confirmer que le conseil incite vigoureusement, si je ne m'abuse, les jeunes à faire des études supérieures. Est-ce exact?

M. Harold Calla: Ce n'est pas le conseil. C'est la collectivité elle-même. Depuis mon enfance, le message a toujours été: «Instruisez-vous. Allez chez les non-autochtones, apprenez d'eux tout ce que pouvez, puis revenez faire profiter la collectivité de vos connaissances.» Ce message est plus fort que jamais. Notre collectivité a compris cela il y a 75 ans. Nous célébrons maintenant le 55e anniversaire de notre fondation. La graine qui a été semée à ce moment-là, c'est que nous pouvions être forts et égaux. Les gens ont reconnu que l'éducation était la clé, particulièrement dans le monde d'aujourd'hui, à l'ère de la mondialisation. L'éducation est considérée comme une des principales priorités de l'investissement dans notre collectivité. C'est cela qui brisera le cercle vicieux de la dépendance.

Le sénateur Austin: Comment pouvez-vous rester une collectivité culturelle distincte de la société en général tout en devenant partie intégrante de la communauté économique? Je considère cela comme un défi à relever pour vous. Quelles mesures prenez-vous pour préserver votre identité culturelle?

M. Harold Calla: Sauf votre respect, c'est très facile. Notre culture repose sur nos valeurs. C'est comment nous nous respectons et nous nous traitons les uns les autres. Nous avons peut-être différentes cérémonies, nous nous exprimons peut-être différemment, même au sein de la province, mais cela n'exclut pas que nous sommes capables de participer sur le plan économique. En fait, dans certains cas, cela apporte une certaine dose d'intégrité à ces possibilités, que j'estime, parfois, nécessaire.

En Colombie-Britannique, contrairement au reste du pays, l'économie est assez déprimée. Notre économie est fondée sur les ressources, comme vous le savez. Où sont les gens qui, dans les années 50, 60 et 70, ont empoché les profits tirés de l'exploitation des ressources renouvelables et non renouvelables? Nous allons assurer une plus grande stabilité à long terme à cause de notre culture et nos traditions.

La seule chose qui serait différente si nous tenions cette réunion chez nous, c'est que nous commencerions et terminerions par une prière. Tout le reste serait pareil.

Le sénateur Austin: Je voudrais vous demander si vous connaissez la loi qui a été adoptée à la demande de la nation Sechelt et qui lui a conféré des pouvoirs municipaux. Comme vous faites signe qui oui, sans critiquer cette dernière, dites-nous pourquoi cette loi ne convient pas à votre nation. Si elle lui convient à certains égards, je voudrais également savoir lesquels.

M. Harold Calla: D'abord, je voudrais préciser que les deux nations sont très proches. L'école se trouvait dans le territoire Sechelt, et nombre d'habitants de Squamish la fréquentaient. Voilà à quel point nous étions proches.

Nous respections ce que Sechelt voulait faire même si, à ce moment-là, ce n'était pas ce que nous voulions.

Quand on décide d'aller ainsi de l'avant en premier, on est en quelque sorte sous le microscope et on fait peut-être l'objet de certaines critiques. Nous ne sommes pas comme une municipalité -- c'est-à-dire qu'un gouvernement autonome autochtone, c'est plus qu'une municipalité. Nous estimons qu'il ne convient pas que nous soyons assujettis à la province. Les municipalités sont régies par les provinces. Nous pensons que les titres et les droits autochtones vont au-delà de cela. Les négociations finiront bien par clarifier tout cela.

Le président: Avant de conclure la rencontre, je voudrais poser des questions pour clarifier certains points. Vous avez dit qu'à titre de collectivité régionale, que ce soit une réserve, une collectivité, un village, et cetera., vous ne voulez pas relever de la compétence provinciale. Vous avez dit aussi qu'avant toute nouvelle ronde de négociations constitutionnelles, comme sur l'article 35 par exemple, ce que vous avez proposé est une solution provisoire, avant que le public se penche sérieusement sur un supposé partenariat entre la région et le gouvernement du Canada pour la société canadienne?

M. Harold Calla: Oui, jusqu'à ce que nous ayons un traité, jusqu'à ce que les dispositions du traité soient claires.

Le président: Je ne suis pas tellement au courant du mécanisme de conclusion de traités en Colombie-Britannique. Est-il exact de dire qu'en ce moment les traités ou la réserve, selon le terme que vous préférez, relèvent de la compétence fédérale?

M. Harold Calla: Selon ma compréhension de l'entente avec les Nishgas, les terres de ces derniers feront éventuellement partie du système foncier provincial.

Le président: Je suppose que le gouvernement du Canada aura encore un rôle fiduciaire à jouer, même si les terres relèveront de la compétence provinciale. Il reste à voir comment cette gestion en tant que telle sera abordée.

M. Harold Calla: Oui.

Le président: Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question de savoir si les terres relèveront de la compétence provinciale ou fédérale. Mettons le cas des Nishgas de côté pour l'instant. Je vous parle de votre bande, des terres de votre réserve. Où sont-elles?

M. Harold Calla: Ce sont les terres de la réserve de la nation Squamish.

Le président: Autrement dit, elles ne relèvent ni de la compétence provinciale, ni de la compétence fédérale?

M. Harold Calla: Certainement, en ce moment, il est clair qu'elles relèvent de la compétence fédérale. Dans l'avenir, il y aura une certaine identification des terres. Il y aura un troisième type de terres appelées «terres visées par les traités» ou «terres visées par les règlements». Les caractéristiques exactes de ces terres restent à déterminer. À la table de négociation, les représentants fédéraux -- je siège à la table à titre de négociateur -- sont très clairs quand ils disent vouloir en finir avec cette question et avoir des certitudes. En fin de compte, ils veulent mettre fin à la responsabilité fiduciaire. Nous sommes prêts à engager la discussion sur cette base, à condition d'obtenir la garantie que nous pourrons continuer d'exister en tant que nation, non pas seulement maintenant, mais pour toujours.

Le sénateur Austin: Vous avez besoin d'une garantie constitutionnelle, dans ce cas-là.

M. Harold Calla: Absolument.

Le président: Je vais revenir encore sur cette question, parce qu'elle est centrale. Je voudrais revenir au point selon lequel les terres sont de compétence fédérale et non de compétence provinciale.

M. Harold Calla: Non, elles ne le sont pas. C'est même la plus grande irritation des districts régionaux et de la province, soit de ne pas pouvoir appliquer leurs lois sur les terres des réserves fédérales. C'était une des principales questions de l'entente Nishgas, à savoir le fait de devoir concéder que ces terres deviendraient des terres provinciales.

Le président: Si j'ai bien compris, vous voulez dire que le projet de loi C-49 est une tentative visant à rendre plus flexible la Loi sur les Indiens.

M. Harold Calla: Oui.

Le président: Afin que vous puissiez gérer les affaires de la collectivité.

M. Harold Calla: Oui.

Le président: Ma prochaine question a trait à la région adjacente à la réserve, aux approches de la réserve. Avez-vous conclu des ententes particulières avec la province ou une municipalité, voire n'importe qui, dans le cadre de la supposée cogestion? Avez-vous conclu des ententes semblables, qu'il s'agisse de l'office de gestion de l'eau ou de la faune ou de l'office de gestion des terres? Pareille chose existe-t-elle aujourd'hui?

M. Harold Calla: Oui. L'une des initiatives à l'heure actuelle consiste à trouver un moyen, en vertu des lois provinciales, pour que la nation Squamish ait un siège au district régional de l'agglomération de Vancouver, au district régional Squamish Lillooet, au district régional Sunshine Coast. Nous avons amorcé des discussions avec la province et, en fait, nous conclurons vraisemblablement des ententes majeures avec la province sur des initiatives visant à créer des zones de gestion de la faune, à nous faire participer à la gestion de celles-ci.

Depuis 18 mois, nous avons conclu, avec la province, des négociations qui reconnaîtront l'existence d'un titre de la Couronne, de la Couronne provinciale, et d'un titre autochtone. Nous participerons, si nous choisissons de le faire, au développement d'un port en eau profonde dans la ville de Squamish. Nous serons l'un des propriétaires des terrains du port lui-même. Nous aurons la possibilité d'acquérir des terrains avec le soutien de la province pour créer une réserve où loger les nôtres jusqu'à la conclusion des traités.

Nous sommes actuellement engagés dans une foule de questions avec le gouvernement provincial, qui ne constituent pas un obstacle. Les affaires ne continuent pas comme avant parce que nous sommes à la table de négociation; mais enfin, nous n'avions jamais été à la table avant. Les discussions se poursuivent. Nos activités ne nuisent pas à l'intérêt collectif de tous les Britanno-Colombiens. En fait, nous contribuons à clarifier un grand nombre de questions.

Le président: Vous avez dit plus tôt que le projet de loi C-49 rendrait plus flexible la Loi sur les Indiens. Je pense que je comprends cela. En ce qui concerne la nécessité de tenir un registre, de manière semblable à la province, vous estimez que cela fera avancer votre cause. Est-ce que cela fait partie du projet de loi C-49 ou si c'est quelque chose de complètement différent?

M. Harold Calla: Non. Les Premières nations du pays participent à cette loi habilitante. Ces Premières nations devront engager des discussions avec leur province pour contribuer à la création de ce système. Cela est considéré comme une initiative qui suivra de près la loi de gestion des terres. Nous sommes d'avis qu'il ne convient pas d'investir plus de temps et de ressources dans quelque chose qui n'aura aucune signification si le projet de loi n'est pas adopté.

Beaucoup de travail a été accompli. Le chef Manny Jules, de Kamloops, a travaillé sur un registre des terres indiennes, notamment. Donc, une certaine quantité de travail a déjà été abattue. Ce n'est pas dans la loi, mais une chose qui en découle.

Le président: Vous considérez le registre des terres indiennes comme un élément important qui n'est pas prévu par le projet de loi C-49, mais qui devra être créé par suite de l'entrée en vigueur de la loi. Considérez-vous cela comme un élément urgent?

M. Harold Calla: Oui.

Le président: Je suppose que vous considérez cela comme un secteur où nous pourrions intervenir et essayer de trouver un moyen de faire des recommandations immédiates pour que cela se réalise.

M. Harold Calla: Absolument.

Le président: En même temps, nous nous comprenons bien tous les deux, mais ce que vous présentez aujourd'hui, ce sont des solutions provisoires à des problèmes auxquels vous êtes confrontés aujourd'hui, afin que vous puissiez gérer vos affaires.

M. Harold Calla: Ce sont des solutions provisoires. Par les principes que nous exposons, l'établissement d'une table nationale, nous reconnaissons que les négociations sur l'autonomie gouvernementale auront lieu, ce qui clarifiera bien de ces points. Entre temps, dans nos collectivités, nous gérons la pauvreté. Nous devons fournir de l'espoir. Je sais que lorsque Jason a préparé les diapositives, il m'a demandé s'il devait enlever certains graphiques, et j'ai dit non. Je lui ai dit de les laisser parce qu'ils décrivent bien comment je me sens, ayant travaillé pendant 13 ans. Que ce soit moi qui vous le dise aujourd'hui ou quelqu'un d'autre le mois prochain ou dans deux ans, il y a une urgence qui ne peut être exagérée quand il s'agit des problèmes des collectivités autochtones. Si nous ne modifions pas les choses pour le mieux, les représentants des Premières nations qui prendront place aux tables de négociation auront un point de vue et des objectifs bien différents.

On ne peut ignorer la magnitude du problème qui nous guette à cause de notre croissance démographique. Que nous nous engagions dans des discussions, que nous participions à l'économie, que nous donnions la possibilité aux nôtres d'élever leur famille et de subvenir à leurs besoins, voilà ce que veut notre population. C'est ce que nous avons fait à l'aide de certaines de nos initiatives de développement économique. C'est prendre soin des nôtres, leur donner la possibilité de vivre comme n'importe qui d'autre.

Le président: J'ai bien aimé votre présentation, messieurs Calla et Jason. Nous allons étudier votre mémoire plus en profondeur, ce qui nous aidera à comprendre à fonds la question. En temps et lieu, nous vous convoquerons de nouveau, sans doute pour clarifier certains points.

Vous savez probablement que nous avons un autre outil, outre les audiences publiques, à savoir la table ronde sur la façon de gouverner. Comme vous le savez, nous vous invitons cordialement à participer à cette table ronde, par le truchement de votre organisation nationale.

M. Harold Calla: Merci. Ce fut un honneur et un plaisir d'être ici.

La séance est levée.


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