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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 26 - Témoignages du 21 avril 1999


OTTAWA, le mercredi 21 avril 1999

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 17 h 35 pour étudier en vue d'en faire rapport la fonction gouvernementale.

Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, le sujet de la réunion d'aujourd'hui sera les relations politiques et structurelles. Notre premier témoin est Paul Chartrand. Je vous souhaite la bienvenue et vous prie de commencer.

M. Paul Chartrand, Paul Chartrand Consulting Services: Merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de me fournir l'occasion de m'adresser à votre comité. Je comparais en mon nom personnel. Si je comprends bien, vous avez eu la possibilité d'examiner le mémoire que j'ai fait parvenir au comité. Je ne le lirai donc pas, je me contenterai plutôt de faire des observations générales afin de souligner les points saillants de mon mémoire.

Si l'on veut que l'autonomie gouvernementale autochtone soit généralement appuyée au Canada et communément acceptée comme une idée légitime -- ce qui doit précéder son établissement -- il me semble que nous avons beaucoup de travail à faire pour réfuter certains mythes. Je veux vous parler brièvement de deux des mythes qui semblent constituer des obstacles majeurs au dialogue public sur l'autonomie gouvernementale autochtone.

Le premier mythe est celui de la race. C'est un mythe que des spécialistes en science sociale réfutent déjà depuis plusieurs décennies, mais la notion est très tenace. Les ennemis de l'autonomie gouvernementale utilisent ce faux-fuyant, ce faux concept de la race, pour s'attaquer à l'idée.

Ils soutiennent que les pays démocratiques qui accordent de la valeur à la liberté et en particulier à la liberté d'association doivent éviter les régimes illégaux qui assurent un statut fondé sur la race, et avertissent donc que l'autonomie gouvernementale autochtone constitue un gouvernement fondé sur la race et ne devrait donc pas être adopté. Si c'était vrai, je m'y opposerais moi-même.

Il est difficile de réfuter ce mythe au Canada parce que nous empruntons une grande partie de nos idées et de nos impressions des Américains. Les gens qui connaissent l'histoire des Afro-Américains et des mouvements pour la défense des droits civiques connaissent le concept de l'égalité des droits pour tous dans une nation en tant qu'État politique. Ils ne connaissent pas cependant l'autre dialogue sur les droits, qui a également cours aux États-Unis. Ce dialogue porte sur la reconnaissance du fait que tous les peuples ont le droit d'exister et de créer les conditions propices à l'épanouissement de leur culture. En parallèle avec le mouvement américain pour la défense des droits civiques, on reconnaît officiellement dans les lois et les politiques américaines les droits inhérents des tribus amérindiennes à l'économie gouvernementale.

On fait souvent une fausse comparaison avec le régime d'apartheid sud-africain. Quiconque réfléchit à cette question se rendra évidemment compte que ce n'est pas du tout la même chose. Il n'est pas question d'imposer à un peuple contre son gré un statut séparé et distinct, il s'agit plutôt de gens qui veulent jouir des droits qui permettront à leur groupe de défendre leur identité collective contre d'autres institutions et intérêts collectifs.

Un caractère déterminant de tous les peuples autochtones du Canada est le fait qu'ils ont été dépossédés. Aucun autre peuple n'a été dépossédé de sa terre natale. Je ne peux pas trop souligner l'importance de ce caractère central et déterminant. Il faudrait le souligner encore davantage. Vous pouvez constater que la justice exige qu'on remédie à cette dépossession.

Il existe des différences importantes entre les peuples autochtones et les autres. Je tiens à souligner que les normes sur lesquelles repose le concept international de l'autonomie gouvernementale de tous les peuples, forcent notre pays à respecter les règles de la moralité publique auxquelles aspire la communauté internationale. Notre pays doit respecter ses obligations de rendre effectif le droit à l'autonomie gouvernementale des autochtones de notre pays.

Monsieur le président, ce mois-ci à Genève, un comité de la Commission des droits de l'homme a critiqué le Canada pour ne pas avoir respecté ces normes internationales. Il a exhorté le Canada à adopter les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones. Bien que le Canada ait officiellement déclaré reconnaître que le droit à l'autodétermination s'applique à tous les peuples, qu'il soit indigène ou non, cette reconnaissance est encore insuffisante. Il faut prendre des mesures pour institutionnaliser un processus visant à la reconnaissance de ces nations. J'aimerais vous parler de cette question ce soir.

Afin de réfuter le mythe concernant la race, je pense qu'il est utile d'expliquer pendant quelques minutes les rapports entre les divers éléments de la Constitution du Canada et la façon dont la Constitution applique la notion de justice corrective aux minorités désavantagées. Cependant, la Charte protège également les droits des groupes, dans la partie II. Les différences entre les objectifs fondamentaux de la Charte et de la protection constitutionnelle des droits des groupes autochtones sont importantes et méritent d'être soulignées.

L'article 15 proclame l'égalité de tous au Canada. Il s'agit des personnes. L'article proclame que la loi ne fait exception de personne et que tous ont droit aux mêmes bénéfices de la loi. Il prévoit également des recours en justice. Ceux qui ont été défavorisés dans le passé peuvent maintenant être favorisés, à la discrétion du gouvernement, grâce à des programmes de promotion sociale.

Cette disposition concerne des groupes de personnes. Elle s'applique par exemple à des programmes visant à remédier aux effets de la discrimination dans l'emploi, dans le logement et dans d'autres secteurs, pour que les gens ne soient pas injustement défavorisés dans ces domaines.

Il y a des gens au Canada qui sont défavorisés à cause de leur race. C'est un fait que nous devons reconnaître. Le racisme et la discrimination injuste existent dans notre pays et ils sont fondés sur les caractéristiques physiques des gens, y compris ceux qui ont été dépossédés parce que nous avons bâti le Canada sur leurs terres.

Certaines institutions ont été créées en vertu de l'article 15 pour réparer les injustices notamment au moyen de programmes de promotion sociale, comme les centres d'amitié, qui existent dans les villes et dont la mission est d'aider ceux qui ont été défavorisés.

Par contre, on voit l'importance des droits des groupes dans l'article 35, qui reconnaît que les groupes ont besoin de l'autorité -- c'est-à-dire du pouvoir et des ressources -- nécessaire pour créer les conditions propices à l'épanouissement de leur culture. C'est une proposition bien connue. La langue en est un bon exemple. On voit que le principe qui sous-tend l'article 35 concerne la promotion de cultures distinctes sauvegardées par les nations historiques distinctes du Canada, celles qui ont été dépossédées. Nous voyons également l'objectif constitutionnel et social de promouvoir l'harmonie sociale dans le pays. C'est une chose que nous pouvons faire dans un pays de régime fédéral. Lorsque des gens appartiennent à un groupe distinct, ils tendent à s'organiser politiquement en fonction de leur culture, proclamant ainsi que c'est la façon de faire les choses chez eux. Les gens gardent jalousement leur façon de voir le monde et leur façon d'agir dans la vie de tous les jours.

Il y a évidemment de bonnes institutions politiques comme les institutions fédérales, qui aident les peuples ancestraux distincts à bien s'entendre sur le plan politique. Cependant, dans des situations difficiles, les gens auront tendance à rechercher l'appui et le réconfort de leur communauté naturelle, de leur communauté ethnique. Nous savons qu'en 1982, lorsque la Constitution a été modifiée pour prévoir expressément la protection de ces droits collectifs, on n'y a pas défini les droits en question. Il n'est pas précisé s'il existe en common law un droit à l'autonomie gouvernementale des autochtones. La commission royale a élaboré le concept d'un droit en common law protégé par la Loi constitutionnelle. Étant donné que l'article 37 demandait que les gouvernements fassent une proposition substantielle lors des négociations sur le contenu de ces droits, le fait que ce n'est encore jamais arrivé n'est pas très flatteur pour le régime politique du pays. C'est une obligation constitutionnelle insatisfaite qui sape la légitimité morale et politique des gouvernants de notre pays face à ces nations ancestrales dépossédées dans le passé.

Comme le rapport de la commission royale le soutient, l'article 35 reconnaît et protège les droits accordés en common law aux groupes, qu'on appelle nations dans le rapport. Il aurait peut-être été préférable de les appeler «peuples». Je n'ai pas réussi à convaincre les auteurs qu'il aurait fallu utiliser partout le mot «peuples».

Il s'agit des groupes dotés des trois caractéristiques centrales soulignées par la commission. Il y a un groupe qui possède un sentiment collectif de son identité propre, et qui doit être d'une taille suffisante. Nous devons être pratiques. On ne peut pas faire certaines choses que les gens doivent faire et veulent faire pour protéger leur culture, si l'on n'atteint pas un seuil minimum de ressources nécessaires. Il serait insensé de suggérer la notion d'autonomie gouvernementale pour un village, pour un village autochtone. Ce serait la mauvaise voie à suivre et une voie dangereuse. Nous devons l'éviter et les tribunaux voudront peut-être faire des commentaires là-dessus. Je veux être bref et résumer mon premier argument.

Les tribunaux ont donné corps à certains principes fondamentaux de la Constitution, et notamment celui de démocratie et de protection des minorités. À mon avis la notion de droits collectifs telle qu'énoncée à l'article 35, prévoit, pour la collectivité, le droit de décider des critères d'appartenance.

Ces valeurs constitutionnelles de liberté d'association et démocratie, excluent toute fausse notion -- je reviens au mythe de la race -- de déterminisme biologique, lequel aurait pour effet d'imposer à certaines collectivités d'accueillir en leur sein des personnes qui s'y refuseraient. On voit immédiatement ce que pourrait avoir de dangereux, socialement et politiquement, une telle conception. L'autonomie politique des autochtones doit prévoir le droit, pour ceux-ci, de développer leur propre vision d'une collectivité heureuse, et leur propre conception d'une société idéale. On voit mal comment ils pourraient atteindre ce noble objectif, s'ils sont obligés d'accueillir en leur sein, et pour des raisons d'ordre biologique des personnes qui s'y refuseraient.

Comme je l'ai dit il y a quelques instants, il y a un certain flottement dans la tentative des tribunaux de développer une doctrine cohérente des droits des autochtones. On assiste plutôt à des décisions rendues au cas par cas, sans vision d'ensemble des finalités, et portant sur la notion de droits ancestraux investis dans de petites collectivités. On y énonce certains droits particuliers, dont ces petites collectivités seraient héritières et titulaires.

Si nous envisageons une doctrine qui pourrait être appliquée par les tribunaux, celle-ci devrait assigner le droit à l'autonomie politique à de grands ensembles nationaux, plutôt qu'à ces petites collectivités. Le respect d'un certain nombre de principes fondamentaux amène à reconnaître que le pouvoir doit se constituer par le rassemblement de petites entités capables de construire une base suffisante permettant de créer les conditions nécessaires à la survie politique et sociale de la collectivité.

Je suis pour le moment d'accord avec la recommandation de la commission royale selon laquelle nous avons besoin d'adopter une procédure adéquate de reconnaissance de la nation. Je pense, monsieur le président, qu'une des parties les plus intéressantes du rapport final est celle qui traite du tribunal considéré. Je pense qu'il faudra y revenir.

L'idée de reconnaître le droit des petites collectivités à s'unir et à déléguer leur autorité à une entité plus vaste, est intéressante, car elle semble répondre de façon plus satisfaisante à la question de la légitimité en matière de représentation politique. Et comme vous le savez, les peuples défendent jalousement ce privilège.

Selon mon expérience, les autochtones avec lesquels j'ai pu discuter, non seulement en Amérique du Nord mais ailleurs, ont tendance à craindre et à rejeter à la fois la notion occidentale sous-jacente à nos institutions politiques au Canada, je veux parler de la démocratie représentative. Ces autochtones hésitent à reconnaître qu'une personne pourrait être investie du droit de parler au nom d'une autre. Dans une certaine mesure, la comparaison avec la théorie philosophique de l'anarchie pourrait se justifier, bien que j'hésite à appliquer quelque étiquette que ce soit.

Cependant, si l'autonomie politique des autochtones doit aller de pair avec l'harmonie sociale, nous ne pouvons laisser de côté le débat important de la légitimité d'une représentation politique. Nous devons donc imaginer un droit autochtone qui lui fasse une place.

Le deuxième mythe sur lequel j'aimerais revenir rapidement, est celui d'une loi qui s'appliquerait à tous. C'est d'entrée de jeu une erreur fondamentale. Si vous regardez un petit peu dans les coulisses de notre vie juridique, vous verrez que le Canada n'applique pas la même loi à tous. Les lois qui s'appliquent aux personnes mariées sont d'un type, celles qui s'appliquent aux célibataires d'un autre, il y a des gens qui vivent dans différentes provinces, il y a les mineurs etc.

Tout cela ce sont de belles paroles, c'est encore une façon de mettre les mots avant les idées, en disant que la loi est la même pour tous. Si l'on gratte un peu, on se pose immédiatement la question de savoir ce que veut dire «tous». Et notamment de savoir comment ces nations ancestrales dépossédées en sont arrivées à être inclues dans cette totalité.

Cela me rappelle la plaisanterie bien connue au sujet du Lone Ranger et Tonto: «Quand tu dis nous, qu'est-ce que tu veux dire?» Quelle théorie de la justice permet de justifier les décisions de la justice canadienne en ce qui concerne ces nations ancestrales? Il doit bien y avoir quelque part une explication. Des gens sont arrivés ici, et il y avait déjà des peuples installés sur leurs terres natales. Et il se trouve que maintenant se sont d'autres peuples qui les gouvernent. Quelle théorie morale permet de justifier cela? Voilà donc une question grave à laquelle le Canada n'a pas répondu et que j'aimerais débattre un peu devant vous.

La Cour suprême du Canada estime que le consentement des gouvernés est l'un des principes fondamentaux de notre Constitution. Si nous voulons répondre à la question que j'ai posée, nous ne pouvons pas conclure qu'il y a eu quelque consentement que ce soit à un moment ou à un autre de cette histoire. Débattant du principe de la participation, sur laquelle devrait s'appuyer toute politique autochtone fédérale, une commission royale d'enquête avait estimé que le consentement des ancêtres ne liait pas les générations suivantes, lorsque celles-ci devaient subir l'injustice d'un régime politique contemporain.

Tout gouvernement des peuples de nos jours est légitime par une participation légitime de fait. Cette participation doit se retrouver dans nos institutions publiques ainsi que dans celles des autochtones.

Par le passé nous avons eu affaire à la notion de Dominion du Canada. Si nous nous penchons maintenant sur la notion de partage du pouvoir avec les autochtones, au sein du Canada, nous pouvons envisager un nouveau Canada sous forme de condominium qui ferait place et rendrait justice aux peuples autochtones.

Je vais donc conclure par quelques réflexions concernant mon propre peuple, les Métis, si vous m'accordez encore quelques minutes.

Comme vous le savez sans doute, l'arrivée sur la scène historique de mon peuple, la nation métisse d'Amérique du Nord, est étroitement associée à l'acte de naissance de la province du Manitoba. À Red River, en 1869-1870, dans des circonstances que l'on connaît en général au Canada, nous avions officiellement affirmé nos droits en même temps que les droits de toute personne résidant sur ce territoire.

Nous avions négocié un accord énumérant les conditions aux termes desquelles nous étions prêts à nous joindre à cette nouvelle fédération. Certaines de ces conditions ont été reproduites telles quelles dans la Constitution du Manitoba, soit la Loi du Manitoba de 1870, ce que l'on retrouve aujourd'hui en partie dans la Constitution du Canada. Cet accord de la Confédération n'a pas été respecté. Étant donné qu'un certain nombre d'obligations s'imposent aux gouvernements du Manitoba et du Canada, on peut dire que la province aussi bien que le Canada continuent de se comporter de façon fort déshonorante en hors-la-loi au regard de cette constitution.

En 1982, bien sûr, les droits des autochtones furent réaffirmés en même temps que l'on reconnaissait les droits ancestraux des nations. C'est-à-dire les droits des nations qui existaient en 1982. Il faut bien comprendre ce que cela signifie, à savoir que la nation métisse du Canada a fait l'objet d'une reconnaissance officielle de l'État canadien. De facto cette reconnaissance avait déjà eu lieu, bien sûr, si l'on en juge par les coups de fusil qui tuèrent bon nombre d'entre nous. Il y a eu des affrontements armés, lors de nos premières rencontres avec des étrangers au début du XIXe siècle.

J'aimerais évidemment que la situation soit moins sombre. En effet, on ne peut pas dire que le Canada ait traité nos peuples de façon honorable. En ce qui concerne les Métis, l'accord de la Confédération était déjà quelque chose de douteux. Puis nous avons été marginalisés et affaiblis, à tel point que nous ne pouvons même pas décider nous-mêmes quels héros doivent constituer le substrat mythique de l'âme de notre nation. Nous assistons aujourd'hui à un débat obscène sur la colline parlementaire entre des étrangers d'un côté et les héritiers du racisme du XIXe siècle, chargés de débattre du statut de Louis Riel.

On imagine quelle peut être la marginalisation d'une nation, sur le plan politique, lorsque celle-ci n'a même plus la maîtrise de ses propres patronymes. Je suis sûr que d'autres témoins vous auront parlé ici des difficultés qu'entraîne la manipulation des identités par le truchement de la législation fédérale. Le projet de loi C-31 en est sans doute la meilleure illustration. Cependant, on peut également en constater les méfaits lorsqu'une nation ne peut pas elle-même se donner ses propres héros.

Monsieur le président, si le gouvernement du Canada devait adopter la recommandation principale de la commission royale d'enquête, à savoir de reconnaître ces nations ancestrales du Canada dépossédées, il serait essentiel d'avoir du Canada une vision qui en fasse quelque chose d'autre qu'un pays multiculturel se résumant à n'être qu'une pâle imitation de l'Europe. Il s'agit ici d'un pays d'Amérique du Nord, qui doit reconnaître dans ses fondements philosophiques, historiques et autres, la présence des peuples autochtones. Il s'agit d'un pays multinational composé de plusieurs nations.

Pour atteindre cet objectif, il me semble que nous avons besoin d'un engagement politique et d'une conférence des premiers ministres. Nous devons aussi restructurer les institutions fédérales comme le recommandait la commission royale.

Le sénateur Austin: Vous êtes au courant de l'entente avec les Nishgas et l'objection soulevée par certains habitants de ma province de la Colombie-Britannique, surtout par les membres de l'opposition libérale dirigée par Gordon Campbell à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Les adversaires de l'entente s'opposent au fait qu'on nie le droit de participer au processus politique de la collectivité Nishga, c'est-à-dire qu'on ne puisse pas voter pour choisir ceux qui détermineront les impôts à prélever ou qui prendront les autres décisions de nature politique. Je vous ai entendu vous élever contre la politique raciale. Je voudrais savoir ce que vous pensez du droit de chacun de participer à tous les rouages de l'appareil politique.

Dans votre mémoire, à la page 10 de la version anglaise, vous parlez de la création du Nunavut que vous décrivez en ces termes:

[...] un autre cas où un peuple autochtone a accepté une forme de gouvernement populaire parce qu'elle semble la meilleure option disponible face aux politiques dictées par l'exercice de la force, et non le respect des droits.

Vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec la création du Nunavut et nous donner aussi les raisons détaillées qui vous portent à croire que ce n'est pas nécessairement une bonne chose pour les habitants du Nunavut.

Comme vous le savez très bien, tous les habitants du Nunavut participent au processus électoral.

M. Chartrand: Je répondrai d'abord à la question sur le traité Nishga. C'est un fait remarquable que le Traité Sechelt, qui se rapproche beaucoup du traité Nishga suscite beaucoup moins de publicité et d'opposition, ce qui nous en dit probablement plus long sur le processus politique que sur le contenu de ces traités.

Le sénateur Austin: À ce sujet, comme vous le savez, le traité avec la nation de Sechelt prévoit la participation électorale des habitants du territoire.

M. Chartrand: Sénateur, cela correspond à la recommandation formulée par la Commission royale sur les peuples autochtones dans son rapport final, selon lequel il faut assurer la participation des résidents d'un territoire lorsque ce territoire relève d'une nation quelconque. En principe, c'est à la nation de décider, dans l'exercice de ses droits, si le critère de résidence comme tel suffit pour donner la citoyenneté. C'est à la nation d'en décider.

Je ne connais pas autant les modalités du traité Nishga que je le voudrais. J'ai parcouru la plupart de ses clauses il y a déjà quelque temps. Je ne l'ai pas examiné attentivement au complet. Si j'ai bonne mémoire, le traité prévoit la participation politique de tous les résidents aux institutions publiques, par exemple aux conseils scolaires. Je me trompe peut-être, mais c'est ce que je crois me rappeler.

Le sénateur Austin: Les représentants peuvent être élus, mais ils ne peuvent pas participer à leur propre élection. Si la population veut les élire et s'ils veulent servir, ils peuvent être élus.

Le point important que vous avez établi au sujet des stéréotypes raciaux a malheureusement été appliqué à la population par le fait que le traité Nishga nie l'existence de tous droits politiques de participer également pour chaque particulier comme le prévoit pourtant la Charte. J'imagine que vous êtes d'accord que la Charte doit s'appliquer à tous les Canadiens, y compris les autochtones.

M. Chartrand: Bien entendu, la Charte doit s'appliquer. Reste encore à l'interpréter. Il me semble cependant que, si nous considérons que les autochtones ont le droit à l'autonomie gouvernementale, comme le stipule l'article 35, nous devons aussi accepter que la Charte s'applique à eux. Les deux vont de pair. On ne peut pas avoir l'un sans l'autre.

Je pense qu'il est juste de reconnaître le droit d'une nation autochtone à décider qui sont ses citoyens. Ce peut être embarrassant sur le plan politique que des gens qui étaient sur le territoire au moment de sa création en sont résidents mais n'accèdent pas à la citoyenneté à cause des lois de la nouvelle nation. Par ailleurs, le principe qui porte sur leur situation me semble être le même que celui qui s'applique au Canada, aux États-Unis et à d'autres pays, mais personne ne critique ces pays parce que les résidents étrangers n'ont pas le droit de vote. Selon moi, le principe est le même. On peut avoir des opinions divergentes sur ce point. Cependant, les règles d'appartenance reconnaissent le droit de la nation de déterminer qui en fait partie. Ces règles peuvent inclure certains et en exclure d'autres. Les gens raisonnables peuvent avoir des idées différentes quant aux mérites des restrictions établies par ces règles.

Le sénateur Austin: Relativement au Nunavut, vous jugez qu'il aurait été préférable pour les Inuits de pouvoir décider eux-mêmes qui participeraient au processus politique sur le territoire du Nunavut. Est-ce bien cela que vous entendez par ce paragraphe?

M. Chartrand: Dans ce paragraphe, qui n'est peut-être pas rédigé de façon très élégante, je voulais souligner le droit fondamental à l'autodétermination, qui est vraiment un droit inhérent, contrairement au droit à l'autonomie gouvernementale des autochtones selon le droit coutumier, tel que l'entend la ccommission royale dans ses arguments. Autrement dit, le droit à l'autonomie gouvernementale est un droit inhérent dont on ne peut jamais se défaire. La seule façon de s'en défaire est de se débarrasser du peuple. Tant que vous pouvez prouver que vous êtes un peuple, vous avez le droit à l'autonomie gouvernementale.

Les représentants politiques élus des Inuits affirment énergiquement leur droit de déterminer qui est membre de leur peuple et le droit international leur reconnaît ce droit. Les Inuits peuvent changer d'avis et instaurer n'importe quelle forme de gouvernement. C'est un de leurs droits inhérents tant qu'ils sont un peuple. L'acceptation d'une forme publique de gouvernement ne peut pas à elle seule être interprétée comme un affaiblissement ou une réduction de ce droit. Il me semble que la notion d'un affaiblissement des droits des peuples autochtones est très importante.

J'espère, monsieur le président, que, dans le cadre de leur interprétation de ces principes non écrits de la Constitution, les tribunaux envisageront peut-être comme principe constitutionnel fondamental que les peuples autochtones n'ont jamais eu l'intention ni dans leur traité ni ailleurs d'accepter une extinction générale de leurs droits. Comme présomption parallèle, on peut dire que la Couronne, agissant de façon honorable, n'avait pas non plus l'intention d'offrir une extinction générale de ces droits.

Ce mois-ci, le comité de la Commission des droits de l'homme a formulé certaines critiques à l'endroit du Canada en disant que la politique d'extinction des droits n'était pas conforme au droit international.

Si j'ai fait cette observation, sénateur, c'était pour souligner l'importance de la norme. C'était pour montrer la différence entre un genre de droit inhérent et le droit inhérent qui émane de la common law du droit commun sur lequel la Commission royale devait se baser puisque c'est ce que notre mandat exigeait. Nous ne pouvions pas présenter d'autres arguments que ceux qui étaient conformes à la Constitution du Canada.

J'ai pensé faire un peu d'humour en signalant que cela n'avait pas réussi parce que c'est ce que mon peuple avait essayé en 1870. Il avait accepté cette forme de gouvernement public, mais sans résultats parce que nous avions été envahis par des étrangers en très peu de temps. Les historiens ont conclu que le peuple Métis avait perdu tout son pouvoir politique à la fin des années 1870. J'espère que les Inuits auront plus de succès au Nunavut. Ce n'est pas à moi de dire quels sont les mérites de l'entente du Nunavut.

Le sénateur Austin: Je voudrais revenir à ce que vous avez dit à propos des pactes internationaux. Comme la plupart des autres nations, le Canada souscrit aux pactes internationaux relatifs aux droits civils, aux droits de l'homme et aux droits politiques. Nous sommes tenus de respecter ces droits. La Charte reflète ces normes internationales. Cependant, et je ne veux pas parler pour l'instant de la question de savoir qui sont les membres de ces nations; supposons que cette question ait déjà été réglée, il y a donc des cultures au Canada, tant autochtones que non autochtones, qui considèrent les droits de leurs membres d'une façon contraire aux normes internationales auxquelles souscrit le Canada. Peu importe si vous jugez que les membres d'une nation autochtone appartiennent ou non au système de valeurs canadien, il me semble que ces mêmes droits s'appliquent à eux. Cependant, un certain nombre de témoins ont semblé nous dire que, à cause de la façon dont ils envisagent leur propre souveraineté, ils ne veulent pas être assujettis à des normes internationales. Autrement dit, ils voudraient que les normes internationales relatives aux droits ne s'appliquent pas à eux. D'après ce que vous dites, ce n'est pas votre position.

M. Chartrand: Sénateur, je reconnais volontiers que cette position ne tient pas. Elle ne tient pas sur le plan moral si c'est effectivement sur la morale que s'appuient ces normes internationales vu qu'elles représentent après tout les aspirations de toutes sortes de cultures. Nous avons eu ce débat à la Commission royale parce que la réponse n'était pas évidente. On pourrait prétendre que les droits individuels prévus par la Charte ne s'appliquent pas aux membres d'une nation autochtone qui réclame l'autonomie gouvernementale. Pour l'instant, cette discussion est purement théorique. Les tribunaux n'ont pas examiné ces questions. C'est donc un point discutable.

En réfléchissant à cette question, je me suis dit qu'il s'agissait en fait de responsabilité. Qui, à titre de leader d'une nation autochtone du Canada, serait prêt à proclamer sur une tribune publique que, pour protéger sa culture, il doit violer les normes auxquelles aspirent toutes les diverses cultures de la communauté internationale?

Je ne peux imaginer une situation où cela serait justifié? Nous avons conclu que la Charte doit s'appliquer en tant que droit constitutionnel et que le gouvernement, s'il veut adopter une bonne politique, devrait prévoir une protection conforme aux dispositions de la Charte.

Dans les débats publics, on tient souvent pour acquis que les droits collectifs s'opposent automatiquement aux droits individuels. Or, tel n'est pas le cas.

Les groupes et nations autochtones n'ont pas besoin qu'on les protège de leurs membres. On n'enfreint pas l'autonomie gouvernementale en protégeant les droits individuels. D'après mon expérience, d'après ce que j'ai lu à ce sujet et d'après mes discussions avec les peuples indigènes, je peux vous dire que les valeurs sociales et politiques des peuples indigènes respectent les droits, l'initiative et l'autonomie personnelle bien davantage que les traditions occidentales.

Le groupe a besoin de droits collectifs qui les protégeront contre l'affaiblissement de l'identité collective du groupe. Pour ce faire, il n'a pas besoin de droits qui pourraient servir à opprimer les personnes. Les valeurs indigènes se fondent sur le concept du respect absolu des droits individuels. Je n'ai encore rencontré personne qui m'ait déclaré souhaiter empiéter sur les droits individuels pour protéger sa propre culture.

Le sénateur Austin: J'aime bien ce que vous nous dites. Toutefois, nous sommes aussi saisis d'un projet de loi, dans le cas d'un processus parallèle, le projet de loi C-49. Nous avons entendu des témoignages de femmes autochtones qui estiment que les droits que leur confère la Charte et les conventions de l'ONU sont violées. C'est là le fondement de leurs arguments.

Ces témoins ont déclaré que la culture de certaines collectivités autochtones fait que l'appartenance de cette collectivité est définie d'une façon incompatible avec ces droits. Mon temps de parole est écoulé, mais peut-être pourriez-vous y réfléchir, ou peut-être un de mes collègues voudrait donner suite à cette question. Sinon, nous pourrions en reparler un autre jour.

M. Chartrand: Je dirai brièvement que les plaintes et les violations relèvent du fonctionnement du système actuel. À mes yeux, l'autonomie gouvernementale relève de l'avenir.

Le sénateur Pearson: Bien des femmes sont venues se plaindre à nous de différents aspects de la Loi sur les Indiens. Mais je ne m'étendrai pas sur ce sujet.

Depuis que nous avons amorcé cette étude, nous avons constaté que la façon dont on tente de préciser les droits autochtones dans les lois, n'est pas très heureuse.

Notre comité envisage la possibilité de recommander la création d'un tribunal autochtone distinct, peut-être temporaire, qui accélérerait quelque peu ce processus et dispenserait des conseils sur les poursuites qui seraient intentées.

J'ai plusieurs questions à vous poser à ce sujet. Est-ce là une bonne façon de faire participer les autochtones aux institutions publiques du Canada? Nous songeons à une façon de préciser les lois traitant des droits autochtones, pas nécessairement d'un tribunal constitué de juges autochtones.

M. Chartrand: Voici ma réponse. Je suis d'accord avec vous pour dire que, jusqu'à présent, les efforts des tribunaux en vue de définir de façon substantielle les droits autochtones ont été vains.

Je crois que le Canada peut trouver de meilleures façons de régler ces problèmes. En rétrospective, les tribunaux ont été bien avisés de renforcer la théorie des obligations comme on l'a fait dans le renvoi sur la sécession du Québec. Cela montre bien comment les tribunaux réagissent au pouvoir.

Toutefois, dans le renvoi sur la sécession du Québec, le tribunal élabore une importante théorie sur l'obligation gouvernementale. Les tribunaux auraient pu le faire. Ils auraient pu élaborer une théorie obligeant le gouvernement à négocier l'autonomie gouvernementale des autochtones et des règlements fonciers justes et équitables pour accéder aux demandes de ces nations dépossédées. Mais ce n'est pas ce qu'ont fait les tribunaux.

Ils ont choisi d'utiliser leur propre technique, une technique élaborée en fonction de l'histoire et de la culture du peuple anglais. Ils ont entrepris de déterminer sur quoi se fondent les relations sociales, c'est-à-dire ce qui en fin de compte constitue les droits, la légalisation des relations sociales. Les tribunaux ont entrepris de déterminer sur quoi se fondent les relations sociales des peuples autochtones. Ce n'est pas la bonne façon de procéder.

Les décisions des tribunaux, quelles qu'elles soient, seront toujours réputées moralement illégitimes. On ne saurait s'attendre à ce que des étrangers déterminent sur quoi se fondent les relations sociales d'autres gens.

Pour ce qui est question d'un tribunal distinct, j'ai mentionné précédemment que la ommission royale recommandait un tribunal dans son rapport final. Ce tribunal aurait, en autres fonctions, à jouer le rôle que vous avez mentionné, c'est-à-dire à entendre les affaires portant sur le contenu des droits autochtones.

Quel que soit l'orientation adoptée par la Cour suprême, il est maintenant trop tard et nous devons continuer d'avancer dans les mêmes ornières. La création d'un tribunal autochtone serait un progrès louable, et les diverses fonctions que la commission a recommandées sont raisonnables. Ce tribunal aurait également une fonction supplémentaire importante soit d'aider à élaborer les critères et les mécanismes permettant de reconnaître ces nations. Cela reste encore à faire.

Dans le traité Nishga actuel, je ne sais pas très bien comment on a procédé. Il y a eu une sorte d'accord. Heureusement, il semble que cet accord réponde aux normes généralement acceptées en matière d'identification des nations. Je ne crois pas que cela pose de problème, mais nous pouvons certes faire mieux.

Le sénateur Johnson: Que pensez-vous de l'approche pan-autochtone de la gestion urbaine des affaires publiques proposée par l'Association nationale des centres d'amitié?

Je viens de Winnipeg. Cette question nous cause bien des soucis. Cela préoccupe particulièrement notre ville et notre province.

Les centres d'amitié disent que c'est la solution adoptée par bon nombre de centres urbains à l'heure actuelle et que ce concept permet la création de nouveaux groupes dont les membres n'ont en commun que leur origine autochtone.

Vous dites clairement à la page 7 de votre document que «le droit à l'autonomie gouvernementale n'est pas conféré à des particuliers qui se rassemblent uniquement en fonction de leur origine ancestrale autochtone». Cela va, je suppose, totalement à l'encontre de ce qu'a dit l'autre groupe.

Qu'en pensez-vous? Avez-vous d'autres observations au sujet de la gestion urbaine des affaires publiques?

M. Chartrand: Certainement. J'ai moi aussi vécu à Winnipeg pendant longtemps. Je suis né au Manitoba, j'y ai grandi et j'y ai vécu pendant plus de 30 ans.

C'est avec plaisir que je discuterai de ces questions, que j'ai brièvement abordées dans les observations. L'article 15 de la Charte permet au gouvernement d'exercer un pouvoir discrétionnaire pour offrir des mesures correctives aux membres de groupes victimes de discrimination en fonction de leur race. C'est l'aspect négatif de la vie en société. Les gens sont attirés par le connu et redoutent l'inconnu.

Les centres d'amitié existent pour aider les gens dans ce domaine. Ils s'intéressent à la promotion de la santé, à l'éradication de la pauvreté, etc. Leur mandat est d'assister tout le monde. Leur aide ne se limite pas aux autochtones. Ils ont pour mandat d'aider tous ceux qui frappent à leur porte.

Il faut envisager les divers objectifs. Si l'objectif est d'améliorer la société en ce qui a trait au logement, par exemple, il est alors louable de réunir les gens à cette fin. La race ne pose un problème que parce qu'elle confère à ses membres des caractéristiques physiques qui en font la cible du racisme des lâches. Il n'existe toutefois pas de notion de droits communautaires fondés sur un déterminisme biologique. Je n'en ai jamais vu.

Le tribunal a déclaré que le but des droits autochtones, c'est la valeur que la Constitution accorde aux cultures distinctes. C'est peut-être une bonne ou une mauvaise chose, mais il faut également accepter le fait que les valeurs sur lesquelles reposent les droits des gens et des nations de se gouverner eux-mêmes visent également la protection des cultures et la promotion de l'harmonie sociale. Comme je l'ai déjà dit, l'histoire nous a enseigné que les peuples qui se considèrent comme des entités sociales et politiques distinctes défendent leur identité et que les autres les considèrent comme des étrangers. Nous devons tenir compte de ces réalités sociologiques et historiques, et nous en avons les moyens dans un pays aussi riche que le Canada. Ce sont les valeurs sur lesquelles se fonde l'objectif de l'autonomie gouvernementale autochtone.

Ces valeurs exigent que la population participe à la vie de la collectivité, que ses membres adoptent l'identité du groupe et préfèrent les valeurs de ce groupe à celles des autres. Comment peut-on prétendre promouvoir les objectifs de maintenir et de protéger les cultures distinctes et les sociétés ancestrales en disant que toute personne qui possède un certain bagage génétique peut en devenir membre? Une telle déclaration banalise l'objectif de protéger les cultures, puisque les gens ne sont pas unis par leur culture ou associés par leur collectivité. Ils viennent de diverses collectivités.

Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont aucun mérite. Comme l'a proposé la commission, il y beaucoup à tirer de mouvements sociaux comme ceux-là. Il reste encore beaucoup à faire pour améliorer les conditions sociales des peuples autochtones, mais les gens s'unissent en tant que particuliers. En tant que groupes, ils ont droit aux mesures de promotion sociale prévues au paragraphe 15(2), mais ils n'ont aucun droit. Les droits se fondent sur les communautés et découlent de l'application de l'article 35. Ils ne peuvent être fondés sur la race car cela va à l'encontre des normes fondamentales qui devraient être adoptées au Canada.

Le sénateur Johnson: Pour en donner un exemple concret, les communautés autochtones de Winnipeg sont assez éparpillées. La population autochtone est répartie dans toute la ville, même si elle habite dans une zone plus particulièrement. Comment pourraient-elles s'unir dans le cadre de la gestion des affaires publiques? D'autres propositions ont également été faites.

M. Chartrand: Les autochtones peuvent s'unir de bien des façons, et la commission a proposé certaines solutions selon les préférences et les circonstances. Si les Ojibway, les Cris et les Métis de la ville désirent collaborer pour mettre sur pied une coopérative d'habitation ou une autre initiative, cela serait un effort méritoire qui permettrait aux gens de manifester leur initiative.

Mais il y a d'autres moyens. Ces gens n'ont pas accès de droit aux ressources de l'État, mais grâce à la discrétion bienveillante de l'État. Votre comité se préoccupe d'autonomie gouvernementale autochtone. Si l'on examine les droits sur lesquels se fonde cette autonomie gouvernementale, il faut reconnaître qu'elle se fonde sur les communautés sociales et politiques, avec un p minuscule. C'est-à-dire qu'une personne appartient à une communauté parce qu'elle décide subjectivement de le faire et qu'elle adhère aux valeurs, aux coutumes, et cetera, de cette communauté.

La Manitoba Métis Federation représente le peuple métis de toute la province du Manitoba. Les Métis de Winnipeg sont représentés par un certain nombre de sections locales de la Fédération. Le chef de la Manitoba Métis Federation est élu et doit rendre des comptes au peuple. C'est avec cet organisme que traite les gouvernements. C'est cet organisme qu'a choisi le gouvernement du Canada pour traiter avec les Métis de la province dans le cadre d'une certaine politique d'autonomie gouvernementale.

Le sénateur Johnson: Je sais que la commission royale a formulé des recommandations à ce sujet, mais vous ne répondez pas à ma question sur la gestion des affaires publiques. La Manitoba Métis Federation et l'Assemblée des Premières nations sont également des groupes, mais rien ne se fait à l'heure actuelle à Winnipeg dans le domaine de l'autonomie gouvernementale, malgré la Commission, malgré les audiences et malgré tout ce qui se fait d'autre. Les gens se réunissent surtout dans les centres d'amitié de la ville. C'est ainsi que cela se fait à l'heure actuelle.

J'aurais aimé savoir si vous aviez autre chose à ajouter puisque vous avez travaillé au sein de la commission, que vous avez fait l'effort de venir nous rencontrer aujourd'hui et que vous connaissez bien Winnipeg. C'est là que je vis, et je ne vois aucun progrès dans ce domaine.

M. Chartrand: Il n'y a aucun autre progrès parce que les gouvernements ne sont pas prêts à agir. Les représentants des Métis travaillent avec deux gouvernements qui ne sont pas prêts à aller de l'avant. Ce qu'il faut, ce n'est pas abandonner les parties aux négociations mais plutôt exhorter les gouvernements à adopter les recommandations afin de reconnaître vraiment le droit à l'autonomie gouvernementale et de traiter avec les communautés.

Il m'est toujours utile de regarder les choses du point de vue fonctionnel et de voir ce que l'on veut accomplir, quels sont les meilleurs moyens pour y arriver. Je le répète, les Métis du Canada se sentent profondément lésés en raison de leur histoire et de la façon dont ils ont été ostracisés par la Constitution. Ce sentiment, qui ronge le substrat de la démocratie, ne pourra être éliminé qu'en essayant de leur accorder de meilleurs logements et des institutions sociales dans les zones urbaines. Les gouvernements devraient s'attaquer à cette tâche.

Comme je l'ai déjà expliqué, les organismes politiques qui représentent les Premières nations, l'Assemblée des chefs du Manitoba et la MNF sont également organisés pour oeuvrer dans la ville. Les gouvernements auront toujours un problème avec la question importante que j'ai mentionnée c'est-à-dire la légitimité de la représentation politique. On le voit à Winnipeg. La commission royale connaissait la situation là-bas et a demandé à ce qu'on n'adopte pas une approche pan-autochtone dans les provinces des Prairies en raison des antécédents des gouvernements à base nationaliste -- c'est-à-dire l'Assemblée des chefs et les organisations représentant les Premières nations, d'une part, et les organisations métisses d'autre part. Ces gouvernements ont déjà par le passé fait la promotion des enjeux sur la scène politique. La commission royale a lancé une mise en garde à ce sujet. Ce qu'il faut, c'est faire les choses dans la plus grande harmonie sociale possible.

Le sénateur Adams: Ma question sera différente. Nous parlons ici de l'accord de la Colombie-Britannique. Il y a également un comité qui étudie le projet de loi C-49.

Vous venez du Manitoba. J'ai vécu à Rankin Inlet, dans les Territoires du Nord-Ouest. J'ai également vécu à Churchill pendant environ 11 ans. Quand j'y suis arrivé, j'ai vécu sur une base de l'armée jusqu'à ce que ma famille déménage à Churchill. À cette époque, d'après les règlements du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord, nous étions des autochtones assujettis à des traités, etc. À Churchill, les rues séparaient les foyers inuits des foyers chippewas et cris. D'après les traités du gouvernement, nous ne pouvions vivre ensemble, même si nous vivions dans la même ville. Le gouvernement devait construire pour nous des logements différents afin que nous ne nous visitions pas puisque nous étions assujettis à des traités différents. Enfin, grâce au Nunavut, nous avons réglé la revendication territoriale.

La première fois que j'ai habité à Rankin Inlet, je ne comprenais pas les gens qui vivaient à Eskimo Point ou à Baker Lake. La plupart de ces gens venaient des terres intérieures et parlaient des dialectes différents. Nous sommes là depuis près de 30 ans et nous y vivons sous le régime de la revendication territoriale négociée avec le gouvernement du Canada. Nos aînés disparaissent et nos jeunes commencent à retrouver un intérêt pour leur propre langue. Au Nunavut, environ 85 p. 100 de la population parlent actuellement la langue inuite. La répartition entre l'anglais et l'inuit est environ moitié-moitié. Il faut du temps pour amener la totalité de la population à parler notre langue au Nunavut.

Plus au sud, la situation est différente pour les bandes qui sont reliées par l'autoroute. Par exemple, certaines de celles qui vivent au Manitoba ne vivent pas à proximité d'une autoroute. Je ne sais pas ce qu'il en est des autres communautés.

J'essaie de voir comment nous pourrions tous les réunir et amener le gouvernement du Canada à régler les revendications territoriales. Existe-t-il un moyen pour cela? Certains disent que les gens de la Colombie-Britannique ont une culture différente. Dans cette province, ils peuvent pêcher le saumon et ils ont de grandes forêts. Il faut donner à ces gens un territoire qui leur permette d'avoir une économie viable à l'avenir.

Nous entendons chaque année des témoins de différents endroits, qui ont des idées différentes. La commission royale a entendu tout le groupe. Nous estimons que les autochtones devraient tous être traités de la même façon. Comment peut-on les réunir?

M. Chartrand: Pour commencer, je vous rappellerai les leçons de ceux qui, de par leur métier, réfléchissent à ces choses-là. Dans le contexte d'une mondialisation accrue et de l'élimination des frontières entre les États-nations, certains nous disent qu'il y a toujours deux facteurs qui ralentiront la mondialisation. Il s'agit des facteurs que vous mentionnez, soit le sentiment d'appartenance à une ethnie, c'est-à-dire le nationalisme ethnique d'une part et le régionalisme d'autre part. Vous dites, je crois, que les gens sont liés par leur sentiment d'appartenance.

Comme je l'ai déjà dit dans mes remarques, lorsque les temps sont durs, les gens se replient sur eux-mêmes, ils se tournent vers ce qu'ils connaissent, vers leur famille et leur région. Il faut tenir compte de cela. Ce sont des impératifs géographiques et universels. Chacun a son destin. Les habitants d'une vallée sont limités par les montagnes, qu'ils le veuillent ou non et aussi longtemps qu'ils y vivront. Leurs intérêts locaux sont importants. Même au Canada, on le constate dans la vie politique du pays. Le régionalisme est une réalité extrêmement importante.

Personne ne peut fournir de réponse précise aux situations précises car l'objectif est de respecter le droit des gens de prendre eux-mêmes leurs décisions. Heureusement, le Canada est considéré comme un leader mondial pour ce qui est de la souplesse des institutions du fédéralisme. Dans les institutions fédérales, on conjugue des pouvoirs partagés dans les domaines où les gens veulent bien collaborer et des pouvoirs distincts quant à certains aspects de la protection de la culture ou d'autres domaines où les gens se sentent menacés et pour lesquels ils ne peuvent faire confiance à la région.

Il semble que le concept d'autonomie gouvernementale autochtone permette une telle souplesse. Je suppose que le Nunavut a un gouvernement régional de ce genre.

Je peux tout au plus insister sur l'importance qu'accordent les gens qui réfléchissent et écrivent sur ces sujets, au concept et aux institutions du fédéralisme en vue de permettre aux gens de s'entendre dans les régions tout en leur permettant de prendre des décisions distinctes dans d'autres domaines. Il existe évidemment d'autres modèles, dans des pays comme la Belgique et la Suisse. Nous avons heureusement la chance d'avoir des institutions qui peuvent nous fournir des réponses.

Le président: Je comprends votre insistance sur le besoin de renouveler la relation entre les peuples autochtones et le gouvernement du Canada. Au cours des 20 à 30 dernières années, nous avons fait de notre mieux pour faire reconnaître nos droits, même s'il ne reste à peu près plus de terres. Nos terres nous ont été retirées sans notre consentement. Nous devons maintenant nous pencher sur le concept de la gestion et de l'autonomie gouvernementale, comme vous l'avez décrit, à l'échelle locale. On créera peut-être trop d'institutions si ce concept est appliqué. J'apprécie que vous traitiez de cette question.

Plus nous serons divisés et moins nous aurons de chance de réaliser ce que nous souhaitons, plus les peuples autochtones seront limités dans leurs possibilités. Certains peuples autochtones s'en rendent parfaitement compte et approuvent vos observations.

Le gouvernement utilise le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord comme outil chargé d'agir et d'exercer son devoir de fiduciaire envers les peuples autochtones, ce qui exclut les Métis, mais inclut les Premières nations et les Inuits.

Dans le cas des Inuits, il y a une zone grise. Les Inuits ont pu appliquer au fil des ans des précédents qui leur permettent d'être pris en compte sous le régime de l'article 91.24 de la Constitution. Nous avons également utilisé certains éléments des annexes à la Constitution pour faire pleinement reconnaître nos droits.

Comme vous le savez, dans des négociations, certains objectifs sont atteints et d'autres pas. Ils ne le sont pas en raison de certaines limites imposées par un pouvoir supérieur, c'est-à-dire le gouvernement. Le gouvernement veut appliquer la même loi à tous sans distinction entre les peuples.

En raison de cela, les peuples autochtones sont devenus au fil du temps les victimes du reste de la société. Le gouvernement n'a pas tenu compte des effets de ces actes sur nous, la société plus petite.

Vous avez dit qu'il fallait renouveler la relation entre les autochtones et le gouvernement du Canada. L'instrument qui est utilisé aujourd'hui, le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord, négocie avec les peuples autochtones et, parallèlement, cet instrument prend les décisions en ce qui concerne les terres ou les réserves. Je parle du régime fédéral décrit à l'article 91 de la Constitution.

Si vous décidez de vous soustraire à ce régime de la réserve et à réclamer la propriété pure et simple, vous ne pouvez le faire que si vous vous retirez du régime fédéral pour vous placer sous le régime provincial, conformément à l'article 92. Alors les lois générales d'application de la province s'appliquent à l'objet de vos négociations.

Si on part du principe que les négociations durent deux ou trois ans, vous vous retrouvez à la case zéro. Qu'est-ce que vous aurez obtenu? Ce que vous croyez obtenir en fait se trouvera à avoir été morcelé. Cela n'a plus de signification. Ce qui est d'ailleurs le cas aujourd'hui.

Nous tâchons de trouver une meilleure solution. Le comité a été constitué pour trouver d'autres moyens de traiter de cette question.

Vous avez dit que le principe de la même loi pour tous ne marche pas pour tous. Par exemple, on a adopté le projet de loi sur le contrôle des armes à feu. J'ai insisté auprès du ministre pour qu'il établisse une loi qui ne s'applique pas à tout le monde. La Loi sur le contrôle des armes à feu peut avoir une influence sur les peuples autochtones, tant économique que sociale. Je pensais que c'était l'occasion de demander au ministre d'envisager un système à deux paliers, c'est-à-dire un système valable pour le Sud et un autre système valable pour le Nord.

Je suis sûr que le rapport de la commission royale a parlé de séparer la fonction administrative et de programmes des Affaires indiennes des négociations de traité et des obligations de mise en oeuvre. Qu'en pensez-vous? Et si le gouvernement décidait de ne plus exercer cette fonction et de constituer un autre ministère pour s'occuper d'une nouvelle initiative?

Nous avons entendu de nombreux témoins préconiser l'abolition du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord. Mais je ne crois pas que nous pouvons simplement abolir le ministère. Je pense que nous devons créer un autre ministère chargé de s'occuper de la nouvelle initiative et démanteler graduellement les Affaires indiennes. Quelle est votre opinion à ce sujet?

M. Chartrand: Votre idée de faire du Nunavut une province me plaît. Je pense que cela modifierait de façon appropriée l'équilibre des forces dans notre pays.

Je suis d'accord avec ce que vous avez dit au sujet des fonctions diverses et incompatibles assumées par le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord.

Je ne peux pas améliorer la recommandation de la Commission royale de démanteler le ministère et de le remplacer par deux nouveaux ministères. Elle n'est pas aussi mauvaise qu'elle en a l'air à première vue. Le premier ministère devrait être le ministère des Relations avec les autochtones, qui serait chargé de surveiller les relations de la Couronne avec les nations autochtones, si la politique de nation à nation est prise au sérieux. Il y aurait un Bureau des traités de la Couronne au sein du ministère qui relèverait du ministre des Relations avec les autochtones. Il s'agirait d'un poste ministériel. Nous avons recommandé que le ministre des Relations avec les autochtones préside un comité du Cabinet qui déterminerait l'attribution générale des fonds et la rationalisation des politiques dans tous les services du gouvernement en matière de relations avec les autochtones.

Voilà pour le Bureau des relations avec les autochtones.

Le Bureau des traités de la Couronne travaillerait avec le tribunal dont nous avons parlé ici ce soir. Ses fonctions seraient diverses. Il serait doté de groupes chargés de le conseiller sur la reconnaissance des nations -- pas des villages et des bandes indiennes, mais des nations. Il s'occuperait également des droits autochtones fondamentaux au sujet desquels un sénateur a posé une question. De plus, ce bureau apporterait son aide dans le cadre des négociations de traités et des relations de nation à nation.

Il s'agirait de la première institution politique fédérale d'importance: le ministère des Relations avec les autochtones.

La deuxième institution s'inscrit dans le cadre de ce que vous avez dit, monsieur le président, à savoir qu'on ne peut pas simplement abolir le ministère du jour au lendemain. Cela n'est pas pratique, ni logique. Cela créerait beaucoup d'injustices. Il existe à l'heure actuelle des obligations légales, des lois et des politiques fédérales. On ne peut pas changer cette situation du jour au lendemain. La Commission royale sur les peuples autochtones a alors recommandé qu'un ministère provisoire soit créé, chargé de s'occuper de cette situation, pour les raisons que vous avez citées. Les relations avec les nations ne peuvent pas être assurées par les mêmes personnes qui administrent, contrôlent et assurent des services à ces peuples. Cela n'a aucun sens. On ne peut pas tirer de la farine d'un sac de son. Le nouveau ministère pourrait s'appeler le ministère des Services aux Indiens et aux Inuits parce que nous devons commencer à notre point de départ et poursuivre les programmes. Il s'agirait d'un ministère provisoire qui cesserait d'exister au bout d'un certain temps et le travail du ministère des Relations avec les autochtones consisterait à surveiller l'adhésion au Canada des nations autochtones -- ces nations ancestrales qui ont été dépossédées. Le ministère des Services aux Indiens et aux Inuits serait un ministère provisoire chargé de s'occuper des fonctions que j'ai mentionnées.

Voilà les recommandations de la commission royale, et je ne crois pas que je puisse en trouver de meilleures.

Le président: Vous avez parlé de faire accepter la notion d'autonomie gouvernementale. Ici, nous tenons une séance publique pour déterminer ce que les gens ont à nous dire. Certains se sont contentés de récriminer parce qu'ils se sentent frustrés depuis des années. Mais cela n'a peut-être rien à voir.

Quelles seraient vos recommandations en ce qui concerne le ministère des Affaires indiennes, la notion de tribunal et la mise en place d'un mécanisme chargé de surveiller les négociations et leur mise en oeuvre? Pour que ces choses se concrétisent, il faut que les instances soient prêtes à accepter cette démarche. Tout le reste suivra plus tard. On ne pourra traiter avec nos gens de manière sérieuse qu'une fois que cela se fera. Comment pouvons-nous procéder? On ne semble pas tellement disposé à reconnaître que le système est malade et que nous devons guérir cette maladie. C'est là un problème.

M. Chartrand: Effectivement, c'est un problème, monsieur le président. Je ne peux sûrement pas prétendre offrir des solutions précises à un problème qui a sa source dans le déséquilibre des pouvoirs. Au coeur même des aspirations vers l'autonomie gouvernementale autochtone, se trouve l'objectif de tâcher d'obtenir une part équitable des pouvoirs et des ressources reconnus légalement, et toute redistribution des pouvoirs et des ressources est une tâche ardue sur le plan politique. Nous savons que les bureaucraties ont tendance à devenir statiques.

Dans ce cas-ci, monsieur le président, je dirais que l'éducation du public pourrait être utile, et je crois que la commission royale n'a pas fait suffisamment d'efforts à cet égard. Bien des gens n'aiment pas que l'on parle d'éducation du public car ils n'aiment pas avoir l'impression qu'on les éduque ou qu'on les instruit. Mais je pense que des Canadiens raisonnables devraient envisager d'utiliser tous les moyens qui leur montreront qu'apporter ces changements importants est la chose à faire. Je crois qu'il est préférable de dire: «C'est la chose à faire car cela correspond aux valeurs qui vous sont chères, à vos préférences et à vos principes.» C'est là où ma démarche diffère de celle de certains qui disent: «Vous devez accepter la notion d'autonomie gouvernementale autochtone et pour ce faire vous devez abandonner toutes les valeurs qui vous sont chères et qui vous ont été enseignées et adopter les valeurs que moi je préconise.» Sauf votre respect, je ne crois pas que cette démarche garantisse le succès. Il est préférable de dire aux gens; «Vos propres valeurs, ou les valeurs de beaucoup de gens indiquent que c'est la chose à faire.»

C'est pourquoi j'ai parlé du droit international, des normes de moralité publique, pas seulement au Canada mais partout dans le monde. Il y a au moins 185 États-nations membres des Nations Unies qui représentent des milliers de peuples et de cultures. Si on arrive à démontrer que les idéaux de moralité publique, qui correspondent aux normes de la communauté internationale et du droit international sont justes cela devrait être utile.

Nous savons qu'au bout du compte, le pouvoir sera exercé, ce qui explique pourquoi j'ai fait cette observation au sujet du Nunavut. Thucydide a dit que les faibles acceptent ce qu'ils doivent. Ceux qui en ont la capacité déploieront tous les efforts possibles.

J'aimerais conclure brièvement, monsieur le président. Je tiens à souligner à nouveau que le principe le plus important pour la prise de décisions par les autochtones et le gouvernement fédéral, selon la commission royale -- et j'en suis un ardent partisan -- est le principe de la participation. Dorénavant, le gouvernement fédéral ne devra plus élaborer de politiques sans la participation des personnes et les groupes qui sont les bénéficiaires apparents de cette participation. De plus, leur refuser cette participation va à l'encontre des valeurs démocratiques chères aux Canadiens.

J'espère que vous comprendrez la raison de cette insistance, et j'espère que votre comité pourra nous aider à déterminer si nous pouvons mettre en oeuvre ces changements. Je ne peux rien envisager de mieux. Dans deux ou trois générations, vos héritiers vous demanderont peut-être: «Eh bien, qu'avez-vous fait?» Vous pourrez leur répondre que vous étiez là. Si vous étiez là pour contribuer à formuler la politique, dans l'ensemble, les gens seront satisfaits. Ils sauront que vous y avez participé.

Le président: Je vous remercie de votre exposé.

La séance est levée.


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