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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 23 - Témoignages du 17 mars 1999


OTTAWA, le mercredi 17 mars 1999

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 17 h 40 pour étudier, en vue d'en faire rapport, la fonction gouvernementale autochtone.

Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nos premiers témoins de ce soir représentent l'Ontario Federation of Indian Friendship Centres.

La parole est à vous.

Mme Vera Pawis Tabobondung, présidente, Ontario Federation of Indian Friendship Centres: Meeqwetch, bonjour et merci de votre invitation à prendre la parole devant le comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Nous voulons dire «meeqwetch» aux peuples algonquins qui nous ont permis de traverser leur territoire et d'y séjourner aujourd'hui. Nous tenons à le mentionner, car nous avons rédigé notre mémoire en sachant bien que nous ne parlons pas au nom de tous les peuples; nous n'avons pas leur permission. Nous parlons au nom de l'Ontario Federation of Indian Friendship Centres, qui défend les intérêts des autochtones vivant en milieu urbain.

Cela fait une trentaine d'années que nous travaillons dans ce domaine. Nous avons participé à des initiatives concernant l'autonomie gouvernementale autochtone, de même qu'à bien d'autres initiatives gouvernementales. Nous savons qu'il n'y a pas eu d'initiative vraiment suivie pour remédier au problème des autochtones vivant hors des réserves.

Nous possédons une vaste expérience que nous essaierons de résumer en quelques mots en ce qui concerne les centres d'amitié. Nous sommes au nombre de 26 en Ontario. Nous avons des membres qui sont non alignés. Nous pensons pouvoir établir 10 centres d'amitié supplémentaires et cela vise à reconnaître ce que les autochtones des villes estiment être leurs droits. Ils veulent des services et des programmes adaptés à leurs besoins, pour améliorer la qualité de vie des personnes, des familles et des communautés autochtones.

Les centres d'amitié sont des sociétés sans but lucratif qui sont très près de leurs membres. Ils choisissent leur conseil d'administration lors d'assemblées générales annuelles. Chacun des centres d'amitié est unique étant donné qu'il est le résultat d'une histoire et d'une identité communautaire différente. Les centres d'amitié ont une situation sociale très diversifiée qui les a aidés à créer chacune de leurs organisations communautaires.

Nous offrons huit principaux programmes dans le cadre de l'Ontario Federation of Indian Friendship Centres. Ce sont des programmes qui cherchent à promouvoir un mode de vie sain, la sensibilisation culturelle, la justice, l'emploi et la santé. Le centre d'amitié a mis au point un modèle de soins communautaires qui aborde tous les aspects de la vie des autochtones avec l'approche culturelle qui convient.

Les centres d'amitié jouent un rôle très actif au sein des organismes communautaires tels que les conseils d'hygiène publique de district, les collèges et les universités, les centres de guérison et les programmes de justice alternative. Nous avons pu créer d'autres organismes grâce au travail que nous avons accompli sur le plan du logement sans but lucratif et des programmes d'alphabétisation.

Nous avons participé à la création d'une infrastructure de programmes et de services hors réserve qui est dirigée par les autochtones. Nous soutenons des initiatives locales et faisons des instances auprès des pouvoirs publics pour obtenir des programmes et des ressources de même qu'un soutien pour la formation et les programmes des centres membres de la notre fédération.

Nos activités sont régies par un code d'éthique tel qu'indiqué dans les renseignements que nous avons communiqués au Sénat. Notre fédération est en train de mettre sur pied un centre d'apprentissage pour les autochtones pour faire en sorte que les employés des centres d'amitié puissent offrir une formation accréditée et aussi pour mettre des programmes de formation autochtones à la disposition de l'ensemble du public autochtone.

Nous envisageons d'entreprendre des initiatives de développement économique pour soutenir les centres locaux et faciliter les entreprises locales. Nous disposons d'un réseau élargi d'agences autochtones hors des réserves. C'est une façon d'affirmer l'identité autochtone. Nous avons, en Ontario, des agences qui témoignent de la survie des peuples autochtones dans la province et qui montrent à l'ensemble de la société que les peuples autochtones continuent d'occuper et d'utiliser toutes les régions de leur territoire initial.

Dans notre mémoire, nous avons abordé la question de la représentation. Nous tenons à souligner que nous cherchons à résoudre les problèmes de la qualité de vie des autochtones dans les centres urbains. Nous ne prétendons pas être un organisme politique, mais nous devons défendre les nombreux intérêts des autochtones. Ce sont ses membres qui dirigent les activités de l'Ontario Federation of Indian Friendship Centres.

Nous voudrions parler de la possibilité de nouer des relations avec les autres agences et autres organismes autochtones. Nous avons commencé notre travail en suivant les instructions des anciens et en veillant à ce que les chemins qui mènent à notre territoire restent libres de tout obstacle afin que nos enfants et arrière-petits-enfants puissent y retourner s'ils le désirent. Nous avons entamé des discussions au sein d'un certain nombre de comités, au sujet des protocoles et de la façon dont nous voulons travailler avec les organisations autochtones et les organisations politiques. Notre fédération doit veiller à défendre les intérêts des peuples autochtones et à leur faire comprendre qu'ils ont le droit de participer à la conception des programmes ainsi qu'au gouvernement autochtone. C'est certainement le message que nous avons reçu en ce qui concerne la fonction gouvernementale.

Nous pouvons vous décrire un certain nombre de modèles et certaines façons dont nous pourrons les mettre en oeuvre. Toutefois, cela ne pourra se faire qu'à la condition de tenir compte des intérêts des gens et de leur droit de participer à ces programmes, à ces services et à ce gouvernement. Nous présentons certains modèles dans notre mémoire. Nous savons que nous ne voulons pas refléter ce qui existe déjà dans les gouvernements municipaux.

Nous savons que les nations représentent un ensemble de communautés. C'est ce que nous constatons dans les divers centres d'amitié des villes de l'Ontario, petites ou grandes. Dans certaines villes, un centre d'amitié ne suffit pas. On a vu naître deux ou trois centres de plus et il y a encore de la place pour plusieurs autres centres étant donné que le besoin de programmes et de services est bien réel. Nous voulons créer un milieu où les autochtones pourront parler de leurs modèles urbains d'autonomie gouvernementale.

Un certain travail peut être accompli en ce qui concerne l'approche fondée sur les nations, comme nous l'avons indiqué à la page 7 dans le paragraphe concernant le modèle de la communauté d'intérêts. Nous devons reconnaître qu'il y a maintenant plusieurs générations d'autochtones qui sont nés et qui ont été élevés dans les centres urbains et qui n'ont peut-être pas de contacts réels avec la bande de la Première nation dont ils sont membres. C'est une réalité. Il faut en tenir compte et offrir à ces personnes la possibilité de mettre au point un modèle d'autonomie gouvernementale nouveau et novateur pour la communauté autochtone urbaine.

Nous avons examiné le modèle de gouvernement public et nous y avons travaillé un peu. Nous avons l'impression que nous nous trouvons toujours pris entre les responsabilités fédérales et les responsabilités provinciales. Nous sommes toujours pris entre les deux camps. La Commission royale sur les peuples autochtones n'en a pas beaucoup parlé. Dans notre mémoire, nous mentionnons nos rapports avec les programmes de santé mentale et de désintoxication pour les autochtones. Nous avons eu des consultations avec les communautés et nous avons préparé un mémoire et une proposition que nous avons soumis à deux ou trois niveaux de gouvernement différents. Chacun cherche à se dégager de ses responsabilités à l'égard de cette initiative autochtone urbaine.

Dans notre mémoire, nous parlons de la recommandation que la Commission royale sur les peuples autochtones a formulée en vue de la création d'une administration indépendante pour superviser les relations et les négociations entre les peuples autochtones et les gouvernements fédéral et provinciaux. Nous savons parfaitement que nous avons réussi à faire entendre la voix de la raison pour certaines de ces initiatives. Nous reconnaissons que l'intervention d'une partie indépendante est absolument nécessaire pour nouer des relations positives. On a cherché à inclure un représentant de la communauté internationale dans cet organisme indépendant afin d'améliorer les relations entre les peuples autochtones et les divers niveaux de gouvernement.

Pour ce qui est du rôle des centres d'amitié, il est centré sur le développement communautaire. C'est ce que précise un énoncé de mission qui souligne la nécessité d'améliorer la qualité de vie des autochtones en milieu urbain d'une façon qui respecte le caractère distinctif de la culture autochtone. Le gouvernement canadien doit reconnaître que les communautés autochtones existent à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des réserves. De plus, le gouvernement canadien doit reconnaître que les centres d'amitié sont les principaux fournisseurs de services et des centres de rassemblement pour la communauté autochtone.

À la page 11, nous avons énoncé nos recommandations. L'autonomie autochtone hors réserve est une question qui se pose de plus en plus et, par conséquent, nous recommandons que:

Le gouvernement canadien travaille en collaboration avec l'Ontario Federation of Indian Friendship Centres pour faciliter l'établissement d'au moins quatre modèles d'autonomie gouvernementale urbaine en Ontario.

Le gouvernement canadien reconnaisse officiellement que les communautés autochtones existent dans les centres urbains de tout le pays et pas seulement dans les réserves.

Le gouvernement canadien reconnaisse officiellement les centres d'amitié comme les principaux lieux de rassemblement et les principaux fournisseurs de services pour les peuples autochtones vivant dans les centres urbains.

Le gouvernement canadien favorise des accords entre des organisations fondées sur l'appartenance à certains groupes et des centres d'amitié au lieu de créer des infrastructures parallèles et des intérêts concurrents.

Le gouvernement canadien appuie l'approche fondée sur les nations, les nations étant identifiées comme un ensemble de peuples plutôt que seulement un ensemble de communautés ayant une culture, des origines et des institutions communes, et cetera.

Tous les accords sur l'autonomie gouvernementale des Premières nations doivent préciser les mesures à prendre pour assurer la participation de tous les membres et citoyens, quel que soit leur lieu de résidence, à la détermination du gouvernement qui prétend les représenter.

Les centres d'amitié doivent participer directement à toutes discussions ou négociations entre le gouvernement du Canada qui influeront sur la conception des programmes et la prestation des services aux autochtones dans les centres urbains.

Le gouvernement canadien confirme que les droits ancestraux sont transférables et existent autant dans les réserves qu'à l'extérieur.

Le gouvernement canadien réaffirme que les gouvernements du Canada ont des responsabilités fiduciaires envers tous les autochtones, quel que soit leur lieu de résidence.

Le gouvernement canadien confirme que l'article 35 de la Loi constitutionnelle du Canada représente l'ensemble des droits collectifs et individuels reconnus au niveau international comme les droits appartenant aux «peuples». Cet engagement annule la nécessité d'une «nouvelle» proclamation royale.

Le gouvernement canadien établisse une administration ou un tribunal indépendant chargé de surveiller les relations et les négociations entre les peuples autochtones et les autres gouvernements du Canada; cette tribune doit notamment avoir le pouvoir de trancher les différends soumis par toutes les parties, y compris les centres d'amitié; cette tribune devrait inclure une représentation internationale.

Le président: La concision facilite la compréhension.

Le sénateur St. Germain: À la toute fin de votre mémoire, vous recommandez que le gouvernement établisse une administration ou un tribunal indépendant chargé de superviser les relations et les négociations entre les peuples autochtones et les gouvernements du Canada. L'un des principaux problèmes que nous ont signalés les Cris naskapis est qu'ils veulent l'établissement d'un tribunal. Si un tribunal est établi, ce serait pour une période donnée et son existence prendrait fin au bout d'un certain temps. Vous parlez d'une administration. Avez-vous réfléchi sérieusement à la façon d'établir cette administration?

Les peuples autochtones peuvent avoir l'autonomie gouvernementale ou ils peuvent conclure un accord, mais l'un des plus sérieux problèmes se situe au niveau de la mise en oeuvre. Nos autochtones doivent donc retourner devant les tribunaux, ce qui exige beaucoup de temps et d'argent, et cela retarde également la mise en oeuvre.

Peut-être pourriez-vous nous préciser comment vous envisagez ce tribunal ou l'administration dont vous parlez dans votre onzième recommandation.

Mme Tabobondung: Certaines des idées énoncées dans la recommandation no 11 viennent directement de la Commission royale sur les peuples autochtones. Nous devons faire quelque chose pour améliorer les relations qui existent entre les peuples autochtones du Canada, le gouvernement canadien, le gouvernement ontarien et les autres gouvernements provinciaux. Nous pouvons passer notre temps à discourir, mais si nous ne commençons pas à établir un mécanisme quelconque -- et nous ne sommes pas encore certains de ce qu'il sera -- personne ne devra honnêtement s'efforcer d'améliorer le sort des peuples autochtones.

Le sénateur St. Germain: Pensez-vous que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pose un problème à cet égard?

Mme Tabobondung: D'après ce que nous avons constaté, personne ne veut assumer la responsabilité des autochtones qui vivent hors des réserves. Nous avons de la correspondance qui en témoigne. Au cours de nos 30 années d'existence, nous avons formulé à plusieurs reprises des propositions qui n'ont pas été bien accueillies parce qu'elles n'émanaient pas d'une organisation communautaire établie dans une réserve. Oui, c'est un problème. Personne ne veut assumer la responsabilité des autochtones des villes.

Le sénateur St. Germain: La situation est claire pour les gens des réserves étant donné que les champs de compétence sont bien établis. Vous avez parlé des autochtones qui n'ont jamais été en contact avec la bande dont ils sont originaires. C'est une situation compliquée, comme vous le savez certainement. Nous essayons de formuler des recommandations au sujet de l'autonomie gouvernementale, tout en essayant d'être équitables et de défendre les intérêts de tous les intéressés.

Certaines personnes n'ont eu aucun contact avec leur milieu d'origine. Quelle solution envisagez-vous? Vous possédez l'expérience voulue. Vous agissez sur le terrain. Ces personnes viennent-elles vous voir pour vous demander comment aborder la question du point de vue de l'autonomie gouvernementale? Comment les réintégrer? Faudrait-il les traiter comme une entité distincte?

Mme Tabobondung: Nos centres d'amitié ont un long travail à faire pour rattacher quelqu'un à sa communauté d'origine, à ses parents, à ses grands-parents. Tout est là. Telle est l'aide que nous apportons pour créer des modèles afin que ces personnes aient la possibilité de dire ce qu'elles pensent, d'exprimer leurs sentiments, pour que nous puissions les aider à concevoir un modèle d'autonomie gouvernementale qui leur conviendra dans leur communauté.

Le sénateur St. Germain: Voulez-vous dire qu'il faudrait essayer de les relier à leur milieu ancestral ou voulez-vous dire qu'il faut créer pour ces personnes une forme d'autonomie gouvernementale, en dehors de la réserve ou de la Première nation dont elles sont originaires? Vous avez mentionné qu'il faudrait établir une forme d'autonomie gouvernementale quelconque pour les personnes qui n'ont pas de lien direct avec leur milieu d'origine.

Mme Tabobondung: Ces personnes ont des liens avec leur milieu d'origine. Ce qu'elles n'ont pas, c'est la possibilité de créer un scénario dans lequel elles pourront dire à quoi ressemblera leur autonomie gouvernementale dans un milieu urbain.

Le président: Elles ne participent aucunement à ce qui se passe dans leur milieu d'origine ou à l'élaboration des instruments politiques?

Mme Tabobondung: C'est exact. Pour ce qui est de la communauté d'où je viens, je peux parler des 400 personnes qui y résident, mais je ne peux pas vraiment parler des 800 personnes qui n'y habitent pas. J'ignore si ces 800 personnes voudraient ou pourraient revenir dans la communauté où résident les 400 autres.

Le président: Dans votre mémoire, vous parlez de nations et vous les décrivez comme des groupes de gens qui forment une nation. Il y a deux façons de comprendre le concept de la nation. Dans certaines communautés indiennes, une communauté peut être considérée comme une nation. Pour d'autres groupes de la même province, c'est l'ensemble des communautés qui forme une nation. Lorsque vous parlez d'une approche fondée sur les nations, comment établissez-vous l'appartenance? Vous basez-vous sur la lignée ou sur l'origine? Nous avons besoin de votre aide à ce sujet.

M. Tim Thompson, directeur de la politique, Ontario Federation of Indian Friendship Centres: Vera et moi avons discuté des questions d'appartenance. Vous avez des Premières nations ou des bandes visées par la Loi sur les Indiens qui ont évolué sous la tutelle des Affaires indiennes et qui ont adopté des systèmes qui s'opposent à la participation fondée sur la race ou une évaluation de la lignée. La plupart de nos communautés s'en sont rendues coupables. C'est une façon d'établir la composition d'une communauté. Chaque communauté doit établir elle-même qui sont ses membres.

Il existe également des façons traditionnelles de déterminer qui fait partie d'une communauté. Dans les régions d'où nous venons, dans ce que l'on appelle maintenant l'Ontario, les cultures communes à cette région ont identifié leurs membres ou leurs citoyens au moyen d'un processus d'adoption. Si vous êtes prêt à vous conformer aux règles de la communauté, si vous êtes prêt à accepter la langue, les coutumes, les rituels, les lois, les modes de subsistance et le mode d'entraide de cette communauté, vous en devenez un citoyen. Nous devons trouver une solution intermédiaire entre ce qui nous a été imposé, ce que nous avons appris à administrer et ce qui existe encore et cherche à échapper à ce qu'on nous impose.

Vous avez soulevé une question intéressante dont nous avons discuté dans nos communautés. Quel est le rapport avec la question de l'autonomie gouvernementale des autochtones dans les villes? Comme l'a dit Vera, entre la moitié et les deux tiers des habitants de chaque communauté vivent à l'extérieur. Ces personnes se retrouvent dans les villes et les centres urbains regroupent des gens d'un peu partout. Certaines de ces personnes sont toujours affiliées à leur Première nation. Elles n'en sont pas toujours très éloignées. Mais le fait est que ces personnes ont des besoins. Le fait qu'elles se soient installées en ville ne veut pas dire qu'elles ne sont plus autochtones et elles ont toujours droit à leur identité.

Comment veiller à créer des structures qui leur permettront d'exprimer cette identité?

Le président: En est-ce au stade du développement?

Mme Tabobondung: Il est important, pour de nombreux autochtones qui habitent la ville, de pouvoir en parler, mais ils tiennent davantage à parler des raisons pour lesquelles ils ne se sentent pas intégrés ou ne peuvent pas faire certaines choses. Dans certains domaines, nous pouvons effectivement parler de ce que nous sommes comme peuple et des raisons pour lesquelles nous sommes importants et spéciaux. Cela conduit toujours à des discussions sur les jeunes de nos communautés et les jeunes qui sont citoyens non seulement ici dans cette province et dans ce pays, mais également dans d'autres pays.

Cela mènera à de longues discussions, mais les gens veulent l'occasion de tenir ces discussions et de trouver une solution pour mettre un terme à la discrimination entre nous et entre tous ceux qui habitent cette île de la Tortue.

Le sénateur Pearson: Vous avez parfaitement raison de dire que le problème est nouveau. Je dirais toutefois qu'il est très difficile de le résoudre. J'essaie d'envisager un modèle qui donnera des résultats pratiques, qui permettra d'atteindre les objectifs que vous avez fixés et qui pourra exister simultanément dans une municipalité comme Toronto. Il y a un très grand nombre d'autochtones qui résident à Toronto et qui viennent certainement de diverses nations. Ils ne sont pas tous originaires de la même nation. Il y a aussi des Métis. Je ne sais pas combien il y a d'Inuits à Toronto, mais je suppose qu'il y en a un certain nombre.

Comment intégrer ces divers groupes ensemble de façon à atteindre des objectifs légitimes et à établir des relations de travail, non seulement entre les divers groupes, mais aussi avec les municipalités, la province et le gouvernement fédéral? Vous traitez avec trois niveaux de gouvernement.

Mme Tabobondung: Dans notre mémoire, nous proposons quatre modèles et nous participerions à leur établissement.

Le sénateur Pearson: Pensez-vous à quatre endroits différents?

Mme Tabobondung: Oui.

Le sénateur Pearson: Par exemple, un à Peterborough et un autre quelque part ailleurs?

Mme Tabobondung: Oui, probablement à Peterborough. Toutefois, nous pensons davantage à des endroits comme Moosonee, Sioux Lookout, Thunder Bay et Parry Sound parce qu'ils sont plus près de l'endroit d'où nous venons, Tim et moi.

Nous savons que le maire de Toronto a établi un bureau des relations interraciales pour les autochtones afin de leur donner voix au chapitre sur les problèmes des autochtones à Toronto, tels qu'il les voit. Certaines mesures sont en place, mais il nous faut une approche plus pratique et l'établissement de ces quatre modèles.

Le sénateur Pearson: Les choses commencent à bouger à Toronto. C'est assez nouveau et il sera donc intéressant de voir comment les choses évolueront.

Cette étude présente de nombreux défis, mais il s'agit là d'un défi particulier étant donné qu'il y a tellement d'intervenants différents. Comment faites-vous le lien entre eux?

Ma deuxième question concerne les jeunes, car c'est un sujet qui m'intéresse particulièrement. Les centres d'amitié ont généralement beaucoup de sympathie pour les jeunes et cherchent à favoriser leur participation. Pouvez-vous nous parler un peu du rôle que vous avez confié aux jeunes?

Mme Tabobondung: Pour ce qui est des centres d'amitié et des jeunes, ceux d'entre nous qui travaillent dans ce domaine depuis une trentaine d'années savent que si nous n'avions pas été jeunes un jour nous aussi, nous n'aurions jamais eu l'occasion de participer au mouvement des centres d'amitié en Ontario. Pendant toute notre existence, nous avons essayé de faire en sorte que les jeunes aient la possibilité de jouer un rôle fondamental dans toutes ces activités. Au sein de notre fédération, nous avons donné aux jeunes la possibilité de siéger au conseil et d'avoir voix au chapitre. Ils ne se contentent pas de petites activités secondaires. Ils ont vraiment leur mot à dire. Ils nous représentent dans les autres tribunes de jeunes.

Nous avons également favorisé des changements, non seulement sur le plan de la constitution de la Fédération, mais également au niveau des centres d'amitié pour que les jeunes puissent s'exprimer au nom de la jeunesse. C'est absolument essentiel du point de vue des jeunes qui ne veulent pas qu'on leur donne un siège sans leur permettre en même temps de s'exprimer. Ils veulent avoir voix au chapitre; ils veulent participer activement aux initiatives qui sont orientées vers les jeunes ou vers les problèmes très importants à leurs yeux, au niveau des centres d'amitié et du développement communautaire.

Le sénateur Pearson: Constatez-vous qu'une bonne partie de vos nouveaux leaders sont des jeunes, des gens de moins de 35 ans?

Mme Tabobondung: Oui.

Le sénateur Austin: Votre exposé m'a particulièrement intéressé. C'est un domaine sans doute aussi complexe que tous les autres éléments de la fonction de gouvernement que nous examinons.

De façon générale, la politique du gouvernement canadien a, pendant des décennies et jusqu'en 1982, favorisé l'assimilation. Elle a changé radicalement, mais on continue à tenir compte de l'attachement au territoire ou du statut que l'on y occupe. Dans une très large mesure, le gouvernement fédéral a abandonné ceux qui ne correspondaient pas à ses critères. Il est très intéressant de voir l'autonomie qui s'est créée et que vous décrivez dans votre apport.

Vous prenez soin de préciser qu'il ne s'agit pas d'entités politiques au sens classique du terme, c'est-à-dire qui cherchent à obtenir des résultats politiques en plus de fournir des services sociaux et économiques. Toutefois, inévitablement -- et ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose -- un certain niveau d'action politique sera nécessaire pour que les ressources de l'ensemble de la société canadienne soit mise à la disposition des personnes qui ne répondent pas aux critères traditionnels.

Ces personnes deviennent un élément très important de la communauté autochtone au Canada. Certaines conservent des liens tandis que d'autres les ont abandonnés, comme vous l'avez souligné. Ou bien elles ont été abandonnées ou bien elles ont décidé de renoncer à ces liens, mais elles veulent conserver leur identité autochtone.

Si vous n'êtes pas d'accord avec ce que je dis, veuillez me le faire savoir. Êtes-vous généralement d'accord avec ce que je viens de dire?

Mme Tabobondung: Oui.

Le sénateur Austin: Je voudrais passer à la page 2 de votre rapport. Il s'agit d'une question très précise qui m'intrigue particulièrement. À l'avant-dernier paragraphe, vous dites:

La Fédération envisage des initiatives de développement économique dans le but d'aider les centres locaux et de favoriser l'esprit d'entreprise au niveau local.

J'étais ravi de voir cette phrase, car elle traduit ce que vous essayez de faire pour assurer la transition de la dépendance sociale à l'autonomie économique.

Je voudrais que vous nous donniez des exemples de ce que les centres de votre réseau font pour stimuler l'activité économique chez les membres de la communauté.

Mme Tabobondung: Certains centres d'amitié ont débuté dans le salon ou le sous-sol d'une maison. Nous sommes devenus une organisation qui a fait ses débuts dans les sous-sols d'églises et des endroits de ce genre. Dans les années 70 et par la suite, nous avons compris que si nous voulions changer les choses dans nos communautés, il était important d'entreprendre des initiatives pour mieux nous faire connaître comme centres d'amitié et représentants de notre peuple.

Nous avons commencé à parler de créer des organismes et des centres d'amitié communautaires qui seraient propriétaires de leurs propres installations. C'était mieux que de louer un sous-sol. Nous avons commencé à changer la façon dont les gens établissaient les critères pour le financement des centres d'amitié. Nous savions que si nous voulions faire connaître notre présence autrement qu'en protestant et que si nous voulions faire comprendre à nos enfants pourquoi ils vivent en milieu urbain, nous devions manifester une certaine fierté. Nous allions offrir aux centres d'amitié la possibilité d'être propriétaires de leurs propres locaux.

Cette initiative a été couronnée de succès. Nous devons dire «meeqwetch» à la province de l'Ontario pour avoir prêté attention au programme d'immobilisations des centres d'amitié. Ce programme existait également au niveau national. Il n'a toutefois pas entièrement répondu aux besoins qui étaient si importants en Ontario. À partir de cela, nous avons commencé à faire comprendre aux gens que si l'on a une certaine présence, que si l'on est propriétaire d'un immeuble, il faut aussi s'en occuper. Nous allons devoir prendre d'autres initiatives, en plus des campagnes de financement habituelles. Nous devons commencer à exploiter notre esprit d'entreprise et à assurer notre développement économique.

Voilà où en sont nos initiatives de développement économique. Nous avons les meilleurs magasins d'artisanat en ville. Nous avons certaines des meilleures entreprises de traiteurs autochtones. En tant qu'organismes sans but lucratif, nous avons pu obtenir collectivement une exonération d'impôt en Ontario.

Le sénateur Austin: Vous bénéficiez donc d'une exemption d'impôt. Certains de vos centres ont-ils le statut d'organisme de charité? Avez-vous un permis pour l'ensemble des centres ou chacun a-t-il séparément le statut d'organisme de charité?

Mme Tabobondung: C'est sur une base individuelle.

Le sénateur Austin: Vous pouvez lancer des entreprises telles que des services de traiteur. Comment passez-vous d'activités communautaires, telles que des services de traiteurs, à des activités à but lucratif? L'avez-vous déjà fait ou est-ce l'un de vos objectifs?

Mme Tabobondung: Dans certaines communautés, nos centres d'amitié sont des sociétés distinctes. Nous avons également travaillé en collaboration avec l'Association des banquiers canadiens au développement de l'esprit d'entreprise grâce à un programme de développement commercial et économique pour les jeunes.

Le sénateur Austin: Je veux vous encourager à continuer. Passons au bas de la page 3. Cela concerne davantage la politique que le commerce. Voici ce que vous dites aux trois dernières lignes:

Chaque organisation est définie en fonction de ses membres plutôt que d'un territoire. Par conséquent, aucune organisation ne représente les intérêts collectifs des communautés autochtones à l'extérieur des réserves.

Je vous crois sur parole. Comment voudriez-vous que les autochtones qui vivent en dehors des réserves soient représentés dans les discussions sur l'ensemble de la communauté autochtone?

Mme Tabobondung: La réponse se trouve dans notre recommandation de la page 11. Nous voulons travailler de concert avec le gouvernement du Canada pour favoriser l'établissement d'au moins quatre modèles urbains.

Le sénateur Austin: Cela ne permet pas aux gens qui vivent en dehors des réserves de s'exprimer d'une même voix.

Mme Tabobondung: C'est pourquoi nous devons veiller à disposer de cette tribune.

Le sénateur Austin: Ce sont des modèles pour la communauté, mais qu'en est-il de votre participation au débat pour défendre les intérêts de votre peuple?

Mme Tabobondung: Nous savons qu'il faut une coordination et une coopération. Nous nous attendons à ce que les réponses à ces questions évoluent avec le temps.

Le sénateur Austin: La recommandation no 2 représente une amorce de solution, n'est-ce pas?

Mme Tabobondung: C'est pourquoi nous croyons qu'une partie de notre travail consiste à assurer la mise en place d'accords politiques.

Le sénateur Austin: Dans la recommandation no 2, vous dites:

Le gouvernement canadien reconnaisse officiellement que les communautés autochtones existent dans les centres urbains de tout le pays, et pas seulement dans les réserves.

Croyez-vous que d'ici un an ou deux, lorsque les discussions concernant votre deuxième recommandation se dérouleront, vous pourrez amener les communautés autochtones d'Indiens inscrits, les bandes et les conseils des réserves à reconnaître les communautés autochtones des villes comme des entités politiques égales de la communauté autochtone du Canada ou pensez-vous que cela peut prendre du temps?

Mme Tabobondung: S'il n'y avait pas de peuples, il n'y aurait pas de politique. Il faut que le gouvernement canadien reconnaisse les peuples autochtones du pays et en tant que peuples autochtones, nous devons nous reconnaître les uns les autres. Nous devons reconnaître que c'est grâce aux possibilités et aux solutions auxquelles nous travaillons ensemble que nous améliorerons le sort de nos enfants et de nos petits-enfants.

Le sénateur Austin: Je crois comprendre votre réponse. Je voudrais toutefois la reformuler à ma manière pour voir si je comprends mieux. Vous dites qu'il importe peu que les bandes et les conseils reconnaissent votre communauté. C'est le gouvernement canadien qui devrait la reconnaître?

Mme Tabobondung: Non, car ce sont les peuples autochtones qui vont devoir résoudre eux-mêmes ces questions. Nous savons qu'en tant qu'autochtones de la ville, nous pouvons continuer à tendre la main en geste d'amitié. Si nous devons établir des protocoles, c'est ce que nous ferons. D'autre part, notre histoire, notre expérience en tant que centres d'amitié, nous a enseigné que nous pouvions nous mettre collectivement et honnêtement d'accord sur la façon de répondre à ces besoins. Il faut toutefois que les gens participent aux discussions sur toute la question de l'autonomie gouvernementale des autochtones dans les villes. Tout comme nous informons le Sénat à ce sujet, nous devons informer les organisations politiques autochtones, de même que nos propres communautés.

Le sénateur Austin: J'apprécie votre réponse et je crois la comprendre. Je m'intéresse maintenant à la façon d'y parvenir plutôt qu'à l'objectif comme tel. Mettons-nous d'accord sur cet objectif.

Mme Tabobondung: Nous ne savons pas encore quel est le processus à suivre.

Le sénateur Austin: Mais cela concerne l'ensemble des communautés autochtones du Canada?

Mme Tabobondung: Pour ce qui est de l'Ontario Federation of Indian Friendship Centres, c'est ainsi que nous voudrions aborder la question.

Le sénateur Austin: C'est aussi votre point de vue personnel?

Mme Tabobondung: Oui.

Le président: Cette approche est centrée sur les nations. Si j'ai bien compris, tel est l'objectif visé. Je crois que la question du sénateur Austin portait davantage sur le processus, mais en même temps, à quoi cela va-t-il ressembler?

Permettez-moi de procéder étape par étape afin de bien vous suivre. Vous voulez que le gouvernement canadien reconnaisse officiellement la communauté autochtone qui existe dans les villes de tout le pays. C'est une chose qu'il va falloir faire.

Une fois que cette communauté sera reconnue, ou même avant, il faudra mettre une structure en place. Pour le moment, les centres d'amitié représentent une tribune pour les autochtones des villes qui établiront cette structure. Néanmoins, vous ne savez pas encore s'il s'agira de quelque chose de nouveau ou si cela s'inscrira dans une structure d'assemblée ou d'autonomie gouvernementale. Vous n'en êtes pas encore là. Ai-je bien compris jusqu'ici?

Mme Tabobondung: Oui.

Le président: Ces personnes devront entreprendre une discussion pour déterminer si elles veulent relever d'une structure entièrement nouvelle ou être affiliées à leur communauté d'origine?

Mme Tabobondung: C'est exact.

Le président: Dans certains cas, les gens ont renoncé volontairement à leur appartenance à la réserve. Il y a aussi des personnes qui ont dû partir pour d'autres raisons, mais qui conservent des liens avec leur communauté. Elles pourraient se retrouver régies par cette nouvelle structure. Est-ce bien ce que vous dites?

Mme Tabobondung: Oui.

Le président: Vous avez eu le courage de sortir du cadre des institutions politiques qui existent aujourd'hui dans la communauté autochtone. Vous avez fait beaucoup de chemin, peut-être plus que certains de ces instruments politiques qui sont administrés par les autochtones. Avez-vous communiqué avec ces organisations nationales, provinciales ou régionales?

Mme Tabobondung: Nous avons essayé de faire en sorte de préserver les intérêts de notre fédération. Comme nous avons pu participer à ces autres tribunes à titre d'observateurs ou d'invités, nous entretenons de bonnes relations avec ces organismes qui sont toujours les seuls dont les responsabilités sont reconnues officiellement. Il y a beaucoup d'autres occasions. Des discussions doivent avoir lieu en vue de la reconnaissance des communautés autochtones urbaines et de notre fédération, et nous croyons pouvoir contribuer à animer ces discussions. Que se passera-t-il ensuite? Quelles seront les étapes suivantes?

Le président: Votre troisième recommandation est sans doute la plus délicate. Au niveau communautaire, nous pouvons nous servir d'un exemple qui existe déjà, pas nécessairement au sein de la communauté autochtone, mais dans l'ensemble du pays, par exemple le gouvernement local. Vous avez un gouvernement local et dans certaines provinces vous avez aussi un gouvernement régional, puis le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. Envisageriez-vous sérieusement la possibilité que la communauté urbaine soit administrée, y compris pour la prestation des programmes, par un gouvernement de type régional, pas nécessairement local, si votre troisième recommandation était contestée?

Vous n'avez pas à nous répondre tout de suite. Peut-être pourrez-vous le faire plus tard. Ce n'est pas une question facile.

Nos témoins suivants sont les représentants de l'Association nationale des centres d'amitiés, laquelle est dirigée par Wayne Helgason. M. Helgason participe également aux discussions de la table ronde.

M. Wayne Helgason, président, Association nationale des centres d'amitié: Je vais demander à Stacy Hill, notre présidente du Conseil des jeunes autochtones, de prendre la parole.

Le sénateur Landon Pearson (présidente suppléante) occupe le fauteuil.

Mme Stacy Hill, présidente, Conseil des jeunes autochtones, Association nationale des centres d'amitié: Je suis une Mohawk du clan de la tortue des Six Nations du territoire de Grand River. Notre délégation ce soir se compose de Wayne Helgason, président, Association nationale des centres d'amitié; Rod Macdonald, président, Commission du droit du Canada; Marc Maracle, directeur général, Association nationale des centres d'amitié; Bruno Bonneville, directeur général, Commission du droit du Canada. Je voudrais également remercier Robert Groves, directeur, Groupe des affaires autochtones; Heather Levecque, Association nationale des centres d'amitié; Steven Owen, commissaire, Commission du droit du Canada; Susan Zimmerman, directrice de la Recherche, Commission du droit du Canada et Mark Gryba, de l'Association nationale des centres d'amitié qui ont tous collaboré à ce projet avec nous.

Au nom de mes collègues, je voudrais remercier l'honorable sénateur Charlie Watt et les honorables sénateurs du comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Nous apprécions cette occasion qui nous est donnée de participer aux travaux de la table ronde sur l'autonomie gouvernementale autochtone en échangeant des idées avec vous au sujet de l'autonomie gouvernementale autochtone en milieu urbain. Je me réjouis particulièrement d'être ici pour présenter le point de vue de la jeunesse sur cette question.

Je voudrais vous citer quelques chiffres au sujet des jeunes autochtones vivant en milieu urbain. Comme vous le savez peut-être, les jeunes autochtones âgés de moins de 25 ans représentent plus de la moitié de la population autochtone totale. En milieu urbain, cette proportion dépasse largement 50 p. 100. Par exemple, au Manitoba, la proportion de jeunes âgés de moins de 25 ans atteint 54,2 p. 100; en Alberta, 53,2 p. 100; en Saskatchewan, 58,4 p. 100. Une forte proportion de la population autochtone est jeune. Il est vraiment important d'en tenir compte lorsqu'on parle d'autonomie gouvernementale et lorsqu'on discute à cette table ronde, car il ne faut pas oublier les jeunes qui représentent la majorité de la population. Les jeunes doivent avoir voix au chapitre.

Comme chacun sait, notre avenir dépend de ces jeunes et du leadership qu'ils apporteront à l'avenir. Il est très important d'entendre les points de vue des jeunes comme moi et de toutes les régions du pays.

Je voudrais maintenant inviter Rod Macdonald à prendre la parole au nom de ses collègues de la Commission du droit du Canada.

M. Rod Macdonald, président, Commission du droit du Canada: La Commission du droit du Canada se réjouit de pouvoir se joindre à l'Association nationale des centres d'amitié en parrainant une étude de l'autonomie gouvernementale des jeunes autochtones.

Ce projet met en lumière les trois principaux objectifs que la Commission du droit du Canada s'est fixés. Nous cherchons à former des partenariats avec des organismes non gouvernementaux qui sont en contact quotidien avec les Canadiens et qui se sont donné pour mission de renouveler le droit et ses structures. Nous cherchons à entraîner les Canadiens dans une réflexion sur le droit et nous tenons surtout à faire participer les jeunes à un processus de réforme des lois qui les intéressent le plus. Nous cherchons à élargir la réflexion sur la justice dans la fonction gouvernementale et sur les modèles de gouvernement qui sont efficaces et qui répondent aux besoins de tous les Canadiens.

Je vous remercie de nous avoir invités à présenter certains des travaux que nous avons coparrainés. Je vais maintenant demander à Wayne Helgason, président de l'Association nationale des centres d'amitié, de vous parler du sujet abordé dans le mémoire.

M. Helgason: Je tiens à dire combien je suis fier, en tant que Canadien, d'avoir été élu pendant trois mandats consécutifs, à la présidence de l'Association nationale des centres d'amitié. Notre association regroupe 115 centres membres qui ont décidé, il y a cinq ans, de faire entendre la voix des jeunes. Les jeunes ont travaillé en collaboration avec les dirigeants des 115 centres d'amitié pour obtenir le tiers des droits de vote sans procuration. Il y a six organisations provinciales, y compris celle dont vous venez d'entendre parler et qui est un bon exemple d'organisation provinciale active. L'année dernière, la constitution a été modifiée de façon à permettre au président des jeunes, élu par l'ensemble de l'assemblée, d'être membre du comité exécutif et de se joindre aux quatre autres membres du mouvement. Les jeunes ont voix au chapitre et un poste est également à leur disposition au conseil d'administration. Je suis fier d'être associé à cette organisation du secteur bénévole qui est certainement l'organisation autochtone nationale la plus importante à cet égard.

La Commission du droit du Canada et l'Assemblée nationale des centres d'amitié ont entrepris un effort conjoint pour réévaluer les diverses approches de l'autonomie gouvernementale autochtone en milieu urbain, de même que pour établir dans quelle mesure ces approches répondent aux besoins des jeunes autochtones. Nos efforts résultent d'un désir d'offrir une tribune ouverte et transparente pour favoriser le dialogue au sein de la communauté autochtone et entre l'ensemble des Canadiens. Ce dialogue devrait porter sur les défis que représente l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones qui résident dans les centres urbains. Comme vous le savez, c'est un sujet qui suscite de plus en plus d'intérêt comme en témoignent les tables rondes, les conférences et les travaux réalisés par la Commission royale sur les peuples autochtones au cours des cinq dernières années.

C'est toutefois l'autonomie gouvernementale dans les réserves rurales et les communautés autochtones isolées qui a reçu le plus d'attention, sur le plan politique et financier, dans les cercles gouvernementaux, autochtones et universitaires. On a beaucoup moins cherché à parvenir à un consensus sur l'autonomie gouvernementale autochtone dans les centres urbains.

De plus, les principaux participants, tant du côté du gouvernement que du côté des autochtones, ont peut-être hésité à s'engager directement dans un débat politique dans ce domaine. Cette ambivalence se constate encore depuis que la Commission royale sur les peuples autochtones a publié son dernier rapport qui accordait une attention particulière à l'autonomie gouvernementale en milieu urbain. Le moment est donc très bien choisi pour que nous fassions part à la table ronde du comité sénatorial sur la fonction gouvernementale de nos opinions et de nos suggestions en vue d'un futur dialogue. C'est pour le Parlement et les dirigeants autochtones une excellente occasion de proposer des plans d'action concrets pour donner suite aux recommandations d'une vaste portée qui ont été formulées tant par la Commission royale que dans la première réponse du gouvernement donnée dans «Rassembler nos forces: le plan d'action du Canada pour les questions autochtones».

Dans le mémoire que nous vous avons remis, nous cherchons à reformuler et élargir le dialogue sur l'autonomie gouvernementale en comparant les directions qui résultent des deux pierres angulaires du droit et de la philosophie politique à savoir d'une part les droits ancestraux et issus de traités et, d'autre part, le libéralisme démocratique.

Nous avons également parrainé une discussion sur les défis que doivent relever les jeunes autochtones des villes. Notre collaboration avec la Commission du droit du Canada, que nous apprécions vivement, produira un important document intitulé: «Urban Aboriginal Governance: Refashioning the Dialogue and Engaging Youth in Governance». Les deux organisations sont en train de réviser la dernière ébauche de ce document qui sera imprimé au cours des semaines à venir. Nous publierons cet ouvrage sous forme de livre au cours de la troisième semaine d'avril, à Osgoode Hall, à Toronto.

Voilà qui termine notre exposé. Je vous remercie de votre temps et de votre attention. Nous sommes maintenant prêts pour vos observations et vos questions.

Le sénateur St. Germain: Vous parlez de gouvernement urbain. Jusqu'à présent, tout gouvernement qui a été établi était centré sur un groupe qui se considérait comme une entité. Néanmoins, dans des milieux urbains comme Winnipeg, où je suis né et où j'ai été élevé, ou Vancouver, la ville d'où je viens, ou encore Regina en Saskatchewan, vous avez un échantillon représentatif de toutes les tribus, bandes et organisations autochtones. Lorsque vous parlez de gouvernement urbain, parlez-vous de la communauté autochtone dans son ensemble ou d'une séparation en fonction de chaque groupe?

M. Helgason: À Winnipeg, Vancouver et Toronto, il y a longtemps que les autochtones se sont entendus pour définir les besoins qui sont les leurs dans le milieu où ils vivent. Ils ont eu l'avantage, sinon le luxe, d'avoir le code d'éthique des centres d'amitié qui voulait que l'on réponde aux gens sans tenir compte de l'étiquette arbitraire qui leur était accolée. Dans certains cas, ce qui compte pour les résidents des villes, c'est la possibilité de participer et d'avoir une influence.

Je suis un membre des Premières nations originaire d'une réserve. Je réside à Winnipeg et je m'associe collectivement aux gens selon leurs besoins, leurs désirs, leurs aspirations, leur souci de justice et leurs intérêts communs et non pas en fonction des autres critères d'identification. C'est ce qui nous unit. Dans un de nos quatre modèles, nous examinons les communautés d'intérêt qui ont des idées fondamentales au sujet de ce qui pourraient être nos valeurs et nos normes, la façon dont les relations sont créées et les pouvoirs s'établissent. Par exemple, pour la santé et les autres fonctions normales du gouvernement, nous envisageons une participation qui ne se fondera pas exclusivement, comme certaines juridictions le suggèrent, sur des distinctions arbitraires et artificielles entre les peuples autochtones.

Notre mémoire porte sur un sujet particulier. Au cours de nos discussions avec les jeunes de ces communautés, nous avons constaté que ce modèle suscitait beaucoup d'intérêt. Je sais que certains dirigeants politiques plus âgés ont traité avec le gouvernement sur ces bases de division. Si vous avez des droits issus de traités, vos droits seront supérieurs à ceux des Métis qui eux-mêmes ont plus de droits que les Indiens non inscrits tandis que les Inuit, s'ils ont de la chance, peuvent obtenir quelque chose dans un milieu urbain. Tout cela a eu des conséquences.

Je remercie nos jeunes pour ce qu'ils ne voient pas. Ils ne voient pas toujours ces obstacles et ces limitations artificielles; ils voient l'avenir plus prometteur fondé sur la coopération des uns et des autres. Nous nous faisons parfois du tort en insistant sur ces distinctions. Nous avons du travail à faire au sein de la communauté autochtone. Je ne prétends pas que nous n'en faisons pas. Nous reprochons parfois au gouvernement de vouloir diviser pour mieux régner. Les autochtones présentent certainement des caractéristiques universelles et qui s'appliquent également aux Métis et aux Inuits. Il est important de reconnaître les caractères distinctifs de chaque groupe. Il ne s'agit pas de tout uniformiser. Les groupes prédominants à Winnipeg, les Cris et les Ojibways, reconnaissent parfaitement qu'ils veulent être Cris et Ojibways, mais dans le contexte d'une communauté qui a collectivement intérêt à améliorer largement son sort sur le plan de l'éducation, de la santé et certainement aussi du développement économique.

Le sénateur St. Germain: Je comprends ce que vous dites au sujet de vos intérêts communs, mais nous avons été chargés de formuler des recommandations au sujet de l'autonomie gouvernementale et il faut partir de quelque chose. Jusqu'à présent, tout cela a été relié à un territoire, une réserve ou une Première nation. Je comprends vos intérêts communs, mais quand vous travaillez dans un milieu urbain, ne pensez-vous pas que l'assimilation et l'exploitation des connaissances traditionnelles des gens dont vous vous occupez vont à l'encontre de l'objectif que vous cherchez à atteindre?

M. Helgason: L'assimilation semble avoir été l'objectif de la politique antérieure.

Le sénateur St. Germain: C'est exact. Si vous voulez utiliser une autre expression, le sénateur Andreychuk suggère «l'intégration dans le reste de la communauté».

M. Helgason: J'espère que l'intégration peut céder la place au caractère distinctif des peuples autochtones qui vivent dans un certain contexte. Pratiquement tous les centres d'amitié ont un magasin d'artisanat. Nous voulons des clients. Nous voulons nous intégrer dans l'ensemble de la collectivité, reconnaître que nous sommes des voisins, que nous sommes des participants et que nous avons un rôle à jouer dans le contexte urbain. Dans les centres villes de Toronto et de Vancouver et certainement ceux de Winnipeg et de Regina, la participation des autochtones n'est pas vraiment intégrée, elle ne se fait pas au niveau des emplois et des possibilités, mais plutôt malheureusement de façon négative. Nous travaillons très fort pour changer cette situation.

Nous n'avons pas peur de dire que nous voulons participer. Si c'est cela s'intégrer, participer aux changements, je crois que les Canadiens sont prêts à l'accepter. Depuis 20 ans, la façon dont les Canadiens respectent l'histoire des autochtones et leur capacité à jouer un rôle sur la scène canadienne a changé de façon fondamentale. Ce changement se révélera de la façon la plus positive par l'entremise des centres d'amitié des villes, grâce à la coopération et au partenariat.

Nos revendications se fondent sur trois principes fondamentaux. Nous voulons la reconnaissance, le respect du processus et, en fin de compte, nous voulons la responsabilité d'entreprendre et de réaliser. Il y a de nombreux programmes «Bon départ» un peu partout au Canada, et la plupart d'entre eux se situent dans les centres d'amitié. Nous voyons y participer des parents qui sont souvent des assistés sociaux. La planification de ce programme occupe toute leur vie. Le programme exige que les parents participent à la prestation et à la planification des services. Grâce à cela, je sais que nous élevons une génération de jeunes qui seront très différents de la génération de ma mère, qui est sortie des pensionnats en éprouvant beaucoup de honte pour sa culture.

Nous assistons à d'importantes transformations que les centres d'amitié ont stimulées pendant des années.

Le sénateur St. Germain: J'ai été député de Mission, en Colombie-Britannique, avant de venir ici. L'ensemble de la communauté a son territoire juste à l'extérieur de Mission; il y a là une communauté urbaine d'autochtones qui ont leur centre d'amitié. C'est compréhensible et je peux voir comment cela peut fonctionner.

Cependant, surtout dans le cas des autochtones de la côte Ouest de la région que je représente, je ne vois pas comment ces intérêts communs vont l'emporter sur l'identité qu'ils veulent conserver. Comment établir un processus d'autonomie gouvernementale dans de telles conditions? C'est compliqué. Je ne suis peut-être pas suffisamment intelligent pour bien comprendre, toutefois, il ne s'agit pas de venir à ces réunions pour dire qu'on a besoin de gouvernement dans les villes. Il faut voir également si la chose est vraiment réaliste.

M. Helgason: Il n'existe pas de formule unique convenant à tout le monde. Notre association nationale souscrit au principe de l'autonomie locale.

M. Marc Maracle, directeur exécutif, Association nationale des centres d'amitié: Peut-être pourrions-nous prendre un peu de recul et examiner les choses du point de vue de ce que sont les centres d'amitié et de ce qu'ils font depuis 50 ans. Ils ont travaillé dans le cadre d'un mandat inclusif, mais dans ce contexte et en respectant la diversité de la communauté et de ses intérêts, que ce soit en tant que nation ou en tant que segment de la population autochtone. Pour ce qui est de l'autonomie gouvernementale, il s'agit en sorte de fournir à une clientèle des programmes et des services répondant à certaines normes. Selon moi, la plupart des centres d'amitié sont une composante de l'autonomie gouvernementale. Nous ne prétendons pas que les centres d'amitié représentent à eux seuls l'autonomie gouvernementale, mais qu'ils en sont une composante importante.

Quand vous prenez une ville comme Mission ou les régions urbaines beaucoup plus vastes, où vous avez une population autochtone urbaine beaucoup plus diversifiée, le véritable problème vient du fait que la population autochtone qui réside en milieu urbain est extrêmement importante. Jusqu'à présent, on s'est surtout intéressé aux questions de territoire et aux peuples autochtones.

C'est l'occasion de renouveler la réflexion et le dialogue. En tant qu'autochtones, que nous vivions dans des réserves ou à l'extérieur ou encore dans le Nord, notre principale responsabilité consiste à parler entre nous. Des relations, qui s'expriment beaucoup mieux que dans le cadre d'une organisation nationale, se nouent quotidiennement au niveau communautaire, entre les conseils de bande, entre les organismes des villes et là où les gens vont et viennent, vivent et respirent.

Le principal problème des autochtones des villes est la pauvreté. C'est avant tout une question de pauvreté et de survie et ensuite une question de représentation. À l'heure actuelle, les organismes politiques s'intéressent aux questions de représentation et aux chiffres, mais cela n'améliore en rien le sort de ceux qui ont du mal à survivre quotidiennement. Si vous avez de la difficulté à survivre, vous n'avez pas le temps de vous soucier de vos droits. Il faut que vous puissiez vivre et rester en bonne santé pour pouvoir apporter votre contribution.

M. Macdonald: Je comprends qu'on se soucie du territoire ou des terres que l'on occupe. Ce qu'il y a de remarquable lorsqu'on commence à analyser les structures politiques du Canada dans les milieux autochtones, c'est leur diversité et leur complexité. Ces structures ne se rapportent pas uniquement au territoire. Prenons par exemple les commissions scolaires où vous avez, dans le même territoire, des commissions scolaires protestantes ou catholiques romaines qui se chevauchent. Nous avons intégré toutes sortes de systèmes de représentation et d'identités différentes dans nos propres structures gouvernementales. Si nous n'en tenons pas compte, nous laissons de côté toute une richesse de possibilités et de thèmes.

[Français]

Pensez aux francophones hors Québec. Ce sont des communautés très éparpillées. Ils ont une structure de gouvernement. Ce n'est pas seulement une question de territoire.

[Traduction]

Nous devons reconnaître que nous vivons dans des conditions très diverses. Nous devons avoir l'esprit ouvert et faire preuve d'imagination et de créativité afin de comprendre certaines des idées énoncées dans le document.

Le sénateur Andreychuk: Je voudrais parler de la situation urbaine, car il s'agit d'un des problèmes les plus complexes. Pour certains autres sujets de discussion, la difficulté se situe non pas au niveau de la conception, mais au niveau de la mise en oeuvre. Pour ce qui est de cette question, c'est également un concept compliqué.

À la page 18 de votre mémoire vous dites:

La solution que préfère la Commission royale pour l'organisation de l'autonomie gouvernementale, quel que soit le milieu, consiste à rétablir des institutions nationales qui transcenderont les anciennes divisions et les effets des efforts d'assimilation et à les faire reconnaître officiellement par le gouvernement fédéral avant d'instaurer l'autonomie gouvernementale ou d'entamer des négociations de cette importance.

C'est ce qui semble être le point de vue de la Commission du droit. Est-ce également l'opinion de l'Association nationale des centres d'amitié?

Si nous options pour l'établissement d'institutions nationales, qui devrait s'en charger? Serait-ce uniquement la responsabilité des groupes autochtones et quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer? Selon moi, cela ralentirait dans une large mesure le processus d'autonomie gouvernementale. L'établissement de ces institutions nationales et ce genre de coordination, avec ou sans la participation du gouvernement fédéral, représente une tâche considérable. J'ai l'impression que cela freinerait l'autonomie gouvernementale. Nous sommes chargés de formuler des recommandations au sujet de l'autonomie gouvernementale.

Si nous acceptions cette suggestion, devrions-nous recommander de retarder l'autonomie gouvernementale jusqu'à ce que des institutions nationales soient mises en place?

M. Helgason: Mes origines sont mixtes. Je suis un Indien inscrit de Sandy Bay et j'ai également du sang islandais. Néanmoins, je me présente parfois comme étant de la bande de Sandy Bay, mais comme faisant partie de la nation Ojibway. Comme je viens du Manitoba, je ne vois pas pourquoi certaines personnes considèrent que le processus d'autonomie gouvernementale se situe dans un contexte provincial. Il y a des Cris qui vivent partout dans le Nord; il y a des Ojibways qui ont déménagé dans le Sud. En fin de compte, je crois que parmi les facteurs qui créent une nation, la langue, l'histoire commune, les valeurs communes et les traditions représentent les principaux aspects à partir desquels on peut bâtir un système de gouvernement. Ce n'est pas seulement parce que des gens se trouvent à l'intérieur des frontières d'une province qui ont été établies dans le cadre de l'expérience coloniale.

À l'occasion d'une assemblée très importante, à The Pas, les anciens ont dit que les Cris avaient quelque chose de très important à préserver pour notre avenir et que c'était surtout la langue et la tradition orale. Les Ojibways sont différents, tout comme les Inuits, les Dénés et les Dakotas. D'après ce que j'ai compris des travaux de la Commission royale, ce sont ces caractéristiques qui doivent servir de base. Comme pour tout bon travail de développement communautaire, ce sont les gens qui doivent définir eux-mêmes les priorités et ce dont ils ont besoin au lieu de se voir imposer des choses par quelqu'un de l'extérieur.

En tant que président national, je ne suis pas censé parler de Winnipeg, mais il y a davantage d'autochtones à Winnipeg que dans toute la région de l'Atlantique. Nous avons là une bonne occasion de trouver une solution qui donnera de meilleurs résultats et engendrera une meilleure participation et un meilleur engagement des gens dans le processus de gouvernement. Voilà comment nous envisageons les choses. Quelles sont les questions qui préoccupent les gens? L'éducation en est une. Peut-être nous faudrait-il un système d'éducation par l'entremise duquel certains des changements nécessaires pourraient être apportés. Nous suggérons un modèle, une approche et certainement le soutien des centres d'amitié.

Il y a d'autres collectivités dans lesquelles les autochtones sont majoritaires et ne participeront pas au gouvernement. Il existe différents types d'obstacles.

M. Maracle: Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit à propos du ralentissement des discussions concernant l'autonomie gouvernementale. Lorsqu'on examine la dynamique urbaine et les villes où résident la majorité des autochtones du pays, il est frappant de voir à quel point nous sommes privés de nos droits politiques. Dans une large mesure, nous le devons aux organisations politiques existantes qui prétendent nous représenter. Nous le devons également à la politique traditionnelle. C'est en grande partie par choix, mais c'est aussi par crainte.

Selon moi et en tout cas d'après notre expérience de la politique du gouvernement fédéral, il faut consulter adéquatement les gens, faire participer ceux qui seront le plus directement touchés par les décisions et le gouvernement doit assumer sa responsabilité de fiduciaire, historique et morale de faire en sorte que les gens aient voix au chapitre. Nous avons toujours dit que les gens de la communauté devaient avoir le droit de déterminer à quelles institutions et à quelle représentation ils voulaient avoir accès. Il n'est pas question de ralentir le processus d'autonomie gouvernementale, mais de procéder comme il faut et de veiller à ce que les gens puissent se faire entendre.

Le sénateur St. Germain: À Winnipeg, par exemple, quelqu'un a-t-il songé à se lancer activement en politique étant donné que vous avez l'avantage du nombre?

M. Helgason: La politique a suscité de l'intérêt et nous y avons participé. La communauté autochtone ne dispose pas de beaucoup de ressources, mais un certain nombre d'entre nous, y compris moi-même, avons l'intention de nous lancer dans cette voie. Je vais le faire lorsque mon mandat prendra fin à la présidence de l'Association nationale des centres d'amitié. J'ai d'ailleurs annoncé ma candidature aux élections provinciales du Manitoba et s'il y a des Manitobains parmi vous, je voudrais vous parler tout à l'heure.

Cela suscite un certain intérêt. Nous avons du succès au niveau des commissions scolaires depuis un certain temps, même si nous n'y sommes pas entièrement représentés. La population de Winnipeg compte 7 p. 100 d'autochtones.

Le sénateur Andreychuk: Je comprends assez bien comment les choses ont évolué d'un côté comme de l'autre. D'une part, nous n'avons pas agi devant un tas de problèmes quand nous aurions dû le faire et nous n'aurions pas dû avoir certaines attitudes. D'autre part, le gouvernement fédéral a maintenant reconnu certains groupes qui s'orientent vers l'autonomie gouvernementale, ce qui se répercutera sur la vie urbaine. Ces divers groupes ont des exigences vis-à-vis du gouvernement fédéral. Par exemple, certaines bandes disent: «Nous sommes seuls responsables des gens de notre communauté qui vivent dans les villes et les ressources devraient être dirigées vers eux par notre intermédiaire et non pas par l'entremise d'une organisation nationale».

Comment croyez-vous possible d'y parvenir, en sachant que vous allez vous lancer dans la politique avec un petit «p», dans des organisations civiles. Les gens veulent cette voie, celle-ci ou celle-là. Comment allez-vous réussir?

Est-il donc raisonnable de s'attendre à ce que le gouvernement fédéral ne favorise pas d'autres types de solutions tant que vous n'aurez pas eu l'occasion de donner suite à ce projet?

M. Helgason: Le comité exécutif de l'Association, y compris Stacy, ont eu l'occasion de discuter avec le comité exécutif de l'APN. Nous avons exprimé notre vive satisfaction devant la reconnaissance du statut de peuple des Premières nations vivant en milieu urbain et de la résolution qui a été proposée. Nous devons faire en sorte que cela se traduise par des mesures concrètes et que ce ne soit pas une simple promesse. Nous avons actuellement ce genre de discussion. Il faut toutefois reconnaître qu'au Manitoba, par exemple, il y a 6 000 membres des Premières nations qui ont été réintégrés dans leurs droits par le projet de loi C-31, mais qui ne sont pas membres d'une bande. Je respecte le désir de l'APN d'accomplir cet objectif, sachant que ce «marché», si je puis dire, offre sans doute de nouvelles possibilités.

La question nous a déjà été posée: «Essayez-vous?» Oui, nous essayons. Nous ne savons pas exactement ce que nous réussirons à accomplir, mais rien de solide n'a encore été mis sur pied. Certains chefs, certains dirigeants des Premières nations dirigent la totalité de leurs intérêts et de leurs ressources vers la réserve et si vous quittez la réserve, tant pis pour vous. Telle est la réalité. J'espère qu'ils réussiront aussi bien que nous à intéresser les jeunes et à changer les mentalités. Ce jour viendra peut-être, mais en attendant, nous subirons les effets de la pauvreté et de la marginalisation de la génération à venir, à moins que nous ne prenions des mesures efficaces maintenant.

M. Maracle: Pour ce qui est de nouer des relations, Wayne a fait allusion à des relations que nous essayons d'établir avec l'Assemblée des Premières nations en tant qu'organisme national représentant les gens des Premières nations. L'APN a prétendu représenter à la fois les gens qui vivent dans les réserves et à l'extérieur. C'est toutefois une question pratique. Que peut-elle faire pour les membres des Premières nations qui habitent la ville? En tant qu'organisme qui s'occupe principalement de fournir des services, nous pouvons soutenir plus efficacement les gens des Premières nations qui habitent dans les villes par l'entremise d'organismes comme les centres d'amitié.

Le même genre de relations peut être favorisé par les organismes métis et inuit et nous pouvons certainement défendre davantage les intérêts de ceux qui n'ont pas de statut. Le gouvernement fédéral a certainement la responsabilité de veiller, lorsqu'il organise des tribunes dont dépend le sort des autochtones, de réunir des gens représentatifs. Cela comprend certainement les centres d'amitié qui assurent toute une gamme de services dans le domaine du développement économique et communautaire, dans les centres urbains. Cela renforce également la dernière recommandation de l'Ontario Federation of Indian Friendship Centres qui préconise l'établissement d'une administration indépendante ou d'un tribunal pour superviser les relations et les négociations entre les peuples autochtones et tous les niveaux de gouvernement. C'est un moyen pratique de faire en sorte que les intéressés pourront faire des propositions et travailler pour le bien commun.

Le sénateur Andreychuk: Nous avons parlé de la situation dans les villes de même que dans les bandes et dans les réserves, mais nous n'avons pas parlé des petites villes. Au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta, la survie des petites villes est compromise. Si ces petites localités perdent des ressources ou n'en obtiennent pas leur part, tout le système deviendra encore plus vulnérable et ce sera au détriment des communautés autochtones et non autochtones. Je ne vois personne travailler à ce dossier et c'est un des domaines qui est resté en dehors du cadre de notre étude. Nous avons parlé de Winnipeg et des autres villes de cette envergure, mais pas de la viabilité des petites villes où il n'y a pas suffisamment d'autochtones ou de non-autochtones. Nous avons un écosystème très fragile. Je me demande si quelqu'un se penche sur ce problème.

M. Maracle: À part les centres d'amitié situés dans toutes les grandes villes, nous avons également des centres dans les petites villes et les localités rurales voisines des grandes villes. Les centres d'amitié y exercent sans doute une influence plus importante, non seulement sur le plan du développement communautaire, mais aussi sur l'économie. Le gouvernement fédéral accorde un financement de base pour l'emploi grâce auquel il peut attirer des gens de qualité, des ressources provenant des gouvernements municipaux, provinciaux et territoriaux. Les centres jouent donc un rôle économique dans ce contexte. Il serait certainement nécessaire qu'ils connaissent une certaine croissance. Le besoin se fait sentir dans les autres communautés dont vous parlez.

Le sénateur Austin: Je voudrais revenir là où M. Maracle s'est arrêté. Dans votre document, vous décrivez les différents modèles, mais celui qui ressort comme ayant l'approbation de la communauté autochtone urbaine est le gouvernement communal urbain. Il n'y a aucune note faible dans les deux colonnes et la plupart des notes sont élevées. Je remarque que pour l'est de Vancouver, la note est élevée tant pour l'aspect pratique que pour l'aspect souhaitable.

En tant que politicien, cela m'indique que le consensus dans les centres urbains du pays porte sur l'autonomie politique et économique. À partir de cela, nous avons deux solutions. L'une consiste à examiner l'intégration économique que l'esprit d'entreprise et la participation communautaire apporteront et que vous espérez certainement atteindre tout en préservant l'intégrité culturelle de la communauté autochtone.

Cette approche, qui semble avoir la préférence sur le plan politique, créera une nouvelle communauté autochtone. Ce sera une communauté multitribale qui ne se préoccupera pas sérieusement des questions de territoire, même si cela peut quand même intéresser certaines personnes. Par conséquent, il deviendra plus important d'avoir voix au chapitre sur le plan politique, mais les relations avec la communauté d'Indiens inscrits, attachée à un territoire, dont je parlais avec le témoin précédent, deviendront également plus importantes.

Si ces hypothèses sont exactes, s'il est vrai que les autochtones en milieu urbain auront de plus en plus d'autonomie, quelles craintes cela engendra-t-il dans le système actuel fondé sur le territoire? Le milieu urbain devenant plus attrayant pour les autochtones, il y aura un exode des talents étant donné que c'est là que se trouveront les débouchés économiques. Vous attendez-vous à une résistance de la part des conseils de bande, élus ou non, qui représentent des gouvernements fondés sur le territoire? Vont-ils accepter une nouvelle structure de gouvernement fondée sur la communauté urbaine?

J'en arrive à la troisième recommandation voulant que le gouvernement canadien crée le nouveau système normatif. Pouvons-nous le faire sans consulter largement la communauté autochtone non urbaine?

M. Maracle: Pour répondre à votre question quant à savoir si les autorités existantes l'accepteraient ou non, la réponse est certainement négative. Il ne faut pas oublier que toute cette initiative, qu'il s'agisse de l'autonomie gouvernementale ou de la prestation de programmes et de services, vise à donner des pouvoirs aux gens et à leur permettre de décider de leur autodétermination.

Je ne vois pas nécessairement cela comme une forme d'intégration économique, mais plutôt comme une participation économique, que ce soit dans la réserve ou à l'extérieur. En tant que membre des Premières nations qui a vécu dans une réserve de même que dans deux grandes villes du pays, je veux avoir le choix. Je veux pouvoir venir en ville pour faire des études et acquérir de l'expérience et retourner dans ma communauté partager mes connaissances et mes acquisitions.

Nous savons que notre peuple doit sortir de la réserve, doit aller en ville pour toutes sortes de raisons, que ce soit par choix ou simplement à cause des circonstances. Lorsque les gens viennent en ville, nous devons faire en sorte qu'il y ait des institutions pour les soutenir, des institutions qui respectent leur diversité, qui préservent leur intégrité et qui leur permettent de rentrer chez eux. Je ne pense pas qu'il faille nécessairement se montrer compétitif ou craindre que ces personnes seront attirées en dehors de leur communauté. Cela se résume certainement à une question de choix. En tant qu'organismes, en tant qu'autochtones, nous avons la responsabilité de parler à nos anciens, de parler à ceux qui préservent nos traditions et de veiller à ce que nos jeunes obtiennent l'orientation et le soutien dont ils ont besoin pour prendre leurs propres décisions.

Le sénateur Austin: Je voudrais employer le discours antérieur à la création des Nations Unies en disant que cela me fait penser à des colonies urbaines de systèmes territoriaux autochtones. Chaque variation du modèle existait dans le monde colonial. Puis vous faites intervenir le comportement humain. Tout d'abord, vous avez le modèle d'une communauté autochtone fondée sur le territoire à l'intérieur d'un milieu urbain. Par exemple, dans ma ville, les Squamish possèdent des terrains de très grande valeur dans Vancouver-Nord; les Musqueam ont également des terrains de très grande valeur, et ainsi de suite. Puis vous avez des communautés autochtones relativement distantes. Leur population pourrait réussir à Vancouver.

Cette population voudra peut-être rentrer chez elle pour des raisons culturelles, mais notre société exerce également des pressions pour l'inciter à rester, continuer à progresser et attirer d'autres personnes. Au cours de notre discussion, nous avons mélangé les diverses catégories. Je me demande si le modèle que vous suggérez est possible. Est-il possible de passer d'un modèle à l'autre et pendant combien de temps? La question n'est pas réglée.

Je vous remercie beaucoup de votre réponse, qui était très claire et révélatrice.

Le sénateur Pearson: J'ai hâte de lire le mémoire que nous venons seulement de recevoir. Je m'intéresse particulièrement au projet de recherche que vous êtes sur le point d'achever et qui cherche à analyser les facteurs qui empêcheront ou qui permettront de faire participer davantage les jeunes au gouvernement autochtone en milieu urbain.

Madame Hill, je voudrais savoir ce qui vous a incitée à participer autant. C'est peut-être une question personnelle.

Mme Hill: En fait, c'est une question intéressante. J'ai commencé à travailler au centre d'amitié à côté de chez moi, à Six Nations, comme étudiante, dans le cadre d'un emploi d'été. J'ai ensuite profité de plusieurs possibilités de formation offertes par les réseaux de centres d'amitié provinciaux et nationaux.

Plus tard, j'ai eu l'occasion de participer à une assemblée générale annuelle de l'Association nationale. Des tribunes pour les jeunes sont organisées à l'occasion de ces assemblées annuelles et j'ai assisté à l'une d'elles. Je m'intéressais depuis longtemps aux activités et aux initiatives visant à améliorer la situation des jeunes de chez nous. J'ai vécu un certain nombre d'expériences que je ne voudrais pas que les jeunes de demain aient à vivre.

Quand j'ai participé à la tribune des jeunes, j'ai beaucoup écouté et j'ai seulement parlé quand j'en ai ressenti le besoin. À l'assemblée générale, j'ai eu l'occasion de prendre deux fois la parole devant 300 à 400 personnes. Les sujets que j'ai abordés et la façon dont j'en ai parlé ont amené certaines personnes à s'adresser à moi. Des membres du conseil des jeunes m'ont demandé de présenter ma candidature à un poste au conseil. J'ai mis plusieurs jours à me décider, car je ne voulais pas participer à ce genre d'activité au départ, mais comme on m'a convaincue des possibilités que cela m'offrirait, j'ai accepté. Lorsque j'ai pris la parole devant l'assemblée, à l'occasion de la tribune des jeunes, j'ai annoncé que je n'avais pas grandi en milieu urbain. Je ne connais pas cette expérience. J'ai grandi dans une réserve et j'ai l'intention d'y retourner à la fin de mes études. Mon expérience de la vie en milieu urbain se limite à la période pendant laquelle j'ai quitté ma réserve pour fréquenter un établissement d'enseignement postsecondaire.

Je m'intéresse à tous les jeunes autochtones, quel que soit l'endroit où ils résident. C'est de là que vient mon expérience. On m'a choisie comme vice-présidente du conseil des jeunes et c'est là que tout a commencé. Depuis, j'ai participé de très près aux initiatives pour la jeunesse des centres d'amitié. Je vous remercie d'avoir posé la question.

Le sénateur Pearson: Votre famille vous a-t-elle encouragée quand vous étiez enfant? Pendant votre enfance, avez-vous eu l'occasion d'affirmer votre confiance en vous?

Mme Hill: Non. Je viens d'une famille dysfonctionnelle comme beaucoup de gens dans les communautés autochtones.

Le sénateur Pearson: Dans ce cas, vous êtes un bel exemple à suivre.

Mme Hill: J'ai traversé seule ces épreuves, mais ma famille me soutient beaucoup maintenant.

Le sénateur St. Germain: Si l'on examine les statistiques, il y a 800 000 Amérindiens, Métis et Inuits. Est-il exact qu'environ 350 000 vivent hors des réserves, en milieu urbain?

M. Helgason: En Ontario, il y a une plus forte proportion d'autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves. Le gouvernement reconnaît qu'au moins 65 p. 100 des autochtones ne vivent pas dans une réserve.

Le sénateur St. Germain: Par conséquent, toute notre initiative concernant l'autonomie gouvernementale est centrée sur 35 p. 100 de la population. Monsieur le président, je ne crois pas utile d'en dire plus.

M. Helgason: Je crois que votre initiative d'autonomie gouvernementale comprend tous les autochtones et que les membres des Premières nations qui vivent dans les réserves n'en représentent qu'un des éléments.

[Français]

Le sénateur Gill: Il y a une question qui me préoccupe. Comment se fait-il que du côté autochtone, nous sommes portés à toujours catégoriser, catégoriser les Métis, les sans statut, les Indiens inscrits et les non inscrits, les gens qui vivent en ville, les gens qui vivent en réserve, et cetera.

Est-ce que cela vient du fait de la Loi sur les Indiens ou si, à cause d'une certaine marginalisation des groupes indiens vivant un peu à part, nous avons décidé de créer des groupes qui allaient accélérer et évoluer plus rapidement sur le plan économique?

Si je regarde les recommandations des témoins qui vous ont précédés, tout le monde voudrait être reconnu, avoir une reconnaissance qui est probablement proche des Indiens statués par la Loi sur les Indiens. On semblerait vouloir se catégoriser parce qu'on trouve que cela ne va pas vite, cela ne marche pas bien. J'aimerais avoir vos commentaires.

[Traduction]

M. Maracle: Vous avez parfaitement raison. La Loi sur les Indiens est sans doute le facteur qui a le plus contribué à cataloguer ainsi les autochtones. À chaque catégorie correspond un niveau de droits différent. Il faut également reconnaître que la nature humaine est compétitive. Nous pouvons faire preuve de discrimination ou dois-je dire, faute de meilleur mot, de racisme envers d'autres nations. La Loi sur les Indiens est certainement le facteur qui y a le plus contribué.

Le sénateur Gill: Il est assez facile de se battre à cause de la pauvreté. Les gens tentent de partager ce qu'ils ont, mais si vous n'avez rien, c'est difficile à partager. C'est peut-être pourquoi il y a tant de dissensions, comme je l'ai mentionné au départ.

M. Maracle: Comme peuple vivant dans la pauvreté, que ce soit dans les réserves ou à l'extérieur ou dans le Nord, nous avons constamment démontré au cours de notre histoire que nous étions les mieux en mesure de partager.

Le sénateur Gill: Partager quoi?

M. Maracle: Parfois rien, mais nous partageons quand même.

M. Helgason: La Loi sur les Indiens a joué un rôle important, mais je peux attester de l'endurance des autochtones. Imaginez la communauté dans laquelle je suis né où toutes les décisions étaient prises pour vous. Votre enfant est envoyé dans un pensionnat; on ne vous laisse pas le choix. Ma propre mère a vécu dans un pensionnat 50 semaines par an et plusieurs générations ont subi le même sort. Les autochtones ont été autorisés à voter en 1961. La Loi sur les Indiens a réintégré certains autochtones dans leurs droits, mais pas d'autres. Si vous alliez à la guerre, vous perdiez. C'est assez surprenant. Des gens ont été mis en prison et des objets traditionnels ont été pris. Certaines cérémonies ont été interdites. La résistance de notre culture, le fait que nos langues existent toujours et que nos jeunes réapprennent de nos anciens nos cultures et nos traditions sont vraiment étonnants. Compte tenu des circonstances, la capacité de résistance des autochtones est incroyable.

Je crois que le partage joue un rôle dans tout cela. À l'Association nationale des centres d'amitié, nous ne tenons aucune réunion sans que des anciens ne soient présents. Leur rôle n'est pas de participer à la discussion, à moins qu'ils ne le désirent, mais de nous guider dans ce que nous faisons, dans ce que nous pensons et ressentons et dans notre orientation. Quand vous avez vos propres idées, il est parfois très utile d'entendre une opinion différente.

J'apprécie la question et cette division est regrettable, mais parfois cela nous aide à mettre l'accent sur les questions qui intéressent les enfants, la santé et la situation communautaire et nous commençons alors à parler de ces choses. Cette communauté était très différente il y a 45 ans et elle essaie de progresser. Elle doit bâtir ce capital social, les rôles des uns et des autres, les normes à partager, la confiance et les liens par lesquels nous veillons les uns sur les autres.

Souvent, c'est une chose que les gouvernements et les institutions vous enlèvent. Ils vous disent: «C'est nous qui allons prendre les décisions. Contentez-vous de faire ce que vous êtes censés faire.» J'espère qu'au Canada, au cours du prochain millénaire, nous nous pencherons sur la communauté, l'habilitation, la participation, l'attachement et l'engagement des citoyens. Aucune communauté n'en bénéficiera davantage que la communauté autochtone et cela dans l'intérêt général de la société canadienne.

Le sénateur Gill: Supposons que nous ayons une institution composée de représentants de divers groupes chargés de déterminer et d'établir les règles de citoyenneté. Pensez-vous que ce serait une façon envisageable de constituer un groupe de gens qui seront reconnus pour ce qu'ils sont et pour ce qu'ils veulent être? Cela pourrait être mis en place par les Indiens eux-mêmes. Dans notre pays, chacun sait que la citoyenneté des Indiens inscrits ou non inscrits a été établie par quelqu'un d'autre, en vertu de la Loi sur les Indiens. Si ces règles étaient déterminées et organisées par votre propre peuple, quel en serait le résultat?

M. Helgason: Je crois que ces tribunes ont été plus productives lorsqu'elles incluaient le maximum de gens. Quand tous les éléments de la communauté autochtone, y compris les Indiens des villes et les Indiens non inscrits sont inclus et lorsqu'on leur accorde le respect, la reconnaissance et des responsabilités, ils peuvent conclure des ententes et adopter des principes qui servent de guide et permettent de déterminer les mécanismes requis.

Je pense que ce genre de solution présente certains avantages. Je crois savoir où vous voulez en venir. Vous voulez parler d'un organisme suprême qui permettrait aux divers groupes de se faire reconnaître ou contester. Une bonne discussion n'est pas nécessairement une mauvaise chose étant donné que cela permet d'apprendre. Nous avons écouté Douglas Cardinal, l'architecte, qui a dit que c'est parfois de ceux qui ne seront pas d'accord avec vous que vous apprenez le plus. On a toujours quelque chose à apprendre.

M. Macdonald: Il est étonnant de voir à quel point nos intérêts sont les mêmes lorsqu'on se penche sur certains problèmes ou certaines questions. Si c'est une question de santé, les gens ne vont pas vous dire immédiatement que vous êtes un Indien inscrit ou non. C'est vrai également pour l'éducation ou les services sociaux. Les recherches montrent l'importance de commencer par s'intéresser non pas à la question abstraite de savoir qui vous êtes, mais aux besoins auxquels il faut répondre. Je crois que les centres d'amitié ont donné un excellent exemple de travail efficace à cet égard, et cela pour tout le monde.

Le président: Supposons un instant que le gouvernement canadien veuille reconnaître qu'il faut faire quelque chose pour la communauté urbaine. Elle semble croître à un rythme alarmant et cela commence à avoir certains effets économiques ou sociaux, par exemple à Winnipeg.

Le centre d'amitié se penche sur cette question et tente de bâtir quelque chose de meilleur que ce qui existe aujourd'hui en défendant les intérêts des gens, tout en établissant l'infrastructure nécessaire pour la prestation des programmes. Pour le moment, nous ne pouvons pas vraiment parler de la question du territoire, car les gens se trouvent en ville ou certains d'entre eux résident à proximité de la ville, dans des petites localités.

Le centre d'amitié serait-il disposé, si le gouvernement canadien rendait la chose possible, à servir d'instrument pour négocier au nom de ces personnes? Est-ce votre intention? Si c'est le cas, comptez-vous assumer cette responsabilité et à servir d'instrument pour faire bouger les choses? S'il faut mettre en place une structure de gouvernement, s'exprimera-t-elle au nom des autochtones des villes et aura-t-elle la responsabilité de leur offrir des services?

M. Maracle: Nous négocions actuellement pour offrir des programmes et des services à une certaine clientèle. À l'échelle nationale, l'Association nationale des centres d'amitié représente 115 centres d'amitié et sept organisations provinciales et territoriales qui se spécialisent surtout dans la prestation des services. Les centres d'amitié, au niveau local, ont une certaine clientèle et un mandat inclusif. Ils organisent des assemblées générales annuelles. La communauté, aussi bien autochtone que non autochtone, peut y participer et dire à quels programmes et services et quels domaines d'activité elle souhaite que le centre d'amitié en question participe. Les gens peuvent être des bénévoles, des clients du centre d'amitié ou faire partie du conseil d'administration. Pour ce qui est des effets des centres d'amitié, bien souvent, ils ont servi d'incubateurs à toute une série d'autres organismes tels que des coopératives d'habitation et des organisations féminines. Un nombre illimité d'autres institutions et groupes autochtones sont nés des centres d'amitié et vice versa en ce sens que des gens ont simplement décidé, au niveau communautaire, de créer un centre d'amitié. Nous aimons ce modèle.

Pour ce qui est de l'autonomie gouvernementale, nous nous voyons comme un moyen d'y accéder. Si un centre d'amitié peut seulement fournir un lieu de réunion où la communauté pourra discuter de ses intentions, il remplira son rôle.

Le président: D'après ce que vous dites, vous ne revendiquez rien pour l'organisation que vous représentez, mais vous essayez plutôt d'obtenir une solution bénéfique et pratique et de permettre aux gens que vous représentez de s'exprimer.

M. Maracle: Nous sommes toujours très conscients de notre mandat qui consiste à améliorer la qualité de vie des autochtones en milieu urbain et de leur offrir l'égalité d'accès. Les centres d'amitié se voient poussés, pas nécessairement par choix, à jouer un rôle beaucoup plus représentatif. Que vous qualifiiez ce rôle de politique ou non, telle est la réalité, car de nombreux autochtones des villes se rendent compte qu'ils ne sont pas représentés sur le plan politique. C'est plus évident dans les grands centres urbains.

Des générations entières d'autochtones urbains n'ont aucun lien avec leur communauté d'origine. Ils ne connaissent rien d'autre que la ville. Souvent, le centre d'amitié est un petit morceau de la réserve au milieu de la ville. C'est précisément de cette façon que de nombreux autochtones considèrent leur centre d'amitié.

Le président: Je tiens à m'assurer d'avoir bien compris vos recommandations. Ai-je raison de conclure que les centres d'amitié s'efforcent d'entamer la discussion avec la communauté autochtone, quel que soit l'endroit où elle se trouve?

M. Maracle: Vous pouvez le supposer.

Le président: Peut-on dire que vous ne tenez pas mordicus à vos propositions, mais qu'il s'agit des éléments dont il faut tenir compte si l'on veut que les choses progressent?

M. Maracle: Il faut que toutes les parties cherchent à dialoguer plus ouvertement. La question de l'autonomie gouvernementale des autochtones urbains n'a pas fait l'objet d'un débat suffisant. Nous devons amener les gens à discuter de l'autodétermination et de la solution qui leur convient en tant que personnes, familles et communautés.

M. Helgason: On ne peut reprocher à personne de ne pas participer si les gens ignorent qu'ils peuvent le faire. Nous avons eu une série de dialogues sur la commission royale, ce qui fait partie de notre rôle.

Pour en revenir aux campagnes de financement, la plupart des centres d'amitié organisent des bingos à cette fin, mais nous avons également des événements sociaux. Dans une large mesure, notre mission consiste à diffuser de l'information. C'est une question qu'il faut examiner de beaucoup plus près étant donné qu'elle peut avoir de sérieuses conséquences pour l'avenir des autochtones des villes.

Le président: Par conséquent, vous vous orientez vers la coopération plutôt que l'accentuation des tensions au sein de la communauté autochtone. Je soulève la question parce que je me demande pourquoi vous passez par les groupes d'intérêt qui ne sont pas des organisations politiques. Vous comprenez sans doute ce que je veux dire.

M. Helgason: D'un autre côté, est-il normal que les organisations politiques fournissent des services exclusifs?

Le président: C'est une des raisons pour lesquelles j'ai posé la question.

Mme Hill: Dans ma déclaration liminaire, j'ai souligné l'importance de faire participer les jeunes aux discussions sur l'autonomie gouvernementale. Je voudrais souligner encore une fois qu'il est très important d'obtenir leurs opinions. Peut-être pourrions-nous nous inspirer des meilleurs modèles et voir quelle est la participation actuelle des jeunes dans un certain nombre de secteurs et d'organismes. Je crois que le Conseil des jeunes autochtones de l'Association nationale des centres d'amitié est un bon exemple de la façon de faire participer les jeunes aux discussions sur les structures de gouvernement. Nous nous ferions un plaisir de fournir des renseignements sur les meilleures méthodes. Il est important d'examiner la participation des jeunes dans un certain nombre de domaines: les prises de décisions, l'élaboration des politiques, l'établissement et la mise en oeuvre des programmes, sans oublier les considérations financières. Le Conseil des jeunes autochtones de l'ANCA joue un rôle actif dans tous ces domaines de même que sur le plan du leadership.

Il y a là matière à réflexion. Merci beaucoup de m'avoir permis de comparaître devant vous.

Le président: Merci pour votre excellent exposé.

La séance est levée.


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