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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 23 - Témoignages du 16 mars 1999


OTTAWA, le mardi 16 mars 1999

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 10 h 05 pour étudier en vue d'en faire rapport la fonction gouvernementale autochtone.

Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous accueillons ce matin comme témoins les représentants de Syncrude Canada Ltd.

Madame et monsieur, je vous souhaite la bienvenue. La parole est à vous.

M. Robert Loader, directeur, Affaires autochtones, Syncrude Canada Ltd.: Mesdames et messieurs, bonjour. Je suis accompagné ce matin de la coordonnatrice de notre programme de développement autochtone, Beverley Davies.

Je vous remercie de nous donner l'occasion de nous adresser à vous aujourd'hui.

On nous a demandé de traiter aujourd'hui de développement communautaire et de perspectives autochtones au Canada. Nous allons le faire dans le contexte relativement étroit de la région de Wood Buffalo, dans le nord-est de l'Alberta. Évidemment, les questions autochtones ne se limitent pas à cette région, et nous pourrions aborder le développement autochtone de bien d'autres points de vue tout aussi importants. Je craindrais toutefois en vous entretenant d'autre chose que de la région de Wood Buffalo de m'aventurer sur un terrain que je connais moins bien. Dans une large mesure, ce serait probablement aussi le cas si j'allais au-delà de mon expertise et de mon expérience au sein de Syncrude, bien que je sois convaincu que nombre de mes remarques pourraient facilement s'appliquer à d'autres régions et à d'autres industries. Il me paraît donc important de vous parler aujourd'hui de ce que je connais le mieux.

Parlons d'abord de l'industrie. Je suis ici aujourd'hui parce que la société pour laquelle je travaille, Syncrude Canada, est une de ces sociétés privilégiées qui s'apprêtent à entrer dans une nouvelle ère de croissance économique. En effet, comment pourrait-on mieux décrire une société qui a des projets d'investissement de six milliards de dollars, dont certains sont déjà en cours de réalisation? Six milliards, c'est le montant que nous prévoyons dépenser pour réaliser un projet d'expansion majeur qui entraînera une vague de prospérité et de création d'emplois. Voilà qui ouvre des perspectives, de vastes perspectives, des perspectives durables.

Ces perspectives se traduisent notamment en possibilités de développement humain, en espoirs pour beaucoup de gens d'y trouver un gagne-pain, soit directement chez Syncrude, soit chez des entrepreneurs ou au sein de sociétés de services auxquels nous recourons. Notre expansion aura par ailleurs des retombées pour la multitude d'utilisateurs de nos produits, qui pourront compter sur une source sûre d'approvisionnement en énergie ici même au Canada et qui, d'une façon ou d'une autre, profiteront de la richesse ainsi générée.

C'est l'une des raisons de ma présence ici aujourd'hui. Je connais bien l'industrie minière et pétrolière et les occasions qu'elle peut offrir. Il y a aussi une autre raison, tout aussi pertinente. En faisant appel au potentiel humain de la population locale, Syncrude reconnaît que les peuples autochtones du Canada ont un rôle important à jouer dans cet univers.

En fait, depuis une vingtaine d'années, nous nous employons très résolument, avec un succès tout à fait honnête, à établir des rapports mutuellement bénéfiques avec les collectivités autochtones de notre région. Je suis ici pour vous faire part de certaines réflexions, fondées sur mes connaissances et mon expérience, concernant la façon dont nous en sommes arrivés là et dont nous pouvons maintenir cette relation et profiter ensemble des possibilités qui s'offrent à nous.

Permettez-moi d'abord de dire quelques mots au sujet de la société Syncrude. Les sables bitumineux du Canada couvrent une superficie de 77 000 kilomètres carrés dans le nord-est et le centre-nord de l'Alberta. Ils forment quatre gisements principaux: Wabasca, Cold Lake, Peace River et Athabasca. Le gisement de l'Athabasca, le plus important des quatre, englobe la municipalité de Fort McMurray, où est situé le siège social de Syncrude. Les ressources bitumineuses sont estimées à 1,7 billion de barils, soit plus que toutes les réserves du Moyen-Orient. Les réserves récupérables, qui sont d'environ 300 milliards de barils -- plus que tout ce que l'on trouve en Arabie saoudite -- sont suffisantes pour combler les besoins en pétrole du Canada pendant 200 ans.

Au cours des 20 dernières années, l'industrie des sables bitumineux a tout doucement connu une croissance de 700 p. 100, atteignant aujourd'hui un niveau de production suffisant pour répondre à environ 25 p. 100 des besoins pétroliers du Canada. Et pourtant, la mise en valeur des sables bitumineux ne fait que commencer. En fait, moins de 1 p. 100 des gisements connus de sables bitumineux récupérables ont été exploités, et on estime que les installations de production actuelles ne pourront traiter, pendant toute leur durée de vie, que 2 p. 100 des réserves récupérables.

Syncrude a expédié son premier baril de pétrole en 1978, et le 16 avril dernier, son milliardième. Il s'agit là d'une réussite remarquable. Avec les six milliards de dollars de nouveaux investissements que j'ai déjà mentionnés, on a toutes raisons de croire que les choses continueront à aller très bien au cours de la prochaine décennie.

Quand je dis que Syncrude est un leader de la mise en valeur des sables bitumineux, je n'en veux pour preuve que notre rendement soutenu et innovateur. Nous sommes aussi des leaders pour ce qui est de la qualité de vie au travail et de l'emploi des autochtones. J'aimerais consacrer le reste de mon exposé à vous entretenir de cette réalisation particulière.

Nos rapports constructifs ne se sont pas établis du jour au lendemain. Il nous a fallu les construire au fil des ans, parvenir à une compréhension mutuelle et constituer des partenariats. Vous ne pouvez pas proposer un contrat ou offrir un emploi à quelqu'un simplement parce qu'il fait partie d'un groupe donné. Vous devez vous assurer que cette personne peut faire le travail, sinon vous la condamnez à l'échec. Vous n'avez réussi qu'une man<#0139>uvre de relations publiques à court terme, rien de durable. Il faut aller plus loin. Les partenariats que vous édifiez doivent être fondés sur le respect mutuel, une capacité durable, des rapports professionnels, le soutien de la collectivité et, peut-être surtout, l'autonomie. Autrement dit, il ne faut pas modifier les normes, mais plutôt aider les gens à les comprendre et à s'y conformer.

Je suis convaincu que chez Syncrude nous avons atteint ces objectifs. Je ne veux pas dire que nous avons fait preuve d'altruisme. Je parle en tant que représentant d'une société de calibre mondial qui a elle-même profité de ses rapports professionnels avec les autochtones. Nous ne visions pas de record, mais il demeure que Syncrude est aujourd'hui le principal employeur industriel d'autochtones au Canada. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. Notre programme de développement autochtone remonte à 1974, plusieurs années avant notre entrée en production. Cela prouve, à mon avis, que Syncrude a toujours été tournée vers l'avenir. Nous savons qu'il y a du pétrole dans le sol, mais, avant de creuser, nous regardons autour de nous, nous évaluons la situation, nous nous demandons où nous voulons en venir et nous établissons la meilleure façon d'y parvenir.

Notre arrivée a ouvert des horizons à la population de la région, mais elle a aussi sérieusement perturbé les collectivités autochtones qui vivaient à proximité de nos installations et qui menaient une existence de style traditionnel. Le choc culturel a été énorme. Brusquement, les autochtones avaient accès à un tout autre monde depuis leur arrière-cour. Nous avons reconnu dès le départ que nos activités transformeraient les collectivités économiques locales et régionales, depuis Fort Chipewyan jusqu'à Edmonton, les grandes villes comme les simples hameaux, et qu'elles modifieraient leur mode de vie traditionnel, et nous avons planifié en conséquence. Nous avons pris soin de remédier aux situations problématiques avant qu'elles ne s'enveniment, car nous avions à l'esprit que nous étions là pour rester et que, tôt ou tard, nous devrions compter sur ces collectivités. Nous savions que, si nous faisions bien les choses, nous nous devions de partager la richesse produite pour contribuer à élargir les perspectives de l'ensemble de la collectivité.

On a tous quelque chose à apprendre des autres. Nous avons donc travaillé dès le départ en étroite collaboration avec les collectivités autochtones. Ayant très vite constaté que le succès futur de notre société revêtirait énormément d'importance pour les autochtones, nous avons tenu à intégrer, dans le cours normal de nos affaires, ce programme à nos activités.

Nous étions, et nous sommes toujours, déterminés à appliquer les principes de l'équité en emploi. Je le répète, nous ne nous sommes toutefois pas contentés d'atteindre des cibles quantitatives. Par exemple, nous avons contribué à l'établissement d'un cours pour les travailleurs industriels au collège Keyano et nous avons recruté, directement chez Syncrude, des autochtones qualifiés diplômés de ce cours. Ce programme s'est mérité un prix et a jeté les bases du Syncrude Indian Opportunities Agreement, un accord conclu en 1976 entre Syncrude, l'Indian Association of Alberta et le gouvernement fédéral.

Disons-le sincèrement, cela n'a été facile pour personne. Les différences entre les styles de vie, les attentes, les traditions et les cultures ont parfois bien compliqué les choses. Il a été difficile pour Syncrude d'assouplir ses règles, et pour les collectivités autochtones, de s'habituer aux rigueurs du milieu industriel. Nous avons réussi une percée lorsque nous avons recruté un conseiller en affaires autochtones pour travailler auprès des collectivités locales. Nous avons demandé aux collectivités de nous proposer des candidats, ce qu'elles ont fait, et de désigner ceux qui leur semblaient les plus aptes à réussir. Grâce à un effort né de la nécessité et d'un désir sincère de compréhension, nous avons établi un climat de confiance et de respect, nous avons contribué à l'établissement de stratégies d'adaptation, et nous avons appris.

Notre objectif fondamental consistait à aider les autochtones à s'aider eux-mêmes. Nous avons travaillé en collaboration avec des employés et des entrepreneurs autochtones pour les aider à cerner des possibilités intéressantes et à mettre au point les outils qui leur permettraient d'atteindre leurs objectifs. Preuve de notre succès, nous n'avons plus vraiment besoin d'un service des affaires autochtones. Nous offrons encore des services clés pour veiller à ce que nos engagements soient respectés, mais le développement autochtone est devenu chez Syncrude un mode de fonctionnement normal et logique.

Aujourd'hui, les autochtones jouent un rôle vital dans l'industrie des sables bitumineux; ils y travaillent comme mécaniciens, opérateurs de machinerie lourde, mécaniciens-monteurs, soudeurs, ouvriers qualifiés, administrateurs, techniciens de laboratoire, ingénieurs, comptables, et cetera. Nous nous efforçons de maintenir et même d'accroître la proportion d'autochtones directement employés par la société, et nous encourageons toujours nos entrepreneurs à recruter des autochtones.

Les autochtones représentent aujourd'hui environ 13 p. 100 de notre main-d'<#0139>uvre. Le salaire annuel moyen de nos employés autochtones est d'environ 58 000 $, et la moyenne de leurs états de service est de 8,4 ans. Cela se compare très favorablement avec l'ensemble de la population active. Les autochtones ont en outre d'excellents antécédents en matière de productivité, de sécurité et d'assiduité au travail. Leur taux de roulement est tout à fait comparable à celui des autres employés de Syncrude.

Il convient aussi de signaler que nous appliquons les mêmes normes de recrutement et de rendement aux autochtones et aux autres employés. Ainsi, nous exigeons au minimum de toutes nos recrues qu'elles possèdent une 12e année. Nous ne modifions pas les critères d'embauche pour les autochtones, et l'expérience nous montre que nous n'avons d'ailleurs pas à le faire.

En effet, les collectivités autochtones ont grandi en même temps que l'industrie. Ce que cela signifie pour moi, c'est que les autochtones sont maintenant très bien placés pour profiter de cette nouvelle ère d'expansion dont j'ai parlé au début de mon exposé.

Un véritable partenariat ne peut pas se ramener à accorder des emplois. Les études sont donc un élément du programme de Syncrude visant à donner aux autochtones la formation dont ils ont besoin. Nous croyons que tous nos employés ont intérêt à parfaire leur éducation, et nous encourageons une culture d'apprentissage continu.

En tant qu'entreprise de haute technologie, nous considérons nos employés comme notre principal atout et nous comptons sur leurs aptitudes et leurs compétences pour travailler de façon efficace. Notre avenir est tributaire de l'expansion d'un bassin d'employés compétents et bien formés, surtout dans la région où nous menons nos activités. C'est pourquoi nous nous intéressons à la formation et à l'éducation. Nous offrons des bourses d'études de 2 000 $ aux autochtones qui veulent parfaire leur éducation dans des disciplines qui se rapportent aux sables bitumineux. L'an dernier, nous avons lancé un programme d'aide financière de cinq ans, au terme duquel nous aurons investi au total 500 000 $ pour le programme des carrières autochtones de l'Université de l'Alberta.

Nous sommes en outre très en faveur des programmes d'apprentissage débouchant sur l'emploi, par exemple les programmes coopératifs, les programmes de préparation à la carrière et les stages d'apprentissage accrédités pour les élèves du secondaire. En collaboration avec les milieux scolaires, nous déployons des efforts pour inciter les adultes à retourner à l'école et les enfants à y rester. Nous distribuons de l'information au sujet de notre entreprise, de nos exigences et de nos attentes ainsi que des possibilités que nous aurons à offrir.

Au-delà des exigences précises du milieu de travail et des attentes générales que nous avons à l'égard de nos employés, nous cherchons à favoriser la compréhension de la culture et des valeurs traditionnelles autochtones. Nous reconnaissons que des stéréotypes négatifs vont inévitablement se présenter à l'occasion. Mais la façon la plus efficace de les combattre est de fournir constamment à notre personnel de l'information pertinente. Ainsi, nous dispensons à nos gestionnaires, superviseurs et chefs d'équipe non autochtones une formation sur les questions autochtones.

Évidemment, tout le monde ne peut pas travailler directement pour Syncrude. Vous ne pouvez pas et vous ne devriez pas créer de postes dont vous n'avez pas besoin. Vous faites ce que vous pouvez, mais il n'y a pas de réservoir inépuisable d'emplois. Lorsque vous êtes, comme nous, un des principaux employeurs de votre collectivité, vous avez des responsabilités supplémentaires. Vous devez voir au-delà des murs de l'usine, dans la collectivité qui existait avant votre arrivée. D'abord, vous devez compter sur cette collectivité pour vous approvisionner en biens et services. Environ un cinquième des entreprises qui travaillent pour Syncrude sont possédées et exploitées par des autochtones, et nous les encourageons à embaucher des autochtones.

Parce que nous avions besoin d'un réseau de fournisseurs de confiance, il nous est parfois arrivé d'accorder discrétionnairement des contrats ou de lancer des appels d'offres restreints aux fournisseurs et entrepreneurs autochtones. Même si nous ne finançons pas d'entrepreneurs, nous proposons à l'occasion des ententes innovatrices pour faciliter le démarrage d'entreprises ou pour les aider à atteindre le seuil de rentabilité. Mais il s'agit là de mesures à court terme.

Nous y voyons non pas tant une assistance qu'un investissement dans notre propre avenir et, marginalement, dans celui de la collectivité autochtone. L'an dernier, nous avons dépensé environ 54 millions de dollars dans des entreprises possédées et exploitées par des autochtones. Depuis 1984, nous avons acheté au total pour plus de 350 millions de dollars de biens et services auprès d'entreprises autochtones.

Ce sont donc là trois éléments du programme qui sont directement liés les uns aux autres: l'emploi, l'éducation et l'expansion des activités. Mais les partenariats vont plus loin encore. Ils touchent la collectivité dans son ensemble, et Syncrude est déterminée à travailler en collaboration avec les populations locales, selon les besoins, pour les aider à définir et à combler leurs besoins et pour leur permettre de parvenir à l'autonomie. Pour cela, nous avons établi et maintenu de bonnes relations avec leurs leaders officiels et naturels. Nous prêtons main-forte, si nous le pouvons et si on nous le demande, aux collectivités de la région, sur les plans physique, technique et financier, qu'il s'agisse de programmes de santé, d'activités sportives, et cetera. L'objectif global consiste à améliorer la qualité de vie des gens et à offrir des avantages à la collectivité.

Selon moi, c'est un honneur que nos conseils soient sollicités à l'occasion. Quand on nous demande conseil, nous répondons donc sans hésitation et nous y ajoutons même des ressources. Nous cherchons à faire mieux apprécier la culture autochtone à tous les Canadiens. Par exemple, nous avons accepté d'être un important commanditaire de la salle d'exposition didactique du musée provincial à Edmonton, où l'on trouve une des plus belles collections d'objets autochtones au pays.

On parle beaucoup aujourd'hui de responsabilités sociales des sociétés. Certaines entreprises s'engagent socialement parce qu'elles craignent les conséquences de réactions négatives en cas de détérioration de la situation et qu'elles veulent se couvrir contre une perte de crédibilité dans une telle éventualité. Elles le font à reculons. Nous sommes là parce que la collectivité le veut bien, et le fait est que des collectivités en santé garantissent un climat d'affaire sain.

La même chose s'applique à l'environnement. On fait tout ce qu'on peut pour le protéger et le préserver, non pas par peur d'être pris en flagrant délit, mais parce qu'on a tous au même titre besoin de l'environnement. Nous avons le devoir d'altérer le moins possible l'environnement.

Syncrude reconnaît la nécessité de concilier son engagement à l'égard de la sécurité énergétique du Canada -- sécurité que nous sommes en bonne voie d'atteindre -- et son engagement ferme à être à l'avant-garde du développement durable. Là aussi, nos antécédents parlent d'eux-mêmes.

En tant que résidents de longue date de la région où Syncrude mène ses activités, les intervenants autochtones sont comme nous convaincus qu'il nous faut concilier les considérations environnementales et les considérations économiques. L'environnement est donc le cinquième et dernier élément de notre programme de développement autochtone.

Nous consultons abondamment les collectivités locales sur diverses questions environnementales et nous travaillons en étroite collaboration avec elles dans ce domaine. Encore l'an dernier, nous avons consacré six millions de dollars à la régénération des terres. Dans le passé, l'une de nos réalisations sur ce chapitre a été la construction du sentier de Wood Bison, qui a débuté en 1993 et qui s'inscrivait dans le cadre d'une initiative mixte de notre société et des Premières nations de Fort McKay visant non seulement à réhabiliter le milieu naturel, mais également à y ramener l'un de ses premiers occupants, le bison des bois. Pour le plus grand bonheur des habitants de la région et des visiteurs, un troupeau de plus de 200 têtes erre maintenant sur des terres réhabilitées gérées par la bande de Fort McKay.

Nous comprenons le rôle de gardiens du territoire qu'assument nos voisins autochtones et nous respectons le fait que nombre d'entre eux sont tributaires de la terre pour vivre. Nous aussi, nous croyons que la terre doit demeurer sûre, saine et conviviale pour les générations futures. C'est là une conviction que nous avons acquise en combinant les points de vue de l'industrie avec ceux de la société autochtone, une croyance en la sagesse d'adopter une orientation commune dont les résultats profitent à tous.

Comme je l'ai dit dès le début, les bons partenariats reposent sur la compréhension et le respect mutuel, et, pour porter fruit, ils doivent s'édifier avec le temps. Il y a certainement des entreprises qui n'ont pas encore pris conscience de cette réalité, et il leur faudra encore du temps pour y parvenir, car les recettes miracles n'existent pas.

À mon avis, Fort McMurray n'est pas le seul havre de possibilités de réussites commerciales autochtones au Canada, ni en Alberta. Ces possibilités existent virtuellement partout. Peut-être que, tout comme Syncrude a appris par l'expérience, d'autres pourront apprendre de nous, prendre une longueur d'avance, éviter certains des écueils auxquels nous nous sommes heurtés et partager notre succès, parce que nous savons que tout est possible. Des partenariats d'intérêt mutuel peuvent être établis, nous pouvons progresser et prospérer ensemble.

Personnellement, j'attends avec impatience le moment où le programme de développement autochtone deviendra inutile, le moment où tous auront les mêmes chances de réussir, chez Syncrude comme ailleurs.

Le sénateur St. Germain: Combien d'autochtones ont été touchés par la venue de Syncrude dans la région? Avez-vous une idée du nombre exact d'autochtones dont le mode de vie s'en est trouvé perturbé ou transformé, ou encore qui ont profité de cette présence?

Mme Beverley Davies, coordonnatrice, Programme de développement autochtone, Syncrude Canada Ltd.: Quand vous dites «ont été touchés», songez-vous aux personnes qui ont été à l'emploi, directement ou indirectement, de Syncrude?

Le sénateur St. Germain: Non, je veux plutôt parler de l'ensemble de la collectivité qui vivait déjà dans cette région quand on a décidé d'y exploiter les sables bitumineux.

Mme Davies: Nos recherches nous ont permis d'estimer que de 800 à 1 000 autochtones vivaient déjà dans cette région à l'époque. C'est un immense territoire. Il s'étend sur quelque 700 kilomètres du nord au sud. À ce moment, environ 800 autochtones y habitaient, contre près de 4 000 aujourd'hui.

Le sénateur St. Germain: Les autochtones qui sont venus s'ajouter sont-ils des gens qui avaient quitté cette région après y avoir déjà vécu, puis y sont revenus, ou proviennent-ils d'autres régions? Savez-vous ce qu'il en est?

Mme Davies: Nous en avons une assez bonne idée. Environ 25 p. 100 d'entre eux sont venus s'établir dans la région, et les autres en sont originaires.

Le sénateur St. Germain: Vers la fin de votre exposé, vous avez dit d'eux qu'ils étaient encore capables de vivre de la terre. Êtes-vous sûre de ce que vous avancez?

Mme Davies: Je ne crois pas qu'il soit réaliste d'affirmer que 4 000 autochtones peuvent y vivre de la terre, non.

Le sénateur St. Germain: Ce territoire était en grande partie habité par des autochtones visés par un traité, n'est-ce pas?

Mme Davies: Oui, par le traité no 8.

Le sénateur St. Germain: Ces autochtones ont-ils été traités équitablement en ce qui touche la richesse qui s'y trouvait, et partagera-t-on en toute justice cette richesse avec eux?

Il est réjouissant d'entendre qu'on leur donne des possibilités de travailler à la réalisation de ces projets. C'est louable de votre part, et je vous en félicite. Peut-être est-ce le bon gouvernement de l'Alberta qui vous a amenés à adopter cette politique, mais vous n'avez pas à formuler de commentaires là-dessus.

Il y avait des réserves sur ce territoire. Toutes les revendications territoriales ont-elles été réglées avec les autochtones de cette région? Reçoivent-ils vraiment, à même les fruits de ce développement, une part qui tienne compte de la valeur des ressources que recelait leur territoire?

Mme Davies: À mon avis, probablement pas. Les Premières nations dans cette région exigent de toucher, sous forme de redevances ou autrement, un revenu lié à l'exploitation des sables bitumineux. Les revendications territoriales non encore réglées ont pour nom «revendications particulières», et elles n'ont pas été chiffrées. Il ne s'agit pas de revendications territoriales de type classique. Une organisation métisse a intenté une importante poursuite contre les gouvernements fédéral, provincial et municipaux sur des questions d'indemnisation et de défaut de consultation.

Actuellement, Syncrude fait partie d'un groupe appelé l'Athabasca Tribal Council Industry Working Group, qui comprend les cinq Premières nations. Ce groupe de travail a notamment pour objectif d'envisager des façons innovatrices d'assurer un partage des profits de ce développement dans le cadre d'accords qui prévoiraient le versement d'indemnités, mais non sous forme de redevances. Le gouvernement de l'Alberta a clairement fait savoir qu'il n'entend pas retenir l'hypothèse des redevances dans les négociations. Nous envisageons d'autres façons novatrices et plus constructives de partager les revenus.

Le sénateur St. Germain: Diriez-vous que la province de l'Alberta procure des services de qualité aux gens de cette région en matière d'éducation, de santé, et cetera?

Mme Davies: Je crains de n'être pas bien placée pour me prononcer sur cette question.

Le sénateur St. Germain: Côté éducation, le système produit-il des gens que vous pouvez embaucher? Je me rends compte que vous n'entendez pas entrer dans une discussion à saveur politique et je n'essaierai pas de vous y entraîner. C'est bien beau que les autochtones réclament des redevances, mais les redevances que touche déjà la province sont-elles utilisées à l'amélioration de leur sort?

Mme Davies: L'éducation est l'une des questions fondamentales qui se posent dans cette région. À l'heure actuelle, le taux de décrochage des élèves autochtones entre leur 9e et leur 12e années est de 80 p. 100. Il va sans dire qu'il s'agit là d'un problème majeur pour notre industrie, car il touche notre main-d'<#0139>uvre potentielle. Ce problème ne nous préoccupe pas par pur altruisme, car nous avons nettement besoin de cette main-d'<#0139>uvre. Nous avons donc énormément intérêt à faciliter la mise en <#0139>uvre de programmes de formation scolaire, à travailler de concert avec les collectivités locales pour encourager les enfants à continuer de fréquenter l'école.

Il y a là un grave problème, avant tout d'ordre culturel, qui est lié aux difficultés d'adaptation qu'éprouvent nombre de ces jeunes qui, habitués à vivre dans des collectivités isolées, doivent se diriger vers des écoles secondaires en milieu urbain. Fort McMurray est une ville de 40 000 habitants. La plupart des enfants autochtones qui y fréquentent l'école secondaire proviennent de localités de moins de 400 habitants. Ces enfants ont de la difficulté à s'adapter, ce qui nous fait perdre une foule d'élèves fort brillants qui allaient très bien jusqu'à ce stade, mais qui échouent par la suite.

Le sénateur St. Germain: Exploitez-vous des gisements miniers dans les limites de certaines réserves?

Mme Davies: Non.

Le sénateur St. Germain: Vous menez toutes vos opérations en dehors des réserves?

Mme Davies: Oui.

Le sénateur Chalifoux: Bienvenue à Ottawa et au comité. Il n'y a pas si longtemps, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec vous deux à Fort McMurray.

Je m'intéresse au projet de mise en valeur des sables bitumineux depuis qu'on en a amorcé la matérialisation au début des années 70. J'ignore si vous allez pouvoir répondre à ma question. À cette époque, il y avait au-delà de 1 000 habitants d'ascendance autochtone dans cette région. Vous ne tenez compte que des Indiens visés par un traité et non des Métis. Je veux personnellement parler de tous les autochtones qui vivaient alors dans la région de Fort McMurray. Ils y menaient une vie de style traditionnel, axée sur la chasse, le piégeage, la pêche et le travail sur la rivière. Soudain, Syncrude s'est amenée, et tout leur mode de vie s'en est trouvé perturbé. Comment, selon vous, les conditions d'existence de cette population se sont-elles transformées depuis?

Deuxièmement, tout le monde sait que Fort McMurray est devenu la deuxième ville de «terre neuve» en importance dans notre pays. Vos activités ont amené une foule de gens à s'y installer. Quelles ont été, pour les collectivités autochtones, les conséquences de cette invasion? C'est une autre culture qui leur a ainsi été imposée du jour au lendemain.

Je dois vous féliciter. Vendredi dernier, David Tuccaro s'est vu décerner un prix national d'excellence réservé aux autochtones dans le domaine des affaires et du commerce. Cet homme est maintenant propriétaire de neuf sociétés, et ce, grâce à l'industrie des sables bitumineux. Voilà un exemple de bienfait qu'a apporté la présence de Syncrude à la collectivité autochtone, mais cette présence n'a toutefois pas été sans présenter pour elle de nombreux inconvénients. Quelles ont été, selon vous, en votre qualité d'agente de liaison autochtone, les conséquences de cette évolution pour les autochtones de cette région?

Mme Davies: Jusqu'au moment où l'on a entrepris d'exploiter les sables bitumineux dans cette région, les habitants autochtones y possédaient toutes les compétences voulues pour vivre de la terre et selon leur mode de vie traditionnel. Ils possédaient l'éducation, les habiletés et l'expérience dont ils avaient besoin. En très peu de temps, ces connaissances et cette expérience sont devenues insuffisantes pour faire face à la situation.

Nombre d'entre eux, particulièrement ceux qui sont maintenant âgés de 40 à 60 ans, ne s'en remettront jamais, ce qui m'apparaît regrettable. Nous avons mis en <#0139>uvre des programmes dans cette région pour aider ces personnes à acquérir un niveau élémentaire d'alphabétisation suffisant pour leur permettre de travailler à la réalisation de projets confiés à contrat. S'ils sont désireux de retourner à l'école, ils le peuvent, mais nombre d'entre eux n'y sont pas disposés. Ayant gardé un mauvais souvenir de ce qu'ils ont vécu à l'école au temps des missionnaires, ils ne veulent rien entendre d'y remettre les pieds. Aux autochtones de cette tranche d'âge, nous cherchons surtout à offrir des possibilités de travail à contrat pour le compte de Syncrude ou d'autres sociétés.

Ce à quoi nous nous employons dans les autres cas, c'est à permettre à ces autochtones de se recycler, d'acquérir les compétences et l'expérience voulues pour pouvoir profiter de l'industrie de l'exploitation des sables bitumineux ou des autres industries dont elle entraîne la naissance dans la région.

Le sénateur Chalifoux: Il y a une revendication territoriale qui n'est pas encore réglée en ce qui concerne la région d'Anzac. On a abordé ce sujet plus tôt. Si je fais ce rappel, c'est qu'il constitue un élément de réponse à la question du sénateur St. Germain.

Mme Davies: C'est à cette revendication que je songeais quand j'ai parlé précédemment d'une poursuite judiciaire. Avant cette poursuite, on avait soumis une revendication territoriale.

Le sénateur Chalifoux: Il s'agit d'ailleurs d'une revendication territoriale qui touche cette région.

Mme Davies: J'aimerais également répondre à votre deuxième question.

Quand nous avons évalué notre programme de développement autochtone vers 1992, nous nous sommes rendu compte que nous avions travaillé fort à l'établissement d'une juste représentation des autochtones dans la région, mais en vain. Après avoir atteint 6 p. 100, cette proportion n'avait pas dépassé les 6,1 p. 100 au cours des cinq années suivantes. Cette situation s'expliquait largement du fait que, comme vous l'avez mentionné, nous avions attiré en grand nombre des gens de l'extérieur, sans égard à leur provenance.

Syncrude a donc mis en oeuvre ce que, en termes d'équité en matière d'emploi, on pourrait appeler un programme de justice compensatoire. Nous avons décidé que même si notre effectif devait diminuer, nous accroîtrions la proportion de nos employés autochtones jusqu'à ce qu'elle atteigne 10 p. 100. Le programme en question allait s'échelonner sur cinq ans, au cours desquels nous allions tenter de redresser la situation en privilégiant le recrutement d'autochtones de la région et en instituant virtuellement par ailleurs un gel d'embauche. C'est ainsi que nous sommes parvenus à résoudre le problème, mais nous reconnaissons volontiers que nous n'avions pas fait le nécessaire jusqu'alors.

Le sénateur Chalifoux: L'objet de notre étude, c'est la fonction gouvernementale autochtone. Quelle est, selon vous, l'incidence de cette industrie sur la fonction gouvernementale autochtone, non seulement dans votre région, mais dans toutes les régions? Vous devez sans doute avoir une bonne idée de votre influence à cet égard.

Mme Davies: Ce que nous apportons avant tout aux gouvernements des Premières nations, c'est une source de revenu et, partant, de la dignité. Cela ne peut que contribuer considérablement à permettre aux autochtones d'acquérir la confiance en eux-mêmes dont ils ont besoin pour gérer efficacement leurs affaires.

Le sénateur Chalifoux: Il m'arrive souvent de faire remarquer qu'alors qu'il a fallu de 300 à 500 ans aux Anglais pour s'adapter à la révolution industrielle, nous nous attendons à ce que les autochtones y parviennent en 30 ans ou moins sans y laisser leur âme.

Le sénateur Adams: Dans le cadre des travaux d'autres comités, il m'a été donné de visiter les installations de votre société. J'ai effectué l'une de ces visites il y a trois ou quatre ans comme membre d'une délégation de notre comité de l'énergie. On m'avait alors interdit l'accès au local des ordinateurs parce que je portais la barbe.

M. Loader: On ne vous a pas laissé pénétrer dans la raffinerie?

Le sénateur Adams: Exactement.

En 1976, votre société a conclu un accord portant le nom de Indian Operation Agreement. S'agissait-il d'un accord entre votre société et le ministère des Affaires indiennes touchant l'embauche d'autochtones? Qu'est-ce qui a motivé la conclusion de cet accord? Votre mémoire précise qu'en 1976, Syncrude a conclu un accord avec les Amérindiens. Sur quoi portait-il? Sur l'embauche d'autochtones, ou bien sur un projet de partenariat entre les deux parties?

Mme Davies: À l'époque où nous avons déposé notre demande de permis pour la réalisation du projet, nous avons conclu un accord avec le gouvernement du Canada, le gouvernement de l'Alberta et l'Indian Association of Alberta, une association regroupant principalement des Indiens visés par traité. L'accord en question portait sur le développement économique et l'emploi. C'était en fait notre premier accord officiel. Il ne comportait pas d'objectif précis. Il avait pour objet d'accroître le nombre d'autochtones qu'emploierait Syncrude ainsi que le volume des affaires que Syncrude traiterait avec des sociétés autochtones.

L'accord touchait principalement des Indiens inscrits. Même si à cette époque le projet de Syncrude concernait également les Métis, cet accord a permis de mesurer notre succès auprès des Indiens inscrits par opposition à l'ensemble de la collectivité autochtone.

À l'expiration de cet accord, nous en avons conclu un autre avec la collectivité autochtone locale, le gouvernement de l'Alberta et, cette fois encore, le gouvernement du Canada. Ce nouvel accord touchait tous les autochtones et, ce coup-là, la collectivité autochtone a tenu à ce qu'on établisse des objectifs précis, des seuils que nous nous efforcerions d'atteindre. Nous avons constaté que cette formule était beaucoup plus efficace.

Le sénateur Adams: Cet accord est maintenant expiré. Pendant combien d'années a-t-il été en vigueur?

Mme Davies: L'Indian Opportunities Agreement est arrivé à expiration en 1985 ou 1986. Celui que nous avons conclu ensuite avec l'Athabasca Native Development Council a expiré en 1993.

Le sénateur Adams: Il n'en existe actuellement aucun? On s'en remet à la discrétion de votre société?

Mme Davies: C'est juste. Ces derniers temps, notre société a adopté comme politique de ne pas conclure d'accords officiels. Peut-être serons-nous éventuellement amenés à nous raviser, mais nous préférons actuellement formuler nos engagements sur la place publique. Nous publions un rapport annuel qui met en lumière l'engagement de Syncrude, et nous contractons des engagements officiels par la voie de la commission de l'énergie et des services publics. Nous jouons un rôle de régisseur public et nous estimons que cette approche s'est révélée plus efficace que certains des accords que nous avons connus.

Le sénateur Adams: Cet accord avait-il donné des résultats? Depuis son expiration, a-t-on observé une baisse du nombre d'autochtones qui travaillent pour Syncrude? Les choses s'étaient-elles bien passées sous le régime de cet accord, ou si vous préférez, pourquoi ne l'a-t-on pas reconduit?

Mme Davies: D'après les statistiques, nous avons obtenu de meilleurs résultats sans accord. L'Athabasca Native Development Corporation Agreement a expiré en 1993, et c'est en 1992 que nous avons mis sur pied le programme visant l'objectif de 10 p. 100. Au cours de cette période de cinq ans, la proportion d'autochtones au sein de notre effectif est passée de 6,2 p. 100 à plus de 10 p. 100, tandis que, sous l'accord, elle s'était maintenue aux alentours de 6 p. 100. Je ne saurais dire s'il y a là un lien de cause à effet, mais, sur le plan statistique, nous avons eu plus de chance sans accord.

Le sénateur Adams: Lors de notre visite, nous avons constaté que de nombreux autochtones travaillaient à contrat pour votre société comme mécaniciens ou opérateurs de machinerie lourde. Comment ce système fonctionne-t-il? Est-il nécessaire que ce genre de contrat porte sur 10 ans? Les autochtones se disaient heureux de leurs contrats avec votre société, mais pouvez-vous conclure des contrats à si long terme sans connaître de problèmes à les faire respecter? Comment les choses se passent-elles en ce qui touche les autochtones, les préposés aux ateliers et à l'entretien, les camionneurs, et cetera?

M. Loader: Voulez-vous parler d'organisations autochtones qui concluent des contrats avec Syncrude?

Le sénateur Adams: Oui.

M. Loader: Dans mon exposé d'ouverture, j'ai mentionné que dans certains cas nous avons donné un coup de main à des gens pour démarrer leur entreprise, mais nous nous sommes toujours attendus à ce que les entrepreneurs autochtones travaillent efficacement et de façon à être compétitifs en regard des autres entreprises. Avec du recul, nous sommes à même de constater que tous y sont parvenus. Normalement, après l'expiration d'un premier contrat, l'entrepreneur autochtone soumissionne de nouveau si les travaux se poursuivent, et, dans bien des cas, ils décrochent le contrat. Bien sûr, il est toujours utile, pour l'obtention d'un contrat, d'en avoir déjà exécuté un semblable auparavant, parce qu'on en mesure alors probablement mieux les implications qu'un concurrent qui s'aventure en terrain inconnu.

Le sénateur Adams: Ces gens n'ont-ils pas le sentiment que, du seul fait qu'ils sont autochtones, on devrait leur accorder la préférence? Comment cela se présente-t-il?

M. Loader: Le seul objectif que nous nous sommes fixé en ce qui touche les entreprises autochtones a été d'essayer d'atteindre au moins un pourcentage reflétant la réalité démographique. Nous traitons des affaires pour une valeur d'environ 300 millions de dollars en matière d'approvisionnements et services chaque année, et nous avons comme objectif de faire en sorte que 10 p. 100 de cette valeur, soit quelque 30 millions de dollars, aille à des entreprises autochtones. En fait, ce chiffre a été de 54 millions de dollars l'an dernier et de 56 millions l'année d'avant. Ce qui explique que nous ayons ainsi atteint près du double de notre objectif, c'est la qualité des services que ces entreprises autochtones nous offrent.

Le sénateur Adams: On assiste actuellement à l'implantation de nouvelles technologies. On utilise des tapis roulants, par exemple, et on est actuellement à mettre en place un réseau de pipelines. Quelle incidence cette évolution a-t-elle sur l'emploi?

M. Loader: Dans l'ensemble, il faudra moins de travailleurs qu'auparavant pour produire un baril de pétrole. Toutefois, en raison de son expansion, Syncrude n'en sera pas moins amenée à accroître son effectif, quoique dans une moindre mesure que si elle ne s'orientait pas vers de telles améliorations technologiques.

Je crois que de nombreuses possibilités seront offertes ou le sont déjà aux entreprises autochtones. Nous nous apprêtons à exploiter un nouveau gisement, du nom de Aurora, qui leur amènera de nouvelles perspectives.

Mme Davies: Nous disposons également d'un large éventail d'entrepreneurs. À propos de technologie, je vous signale que nous traitons avec des sociétés autochtones qui possèdent et exploitent des entreprises de dessin assisté par ordinateur, d'électronique et de transport d'énergie. Il existe toute une variété de sociétés autochtones sur lesquelles nous pouvons compter. Elles m'apparaissent avoir une très bonne capacité d'adaptation et être en mesure de s'ajuster aux changements technologiques.

Dans tout le Canada, il y a une pénurie de jeunes autochtones qui s'orientent vers le génie et les technologies, et cela pose problème. Il nous faut tenter de redresser cette situation, car les besoins seront énormes en ce sens.

Le sénateur Adams: S'il s'agit d'entreprises qui n'ont rien à voir avec les bandes, de sociétés ordinaires qui tout au plus sont implantées dans une réserve, comment les choses se passent-elles?

Mme Davies: Tout dépend. Certaines entreprises sont aux mains des Premières nations, d'autres appartiennent à des particuliers membres des Premières nations, d'autres encore, à des particuliers métis, et au moins une ou deux sont la propriété de nations métisses. Nous en avons toute une variété.

Le président: J'ai une question concernant l'accord intervenu entre votre société et la Première nation.

Quand un accord, quel qu'il soit, est conclu, les gouvernements fédéral et provincial en sont-ils nécessairement parties?

Mme Davies: Non. Je ne crois pas que ce soit forcément le cas. Certes, les gouvernements fédéral et provincial s'y intéressent généralement de près, car ils sont à même de constater qu'il résulte de tels accords de nombreux programmes qui, souvent, touchent les domaines de l'éducation et de l'emploi. Les gouvernements sont toujours les bienvenus à la table.

Nous avons invité le gouvernement fédéral, le ministère des Affaires indiennes et le gouvernement provincial à s'impliquer dans l'exécution d'un accord auquel nous sommes actuellement partie. Il s'agit d'un accord qui est intervenu entre l'ensemble de l'industrie des sables bitumineux -- et non exclusivement Syncrude -- et l'Athabasca Tribal Council.

Le président: Combien touchez-vous annuellement du gouvernement fédéral pour exécuter des accords qui comportent un engagement de Syncrude à offrir des programmes de formation?

Mme Davies: Syncrude ne reçoit rien.

Le président: Elle ne reçoit rien du gouvernement fédéral ni du gouvernement provincial?

M. Loader: Syncrude ne participe à aucun programme de formation financé par les instances fédérales ou provinciales.

Le président: Les programmes de formation sont-ils entièrement financés par la société pétrolière?

M. Loader: Oui.

Le président: Les actionnaires s'en plaignent-ils?

M. Loader: Nos actionnaires sont principalement des sociétés pétrolières. Deux importants groupes de mise en valeur des sables bitumineux sont du nombre, et leurs intérêts représentent 10 p. 100 de l'ensemble des fonds propres de Syncrude.

Le président: Comment justifiez-vous dans vos bilans annuels vos dépenses au poste de la formation de vos effectifs?

M. Loader: Nous formons tous nos nouveaux employés. Qu'ils soient autochtones ou non, ils débutent au bas de l'échelle, puis ils participent à un programme d'apprentissage.

Le président: Autrement dit, il n'y a pas de programme spécial à l'intention des autochtones; tout programme s'adresse à tous. Est-ce bien le cas?

M. Loader: C'est exact. Nous n'avons pas vraiment de programme à l'intention des autochtones puisque, dans la mesure du possible, nous traitons tous nos employés sur un pied d'égalité. Nous n'avons pas de programmes spéciaux pour eux, pas plus que nous ne leur accordons la préférence.

Le président: Je présume que c'est l'une des raisons pour lesquelles, comme vous l'avez signalé précédemment, vous exigez une 12e année d'études. D'ailleurs, vous n'acceptez aucun compromis à cet égard, n'est-ce pas?

M. Loader: Non.

[Français]

Le sénateur Gill: Je vous félicite pour le travail que vous faites pour les autochtones. Peut-être que mes collègues de ce coin ne seront pas d'accord avec moi, mais je trouve que les compagnies font un peu le travail qui appartient à d'autres.

J'ai souvent l'impression que le travail de Syncrude est à peu près semblable à celui des grosses corporations ailleurs au pays. Entre autres, si je me base sur Hydro-Québec par exemple, qu'on critique énormément, elle fait beaucoup de choses qui devraient être faites normalement par le gouvernement.

C'est un genre de compensation qui me semble correct. J'encourage les compagnies à poursuive ce travail. Par contre, je me demande s'il ne serait pas avantageux pour une compagnie comme Syncrude de faire des pressions auprès des gouvernements. J'imagine que vous en faites pour que ces gens prennent davantage leurs responsabilités auprès des autochtones. Par exemple, quand on parle de la formation, du développement social au niveau des communautés, du développement de la formation, et cetera, il y a beaucoup de choses qui semblent être faites par des compagnies comme la vôtre et qui devraient être assumées, à mon sens, par les gouvernements provinciaux et aussi, souvent, par le gouvernement fédéral.

De plus, la population non autochtone vous reproche peut-être de faire des passe-droits aux autochtones du coin. J'imagine que vous êtes probablement critiqués autant par les non autochtones que par les autochtones.

Vous devez souvent vous dire que vous faites le travail de quelqu'un d'autre et que vous remplacez quelqu'un qui ne fait pas son travail. N'y aurait-il pas avantage pour une compagnie comme la vôtre d'avoir des rencontres avec d'autres grosses compagnies à travers le pays qui pourraient éventuellement exercer une certaine pression sur les gouvernements fédéral et provinciaux? Les autochtones sont un peu partout au pays. La situation n'est peut-être pas toujours pareille, mais assez souvent elle est similaire.Ce n'est pas trop politique, c'est probablement la réalité de la vie. J'aimerais avoir vos commentaires.

[Traduction]

M. Loader: Nous devons nous montrer prudents sur ce plan. Les sociétés canadiennes n'ont jamais eu pour habitude de dire aux gouvernements comment mener leurs affaires. Un certain nombre de pressions s'exercent actuellement, par l'entremise du Conference Board du Canada et de Développement des ressources humaines Canada, pour tenter d'amener les gouvernements, les collectivités autochtones et les sociétés à s'engager dans divers types de partenariats et de programmes. On voudrait, en s'inspirant de ce qu'ont réalisé en ce sens Syncrude et la région de Fort McMurray, améliorer la condition économique des autochtones de toutes les régions du Canada et accroître le niveau de succès de toutes leurs entreprises.

Mis à part certaines pressions que nous avons exercées sur les gouvernements expressément pour les inciter à se demander s'ils ont déployé suffisamment d'efforts sur ce chapitre, nous ne sommes pas intervenus auprès d'eux, et nous ne sommes d'ailleurs pas placés pour le faire. Cependant, je vous comprends, et ce que vous préconisez pourrait certes renforcer l'ensemble du programme. De nombreuses collectivités autochtones partagent votre vision sur cette question. Je sais d'ailleurs que le sénateur Chalifoux est aussi de cet avis.

[Français]

Le sénateur Gill: J'insiste un peu là-dessus parce que je trouve que cela fausse les relations qui devraient normalement exister entre votre compagnie -- ou des compagnies semblables à la vôtre -- et les autochtones. Ce sont des relations d'employeurs à employés. C'est-à-dire des gens qui veulent se qualifier le plus pour être capable d'avoir des emplois mieux rémunérés au lieu de mêler cela à des revendications territoriales. Lorsqu'un acteur ne prend pas ses responsabilités, entre autres le gouvernement, la compagnie est obligée de traiter des sujets relatifs reliés aux réclamations, de l'emploi et aussi de l'économie. En fait, vous vous substituez jusqu'à un certain point au gouvernement. Par exemple, quand on parle des sables bitumineux de l'Ouest, c'est un potentiel pour deux cents ou trois cents ans à venir. Ce n'est pas un engagement d'une journée. Il y aurait peut-être une planification à long terme à effectuer et des associations à faire avec d'autres grosses compagnies qui exploitent aussi des ressources naturelles à travers le pays et qui auraient avantage à démêler leurs responsabilités et celles du gouvernement.

[Traduction]

M. Loader: J'en conviens. Ce serait fort utile.

Le sénateur Gill: Que faites-vous en ce sens?

M. Loader: Je l'ignore. Il y a beaucoup de confusion à cet égard. Tout ce que je puis vous dire, c'est que nous avons traité directement avec la collectivité autochtone pour tenter d'améliorer le sort de tous les habitants de la région de Wood Buffalo, qu'ils soient autochtones ou non, de manière à ce que chacun obtienne une part équitable de la richesse créée.

Il y a beaucoup à faire sur ce chapitre dans l'ensemble du pays. Vous avez mentionné Hydro-Québec. J'y connais des gens qui assument des responsabilités analogues aux miennes, et ils agissent comme moi.

Mme Davies a fait état des démarches qu'ont effectuées, en collaboration avec l'Athabasca Tribal Council, les diverses sociétés -- il y en a huit, je crois -- qui participent à la mise en valeur des sables bitumineux. Leurs représentants sont entrés en contact avec ceux du ministère fédéral des Affaires indiennes et du Nord canadien et du ministère albertain des Affaires intergouvernementales et autochtones. Ils ont formulé des propositions visant l'implication de ces gouvernements. Ils attendent actuellement une réaction de leur part. Je n'ai pas vraiment d'autre réponse à vous donner.

Le sénateur Gill: Étant donné qu'il est difficile d'agir au nom du gouvernement dans certains domaines, vous serait-il possible d'envisager un partenariat quelconque avec les Premières nations en matière de partage des revenus? C'est vraiment ce que nous cherchons à obtenir. Nous souhaiterions qu'il y ait, avec les gens qui vivent sur le territoire d'où les ressources sont extraites, un partage des revenus que génère la mise en valeur de ces ressources. Ces gens devraient pouvoir obtenir une part de ces revenus. Attendez-vous seulement que la population exerce des pressions sur vous?

M. Loader: J'ignore ce que nous pouvons dire ou faire pour faire avancer les choses à cet égard. De par les redevances et les impôts qu'ils perçoivent auprès de nous, les gouvernements fédéral et albertain s'approprient déjà une bonne part des profits que nous réalisons. Ce qu'il nous reste après avoir assumé tous nos coûts n'est pas si énorme.

Je présume qu'il faudrait que ce genre de partage des profits se fasse par l'entremise de l'un ou l'autre de ces deux ordres de gouvernement ou des deux à la fois. Je sais que les autochtones ont exercé des pressions pour obtenir un tel partage. Je sais, par exemple, que la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan essaie actuellement d'établir, en collaboration avec le gouvernement fédéral et celui de la Saskatchewan, une formule de partage des profits provenant de l'exploitation des ressources naturelles. Ce n'est pas une question sur laquelle Syncrude a déjà pris position publiquement, et je ne crois pas non plus que nous soyons disposés à le faire aujourd'hui.

Le sénateur Gill: Appuyez-vous la création d'un troisième ordre de gouvernement pour les autochtones?

Le sénateur Andreychuk: Ne répondez pas à cette question; elle est d'ordre politique.

M. Loader: Je ne saurais vous répondre au nom de Syncrude. D'ailleurs, je ne suis pas certain d'être suffisamment au fait de cette question telle qu'elle se pose à l'échelle nationale pour pouvoir même le faire à titre personnel.

Le sénateur Pearson: Dans vos réponses au sénateur Chalifoux concernant l'éducation, vous avez mis le doigt sur un phénomène des plus affligeants, à savoir le fait qu'à une certaine période cruciale de l'adolescence, de nombreux jeunes autochtones se perdent. Ce n'est pas de votre faute; ce n'est pas ce que je veux dire. Vous comprenez très bien que, de plus en plus, c'est l'acquisition du savoir qui ouvre des perspectives économiques. Vous avez besoin d'une main-d'oeuvre plus instruite, et, dans le cadre de vos efforts de financement de réalisations sociales ou humaines, vous assumez une partie du coût de son éducation.

La situation que vous décrivez m'apparaît préoccupante. On voit bien ce qui se produit. Ces enfants, qui viennent de petites localités, se sentent soudain perdus dans une grosse école secondaire d'une grande ville. C'est déjà un problème pour les enfants des villes ordinaires.

Vous faites beaucoup en matière d'éducation. Vous êtes ouverts au partenariat. Vous avez fait des offres de partenariat pour l'organisation de programmes coopératifs, je pense. Avez-vous des ententes précises avec des écoles secondaires? Il doit y avoir plus d'une école secondaire dans votre région.

Mme Davies: Il y en a trois.

Le sénateur Pearson: À New York, il existe un programme dans le cadre duquel on accorde des bourses à des élèves noirs qui persévèrent dans leurs études, à temps plein. C'est un bel exemple d'idée créatrice. C'est un particulier qui a mis sur pied le programme en question; cet homme accorde un certain montant d'argent à tout diplômé. C'est un stimulant fort efficace.

Je lance cette idée tout bonnement. Avez-vous imaginé d'autres mesure concrètes qu'on pourrait prendre? Avez-vous prévu un mécanisme de recherche de bonnes idées?

Mme Davies: Nous participons directement à trois programmes en collaboration avec les écoles secondaires. Il a été question de l'un d'eux dans l'exposé de M. Loader, à savoir le programme de stages d'apprentissage accrédités, le RAP (Registered Apprenticeship Program). C'est un de nos programmes qui s'est révélé le plus efficace. Nous l'avons institué à titre expérimental pour la collectivité de Fort McKay, notre plus proche voisin. Dans cette collectivité, le taux de décrochage s'élevait à 90 p. 100.

Le RAP est un programme de transition qui allie travail et études et qui s'adresse aux élèves qui entreprennent leur 10e année. Ils travaillent pendant six mois pour notre société contre rémunération, après quoi ils fréquentent l'école pendant six mois. Ils obtiennent également des crédits pour ces mois de travail. Au cours de leurs 11e et 12e années, ils travaillent et vont à l'école en même temps. À la fin, ils obtiennent un diplôme de 12e année et on leur crédite une année de stage d'apprentissage. Ce sont des apprentis liés par contrat. Ils passent ensuite tout naturellement au prochain niveau, celui du programme coopératif.

Déjà, le RAP a eu un formidable effet sur l'assiduité des élèves. Certains taux d'assiduité sont passés d'entre 35 et 50 p. 100 à entre 75 et 90 p. 100. Par le fait même, les résultats scolaires se sont considérablement améliorés.

Le programme connaît ses ratés; il n'est pas parfait. Nous nous y penchons presque chaque mois pour chercher à en aplanir les problèmes, mais il s'est quand même révélé une grande réussite.

Nous travaillons également en collaboration avec les écoles et les responsables du programme de bourses d'études. Nous remettons un cadeau à tout élève qui obtient son diplôme. Nous venons en aide à ceux qui poursuivent leurs études à l'université en leur accordant une bourse annuelle de 2 000 $ et un emploi d'été garanti. Nous nous efforçons d'apporter un soutien à tous les diplômés du secondaire qui viennent d'une localité isolée et qui désirent aller à l'université. Nous avons virtuellement aidé chacun d'eux à relever un tel défi.

Le sénateur Pearson: Depuis combien de temps ces deux programmes sont-ils en vigueur?

Mme Davies: Le RAP a été mis sur pied il y a deux ans, et celui des bourses d'études existe probablement depuis cinq ans. Il a produit un diplômé autochtone en génie, qui est actuellement à notre emploi.

Le sénateur Pearson: Voilà qui est agréable à entendre. Il faut du temps pour recueillir les fruits de tels efforts. Le fait que ces programmes soient tout nouveaux semble indiquer que vous êtes déterminés comme jamais à résoudre ce problème.

Mme Davies: En effet. Plus officiellement encore, l'accord à propos duquel j'ai mentionné que les 11 sociétés qui composent notre industrie y participent -- parmi elles, on trouve d'importantes sociétés pétrolières comme Petro Canada et Esso -- comporte un volet directement axé sur l'emploi et l'éducation. Il s'agit d'un programme appelé Career Path Mentoring qui, croyons-nous, apporte une solution concrète à certains des problèmes que nous connaissons. Il est offert aux élèves autochtones une fois qu'ils sont rendus vers leur 9e année, et leur propose un cheminement vers le succès. On amène d'abord l'élève à se demander jusqu'où il veut se rendre dans l'avenir et où il en est actuellement, pour ensuite établir avec lui quel devra être son cheminement, étape par étape. L'élève s'engage à franchir une étape, et nous nous engageons à en franchir une nous aussi. Nous lui attribuons un mentor, un autochtone déjà à notre emploi, qui l'accompagne tout au long de son périple. Ce programme aussi s'est révélé très efficace.

Le président: À l'heure actuelle, vous n'avez aucun autochtone parmi vos cadres supérieurs, par exemple à votre niveau, n'est-ce pas?

M. Loader: Vous avez raison. Nous avons quelques autochtones à des niveaux relativement élevés dans la hiérarchie, mais je ne crois pas qu'il y en ait à mon niveau. Mme Davies est une autochtone qui est passablement haut placée au sein de notre société.

Mme Davies: Je ne suis toutefois pas à son niveau, pas encore.

Le président: Je crois que, dans le nord de l'Alberta, il y a huit groupes de Métis qui sont régis par la loi provinciale qui a été adoptée en 1991. Cela a-t-il des conséquences sur la région géographique où s'est établie votre société?

Mme Davies: Les établissements métis d'Alberta sont situés au sud de ce que nous considérons comme notre région. Ils se trouvent effectivement à faire partie de la même zone que notre nation métisse, mais nos installations sont situées à l'intérieur de la région qui s'étend de Conklin à Fort Chipewyan, c'est-à-dire au nord des établissements métis. Notre société compte un bon nombre d'employés qui ont été recrutés il y a environ 15 ans dans les établissements métis de cette région.

Le président: Le conseil de l'établissement métis participe-t-il à vos activités, directement ou indirectement?

Mme Davies: Indirectement, oui. À plusieurs occasions, nous avons rencontré les conseils métis du Sud pour discuter de possibilités d'affaires, mais, chez Syncrude, nous avons une politique quasi préférentielle d'embauche et d'affaires en faveur des habitants de notre région. Ces Métis n'en sont toutefois nullement exclus. Nous nous intéressons particulièrement à leurs diplômés du secondaire qui poursuivent leurs études à l'université, car nous y voyons un intéressant bassin de professionnels autochtones à recruter. Vu qu'ils viennent de la région, ils sont normalement moins susceptibles de nous quitter en cours de route que ceux que nous recrutons à Calgary et à Ottawa.

Le président: Je crois que l'un des sénateurs a posé une question à propos des redevances. Votre société se sent-elle tenue de discuter de redevances avec les autochtones? Je sais que vous avez répondu à cette question en nous renvoyant à l'accord sur les incidences. Selon moi, vous esquivez ainsi la question. Vous avez en outre mentionné qu'étant donné que les lois provinciales s'appliquent en cette matière, c'est au gouvernement provincial qu'il appartient de trancher.

M. Loader: Les gouvernements fédéral et provincial devront prendre le temps de concevoir ensemble une formule précise qui permettrait de résoudre ce problème.

Le président: Serait-il préférable que les actionnaires et les autochtones en discutent directement ensemble afin de tenter d'en arriver à un consensus, pour ensuite faire part de leurs conclusions au gouvernement? Ne serait-il pas indiqué de procéder plutôt de cette façon?

M. Loader: La collectivité autochtone de notre région serait probablement très heureuse de voir les sociétés participer à cette discussion, mais on ne nous a jamais officiellement demandé de le faire. Les représentants de cette collectivité sont en intenses pourparlers avec les gouvernements fédéral et provincial pour tenter d'établir vers quoi on s'oriente en cette matière. Je ne crois pas que nous puissions influer beaucoup sur ce processus tant qu'on n'aura pas établi quelles seront les règles de base. Actuellement, ce sont les lois de l'Alberta et du Canada qui s'appliquent, et nous entendons nous y conformer tant qu'on ne nous imposera pas autre chose.

Le président: En attendant qu'on marque des progrès à cet égard et que vous ayez le sentiment d'avoir voix au chapitre, vos actionnaires peuvent-ils saisir les autochtones de la question?

M. Loader: Je crois que ni moi ni Syncrude pouvons nous prononcer au nom de nos propriétaires en cette matière, car l'immense majorité d'entre eux exercent leurs activités ailleurs au Canada à une échelle beaucoup plus nationale que nous. Comme société, notre cas est particulier, en ce sens que nous exerçons nos activités dans une seule région du pays, du reste fort restreinte. Nos actionnaires sont pour la plupart des sociétés nationales, et d'autres sont des sociétés pétrolières américaines. Il serait présomptueux de la part de Syncrude ou de moi-même d'essayer de présumer de leurs opinions. Je me dois de m'abstenir de répondre à cette question.

Le président: Si les autochtones exerçaient des pressions auprès des sociétés pétrolières, ces sociétés seraient-elles disposées à discuter de cette question?

Mme Davies: Cela fait cinq ans qu'ils s'exercent de telles pressions. L'un des éléments des pourparlers qui ont mené à la conclusion de l'accord avec l'Athabasca Tribal Council portait sur les redevances. Nous avons convenu -- et je dis cela au nom des 11 sociétés -- de vérifier auprès des gouvernements fédéral et provincial si seulement ils étaient prêts à accepter que cette question soit portée à l'ordre du jour des discussions concernant cet accord. Pour toute réponse, le gouvernement de l'Alberta a fait savoir aux intéressés que si la question des redevances devait être soulevée, il n'accepterait même pas d'être partie à l'accord.

Le président: Qui ne serait pas partie à l'accord?

Mme Davies: Le gouvernement de l'Alberta. C'est pourquoi, dans l'intérêt de l'accord, nous avons exclu cette question des discussions. La collectivité autochtone et nous-mêmes avons convenu de la retirer de l'ordre du jour, et elle poursuivra elle-même les pourparlers à ce sujet.

Le président: Qu'entendez-vous par «poursuivra elle-même»?

Mme Davies: Je veux dire par là que les gouvernements des Premières nations continueront d'en discuter directement avec les gouvernements albertain et canadien.

Le président: Je vous remercie de votre excellent exposé. Il y a été abondamment question de réalisations et de réussites. Poursuivez dans cette voie. Un jour, espérons-le, vous convaincrez vos actionnaires d'envisager sérieusement un authentique partenariat plutôt qu'un partenariat qui ne veut vraiment rien dire. Merci.

M. Loader: Merci beaucoup de votre attention.

La séance est levée.


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