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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 17 - Témoignages du 2 février 1999 (9 h 00)


OTTAWA, le mardi 2 février 1999

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 05, pour étudier, en vue d'en faire rapport, la fonction gouvernementale autochtone.

Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bonjour. Nous allons, ce matin, entendre des témoins qui vont nous parler d'autonomie gouvernementale. C'est le chef René Simon qui va prendre la parole.

Bienvenue à notre comité. Nous nous attendons à ce que vos exposés nous aident dans notre étude sur l'autonomie gouvernementale.

Vous avez la parole.

(M. Simon parle dans sa langue maternelle)

[Français]

M. René Simon, chef des Essipits: C'est un immense plaisir pour nous d'être ici ce matin. C'est toujours avec un intérêt marqué que les autochtones profitent des occasions qui leur sont offertes par les gouvernements pour exprimer leur point de vue et leurs relations avec les gouvernements dans un esprit de changement.

Je suis accompagné du chef Clifford Moar, de Denis Ross, chef des Essipits, et de Rémy Kurtness, chef négociateur dans le cadre de nos négociations avec les gouvernements.

Le Conseil tribal que l'on représente regroupe les trois Conseils de bande présents ce matin pour exprimer leur point de vue quant à la question de l'autonomie gouvernementale. Je vais laisser au chef Denis Ross le soin de continuer la présentation.

M. Denis Ross, chef des Essipits: J'aimerais vous faire un petit peu d'histoire pour vous permettre de mieux comprendre la situation. Cela fait 20 ans que la négociation territoriale montagnaise dure. Après 20 ans, nous en sommes arrivés à déposer, en février 1997, une entente de principe aux gouvernements du Canada et du Québec. À ce moment, on a décidé que les Innus prendraient le leadership de la table centrale, c'est-à-dire que les propositions viendraient de nos communautés.

En janvier dernier, on a réussi à déposer les quanta territoriaux. À partir de ce moment, on a démontré notre ouverture à vouloir vraiment en arriver à une entente de principe signée d'ici juin 1999. Dans ce contexte, pour les Innus, ce qui est important, c'est l'autonomie gouvernementale pour en arriver à une relation de peuple à peuple, de nation à nation où chacune des deux parties se respectera. Il est très important qu'on puisse signer cette entente d'ici juin. Le Nitassinan est le territoire sur lequel on a vécu depuis des temps immémoriaux et ce territoire n'a pas seulement un caractère historique, c'est aussi là où notre culture et notre façon de vivre se perpétuent tout au long de notre histoire.

M. Clifford Moar, chef, Conseil tribal Mamuitun: Ce qui est important ce matin, c'est de faire le tour des orientations et des fondements de la négociation. Comme vous le savez, on a quelques principes de base importants qu'on voudrait partager avec vous.

Premièrement, les Premières nations innu-montagnaises de Mamuitun possèdent un titre et des droits ancestraux comme premier occupant du Nitassinan. Nitassinan est notre façon de dire «notre terre» dans notre langue. Le titre et les droits ancestraux sont fondés sur l'occupation, l'utilisation et l'exploitation continue --actuelle et depuis des temps immémoriaux -- des terres et des ressources qui s'y trouvent.

Deuxièmement, nous constituons une société organisée qui possède ses propres coutumes, traditions, institutions, culture et langue. On a toujours exercé notre souveraineté et entretenu des rapports spécifiques avec la terre et les ressources du Nitassinan.

Troisièmement, le titre et les droits ancestraux des Innu-Montagnais de Mamuitun n'ont jamais fait l'objet de règlements par traités. Ils ont été affectés par le développement et par la Convention de la Baie de James et du Nord québécois mais ils ne se sont jamais éteints avec le consentement des Innu-Montagnais.

Quatrièmement, l'article 35 de la Loi constitutionnelle 1982 reconnaît et confirme les droits existants -- ancestraux ou issus de traité -- des peuples autochtones du Canada. En outre, le gouvernement du Canada reconnaît que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est un droit existant au sens de l'article 35 de la Constitution.

Cinquièmement, l'Assemblée nationale du Québec, dans une résolution adoptée le 20 mars 1985, a reconnu les droits ancestraux existants des nations autochtones ainsi qu'un droit à l'autonomie. Cependant, le gouvernement du Québec, pour des raisons qui lui appartiennent, ne reconnaît pas un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale sur la base des droits ancestraux reconnus et protégés par l'article 35 de la Constitution.

Un autre élément qui est pour nous un droit fondamental est l'autodétermination qui appartient à tous les peuples. Les Innu-Montagnais de Mamuitun, comme peuple distinct, ont naturellement le droit de se diriger eux-mêmes, conformément à leurs valeurs et à leurs priorités. On a aussi le droit de choisir librement notre statut politique. Pour la même raison, aucun gouvernement ne peut nous être imposé sans notre consentement.

Cela fait un peu le tour des fondements de notre négociation qui était la base de l'autonomie gouvernementale.

M. Simon: Pour faire suite aux orientations, il y a des objectifs qui sont visés par la négociation globale. Comme on l'a dit tout à l'heure, on vise une relation de nation à nation. La Commission royale sur les peuples autochtones a fondé la plupart de ses recommandations sur le développement d'une nouvelle relation qui constitue une relation d'égal à égal selon les mêmes bases que nos relations historiques.

Le deuxième objectif est la réappropriation du territoire ancestral. Notre histoire, au cours des derniers siècles, est celle d'une dépossession territoriale. Cette réalité est d'autant plus pénible et tragique que dans notre culture, la relation avec le territoire est à la fois spirituelle et matérielle: élément de subsistance, bien sûr, mais aussi un élément essentiel de la vie des Innu-Montagnais et de la continuité comme culture et société distincte.

Le troisième objectif est le rétablissement de l'autonomie. De façon plus spécifique, nous voulons consacrer par des pouvoirs concrets l'exercice réel de l'autonomie, déterminer les compétences, rendre suspensives les obligations fiduciaires et éliminer tous les éléments de tutelle actuelle de la Loi sur les Indiens.

Nous sommes conscients qu'il s'agit là d'une vision de l'autonomie gouvernementale qui se rapproche beaucoup de celle d'un troisième ordre de gouvernement, dans le sens que l'on retrouvait, par exemple, dans l'Entente de Charlottetowm. Cependant, il s'agit là de la seule vision compatible avec la philosophie de relations «de nation à nation» et par surcroît, la seule qui découle logiquement de l'interprétation de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Le quatrième objectif est le développement socio-économique. Nous avons un immense rattrapage à faire par rapport à nos voisins non autochtones, un rattrapage qui est imputable pour une bonne part à la dépossession territoriale dont nous avons été victimes.

M. Ross: Le premier principe est le maintien du lien avec le territoire. Le territoire est à la base de la culture montagnaise et il constitue un élément essentiel pour la perpétuation de cette culture.

Le deuxième principe est la cohabitation harmonieuse et pacifique. Les valeurs traditionnelles de respect, de partage et d'entraide mentionnées précédemment sont à la base d'une cohabitation et d'une coexistence harmonieuse et pacifique.

Le troisième principe est la reconnaissance mutuelle des droits. L'égalité et le respect entre les différents gouvernements sont des facteurs importants et l'entente ne doit pas mettre en place un système de soumission d'un gouvernement par rapport à un autre. Notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est primordial alors qu'une simple et unique délégation de pouvoirs ou de juridictions contractuelles sont incompatibles avec la vision et les aspirations des Innu-Montagnais.

Le quatrième principe est le partenariat. Il est composé de deux éléments essentiels, soit une relation de confiance durable et le consentement mutuel des deux parties. Donc l'entente négociée doit mettre fin à l'exclusion des Innu-Montagnais du développement. Elle doit en faire des partenaires dynamiques et de premier plan tant au niveau des prises de décision que du partage des bénéfices qui découlent de l'exploitation du territoire et des ressources.

M. Moar: Il est important de partager avec vous toute la question des enjeux. On a trois défis majeurs. Le premier est la certitude pour les parties. Cette certitude est recherchée non seulement par le Canada et le Québec, mais aussi par les Innu-Montagnais. Les notions d'extinction, d'échange ou d'abandon des droits ancestraux, dont le titre aborigène, ne sauraient être des éléments de certitude pour la partie innu-montagnaise. Ce sont des éléments importants que nous considérons.

Le deuxième défi concerne le régime territorial sur le Nitassinan de Mamuitun. C'est un concept dont on discute présentement avec les trois parties. Cela comprend les droits des Innu-Montagnais. Comme vous le savez, le jugement Delgamuukw est venu renforcer chez les Innu-Montagnais notre conviction profonde que nous avons toujours été propriétaires non seulement des terres mais aussi de toutes nos ressources provenant de notre territoire ancestral puisque notre titre n'a jamais fait l'objet d'une cession ou d'une extinction de quelque façon que ce soit. Pour nous, le jugement Delgamuukw est vraiment compatible avec la vision et les aspirations des Innu-Montagnais. Nous sommes également d'accord à utiliser la voie de règlement négocié de bonne foi même si cela fait presque 20 ans que nous sommes en processus de négociation avec les deux autres gouvernements.

Il y a aussi, sur le régime territorial, l'occupation et l'exploitation actuelles du territoire. Comme le savez, le territoire couvre plus de 245 000 kilomètres carrés. Pour nous, c'est bien important parce qu'il y a là une partie d'urbanisation.

Le troisième point concernant le régime territorial, comme le chef Ross l'a dit, c'est le partage et le partenariat. Pour nous, il est bien important que ces principes soient mis de l'avant. Même si le Québec parle de l'intégrité du territoire, on est souvent considéré plus ou moins comme un groupe ou une clientèle parmi d'autres qui a des intérêts sur le territoire et pour qui les droits ancestraux sont un vestige du passé. On a donc du chemin à faire de ce côté.

Le troisième défi concerne la nature et la portée de l'autonomie gouvernementale. À la notion d'intégrité territoriale, qui est véhiculée constamment pour refouler nos droits ancestraux et leur expression sur le territoire, correspond la notion d'effectivité législative et réglementaire pour circonscrire en quelque sorte l'autonomie gouvernementale que nous pourrions exercer éventuellement. Nous sommes présentement très loin du partage de souveraineté dont parle la Commission royale sur les peuples autochtones. Ce sont des éléments importants pour nous et j'imagine qu'on en arrivera à des ententes sur ces éléments.

M. Simon: Je vais résumer la question des problèmes, des obstacles et des contraintes.

Déjà en 1985, le rapport Coolican recommandait de confier à une autorité indépendante des parties négociantes la charge de veiller à l'équité et au progrès des négociations, cela précisément pour rétablir un certain équilibre entre, d'une part, les gouvernements et, d'autre part, les Premières nations concernées.

On doit aussi ajouter un manque de leadership du côté politique qui doit être comblé quelque part et c'est pour cela que nous devons fréquemment évoquer les décisions juridiques de la Cour suprême pour ramener dans la mesure du possible les gouvernements à l'ordre. Il y a donc un vide politique qui doit être comblé par le juridique.

Rémy «Kak'wa» Kurtness, négociateur en chef, Conseil tribal Mamuitun: On arrive à la fin de la présentation du mémoire. Je vais faire part au comité sénatorial de quatre recommandations.

La première est que le gouvernement du Canada confirme et réitère que le droit à l'autonomie gouvernementale comprend le pouvoir des organes législatifs dûment constitués par les Premières nations d'adopter des lois afin de préserver notre langue, notre culture, notre économie, notre identité, nos institutions, nos traditions et, bien sûr, de veiller à notre épanouissement.

Le pouvoir d'adopter aussi des lois afin de développer, de maintenir et de renforcer nos liens avec le Nitassinan y compris les ressources, c'est-à-dire les terres, les eaux et leur environnement. Tout ceci pour déterminer et contrôler notre propre développement selon nos propres valeurs et nos propres priorités.

Évidemment -- et je pense que les chefs en ont fait part --, il n'est pas possible pour le Conseil tribal Mamuitun d'accepter que dans le cadre d'une relation de nation à nation, notre peuple soit soumis aux décisions d'un autre peuple ou d'un autre gouvernement. Ce n'est pas ce qu'on appelle une relation de nation à nation. Dans ce contexte, il n'est pas possible que notre gouvernement puisse être basé sur une législation déléguée par un autre gouvernement.

La deuxième recommandation s'adresse également au Sénat. Dans le cadre de la reconnaissance du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, la Chambre des communes et le Sénat, dans une résolution conjointe, déclarent que le paragraphe 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 constitue une source constitutionnelle suffisante pour permettre la création d'un troisième ordre de gouvernement et ainsi confirmer que les gouvernements des Premières nations jouissent des compétences constitutionnelles suffisantes pour adopter des lois.

Troisième recommandation: le gouvernement du Canada doit pleinement exercer sa compétence exclusive sur les terres encore affectées par le titre autochtone. Notre prétention dans ce contexte est que le gouvernement fédéral a une obligation fiduciaire à l'égard des Premières nations, mais cette obligation ne s'applique pas seulement sur les terres de réserve. Elle doit aussi s'appliquer sur les terres qui constituent le Nitassinan des Premières nations de Mamuitun. Dans ce contexte, le gouvernement fédéral a une obligation fiduciaire sur l'ensemble du territoire où les Premières nations ont leur titre et la propriété des ressources.

Quatrième recommandation: suite au jugement de la Cour suprême dans le Renvoi au sujet de certaines questions ayant trait à la sécession du Québec du reste du Canada, rendu le 20 août 1998, le gouvernement du Canada doit reconnaître que les Premières nations ont non seulement accès, en droit international, à l'autodétermination interne, mais aussi à l'autodétermination externe dans les cas prévus par la Cour suprême. Il n'est pas dans l'intention du Conseil tribal Mamuitun d'exercer son droit d'autodétermination externe, mais on n'écarte pas le scénario que dans l'hypothèse d'une sécession du Québec, qu'on puisse avoir le choix politique de demeurer avec le Canada.

Alors cela constitue les quatre principales recommandations qu'on va certainement avoir l'occasion de discuter. Je demanderais au chef Moar de faire la conclusion.

M. Moar: Voilà ce qui constitue l'essentiel de notre mémoire. Celui-ci fait le lien avec les principes véhiculés dans le cadre de notre processus de négociation globale et territoriale avec les gouvernements du Canada et du Québec. Il est également conforme aux objectifs, à la vision et aux aspirations des Innu-Montagnais quant à l'exercice de notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale sur Nitassinan. Nous espérons que ce mémoire permettra au comité sénatorial permanent des peuples autochtones de partager avec le peuple Innu les fondements et les principes relatifs à notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.

[Traduction]

C'est un honneur de comparaître devant le comité, et je tiens à remercier les membres de nous avoir écoutés. Nous répondrons volontiers à vos questions.

Je tiens également à remercier les membres du comité d'avoir permis aux trois chefs, ainsi qu'au négociateur principal, de présenter ensemble cet exposé. Il est important pour nous de présenter un front uni. Pour cela, je vous remercie sincèrement.

(M. Moar parle dans sa langue maternelle)

Le président: Merci. Votre exposé était excellent.

Nous allons d'abord donner la parole au sénateur Gill, qui, je crois comprendre, vient de la même région que nos témoins.

[Français]

Le sénateur Gill: Il me fait plaisir de rencontrer des gens de chez nous ici, à Ottawa, en particulier à l'occasion d'un comité sénatorial. Je suis fier de vous voir et je suis content de vous rencontrer.

Ce que vous nous expliquez ce matin évoque énormément de souvenirs. Je vais reculer plus loin dans le temps parce qu'il y a des jeunes chefs qui n'étaient pas là au moment où l'Association des Indiens du Québec existait. Le sénateur Watt se rappelera sans doute les réunions et les discussions que nous avions, tous les Indiens et les Inuits du Québec, à ce moment-là. Il se souviendra sans doute de toutes les négociations qui ont eu lieu avant 1975 sur la Baie de James, des bons moments et d'autres très difficiles que nous avons eus. Il y avait évidemment une cohésion, une solidarité qui existait depuis un certain temps, avant les années 1975, chez le peuple autochtone du Québec.

Je dirais devant l'inconsistance du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial vis-à-vis les droits autochtones ou, si vous préférez, devant l'empressement de vouloir régler des griefs ou le soi-disant problème indien ou inuit, on a fait des choses qui ne tiendraient certainement pas la route aujourd'hui, c'est-à-dire conclure une entente à tout prix. Des gens ont été énormément bousculés. Il y a eu des scissions.

Il y a eu une entente en 1975. Les Montagnais, je le rappelle pour les jeunes chefs, si vous me le permettez, sont partis négocier ensemble et un autre groupe d'Indiens avait signé une entente. De là, une réflexion considérable a été amorcée chez les Indiens et les Inuits du Québec concernant les droits des autochtones. À ce moment, plusieurs se posaient des questions sur l'existence ou la coexistence entre les autochtones et les non-autochtones au pays. Est-ce que des relations qui se basaient toujours sur des réclamations pouvaient tenir?

Un peuple habitant ce pays depuis des millénaires est-il obligé de réclamer, des gens qu'il a reçus pendant quelques années auparavant, un territoire qui, de toute évidence, lui appartient? J'ai été partie prenante à cette discussion. C'était un non-sens. Il fallait réfléchir à la relation qui devait exister entre les autochtones et les non-autochtones.

En tant que membre de ce comité du Sénat, j'ai la chance, je ne sais pas si c'en est une, d'apporter ma petite contribution à des choses qui pourront peut-être davantage influencer le gouvernement et le Sénat sur l'établissement de vraies relations au pays. C'est la seule façon de construire l'unité du pays, bâtir des relations vraies et solides avec des partenaires égaux.

Quand on parle d'autonomie gouvernementale, j'ai l'impression que c'est une autonomie qui va accepter celle de l'autre. C'est tout un ensemble de démarches à faire et de relations à rétablir au pays. J'espère qu'on le refera. Cela a une incidence au Québec. Si on réussit à établir des relations convenables entre les autochtones et les non-autochtones, les relations entre les francophones et les anglophones se porteront mieux.

Je suis ici pour poser des questions et non pas pour faire des discours. Est-ce que vous voyez actuellement chez les autochtones un changement dans les négociations? Au lieu de réclamer du territoire, comme c'était l'habitude, et de demander au gouvernement fédéral de reconnaître ce droit au territoire, ce droit aborigène à l'utilisation des ressources, à l'autonomie gouvernementale, votre attitude maintenant n'est-elle pas de créer un partenariat, c'est-à-dire que chacun, s'il pense qu'il a des droits, trouve des formules de partenariat pour développer le pays? On ne doit pas «s'enfarger» dans l'histoire du «c'est mon droit, ce n'est pas le tien». Mettons de côté la question de la définition du droit aborigène. Disons que tout le monde accepte que chacun a des droits, sans les définir. À partir de là, on fait des changements pour le futur ensemble. Il y a des compensations à faire. Dans le passé, il y a eu des choses compensées à leur juste valeur. Est-ce possible de faire du développement ensemble dans le futur? Il ne faut pas toujours être à couteaux tirés. autochtones et non autochtones pensent avec raison qu'ils sont dans leur pays jusqu'à un certain point. Que cela fasse des millénaires ou 300 ans, à un moment donné, on pense que l'on est chez soi. Comment s'entend-on à l'intérieur de ce pays? Pouvez-vous faire des commentaires là-dessus?

M. Moar: Mes confrères pourront ajouter des éléments, mais nous ne sommes pas assis à une table de négociation pour quêter, pour justifier l'appartenance de notre peuple envers son territoire. Ce n'est pas dans cette optique que nous sommes assis autour d'une table de négociation, c'est évident.

Nous croyons que si nous prenons les valeurs traditionnelles du respect, du partage et de l'entraide, qu'on les met dans un contexte contemporain et que les parties assises autour de la table ouvrent leurs esprits, on pourra bien faire ce que nos ancêtres ont fait: partager.

Il est très clair qu'il faut trouver des formules et en arriver à un concept de créativité, d'innovation qui va permettre d'essayer des nouvelles formules non conventionnelles, mais qui peuvent apporter des résultats intéressants. On doit être considéré comme des égaux à la table de négociation. On sait très bien que cela demande beaucoup de sensibilisation. Notre tradition orale a transmis de génération en génération toutes nos connaissances ancestrales. On doit arrimer cette façon de faire avec la façon contemporaine d'apprendre. On sait ce qui est bon pour nous. Nos ancêtres étaient de grands visionnaires. Ces gens voyaient l'avenir et pour eux, l'avenir d'un peuple prospère faisait partie de cette vision.

Il est normal qu'on ait cette vision pour notre peuple et pour les générations à venir. La seule façon de le faire est en entretenant une relation égale, de nation à nation. Aujourd'hui, ce ne sont pas vraiment des revendications. C'est peut-être une des raisons de la lenteur des négociations, 20 ans. On était pris avec une politique de revendications territoriales alors que c'est un nouveau contrat social qu'on veut établir avec les autres gouvernements. Les ressources sont là. La manière dont on gère notre façon d'être peut être positive et apporter beaucoup à la société en général. C'est ce concept qu'on doit aborder. Je ne sais pas s'il y a d'autres éléments que les autres chefs veulent aborder.

M. Simon: Le sénateur Gill a eu l'occasion de travailler pendant 20 ans dans le domaine des négociations. Vous venez d'exprimer la réalité qui existe au moment où on se parle. Si je peux exprimer mon avis, le chef négociateur va prendre la parole là-dessus. Politiquement parlant, quand on regarde la situation au Québec, deux mouvements nationalistes traditionnels s'affrontent, les autochtones et le Parti québécois. Essayez d'imaginer dans quel contexte on est actuellement pour soi-disant négocier ce qui nous appartient. L'autre partie à la table, le Parti québécois, véhicule justement les mêmes idées. L'expérience le démontre; depuis 20 ans, on est assis à la table de négociation et on est conscient justement des problèmes qu'on rencontre. Cela fait 20 ans qu'on négocie; si cela n'aboutit pas, quelle sera la prochaine étape?

Les autochtones sont pacifistes. Mais la jeune génération s'en vient. Si nous perdons le contrôle, probablement qu'il va y avoir des affaires négatives. Au Québec, il y a eu des affaires négatives dans les années 80 et 90. On a vécu l'expérience des Micmacs l'été dernier, et aussi au Nouveau-Brunswick. S'il n'y a pas de compréhension mutuelle entre les gouvernements et les autochtones, la situation ne se réglera pas de sitôt.

M. Kurtness: Je ne reviendrai pas au préambule du sénateur Gill. Je pense que vous avez une très bonne connaissance de l'histoire des relations entre les Premières nations et les gouvernements du Canada et du Québec. Mais puisque vous nous interpellez sur notre attitude et celle des gouvernements à la table des négociations, je suis bien placé, étant le négociateur en chef des communautés du Conseil tribal Mamuitun, pour vous expliquer comment on se comporte à la table centrale. D'abord, on se comporte comme un gouvernement.

On se comporte comme le titulaire et le gestionnaire de ce territoire, mais on veut démontrer une certaine ouverture aux deux autres gouvernements pour partager ces ressources sur ce territoire. Pour avoir une véritable autonomie gouvernementale, il faut avoir une relation de nation à nation, de gouvernement à gouvernement.

Vous parliez plus tôt de partenaires égaux et c'est dans cet esprit qu'on est à la table centrale de négociations. Je ne suis pas certain que les deux autres acteurs aient la même attitude et qu'on n'ait pas une attitude plus paternaliste ou une attitude de décideur sur le développement sur ce territoire.

Pour avoir accès à une véritable autonomie gouvernementale, on vise d'abord un rattrapage économique. Nos conditions socioéconomiques en ce moment sont très en dessous de celles de nos voisins québécois et canadiens. Au départ, on vise ce rattrapage économique et, par la suite, on veut devenir des partenaires dynamiques dans le développement et dans le régime fiscal, s'il le faut, des Premières nations de Mamuitun. C'est dans ce contexte qu'à la table centrale de négociations on interpelle les deux autres gouvernements sur le véritable sens à donner au partenariat. Le chef Ross en a fait mention plus tôt.

Pour nous, le partenariat est basé sur deux éléments fondamentaux. L'un d'eux est le rétablissement d'une relation de confiance durable -- et Dieu sait qu'on a du chemin à faire entre Premières nations et non-autochtones -- basée sur le consentement mutuel des parties, c'est-à-dire qu'on est deux à participer au processus de décision et à la décision finale. Évidemment, cela ne se fait pas toujours de façon très sereine, mais c'est dans cet esprit qu'on est à la table centrale de négociations.

Je terminerai en disant que si cela fait 20 ans que le processus de négociation perdure, c'est qu'on est encore dans une politique qui nous demande d'échanger nos droits alors que notre attitude est plutôt de demander aux trois parties de reconnaître mutuellement ces droits. On travaille dans une perspective de reconnaissance de droits plutôt que d'extinction de droits.

[Traduction]

Le sénateur Austin: Merci. J'ai trouvé votre mémoire fort intéressant et utile.

J'aimerais savoir, après avoir écouté vos commentaires, lequel des quatre modèles vous inspire le plus. Nous avons les modèles Inuvialuit, Yukon, Nishga et Cri-Naskapi. Il existe de grandes différences entre eux, mais j'aimerais savoir s'il y a un modèle que vous privilégiez dans vos négociations avec le Canada? Je laisse le Québec de côté pour l'instant.

[Français]

M. Kurtness: On s'inspire de l'ensemble des modèles d'autonomie gouvernementale y compris ceux auxquels vous avez fait référence, c'est-à-dire Inuvialuit, Yukon, Nishgas et Cri-Naskapi. On considère qu'en matière de traités, on chemine vers ce qu'on appelle une quatrième génération de traités, c'est-à-dire qu'il y a eu les traités avant la Confédération, les traités numérotés et il y a eu aussi les traités dans le cadre de la politique des revendications territoriales et globales. On fait référence entre autres à l'entente des Cris, des Naskapis, des Inuits. Je qualifierais d'une troisième génération de traités l'entente des Nishgas qui est le dernier traité à avoir été signé au Canada. On chemine vers une quatrième génération de traité parce qu'on dit qu'on ne veut pas échanger nos droits. On veut négocier sur la base de la reconnaissance de ces droits.

Le modèle d'autonomie gouvernementale qu'on privilégie est un modèle largement inspiré de ceux auxquels vous avez référé, mais particulièrement celui des Nishgas, entre autres au niveau de la primauté des lois. On sait que dans le Traité des Nisga'a, le gouvernement fédéral, celui de la Colombie-Britannique et le gouvernement Nishga exercent de façon exclusive des lois. Par contre, selon les secteurs, nous privilégions la langue, la culture, le développement de nos institutions et les compétences exclusives. En matière de gestion ou de développement des ressources naturelles et en matière d'environnement, on voudrait avoir des compétences partagées avec les deux autres partenaires ou les deux autres gouvernements.

Bien sûr, en matière de défense nationale ou de sécurité nationale, on est prêt à reconnaître des compétences exclusives au gouvernement fédéral. C'est le type d'approche qu'on a à la table centrale de négociations, c'est-à-dire être de véritables partenaires avec des compétences exclusives dans certains cas et dans d'autres cas des compétences partagées, mais sur l'ensemble du Nitassinan des Premières nations de Mamuitun.

[Traduction]

Le sénateur Austin: Prenons l'entente des Nishgas, que vous qualifiez de traité de troisième génération.

Je crois comprendre que, dans cette entente, les deux gouvernements reconnaissent les principes de l'arrêt Delgamuukw, même si ce jugement a été rendu tardivement dans le processus de négociation du traité. Néanmoins, les deux gouvernements ont reconnu qu'ils négociaient sur la base de la reconnaissance des droits des Nishgas. Ces droits, qualifiés d'ancestraux, ont d'ailleurs été définis dans le jugement Delgamuukw. Par conséquent, les négociations, comme vous l'avez mentionné, ont porté sur différents sujets, suivant les trois concepts que vous venez de décrire, monsieur Kurtness: les compétences exclusives, les compétences partagées, et les compétences propres au Canada ou à la Colombie-Britannique.

Pour revenir au modèle que vous privilégiez, est-ce que la Charte des droits, en tant que loi du Canada, devrait s'appliquer dans toute entente sur l'autonomie gouvernementale que vous négocieriez avec le Canada? Elle s'applique dans le cas de l'entente des Nishgas, par exemple. Les Nishgas ont accepté de reconnaître la primauté de la Charte. Ils l'ont fait par voie d'entente pour les trois types de compétences: soit exclusives, partagées et encore une fois exclusives. Ils ont convenu que les droits garantis par la Charte sont des droits partagés. Cette reconnaissance constituait un élément essentiel de l'entente en Colombie-Britannique, qui est ma province d'origine. Êtes-vous en mesure de nous dire si votre peuple juge cette formule acceptable? Vous avez certainement le droit de réserver votre jugement, parce que je sais que vous allez négocier avec les deux gouvernements. Il nous serait toutefois utile de savoir si cette formule est acceptable ou non.

[Français]

M. Kurtness: Je vais faire une réponse courte. Malgré le fait que vous ayez référé au jugement Delgamuukw, et auquel, comme le chef Moar l'a précisé au début, nous souscrivons, le scénario que nous explorons à la table de négociation en est un de cheminement vers un ordre de gouvernement que nous exercerions de façon progressive.

Mais puisque nous sommes dans un processus de traité et que nous engagerons notre peuple pour les 50 ou les 100 prochaines années, il n'est pas exclu que l'on se dote de notre propre charte de droits et libertés. Mais entre-temps, nous sommes ouverts à ce que la Charte des droits et libertés canadienne, et possiblement québécoise, continuent de s'appliquer parce que fondamentalement nous voulons la protection de nos citoyens.

Toutefois, nous n'excluons pas le scénario dans lequel nous pourrions nous doter éventuellement de notre propre charte des droits et libertés, qui elle bien sûr, serait davantage conforme à la culture, aux particularités culturelles de notre peuple. Mais au moment où l'on se parle, nous n'excluons pas le scénario dans lequel la Charte des droits et libertés pourrait s'appliquer.

[Traduction]

M. Moar: Je vais essayer de répondre en anglais.

Nous devons, en tant que peuple autochtone, apprendre à gérer la diversité, et il s'agit là d'un défi de taille. C'est en fait un principe ancestral que nous reconnaissons.

La terre nous enseigne beaucoup de choses, dont le principe de la diversité. Nous le voyons dans les arbres -- c'est-à-dire, dans les différentes espèces d'arbres et dans les différents tons de vert que nous donne la terre.

La diversité a ceci d'intéressant qu'elle fait partie d'un tout. Nous devons donc apprendre à la respecter. C'est pourquoi, quand nous parlons de l'entente des Nishgas, de la convention de la baie James ou des ententes conclues dans d'autres régions du pays, nous avons, sur le plan politique, un certain respect pour ceux qui ont négocié ces ententes. Nous ne pouvons pas critiquer leurs décisions ou porter un jugement sur celles-ci.

Il doit y avoir partage des compétences dans certains domaines. Toutefois, nous devons définir un nouveau cadre où les principes de respect et de partage seront reconnus comme un tout, pour tous les peuples. La reconnaissance de nos titres et de notre droit à l'autonomie gouvernementale s'inscrit dans cette initiative.

Il ne faut pas oublier que, en tant que peuple autochtone, nous respectons les décisions qui ont été prises dans le passé. Nous ne voulons pas porter de jugement sur les autres.

Le sénateur Austin: La question de savoir si l'entente des Nishgas, une fois entérinée par l'assemblée législative provinciale et par les deux Chambres du Parlement, constituera un troisième ordre de gouvernement soulève des discussions intéressantes en Colombie-Britannique. L'entente est constitutionnalisée, ce qui veut dire qu'elle ne peut être modifiée sans l'accord de Nishgas.

Les mots «troisième ordre de gouvernement» sont peut-être pour vous très significatifs. La question qu'il faut se poser est la suivante: est-ce que vous jouissez de la protection de la Constitution, de sorte que personne ne peut modifier l'entente une fois acceptée? Ou est-ce que l'idée d'un troisième ordre de gouvernement renferme une autre forme de protection?

Je ne peux pas vous demander de répondre à cette question, mais je tenais à faire ressortir cette distinction.

[Français]

Le sénateur St. Germain: J'aimerais vous poser des questions en anglais parce que je représente la Colombie-Britannique.

[Traduction]

Je tiens à vous remercier pour votre excellent exposé. Après avoir participé à des négociations pendant plus de 20 ans, il est normal qu'on ressente une certaine frustration. Toutefois, je ne connais pas très bien votre région -- ni, d'ailleurs, la mienne. Je consulterai donc le sénateur Gill, au besoin. J'espère qu'il sera en mesure de nous aider à comprendre certaines des questions complexes que vous êtes en train de négocier.

Je voudrais vous parler de la situation qui existe en Colombie-Britannique. Ce que nous sommes en train de faire, essentiellement, c'est d'établir un troisième ordre de gouvernement. Les détracteurs du projet soutiennent qu'il s'agira d'un gouvernement dit racial, et l'opposition à l'entente des Nishgas ne cesse de grandir sur la côte Ouest. On laisse également entendre que ce troisième ordre de gouvernement modifie la Constitution, et qu'il faudrait soumettre la question à un référendum.

Le sujet est controversé, et je ne veux pas vous mettre dans l'embarras. Toutefois, si vous pouviez répondre à la question, cela nous serait bien utile.

Votre opinion est importante, parce que vous êtes des autochtones et que vous venez de régions différentes du pays.

[Français]

M. Kurtness: Si vous me permettez, je vais faire le lien avec votre question et je vais répondre à la préoccupation du sénateur Austin selon laquelle nous voulons que le traité renferme une protection constitutionnelle.

En souhaitant que notre traité renferme une protection constitutionnelle, cela ne nécessite pas des amendements constitutionnels, mais il y a eu lieu de préciser ce qu'on entend par troisième ordre de gouvernement.

Quant à la question du sénateur St. Germain sur le gouvernement dit racial ou ethnique, nous y réfléchissons dans nos communautés mais nous sommes ouverts à tous les scénarios, y compris celui de l'anticonstitutionnalité de notre traité. Nous voulons éviter qu'il soit considéré comme un traité racial.

Nous sommes prêts à explorer des compétences qui auraient une portée individuelle ou territoriale, que ce soit des Innus qui vivent sur ce territoire ou des non-Innus.

C'est pour cela qu'on explore le scénario de compétence exclusive dans lequel nous n'aurions une juridiction que sur les Innus et des compétences partagées dans lesquelles deux ou trois gouvernements auraient juridiction sur ce territoire et les individus qui y vivent. Le chef Moar va compléter.

[Traduction]

M. Moar: Je ne sais pas si c'est le fait de passer à un siècle nouveau, mais s'il y a une chose qui nous motive vraiment, c'est le changement. Je vais essayer de m'expliquer.

Nous avons toujours été obligés de changer notre mode de vie, de nous adapter à des réalités sur lesquelles nous n'exercions aucun contrôle. Cela fait partie de nos habitudes. C'est pourquoi nous essayons de garder l'esprit ouvert. Nous percevons peut-être ce troisième ordre de gouvernement sous un angle différent.

À la maison, nous parlons également le français. Comme vous le savez, quand une personne s'adresse en français à un anglophone, elle est parfois obligée de lui donner beaucoup d'explications. Il y a des Français qui sont venus nous rencontrer, et ils ont été, eux aussi, obligés de nous expliquer le sens des mots qu'ils utilisaient.

Nous pouvons nous entendre si nous collaborons ensemble et si nous sommes prêts à essayer des approches nouvelles.

Le sénateur St. Germain: On nous a dit que vous voulez la compétence exclusive dans le domaine de l'environnement et de la gestion des ressources. Je n'ai peut-être pas bien saisi vos propos quand vous avez abordé la question. Comme l'a mentionné le sénateur Austin, et d'après ce que j'ai lu dans l'entente des Nishgas, pour l'ensemble des ressources, qu'il s'agisse des forêts, des mines ou autres, les normes minimales seraient fixées par les provinces et le gouvernement fédéral.

Voulez-vous être exclus de cette application? Voulez-vous la compétence exclusive en matière de gestion des ressources et de l'environnement, ne pas être obligés de vous assujettir aux normes établies par les gouvernements fédéral et provinciaux?

[Français]

M. Kurtness: On souhaite en matière de gestion des ressources et de l'environnement plus de compétences partagées. L'environnement étant géré de façon de plus en plus planétaire, on ne veut pas une compétence exclusive en cette matière, au contraire.

On dit cependant, dans notre négociation territoriale et globale, qu'en matière d'environnement, on a des connaissances millénaires. On veut jouer un rôle plus prépondérant dans la gestion de l'environnement. C'est ce que l'on souhaite dans toutes les lois ou les politiques environnementales. Fondamentalement, ce que l'on souhaite en matière de gestion des ressources et de l'environnement, ce sont des compétences partagées avec les autres gouvernements.

[Traduction]

M. Moar: Nous entendons souvent dire que les peuples autochtones ont des liens spirituels avec la terre. Nous considérons la terre comme étant notre mère. J'avais à peu près 20 ans quand j'ai lu l'histoire d'un chef qui discutait de la Terre mère avec le gouvernement. Les représentants du gouvernement lui ont dit qu'il pouvait abattre les arbres qui se trouvaient sur la terre qu'ils lui donnaient, et remettre les profits à son peuple. Le chef a répondu: «Est-ce que vous scalperiez votre mère?» Après avoir lu cela, je me suis donné pour mission de sauver les forêts. Nous voilà 20 ans plus tard, et j'ai aujourd'hui des rapports plus civilisés avec ma mère -- et aussi une meilleure coupe de cheveux -- et je lui ai posé des questions à ce sujet. Notre approche est différente. Nous avons une façon différente de voir les choses.

[Français]

Le sénateur Pearson: Vous avez parlé des consultations avec votre peuple. J'aimerais beaucoup savoir comment vous impliquez les jeunes, les filles et les garçons, dans le processus des négociations à l'intérieur des consultations?

M. Moar: On devrait donner trois réponses différentes parce qu'on vient de trois communautés différentes. L'éducation est quelque chose que progressivement on est en train de prendre en charge. Depuis 15, 20 ans, on a pris en charge les programmes administratifs des services d'éducation. Au cours de ces années, il a fallu négocier une autre fois pour inclure notre culture dans notre curriculum. C'est quelque chose qui se fait encore progressivement aujourd'hui.

Heureusement pour nous, on peut maintenant avoir l'appui des institutions éducatives pour notre culture, pour notre langue. Chez nous, on est en train de développer notre histoire.

J'ai eu l'occasion de côtoyer les deux mondes avec mes amis, le français et l'anglais. Je peux vous dire que j'ai eu deux sons de cloche sur l'histoire du Canada. La seule chose commune était que nous étions toujours vus comme les mauvais. J'espère que cela change. Tranquillement, on est en train d'intégrer cela.

Dans ces cours d'histoire, on implique beaucoup les jeunes. Au-delà de 50 p. 100 de notre population a moins de 25 ans. À certains endroits, cela peut aller jusqu'à 70 p. 100. Ils sont avides d'information. Il est de notre obligation et de notre responsabilité de le faire.

On constitue des conseils de jeunes. On se sert beaucoup de l'école pour les intégrer dans un processus de consultation. On doit les écouter. On essaie vraiment de les impliquer, sauf qu'ils vivent une autre réalité.

Je suis père de cinq enfants. Les gens disent que la politique me fait blanchir. Je réponds que ce n'est peut-être pas exactement cela. Il y a deux types de cheveux blancs, dont ceux qui proviennent de l'adolescence, et les préoccupations ne sont pas les mêmes mais elles sont fortes. Souvent les autres chefs nous disent: qu'est-ce que vous attendez? Regardez comment cela se règle. Regardez comment les gouvernements règlent les affaires avec les autochtones. On doit les retenir et leur dire d'avoir confiance au processus de négociation. C'est une question de temps. Ils veulent un avenir meilleur et une vision plus saine de l'avenir.

Le sénateur Pearson: Est-ce que les autres témoins ont d'autres réponses?

M. Kurtness: La proposition d'entente de principe déposée en février 1997 aux gouvernements du Canada et du Québec avait au préalable fait l'objet de consultations auprès de groupes et auprès des membres de chacune de nos communautés. Cette entente avait été approuvée par nos autorités politiques. En ce qui concerne plus particulièrement les jeunes et les femmes, ils constituaient des groupes consultés. On est même allé rencontrer des étudiants du postsecondaire à l'extérieur de nos communautés. Dans les cégeps ou les universités, il y avait un regroupement intéressant de nos membres. Effectivement, les jeunes et à peu près tous les groupes d'âge ont été consultés avant le dépôt de notre proposition d'entente de principe.

[Traduction]

Le président: J'ai écouté votre exposé et analysé vos quatre recommandations, et j'estime que nous devons examiner encore plus à fond les quatre grandes recommandations que vous formulez, surtout en ce qui concerne la coexistence, la cogestion, et la question de savoir qui aurait la compétence exclusive sur un territoire dont la superficie reste à déterminer.

Je sais qu'il est difficile de trouver sa place dans un système, surtout quand on en a été exclu pendant de nombreuses années, et de participer pleinement aux décisions touchant un territoire qui, autrefois, était géré par d'autres. En effet, nous estimions, à un moment donné, exercer un contrôle sur certains territoires.

Nous n'en sommes pas encore au stade de la coexistence, c'est-à-dire au stade où nous avons conclu une entente de partenariat qui ne modifie ni la Constitution, ni les autres secteurs de compétence importants du gouvernement fédéral et des provinces. Il sera intéressant de voir si nous sommes capables de trouver une formule qui fonctionne.

Nos ancêtres ont conclu, il y a de nombreuses années, des traités avec les autorités. Bon nombre de ces traités ont été mal interprétés et ont donné lieu à des malentendus. Nous n'avons pas été en mesure de tirer parti des richesses de nos territoires. La question du titre foncier est très importante, car notre économie en dépend. Sans titre foncier, vous n'avez aucun pouvoir et vous ne pouvez exercer votre compétence sur ces terres. Vous avez peut-être une petite parcelle de terre sur laquelle vous exercez un contrôle, sauf que vous n'avez pas le droit de participer aux décisions qui touchent les terres avoisinantes et qui pourraient avoir un impact sur la vôtre.

Je trouve votre exposé fort encourageant. Nous aimerions que vos organisations nationales participent, de façon permanente, à notre table ronde. Nous aimerions aussi que votre groupe continue de chercher des idées nouvelles et des solutions qui serviraient les intérêts de notre peuple.

[Français]

Le sénateur Gill: Je remercie les gens du conseil et de la bande de Sept-Îles et les autres qui sont ici. Je suis heureux de vous voir. Je pourrais dire que ce genre de présentation est le rêve de ma vie.

Cela va être fait dans la mesure où les gens acceptent que l'autre a des valeurs qui peuvent l'amener à contribuer à améliorer la société. Vous avez contribué par votre présentation et le travail qui est en train de se faire à créer de la solidarité et de l'espoir. J'ai beaucoup d'espoir. Je vous félicite au nom des membres du comité du Sénat.

[Traduction]

M. Kurtness: Merci, monsieur le président et sénateurs, pour le respect et l'attention que vous nous portez. Nous acceptons avec plaisir de participer à votre table ronde.

Le président: Nous allons maintenant entendre le Congrès des peuples autochtones de Saskatchewan, représenté par M. Sinclair, que nous connaissons bien. M. Sinclair a participé au débat sur la Constitution en 1982. En fait, il a joué un rôle déterminant dans l'inclusion de l'article 35 dans la Constitution. Il connaît bien le processus politique. Nous lui souhaitons la bienvenue. Vous avez la parole.

M. Jim Sinclair, président, Congrès des peuples autochtones (Saskatchewan): Bonjour. Je félicite le Sénat pour l'intérêt qu'il porte aux questions touchant les autochtones, et surtout nos anciens combattants. J'aborderai plus tard certaines de ces questions avec vous.

Nous allons d'abord écouter les représentants du groupe de travail du Traité 4, MM. Ron Crowe et Tony Côté. Ils vont vous expliquer ce que nous essayons de faire en Saskatchewan pour ce qui est de l'application des traités.

M. Ron Crowe, représentant du groupe de travail du Traité 4: Bonjour. C'est la première fois que je comparais devant un comité sénatorial. Je fais donc appel à votre indulgence. Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous rencontrer.

Je crois que vous avez tous une copie de notre plan de mise en oeuvre de la régie du Traité 4. Je n'ai pas l'intention de lire tout le document, mais seulement certains points importants en ce qui concerne les Premières nations et la façon dont nous percevons le processus de régie du Traité 4.

La première page du document, où l'on retrouve le plan d'action et les objectifs, constitue un cadre général pour le développement et la mise en oeuvre du volet régie du Traité 4. Les éléments du cadre sont les suivants: les principes directeurs pour la stratégie et le modèle de régie, le fondement du traité et les hypothèses sous-jacentes au modèle de régie, la structure et l'organisation relative à la régie, une «Déclaration de régie» couvrant les éléments précités, et les caractéristiques des démarches et des plans d'action proposés. Tous ces renseignements figurent dans le document.

Je vais vous donner brièvement notre vision du plan.

Les Premières nations visées par le Traité 4 partagent une vision commune de l'avenir, convaincues que le traité sera mis en oeuvre conformément à l'esprit, à l'intention et aux principes qui le sous-tendent. Nous voyons les Premières nations comme étant un peuple autonome, prospère et uni, doté de communautés fortes, équilibrées et indépendantes qui sont responsables de leur propre destin. Notre peuple atteindra l'équilibre et l'harmonie sur les plans spirituel, physique et émotionnel. L'évolution des Premières nations et le bien-être des communautés contribuera à améliorer la qualité de vie de notre peuple pour des générations à venir.

Certains des aspects de notre vision servent de fondement à notre plan d'action.

À la page 4 du document, nous décrivons certaines des activités que nous entendons poursuivre. Nous voulons établir un plan de régie du Traité 4; confier au comité de régie du Traité 4 la mise en oeuvre et la gestion du plan d'action; rédiger une déclaration du Traité 4 et poursuivre la construction du centre de régie du Traité 4.

Ce quatrième point est crucial. Nous sommes en train de construire un centre de régie du Traité 4 au coeur même de notre territoire, soit à Fort Qu'Appelle, en Saskatchewan, lieu où a été signé le Traité 4 en 1874. Il s'agit là, pour nous, d'une démarche importante, car elle fait état de notre engagement envers le traité et le processus de régie.

Je vais vous décrire, sans entrer dans les détails, les principales hypothèses qui sous-tendent la stratégie. Il est important d'examiner ces points pour comprendre le processus d'élaboration de la stratégie de régie du Traité 4.

Je compte toutefois reprendre les principes clés sous-jacents, énoncés à la page 7, qui servent de fondement à la stratégie.

Premièrement, nos actions et nos démarches doivent refléter nos valeurs et notre culture. Deuxièmement, nos efforts doivent viser des résultats pratiques, visibles à notre peuple. Troisièmement, nos décisions doivent être prises de façon transparente pour notre peuple. Quatrièmement, nous devons tabler sur nos points forts comme notre traité, notre culture et nos valeurs. Cinquièmement, notre planification doit être réaliste et reconnaître les contraintes actuelles. Sixièmement, nos démarches doivent promouvoir la collaboration et le consensus. Septièmement, notre planification doit faire le lien entre les coûts et les avantages; il nous faut plus de fonds pour aller de l'avant. Huitièmement, il nous faut encourager la participation et la loyauté des Premières nations et de notre peuple. Neuvièmement, nous devons bâtir et maintenir la confiance grâce à l'équité et au respect parmi nos peuples. Dixièmement, nous devons reconnaître que la diversité est source de force. Finalement, nous devons accorder la priorité aux questions énumérées dans cette page.

Nous traitons ensuite du fondement de la régie du Traité 4. La Proclamation royale de 1763 reconnaît aux Premières nations le titre de propriété et stipule que la Couronne ne peut acquérir des terres traditionnelles autochtones qu'avec le consentement des peuples autochtones. Lorsque le Traité 4 a été signé en 1874, les deux parties ont convenu que les Indiens conservaient les ressources du territoire indien de 75 000 pieds carrés visé par le traité. Ce fait est confirmé par la tradition orale chez nos chefs et nos anciens, promesse qui n'a pas été tenue. Le Traité 4 est un traité international et ne peut être modifié ou abrogé unilatéralement par le gouvernement du Canada. Dans tous les cas, il faut obtenir le consentement officiel de nos Premières nations. La Constitution canadienne reconnaît notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. La Cour suprême du Canada dans la cause Delgamuukw affirme ce qui suit:

... la Couronne a l'obligation morale, sinon légale, d'entreprendre et de mener des négociations de bonne foi. À terme, c'est par des règlements négociés... que nous réaliserons... la réconciliation des sociétés autochtones préexistantes avec la souveraineté de la Couronne...

La Commission royale sur les peuples autochtones précise que les limites du pouvoir autochtone, au sein du droit inhérent, relèvent de trois principes: les gouvernements autochtones détiennent le pouvoir actuellement détenu par le Parlement fédéral en vertu du paragraphe 91(24); lorsqu'un conflit surgit entre les lois fédérales et autochtones, les lois autochtones priment; et l'interaction entre les lois autochtones et provinciales est régie par la règle qui régit les relations entre les lois fédérales et provinciales.

Je vais rapidement passer en revue quelques-unes des caractéristiques du système de régie du Traité 4. Les principes directeurs de la régie sont: la représentation des intérêts politiques et gouvernementaux collectifs des Premières nations; l'application de l'esprit de la tradition orale du Traité 4; la promotion et l'avancement du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale; la protection et la mise en place de notre pouvoir sur le peuple, les terres et les ressources; l'adoption d'ententes, d'associations et d'alliances jugées nécessaires ou bénéfiques à la mise en oeuvre et à l'application des pouvoirs et de la régie du Traité 4. Tels sont les principes directeurs liés au système de régie du Traité 4.

Les pages 10, 11, 12 et 13 exposent certaines options relatives à la structure de régie du Traité 4 et représentent les discussions que nous allons avoir avec les autochtones au sein de nos collectivités, non seulement dans nos réserves, mais aussi dans les centres urbains qui constituent également le territoire visé par le Traité 4.

Alors que nous progressons et prenons ces mesures audacieuses, nous devons avoir un point de départ nous permettant d'exercer une régie authentique. Il est proposé d'élaborer une déclaration du Traité 4. Les 33 Premières nations du Traité 4 signeront un protocole officiel affirmant leur consensus à propos des catégories suivantes: la signification, l'application et la mise en oeuvre du Traité 4 par rapport à notre système de régie et certains aspects de la déclaration du Traité 4; la signification et l'interprétation du Traité 4; la convention du Traité 4 concernant les relations; les pouvoirs et l'autonomie en vertu du Traité 4; le Traité 4 comme fondement de l'autodétermination et de l'autonomie gouvernementale; les principes de régie du Traité 4; la structure de la régie du Traité 4; les procédures d'exploitation et de gestion pour la régie du Traité 4, et cetera.

Certaines des discussions qui ont eu lieu lors de l'élaboration de notre plan de mise en oeuvre et de notre concept figurent dans ce document. Celle qui me vient à l'esprit se trouve à la page 16, au point numéro 6. Le Traité 4 signifie que tous nos peuples, tous les membres de nos 33 Premières nations, indépendamment de leur lieu de résidence, détiennent la propriété collective du territoire visé par le Traité 4. Cela veut dire que nous avons droit aux avantages que l'on peut retirer de ces terres et de ces ressources. Cela signifie également que les membres des Premières nations qui se trouvent en dehors des réserves ne sont pas sans terre, contrairement à ce que le ministère des Affaires indiennes voudrait nous faire croire. En fait, le territoire visé par le Traité 4 est notre territoire propre. Bien sûr, les autres déclarations figurant sur cette page sont intéressantes, mais celle-ci touche juste, car elle vise tous nos membres.

C'est ainsi que se termine mon exposé qui est une introduction au processus de régie du Traité 4. Nous travaillons avec la Federation of Saskatchewan Indian Nations qui dispose d'un processus de régie. Nous espérons conserver de bonnes relations avec cette fédération et espérons pouvoir obtenir les ressources nécessaires pour consulter l'ensemble de notre peuple au sujet de ce plan de mise en oeuvre. Nous ne voulons pas en faire une approche descendante, nous voulons que cela provienne de la base, de nos membres qui vivent dans les collectivités et les centres urbains.

Ceci étant dit, j'aimerais présenter mon ami et collègue, qui est vice-président du Forum des chefs du Traité 4, dont je suis moi-même le président. Voici donc Tony Côté, du Conseil tribal Yorton.

Je suis disposé à répondre aux questions que vous souhaiterez poser.

M. Tony Côté, vice-président, Forum des chefs du Traité 4, vice-président de la Saskatchewan First Nations Veterans' Association: Mon exposé traite de certaines des questions auxquelles beaucoup de nos anciens combattants sont confrontés depuis cinquante-trois ans. L'exposé de mon collègue traitait des aspirations et du développement du Traité 4. Toutefois, en ma qualité de vice-président de la Saskatchewan First Nations Veterans' Association, mon rôle est différent.

Comme vous le savez, nous avons présenté une demande de réparation au gouvernement de la Saskatchewan. Nous pensons que nous n'avons jamais été traités équitablement à notre retour des guerres.

Les anciens combattants indiens de la Saskatchewan ont participé à la Première Guerre mondiale, à la Deuxième Guerre mondiale et à la Guerre de Corée. Nous avons combattu avec nos frères non indiens dans les tranchées. Certains de nos frères des Premières nations ont été blessés, tués au combat ou faits prisonniers de guerre. Tout allait bien lorsque nous servions au sein des forces armées comme tireurs d'élite, éclaireurs pour des missions de reconnaissance et lorsque nous remplissions les autres fonctions qui nous étaient assignées. Nous nous sommes battus de bon coeur pour notre pays, même si nous n'étions pas censés participer à quelque guerre que ce soit, selon le traité conclu par mon arrière-grand-père, l'un des signataires du Traité 4. Je veux parler de Gabriel Côté, qui représentait la tribu Saulteau de notre région.

Lorsque la guerre a éclaté, certains jeunes Indiens ont pensé qu'il était de leur devoir de se battre pour leur pays. Les anciens leur ont rappelé qu'ils n'étaient pas tenus de le faire. Mon père est un ancien combattant de la Première Guerre mondiale. Avant que quiconque puisse participer à la guerre, le conseil des anciens discutait deux jours et deux nuits pour savoir s'il allait autoriser les jeunes Indiens à participer. Il a ainsi décidé qu'ils participeraient pour protéger notre pays, ainsi que pour les générations futures.

Ils ont donc participé à la Première Guerre mondiale avec leurs frères non indiens. Cela a ouvert la porte pour la Deuxième Guerre mondiale et la guerre de Corée. En ce qui concerne la Saskatchewan, plus de 600 Indiens ont participé aux trois guerres.

Tout allait bien dans les forces armées; nous avions la possibilité d'obtenir des promotions. Certains d'entre-nous ont été blessés, d'autres tués. Nous souffrons et mourons de la même façon que l'homme blanc.

Tout allait bien jusqu'à ce que nous revenions des guerres, puisque c'est à ce moment-là que nous avons commencé à être traités différemment. La plus grande controverse découle de la décision du ministère des Anciens combattants de remettre les prestations des Anciens combattants indiens au ministère des Affaires indiennes. Beaucoup des fonctionnaires des Affaires indiennes avaient une attitude très négative à notre égard et nous ont donné ce à quoi, d'après eux, nous avions droit. Nous nous sommes aperçus plus tard que nous n'avions pas obtenu toutes les prestations que nos frères non indiens avaient reçues. Nous n'avons pas eu de logement pour anciens combattants. Nous n'avons pas obtenu le prêt de 6 000 $ offert à ceux qui n'étaient pas des anciens combattants. Certains d'entre eux ont reçu des terres qui appartenaient à la bande indienne, ce qui a suscité beaucoup d'animosité, car les terres attribuées aux bandes indiennes étaient censées appartenir à la collectivité.

Nous soutenons que nous aurions dû recevoir des terres à l'extérieur des réserves pour faire de l'agriculture. Nous n'avons pas eu de programme d'adaptation au milieu ni de formation professionnelle. J'aurais aimé fréquenter le collège pour poursuivre mes études, mais on ne m'en a pas donné l'occasion. Aucun ancien combattant indien n'en a eu l'occasion.

Avant que les anciens combattants de la Première Guerre mondiale ne rentrent au pays, les ministères ont procédé à l'examen des terres indiennes. Ils ont pris les terres cédées pour les donner à nos frères non indiens tandis que les anciens combattants indiens n'ont reçu aucune terre. La même situation s'est reproduite après la Deuxième Guerre mondiale.

Il y a bien d'autres avantages dont nous n'avons pas bénéficié. Certains anciens combattants ont reçu de l'aide pour faire de l'agriculture. Beaucoup d'entre nous n'en avons pas reçu et nous allons de nouveau saisir le gouvernement de cette question.

Une étude effectuée par le sénateur Andreychuk il y a quelques années a donné lieu à dix recommandations; aucune n'a été mise en oeuvre. C'est ce qui nous inquiète et c'est la raison pour laquelle nous avons présenté notre demande le 1er décembre 1998.

Le sénateur St. Germain: Monsieur le président, lorsque des groupes comme celui-ci comparaissent devant nous, il serait bon d'avoir une carte de façon que nous puissions voir les territoires dont ils parlent. Peut-être pourrions-nous demander à notre personnel de nous préparer un document qui nous donnerait une meilleure idée de ce dont nous parlons.

Est-ce que les négociations sur l'autonomie gouvernementale qui ont eu lieu avec d'autres groupes autochtones du pays s'appliquent à votre situation?

M. Crowe: Pour ce qui est de votre première observation, je vais vous donner une idée du territoire dont nous parlons; il recouvre toute la partie sud de la Saskatchewan, près de 100 milles carrés de l'Alberta et une partie du Manitoba.

Le sénateur St. Germain: Jusqu'où s'étend-il vers le nord?

M. Crowe: Il s'étend jusqu'au sud de Saskatoon seulement. Les cartes délimitent le territoire visé par le Traité 4 ainsi que tous les territoires visés par des traités au Canada. Je les apporterai la prochaine fois.

Quant aux autres processus en cours pour l'autonomie gouvernementale des Premières nations, ils ne me semblent pas appuyer ni compléter ce que nous recherchons. L'autonomie gouvernementale que nous recherchons est inscrite dans le document du traité et dans les négociations liées au traité. Il y est question d'un territoire géographique particulier et de principes fondamentaux de traité. Il y a du pour et du contre dans beaucoup d'autres accords, mais en ce qui me concerne, cette démarche va plus loin que les objectifs visés par certains de ces processus.

À l'heure actuelle, la Federation of Saskatchewan Indian Nations et le gouvernement fédéral ont un processus de régie en place. Nous travaillons dans le cadre de ce processus le mieux que nous le pouvons pour nous assurer que cette position sera prise en compte. Nous espérons que grâce au changement de processus de régie et éventuellement aux modifications apportées aux lois, nous pourrons présenter cela comme un modèle de régie basé sur les principes de traité et les territoires visés par le traité.

Le sénateur St. Germain: Dans votre proposition d'autonomie gouvernementale, voulez-vous votre terre en fief simple? Voulez-vous en avoir le titre de manière à pouvoir la grever comme vous le souhaitez ou voulez-vous que la terre reste au nom de la Couronne?

M. Crowe: C'est une question fort importante.

Je ne crois pas que les avoirs fonciers doivent être en fief simple, si l'on pense à nos meilleurs intérêts. Ils doivent être détenus en fiducie et appartenir collectivement à notre peuple. Nous devons trouver des mécanismes et des processus qui nous permettent de tirer le meilleur parti possible de la terre, de manière équitable et adéquate, pour faire en sorte qu'elle rapporte un revenu. Toutefois, je ne crois pas que les avoirs fonciers doivent être détenus en fiducie par le gouvernement; ils doivent plutôt être détenus collectivement par notre propre peuple dans le cadre de notre processus de régie.

Des bandes du Traité 4 sont maintenant parvenues à un accord au sujet de leurs revendications territoriales et ont acquis des terres. Je suis d'ailleurs l'un des fiduciaires. Le gros des terres que nous avons actuellement sont en fief simple. Sur les 1 300 acres de terres, seulement sept acres sont des terres de réserve. Nous essayons d'élaborer un processus pour gérer les terres, pour en tirer le meilleur parti possible et pour les attribuer équitablement en fonction de la viabilité. Toutefois, nous avons beaucoup de contraintes, dont la plupart découlent de la Loi sur les Indiens. En fait, nous essayons avec la ministre et certains de ses fonctionnaires d'élaborer un meilleur système de gestion des terres.

J'ai écouté avec attention certaines des allocutions prononcées à la Chambre des communes sur le projet de loi C-49 afin de déterminer s'il est pertinent pour nous. Pour l'instant, je ne peux pas émettre d'opinion, mais je peux dire que nous devons élaborer de meilleurs processus de gestion des terres.

Pour répondre à votre question, non, nous n'envisageons pas le fief simple, mais souhaitons plutôt que les terres soient détenues collectivement.

M. Sinclair: Le ministère des Affaires indiennes est censé disparaître progressivement à l'avenir. Nous avons toujours pensé que les traités et les Affaires indiennes sont deux réalités complètement différentes. Étant donné que le gouvernement fédéral tient à déléguer ses responsabilités aux provinces et à accorder aux provinces plus de contrôle sur nos vies, nous disons qu'il est temps que nous devenions maîtres de nos propres vies dans notre territoire visé par le traité et en fonction du traité lui-même. Rien n'est plus fondamental que le traité sur lequel nous souhaitons tabler.

Dans le passé, le ministère des Affaires indiennes avait pour politique de ne pas tenir compte des Indiens qui partaient des réserves. Par conséquent, nous ne pouvons pas offrir de services à ceux qui quittent les réserves.

En fonction des traités, nous voulons exercer notre droit d'autonomie, mais nous pouvons également nous appuyer sur la Constitution lorsque nous parlons de nos droits en général et de nos droits relatifs à la liberté de circulation et d'établissement en particulier. Ce n'est pas parce que nous sortons des réserves que nos droits disparaissent; nous devrions les conserver. Le fait est que toute la question dépend essentiellement de considérations monétaires plutôt que de droits. Il est terrible que le gouvernement dise qu'il ne peut pas se permettre de telles dépenses et que par conséquent il ne va pas nous reconnaître.

Tout d'abord, nous devons nous reconnaître nous-mêmes ainsi que la responsabilité que nous avons à l'égard de notre peuple. Pour ce faire, nous devons offrir des services à nos membres et les réunir dans la région visée par notre traité. C'est important. Cette terre et ces ressources sont suffisamment riches pour que nous puissions nous occuper de nous-mêmes, pour que nous puissions nous débarrasser du système du bien-être social et du système carcéral qui existent actuellement, ainsi que des autres systèmes institutionnalisés qui régissent nos vies. Nous voulons tout changer et nous débarrasser de l'attitude que le gouvernement adopte à notre égard et qui fait que chaque fois que nous négocions, il est question d'abandon et d'extinction. Nous ne sommes pas ici pour signer un armistice, mais plutôt pour parler du droit à l'autodétermination dans un pays qui nous le garantit déjà. Ce droit a été accepté; il suffit maintenant de l'appliquer.

Pendant toutes les années où j'ai été chef, je n'ai jamais eu l'occasion de parler à des représentants d'un palier du gouvernement ou d'un autre au sujet de l'autonomie gouvernementale ou de l'autodétermination. Je n'ai jamais eu l'occasion de parler de ces questions au sein d'un groupe qui en reconnaît l'importance et qui envisage des objectifs. Nous parlons toujours de notre adaptation par rapport à ce processus.

Le Traité 4 est sur la bonne voie. Nous avons suffisamment fait l'objet de critiques sur la façon dont nous nous occupons de nos membres et de suffisamment de critiques sur le fait que l'on dénie à nos membres leurs droits. Nous nous considérons comme une nation, et pour ce faire, nous devons commencer par nous occuper de nos citoyens. Ne les laissons pas de côté et ne laissons pas une nation étrangère prendre des décisions à notre place.

Cela nous ramène au projet de loi C-31 qui devait nous aider, mais qui, à long terme, se fonde sur l'extermination et sur le fait que nous n'existerons plus dans quelques années. Nous devons aborder la question afin de nous sauver nous-mêmes.

Je crois que c'est une bonne responsabilité pour nous. Nous devons nous occuper de nos membres, savoir comment les traiter, savoir aussi comment utiliser notre terre et nos ressources; nous devons enfin essayer de tout changer. Beaucoup de décisions judiciaires nous ont pénalisés, mais bon nombre d'entre elles ont été prises dans de petits tribunaux où nos membres plaidaient coupables, car ils n'avaient pas de ressources, pas d'argent et pas de possibilités de se défendre. Chaque fois que ces décisions judiciaires ont été rendues, elles sont allées à l'encontre de nos droits. Il est temps que nous en prenions de nouveau le contrôle; il suffit de lire les traités, les prises de position du gouvernement et la Constitution pour s'apercevoir que rien ne l'emporte sur nos droits issus de traités. Par conséquent, nous voulons faire en sorte que tout ce que nous faisons soit lié à un processus de développement et non d'extinction.

L'autre jour, un chef du territoire visé par le Traité 4 m'a dit qu'il accorde le droit de vote à tous ses membres, même si 50 p. 100 d'entre eux vivent en dehors de la réserve. Ils votent pour choisir le chef et le conseil. En même temps, il m'a dit qu'il ne pouvait pas répondre aux besoins des membres qui vivent en dehors de la réserve; il ne peut que répondre aux besoins -- à peine, qui plus est -- de ceux qui vivent dans la réserve.

Je crois que le Traité 4 va nous donner l'occasion de commencer à renverser beaucoup de ces décisions qui ont été préjudiciables pour nous dans le passé et qu'il va nous permettre de miser sur l'avenir.

L'exposé de M. Côté sur nos anciens combattants est très important. Nous avons lutté pour la liberté et tout le monde semble avoir acquis cette liberté, sauf nous. Nous continuons de vivre à une époque où l'État contrôle nos vies et il est temps que l'on nous donne la possibilité d'en sortir.

Le sénateur Watt et d'autres qui se trouvent ici ce matin sont parfaitement au courant de la lutte que nous avons dû mener au cours du processus constitutionnel en vue d'obtenir la reconnaissance dont nous avons besoin, d'entamer le processus relatif à l'instauration de liens avec les gouvernements et avec notre propre peuple. Nous voulons continuer dans ce sens.

C'est là que le Sénat peut jouer un rôle, car il a dans le passé fait des efforts et des progrès à cet égard, puisqu'il a mis ces questions en lumière et en a fait prendre conscience aux Canadiens. Ils doivent comprendre nos problèmes. Nous voulons être sûrs de faire partie de ce pays, de ne pas être mis de côté et de ne pas être frappés d'ostracisme. Nous essayons d'être inclus, non exclus et je crois que vous avez fait du bon travail à cet égard.

Le sénateur St. Germain: Si vous arrivez à l'autonomie gouvernementale, comme vous le proposez, envisagez-vous que le MIANC disparaisse complètement de votre horizon? Espérez-vous que l'organisme paternaliste que nous appelons MIANC ne fasse pas partie de cette autonomie gouvernementale? C'est la clé de ce que vous essayez de nous dire, monsieur Sinclair; vous voulez avoir l'indépendance d'agir. Tant que vous restez à la maison, ce sont vos parents qui décident.

M. Sinclair: D'autres peuvent ne pas partager mon avis, mais je crois que le Traité 4 en est le fondement. C'est par le dialogue que nous arriverons à un consensus sur le Traité 4. Certains d'entre nous peuvent avoir des points de vue différents au départ, mais nous espérons que nous poursuivons tous les mêmes objectifs -- l'indépendance et la liberté.

Les Affaires indiennes ont un rôle à jouer maintenant, mais il pourrait être plus positif. Ainsi que vous le dites, c'est comme l'enfant qui quitte le foyer. Vous ne le laissez pas décider du jour au lendemain qu'il est temps de partir; je crois plutôt que vous le préparez à une telle éventualité.

Le ministère peut nous aider dans notre démarche en acceptant le fait que nous allons nous administrer nous-mêmes et en nous accordant son appui. Il est temps que le ministère des Affaires indiennes commence à examiner les traités et qu'il ne les conçoive pas différemment de ce qu'ils sont. Ils ont force de loi pour nous, mais ce ne sont que des politiques pour le ministère. Les politiques peuvent être contestées devant les tribunaux, parce qu'elles n'ont pas force de loi mais, en même temps, le ministère tient les cordons de la bourse et peut décider comment les fonds seront dépensés.

Dans un pays comme le Canada, il est malheureux que nos droits dépendent du système budgétaire et qu'ils ne garantissent pas la prestation des services.

Je crois que le ministère des Affaires indiennes a un rôle à jouer, mais son rôle devrait être limité jusqu'à ce que notre autonomie soit complète au sein du Canada.

M. Crowe: Sénateur St. Germain, je vous remercie de vous intéresser aux problèmes auxquels nous sommes confrontés tous les jours. Dans l'ensemble, c'est le MAIN qui fait appliquer les dispositions de la Loi sur les Indiens. Je ne commencerai pas à discuter en long et en large des effets perturbateurs de cette loi pour nos communautés. Nous sommes tous au courant de ces nombreux aspects négatifs.

Quand nous allons gérer nos affaires et assumer la responsabilité du développement de nos terres et de nos ressources, le ministère des Affaires indiennes devrait, à mon avis, jouer un rôle moins important dans l'administration des programmes et l'infrastructure, par exemple. Sa responsabilité fiduciaire sera maintenue et, dans certains cas et de temps à autre, il devra l'exercer.

Dans l'avenir, le rôle du ministère sera bien différent de ce qu'il est aujourd'hui. Au lieu d'agir en -- et je suis désolé d'utiliser ce mot -- dictateur, il agira peut-être en facilitateur. C'est ce que je pense parce que nous devrons continuer d'entretenir des relations avec le gouvernement fédéral, et d'autres gouvernements peut-être, pour favoriser le développement, garantir les ressources et obtenir des budgets -- tout ce qui est nécessaire pour assurer l'implantation d'une véritable gestion de nos affaires. Il devrait agir plutôt en facilitateur qu'en dictateur, comme il le fait actuellement, pour l'établissement des politiques et la mise en oeuvre des budgets. Je pense que c'est nous qui assumerons ces responsabilités.

Je dois dire que son rôle sera complètement différent de celui qu'il est actuellement. J'espère qu'un jour le ministère ne sera pas aussi hostile que ce qu'il a été par le passé.

Le sénateur Gill: Tout le monde est au courant des problèmes que nous causent les différents champs de compétence. Les peuples autochtones relèvent du gouvernement fédéral, mais l'éducation et les programmes sociaux relèvent des gouvernements provinciaux. Cette situation vous a causé beaucoup de problèmes, comme à nous.

Avez-vous des solutions à proposer à ces problèmes? Quand vous aurez acquis une certaine autonomie gouvernementale, qu'allez-vous faire à ce sujet? Vous aurez sûrement les mêmes problèmes que nous en matière d'éducation.

M. Sinclair: D'abord, les traités régissant les territoires où nous vivons ont été signés bien avant l'existence des provinces. Nous pensons que nos droits priment, que tout ce que nous faisons maintenant existait avant qu'il y ait des provinces. Ce n'est pas parce qu'une province s'occupe d'éducation que cette responsabilité lui incombera pour toujours.

Une partie de notre problème actuel a trait à ce dont les médias parlent constamment. Le gouvernement fédéral essaie de s'entendre avec le Québec au sujet des pouvoirs en matière d'éducation et de formation de la main d'oeuvre. Il en résulte que les autres provinces veulent aussi avoir leur part du gâteau. On pense que les peuples autochtones devront travailler avec les provinces. Chaque fois qu'une initiative est prise, il faut reconnaître que les traités constituent le fondement de toute future entente.

Nous ne voulons pas être visés par ce transfert parce que c'est trop dangereux. Nous craignons qu'un moment donné le gouvernement fédéral nous cède ses pouvoirs et sa responsabilité judiciaire et nous ne voulons pas nous retrouver dans cette situation.

Pour nous, la mise en oeuvre du Traité Quatre va se faire par voie de négociations. Il est clair que les droits existent, c'est le fondement. Nous n'avons rien à inventer, ni à définir. C'est la base à partir de laquelle nous devons travailler. Nous devons stabiliser la relation que nous entretenons avec le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral doit jouer le rôle prépondérant et les provinces un rôle de soutien.

La province nous a dit qu'elle ne voulait rien savoir de notre argent ou de nos programmes. Pourtant, dès que le gouvernement fédéral veut se dégager d'une responsabilité, la province tend la main. Il faut que les gens en soient conscients.

J'envisage de bonnes relations futures. On peut y parvenir. Il suffit que nous participions à certaines des réunions où on tient des discussions là-dessus.

M. Côté: J'aimerais expliquer davantage le concept d'autonomie gouvernementale. Les peuples vivant sur le territoire visé par le Traité 4 ainsi que les chefs du conseil tribal de Yorkton que je représente se font demander par la plupart des non-Indiens comment nous comptons financer notre autonomie gouvernementale. Nous répondons que l'accord qui a transféré les ressources naturelles aux provinces en 1930 a été conclu sans le consentement ni l'approbation des chefs du Traité 4. Nous voulons une part de ces ressources. La province de la Saskatchewan est seule à tirer profit des ressources naturelles de son territoire, mais nous maintenons que ces ressources nous appartiennent.

Quand nous avons cédé le territoire visé par le Traité 4, nous avons seulement cédé à l'homme blanc, pour son utilisation, les six pouces de terre à la surface de ce territoire. Nous n'avons rien cédé en dessous de cette couche de six pouces. Ce sont les ressources qui se trouvent dans le sous-sol qui vont nous permettre de financer notre autonomie gouvernementale. La province a gardé des millions de dollars pour elle, mais elle nous dit toujours qu'elle n'est pas responsable de nous.

Le président: La question a-t-elle été tranchée par les tribunaux?

M. Côté: Non. La fédération étudie la question et va présenter des arguments à ce sujet.

Le sénateur St. Germain: Voudriez-vous rétablir les droits violés?

M. Côté: Nos ancêtres n'ont jamais cédé les ressources naturelles. Ils ont accepté de partager le territoire. Évidemment, à l'époque, on ne pensait qu'à permettre aux colons de cultiver la terre; il n'était pas question des ressources naturelles. Les Indiens savaient déjà qu'il y avait des richesses sous les terres agricoles, ce que nous appelons les ressources naturelles. Mais, en 1930, le gouvernement fédéral a automatiquement transféré toutes ces ressources à la province sans obtenir le consentement ou l'approbation des chefs indiens d'alors.

Le président: Pouvez-vous nous fournir ces informations?

M. Côté: Nous pouvons les mettre à votre disposition.

Le sénateur Johnson: Quel est, selon vous, le rôle des Indiens vivant en milieu urbain, en dehors des réserves, dans la gestion des affaires, telle qu'elle est proposée dans le modèle de régie du Traité 4?

M. Sinclair: Nous sommes, en Saskatchewan, un groupe hors réserve qui s'intéresse aux aspirations des autochtones, qu'ils vivent dans les réserves ou en dehors des réserves. Nous sommes aussi reconnus pour défendre les droits des Métis, des Indiens des Premières nations et des Inuits. Nous avons toujours appuyé leurs aspirations d'autonomie gouvernementale. Je pense que nous aurions tort en tant que citadins -- ou Indiens vivant en milieu urbain, comme nous disons en Saskatchewan -- d'envisager la gestion de nos affaires en fonction seulement de ceux qui vivent en dehors des réserves. Nous reconnaissons le rôle de la FSIN en Saskatchewan, mais nous pensons que le meilleur moyen de ne pas provoquer de conflits entre nous est de recourir au processus de mise en oeuvre du Traité 4. Même si nous vivons à l'extérieur des réserves à Regina, Yorkton ou dans les régions rurales de la Saskatchewan, nous pensons toujours posséder des droits parce que nous sommes visés par le Traité 4.

Nous, du Congrès des peuples autochtones, ne voulons pas nous disputer avec les bandes, les conseillers, et d'autres, les fonds actuellement accordés au territoire assujetti au Traité 4. Nous voulons avoir des ressources pour aider les autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves, mais nous voulons nous les procurer par nous-mêmes. Nous ne voulons pas puiser dans les poches des autres. Je pense que ce serait injuste.

Le gouvernement essaie de provoquer des conflits entre nous. Il nous propose de nous adresser aux chefs du Traité 4 pour obtenir des ressources pour les questions liées à ce traité, ce qui cause des contraintes financières aux autres qui ne peuvent pas satisfaire à la demande.

À mon avis, aucune somme d'argent ne peut acheter ou vendre des droits. Ces droits existent. Je pense que nous devons trouver une formule nous permettant de jouer un rôle de partenaires responsables dans le processus. C'est un des aspects auxquels les chefs du Traité 4 ont pensé dans l'élaboration du processus. Je suis membre du conseil de régie, non pas en tant que dirigeant du Congrès des peuples autochtones, mais en tant que citoyen du Traité 4 en mesure de s'occuper des questions hors réserve. C'est notre qualité de citoyen qui déterminera nos structures démocratiques. Nous ne laisserons pas la FSIN ou le CPA, ni personne d'autre, nous dire comment nous structurer, mais nous allons leur demander de nous appuyer et, pour ce qui est de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, nous allons lui demander son approbation parce qu'elle nous assure déjà un certain appui. Dans d'autres domaines, les choses peuvent se faire de la même façon ou autrement, selon ce qu'on veut.

C'est une bonne question parce que nous nous trouvons dans une sorte de vide. Les Métis et les gens des réserves ont leur financement, mais ceux qui vivent à l'extérieur des réserves n'ont pratiquement aucun droit. Les autochtones qui vivent en milieu urbain ont des conditions de logement lamentables et très peu de perspectives d'emplois et ils se retrouvent très nombreux dans les prisons. Il est temps que les choses changent. Il n'est pas nécessaire de dépenser davantage, mais seulement de réaffecter les fonds plus efficacement.

Le sénateur Johnson: Je suis d'accord avec vous. Je viens de Winnipeg et, comme nous le savons tous, nous avons des problèmes très semblables.

Donc, selon vous, les Indiens assujettis à un traité qui vivent à Regina, par exemple, seraient visés par le processus.

M. Sinclair: Oui. C'est prévu dans le document. Cependant, notre participation cette fois-ci est très limitée en raison de notre manque de ressources. Nous avons besoin de ressources, mais nous ne savons pas à qui nous adresser. Allons-nous les obtenir de Patrimoine Canada?

Le sénateur Johnson: Cela m'amène à vous demander s'il y aura un centre administratif ou un établissement du Traité 4 dans les villes pour offrir des programmes et des services aux membres du Traité 4?

M. Sinclair: Oui il y en aura un.

Le sénateur Johnson: Je vous pose la question parce que vous expliquez votre position dans le mémoire sans donner beaucoup d'informations sur la mise en oeuvre du modèle proposé.

M. Sinclair: M. Crowe peut vous en parler davantage. Nous reconnaissons bien sûr que la gestion sur le territoire visé par le Traité 4 relève des bandes et des chefs, mais nous pensons déjà à la deuxième étape qui engloberait tous les citoyens assujettis au Traité 4. C'est l'objectif de l'Assemblée législative qui est actuellement en construction à Fort Qu'Appelle. À un moment donné, nous espérons pouvoir concilier les deux, mais il faudra compter un certain temps. Nous devons reconnaître la régie qui existe maintenant et la consolider par la suite.

L'appui des chefs est un geste courageux, qui nous confère des responsabilités de leaders et de Premières nations. Si nous voulons être une Première nation, il faut penser aux citoyens. Il faut aussi déterminer ce qu'on entend par citoyen. C'est à nous de le faire.

Au sujet du projet de loi C-31, nous devons décider comment nous allons nous attaquer à ce problème pour ne pas disparaître d'ici 50 ans, comme certaines personnes le prédisent.

Le sénateur Johnson: Vous avez beaucoup parlé des obstacles que la politique et les programmes gouvernementaux opposent aux mesures que vous voulez prendre. J'imagine que vous incluez aussi la politique d'autonomie gouvernementale du gouvernement en vertu de laquelle il faut être un Indien inscrit, un Inuit ou un Innu reconnu, ou encore vivre sur une réserve pour profiter des programmes fédéraux. Le gouvernement fédéral n'est pas prêt, dans le cadre des ententes d'autonomie gouvernementale, à étendre l'admissibilité aux programmes aux Indiens inscrits vivant à l'extérieur des réserves, aux Indiens non inscrits ou aux Métis. Comment allez-vous alors atteindre vos objectifs? Malgré les fonds publics dont vous parlez et les programmes que vous allez mettre en oeuvre, vos propositions et vos objectifs, il y a la politique gouvernementale.

M. Sinclair: Il y a une politique, mais il y a aussi des traités. Les traités suffisent. Ils ne dépendent d'aucun autre document et peuvent résister à toute contestation constitutionnelle, comme le montre notamment l'affaire Sparrow.

Selon nous, si nous nous fondons sur les traités et non pas sur les décisions du ministère des Affaires indiennes et sur les politiques gouvernementales, nous avons une base solide sur laquelle miser, celle que nos ancêtres ont signée. Comme M. Côté l'a dit, nous n'avons jamais cédé les ressources. Notre richesse vient de la terre. Votre richesse dans ce pays vient de la terre dont nous sommes les propriétaires. Nous voulons pouvoir utiliser cette richesse à notre guise au lieu de recevoir chaque année au mois d'avril un chèque venant des contribuables du Canada. Cet argent vient de nos ressources. Ces ressources nous appartiennent et nous voulons les partager d'une certaine façon selon des ententes et des partenariats de répartition.

Les traités nous donnent droit à ces ressources. Peu importe ce qui a été décidé depuis leur signature, les traités sont toujours intacts. Ils étaient encore reconnus quelques années après la Constitution. Nous pouvons nous en servir. Cependant, le gouvernement doit adopter une attitude complètement différente pour négocier au lieu de chercher à contrôler nos vies en se fondant sur la Loi sur les Indiens, certaines politiques et d'autres mesures. Sur le plan légal, les traités constituent pour nous la base pour définir notre autodétermination future.

Le sénateur Johnson: La qualité de vie des gens est l'aspect le plus important.

M. Sinclair: C'est vrai.

Le sénateur Johnson: Allons-nous améliorer la situation actuelle?

Le sénateur Johnson: Actuellement, elle est assez déplorable. Le gouvernement semble être plus disposé à dépenser davantage pour les prisons et l'aide sociale.

Le sénateur Johnson: Les statistiques au Manitoba sont effroyables.

M. Sinclair: Nous avons déjà dit qu'il en coûtait 100 000 $ par détenu par année. Beaucoup de détenus autochtones n'ont commis que des délits mineurs. Il faudrait qu'ils suivent une formation ou encore qu'ils fréquentent l'école ou travaillent en dehors de la prison. Vous ne pouvez plus assumer ce fardeau éternellement parce que nous sommes un peuple en pleine croissance, peu importe ce qui s'est passé. Vous ne pouvez nous garder en prison pour toujours. La liberté doit nous être accordée à un moment donné, et nous l'aurons parce que vous ne pouvez pas vous permettre de construire des prisons. Nous devrons faire partie de la population active et nous y arriverons. Cependant, l'attitude du gouvernement doit complètement changer. Il y a un principe dans nos traités sur lesquels nous pouvons miser.

M. Crowe: Je tiens à répéter ce que M. Sinclair a dit, à savoir que la gestion de nos affaires commence, dans nos communautés, à être exercée par les chefs reconnus sur le territoire visé. C'est le départ, mais pas la fin. Nous voulons, par ce processus, créer une assemblée législative qui pourra établir des institutions et des programmes à l'intention de ceux qui vivent autant dans les réserves que dans les centres urbains. Nous avons déjà des institutions et des programmes. Nous voulons pouvoir fusionner nos institutions grâce à un véritable processus de gestion de nos affaires pour offrir des services et aider ceux qui en ont besoin dans les centres urbains.

Je ne sais pas où ces projets nous mèneront. Je ne suis pas devin, mais je sais que M. Sinclair et moi négocions. Nous sommes en mesure de discuter sur ces importants sujets et il faut progresser là-dessus.

La politique d'autodétermination du gouvernement fédéral comporte des lacunes. Elle ne se fonde pas sur une véritable compréhension du problème. La question des traités n'est pas réglée et la compréhension n'existe pas. Nous ne pouvons pas céder, ni être tenus de le faire, nos droits ou nos responsabilités pour des raisons de résidence, surtout si nous vivons quand même sur notre territoire, celui qui est assujetti au Traité 4. Il y a beaucoup de questions liées au traité qui ne sont pas réglées.

Nous avons toutefois réalisé des gains. Les droits fonciers issus de traités qui ont été acquis en Saskatchewan sont importants. De plus, le bureau du commissaire aux traités et certaines des ententes qu'il conclura, en plus de celles que nous essayons d'obtenir de lui, sont d'importantes réalisations.

Néanmoins, il y a encore beaucoup de problèmes, comme ceux liés au manque de compréhension et à l'Accord de transfert des ressources naturelles de 1930. Nous poursuivons des démarches importantes à ce sujet. Nous voulons obtenir un partage des recettes et non des dons. C'est ce que nous avons obtenu du gouvernement pendant longtemps, la bienveillance des citoyens du Canada. Ce n'est pas une relation de respect. C'est tout ce que j'ai à dire.

Le sénateur Pearson: J'aimerais d'abord avoir des précisions. Vous avez parlé plusieurs fois des problèmes liés au projet de loi C-31, mais je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Quel est le plan fédéral pour réduire l'admissibilité par le projet de loi C-31?

M. Crowe: Je vais essayer de vous répondre le plus brièvement possible.

Le projet de loi C-31 a permis à beaucoup de gens de regagner le statut d'Indien visé par un traité ou d'Indien inscrit. On prévoit -- et c'est très difficile à expliquer en détail -- qu'il y aura de moins en moins d'Indiens inscrits. Le statut va se perdre. Par exemple, si mon enfant, qui est Indien, marie une non-Indienne, les enfants issus de ce mariage ne pourront peut-être pas avoir le statut d'Indien. D'après les statistiques que nous avons lues -- et mes chiffres ne seront peut-être tout à fait exacts --, entre l'an 2005 et l'an 2010, 12 p. 100 des Indiens n'auront pas la possibilité de transmettre leur statut. C'est épouvantable pour nous.

Le sénateur Pearson: C'est prévu dans le projet de loi? Je ne comprends pas pourquoi il en est ainsi.

M. Crowe: C'est la conséquence du projet de loi.

Le sénateur Pearson: Quel est le mécanisme prévu?

M. Crowe: C'est la façon de le définir. Je n'ai pas une connaissance approfondie du sujet, mais je connais son résultat. Je vais reprendre mon exemple.

Si mon fils marie une non-Indienne, leurs enfants, parce qu'il y a une union entre un Indien et une non-Indienne, ne pourront pas avoir le statut d'Indien.

Le sénateur Pearson: J'aimerais bien que quelqu'un fournisse une explication de cela au comité. C'est un aspect qui va revenir souvent. Je n'étais pas au courant et je vous remercie de votre explication.

M. Crowe: C'est une chose dangereuse pour nous.

Le sénateur Pearson: Je suis sensible au problème. Je voulais simplement savoir quel était le mécanisme en cause et quelle solution nous pourrions recommander pour corriger la situation, le cas échéant.

Ma deuxième question porte sur l'avenir et découle du grand intérêt que je porte aux jeunes et à l'éducation. Compte tenu de l'évolution de l'économie, la clé du succès économique à l'avenir ne sera pas l'exploitation des matières premières, mais l'information. J'espère que vous tenez compte de ce genre de considérations dans votre planification. L'éducation et l'accès à l'éducation revêtent beaucoup d'importance car ce sera la nouvelle façon de générer la richesse. La prospérité financière ne sera plus assurée par la terre. Je pense que c'est la nouvelle réalité qui se profile à l'horizon.

M. Crowe: Je comprends cela.

M. Sinclair: À cet égard, notre démarche était la suivante: obtenons d'abord le contrôle des ressources, une étape à la fois.

Le sénateur Pearson: Il faudra franchir trois étapes à la fois.

M. Sinclair: Les ressources ne sont plus ce qu'elles étaient.

Le sénateur Pearson: N'oubliez pas la réalité extérieure.

M. Kurtness: Dans le contexte de l'économie mondiale, je reconnais qu'effectivement les ressources n'ont pas la même valeur qu'elles avaient dans le passé. Certains membres de ma parenté qui habitent sur des réserves en Alberta ont également compris cela.

Il faut se rappeler que les revenus que l'on peut tirer des ressources ne sont pas aussi importants que la reconnaissance des titres de propriété et des droits relatifs à ces ressources.

Le sénateur Pearson: Je comprends l'aspect psychologique, mais tout ce que je dis, c'est que, parallèlement, il faudrait faire en sorte que vos enfants accèdent à l'éducation.

M. Crowe: Notre infrastructure doit prévoir une éducation et un savoir qu'il peut être possible d'exporter. Notre avenir repose sur notre peuple, et nous devons le préparer le mieux possible.

Le sénateur Johnson: J'ai une question qui se rapporte à ce que disait le sénateur Pearson. Il y a trois semaines environ, le gouvernement a annoncé des fonds pour des programmes destinés aux jeunes. Êtes-vous au courant de cela?

M. Crowe: Oui.

Le sénateur Johnson: Vous rappelez-vous la somme en question? Allez-vous pouvoir accéder à une partie de cet argent pour aider vos jeunes? Dans l'affirmative, quels seraient les montants offerts?

M. Crowe: Nous avons une proposition.

Le sénateur Johnson: Quelle est-elle... le gouvernement n'a-t-il pas donné de précisions à ce sujet?

M. Sinclair: Une partie de cet argent est déjà alloué, à divers programmes.

Le sénateur Johnson: L'annonce laissait entendre qu'il s'agissait d'argent neuf destiné à des programmes pour les jeunes.

M. Sinclair: Certains d'entre nous sont à l'extérieur du processus. Pour ma part, je négocie cela avec la ministre Blondin. J'aurai également un entretien aujourd'hui avec la ministre Stewart et j'aborderai certaines de ces questions avec elle.

Nous essayons de déterminer quelles ressources nous pourrions obtenir pour les gens qui vivent hors réserve, sans nuire aux négociations des régions assujetties à des traités qui examinent leur financement à l'heure actuelle. Les Métis examinent aussi leur financement par le biais d'accords. Nous essayons de faire comprendre au gouvernement qu'il devrait débloquer des fonds pour alléger le fardeau. Comme je l'ai dit, il y a de nombreuses négociations et de nombreux problèmes.

Le sénateur Johnson: Je voulais simplement le mentionner car l'argent en question devait être consacré aux jeunes. Si je ne m'abuse, le ministre Axworthy a fait son annonce à l'intention des jeunes autochtones vivant en milieu urbain.

M. Sinclair: Nous avons besoin de ressources considérables pour aider les jeunes. Peut-être pourrais-je ajouter certaines choses.

Le président: Tout d'abord, monsieur Sinclair, avant de permettre au sénateur Andreychuk de poser une question, je voudrais revenir sur l'argument que vous avancez à la page 8 de votre mémoire. Il s'agit d'une chose qui exige un suivi. Vous avez également signalé qu'il y aura un suivi, au besoin, et qu'un examen plus approfondi doit avoir lieu. Nous vous invitons à participer à notre table ronde qui se penchera sur ces questions.

Pour ce qui est de votre cas, vous avez avancé une excellente idée, fondée sur vos discussions relatives aux traités. Je conviens avec vous qu'il ne faut pas abandonner ce dossier, qu'il faut continuer d'en parler et de faire avancer les choses. C'est peut-être la façon de régler le problème des Indiens, sur réserve et hors réserve, sans compter celui des Inuits, car nous devons aussi traiter en même temps avec les Métis et les Inuit.

M. Sinclair: Le Globe and Mail a publié un article sur le cas de M. Sam Sinclair, chef autochtone et ancien combattant. Je signale cette affaire au comité étant donné qu'il a beaucoup travaillé pour les anciens combattants. Des poursuites judiciaires devraient être engagées d'ici une semaine environ.

M. Sam Sinclair a été rayé de la liste de bande après avoir été restauré dans sons statut il y a un certain temps. Il s'agit d'un ancien combattant qui a fait la guerre, qui s'est battu pour son pays et pour sa place au Canada. Or, on veut maintenant lui retirer son identité.

Selon la politique actuelle, un fonctionnaire est autorisé à faire cela. Un fonctionnaire subalterne a le pouvoir de décider qu'un nom sera sur la liste un jour et qu'il n'y sera plus le lendemain.

Les étrangers qui viennent au Canada en provenance d'autres pays bénéficient de multiples mécanismes d'appel. Ils peuvent rester ici pendant dix ans, sans être expulsés, pendant que la procédure d'appel suit son cours.

Le sénateur St. Germain: Il ne devrait pas en être ainsi cependant.

M. Sinclair: M. Sinclair a besoin de l'appui du Sénat pour conserver son statut. Je trouve honteux qu'à son retour un ancien combattant soit privé de son identité dans un pays comme le Canada.

Je tiens à exprimer mon soutien à M. Sinclair. J'espère que les membres du comité pourront intervenir en sa faveur. Soit dit en passant, nous ne sommes pas apparentés.

Le sénateur Gill: Pouvez-vous nous fournir de plus amples renseignements là-dessus?

M. Sinclair: Bien sûr. Nous pouvons faire cela aujourd'hui.

Le sénateur Andreychuk: Si vous envoyez la documentation concernant M. Sinclair à la greffière du comité, elle nous la distribuera et nous aurons tous la même information.

J'ai de nombreuses questions à poser, mais je pense que je devrai attendre en Saskatchewan, compte tenu du dialogue qui a cours là-bas. Ce qui m'a impressionné, au sein de la communauté autochtone de la Saskatchewan, c'est que le dialogue se poursuive de part et d'autre. Il y a eu certains succès, mais on reconnaît qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire.

Monsieur Sinclair, votre réputation est légendaire et vous nous avez prouvé encore une fois qu'elle est justifiée. Vous avez présenté vos idées avec beaucoup de conviction.

Le problème, c'est qu'en tant que membres du comité, nous ne voulons pas devenir des négociateurs pour le gouvernement. Nous voulons apporter notre aide et contribuer à régler les problèmes très réels auxquels sont confrontés les peuples autochtones et, par conséquent, tous les peuples du Canada. Comment pouvons-nous contribuer à trouver une conclusion satisfaisante pour tous dans ce dossier?

L'autonomie gouvernementale semble être l'enjeu. Nous avons essayé de trouver des modèles d'autonomie gouvernementale. Je vous ai entendu dire aujourd'hui que ce processus est graduel. Il ne semble pas y avoir de plan magique. Le principe qui vous guide est celui de l'adhésion aux traités, et en particulier au Traité 4. D'après vous, nous devrions laisser tomber tout le reste et nous en tenir aux principes du Traité 4. C'est l'idée que vous vous faites du modèle idéal. Quant à savoir comment concrétiser ce modèle, c'est une question qui fera l'objet de négociations constantes. J'ai entendu à deux reprises l'expression «plan magique». Or, on n'a aucun plan, que ce soit de votre côté ou du côté du gouvernement fédéral.

Êtes-vous ici pour rappeler au gouvernement de ne pas se laisser influencer par diverses politiques ou pratiques, mais de revenir au Traité 4, de le relire et de s'en servir comme point de départ? Est-ce essentiellement l'objet de votre requête aujourd'hui? Estimez-vous que c'est la réponse à votre situation particulière?

Je note, aux fins du compte rendu, que vous faites signe que oui.

Le président: Cela s'appliquerait-il également aux Traités 6 et 8?

M. Crowe: À mesure que nous progresserons, il se peut que nos vis-à-vis acceptent les modèles que nous proposons. Chose certaine, l'occasion leur en est donnée. Je ne veux pas présumer de quoi que ce soit.

Le président: Existe-t-il des relations de travail entre toutes ces parties?

M. Crowe: Ces relations deviennent de plus en plus possibles par l'intermédiaire de l'Assemblée des premières nations.

Le sénateur Andreychuk: Essentiellement, il y a eu en Saskatchewan un modèle de cogestion de type coopératif qui a pris de l'ampleur jusqu'à maintenant, mais vous préféreriez ne pas vous fonder sur des politiques antérieures mais plutôt vous servir du traité comme principe directeur.

Je voulais soulever la question des droits des anciens combattants autochtones. Notre comité sénatorial -- et ce n'est pas simplement parce qu'il se trouvait que j'occupais le fauteuil à ce moment-là -- a pris très au sérieux ses responsabilités et examiné la question des anciens combattants autochtones. Monsieur Côté, vos observations correspondent à ce que nous avons dit dans notre rapport. Nous savons qu'un grand nombre des anciens combattants autochtones n'étaient pas tenus, selon le droit ou les traités, d'aller faire la guerre. Souvent, il leur était interdit d'y aller. Pourtant, ils ont choisi de s'acquitter de leur devoir envers le Canada et ce sont battus vaillamment, tout comme n'importe quels autres soldats. Les problèmes ont commencé lorsqu'ils sont rentrés au pays.

Le gouvernement n'a jamais répondu à notre rapport, en dépit des demandes répétées que nous avons présentées en ce sens. Je pense parler au nom de tous les membres du comité si je dis que nous souhaitons toujours obtenir du gouvernement une réponse à notre rapport. Nous avons l'intention de garder le dossier ouvert.

Cela dit, le gouvernement a donné suite à certaines de nos recommandations. Il a institué un fond de bourses d'études au nom des anciens combattants autochtones. Il a inclus davantage d'anciens combattants autochtones dans les cérémonies du jour du Souvenir ainsi que dans les autres manifestations de commémoration consacrées aux anciens combattants. Cependant, les questions fondamentales des allocations et de la présentation d'excuses demeurent en souffrance.

Je conviens avec vous, monsieur Côté, que les Canadiens devraient commencer par respecter les anciens combattants autochtones et la contribution qui a été la leur. En tant que comité, nous devrions peut-être, en guise de préambule à notre rapport sur l'autonomie gouvernementale, reconnaître cette contribution avant d'aborder les nouveaux enjeux de l'autonomie gouvernementale. Tant que cela n'aura pas été fait, nous n'aurons pas fait notre travail.

Je peux certainement prendre un engagement en ce sens et je suis sûr que les autres membres du comité accepteront de réitérer dans le présent rapport notre respect et notre reconnaissance pour la contribution des anciens combattants autochtones.

Je regrette que l'affaire soit portée en justice. J'espère que le gouvernement fédéral réexaminera la question et répondra à notre rapport et qu'il acceptera peut-être de renégocier cette question plutôt que de retourner devant les tribunaux pour résoudre une question qui aurait dû être résolue au cas par cas.

Je vous remercie d'être venus et d'avoir partagé avec nous votre perspective de façon très ouverte. Si vous aviez des propositions plus concrètes à nous présenter concernant des modèles d'autonomie gouvernementale, particulièrement dans votre cas, cela nous serait utile. Nous voulons soumettre au gouvernement des propositions concrètes, plutôt que de simples voeux pieux, si je peux me permettre l'expression.

M. Côté: Je voudrais répondre aux observations du sénateur concernant la déclaration soumise par les anciens combattants indiens de la Saskatchewan. Nous attendons depuis longtemps. Même en ce qui a trait aux recommandations que vous avez faites, il n'y a pas eu de suivi. Nous avons décidé que le moment était venu. Nous verrons comment le gouvernement réagira lorsque nous présenterons notre déclaration. Si le gouvernement entend répondre, nous voudrions être mis au courant le plus tôt possible car nous allons opter pour cette procédure.

Le sénateur Andreychuk: Le problème, c'est que le temps ne joue pas en faveur des anciens combattants autochtones.

M. Côté: Ils meurent. Sur les 600 anciens combattants qu'il y avait en Saskatchewan, il n'en reste que 90 environ.

Le sénateur Andreychuk: J'espère que votre action incitera le gouvernement à bouger.

Le président: Merci, sénateurs et témoins. Je suis sûr que nous aurions pu examiner ces questions plus en profondeur. Je vous invite instamment à devenir un participant permanent à la discussion, par l'entremise de votre organisation nationale, et à vous associer à la table ronde qui se penche sur ces questions.

M. Sinclair: Nous voudrions également vous remercier. D'entrée de jeu, j'ai constaté que vous connaissiez très bien les enjeux; vous étiez bien préparés. C'est bien. Vous avez posé les bonnes questions. Cela montre que vous avez fait votre travail préliminaire, et nous l'apprécions. Ce n'est pas souvent que nous rencontrons un groupe de personnes aussi intéressées. Nous vous remercions de votre appui.

M. Crowe: Au nom des chefs du Traité 4 et du colloque des chefs, nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer. Vos questions vont alimenter notre dialogue et favoriser la compréhension mutuelle.

La séance est levée.


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