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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 4 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 19 mars 1998

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, auquel a été soumis le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 h 07 pour étudier ce projet de loi.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, ceci est notre première séance, si l'on excepte celle qui nous a amenés à entendre le ministre au sujet du projet de loi C-4.

Nous allons entendre ce matin les témoins représentant le comité consultatif de la Commission canadienne du blé. Vous avez la parole.

M. Art Macklin, président, comité consultatif de la Commission canadienne du blé: Honorables sénateurs, je vous remercie de nous recevoir. Notre vice-président, Wilfred Harder, qui représente le sud-est du Manitoba; Robert Ponto, qui représente le centre de l'Alberta; enfin, Bill Nicholson, qui représente l'ouest du Manitoba, m'accompagnent aujourd'hui. Je représente le nord-est de la Colombie-Britannique, soit l'ensemble du district de Peace River et la majeure partie de la région située au nord d'Edmonton.

À titre d'information, je vous précise que le comité consultatif tire son mandat de la Loi sur la Commission canadienne du blé. Il compte onze membres élus pour quatre ans. Ces élections se font grâce au dépouillement des bulletins envoyés à environ 120 000 détenteurs de carnets de permis dans l'Ouest du Canada, de sorte que pratiquement tous les agriculteurs de l'Ouest du Canada ont la possibilité de prendre part tous les quatre ans à l'élection des membres du comité consultatif de la Commission canadienne du blé.

Le comité consultatif se réunit généralement une fois par mois avec les commissaires et la haute direction de la Commission du blé. Notre rôle est d'examiner le fonctionnement de la Commission du blé et de conseiller celle-ci ainsi que le gouvernement au sujet des politiques qui influent sur les activités de la Commission du blé.

Le comité consultatif dispose des connaissances et de l'expérience qui lui permettent de comprendre dans quelle mesure les modifications apportées au projet de loi C-4 vont non seulement toucher les agriculteurs mais aussi le fonctionnement de la Commission canadienne du blé. Avec M. Harder, nous en sommes à notre troisième mandat. Voilà maintenant près de 12 ans que nous siégeons au sein du comité consultatif. Nous avons eu la possibilité d'approfondir nos connaissances et de mieux comprendre le fonctionnement de la Commission et de l'industrie canadienne des grains. M. Ponto et M. Nicholson en sont à leur quatrième année. Le comité consultatif dans son ensemble a probablement autant d'expérience et de connaissances que n'importe quel groupement d'agriculteurs concernant les répercussions de ce projet de loi sur le fonctionnement de la Commission du blé.

Nous avons le plaisir de vous annoncer que le mémoire que vous avez devant vous fait l'unanimité au sein du comité consultatif. Ces derniers mois, on a évoqué la présence d'un certain clivage au sein du comité, mais celui-ci porte davantage sur la stratégie que sur la politique. Ce mémoire a reçu l'appui unanime des membres du comité.

Qu'il soit adopté ou non, le projet de loi C-4 ne mettra pas fin au débat qui a cours au Canada au sujet de la commercialisation des grains. Il ne mettra pas fin aux pressions qu'exercent sur l'industrie canadienne des grains la déréglementation, la disparition des subventions au transport, la mondialisation et les négociations portant sur le commerce mondial. Ces pressions vont se poursuivre. Le comité consultatif estime qu'il faut que l'on modifie la structure de la Commission du blé. Nous avons relevé précédemment un certain nombre de lacunes dans le projet de loi C-4 qui nous avaient amené à proposer des modifications et même le retrait du projet de loi. Il n'en reste pas moins que ce projet de loi a été adopté en troisième lecture par la Chambre des communes. Nous venons ici proposer un certain nombre de modifications positives que le Sénat pourrait apporter à ce projet de loi afin qu'il soit plus acceptable pour les agriculteurs et moins dangereux et qu'il ne remette pas en cause certains fondements de la Commission canadienne du blé.

Sur le plan de la régie interne, nous considérons qu'il ne faut pas que le PDG soit membre du conseil d'administration. Nous sommes très préoccupés par cette question. Dans la plupart des organisations agricoles que nous connaissons, tels que les syndicats du blé des Prairies, le PDG n'est pas membre du conseil d'administration. Il faut que ce soient les administrateurs qui établissent la politique et le PDG qui la mette en oeuvre. Il convient qu'il y ait une division des responsabilités. À notre avis, le PDG ne devrait pas en être membre.

Nous estimons aussi qu'il faudrait élire un autre agriculteur au sein du conseil d'administration pour porter le total des membres élus de 10 à 11. On pourrait ainsi retirer le PDG du conseil d'administration. Cela signifierait par ailleurs que les élections seraient calquées pour l'essentiel sur les zones géographiques actuelles du comité consultatif.

Nous sommes par ailleurs très préoccupés par la taille de ces secteurs géographiques dans l'Ouest du Canada. Selon la proposition actuelle, qui prévoit 10 districts au terme du projet de loi C-4, certains districts chevauchent trois frontières provinciales. Le district du nord, dans lequel je réside, comprendra la Colombie-Britannique, l'ensemble du nord de l'Alberta et le nord-ouest de la Saskatchewan. Il est difficile de représenter les agriculteurs au sein d'un district aussi étendu.

Nous considérons que les agriculteurs sont habitués aux limites géographiques actuelles qui ont cours au sein du comité consultatif et qu'il serait logique de conserver les limites actuelles, d'élire 11 membres au sein du conseil d'administration et d'en retirer le PDG.

La nomination des administrateurs et du PDG nous inquiète. Nous reconnaissons au gouvernement fédéral le droit légitime d'exercer un certain pouvoir au sein de cette structure. Dans la mesure où le gouvernement fédéral se porte garant de la Commission canadienne du blé dans ses emprunts, il a le droit légitime d'être représenté et d'exercer les pouvoirs lui permettant de protéger ses intérêts financiers légitimes et les intérêts de l'État. Nous n'y voyons aucune objection. Toutefois, le clientélisme découlant des nominations politiques à ces postes nous inquiète, de même que le fait que ces nominations soient «à titre amovible».

Nous estimons que les agriculteurs devraient avoir le droit de se prononcer sur ces nominations. Nous ne voyons aucun inconvénient à ce que le gouvernement fasse des consultations et obtienne l'accord des administrateurs élus lorsqu'il choisit des administrateurs qu'il nomme. Le gouvernement conserverait le pouvoir de procéder à ces nominations, mais les agriculteurs auraient davantage le sentiment d'être pris en compte si le gouvernement et les agriculteurs élus étaient tenus de s'entendre sur les noms du PDG et des administrateurs nommés. Nous considérons qu'il s'agit là d'une demande tout à fait légitime et raisonnable. Le gouvernement conserverait le pouvoir de procéder à ces nominations et de s'assurer que ces postes sont pourvus par des personnes compétentes et expérimentées. Cela nous éviterait par ailleurs de nous préoccuper de l'éventualité d'un remaniement complet en cas de changement du gouvernement ou d'une nomination qui serait prononcée pour une raison autre que l'aptitude ou la compétence de la personne appelée à exercer cette fonction.

Nous estimons que toutes les personnes élues au sein du conseil d'administration doivent être de véritables agriculteurs. Pour cela, il faudrait procéder à une modification de la loi proposée. Nous estimons qu'il convient de procéder aux nominations pour une période déterminée et non à titre amovible.

Le projet de loi C-4 dispose que les administrateurs ont l'obligation de respecter les dispositions de cette loi, tous les règlements qui en découlent ainsi que les statuts. Nous avons demandé au ministre de nous donner des éclaircissements sur ce point. Nous lui avons fait parvenir une liste de questions il y a trois mois environ et nous n'avons pas encore reçu de réponse. Nous avons demandé qu'on nous précise dans quelle mesure le cabinet, par l'intermédiaire du gouverneur en conseil, avait le droit d'annuler une décision prise par le conseil d'administration. En cas de confrontation entre le gouvernement fédéral et le conseil d'administration, qui aura le dernier mot? S'il y a confrontation, le conseil d'administration pourra-t-il en dernière analyse trancher? Nous aimerions qu'on nous le précise.

Il convient de définir clairement la répartition des pouvoirs et des responsabilités entre le gouvernement et le conseil d'administration. Nous reconnaissons ici encore que le gouvernement, dans la mesure où il se porte garant de certains emprunts, a le droit d'avoir le dernier mot sur certaines questions. Sur d'autres -- lorsqu'il s'agit, par exemple, de savoir si la Commission canadienne du blé doit procéder à des achats au comptant -- nous estimons que le dernier mot doit aller aux agriculteurs. Il nous paraît utile que ces pouvoirs soient mieux définis.

Le projet de loi dispose que les administrateurs fixeront leur propre rétribution. Il convient de modifier cette disposition afin d'établir que la rétribution sera fixée en consultation avec le gouvernement. En tant qu'agriculteur, je n'aime pas signer des chèques en blanc. Notre comité estime que le gouvernement devrait conserver certaines responsabilités vis-à-vis de la Commission canadienne du blé et qu'il devrait y avoir une certaine forme de consultation en ce qui a trait à la rémunération des membres du conseil d'administration de la nouvelle Commission canadienne du blé.

Voilà en ce qui concerne la régie interne.

M. Wilf Harder, vice-président, comité consultatif de la Commission canadienne du blé: Honorables sénateurs, avant de commencer, je tiens à vous dire que nous apprécions le fait que le sénateur Gustafson et certains autres de ses collègues que nous avons cherché à contacter à l'occasion ont pris effectivement le temps de nous rappeler. C'est très important.

Le comité consultatif est très fortement attaché l'article d'inclusion -- la possibilité de commercialiser les récoltes par l'intermédiaire de la Commission du blé si on le désire. Je crois en fait que le comité consultatif a fortement influencé l'adoption à l'origine de cette disposition dans le projet de loi C-72. Nous considérons qu'à partir du moment où l'on peut, de façon démocratique, retirer certains produits de la compétence de la Commission du blé, il faut que réciproquement on puisse faire relever d'autres produits de sa compétence.

Le comité considère que la loi actuelle et que l'article d'exclusion ne peuvent pas fonctionner. Nous avons protesté publiquement contre l'article d'inclusion. Ce n'est pas parce que nous ne l'aimons pas. Nous sommes favorables au principe de l'article d'inclusion, mais nous considérons tout simplement qu'il est tout à fait inapplicable compte tenu de la façon dont il est formulé.

L'article d'inclusion actuel ne peut être invoqué que par une organisation de produit. Cela se traduira éventuellement par une lutte pour savoir quelle organisation représente tel ou tel grain. Cela créera en fait des dissensions au sein du monde agricole et je ne vois pas comment on pourrait y remédier.

Le comité considère par ailleurs que le mécanisme actuel permettant d'inclure un grain est bien trop lourd. Il faut l'appui d'une organisation de produits, du conseil d'administration et ensuite des agriculteurs. Enfin, lorsque tous ces appuis seront réunis, le gouvernement fédéral ne sera nullement tenu d'adopter la réglementation nécessaire.

L'article d'exclusion actuel, par contre, permettra de retirer de la compétence de la Commission du blé des grains importants sans même que les producteurs se prononcent par un vote. C'est à la fois non démocratique et dangereux, étant donné que l'on ne définit pas clairement ce qu'est un grain important.

À notre avis, cette différence de traitement est tout simplement inacceptable. Il faudrait que le même mécanisme s'applique à l'inclusion comme à l'exclusion de produits relevant de la compétence de la commission.

Après avoir examiné l'amendement proposé par le ministre lors de la conclusion du débat à la Chambre des communes, il nous est apparu qu'il aurait apaisé bien des inquiétudes au sujet des articles d'inclusion et d'exclusion. Le ministre a déclaré à l'époque qu'il était disposé à abandonner les articles d'inclusion et d'exclusion à condition que l'opposition autorise le gouvernement à déposer une motion exigeant que les ministres chargés actuellement et à l'avenir de la Commission du blé consultent le conseil d'administration et organisent un vote parmi les producteurs avant d'ajouter ou de retirer des grains du mandat de la Commission du blé. Le comité considère que ce changement aurait conféré aux agriculteurs le pouvoir d'inclure ou d'exclure les produits. De même, ces agriculteurs auraient pu voter au sujet de tous les grains et non pas seulement de ceux qui sont jugés importants.

À l'intérieur d'un cadre juste et objectif, le nouveau conseil d'administration de la Commission canadienne du blé pourrait aussi opérer avec moins de pressions politiques.

Nous considérons par ailleurs qu'un vote visant à modifier la compétence de la Commission du blé doit réunir au minimum la majorité des deux tiers. Si l'on veut que la Commission du blé soit un organisme de commercialisation efficace, il faut que ses pouvoirs et sa compétence soient respectés. Il apparaît donc responsable qu'un nombre significatif d'agriculteurs soient tenus d'appuyer tout changement de son mandat.

Je vous rappelle qu'en 1972 il a fallu recueillir une majorité des deux tiers lors du vote visant à faire relever le canola des compétences de la Commission. Il semble que ce soit conforme à la procédure courante. Si je ne me trompe, il y a eu à l'époque une majorité de plus de 50 p. 100. Quelque 60 p. 100 des producteurs ont voté pour que le canola dépende de la commission, mais cela n'a pas été adopté parce qu'il fallait une majorité des deux tiers.

Je veux qu'il soit bien clair qu'il faut à la fois un article d'inclusion et un article d'exclusion.

Le sénateur St. Germain: Il y a différentes questions qui se posent ici en ce qui a trait aux articles d'inclusion et d'exclusion. Lorsque vous avez procédé à ce vote, est-ce que cela concernait uniquement les véritables producteurs de canola?

M. Harder: Je ne sais plus ce qu'il en était à l'époque. Tous les agriculteurs ont été consultés.

Le sénateur St. Germain: Pourquoi englober tous les agriculteurs dans un tel cas? Si je décide de produire du canola ou d'élever des bovins, je ne vais pas consulter les éleveurs de brebis.

M. Harder: Nous ne consultons pas les éleveurs de brebis. Je vous rappelle que lors du vote qui a été organisé l'année dernière au sujet de l'orge, seuls les producteurs d'orge ont été consultés ainsi que tous ceux qui avaient produit de l'orge au cours des cinq dernières années.

Je ne suis pas certain de notre position dans un sens ou dans l'autre, mais je peux vous donner la raison pour laquelle on peut estimer devoir autoriser tous les détenteurs de carnets de permis à voter. Il peut y avoir de nombreux producteurs qui ne cultivent pas de canola parce qu'ils n'aiment pas la façon dont il est commercialisé. Allez-vous me dire que l'on ne doit pas autoriser ces gens à voter? Ce n'est pas un élément majeur du débat. Si l'on juge que seuls les producteurs de canola doivent être autorisés à voter, très bien, mais la raison qui justifie que l'on autorise tous les détenteurs de carnets de permis à voter, c'est le fait que les agriculteurs changent de forme de culture.

Le sénateur St. Germain: Je vous comprends, mais j'ai du mal à penser qu'on puisse faire voter quelqu'un qui n'est pas un producteur. Je ne cherche pas à vous contredire; je vous donne simplement mon point de vue.

M. Macklin: En tant que comité consultatif, nous sommes tout à fait disposés à aller dans le sens de ce qui nous paraît raisonnable, et cela peut évoluer au sein du monde agricole. Nous n'avons fait aucune objection au critère retenu lors du dernier vote concernant l'orge, en vertu duquel tous ceux qui avaient produit de l'orge au cours des quatre ou cinq dernières années étaient admis à voter. Chaque fois qu'il y a un vote, il appartient au gouvernement de déterminer si l'électorat est constitué dans les formes. En règle générale, on en discute au sein du monde agricole et il y a une acceptation générale du critère. Je ne crois pas que ce soit un gros problème.

Comme l'a déclaré M. Harder, cependant, il y a des gens -- et j'en fais probablement partie -- qui ne cultivent pas beaucoup de canola parce qu'ils n'aiment pas le système de commercialisation. Toutefois, je peux évidemment faire pousser du canola dans mon exploitation agricole comme n'importe quel agriculteur.

Le sénateur St. Germain: Je ne le conteste pas. Je peux élever des bovins dans mon exploitation, des brebis ou faire toute autre chose. C'est l'analogie que j'emploie. Ce n'est peut-être pas une bonne analogie.

Vous parlez de véritable producteur. Qu'est-ce que cela représente selon vous? J'ai été exploitant agricole et je le suis encore. Avez-vous une définition précise d'un véritable producteur?

M. Macklin: Non. Je pense que l'on peut retenir un certain nombre de critères. Pour participer aux élections au sein du comité consultatif de la Commission canadienne du blé, il faut être un détenteur de carnets de permis. Ce pourrait être un critère raisonnable. Cela fait partie de la réglementation que le gouvernement doit adopter pour déterminer l'admissibilité, et je ne veux pas m'engager d'avance à arrêter cette définition. Celui qui a de véritables intérêts dans une exploitation agricole sera probablement un véritable agriculteur habilité à participer aux choix des membres du nouveau conseil d'administration ou à se présenter au sein de ce conseil.

Auparavant, nous parlions d'agriculteurs «à plein temps». Nous nous sommes penchés sur la question et nous avons pensé que les membres qui allaient faire partie du conseil d'administration allaient être tenus d'y consacrer beaucoup de temps. «À plein temps» n'est peut-être pas la bonne formule ici. Nous avons préféré parler de «véritables» agriculteurs. C'est une question de définition qui n'a pas encore été tranchée. Elle relève finalement de la responsabilité du gouvernement dans le cadre de la réglementation.

Le sénateur St. Germain: Ce qui me préoccupe avant tout dans ce projet de loi, c'est l'article d'inclusion et d'exclusion. C'est la disposition la plus controversée du projet de loi.

Le président: Dans ma région agricole, la question de l'inclusion et de l'exclusion et celle qui divise le plus les gens lorsqu'on parle de ce projet de loi. Elle soulève de nombreuses inquiétudes et je me demande si ça en vaut la peine.

M. Macklin nous a parlé tout à l'heure des tensions que ressentent les agriculteurs, de la modification des tarifs de transport et de tous ces bouleversements qui se produisent en même temps. Pourquoi faire figurer maintenant ces dispositions dans le projet de loi alors que par des moyens démocratiques on peut à tout moment inclure un produit si les agriculteurs le souhaitent? Il semble que cela vienne compliquer le projet de loi en créant de nombreuses divisions.

M. Harder: Les détracteurs de la Commission du blé qui n'aiment pas la législation sur la Commission du blé y accordent bien trop d'attention. Tel qu'il est formulé à l'heure actuelle, il est bien peu probable que l'article d'inclusion puisse jamais être invoqué. Ces détracteurs attirent l'attention sur le projet de loi pour des raisons politiques. Ils s'en servent comme d'un prétexte politique et ils répandent des rumeurs du genre: «Lorsqu'on aura une nouvelle commission, on fera relever les produits de sa compétence.» Ce n'est tout simplement pas le cas.

Selon les principes de la démocratie, même si nous sommes en faveur de l'article d'inclusion, cela ne signifie pas nécessairement que tout le monde autour de notre table estime nécessairement qu'il faille faire relever davantage de produits de la commission. À partir du moment où nous représentons une organisation démocratique, comment ne pas appuyer un article d'inclusion? C'est un principe fondamental. Il existe, et c'est tout.

Le président: Pour nombre d'agriculteurs, les récoltes de canola et les récoltes spécialisées sont les productions les plus rentables de leur exploitation agricole. Surtout aujourd'hui, alors que le blé ne se vend plus que 3 $ le boisseau, les agriculteurs sont très inquiets. Ils ont peur de perdre une culture qui a sauvé leur exploitation. Voilà dans la pratique ce qu'est la situation. La question divise énormément les gens. J'en ai assez dit sur le sujet.

M. Bill Nicholson, membre du Manitoba, comité consultatif de la Commission canadienne du blé: Je souscris aux commentaires qui ont été faits au sujet de la valeur que revêt la culture du canola pour les agriculteurs. Si le canola a du succès, ce n'est pas dû à son système de commercialisation, mais au fait qu'il donne une huile de grande qualité à une époque où la demande est de plus en plus forte. Il n'a pas été touché par les guerres de subventions absurdes qui ont été livrées au sujet du blé. Le comité consultatif a d'ailleurs demandé à la commission de mener des études au sujet du canola et de voir si elle ne pouvait pas le commercialiser. Ces études nous révèlent que l'on pourrait tirer parti des mêmes compétences que celles que déploie la commission pour commercialiser le blé. Selon ces études, le système de commercialisation de la Commission du blé pourrait faire gagner des centaines de millions de dollars supplémentaires aux agriculteurs. Il appartient à ces derniers d'en décider et de se demander s'ils veulent que la commission commercialise le canola. Certains adversaires de la Commission du blé essaient de nous faire croire que les prix élevés du canola disparaîtraient si la commission se chargeait de sa commercialisation. Selon les données que nous avons recueillies, la commission serait en mesure de commercialiser le canola dans de meilleures conditions et à un meilleur prix que ne l'a fait jusque-là le système du marché libre. Là encore, il appartient aux agriculteurs de se pencher sur la question et de trancher eux-mêmes -- qu'il s'agisse d'inclure ou d'exclure ce produit.

Le sénateur Stratton: Au sujet de l'article d'inclusion et d'exclusion, lorsqu'on envisage de renforcer les responsabilités de la commission et de lui rajouter le canola, à partir du moment où, comme l'a signalé le sénateur Sparrow, il y a une certaine méfiance chez les agriculteurs en ce qui a trait au fonctionnement de la commission, notamment au sujet de la façon dont elle est structurée, il vous faut alors acquérir un certain niveau de confiance. Vous êtes déchirés entre un groupe qui veut se débarrasser de la commission et un autre groupe qui souhaite la conserver. On peut penser qu'il s'agit là d'un compromis.

Pour en arriver à un certain niveau de confiance ou à un début de confiance vis-à-vis de la commission, il est certain qu'il serait préférable de ne pas disposer de l'article d'inclusion et d'exclusion, tout simplement pour la raison fondamentale qui consiste à donner le choix aux personnes qui ne veulent pas de la commission. Elles ont peur de la commission. Elles sont partisanes du libre-échange et elles ne veulent rien savoir de la commission. Si vous leur imposez la situation qui a été décrite ce matin, en l'occurrence si vous rajoutez le canola, leurs soupçons et leur méfiance vont automatiquement s'accroître. C'est au coeur de la question.

M. Robert Ponto, membre de l'Alberta, comité consultatif de la Commission canadienne du blé: En dernière analyse, ce seront les agriculteurs eux-mêmes qui devront voter en faveur de cette mesure, et non le conseil d'administration. Ce dernier se chargera simplement de l'appliquer une fois adoptée.

Le sénateur Stratton: Ainsi, comme l'a fait remarquer le sénateur St. Germain, si vous décidez que tous les agriculteurs, quelle que soit leur production, pourront voter au sujet de l'inclusion du canola, que va en penser l'agriculteur qui produit majoritairement du canola? Nous essayons de maintenir un certain équilibre. Les agriculteurs qui font pousser du blé ou toute autre denrée commercialisée selon le même système vont dire: «Bien. Il faut inclure le canola.»

La question de la confiance est fondamentale en la matière. Vous nous dites que le mécanisme est démocratique. Il l'est jusqu'à un certain point, mais c'est la tyrannie exercée par la majorité sur les gens qui veulent faire pousser du canola et le vendre par leurs propres moyens. Ils ont peur d'être contrôlés par la majorité. Vous nous dites: «Eh bien, c'est la démocratie.» Bien sûr, mais qui va protéger les droits de la minorité que constituent ces producteurs de canola? C'est la question fondamentale ici.

M. Macklin: Tel que se présente actuellement le projet de loi C-4 au sujet de l'inclusion, l'un des groupements de produits, de manière générale les producteurs de canola ou les producteurs de lin, doivent déclencher le mécanisme en en faisant la demande. Il faut alors que le ministre y soit favorable, de même que le conseil d'administration. Il faut ensuite un vote des producteurs. Il y a en fait bien des obstacles à surmonter. Ceux qui, de manière générale, se méfient de la commission contrôlent le mécanisme de déclenchement, soit la clé de l'ensemble.

Même si les producteurs votaient très majoritairement pour qu'un produit soit pris en charge par la Commission canadienne du blé, le ministre conserve le pouvoir discrétionnaire de décider dans quelle mesure la réglementation va s'appliquer au sujet des parties III et IV de la loi. Il reste bien des barrières à surmonter aux termes du projet actuel, ce qui protège les intérêts de ceux qui ne veulent pas qu'un produit relève de la commission.

Il y a d'autres produits que le canola, mais ce dernier a effectivement un mécanisme d'affichage des prix à la bourse des marchandises de Winnipeg, par exemple. D'autres produits comme le seigle n'ont pas de mécanisme d'affichage. Nombre de producteurs de denrées comme le seigle aimeraient bien qu'elles soient prises en charge par la Commission canadienne du blé.

Nous reconnaissons que cette question de l'inclusion et de l'exclusion est source de division. Nous estimons que l'amendement présenté par le ministre à la fin de la deuxième lecture, amendement qui n'a pas été retenu, apaiserait en partie les inquiétudes de ceux qui ne font pas confiance à la proposition qui figure dans le projet de loi C-4 tout en apaisant nos propres inquiétudes face aux dispositions s'appliquant à l'exclusion dans la loi actuelle, qui permettent au conseil d'administration et au ministre d'écarter un produit sans que les agriculteurs se prononcent par un vote. Nous considérons que l'amendement de M. Goodale serait positif et protégerait à la fois les intérêts de ceux qui s'inquiètent de l'inclusion et de ceux qui ont peur que l'on exclue des grains jugés non importants. Nous sommes résolument en faveur de l'amendement apporté par le ministre. Nous estimons que c'est une mesure positive qui améliorerait la législation en faveur des deux camps. Nous défendons fermement cette position.

M. Harder: Il semble qu'il y ait un certain malentendu parce que nous avons parlé «d'association». Nous ne préconisons pas nécessairement que ceux qui n'ont jamais fait pousser du canola puissent voter. Nous sommes d'accord pour que ce soient les producteurs de canola qui votent. Au cas où vous ne le sauriez pas, sur les 11 membres du comité consultatif, il y en a probablement 10 qui cultivent régulièrement du canola dans leur exploitation agricole.

Le sénateur Stratton: Vous êtes combien à souhaiter que ce produit soit pris en charge par la commission?

M. Harder: C'est une question de choix personnel. Si la moitié des producteurs ne veulent pas qu'il soit pris en charge par la commission, il n'y a rien à redire, mais en démocratie il faut qu'ils puissent voter.

Le sénateur Stratton: Tant que ce sont des producteurs de canola.

Le sénateur Sparrow: Vous nous avez dit, monsieur Macklin, que vous ne faites pas pousser du canola parce qu'il ne relève pas de la Commission du blé. Je pense que c'est ce que vous avez dit. Est-ce seulement une question de principe? Il m'apparaît étrange que quelqu'un qui peut toucher 8 $ du boisseau pour le canola alors qu'il n'en touche que 2,50 $ ou 3 $ pour le blé nous dise: «Je refuse de prendre les 8 $.» C'est ce que j'en retiens. Vous nous dites que vous ne produisez pas de canola parce qu'il ne relève pas de la Commission du blé. Vous pourriez peut-être m'expliquer votre position.

Vous nous parlez ensuite d'inclusion et d'exclusion. Le Parlement, par l'entremise du ministre et du gouvernement, a le pouvoir à tout moment de modifier la Loi sur la Commission du blé s'il le désire. Le fait qu'il existe ou non un article d'inclusion n'empêchera pas le ministre, dans un mois ou dans un an, de déposer un projet de loi faisant relever le canola de la Commission du blé. C'est la prérogative du Parlement. C'est indéniable.

Si cela divise tellement le monde agricole, pourquoi ne pas s'en remettre à ce mécanisme? À supposer que l'évolution soit suffisante au sein du groupe qui produit du canola une fois tous les cinq ans, des voix se feront entendre au sein de ce groupe pour demander au ministre de faire quelque chose. D'un point de vue politique, s'il pensait que la mesure allait profiter aux producteurs et au pays, ce dernier prendrait certainement l'initiative. Il pourrait déclencher un vote de sa propre initiative en tant que ministre, en l'absence de législation. S'il y avait une bonne raison de modifier la loi et d'intégrer le canola ou tout autre produit, le ministre peut certainement le faire. Il m'apparaît que nous sommes en train de diviser les producteurs de l'Ouest du Canada sur une question qui est assez simple à régler pour qu'elle soit un peu mieux acceptée par l'ensemble du monde agricole.

M. Macklin: Lorsque vous me demandez pourquoi personnellement je ne produis pas beaucoup de canola, je vous répondrai que dans une certaine mesure j'agis en fonction de mes principes. Le canola exige par ailleurs l'application de produits chimiques plus coûteux pour lutter contre les mauvaises herbes, et je considère que cela épuise la terre. En vertu de la rotation que je pratique dans mon exploitation agricole et des soins que j'apporte à ma terre, je ne produis pas beaucoup de canola. C'est en partie dû à des pratiques agricoles et en partie une question de principe. Souvent, je m'en tiens à mes principes.

Le sénateur Sparrow: Cela vous coûte cher.

M. Macklin: Il y a certains coûts parfois, mais je suis toujours agriculteur et j'ai l'intention de l'être pendant longtemps.

Vous nous faites remarquer que l'article d'inclusion et d'exclusion divise fortement le monde agricole et que le gouvernement dispose à tout moment de la possibilité de modifier la législation. Vous avez raison. Nous jugeons que l'amendement proposé par le ministre, qui n'a pas été adopté à l'unanimité lors de la deuxième lecture, répond à vos préoccupations. Il évite que le conseil d'administration ait à se préoccuper de la question de l'inclusion ou de l'exclusion. C'est une question qui diviserait fortement le conseil d'administration et qui serait aussi une grande source de divisions lors de l'élection des membres au sein de ce conseil. On retire cette question pour la replacer dans le contexte politique entre les groupements d'agriculteurs et le gouvernement. C'est là qu'elle doit se situer.

Nous considérons que l'amendement proposé par le ministre tient compte de vos préoccupations, et c'est pourquoi nous l'appuyons.

Le sénateur Sparrow: Peut-on aussi en déduire en conséquence que le ministre dispose aussi de ce pouvoir dans ce cas particulier? Si nous nous replaçons dans un cadre plus général, et si de toute façon le ministre dispose à tout moment de la possibilité de recourir à la procédure parlementaire, retirons alors ce pouvoir pour que personne ne soit touché. Retirons-lui ce pouvoir, ou du moins faisons en sorte qu'il ne soit pas obligé de s'en prévaloir.

M. Macklin: Selon mon interprétation de l'amendement qui a été proposé par M. Goodale, tous les changements apportés à la compétence de la Commission du blé doivent être entérinés par un vote des producteurs. Il est clair alors que le pouvoir se retrouve entre les mains des producteurs.

Le sénateur Fairbairn: Je suis sûre qu'à mesure que notre comité se déplacera dans l'Ouest, ce dont nous venons de parler ces dernières minutes va être au coeur de nos discussions, qu'on le veuille ou non. Vous exposez très clairement dans votre mémoire ce qui vous apparaît comme une proposition pratique.

Sur la question des personnes appelées à voter, qu'il s'agisse de l'ensemble des agriculteurs ou, comme dans le cas de l'orge, uniquement du groupe de producteurs concernés, qui doit prendre selon vous la décision? Le ministre? Le conseil d'administration? Que conseillez-vous au ministre en la matière?

M. Macklin: Il me faudrait vérifier la loi, mais il me semble que, pour l'instant, la réglementation s'appliquant à une telle élection relève de la responsabilité du gouvernement.

Le sénateur Fairbairn: Effectivement.

M. Macklin: Il me semble que c'est la façon dont on procède. Je pense que le comité consultatif recommande à ce sujet que tous ceux qui sont habilités à voter dans ce genre d'élections doivent être des producteurs du produit concerné. Il me semble que nous avons été très satisfaits de l'impartialité du vote qui s'est tenu récemment au sujet de l'orge selon le principe que tout producteur d'une récolte d'orge au cours des trois ou cinq dernières années, je ne sais plus ce que c'était exactement, avait effectivement le droit de vote. Nous ne voyons aucune objection à ce que soit retenu un tel critère au cours d'une élection de ce type. Ce sont les producteurs concernés qui doivent pouvoir prendre la décision.

Le sénateur Fairbairn: Merci.

Le sénateur Hays: Ne convenez-vous pas avec moi que la disposition qui habilite le gouvernement à adopter des règlements est assez claire? Pour que l'on puisse déclencher le mécanisme d'inclusion, il faut qu'il y ait une demande écrite présentée par une association dont les membres sont producteurs du grain en question dans la zone désignée.

M. Macklin: Je pense que les dispositions des amendements actuellement proposés sont claires. Ce qui n'est pas clair et ce qui va entraîner de nombreuses divisions dans l'Ouest du Canada, c'est la crédibilité des organisations qui prétendent représenter les produits concernés. Est-ce que l'Alberta Barley Commission parle au nom des producteurs de l'Alberta parce qu'elle bénéficie d'une retenue à la source sur les chèques de tous les producteurs alors qu'il n'y a peut-être que cinq ou six personnes qui assistent à ses réunions de district? Est-ce que la Canola Growers Association, qui elle aussi est financée par une retenue à la source, parle au nom des producteurs de canola? J'imagine que des groupements pro et anti-commission vont créer une multitude d'organisations agricoles dans le but de parler au nom des producteurs des différentes denrées afin de pouvoir déclencher l'application du mécanisme d'inclusion ou d'exclusion.

La proposition du ministre écarte tout cela et renvoie la question par un simple vote devant les producteurs concernés. Le déclenchement du mécanisme est alors une opération politique qui associe les groupements agricoles actuels au gouvernement, et c'est là que la discussion doit se tenir.

Si l'on maintient les dispositions actuelles, il y aura une lutte fratricide entre les partisans et les adversaires de la commission lors de l'élection des administrateurs. On aura un conseil d'administration fortement politisé alors qu'il devrait s'occuper avant tout de gérer une entreprise de 6 milliards de dollars.

C'est pourquoi nous appuyons l'amendement du ministre. Nous considérons qu'il renvoie la responsabilité aux responsables politiques et qu'en dernière analyse ceux qui voteront seront les producteurs touchés directement par cette décision.

Le sénateur St. Germain: Est-ce que la Commission du blé serait menacée en l'absence du mécanisme d'inclusion? Les marchés évoluent dans le monde entier. De nombreuses entreprises changent de stratégies pour maintenir leur position sur les marchés mondiaux. Avez-vous l'impression qu'en raison du changement de modes de culture et d'autres facteurs, votre organisation serait menacée si l'on retirait le mécanisme d'inclusion?

M. Macklin: Je ne pense pas que le mécanisme d'inclusion menace actuellement l'existence de la Commission canadienne du blé. L'article d'exclusion prévoit qu'un vote n'est pas exigé au sujet des grains que la commission juge d'importance moindre. Voilà qui à mon avis menace le mandat et les pouvoirs actuels de la Commission du blé, et c'est ce qui nous inquiète.

Il y a d'autres facteurs qui, selon nous, menacent sérieusement le maintien de la Commission canadienne du blé en tant que comptoir unique de vente et qu'organisme de mise en commun au bénéfice des agriculteurs. De nombreuses entreprises transnationales étrangères ont récemment pénétré sur le marché canadien des grains, comme si elles prévoyaient la suppression des pouvoirs de la Commission canadienne du blé, et cela nous préoccupe. Je pense que les pressions qui vont s'exercer sur la Commission canadienne du blé lors de la prochaine ronde de négociations de l'OMC, créent une véritable menace. La Commission du blé fait face par ailleurs aux difficultés entraînées par la modification de la réglementation du transport et par les pressions exercées pour en faire un acheteur lorsque le produit arrive au port au lieu de l'impliquer dans la logistique du transport dans le pays jusqu'au port. Je ne pense pas que l'article d'inclusion menace en soi l'existe de la Commission du blé, mais l'article d'exclusion crée certainement une menace.

Le président: Pour ce qui est de l'arrivée sur le marché des multinationales, je considère que c'est à la fois positif et négatif. Archer Daniel Midland a acheté entre 48 et 49 p. 100 des actions d'United Grain Growers. J'ai appris hier que United Grain Growers avait à Stoughton, en Saskatchewan, acheté Pioneer, qui possède une importante installation de manutention du grain. On voit désormais un gros silo jaune avec la marque «United Grain Growers». En Saskatchewan, ConAgra a construit trois grosses installations qui peuvent charger 100 wagons en huit heures. Louis Dreyfus Canadian, une entreprise française, va construire trois installations en Saskatchewan. Le Syndicat du blé de la Saskatchewan construit une nouvelle installation à Northgate, dans le Dakota du Nord. Le Syndicat du blé de l'Alberta en construit une autre dans le Montana. Notre industrie évolue. Comme d'autres agriculteurs, je considère que cette évolution est très positive, car elle permet aux agriculteurs d'accéder au marché mondial. Ces entreprises ne feraient pas ce genre d'investissement au Canada si elles ne faisaient pas confiance aux agriculteurs.

Le ministre doit donc relever d'importants défis. Je suis de tout coeur avec lui parce qu'il faut qu'il y ait des changements pour tenir compte de cette situation. Il semble qu'il y ait deux groupes totalement opposés et il faudra qu'il y ait des changements pour que les agriculteurs aient la possibilité d'accéder au marché mondial et d'en retirer les bénéfices qu'ils sont en droit d'espérer étant donné que nous produisons les meilleurs grains au monde.

Je pense que nous exagérons les difficultés qu'entraîne l'article d'inclusion. Je me demande même s'il est nécessaire.

M. Macklin: Je suis d'accord pour dire que l'on exagère au sujet de l'article d'inclusion. Il faut bien voir que l'amendement proposé par le ministre désamorce le problème et place la responsabilité là où elle doit être, entre les mains des agriculteurs appelés à voter une inclusion ou une exclusion. Toute cette discussion serait ramenée au niveau politique, les partenaires étant, d'une part, les groupements agricoles actuels et, d'autre part, le gouvernement, et la question serait réglée.

En ce qui concerne votre argument au sujet de l'entrée des transnationales sur le marché canadien des grains, la Commission canadienne du blé vend, pour le compte des agriculteurs canadiens de l'Ouest, la production de blé et d'orge des entreprises agricoles canadiennes, une richesse qui représente quelque 6 milliards de dollars par an. Je pense que la greffière vous a distribué un schéma de répartition qui illustre mon argumentation. La Commission canadienne du blé restitue aux producteurs 97,44 p. 100 du produit total des ventes. Cette institution ne prélève aucun bénéfice. La Commission du blé opère avec un maximum de rentabilité et optimise les rentrées d'argent dans 70 pays au total. Elle fait un magnifique travail de promotion du Canada et restitue 97,44 p. 100 du total aux producteurs.

ConAgra et ADM ne sont pas venus au Canada pour restituer 97,44 p. 100 du produit des ventes aux producteurs. Elles sont venues chez nous parce qu'elles se sont aperçues que la Commission du blé apparaissait menacée et qu'elles avaient la possibilité de s'approprier une part substantielle des 6 milliards de dollars de richesse que nos agriculteurs produisent. Je ne m'oppose pas à ce que ces autres intervenants viennent fournir ici des services. Toutefois, si nous perdons la Commission du blé et s'ils deviennent alors les intermédiaires en achetant nos grains pour les revendre ensuite en engrangeant des bénéfices au profit de leurs actionnaires, nous ne verrons pas 97,44 p. 100 du produit des ventes revenir aux producteurs agricoles.

M. Harder: Je me dois d'intervenir sur ce point parce que l'on parle beaucoup de confiance et de réputation.

On évoque le problème de la crédibilité de la Commission du blé, mais je suis toujours surpris de constater que personne ne parle de la crédibilité de la bourse des marchandises de Winnipeg. Il y a eu récemment de nombreux scandales au sein de cette institution au sujet de ventes à terme de canola et de transactions ayant fait l'objet d'ententes. On ne s'inquiète pas de la rémunération de ces personnes. Nous n'avons pas à Ottawa de député connu voulant instituer une enquête au sujet de leurs salaires. Ce groupe a bien moins de crédibilité que la Commission du blé. Nous n'avons jamais eu ce genre de scandale au sein de la commission.

Parlons d'ADM et de ConAgra. ADM vient tout juste de payer la plus grosse amende jamais infligée aux États-Unis en raison d'une entente sur les prix. Je crois que c'est 100 millions de dollars. ConAgra s'est vu imposer une amende de 10 millions de dollars pour avoir ajouté un peu d'eau à du soja. Elle n'a pas partagé cette augmentation de productivité avec les producteurs. On nous parle de la crédibilité et du bon vouloir de tous ces gens, qui sont censés être les sauveurs des agriculteurs de l'Ouest du Canada, et lorsque je vois que l'on appuie ce genre de comportement, cela me met franchement en colère.

Le président: À ce sujet, dans quels pays la Commission du blé vend la majorité des grains?

M. Harder: Il les vend dans 70 pays différents.

Le président: Par quel intermédiaire?

M. Macklin: Il y a des ventes directes. Il y a aussi des ventes par l'intermédiaire d'exportateurs agréés qui opèrent en qualité de mandataires de la Commission canadienne du blé en vertu des pouvoirs conférés par la Loi sur la Commission canadienne du blé et par la Loi sur les grains du Canada.

Le président: Entendez-vous par là qu'elle ne vend aucun grain à Cargill, ADM ou ConAgra?

M. Macklin: Cargill, ADM et ConAgra opèrent en qualité de mandataires de la Commission canadienne du blé en vertu des dispositions de la Loi sur la Commission canadienne du blé et des contrôles de qualité établis par la Loi sur les grains du Canada, mais des pressions s'exercent sur ces lois.

M. Harder: La Commission du blé ne vend pas; elle commercialise pour le compte des agriculteurs.

Le président: Je ne veux pas me disputer avec vous sur des questions de terminologie.

Le sénateur St. Germain: Je pense que personne chez nous n'affirme qu'il y a des intervenants meilleurs que d'autres. Nous voulons que les choses soient plus claires. C'est ce que nous cherchons. Nous voulons ce qu'il y a de mieux pour les Canadiens. J'ai peur que nous faillissions à notre tâche si nous ne reconnaissions pas les changements qui se produisent à l'échelle mondiale, au sein par exemple de l'OMC et ailleurs encore. Je suis sûr que vous en êtes conscient. Je sais ce que représente ADM et Cargill. Cargill n'est pas devenue ce qu'elle est en donnant pour rien ce qu'elle possède.

Le sénateur Rossiter: Il y a quelque chose qui m'intrigue: Selon les informations dont je dispose, la définition de «producteur» donnée par la Commission canadienne du blé est la suivante: «toute personne qui a droit en tant que propriétaire, vendeur ou débiteur hypothécaire aux grains que fait pousser un producteur effectif, ou à une partie de ceux-ci.» Il semble qu'il y ait d'un côté des producteurs et de l'autre des producteurs effectifs.

M. Harder: En effet.

Le sénateur Rossiter: Vous estimez que dans la pratique toute personne qui détient une hypothèque relève de la définition du «producteur» parce qu'elle «a droit en tant que propriétaire... aux grains». Est-ce que cela a déjà présenté des difficultés? Apparemment, il semble que ce soit le cas depuis un certain temps.

M. Macklin: Lorsqu'il s'agit d'accorder le droit de vote lors d'une élection au sein d'un comité consultatif, celui qui possède la propriété et qui la loue à quelqu'un d'autre est ce que l'on appelle, je crois, le «titulaire B du carnet de permis.» Le «titulaire A» est celui qui se charge effectivement de l'exploitation. Il peut s'agit de celui qui loue la propriété, le locataire. Tous deux ont des intérêts dans le produit concerné. Par conséquent, tous deux sont habilités à voter lors des élections en cours au sein du comité consultatif. Aucun producteur ne s'est plaint de cette façon de procéder. On s'accorde de manière générale à reconnaître que le propriétaire ainsi que l'exploitant effectif ont tous deux le droit de prendre part aux élections parce qu'ils ont tous deux des intérêts financiers.

Le sénateur Rossiter: Ne peut-on pas supposer que le propriétaire sera un autre producteur agricole qui n'utilisera pas nécessairement sa propriété à cette fin au moment considéré? Que se passe-t-il si quelqu'un a acheté la terre? Comment opère-t-on? Comment intervient le carnet?

M. Ponto: Cela peut devenir très compliqué. Essentiellement, on règle la question au moment considéré.

Ainsi, par exemple, il y a eu un vote en Alberta il y a un an ou deux au sujet de l'orge. Les gens ont dû demander un bulletin de vote et ils ont reçu une trousse d'information. Ils ont dû affirmer par écrit qu'ils étaient producteurs ou qu'ils devaient recevoir un revenu tiré de ce produit en particulier.

Pour en revenir à ce qu'a dit M. Macklin, il n'y a eu aucun problème au sujet des détenteurs d'hypothèques et je ne vois pas qu'il y en ait à l'avenir.

Le sénateur Rossiter: Si l'on prend le cas d'une société familiale comptant quatre personnes, ces quatre personnes ne seront-elles pas toutes autorisées à voter en leur qualité d'agriculteurs-producteurs?

M. Ponto: Lors du vote dont je vous ai parlé en Alberta, j'ai moi-même une société familiale et les deux actionnaires, ma femme et moi, ont été autorisés à voter.

Le sénateur Rossiter: Dans le cas d'une société familiale qui réunit par exemple trois fils, un gendre et le grand patron, y aurait-il deux votes?

M. Ponto: Je pense que les critères sont fonction de chaque individu, de la réglementation et de la personne qui doit voter.

Le sénateur Rossiter: J'espère que cela n'introduira pas des dissensions dans les familles.

M. Harder: Chacun peut voter différemment. Ça arrive.

Le sénateur Hays: Pour ce qui est de la régie interne, vous vous préoccupez des conditions d'éligibilité qui font qu'il faut être agriculteur pour siéger au sein du conseil d'administration. Est-ce que cela se pose pour les 15 postes au sein du conseil?

M. Harder: Non.

M. Macklin: Non, simplement pour ceux qui sont élus.

Le sénateur Hays: En dépit de cela, étant donné l'évolution éventuelle de la Commission du blé, qui en fera une organisation davantage axée sur le marché, ne s'agit-il pas là d'une restriction superflue? S'agissant d'un membre compétent du conseil élu dans le district qu'il est censé représenter, le fait qu'il ait pris sa retraite en tant qu'agriculteur ou éventuellement qu'il travaille dans un autre secteur du commerce des grains, ce qui l'empêche d'exploiter effectivement sa terre, n'y a-t-il pas là une restriction inutile?

M. Macklin: Je pense que votre remarque est intéressante. Le problème vient toutefois de la méfiance envers la Commission canadienne du blé et du type de relations entre la commission et les agriculteurs. Dans tous les pourparlers qui ont porté sur les changements devant être apportés à la Loi sur la Commission canadienne du blé, les agriculteurs partent du principe que ce sont leurs représentants, des agriculteurs, qui siégeront au sein de cette nouvelle commission élue.

Je suis d'accord avec vous pour dire que nombre de non-agriculteurs ou d'agriculteurs retraités pourraient apporter une excellente contribution au conseil d'administration. Pour des raisons politiques, on a cependant décidé que ce sont les agriculteurs qui conduiraient l'opération et je pense que l'on s'attend à ce que ce soient des agriculteurs qui soient élus au sein du conseil d'administration. C'est pourquoi nous proposons que ce soient des agriculteurs. Je considère que nombre d'agriculteurs, qui sont aussi en fait de véritables producteurs, disposent aussi des compétences et des qualités leur permettant d'être de bons représentants au sein du conseil d'administration. Votre remarque est judicieuse, mais étant donné la façon dont tout cela a évolué, nous estimons qu'il faut que ce soit des agriculteurs.

Le président: Il me faut intervenir ici pour dire aux honorables sénateurs et aux témoins que j'ai besoin d'un budget pour que nous puissions nous déplacer. Je vais demander au sénateur Hays d'occuper le fauteuil pendant quelque temps.

L'honorable Dan Hays (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant: Merci de cette réponse. Je ne vais pas en débattre avec vous. Je constate certainement que ceux qui vont voter pour l'administrateur dans leur district ou dans toute circonscription qui sera finalement déterminée exerceront probablement un bon jugement. Cela reste mon parti pris, en dépit de vos critiques.

Je voudrais revenir sur la question que vous avez soulevée au sujet de la politisation du conseil. En supposant qu'il soit adopté sous sa forme actuelle ou sous une forme améliorée, ce projet de loi ne résoudra pas ce problème. La question restera en l'état. Le sénateur Stratton, avec une sincérité désarmante, a déclaré qu'il y a ceux qui ne veulent pas de la commission et ceux qui en veulent. Ceux qui n'en veulent pas déclarent parfois qu'ils sont prêts à l'accepter, à condition qu'elle soit différente. Je ne sais pas exactement ce qu'ils entendent par là, mais je suppose qu'il doit s'agir essentiellement d'une commission privatisée. C'est la question du double marché.

Comme nous l'avons vu, le gouvernement a éprouvé des difficultés à servir de médiateur ou à résoudre cette question, et le débat s'est envenimé. D'après ce que j'ai pu observer, il y a en réalité une certaine acrimonie entre ces deux groupes d'intérêt. Je ne sais pas si la commission, quelle qu'elle soit, réussira à échapper à cette polémique. Il faudrait peut-être qu'elle assume cette responsabilité. Je sais que vous n'êtes pas d'accord, mais j'aimerais avoir vos commentaires.

M. Harder: Qui doit avoir la responsabilité de quoi, selon vous?

Le président suppléant: Il y a eu un vote sur l'orge sans que l'on pose la question de la double commercialisation. La question qui se pose alors naturellement est de savoir ce que va faire à partir de là la Commission du blé. Tout le monde ne veut pas la voir évoluer dans la même direction. Certains aiment le rôle de mise en commun que joue la commission; d'autres non. Cet enjeu politique est exprimé de différentes façons. Sans rentrer dans ces détails, parce qu'il y a de nombreuses querelles sémantiques, la question qui se pose en fait est de savoir si l'on veut ou non d'une mise en commun. Si nous n'en voulons pas, qui sait à quoi va ressembler la commission après coup, mais il est certain qu'elle sera très différente de celle que nous avons actuellement. Si nous retenons le principe de la mise en commun, la commission va changer, mais elle restera proche de ce qu'elle est aujourd'hui.

Qui décide de la voie à suivre? Ce projet de loi va confier ce pouvoir à un conseil d'administration dont 10 membres, 11 si l'on retient votre proposition, sont élus, et cinq ne le sont pas. Comment retirer cette tâche au conseil d'administration? Vous nous dites que les membres doivent être élus au sein du conseil d'administration. Inévitablement, lorsqu'ils chercheront à se faire élire, ils devront se prononcer sur cette question politique. Qu'y a-t-il de mal à cela?

M. Macklin: J'estime que vos observations sont tout à fait exactes. Le point de vue qu'a défendu le comité consultatif devant le comité de l'agriculture et de la Chambre des communes, et qui est le nôtre depuis plus de deux ans, c'est que nous n'aimons pas cette structure correspondant à un conseil d'administration élu parce qu'à notre avis, cela va nous mener inévitablement à un type d'activité très politique. Les élections au sein du comité consultatif ont toujours été très politiques. Je ne vois pas pourquoi celle-ci serait très différente. C'est une question très controversée au sein du monde agricole dans l'Ouest entre ceux qui sont partisans d'un comptoir unique de vente et d'une mise en commun des prix et ceux qui s'y opposent. La grande question n'est pas tant la mise en commun que le comptoir unique de vente, qui exige une certaine discipline en ce sens que tout le monde doit participer, sinon il ne reste plus rien. On dispose d'un monopole ou on n'en a pas, un point c'est tout. Il n'y a pas de demi-mesure. Il sera difficile d'éviter de politiser le nouveau conseil d'administration.

Nous avons le sentiment que si l'on enlève l'article d'inclusion et d'exclusion de la compétence de la commission, cela nous aiderait dans une certaine mesure dans le cadre de l'élection. Nous avions proposé à l'origine que l'on élise une certaine forme de conseil des agriculteurs et que ce dernier, en association avec le gouvernement fédéral, pourrait alors nommer un petit conseil d'administration chargé de diriger la commission. Le partage des responsabilités serait alors plus clair que dans la structure prévue dans le projet de loi C-4. Nous n'avons pas réussi au cours des deux dernières années à amener le gouvernement à nous écouter et à adopter cette structure, et nous avons maintenant ce projet de loi. Effectivement, nous avons le sentiment qu'il sera difficile d'éviter des débats très politiques sur toute cette question, mais il s'agit ici de se charger de gérer une entreprise de 6 milliards de dollars au bénéfice des agriculteurs de l'Ouest du Canada et en fonction des intérêts économiques de notre pays.

Vous n'éviterez pas les divisions qu'entraîne ce débat au sujet de la commission. Vous pourrez y remédier en partie en supprimant l'article d'inclusion et d'exclusion dans sa formulation actuelle et en lui donnant la forme qu'a proposée M. Goodale dans son amendement.

Le président suppléant: Ma dernière question porte sur la nomination par le gouvernement des cinq membres de la Commission «à titre amovible» par opposition à «révocation pour cause». Si je comprends bien, vous aimeriez que ces nominations soient faites par le gouvernement à partir de listes agréées par les membres élus.

J'imagine que nous avons tous des réserves à faire. J'ai l'impression que les miennes apparaissaient davantage lorsque j'étais dans l'opposition que depuis que je suis dans le camp du gouvernement. Le gouvernement a nommé des commissaires au fil des années et je n'ai pas entendu de nombreuses plaintes faisant état de clientélisme. Corrigez-moi si je me trompe. Pourquoi êtes-vous inquiet sur ce point?

M. Macklin: Ce problème comporte deux volets. Le premier a trait aux nominations et le deuxième aux critères de nomination. Aux termes du projet de loi C-4, les cinq administrateurs nommés, y compris le PDG, le seront à titre amovible. Il y a une grande différence entre «à titre amovible» et «pour une durée déterminée» ou «pour cause». Les commissaires actuels sont nommés pour une durée déterminée tant qu'ils ne donnent pas cause à congédiement. Une fois nommés, ils jouissent d'une certaine indépendance et peuvent agir selon ce qu'ils jugent bon de faire sans risquer d'être congédiés ou d'être menacés de congédiement par le gouvernement, ce qui fait une grosse différence au niveau de leur capacité à s'opposer à un gouvernement qui pourrait vouloir s'immiscer dans le fonctionnement de l'organisation. Nous proposons que l'on ne procède pas à une nomination «à titre amovible» mais à une nomination pour une durée déterminée.

Nous estimons que pour que les producteurs se sentent plus responsables et aient davantage l'impression de posséder cette institution, il serait bon que l'on consulte les producteurs élus pour choisir leurs collègues. Cela nous permettrait de nous assurer de la nomination à ces postes de personnes de qualité ayant les compétences, l'expérience et les connaissances nécessaires. Voilà qui apaiserait sans aucun doute nos craintes concernant tout risque de clientélisme dans les nominations ou le fait qu'en cas de changement de gouvernement tous les responsables pourraient être congédiés le temps de le dire. Par le passé, les gouvernements ont fait preuve d'un clientélisme flagrant en procédant à des nominations politiques qui n'ont pas toujours été les meilleures. Je ne parle pas ici des commissaires, mais il y a eu des exemples ayant reçu une grande publicité.

Nous ne pensons tout simplement pas que ce soit bon pour une organisation qui a autant d'influence sur l'économie de l'Ouest que la Commission canadienne du blé.

M. Harder: Sénateur Hays, je tiens à répondre à certaines de vos observations. Vous faites une supposition qui n'est peut-être pas voulue. Vous nous dites que cette ère nouvelle sera davantage axée sur le marché. La supposition, c'est que la Commission du blé n'est pas axée sur le marché. Je sais que ce n'est pas ce que vous avez voulu dire mais néanmoins, au cas où certaines personnes l'auraient compris ainsi, je tiens à vous assurer que la Commission du blé est probablement davantage axée sur le marché que tout autre groupement.

Nous avons publiquement désavoué certains énoncés de politique faits par les commissaires et par certains membres du personnel. Le mécanisme est démocratique. Toutefois, il est clair dans l'esprit de tous les membres du comité consultatif que les commissaires et que le personnel savent pour qui ils travaillent et pourquoi ils le font. Leur objectif est de payer un maximum aux agriculteurs en fonction du prix initial et de vendre au prix le plus élevé. C'est fondamentalement différent de l'objectif d'une bourse des marchandises, qui est d'acheter au plus bas et de vendre au plus haut.

Personne ne peut dire que la commission n'est pas entrée dans les années 90. Nous y étions déjà il y a 60 ans, 60 ans en avance sur notre temps. Nous espérons nous y maintenir.

Je souscris à vos observations au sujet de la régie interne. Vous m'avez dit un jour à Winnipeg que le Sénat avait procédé à une étude indiquant que le comité consultatif avait besoin d'exercer un peu plus d'influence sur les nominations à titre de commissaire et qu'il n'y avait pas besoin alors de procéder à tous ces changements. Pour l'essentiel, votre position était la même que la nôtre, mais je pense qu'elle était peut-être trop simple. Cette proposition n'était pas assez complexe, ce qui fait que personne n'a voulu l'accepter. C'est tout ce dont nous avions besoin. Depuis lors, nous avons dépensé des millions de dollars en déplacements à Ottawa et nous n'avons pas obtenu grand-chose.

Le président suppléant: Notre comité a présenté son rapport alors que le gouvernement actuel était au pouvoir. Le projet de loi C-4 aborde la question dans le sens que nous avions proposé, mais peut-être d'une façon plus lente et plus hésitante que nous ne l'aurions fait si l'on avait procédé à cette opération il y a quelques années au moment de la publication de notre rapport.

Merci d'avoir apporté cette précision sur la question du marché. Je ne vous contredirai pas.

M. Bill Nicholson, membre du Manitoba, comité consultatif de la Commission canadienne du blé: Monsieur le président, l'article suivant se rattache davantage à l'exploitation de la future Commission canadienne du blé.

Les achats au comptant et les dispositions très générales du projet de loi C-4, qui prévoient la possibilité d'acheter ou de négocier au comptant sans restriction, pourraient amener un véritable bouleversement du fonctionnement de la Commission canadienne du blé. Cela nous inquiète beaucoup. Cette question risque d'entraîner un conflit entre la Commission et les agriculteurs du syndicat, les agriculteurs qui vendent au comptant. Elle risque aussi de créer des inégalités dans la distribution à tous les agriculteurs des bénéfices tirés du monopole. À ce titre, nous estimons qu'elle pourrait très bien détourner les agriculteurs de la commission.

Nous avons dit à maintes reprises que nous ne sommes pas en faveur de ce projet. Toutefois, s'il acquiert force de loi, nous jugeons important qu'il se limite à l'usage prévu à l'origine. En 1994 et en 1995, la commission a éprouvé des difficultés à trouver des fournisseurs d'orge fourragère et l'on a proposé le recours à la commercialisation au comptant pour remédier à cette situation. Si dans un tel cas, la commission avait pu trouver les approvisionnements nécessaires sur le marché intérieur qui ne dépend pas d'elle, elle aurait pu éviter certaines pertes et certains retards et les ventes auraient pu se faire.

Depuis cette époque, des améliorations ont été apportées, notamment pour ce qui est du renforcement des contrats passés avec les agriculteurs au sujet de l'orge fourragère et des moyens dont la commission prend ses engagements de vente d'orge. Ces systèmes auraient d'ailleurs probablement évité de toute façon que le problème se reproduise. Quoi qu'il en soit, nous jugeons que c'est important. C'est dans le secteur de l'orge fourragère que ce problème peut se reproduire. C'est la seule culture qui exige des dispositions de vente au comptant. Le problème ne se pose pas pour le blé, le blé dur ou l'orge brassicole. En raison des divisions que cela peut entraîner et de la remise en cause éventuelle des principes sur lesquels s'appuie la Commission du blé, nous estimons que cette possibilité doit être limitée à l'orge fourragère.

Nous demandons que la disposition d'achat au comptant prévoie la possibilité de passer des contrats de prix à terme en fonction du produit de la mise en commun. Il s'agit là d'une situation légèrement différente. Certaines indications laissent entendre que cette même situation pourrait être souhaitée pour d'autres cultures, mais il n'y a pas les inégalités que pourraient entraîner des ventes au comptant qui feraient que certains producteurs toucheraient bien davantage que le prix découlant de la mise en commun. Cela ne peut qu'affaiblir le système de mise en commun et la vente au moyen d'un comptoir unique.

Les membres du comité consultatif et de la commission sont unanimes pour dire que si l'on conservait à long terme le mécanisme de vente au comptant, le système de mise en commun ne pourrait plus être maintenu. Ce ne sont pas des mécanismes complémentaires. Ils ne peuvent coexister. Le système de mise en commun finirait par être détruit. La Commission du blé est largement appuyée par les agriculteurs et il convient de la maintenir.

Les dispositions du projet de loi C-4 prévoient aussi une période de mise en commun plus courte. C'est en fait la même chose que la vente au comptant. À la limite, on pourrait avoir une mise en commun d'une journée, ce qui revient en fait à pratiquer un prix au comptant. Les risques sont les mêmes avec des périodes de mise en commun plus courtes. Nous recommandons de ne pas les autoriser. Si, dans le cas de l'orge fourragère, il apparaît nécessaire de faire une apparition ponctuelle sur le marché pour acheter de l'orge au comptant, c'est une solution qui peut se justifier dans le cas de ce grain en particulier.

Le comité consultatif relève par ailleurs que le projet de loi C-4 contient des dispositions très libérales pour ce qui est des ventes au comptant. Il autorise la commission à acheter des grains à l'extérieur du Canada et à les commercialiser. Même s'il est possible de soutenir que la commission pourrait gagner de l'argent en procédant ainsi, nous considérons que la commission a pour rôle de vendre les grains des agriculteurs canadiens au profit de ces derniers et que les ventes au comptant doivent se limiter à cette activité. Le pouvoir de se procurer des grains à l'extérieur du pays ne devrait pas être autorisé.

M. Robert Ponton, membre de l'Alberta, comité consultatif de la Commission canadienne du blé: Monsieur le président, ce projet de loi autorise la création d'un fonds de réserve destiné à alimenter les transactions au comptant et à remplacer la garantie du gouvernement. Nous estimons qu'il faut que le gouvernement continue à garantir les réajustements pour que l'on n'ait pas besoin d'un tel fonds. Le gouvernement et la Commission canadienne du blé ont suffisamment accéléré la procédure d'acceptation des augmentations de paiement initial ces dernières années, et nous ne pensons pas qu'elle doive y renoncer. Quant au facteur temps, il ne justifie pas que l'on impose un fonds de réserve.

Nous estimons que l'imposition d'un fonds de réserve aux frais des agriculteurs va rendre furieux les producteurs, qu'ils appuient ou non la CCB. Les retenues à la source semblent se multiplier. Il est très important de maintenir la garantie.

L'un des problèmes de la mise en commun, c'est qu'elle ne permet pas au fonds de roulement de se renouveler aussi vite que les producteurs le voudraient. Comme vous le savez tous, je suis sûr, il leur faut attendre la fin de l'année. Nous estimons que l'on pourrait remédier en partie à ce problème en adoptant un amendement autorisant le versement d'une avance sur le produit final de la mise en commun. Il pourrait s'agit d'un prêt consenti aux producteurs en fonction de la garantie que représente la mise de fonds commune récupérée en fin de campagne. Cette proposition permettrait de s'assurer que les agriculteurs reçoivent la pleine contrepartie de leur mise de fonds sans que l'on ait à recourir à des retraits sur les fonds en commun ou à des certificats de producteurs. On pourrait recourir à un accord de prêt. Au cas où la vente dépasserait la mise de fonds, elle pourrait être remboursée par un prélèvement sur les comptes mis en commun ultérieurement ou de toute autre manière.

Si la CCB décidait de passer des contrats de prix à terme ou de procéder à des achats au comptant en dehors des comptes mis en commun, les risques de perte devraient être assumés par ceux qui ont recours à ce programme et non pas par le fonds de réserve institué aux frais de tous les producteurs.

M. Macklin: Ce projet de prêt garanti par le montant du paiement en fin de campagne est à notre avis une idée très positive. Il a été avancé par la Commission canadienne du blé lorsque celle-ci est intervenue devant la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-4. Ce serait essentiellement un prêt au prix coûtant garanti par le montant du paiement en fin de campagne. Il permettrait d'alléger les pressions qui s'exercent sur la Commission canadienne du blé pour ce qui est des fonds de roulement.

On a critiqué le système en disant que lorsqu'on vend à la Commission du blé, on reçoit un paiement initial et on doit ensuite attendre 18 mois pour obtenir le paiement en fin de campagne. La Commission du blé pourrait ainsi avancer l'argent garanti par le montant du paiement en fin de campagne éventuellement neuf mois plus tôt au cours de la saison. L'intérêt appliqué à ce prêt serait probablement légèrement supérieur à ce que paie la Commission du blé elle-même, juste assez pour compenser les risques et les frais d'administration.

Avec M. Nicholson, j'ai d'ailleurs rencontré hier certains hauts responsables du service des finances de la Commission du blé simplement pour nous rafraîchir la mémoire sur cette question. C'est tout à fait possible. Ce serait très simple. Ce serait bien moins complexe que le projet de retrait de l'argent mis en commun. Ce serait moins dangereux pour les producteurs, qui peuvent perdre la valeur de ce qu'ils possèdent s'ils ont recours aux certificats de producteurs négociables. Les certificats de producteurs négociables ont été remployés par le passé et ils ont été abandonnés parce que les agriculteurs n'en connaissaient pas la valeur et qu'il était possible de les léser.

Le sénateur St. Germain: S'agit-il à la base d'un système de retenue à la source? Entendez-vous par là qu'avec ces certificats un agriculteur devra recourir à un prêt?

M. Macklin: Non, il faut que je vous explique la chose. Si je livre des grains à la Commission canadienne du blé pour qu'elle procède à une vente pour mon compte, je reçois un paiement initial, qui est une avance sur le prix que touchera finalement la Commission du blé au titre de la vente. Cela peut représenter 75 p. 100 du montant de la vente. Il reste 25 p. 100 de ce montant qui est versé dans le compte mis en commun et que je ne toucherai que lorsque les comptes mis en commun seront soldés.

La critique que l'on fait à ce système, c'est que certains agriculteurs qui ont absolument besoin de liquidités ne peuvent pas toucher leur argent quand ils en ont besoin. La Commission du blé propose de consentir un prêt garanti par le montant de ces 25 p. 100 restant à payer. Ce serait essentiellement un prêt au prix coûtant. Les producteurs qui ont besoin de liquidités pourraient ainsi toucher leur argent neuf mois plus tôt au cours de l'année de récolte. C'est l'argent bloqué dans le compte mis en commun auquel les producteurs pourraient ainsi avoir accès.

Le sénateur St. Germain: C'est autre chose que propose ce projet de loi, n'est-ce pas?

M. Macklin: Le projet de loi propose le retrait anticipé de l'argent mis en commun ou la délivrance de certificats de producteurs transférables. Les certificats de producteurs transférables permettront aux producteurs de vendre, à quiconque veut bien l'acheter, le droit à percevoir le solde des comptes mis en commun. Cela s'apparente au système d'escompte sur les retours d'impôt.

Le sénateur St. Germain: Je comprends.

M. Macklin: Cela existait autrefois. On y a mis fin parce que les producteurs qui éprouvaient des difficultés financières ne réalisaient pas la valeur de ce certificat négociable et étaient, en fait, exploités par des personnes en position de le faire.

On aplanirait ainsi ces difficultés. Il n'y aurait pas de risques pour les comptes de mise en commun. Les agriculteurs recevraient un montant qui couvrirait à peu près leurs coûts. Un tel programme serait très simple à administrer. Nous pensons qu'il s'agit d'un amendement très positif que le Sénat pourrait apporter au projet de loi pour permettre les emprunts garantis par le versement final.

Le président suppléant: Pourriez-vous nous expliquer un peu mieux cette question des garanties gouvernementales, un peu plus tard? Il serait bon de savoir dans quelles circonstances elles ont été utilisées ou pas.

M. Macklin: Certainement. Je veux aussi parler du fonds de réserve. Ce fond de réserve est prévu dans le projet de loi afin de fournir le renfort financier nécessaire aux achats au comptant et de compenser la disparition de la garantie gouvernementale sur le prix initial révisé.

Les agriculteurs n'aiment pas les contributions. Si vous voulez brouiller les producteurs avec la Commission canadienne du blé, établissez un fonds de réserve et exigez qu'il soit financé par les contributions des agriculteurs. De la sorte, vous êtes certains de monter les agriculteurs contre toute la structure de la Commission canadienne du blé.

Les garanties relatives au prix initial, en vertu du projet de loi C-4 et de ces amendements proposés, continueront de relever du gouvernement fédéral. N'oubliez pas que lorsque le prix initial est fixé, au début d'une campagne agricole, il est toujours à un niveau prudent. À mesure que les ventes se font et que les comptes de mise en commun sont mieux assurés, la Commission du blé, en collaboration avec le gouvernement -- essentiellement, c'est le gouvernement qui a assumé cette responsabilité jusqu'à maintenant -- , augmente le prix initial et distribue de l'argent aux agriculteurs en fonction de leur part du profit final de la mise en commun.

Le projet de loi propose que le gouvernement garantisse uniquement le prix initial, et non pas les prix révisés. À ce que je sache, les comptes de mise en commun n'ont jamais connu de déficit provoqué par la révision des prix initiaux. Par conséquent, le gouvernement peut garantir ces prix sans encourir aucuns frais, mais si les agriculteurs doivent garantir le prix initial révisé, il leur faudra constituer un fonds et l'alimenter, et pour ce faire il faudra percevoir des contributions.

Nous aimerions que le gouvernement continue de garantir aussi bien le prix initial que les prix initiaux révisés. À notre avis, il serait alors inutile de créer ce fonds de réserve, un fonds qui risque de susciter une forte opposition chez les agriculteurs.

Si vous mettiez en place ce système de prêt garanti par le paiement final, vous élimineriez les problèmes de trésorerie pour la Commission du blé et le gouvernement. Nous croyons que ces deux changements seraient positifs et nous aimerions que le Sénat les envisage.

Le président suppléant: Pourquoi ne peut-on pas utiliser le certificat comme garantie pour emprunter auprès d'une banque? Est-ce que cela est interdit? J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi un agriculteur ne pourrait pas se servir du certificat comme garantie.

M. Macklin: Je ne peux pas vous fournir de réponse sûre. J'ai l'impression que cela n'est pas autorisé en vertu de la Loi sur la Commission canadienne du blé. Nous avons discuté hier avec des hauts responsables des finances qui nous ont affirmé que la loi devait être changée pour permettre les emprunts garantis par le versement final. Nous ne prétendons pas être des rédacteurs législatifs, alors nous n'avons pas repéré l'article ni la terminologie. Nous espérons qu'à Ottawa, il y a des personnes qui peuvent le faire. Nous parlons de principes, et c'est cela que nous voulions expliquer au Sénat.

Le projet de loi C-4 créerait de profondes divisions chez les agriculteurs de l'Ouest. Il touchera directement le moyen de subsistance des agriculteurs canadiens dans l'Ouest. Il se répercutera sur l'économie du Canada. Certains ont fait valoir qu'un gouvernement dominé par l'Est imposait cette mesure aux agriculteurs de l'Ouest, il y a donc des questions d'aliénation et d'unité en jeu.

En raison de l'importance de cette question et de la controverse qu'elle suscite, nous recommandons au gouvernement de soumettre le projet de loi définitif à un vote des producteurs de l'Ouest. Je ne dirai rien de plus à ce sujet. Nous recommandons simplement au gouvernement d'envisager cette mesure pour les motifs que nous avons exposés.

Le comité consultatif a examiné minutieusement ce projet de loi avec le personnel de la Commission du blé. Nous l'avons étudié autant que quiconque, et nous sommes très inquiets des dommages qu'entraînerait pour la commission le projet de loi C-4 s'il était adopté sous la forme actuellement acceptée par la Chambre des communes. Le Sénat a l'occasion d'apporter quelques changements positifs qui rendront le projet de loi plus acceptable pour la communauté agricole et qui atténueront ses éventuels effets négatifs sur la mise en commun des prix et sur nos rapports avec le gouvernement. Nous vous demandons respectueusement d'examiner avec attention nos recommandations. Nous espérons que vous renverrez à la Chambre un projet de loi qui contiendra certaines des modifications que nous avons proposées.

Je vous remercie beaucoup de nous avoir écoutés ce matin. Si vous avez d'autres questions, nous nous ferons un plaisir d'y répondre. Je souligne à nouveau que notre mémoire constitue la position unanime des 11 membres du comité consultatif.

Le sénateur Stratton: Vous nous avez bien expliqué le fonds de réserve. Est-ce que le gouvernement ne vous a jamais précisé pourquoi il voulait créer ce fonds de réserve?

M. Macklin: Comme vous le savez, à la fin d'octobre ou au début de novembre, nous avons soumis par écrit à M. Goodale plusieurs questions, pour tenter d'obtenir certaines précisions à cet égard. Nous n'avons jamais reçu par écrit d'explication claire quant aux motifs qui inciteraient le gouvernement à cesser de garantir les prix initiaux révisés et à créer le fonds de réserve. Il est évident qu'il faut prévoir un renfort financier quelconque si le gouvernement n'est pas en mesure de fournir ces garanties.

Le sénateur Stratton: Avez-vous dit que cela n'a jamais été le cas?

M. Macklin: Il n'y a jamais eu de perte.

Le sénateur Stratton: Alors pourquoi prévoir cette mesure?

M. Macklin: Voilà! C'est pourquoi nous croyons que le Sénat peut amender le projet de loi pour le rendre beaucoup plus acceptable aux yeux des agriculteurs de l'Ouest du Canada, pour faire en sorte que le gouvernement continue de garantir les prix initiaux révisés.

Le sénateur Stratton: Peut-être que nous pourrions mettre un peu d'eau dans notre vin, pour ainsi dire, au sujet de la clause d'exclusion-inclusion, et peut-être que nous pourrions convaincre le gouvernement de commencer par un fonds de réserve limité et de fixer un plafond, parce que l'on n'en aura jamais besoin. Si un problème se présentait, nous pourrions lever le plafond et augmenter la somme.

Si nous agissions ainsi pour ces trois questions sur lesquelles vous vous êtes concentrés, croyez-vous que nous pourrions éliminer une partie de la controverse afin que le projet de loi soit plus acceptable? Notre principale préoccupation concerne le débat émotif, la confrontation que nous avons vue. Si nous prenons les mesures que vous proposez, nous calmerons en partie la colère. Nous traversons évidemment une période de transition, et il nous faudra du temps. Nous devrions peut-être faire l'essai de ces modifications et voir comment elles sont acceptées, car nous pourrons toujours y revenir. Est-ce que vous seriez satisfaits de cela.

M. Harder: Vous nous avez demandé pourquoi le gouvernement prenait cette orientation et pourquoi nous n'avions jamais reçu d'explications par écrit. Nous ne pouvons que supposer que le ministère des Finances aimerait éliminer ces chiffres de ses livres, même s'il s'agit de mesure qui ne lui ont jamais rien coûté. Nous pouvons supposer que, dans le cadre des pourparlers de l'Organisation mondiale du commerce, les choses seraient alors un peu plus faciles pour le ministère. Nous pouvons supposer que cela permettrait de porter un autre coup à la Commission du blé. Cela nous inquiète.

Nous savons, pour en avoir parlé à des fonctionnaires du ministère des Finances, que c'est ce qu'ils aimeraient faire. Nous supposons qu'il est évident qu'au cours de la dernière année, la garantie du gouvernement fédéral a rapporté près de 80 millions de dollars à la commission et n'a essentiellement rien coûté au gouvernement. Elle a couvert tous les frais d'administration de la Commission du blé, qui étaient d'environ 48 millions de dollars. Nous n'avons pas l'impression d'en demander trop au gouvernement.

Il est absurde pour le gouvernement de soutenir qu'il ne veut assumer aucune responsabilité à l'égard des agriculteurs de l'Ouest du Canada. Les Américains n'ont pas eu recours à des programmes qui favorisent les exportations, mais l'augmentation de leurs subventions nationales correspond à peu près à la diminution de leurs subventions à l'exportation. Les agriculteurs européens reçoivent près de 200 $ l'acre en subvention pour le blé de force et de 300 $ l'acre pour le blé dur. Nous croyons que nous ne demandons pas beaucoup du gouvernement. C'est une situation où tous gagnent.

Vous avez demandé si le projet de loi serait plus acceptable si la commission demeurait une société d'État. Oui, il le serait. Nombre d'entre nous aimeraient beaucoup mieux cela. C'est un aspect crucial du projet de loi que tous les groupes n'ont pas nécessairement soulevé.

Le sénateur St. Germain: Le sénateur Gustafson m'a demandé de l'aide à ce sujet, même si je ne suis pas un membre régulier du comité.

Je ne comprends pas bien qu'un amendement proposé par le ministre responsable de la Commission du blé puisse ne pas être accepté. Est-ce que le ministère des Finances aurait le dernier mot?

M. Macklin: D'après ce que je sais, la clause d'inclusion-exclusion a suscité une vive controverse à la Chambre des communes pendant le débat qui a suivi la deuxième lecture, et le ministre, à la dernière minute, a proposé l'amendement que vous examinez maintenant. Toutefois, pour des raisons de délai, il fallait le consentement unanime de la Chambre des communes pour que la modification soit acceptée. Ce consentement unanime n'a pas été obtenu et, par conséquent, la modification n'a pas été retenue.

Toutefois, elle est devenue du domaine public. Nous l'avons examinée de très près et nous croyons qu'elle améliorerait le projet de loi. Nous proposons donc que le Sénat utilise son pouvoir pour ajouter cet amendement.

Le sénateur St. Germain: Est-ce que vous croyez que l'amendement semblerait acceptable aux opposants de la Commission canadienne du blé?

M. Macklin: Je ne suis pas en mesure de parler en leur nom. Le comité consultatif appuie sans réserve les principes de la vente à guichet unique, de la mise en commun des prix, par la Commission canadienne du blé. Je ne prétends pas parler au nom des groupes de la coalition qui sont opposés au projet de loi C-4 et à la Commission du blé.

Le sénateur St. Germain: Si certains des amendements que vous recommandez sont adoptés, et compte tenu de ce qui se passe au sein de l'Organisation mondiale du commerce et dans le cadre de diverses autres négociations, est-ce que vous ne croyez pas que vous placerez votre organisation dans une situation encore plus précaire?

M. Macklin: Non, je ne le pense pas. Dans le document de travail distribué en décembre à un certain nombre de groupes agricoles pour exposer les sujets qui seront abordés au cours de la prochaine ronde de l'OMC, en 1999, Mike Gifford explorait un certain nombre de questions, dont certaines intéressaient la Commission du blé. Premièrement, pour ce qui est du pouvoir d'une entreprise commerciale d'État, il importe peu que la Commission du blé soit une société d'État ou une entreprise mixte. Si une loi lui donnait un avantage en matière de commercialisation, on dirait qu'il s'agit d'une entreprise commerciale d'État. Société d'État ou une entreprise mixte, en vertu du projet de loi C-4 la commission demeure aussi vulnérable aux attaques qu'une entreprise commerciale d'État.

Un certain nombre d'autres questions, notamment la mise en commun des prix et la discrimination par les prix de la Commission du blé sur les marchés internationaux, susciteront des difficultés car la Commission canadienne du blé peut mettre les prix en commun et choisir entre divers marchés. Cela ne va pas vraiment rendre la Commission du blé plus vulnérable ou moins vulnérable, quelle que soit la façon dont ces changements seront mis en oeuvre.

Ce qui nous inquiète, c'est que nombre des changements prévus dans le projet de loi C-4 vont miner la capacité de la Commission canadienne du blé d'offrir des avantages aux producteurs. Ils vont coûter de l'argent aux producteurs. Nous pouvons, à long terme, prévoir que le gouvernement renoncera à une partie des garanties parce que le projet de loi ouvre la porte pour lui permettre de le faire. Cela ne se fera pas immédiatement, mais la chose devient possible, elle pourra se faire à l'avenir. Si, effectivement, vous minez la confiance des producteurs à l'égard de la mise en commun des prix, en raison des transactions au comptant, si vous imposez des contributions aux producteurs pour financer le fonds de réserve, toutes ces mesures contribueront à aigrir les producteurs face au travail que la Commission du blé accomplit en leur nom. C'est cela qui nous inquiète.

Nous croyons que certaines des modifications que nous avons suggérées réduiraient les risques de détérioration, et le projet de loi serait beaucoup plus acceptable pour les producteurs que s'il est adopté tel que la Chambre des communes l'a accepté.

Le sénateur Hays: Je veux poser une question au sujet des achats au comptant. Votre exposé anticipe sur les exposés que nous entendrons au sujet du projet de réserver un quart de la récolte de blé pour les transactions au comptant. Votre inquiétude serait calmée si le projet de loi C-4 interdisait cette éventualité. Pourquoi est-ce que la commission n'est pas le mieux en mesure de décider si cela devrait ou non être autorisé?

M. Nicholson: Certaines des propositions présentées en fonction de divers scénarios de transactions au comptant, en particulier les 25 p. 100 mis de côté pour la vente au comptant, suscitent de nombreuses difficultés. Les tenants de ces propositions semblent croire que la Commission canadienne du blé continuerait simplement à établir des prévisions de prix, un prix commun global. Elle serait en mesure d'examiner les prix et dès qu'elle verrait un prix plus élevé elle l'interpréterait comme le signal qu'il faut vendre une partie du blé au comptant. Évidemment, plus on recourra à cette méthode et moins on pourra se fier aux prévisions des prix communs de la Commission du blé.

En outre, il y aurait perte de marchés, puisque la commission en même temps vendrait à des prix peut-être bien supérieurs aux prix officiels des élévateurs américains ou aux prix affichés dans Internet, quoi que ce soit, mais l'agriculteur ne verrait que le signal d'un prix supérieur au prix commun, et il déciderait de s'en prévaloir. Cela pourrait lui coûter de l'argent, coûter de l'argent aux comptes de mise en commun de la commission et, par conséquent, coûter de l'argent à tous les agriculteurs. Il y a peut-être un avantage à court terme pour quelques personnes, mais ce n'est pas une solution réaliste pour les syndicats, à long terme. Au bout du compte, le système de mise en commun en souffrirait et ne pourrait pas être maintenu.

C'est pourquoi nous avons suggéré que les transactions au comptant ne soient autorisées plus ou moins qu'en cas d'urgence, pour respecter un engagement de vente quand, pour une raison quelconque, la demande ne peut être satisfaite par le système de mise en commun. Cela ne s'est produit que dans le cas de l'orge fourragère et, à notre avis, si cette situation se représentait, ce serait encore pour l'orge fourragère.

M. Ponto: Vous avez parlé de la question des 25 p. 100. Je crois qu'il s'agit plutôt d'une option de prix à terme. L'autre raison qui motive cette mesure, c'est que les producteurs veulent un peu de contrôle sur les rendements espérés. À cette époque de l'année, peut-être, ils pourraient vendre à terme en se basant sur les rendements qu'ils recevront au cours de l'année suivante. La loi proposée permettra à la Commission canadienne du blé d'offrir cette option, et la proposition de la commission prévoit que cela se ferait en fonction des perspectives de rendement. Vous seriez en mesure de réserver un certain pourcentage de votre récolte basé sur les perspectives de rendement, d'après l'information courante. Cela semble déjà prévu dans la loi.

Vous mentionnez cette question des 25 p. 100. Est-ce que c'était la question dont les producteurs de blé de l'Ouest du Canada vous ont parlé?

Le sénateur Hays: Je sais que nous allons entendre, au cours de nos déplacements, un exposé qui proposera essentiellement -- si je peux être aussi direct que le sénateur Stratton -- qu'un quart de la récolte de blé soit libéré de la mise en commun ou du monopole, du guichet unique, et à mon avis l'idée est bonne. Je vais vous donner l'occasion de dire ce que vous pensez de cette proposition. Vous semblez l'avoir anticipée en partie, mais vous n'avez pas répondu à la question directement, vous n'avez pas dit pourquoi l'idée vous paraissait mauvaise et pourquoi le projet de loi, comme vous l'interprétez à l'heure actuelle, permettrait à la commission qui serait alors constituée de prendre une décision en ce sens. Vous dites que le projet de loi devrait nous empêcher de pouvoir procéder ainsi, et j'aimerais que vous nous précisiez votre pensée à ce sujet.

M. Ponto: Ce que nous disons, c'est que s'il faut créer un fonds de réserve pour appuyer une partie de ces mesures, ce fonds devrait être constitué par les personnes qui font appel au programme.

M. Macklin: Je vais être un peu plus précis. Vous avez raison de dire que nous prévoyons qu'on demandera d'élargir un peu le principe des transactions au comptant, et nous affirmons que les achats au comptant nous semblent présenter des menaces très réelles au maintien et à la rentabilité du système de mise en commun et que, par conséquent, il faudrait y recourir, comme on le suggérait au départ, quand la Commission du blé a demandé cette disposition, seulement pour l'orge fourragère, dans des circonstances exceptionnelles, et pour offrir la possibilité de vendre à terme une partie de la récolte. Toutefois, recourir aux prix à terme n'équivaut pas à vendre au comptant un quart de la récolte de blé.

De deux choses l'une. Ou vous avez un monopole ou vous n'en avez pas. Si vous vendez 25 p. 100 de la récolte de blé sur le marché pour faire concurrence à 75 p. 100 de cette même récolte, vous n'avez plus de système de vente à guichet unique et vous ne pouvez plus espérer les avantages que donne la vente à guichet unique. On ne peut pas avoir les deux. Ces deux systèmes ne sont pas complémentaires. Il faut choisir. Soit que l'on aura un monopole, soit que l'on n'aura pas de monopole.

Le sénateur Hays: Je comprends. Je ne vais pas aller plus loin. J'ai deux ou trois autres questions à poser. Je crois que vous avez répondu à la question au sujet de l'avance versée sur le certificat qui représente le paiement final ou révisé.

Est-ce que vous avez des commentaires à faire sur la façon dont cela influerait sur le paiement anticipé dans le cas du stockage des grains? Est-ce que vous le concevez comme un élément d'une telle initiative? Est-ce une avance garantie par le gouvernement, assurée par les grains stockés? Vous ne parlez pas du grain en stock mais bien du grain vendu. Ce grain a une valeur indéterminée, et vous voulez vous en servir pour garantir un emprunt. Est-ce que l'on ne pourrait pas inscrire cette possibilité dans un programme comme le paiement anticipé des céréales, ce qui vaut mieux que de négocier un certificat?

Je ne vois vraiment pas pourquoi le projet de loi ou les modalités selon lesquelles la commission délivre des certificats interdiraient d'utiliser les certificats comme garantie d'emprunt.

M. Ponto: Nous parlons de deux choses distinctes ici: les certificats négociables des producteurs et le fait de pouvoir obtenir une avance sur la valeur de la récolte. S'il est possible d'emprunter ou d'obtenir une avance sur la valeur de la récolte, les certificats négociables deviennent redondants, et c'est ce que nous souhaitons. S'il peut emprunter un montant équivalent, le producteur n'a aucune raison d'utiliser un instrument escompté qui l'exclut de la mise en commun.

M. Nicholson: Si j'ai bien compris, vous faisiez allusion à la possibilité d'un programme d'avances en espèces et au fait que cette avance sur la valeur de la récolte mise en commun constituerait un programme. J'aimerais faire une distinction. Le programme d'avances en espèces offre des sommes bien inférieures à la pleine valeur du grain stocké dans l'exploitation agricole, et il pourrait s'agir de toute la récolte, que l'agriculteur met en garantie. L'avance de mise de fonds sur le compte de mise en commun serait une avance sur le grain déjà vendu. Tout emprunt effectué par l'agriculteur en vertu du programme d'avances en espèces aurait été déduit au moment de la vente. Le programme d'avance de mise de fonds pourrait être offert au moment où l'agriculteur n'a livré que la moitié de son grain pour l'année, alors il s'agit d'une avance sur diverses quantités de grain, et l'autre programme entrerait en ligne de compte.

Le sénateur Hays: Je comprends. C'est une façon d'aider les céréaliculteurs à toucher une partie de la valeur non réalisée qu'ils ont, soit parce qu'ils ont du grain qu'ils ne peuvent vendre ou choisissent de ne pas vendre, soit parce qu'ils ont vendu du grain et, en attendant un paiement final ou révisé, ils aimeraient utiliser immédiatement cet argent pour poursuivre leurs activités. Vous ne croyez pas que les deux programmes devraient être liés, et je partage votre avis.

M. Macklin: Il s'agit de deux programmes bien différents. Le programme gouvernemental d'avances en espèces s'applique à toutes les récoltes, dans toutes les régions du Canada. Il découle d'une loi distincte, d'une loi différente. Il fonctionnerait en vertu de la Loi sur la Commission canadienne du blé. Il serait spécifique à la Commission canadienne du blé, et il serait spécifique aux grains qui relèvent de la Commission canadienne du blé. Si, de fait, cet amendement peut être apporté au projet de loi C-4, il facilitera les mouvements de trésorerie et il sera beaucoup plus facile à administrer pour la Commission du blé qu'un paiement en argent effectué par le syndicat de producteurs ou l'émission de certificats négociables. Nous pensons simplement que cette façon de procéder est beaucoup plus simple, beaucoup moins risquée, et spécifique à la Loi sur la Commission canadienne du blé.

Le sénateur Hays: Ma dernière question porte sur le fonds de réserve. Je crois comprendre que l'idée vous déplaît. Je ne l'aime pas non plus, en tant qu'agriculteur. Toutefois, le gouvernement voit les choses sous un angle un peu différent aujourd'hui que par le passé. Il ne veut pas assumer une aussi grande part du risque et, pour s'acquitter de ses responsabilités financières, il veut avoir les outils nécessaires pour afficher en permanence un bilan positif. C'est, à ce qu'il me semble, la raison d'être de ce fonds de réserve.

J'imagine qu'on pourrait aussi décider d'imputer aux rendements futurs des comptes céréaliers les éventuels déficits attribuables à la garantie gouvernementale. Dans la situation actuelle, le gouvernement absorbe simplement la perte, et les personnes qui ont touché un paiement final en bénéficient, car le gouvernement n'exige pas de remboursement.

Si le gouvernement exigeait un remboursement et imputait les périodes de mise en commun à venir ou facturait les particuliers, est-ce que cette approche serait préférable à la précaution que constitue l'établissement d'un fonds de réserve, un moyen d'éviter l'endettement en cas de perte dans un compte? Est-ce que cela vous plaît ainsi?

M. Macklin: Les agriculteurs de l'Ouest du Canada assument des risques importants en raison de divers facteurs -- le temps, les marchés et la politique gouvernementale des pays qui nous font concurrence. Il n'y a eu que deux ou trois pertes dans les comptes de mise en commun depuis la création de la Commission canadienne du blé. Ces pertes, dans la plupart des cas, découlaient de la politique gouvernementale de nos compétiteurs -- par exemple, pour stimuler les exportations, les États-Unis ont adopté un programme qui ne permettait pas de prédire qu'ils offriraient une si importante prime aux exportations et que, par conséquent, les prix mondiaux chuteraient.

Si les agriculteurs doivent assumer tous les risques liés à tous les aspects des politiques gouvernementales à l'étranger, nous croyons qu'on leur en demande un peu trop. En raison de la bonne tenue des comptes de mise en commun, de la responsabilité financière assumée par la Commission canadienne du blé et du fait que les comptes de mise en commun n'ont jamais subi de perte attribuable à la révision des prix initiaux, nous croyons qu'il est tout à fait raisonnable que le gouvernement fédéral continue d'offrir ces garanties. Nous croyons par contre qu'il est déraisonnable de sa part de s'attendre à ce que les agriculteurs versent une contribution. Les seuls chiffres que nous avons pu obtenir à ce sujet indiquent que ce fonds pourrait s'élever à 600 millions de dollars, et que vous pourriez envisager des contributions de un dollar ou de cinq dollars la tonne pour le constituer. Ce fardeau sera fort lourd pour les producteurs et n'aidera pas la cause de la Commission canadienne du blé ou du gouvernement fédéral auprès des agriculteurs de l'Ouest canadien.

Le sénateur Hays: C'est la raison pour laquelle je propose de ne pas créer de fonds de réserve mais, en cas de déficit, d'envisager d'imputer ultérieurement les frais à ceux qui reçoivent un paiement initial ou révisé. Est-ce que les mêmes arguments s'appliquent tous à cette situation?

M. Macklin: Si nous adoptons une loi qui permet les prêts garantis par le prix final, réalisé, cela réduira les problèmes de trésorerie. Le gouvernement et la Commission canadienne du blé pourraient continuer à faire preuve de prudence lorsqu'ils fixent les prix initiaux et les prix initiaux révisés, parce que les agriculteurs seront en mesure d'emprunter sur la valeur de ce qu'ils ont. De fait, s'ils touchent un prêt supérieur à la valeur de la récolte, il existe des mécanismes permettant de recouvrer cet argent dans les années ultérieures, lors des livraisons à la commission.

Nous ne voyons pas la nécessité d'un fonds de réserve et nous croyons que le gouvernement devrait assumer une certaine part de cet élément de risque sur le marché international, car nous reconnaissons tous que le blé est une question politique et que les gouvernements étrangers, quels que soient les accords commerciaux, appuieront les producteurs de leur pays pour des raisons internes.

Le sénateur St. Germain: Il y a un paiement initial, un paiement initial révisé et un paiement final. Est-ce exact?

M. Harder: Le prix initial est toujours fixé au début de la campagne agricole. Il s'agit généralement d'un prix assez prudent. Les prix révisés sont entièrement liés à l'évolution du marché au cours de l'année.

Il y a deux ans, lorsque les prix du blé étaient élevés, nous avons reçu un prix révisé record. Nous ne cessions de recevoir des chèques par la poste. Les prix du blé montaient, et la commission a réagi très rapidement. Nous avons sans doute eu droit à trois ou quatre révisions au cours de cette année-là.

L'un des avantages du producteur, par contre, est que lorsque le prix initial est fixé -- et c'est la raison pour laquelle il est si prudent -- il ne peut pas être réduit. Il ne peut évoluer que d'une façon, et c'est à la hausse. Le prix initial est fixé, et il constitue notre garantie.

Le président: Je voudrais poser une question au sujet du fonds de réserve. J'ai posé une question au Sénat quant au montant qui est dû à la Commission canadienne du blé, et on m'a répondu très rapidement il y a deux semaines. Ce montant est de 6,6 milliards de dollars. Si les agriculteurs devaient payer cette facture, toute une campagne agricole y passerait.

Nous avons vécu le débat sur le prix du transport. Il faut tenir compte d'autres pressions également. C'est la raison pour laquelle on s'inquiète, à mon avis, du fonds de réserve, parce que c'est une nouveauté.

J'ai lu hier soir au sujet de la Commission australienne du blé et de la façon dont elle traite son propre fonds de réserve, qui semble être le prototype de ce qui s'annonce ici. Avez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Macklin: Premièrement, au sujet de la dette internationale envers la Commission canadienne du blé, cette dette est garantie par le gouvernement du Canada. Elle a été autorisée par le gouvernement du Canada, dans bien des cas pour des raisons de politique étrangère plutôt que pour des raisons de marché. D'après ce que je sais, ce programme est offert aux exportateurs de nombreux produits au Canada. Le gouvernement assume une partie du risque que présente la vente à divers pays. Je suppose que cela serait la même chose pour l'énergie atomique au Canada, pour le blé et pour bien d'autres produits.

En tant que producteurs, parce que nous avons les garanties du gouvernement fédéral sur les prêts de la Commission canadienne du blé et parce que la Commission canadienne du blé touche les intérêts de cette dette de pays comme la Pologne et la Russie, il y a un supplément qui alimente les comptes de mise en commun. L'an dernier, ce supplément s'établissait à 79 millions de dollars. C'est un avantage pour les agriculteurs de l'Ouest du Canada en raison du lien qu'ils ont établi avec le gouvernement et avec la cote de crédit du gouvernement. Nous reconnaissons qu'il s'agit d'un avantage notable, et nous voulons maintenir ce lien. Nous croyons qu'il est bénéfique pour les producteurs et pour le Canada.

Lorsque des concurrents comme les États-Unis sont disposés à accorder des crédits à l'exportation, parfois à des conditions beaucoup plus favorables qu'au Canada, le gouvernement du Canada doit créer un climat qui nous permet de nous maintenir sur le marché.

Vous avez mentionné le fonds de réserve de l'Australie. En Australie, on l'appelle le fonds de l'industrie du blé. Il contient de 500 à 600 millions de dollars australiens. Il sert non seulement à garantir une partie des transactions au comptant et des propositions de paiement, mais aussi comme fonds d'investissement pour le développement des marchés.

Lorsque la Commission canadienne du blé a proposé au gouvernement, il y a plus de deux ans, certains des changements qu'elle aurait aimé voir figurer dans la loi, ces propositions portaient sur un fonds qui pourrait être utilisé à des fins de développement des marchés, peut-être par exemple pour aller dans un pays étranger et mettre en place des installations dans une minoterie pour contribuer à développer un marché pour le blé canadien. Ce projet de loi ne prévoit rien de tel. Il ne prévoit que le fait que le gouvernement se déchargera de sa part du risque sur le dos des agriculteurs. C'est le but du fonds de réserve.

Le coût assumé par le gouvernement est infime. Il y a un certain risque. Si les agriculteurs doivent assumer entièrement ce risque, le coût qu'ils devront supporter sera plutôt lourd.

Le sénateur St. Germain: M. Harder a affirmé que le gouvernement avait dû payer à trois reprises. Connaissez-vous les montants?

M. Harder: Non. Je sais que l'un de ces cas, le cas le plus récent, était lié au commerce avec les États-Unis. C'était à l'époque où Charlie Mayer était ministre. Les Américains poussaient le prix du blé sous le prix mondial.

Je dois admettre qu'il n'y a jamais eu aucune ingérence de la part du gouvernement, et la commission a continué à commercialiser le blé sur ces marchés. Je ne me souviens pas des autres cas.

M. Macklin: L'un de ces cas était lorsque l'avoine a été exclue du mandat de la Commission sans préavis. La Commission avait encore des stocks non vendus et ne pouvait plus recourir à la vente à guichet unique. Par conséquent, elle ne pouvait plus toucher les suppléments, ce qui a perturbé son processus de planification. Nous avons accusé une perte dans le syndicat de l'avoine cette année-là. Je crois que l'autre cas était lié aux programmes de subvention; je ne suis pas certain.

Le président: Qu'est-il arrivé au prix de l'avoine?

M. Harder: Il est tombé.

Le président: Pas dans mon exploitation.

L'intervention de la Commission du blé de l'Ontario au cours des deux dernières semaines permet maintenant à un agriculteur ontarien de commercialiser son blé directement aux États-Unis. Cet agriculteur doit peut-être obtenir une autorisation de la Commission canadienne du blé, mais les agriculteurs de l'Ouest demandent l'équité.

M. Macklin: Je n'ai pas pu assister à la rencontre des 4 et 5 mars de la Commission de commercialisation des producteurs de blé de l'Ontario, mais j'ai reçu un rapport sur ce qui s'y est passé.

À titre de comité consultatif, nous n'avons publié ni déclaration ni commentaire au sujet de cette décision, parce que de nombreux détails doivent être bien compris avant que l'on puisse faire des hypothèses sur ce qui s'est produit.

D'après ce que je sais, le producteur ontarien sera en mesure de choisir entre participer au système de la Commission canadienne du blé et aux ventes nationales à des producteurs canadiens, ce qui constitue le gros du marché, ou aller sur le marché américain et être exclu du processus de mise en commun sur le marché national. Cela touche le blé d'automne. L'agriculteur doit prendre une décision au sujet du blé d'automne en novembre, c'est-à-dire à peu près un mois après avoir planté, et cette décision vaut pour la campagne agricole à venir. Il ne s'agit pas seulement de choisir un marché ou l'autre. Le producteur doit faire un choix et s'y tenir. Il sera exclu du marché national, qui est le marché où la plupart des suppléments sont versés.

Le président: Cela nous amène à la question du choix des producteurs de blé dur des Prairies, en particulier le long de la frontière, par exemple, où le supplément versé aux États-Unis a été élevé.

M. Macklin: Je conviens que la décision prise par les délégués de la Commission de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario aura des ramifications politiques. Je connais mal les mécanismes que la Commission canadienne du blé et la Commission de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario devront peut-être mettre en place pour régler la question des permis d'exportation. Tant que nous ne saurons pas de quelle façon ce mécanisme peut être adapté, je ne souhaite pas trop m'avancer quant à ce qui est sur le point de se produire. Je connais mal la question.

Le président: D'après ce que je sais, il suffira d'un permis de la Commission canadienne du blé. En fait, la Commission du blé de l'Ontario s'en est déjà prévalue.

M. Macklin: Nous devrons voir quels mécanismes jouent dans cette situation, car il est trop tôt pour dire quoi que ce soit de définitif au sujet de la façon dont cela se fera.

Le sénateur Hays: Le sénateur Gustafson, notre président, a une exploitation agricole dans les environs de Macoun et il surveille les prix des céréales là-bas régulièrement. Il surveille aussi les prix à Crosby, dans le Dakota du Nord, et les prix sont toujours plus élevés à Crosby. Pourquoi la Commission du blé ne vend-elle pas tout son blé dur à Crosby? Je ne sais pas quelle est la capacité là-bas, mais il est évident que le prix est plus élevé à ce point de livraison. Vous pourriez peut-être nous dire un mot de cela.

M. Macklin: Je ne suis pas un spécialiste des prix. Toutefois, j'écoute avec grande attention ce que les représentants de la Commission canadienne du blé nous disent lors de nos rencontres mensuelles régulières. Je crois qu'ils nous donnent une information valable et honnête. Je n'ai jamais relevé aucune contradiction au fil des ans dans les renseignements qu'ils nous fournissent.

D'après ce que nous savons, le personnel de la commercialisation de la Commission canadienne du blé surveille les prix dans le monde entier et dirige le produit vers le marché le plus avantageux, compte tenu des frais de transport et du prix du marché. Parfois, le marché américain n'est pas du tout intéressant. L'Arabie Saoudite peut être un marché intéressant pour l'orge fourragère à un moment précis, mais à d'autres moments c'est le nord-ouest du Pacifique.

Les États-Unis représentent généralement un marché intéressant pour le blé dur canadien, mais il nous est souvent arrivé de faire plus de profit en vendant notre blé à l'Algérie. Le prix américain, pour une raison ou pour une autre, est peut-être plus élevé que le prix subventionné au Canada, mais ce n'est pas nécessairement le marché le plus avantageux. En règle générale, les agriculteurs ne perçoivent pas la situation mondiale dans son ensemble; ils voient ce qu'ils ont dans leur exploitation et ce qui se passe de l'autre côté de la frontière.

La Commission du blé a surveillé de près les prix américains. Franchement, ce qui est affiché à un élévateur américain pour le blé dur est parfois fort différent de ce que le producteur touchera s'il livre un chargement de l'autre côté de la frontière. Dans certains cas, ces prix annoncés outre-frontière sont des attrape-nigauds.

Le sénateur Hays: Les agriculteurs et les parlementaires vous sont reconnaissants des efforts que vous avez déployés au nom des groupes que vous représentez. Vous êtes élu et vous n'êtes guère rémunéré pour vos efforts. C'est un peu comme d'être un politicien. Je suis certain que vous essuyez de nombreuses critiques de certains secteurs.

Vous avez donné une bonne réponse, mais j'aimerais savoir si, quand vous conseillez la Commission canadienne du blé, vous attirez l'attention des responsables sur le fait que la commission ne semble pas toujours profiter du meilleur prix.

Le président: Dans le cas du blé dur, il y a l'expérience de première main des agriculteurs qui détiennent un certificat de la Commission du blé pour livrer outre-frontière. Mon fils a livré quelques chargements aux États-Unis. Je lui ai dit que, quoi qu'il fasse, cela devait être légal, et c'est ce qu'il a fait. À l'époque, je crois que le blé dur valait environ sept dollars. Il a reçu un chèque de sept dollars le boisseau que lui a posté la Commission du blé, puis il a reçu un autre chèque de trois dollars et quelques cents. Il a déclaré que c'était la dernière fois qu'il procédait ainsi. On lui a indiqué que le reste de l'argent irait au syndicat. Évidemment, le syndicat arrive et vous touchez environ un dollar le boisseau. C'est pourquoi on s'inquiète un peu.

J'ai effectué quelques recherches dans la bibliothèque du Parlement au sujet du blé dur. Je suis d'avis que le blé dur deviendra une culture importante. L'Algérie est le plus gros acheteur. L'Italie vient au second rang et les États-Unis, au troisième rang.

Toutefois, ce qui compte, c'est que tous ces pays ont de l'argent. L'un de nos problèmes dans le cas du blé dur vient de ce que de nombreux pays acheteurs de blé dur n'ont pas d'argent pour le payer. Je crois que c'est un grave problème.

La plus grande partie du blé, en raison du climat, est cultivé le long du 49e parallèle.

M. Macklin: Jusqu'à il y a quelques années, une grande partie du commerce mondial du blé dur se faisait en espèces. En raison de l'instabilité récente des marchés monétaires asiatiques, nous assisterons à une inversion, il y aura plus de ventes à crédit parce que certains de ces pays auront de la difficulté à réunir les sommes nécessaires. Un fort pourcentage du commerce s'est effectué au comptant ces dernières années.

Pour ce qui est de la production, le Canada et les États-Unis sont les principaux producteurs de blé dur au monde. À eux deux, ils contrôlent sans doute 70 p. 100 des exportations mondiales de blé dur. Si nous pouvions obtenir la collaboration des Américains, nous serions en mesure de faire quelque chose qui bénéficierait aussi bien aux producteurs canadiens qu'aux producteurs américains.

M. Harder: Le gouverneur du Dakota du Nord a proposé de commercialiser avec nous le blé dur. Je crois qu'un document a été publié à ce sujet.

Vous avez mentionné que certains des pays auxquels nous vendons du blé ne sont pas stables sur le plan financier, et cela ne fait que souligner l'avantage de la commercialisation par la commission. Les agriculteurs semblent croire que s'ils avaient leur propre organisation de commercialisation, ils vendraient toujours aux personnes qui ont de l'argent et que les autres agriculteurs feraient le reste. Cela fait simplement valoir l'importance de confier la commercialisation à la commission.

Nous aussi, nous avons un élévateur dans le Dakota du Nord qui offre toujours des prix bien supérieurs à ceux des autres élévateurs américains. Nous avons demandé aux responsables pourquoi ils agissaient ainsi, et ils nous ont répondu qu'on leur téléphonait de partout et qu'ils découvraient ainsi qui avait du grain. C'est un outil de commercialisation pour cette entreprise de stockage de grain.

En ce qui concerne le prix de rachat, en 1993, quand la Commission a été si sévèrement critiquée, un producteur de ma connaissance a pris la peine de remplir toutes les formalités pour acheter par l'entremise de la Commission. Il a touché un paiement de la Commission du blé et s'en est très bien tiré.

Pour le blé dur, les producteurs n'ont pas trop mal réussi au cours de la dernière année grâce à la Commission canadienne du blé, et ils continueront de le faire.

M. Macklin: Nous ne sommes pas ici à titre de comité consultatif pour défendre la Commission canadienne du blé. Si la Commission canadienne du blé ne peut pas donner les avantages que nous, producteurs, avons toujours reçus au fil des ans, je serai le premier à la critiquer.

Notre discussion sur ces questions se fait du point de vue de ce qui est bon pour les collectivités agricoles et pour nos exploitations agricoles et de ce qui profitera aux producteurs de l'Ouest du Canada.

À l'heure actuelle, la Commission canadienne du blé, à notre avis, a réussi à nous offrir des avantages notables. L'inquiétude que le projet de loi suscite pour nous, s'il est adopté tel quel, est que la capacité de fournir concrètement ces avantages sera réduite. Nous aimerions que le Sénat apporte quelques modifications afin que la Loi régissant la Commission canadienne du blé, lorsqu'elle sera finalement adoptée, continue d'offrir à la communauté agricole de l'Ouest le genre de suppléments et d'équité dont nous avons toujours bénéficié par le passé.

Le président: C'est tout à fait raisonnable.

Il y a très peu d'agriculteurs qui n'appuient pas la Commission canadienne du blé. Toutefois, la plupart des agriculteurs ou nombre d'entre eux veulent qu'elle leur offre plus de choix. C'est là toute la différence. Est-ce que nous aurons plus de choix ou pas? Est-ce que nous serons en mesure de relever les défis de l'avenir dans un marché mondial?

Je peux compter sur les doigts de la main le nombre d'agriculteurs qui diraient qu'ils ne veulent pas de la Commission canadienne du blé, mais ils veulent plus de choix.

Je veux vous remercier de l'exposé détaillé que vous nous avez présenté ce matin. Au nom de tous les sénateurs, je vous remercie d'être venu. Nous avons votre mémoire et nous le remettrons à la greffière.

M. Macklin: Au nom du comité consultatif, nous vous remercions infiniment de nous avoir donné l'occasion de vous présenter notre point de vue et nous vous souhaitons bonne chance dans vos délibérations et quand vous tiendrez des audiences dans l'Ouest.

Le président: Notre témoin suivant est M. Philip de Kemp.

Bienvenue. Veuillez commencer.

M. Philip de Kemp, président, Malting Industry Association of Canada: Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux de venir témoigner devant vous aujourd'hui. Notre industrie représente l'aspect valeur ajoutée de la production. La dernière fois que nous avons comparu devant le comité de l'agriculture, nous étions en compagnie de témoins des banques, des minoteries et de la pasterie. Nous avions tous les mêmes préoccupations et nous avions chacun 20 minutes pour présenter nos exposés, y compris la période de questions.

Nous avons comparu une deuxième fois après les élections. Nous étions alors en compagnie des producteurs canadiens d'oléagineux. Nous avions environ une heure en tout, et le sujet de l'inclusion-exclusion a occupé la plus grande partie de la période de questions.

Je comparais aujourd'hui au nom de l'industrie du maltage, mais les questions que j'aborderai ont été soulevées préalablement par d'autres représentants des industries à valeur ajoutée.

Je veux vous soumettre deux points, et je ne crois pas qu'ils soient du tout secondaires. Il est simplement logique d'établir des freins et contre-poids dans le système, de reconnaître les avantages inhérents du côté valeur ajoutée de l'industrie, en particulier dans le cas du maltage.

Nous voulons vous parler de ces aspects qui nous semblent extrêmement importants et absolument nécessaires pour refléter et, surtout, reconnaître ce que je crois être un consensus naturel général quant à la nécessité de promouvoir et d'élargir le secteur de la transformation alimentaire à valeur ajoutée.

Au fil des ans, nous avons tous entendu parler de l'importance de la transformation à valeur ajoutée pour l'économie et pour les producteurs. Par conséquent, ce que nous avons vu au cours des quatre dernières années rend notre industrie extrêmement nerveuse, en particulier parce que nous ne sommes pas du tout certains que le vent ne va pas tourner, qu'il s'agisse de la commercialisation de l'orge ou des questions de régie interne. Le résultat final ne semble guère assuré.

L'industrie du maltage au Canada est composée de quatre sociétés: la Canada Malting, qui exploite des installations à Calgary, à Thunder Bay et à Montréal; la Prairie Malt à Biggar (Saskatchewan); la Dominion Malting, à Winnipeg; la Westcan, une entreprise qui existe depuis à peu près trois ans, à Alex (Alberta).

Jusqu'à il y a environ un an, une bonne partie de l'industrie était possédée par des Canadiens. Cette situation a maintenant bien changé. La Canada Malting était la plus importante entreprise de maltage au monde. Elle est maintenant possédée à 50 p. 100 par la ConAgra et à 50 p. 100 par la Tiger Oats, une brasserie d'Afrique du Sud. La Westcan est maintenant la propriété de la Rahr, une entreprise de maltage américaine. La Dominion, à Winnipeg, est possédée à parts égales par ADM et une entreprise japonaise. La Prairie Malt appartenait à 51 p. 100 à la Schrier, des États-Unis, et à 45 p. 100 à la Saskatchewan Wheat Pool; le reste des actions étaient détenues par les employés. Un intérêt de 51 p. 100 a récemment été acheté par la Cargill, ce qui a étonné tout le monde.

Le sénateur Rossiter: Qui possède le reste de la Prairie Malt?

M. de Kemp: La Cargill possède 51 p. 100 de l'entreprise, la Saskatchewan Wheat Pool, environ 44 p. 100, et le reste est détenu par les employés.

À l'heure actuelle, 70 p. 100 de l'orge cultivée dans l'Ouest du Canada est de l'orge brassicole; c'est-à-dire de l'orge qui peut être transformée en malt que l'on vend aux brasseurs au pays ou à l'étranger. Ce que l'on ne peut pas utiliser pour le maltage en raison des normes très strictes qu'imposent nos clients est vendu comme fourrage.

J'ai entendu bien des débats ce matin au sujet de la commercialisation. Notre industrie a toujours soutenu que l'on adhérait au système ou pas; que l'orge soit entièrement commercialisée par la commission ou qu'elle ne le soit pas du tout. L'approche continentale ne donne pas de bons résultats. Quand nous avons un surplus d'orge brassicole, nous pourrions le vendre à quelqu'un d'autre. Vous ne pouvez pas distinguer à l'oeil nu entre l'orge de brasserie et l'orge fourragère. Si nous n'en achetons pas plus, c'est simplement que nous ne pouvons pas en utiliser plus. Cette orge est encore utilisable.

Par conséquent, si nous avons un double système de commercialisation, le produit pourrait aller au sud de la frontière au prix de l'orge fourragère, être malté puis vendu à l'étranger à nos clients.

Le président: Quel pourcentage de la production totale de l'orge achetez-vous pour le maltage?

M. de Kemp: Environ 12,5 millions de tonnes de l'orge sont actuellement produites dans l'Ouest du Canada. Environ 2,2 millions de tonnes de cette orge sont retenues comme orge brassicole. De ce 2,2 millions de tonnes, nous achetons plus d'un million de tonnes. Environ 45 p. 100 de cette quantité est utilisée au pays. La plus grande partie est vendue à l'exportation. La Saskatchewan Wheat Pool a mis au point une variété d'orge à six rangs qui est vendue en vertu d'un contrat avec Coors et Anhauser-Busch, aux États-UNis. Les autres 600 000 tonnes sont achetées par la Commission. Nous en achetons environ 40 p. 100. Je n'oserais pas avancer les quantités que la commission commercialise elle-même, mais je dirais que de 80 à 90 p. 100 sont destinés à un seul client, la Chine.

Idéalement, nous pourrions en traiter beaucoup plus. À l'exportation, l'industrie a investi suivant ces principes au cours des dix dernières années. Il y a dix ans, nous n'exportions qu'environ 40 000 tonnes. Depuis, nous avons consacré près de 300 millions de dollars à construire de nouvelles usines, à élargir la capacité de culture, et cetera, et nous exportons maintenant 600 000 tonnes. Nous sommes le deuxième exportateur de malt au monde, seule l'Union européenne nous précède.

Le sénateur St. Germain: Quelle est la différence de prix entre l'orge brassicole et l'orge fourragère?

M. de Kemp: Cela pourrait être de 60 à 100 $ la tonne, pour une année donnée. Dans bien des cas, l'orge pourrait servir d'orge brassicole, mais nous ne pouvons pas l'acheter faute de capacité. C'est la raison pour laquelle nous avons accru notre capacité. Dans certaines circonstances, si nous pouvions prendre des décisions rapidement avec la collaboration de la commission, c'est-à-dire veiller à ce que les prix soient compétitifs et agir rapidement, nous pourrions en profiter. C'est en partie la raison pour laquelle je suis venu ici aujourd'hui.

La Loi sur la Commission canadienne du blé est l'une des lois les plus solides jamais rédigées par le gouvernement du Canada. Elle est en place depuis 60 ans. Quand la première loi est entrée en vigueur, l'article 7.1 prévoyait que la commission devait vendre et écouler le grain dont elle s'était portée acquéreur au prix qu'elle estimait de nature à encourager la vente du grain canadien sur le marché mondial. Il y a 60 ans, il n'y avait pas de valeur ajoutée; il n'y avait pas d'exportation de farine ni d'exportation de malt. Il s'agissait essentiellement d'une industrie nationale.

Nous croyons qu'il conviendrait maintenant de reconnaître que la valeur ajoutée produit des retombées économiques et qu'une plus grande quantité de grain devrait être vendue sous forme de produit transformé. Nous cherchons à convaincre le ministère de l'Agriculture de reconnaître les produits à valeur ajoutée dans la loi en modifiant le libellé pour indiquer que ces produits devraient être vendus à des prix considérés raisonnables et concurrentiels. Notre objectif n'est pas seulement de promouvoir la vente de grain. Parce que nous devons acheter de la commission, de façon inhérente, nous ne pouvons pas vendre à l'étranger à moins d'obtenir un prix compétitif.

Il y a deux questions que nous aimerions vous soumettre. C'est tout ce que nous demandons dans le premier cas. Si nous ne pouvons pas continuer à travailler avec la Commission dans ce dossier, rien ne se produira. En attendant de comparaître aujourd'hui, je me sentais un peu nerveux au sujet de quelques commentaires que j'ai entendus de la part du comité consultatif de la Commission du blé. Cela se rapporte au deuxième point que nous avons traité dans notre document, quelque chose qui n'y était pas il y a 48 heures. Il y a une bonne raison pour cela, et maintenant cela s'y trouve. Cela faisait partie de l'exposé présenté au comité de la Chambre des communes chargé de l'agriculture au sujet de la direction et de la reddition de comptes.

L'industrie à valeur ajoutée, certainement l'industrie du maltage, a toujours affirmé: regardez, nous avons travaillé en étroite collaboration à ce sujet, mais lorsque nous voyons la loi, elle n'inspire aucune confiance à nos entreprises. Elle ne fait pas de distinction entre les sociétés canadiennes et les autres. Certaines personnes en veulent aux multinationales. S'il est possible que la majorité des membres de la Commission soient nommés par les producteurs -- et c'est très bien, c'est leur secteur -- , il faut rétablir l'équilibre quelque part.

J'ai écrit ces mots; si je ne les ai pas entendus une douzaine de fois, je ne les ai jamais entendus: la Commission canadienne du blé a pour mandat d'optimiser le rendement pour les producteurs. Cela n'est écrit nulle part dans la loi. Cela ne l'a jamais été. Si vous examinez toute l'histoire de la Commission, la Commission existe pour une bonne raison -- pour la mise en commun, pour permettre à tous les agriculteurs de profiter collectivement et équitablement des occasions qui s'offrent dans les trois provinces des Prairies.

J'ai entendu aujourd'hui le mot «supplément» prononcé à de nombreuses reprises. Quelqu'un a dit que l'on devrait peut-être s'associer aux États-Unis pour discuter du blé dur, pour voir si l'on peut obtenir un meilleur prix. Il ne me semble pas que l'on parle alors de compétitivité. Cela me paraît plutôt une position de monopole afin de pratiquement extorquer des prix plus élevés.

C'est ce qui me rend nerveux. Certainement, l'industrie et les dirigeants le font. L'obligation de rendre compte, c'est très bien, mais est-ce que cela ne risque pas d'influer sur la compétitivité? Que se passerait-il si, pour une raison quelconque, le conseil d'administration se mêlait des activités quotidiennes d'établissement des prix? Les administrateurs n'ont aucune expérience des méthodes de commercialisation ou de détermination de la valeur, ils ne connaissent absolument rien à la façon dont les transactions se font et dont le commerce se développe. Que se passerait-il s'ils ordonnaient à la commission d'exiger un prix donné, quels que soient les cours, parce que les prix mondiaux chutent et que l'on veut ce prix et rien d'autre?

Cela nous rend un peu nerveux, certainement. Il y a bien des exemples que je pourrais vous donner non seulement dans notre industrie, mais aussi dans d'autres secteurs où la chose s'est produite par le passé.

En ce qui concerne la direction et la reddition de comptes, nous disons tout simplement qu'il nous faut -- et nous n'avons entendu personne proposer d'arguments contraires -- un organisme d'arbitrage, un ombudsman des entreprises de transformation, que ce soit les minoteries, la boulangerie ou la pasterie. Nous avons besoin d'un organisme qui peut examiner toute orientation susceptible d'influer sur notre compétitivité. Une grande partie de notre production est exportée, alors nous avons besoin d'une instance vers qui nous pourrons nous tourner pour obtenir des réponses si une orientation défavorable est adoptée et pour discuter de réparations ou d'aménagements. La loi ne nous offre pas cette possibilité.

Par le passé, quand nous avions des inquiétudes, nous pouvions nous adresser au ministère ou au ministre. Nous pouvions exercer certaines pressions morales pour demander aux administrateurs ce qui se passait vraiment. Cela disparaîtra à l'avenir.

Je connais M. Macklin depuis longtemps. Il a déclaré ce matin que le comité consultatif souhaitait éliminer les directeurs généraux du conseil et ajouter un onzième agriculteur. C'est peut-être parce qu'il existe des conflits même dans le groupe des agriculteurs. Nous avons vu à quel point la communauté agricole et le comité consultatif étaient politisés.

Le comité consultatif veut pouvoir discuter à huis clos et entériner et approuver les nominations qui ne sont pas faites par les agriculteurs. Notre industrie et pratiquement tous les intervenants ont exercé des pressions pour que nous ayons droit de parole à cette tribune, si la situation évolue. Nos membres connaissent bien la commercialisation, les aspects juridiques et la gestion de très grandes sociétés valant des millions de dollars.

Cela contredit le commentaire de M. Macklin, qui affirmait que les agriculteurs voulaient veiller à ce que les personnes nommées aient les compétences et l'expérience nécessaires. Est-ce que les agriculteurs ont l'expérience de la gestion du contentieux, des sociétés valant des millions de dollars et de la commercialisation? Cela nous inquiète d'entendre de telles affirmations. Nous n'avons aucune difficulté en ce qui concerne la majorité, à condition qu'il soit possible d'au moins parler à quelqu'un.

Lorsque la gestion de l'offre a été adoptée, il y a bien des années, on reconnaissait la préoccupation du gouvernement fédéral qui craignait qu'une grande partie du pouvoir soit donnée à des groupes de producteurs pour gérer l'offre. Si l'on relevait des écarts, que ce soit dans les quotas ou dans l'établissement des prix, le transformateur pouvait au moins demander un examen. À l'échelon fédéral, nous avions le Conseil national de commercialisation des produits agricoles. Les producteurs n'obtenaient peut-être pas ce qu'ils voulaient, mais ils étaient en mesure de faire revoir les dossiers en temps opportun.

À l'échelon provincial, le seul organisme de résolution de conflits se trouve dans la province de l'Ontario, c'est la Commission d'appel pour les produits agricoles. S'il y a un différend entre les membres d'un groupe de produits, en particulier s'il s'agit d'un groupe monopolistique et d'un transformateur, la Commission peut intervenir.

En vertu de la Loi sur la Commission canadienne du blé, cette possibilité d'examen disparaît. Nous nous inquiétons de ce que nous entendons aujourd'hui, au sujet de la direction et de la reddition de comptes, du fait que les membres du comité consultatif aient même de la difficulté à accepter un décret. Ils ne veulent pas que le gouvernement puisse utiliser de décret s'il n'approuve pas une orientation donnée par les administrateurs. À mon avis, cela signifie que la Loi sur la Commission canadienne du blé est extrêmement puissante. Elle a survécu jusqu'à maintenant, malgré de nombreuses procédures judiciaires. Quelle autre solution s'offre à notre industrie? Vers qui peut se tourner un groupe minoritaire? À qui pouvons-nous nous adresser pour obtenir de l'aide quand on nous sert des ultimatums?

C'est tout ce que nous demandons. La situation nous a été expliquée au cours des deux dernières années, par écrit, également, mais il y a des conflits. Le ministère de l'Agriculture, quand il donne des conseils au ministre, affirme que nous avons un recours parce que le ministre peut donner des ordres à la commission s'il le juge utile. Cela était expliqué dans une lettre qui nous a été adressée il y a environ une semaine. Par contre, nous avons dans nos dossiers une lettre envoyée par le ministère il y a environ six mois où l'on affirme que tel n'est pas le cas, que le ministre ne peut pas donner d'ordre à qui que ce soit et que ce pouvoir n'est pas prévu par la loi. Ce qui est prévu, c'est un décret.

Je ne peux parler qu'au sujet de notre secteur, de l'industrie du maltage. Tout le malt vendu par un pays quelconque à l'exportation est assujetti à une brève période. Je ne peux rejoindre mes membres pendant environ deux mois parce que tous les prix sont établis au cours d'une période de huit semaines entre le moment où l'orge est mise en marché, vers la fin de septembre, et la fin de novembre. S'il se produit quelque chose d'idiot, si la commission déclare qu'elle peut obtenir «X» dollars de la Chine, et que c'est là qu'elle veut vendre, alors nous devons accepter son prix sans discuter. Nous ne pouvons par réagir. En huit semaines, nous n'avons pas le temps de demander l'intervention du ministre ni d'envisager un décret. Nous ne sommes pas dans la course, et cela s'est produit par le passé quand certains prix ont été fixés.

Nous avons donc besoin de cette possibilité. Si les agriculteurs, qui formeraient la majorité du conseil, s'inquiétaient de cette possibilité, pourquoi s'inquiéteraient-ils que l'on puisse demander une deuxième opinion objective?

Viens s'ajouter à cela le fait que, comme tous le reconnaissent, quand les administrateurs sont nommés au conseil d'une compagnie quelconque, ce n'est pas parce qu'ils ont un intérêt dans cette société. Ils ne travaillent pas pour la société. S'il s'agit de l'industrie des banques, le directeur peut venir de l'industrie des pâtes à papier, alors il n'y a pas de conflit d'intérêts.

Est-ce qu'il y a conflit d'intérêts lorsque les décisions que les agriculteurs prennent au sein du conseil d'administration ont des répercussions sur leurs revenus et sur la façon dont on détermine ce qu'il convient de faire sur le plan de la commercialisation? Cela pourrait fort bien se produire si des producteurs sont nommés au conseil. Sur le plan technique, la responsabilité de fiduciaire des membres d'un conseil d'administration consiste à oublier leurs autres activités professionnelles lorsqu'ils sont en réunion, afin de ne pas créer de conflits d'intérêt. Je ne peux pas croire que cela se produirait ainsi.

L'élection des administrateurs de la commission a donné lieu à une chaude lutte. Si quelqu'un présente un mini-programme portant sur la commercialisation de l'orge ou du blé, on se demande tout de suite s'il veut défendre les intérêts du conseil ou démanteler X, Y et Z. Je crois que vous entendrez des opinions divergentes à ce sujet, selon la province ou la région, pour une large gamme de questions de commercialisation.

Pour en revenir à la direction et à la reddition de comptes, tout ce que nous disons c'est que nous devons avoir la possibilité si, pour une raison quelconque, il se passait quelque chose, de demander au ministre d'intervenir rapidement en affirmant, par exemple: «Eh bien, je suis dans la position d'un ombudsman», ou de pouvoir lui téléphoner et dire: «Réglez cela». C'est ainsi que les choses se passent pour l'arbitrage au football, au base-ball, au basketball et au hockey. La gestion de l'offre prévoit cette possibilité, au moins d'examiner les choses en vertu de la loi. Est-ce que nous n'allons pas avoir cette possibilité pour une société valant six milliards de dollars? Si nous l'obtenons, ce sera par décret, et si l'on en vient là, cela signifie que la question est devenue politique. Elle ne devrait pas être politique. Quelqu'un qui n'a jamais travaillé au sein de l'industrie pourrait déterminer le résultat. Ce n'est que justice. Si les agriculteurs affirment qu'ils n'aiment pas cette façon de procéder, on peut se demander pourquoi. Est-ce parce que nous avons cette nouvelle structure qui s'annonce, une structure dont nous reconnaissons tous l'importance, pour la reddition de comptes et une certaine transparence et pour avoir notre mot à dire dans diverses questions?

Les vrais administrateurs n'interviennent pas et ne passent pas tout leur temps en réunions du conseil d'administration. J'ai entendu M. Macklin affirmer qu'il passerait beaucoup de temps ici. Les administrateurs sont nommés pour établir les politiques et donner une orientation, mais s'ils ne laissent pas leurs propres gestionnaires, c'est-à-dire les fonctionnaires de la Commission canadienne du blé, effectuer les achats, alors je proteste. J'ai entendu cela, je l'ai écrit, à deux reprises ici aujourd'hui.

Si des gens croient que je suis trop prudent ou trop timoré à cet égard, je peux vous donner un exemple parfait de ce qui s'est produit par le passé. Ces incidents sont du domaine public maintenant, mais ils ont influé sur la compétitivité des industries à valeur ajoutée. J'étais au ministère de l'Agriculture à l'époque, quand le double prix du blé est entré en vigueur. Si cela s'est produit, c'est parce que nous avions une frontière fermée, alors ni la farine de blé ni le blé ne pouvaient entrer au pays. Cependant, les producteurs avaient un grave problème de revenu en raison de ce qui se passait sur les marchés mondiaux. Il a été décidé que, pour les besoins du marché national, nous porterions le prix du blé à sept dollars le boisseau, soit près du double du prix mondial, pour les minoteries qui allaient répercuter cette hausse sur la pasterie. Cela convenait très bien aux minoteries, parce qu'elles pouvaient répercuter la hausse sur la pasterie; elles n'avaient pas à affronter la concurrence des minoteries américaines en raison de l'interdit qui pesait sur les importations de farine.

La difficulté venait de la pasterie, qui était mécontente de devoir acheter une farine coûteuse qui n'avait rien à voir avec les prix réels alors que le Canada autorisait l'importation des produits de cuisson américains pour la vente au détail. Cette industrie était donc dans une situation difficile. Elle perdait de l'argent. Il y avait un quart de milliard de dollars de produits de cuisson qui arrivaient des États-Unis, et l'industrie était obligée d'acheter de la farine aux minoteries aux prix dictés par la Commission. C'est un exemple parfait de la façon dont on peut manipuler les politiques.

Lorsque la LTGO a finalement été abrogée, la Commission a déclaré à notre industrie que l'orge brassicole à deux rangs coûterait au moins sept dollars la tonne, et non plus six dollars. Nous lui avons demandé pourquoi et on nous a répondu qu'il fallait récupérer une partie du manque à gagner créé par l'abrogation de la LTGO.

Le secteur des brasseries a vivement réagi et demandé de quelle façon on pouvait déterminer la valeur véritable. On lui a répondu que c'était ce que la commission croyait et que telle était la réalité.

Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la commission. Il vaut mieux prendre ses précautions. Tout ce que nous disons, c'est que peu nous importe qui siège à la table, nous n'avons même pas besoin d'un siège au conseil d'administration, tant et aussi longtemps que l'on reconnaît la valeur ajoutée dans la loi proposée et, surtout, en raison de la force et du pouvoir de ce projet de loi et de ce conseil d'administration, tant qu'il est au moins possible de régler les différends qui ne devraient pas être politisés. Les ministres ne devraient pas s'en mêler. Ils ne devraient même pas émettre des décrets. Je pense ici au secteur de la transformation, je ne parle pas de préoccupations individuelles comme celles que les agriculteurs peuvent avoir, parce qu'il y en aurait, j'en ai peur, jusqu'à la fin des temps.

Nous savons tous que la Commission a de sérieuses réserves quant à l'orientation de la politique des transports, car elle traite avec deux entreprises ferroviaires, qu'elle ait ou non la capacité de demander «Quels seront les prix à l'avenir»? Si la Commission s'inquiète de cela, au moins elle peut toujours se tourner vers deux compagnies ferroviaires. Nous n'avons même pas cette possibilité. C'est tout ce que nous demandons.

Ce qui nous a rendus nerveux, c'est que lorsque nous avons finalement obtenu des réponses du ministère, on nous a dit: «Si vous n'aimez pas ce qui s'annonce, vous pouvez acheter votre orge chez nos voisins du Sud.» Nous avons reçu cette lettre il n'y a pas très longtemps. Les directeurs généraux de nos sociétés ont ressenti un pincement d'inquiétude parce que quelqu'un au ministère ne faisait pas son travail. S'il l'avait fait, il se serait rendu compte que les États-Unis ne produisent pas d'orge à deux rangs, alors nous ne pouvons pas acheter d'orge à deux rangs aux États-Unis pour produire le malt que nos clients nous demandent. Nous avons développé le marché de l'orge à deux rangs. Nous n'avons jamais reçu de subvention. Nous nous sommes battus becs et ongles pour gagner ces marchés. Si c'est l'opinion qui prévaut, que nous pouvons toujours aller au Sud acheter notre orge, cela nous terrifie. On ne comprend pas les préoccupations et les problèmes de notre industrie.

Cela se ramène toujours à la situation qui régnait dans le secteur de la commercialisation de l'orge et à la décision de confier ou non l'orge à la commission. Je peux vous donner un exemple ici aussi lié à la distinction entre l'orge fourragère et l'orge brassicole. Vous ne pouvez pas faire la distinction. L'année dernière, pour la première fois, nous avons perdu une vente de malt à deux rangs -- fabriqué avec de l'orge brassicole à deux rangs -- au Japon. Si nous l'avons perdue, c'est parce qu'un concurrent américain vendait son produit à des prix bien inférieurs, et c'était de l'orge fourragère canadienne. C'est là le problème. Si nous ne pouvons pas l'utiliser, l'orge est vendue comme orge fourragère. Nous pourrions sans doute accroître notre capacité d'encore un demi-million de tonnes.

Pour ce qui est des nouvelles cibles à l'exportation, nous avons fait plus que notre part. Nous pouvons négocier un beaucoup plus fort volume au sein du système, mais cela a été difficile et le deviendra plus encore s'il y a des administrateurs qui se croient tenus de travailler plus ou moins à temps partiel pour collaborer à la gestion de la commission.

Cela me rappelle une histoire que m'a racontée il y a une dizaine d'années le sénateur Bob Dole, lors d'une conférence aux États-Unis. C'est une histoire qui illustre l'importance des lois et de la législation. Le sénateur Dole faisait une analogie avec un éléphant amoureux d'un papillon. À plusieurs reprises, l'éléphant a demandé conseil à une vieille chouette sage, et la chouette l'a encouragé. Plusieurs mois plus tard, l'éléphant et le papillon se sont fiancés. Lorsqu'il s'est rendu compte du problème que lui posait la consommation du mariage, l'éléphant est retourné voir la chouette, qui lui a dit, évidemment, qu'elle se contentait d'établir les politiques; elle ne les mettait pas en oeuvre.

C'est peut-être le problème qui se posera dans le cas de la Commission canadienne du blé. Elle adopte d'excellentes politiques, mais quand vient le temps de les mettre à exécution, on y relève bien des contradictions. C'est très joli de confier la gestion aux producteurs s'ils la veulent, mais il doit y avoir certains recours. Si le seul recours consiste à s'adresser directement au ministre pour demander un décret, il ne sera pas utilisé et, franchement, il ne devrait pas l'être.

Le sénateur St. Germain: J'aimerais avoir certaines précisions au sujet de l'établissement des prix. Avez-vous bien dit que vous deviez fixer votre prix huit à dix semaines à l'avance?

M. de Kemp: Non. Toutes nos ventes internationales s'effectuent au cours d'une période de huit à dix semaines. Il y a une période d'activités intenses dans le secteur du malt canadien, tout comme dans les secteurs français et danois, parce que tous nos clients brasseurs adaptent leurs prix très rapidement. Ils connaissent le produit et ils connaissent la qualité. Ils veulent obtenir la meilleure qualité au meilleur prix, quel que soit le vendeur. C'est un vrai défilé de représentants de brasseries. Ils viennent tous vous voir au cours d'une période de huit semaines.

Ils réservent les quantités dont ils ont besoin pour s'assurer 12 à 14 mois à l'avance qu'ils auront les quantités dont ils ont besoin à un coût préétabli. Nos membres, tout comme les concurrents, vendent tout le malt qu'ils ont fabriqué à partir de l'orge brassicole. Les prix seront déterminés au mois d'octobre et au mois de novembre et les livraisons continuent jusqu'à la fin de 1998. Il nous arrive souvent d'acheter de l'orge de la récolte précédente qui se trouve dans les réserves de la Commission du blé en septembre pour exécuter les contrats dont nous avons déjà déterminé le prix.

Le sénateur St. Germain: Si vous savez combien vous avez vendu, vous devez savoir combien d'orge vous devez acheter.

M. de Kemp: Oui.

Le sénateur St. Germain: Ils ne peuvent pas jouer avec les prix.

M. de Kemp: C'est justement là la difficulté. Nous connaissons les quantités mais nous ne connaissons pas les prix.

Le sénateur St. Germain: Vous ne pouvez pas fixer le prix de l'orge?

M. de Kemp: Je serais très heureux qu'il existe un marché qui refléterait la valeur véritable de l'orge brassicole, comme cela existe pour le blé. À cause des bourses des grains de Minneapolis et de Kansas City, et du marché à terme de Chicago, on connaît le prix des grains. Mais il n'y a rien de comparable pour l'orge brassicole. Il n'existe pas de marché fixant les prix où l'on pourrait acheter ce grain en se protégeant avec des opérations à terme. La seule chose que nous puissions faire est de voir à quel prix nos concurrents en France ou ailleurs vendent leur produit.

Le sénateur St. Germain: Vous ne pouvez pas dire à la Commission canadienne du blé que vous avez des commandes qui représentent «X» quantité de malt et que vous avez donc besoin de «X» tonnes, lui demander le prix du jour et de fixer le prix pour toute l'année?

M. de Kemp: Nous pouvons dire à la commission que nous avons besoin de 200 000 tonnes, dans les 48 heures, parce que nous les avons vendues à deux brasseurs brésiliens à un certain prix. La commission peut nous dire qu'elle estime que le prix est trop faible parce que ces dernières années, les acheteurs chinois ont payé des prix supérieurs. Cela est très bien mais nous ne pouvons pas vendre de malt à la Chine même si la commission peut vendre de l'orge brassicole sur leur marché réservé.

On négocie dans les deux sens. Si l'on interdisait à l'avenir à la Commission du blé, comme cela s'est fait pour le double prix du blé, de vendre du grain à prix inférieur au prix «X», quels que soient les prix mondiaux, nous ne pourrions rien faire.

Nous avons souvent ce genre de problèmes avec la Commission du blé. La plupart du temps, les choses s'arrangent mais la dynamique va changer rapidement au cours des 12 prochains mois.

Le sénateur St. Germain: Le fait que les producteurs vont avoir beaucoup plus d'influence sur le conseil d'administration, vous préoccupe-il?

M. de Kemp: Absolument.

Le sénateur St. Germain: Est-ce que vous parlez avec les cinq commissaires de la Commission du blé?

M. de Kemp: Nous ne communiquons jamais avec les commissaires. Nous le faisons à la fin mais nous communiquons d'abord avec les services de commercialisation.

Le sénateur St. Germain: Craignez-vous qu'on ait mis le renard dans le poulailler?

M. de Kemp: C'est une préoccupation. Il faut que nous puissions parler avec quelqu'un qui ne fait pas partie de l'industrie. Les organismes de gestion de l'offre le font. Pourquoi ne pouvons-nous pas l'avoir? C'est là la question.

Au cours de cette période de huit semaines d'activités intenses, nous avons perdu des ventes à causes des prix. Nous travaillons pratiquement à pleine capacité à l'heure actuelle mais nous n'arrivons pas à fournir.

Le sénateur St. Germain: Quel pourcentage de la récolte d'orge représente l'orge brassicole?

M. de Kemp: Sur une récolte de 12,5 millions de tonnes d'orge, on choisit entre 2,2 et 2,4 millions de tonnes d'orge brassicole, ce qui représente environ 20 p. 100. Cela est toutefois légèrement trompeur parce que 70 p. 100 de l'orge cultivée est une variété d'orge brassicole.

L'orge brassicole est parfois mal sélectionnée pour des raisons liées à l'agronomie. L'orge doit être suffisamment riche en protéines et le grain suffisamment gros. Le mauvais temps et la pluie endommagent parfois la récolte. Nous faisons germer un organisme vivant pour en extraire ensuite certains ingrédients nécessaires à la fabrication de la bière. Si la quantité de protéines ou la chaleur augmente, il n'y a pas de germination. Nous avons une grosse production d'orge mais si nous ne pouvons pas l'acheter ou qu'elle ne peut pas être vendue à la Chine, elle est vendue comme orge fourragère à 100 $ de moins.

Il arrive souvent que l'on produise davantage d'orge brassicole que ce que nous pouvons vendre. Si nous ne l'achetons pas, il est exporté vers le sud comme fourrage et se retrouve sur le marché japonais. Cela s'est déjà produit.

Le sénateur St. Germain: Le système de vente à guichet unique vous protège-t-il mieux qu'un simple système de mise en commun des prix?

M. de Kemp: L'orge est mise en commun à l'heure actuelle.

Le sénateur St. Germain: Que se passerait-il si elle n'était pas mise en commun et si vous pouviez la vendre sans utiliser le système de mise en commun?

M. de Kemp: Si nous n'étions pas tenus d'utiliser le système, nous demanderions que l'orge soit totalement exclue des grains réglementés par la commission pour deux raisons bien simples. Tout d'abord, dès qu'il y a une faille dans le système, il y a des producteurs qui vont en profiter. Je fais pousser du maïs et du soja et je connais tous les trucs. Si les producteurs n'arrivent pas à vendre leur récolte au Canada, ils le vendront à un prix légèrement supérieur comme orge fourragère à un brasseur américain. Ce brasseur va offrir un supplément de 15 $ sachant qu'il peut obtenir encore 25 à 40 $ de plus en l'exportant, parce qu'il est impossible de faire la différence entre les deux.

Deuxièmement, la plupart de l'orge que nous achetons est destinée à l'exportation. En pourcentage et sur le plan de la valeur ajoutée, nous sommes au premier rang des exportateurs de produits canadiens. Plus de 50 p. 100 de notre production est destinée à l'exportation. Ce n'est pas ce qui se passe pour le boeuf, le porc, le poulet, les produits laitiers ou l'huile de colza.

Il y a deux marchés différents, ce qui complique les choses. Le prix nord-américain est celui que paie Coors and Anhauser-Busch pour leurs six rangs. Nous payons un supplément de 8 $ à la commission pour acheter du deux rangs au lieu du six rangs. La plupart des brasseurs canadiens utilisent du blé à deux rangs parce que c'est ce qui se vend sur les marchés mondiaux mais il y a un seul prix en Amérique du Nord.

Certaines années, le prix nord-américain est supérieur de 50 à 60 $ la tonne à celui des marchés d'exportation, tout simplement à cause des subventions accordées par la Communauté européenne ou les États-Unis, même si ces prix sont davantage influencés par la Communauté européenne que par les États-Unis. Il arrive également que le prix mondial de l'orge brassicole soit encore beaucoup plus élevé.

S'il n'y avait pas de mise en commun et que les producteurs pouvaient choisir librement de qui acheter, on pourrait acheter une demi-charge d'orge brassicole avec un supplément de 50 $ parce qu'elle doit être transformée en malt et envoyée au Japon alors que l'autre moitié pourrait faire l'objet d'une réduction de 50 $ et être livrée à Labatt ou à Molson, parce que c'est là qu'est fixé le prix nord-américain. Comment expliquer qu'il y ait deux prix différents le même jour pour le même lieu de livraison du même grain?

Tous les gouvernements et les ministères le savent, comme tous ceux qui travaillent dans ce domaine. Il y a trois ou quatre ans, il y a eu la question de l'orge commercialisée à l'échelle du continent. Cela ne peut se faire que si vous décidez vraiment de ne pas payer 200 $ sur un marché et 150 $ dans un autre mais de payer 175 $ dans les deux. Vous perdez peut-être un peu d'argent à l'exportation mais vous gagnez sur la vente intérieure avec un prix pondéré. On ne peut pas concurrencer la Commission du blé pour ce qui est des fourrages commercialisés en Amérique du Nord ni le fermier qui peut soit vendre sa production au sud comme fourrage ou recevoir un supplément de 50 $ de la Commission du blé parce qu'elle peut exporter 600 000 tonnes en Chine.

La Chine est un marché artificiel. Ce marché ne reflète pas les véritables prix internationaux. C'est ce qu'a bien illustré la situation que nous avons connue cette année. L'orge brassicole était vendue par des producteurs privés et une bonne partie de cette orge était exportée en Chine. L'ancien organisme public de commercialisation de l'État chinois a informé la Commission du blé qu'il ne nous achèterait pas autant d'orge brassicole et de blé si la commission n'intervenait pas pour empêcher les exportateurs privés d'envoyer de l'orge brassicole à leurs concurrents en Chine. La Commission du blé a informé les exportateurs que dorénavant l'orge brassicole devait passer par elle.

Ce genre de choses arrive constamment. Cet épisode est bien documenté parce que tout le monde l'a su. Il n'y a pas de mal à faire affaire avec un monopole pourvu que tout le monde essaie de vendre à des prix raisonnables et concurrentiels.

J'ai entendu plusieurs fois le mot «maximiser» aujourd'hui. Je ne l'ai pas retrouvé dans le projet de loi. Auparavant, la Commission du blé avait davantage d'obligations envers le gouvernement qu'envers les producteurs. Cela va changer maintenant.

C'est parfois à nous-mêmes que nous nuisons le plus. Le comité consultatif de la Commission du blé essaie de faire du bon travail même si ses membres ne sont pas toujours d'accord entre eux. Je crois que cela va empirer à l'avenir. Nous avons besoin de savoir qui va se charger de notre planification commerciale. Il faut que nous ayons quelqu'un à qui parler de nos préoccupations.

Nous manquons peut-être un peu d'expérience dans ce domaine. Il arrive que la forêt cache les arbres et il faut parfois prendre un peu de recul pour pouvoir considérer la situation de façon objective. C'est pourquoi il serait utile d'avoir un arbitre ou un ombudsman. Par exemple, même lorsqu'on décide de tenir un plébiscite sur une question particulière, cela ne remplace pas la tenue de discussions. Lorsqu'il y a un monopole, il y a toujours moyen de s'en tirer. Cependant, ce n'est pas parce que l'on a un monopole que celui-ci est compétent en matière de commercialisation.

Le sénateur St. Germain: Serait-il préférable d'exclure l'orge?

M. de Kemp: Jusqu'ici, notre secteur a appuyé les opérations de la Commission du blé. Nous sommes en train de réévaluer toutes nos options, cela va dépendre de ce qui va se passer. Si la Commission du blé ne collabore pas avec nous ou ne fait pas de commercialisation pour nous, cela va donner aux agriculteurs davantage de pouvoir et davantage de choix. C'est ce que demandera notre secteur.

Le sénateur Chalifoux: Vous demandez à ce que le projet de modification de l'article 7.1 de la Loi sur la Commission canadienne du blé soit changé pour qu'il se lise: «aux prix qu'elle considère raisonnables et concurrentiels dans le but de promouvoir à la fois la vente de grain et de produits céréaliers à valeur ajoutée provenant du Canada et destinés aux marchés nationaux et internationaux.» Est-ce là une des choses que vous demandez de faire au comité?

M. de Kemp: Oui, à une réserve près. À première vue, il semble que selon le projet de loi, la Commission du blé serait chargée non seulement de faire la promotion et la vente de grains mais également de la vente de produits à valeur ajoutée. Ce n'était pas là l'intention initiale. Nous disons que la Commission est responsable de la promotion et de la vente de grains et que, à cause de la façon dont la Commission fonctionne, elle s'occupe également de la promotion des produits céréaliers à valeur ajoutée. Nous recherchons toujours des prix concurrentiels. Il y a une grosse différence entre l'ancienne formulation qui parlait de «prix raisonnables» et la nouvelle qui parle de «prix concurrentiels». «Raisonnables» et «concurrentiels» sont deux notions différentes. Tant que les prix sont concurrentiels et qu'il n'y a pas d'interférence, nous n'avons rien à redire. Cela touche non seulement l'association que je représente mais tous les groupes qui s'intéressent aux produits céréaliers à valeur ajoutée qui ont comparu devant les autres comités.

Le sénateur Chalifoux: Comment proposez-vous de modifier cette disposition?

M. de Kemp: Je m'en remettrais aux personnes qui ont le pouvoir de la changer. Nous savons que les prix seront compétitifs. La Commission du blé ne vend pas uniquement des grains. Elle vend des grains pour que nous puissions vendre des produits céréaliers à valeur ajoutée. Il faut reconnaître l'importance des grains à valeur ajoutée dans l'ensemble du système. Cela n'a jamais été fait.

La deuxième question concerne l'ombudsman.

Le sénateur Chalifoux: Vous dites dans votre mémoire:

Nous proposons que le même genre d'infrastructure/entité, avec le même mécanisme de résolution des litiges qui a été accordé aux transformateurs d'un grain contrôlé, soit créé à l'intention des utilisateurs des grains à valeur ajoutée de la CCB.

M. de Kemp: C'est la même chose. C'est un ombudsman, une entité ou une structure, mais il n'est pas nécessaire de créer une entité ou une structure. Nous parlons beaucoup d'établissement des prix mais il ne s'agit pas uniquement de cela. Les prix ont été établis de façon assez raisonnable jusqu'ici. Je ne sais pas ce qui pourrait se produire à l'avenir. Je ne peux que me baser sur le passé. Il ne s'agit pas d'un mécanisme de contrôle. Ce n'est pas que nous soyons contre le fait que les producteurs soient représentés. Il nous paraît absolument nécessaire qu'ils le soient.

Ces sociétés ne peuvent dépenser qu'une certaine somme chaque année. Si elles savent qu'il y a de l'incertitude, elles risquent de décider de construire leur malterie au sud de la frontière.

Le sénateur Chalifoux: Votre principale priorité ici est de faire introduire dans la loi un mécanisme d'appel?

M. de Kemp: Absolument. Si tout va bien avec la commission, nous n'aurons jamais à l'utiliser, ce qui serait magnifique.

Le sénateur Chalifoux: Mais il serait là.

M. de Kemp: Oui.

Le président: Merci d'être venu, M. de Kemp.

Notre témoin suivant est M. Jack Wilkinson, de la Fédération canadienne de l'agriculture. Veuillez commencer.

M. Jack Wilkinson, président, Fédération canadienne de l'agriculture: Merci beaucoup. C'est un plaisir d'être ici.

J'aimerais vous présenter rapidement notre mémoire. Il n'est pas très long. Je vais reprendre uniquement les points essentiels pour laisser du temps pour les questions que les sénateurs voudraient poser. Nous n'allons pas aborder un grand nombre de sujets.

Pour ce qui est de la question de la gouvernance, nous avons toujours été partisans de l'élection d'une majorité des membres du conseil de façon à pouvoir influencer les orientations de la Commission du blé.

Nous estimons qu'une partie des problèmes qui sont survenus ces dernières années aurait été réglée dans un environnement politique plus favorable et n'aurait sans doute pas pris l'ampleur qu'ils ont prise s'il y avait eu un conseil d'administration élu. Le conseil aurait pris des mesures pour respecter les conditions du marché et s'assurer de l'appui des membres. Avec un conseil élu, la commission aurait évolué progressivement.

Nous sommes heureux de constater que le projet de loi s'inspire en partie de ce principe puisque les deux tiers des postes du conseil seront attribués par élection. Je sais que certains s'inquiètent du fait que tous les membres du conseil ne soient pas élus. Nous sommes en présence d'une grosse société qui est en train de changer de style de gouvernance. Le fait qu'une majorité des membres du conseil soient élus va introduire une certaine stabilité et je crois qu'à l'avenir, tous les membres du conseil seront élus.

Nous souhaitons que cette mesure soit adoptée rapidement. Cela fait longtemps que nous parlons de cette idée et ce projet de loi existe depuis un certain temps. Nous serions déçus de laisser passer une autre année. Je sais que les délais sont serrés mais il est important de procéder aussi rapidement que possible pour mettre en place le processus électoral avant la saison des semailles. Nous savons que cela ne sera pas facile mais nous pensons que cela est possible.

Nous pensons que le président ou le PDG devrait être chargé d'assurer la direction et l'administration de l'entreprise et des activités quotidiennes de la commission, conformément aux orientations définies par le conseil d'administration. Le directeur général devrait relever du conseil d'administration mais sans en faire partie. Dans presque tous les organismes agricoles, le directeur général n'est pas un membre du conseil d'administration mais c'est de lui qu'il relève. Nous proposons de modifier le projet de loi en ce sens.

Ce raisonnement doit également s'appliquer à la nomination du président, en particulier pour la constitution du premier conseil. Cependant, du moment que le conseil a le pouvoir de congédier le président et de traiter de ces questions, le président ou le directeur général saura très vite de qui il relève. C'est un aspect important et nous sommes déçus de constater que cela ne figure pas dans le projet de loi.

Nous proposons dans notre mémoire un certain nombre de modifications.

Pour ce qui est du président du conseil, nous apprécions le changement apporté aux modifications relatives au choix du président du conseil d'administration. Il nous paraît conforme au nouveau statut de la Commission du blé, qui en fait presque un organisme privé, de choisir le président du conseil d'administration parmi les membres du conseil, par ces derniers.

Nous nous opposons à l'élimination de la garantie fédérale relative aux ajustements du prix initial. Cette garantie ne représente presque aucun risque financier pour le gouvernement fédéral et nous craignons vivement que cette mesure n'amorce un processus qui ne pourrait que nuire aux intérêts des producteurs.

J'ai eu plusieurs conversations avec des producteurs et des groupes de producteurs en Australie. Il semble que sur cette question, ainsi que sur d'autres, nous suivons le modèle australien. Je ne pense pas que cela soit souhaitable. Nous estimons que nous nous engageons là sur un terrain dangereux.

En outre, pour ce qui est du fonds de réserve, si le gouvernement maintenait sa garantie, le fonds de réserve prendrait un sens tout à fait différent et il serait utilisé dans un but tout à fait autre. Nous craignons que le fonds de réserve ne vienne simplement remplacer la garantie, que les frais augmentent ou que les garanties soient progressivement réduites jusqu'à ne plus représenter grand-chose.

Jusqu'ici, le gouvernement n'a eu à intervenir qu'à deux reprises. Dans ces deux cas, même si cela a incité les États-Unis et nos autres partenaires commerciaux à faire de nombreuses déclarations officielles, le gouvernement a accordé son appui à un moment où les prix avaient tellement chuté que finalement ce n'était plus une question commerciale. C'était plutôt un sujet de discussions qu'un irritant commercial. Cette garantie n'est pas utilisée de façon uniforme et les prix doivent chuter de façon considérable pour que le gouvernement intervienne. Nous aimerions que l'on règle cette question.

À défaut, la FCA demande à ce que le fonds de réserve n'ait pas la possibilité de devenir déficitaire, ce qui nécessite une modification du paragraphe 6(4) et d'autres articles pertinents. La FCA demanderait aussi à ce qu'un règlement impose un plafond relativement bas au fonds de réserve afin d'assurer qu'il soit utilisé exclusivement à des fins appropriées.

Pour ce qui est du commerce interprovincial et de l'exportation, nous sommes favorables aux dispositions de l'article 24 du projet de loi qui protégeraient le système canadien d'expédition séparée et permettraient aux agriculteurs d'avoir davantage voix au chapitre dans toute décision visant à exempter un type, une classe ou un grade de blé des restrictions touchant le commerce interprovincial et international. Nous nous réjouissons également des sauvegardes que le gouvernement a ajoutées à la présente version du projet de loi pour éviter les effets négatifs sur les produits qui ont déjà été soustraits au contrôle de la CCB, par exemple les grains fourragers destinées au marché intérieur.

Nous savons que l'inclusion est une grave question pour certains. Nous estimons que la version actuelle du projet de loi règle très bien cette question. L'absence de critère précisant la façon dont on demande un vote nous a toujours inquiétés. Cependant, sur le plan des principes, l'on peut dire que si l'on peut exclure un produit, on devrait également pouvoir en inclure un. On ne devrait pas adopter un projet de loi qui ne prévoirait pas la possibilité d'introduire à l'avenir d'autres produits parce qu'il est possible qu'un jour, les forces du marché ou la situation exigent que l'on ajoute un produit particulier. Un système transparent prévoyant le vote des producteurs est sans doute préférable au système antérieur qui consistait à faire du lobbying auprès du gouvernement au pouvoir.

Nous estimons que l'ajout du mot «all» devant le mot «producers», dans la version anglaise, devrait apaiser les craintes que l'on pourrait entretenir au sujet des producteurs qui auraient le droit de voter sur un produit particulier.

En conclusion, il serait utile d'adopter rapidement ce projet de loi. Ce n'est pas la dernière mesure qui va amener la Commission du blé à évoluer, il y en aura d'autres. Ce projet de loi comprend des aspects très positifs, notamment l'élection de la majorité des membres du conseil d'administration.

La question que soulève le poste de président directeur général est grave. Il est compréhensible que le ministre et le gouvernement souhaitent conserver un certain contrôle sur l'organisme mais il existe d'autres commissions qui exercent des pouvoirs comparables à ceux de la Commission canadienne du blé et dont le président-directeur général relève directement du conseil et est nommé par lui. Ces organismes ont respecté des lignes directrices qui n'ont pas obligé le gouvernement à mettre en jeu sa garantie, à intervenir dans les ventes à crédit ou à verser des fonds. C'est pourquoi nous ne pensons pas que ce genre de protection se justifie ici.

En agissant rapidement, nous pourrons accélérer la mise en place du conseil. Dès qu'il sera constitué, il pourra aborder les diverses questions qui ont été soulevées par des groupes de travail et dans des rapports. Il ne serait pas souhaitable que ces questions soient résolues avant que le conseil soit élu, ce qui reviendrait alors à dire au conseil de gérer l'organisme, une fois les nouvelles orientations fixées.

Nous sommes partisans de commencer par élire le conseil d'administration, même si toutes les questions n'ont pas été résolues, et de laisser au nouveau conseil le soin de consulter les producteurs pour régler les problèmes quotidiens et ceux qui pourraient apparaître à l'avenir. Ce sont eux qui sont les mieux placées pour régler ces questions.

C'est un changement important mais notre objectif est de confier aux producteurs la responsabilité de la mise en marché de leurs produits. Nous estimons que les producteurs devraient pouvoir choisir leur système de commercialisation et le modifier, en cas de besoin, pour l'adapter à la situation intérieure et internationale. Il faut leur donner le pouvoir de le faire.

Je vous remercie beaucoup de nous avoir entendus. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président: Vous avez beaucoup parlé du conseil. Je crois que le poste d'administrateur sera un poste à temps partiel et non à temps plein. Certains disent que le conseil ne sera en fait qu'un comité consultatif amélioré.

M. Wilkinson: Ce ne sera peut-être qu'un comité consultatif amélioré mais qui aura des pouvoirs légaux. C'est au conseil de décider lui-même ce qu'il veut faire. Le gouvernement lui accorde très clairement un pouvoir hiérarchique. Il est responsable envers le groupe qui l'a élu. Je ne vois pas pourquoi le conseil ne pourrait pas définir les orientations et demander au directeur général et à l'administration de les mettre en oeuvre. Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire d'avoir des administrateurs à temps plein. Il faut en arriver à un équilibre, comme l'ont mentionné d'autres témoins, entre la définition des orientations selon un processus ouvert et transparent par le conseil d'administration et la mise en oeuvre de ces orientations par l'administration. Je ne pense pas que le conseil ne sera qu'un comité consultatif amélioré.

Le président: Ma question portait uniquement sur le fait qu'ils n'exercent leurs fonctions à temps partiel. C'est un secteur qui représente 6 milliards de dollars.

M. Wilkinson: Les administrateurs des grandes sociétés n'exercent pas leurs fonctions à temps complet. Il est très rare qu'ils le fassent. Si ce n'était pas le cas, comment expliquer que les anciens ministres siègent sur autant de conseils d'administration? Je crois que cela est conforme à cette tradition.

Le conseil fixe les orientations. L'administration joue un rôle de contrôle. Dans ce cas, il y aura en particulier de nombreux producteurs qui vont suivre de près les activités de la commission parce que celle-ci va vendre leurs produits. Les administrateurs devront également se rendre dans les régions qu'ils représentent pour sonder leurs électeurs. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'exercer ces fonctions à temps plein. Je ne vois pas ce qu'ils feraient d'ailleurs en travaillant à temps plein. Je crois que s'il s'agissait de postes à temps plein, les administrateurs seraient tentés de devenir des gestionnaires et je ne suis pas sûr que cela soit souhaitable.

Le sénateur St. Germain: Il y a à l'heure actuelle cinq commissaires qui exercent leurs fonctions à temps plein. Vous appuyez en principe la Commission canadienne du blé telle qu'elle est constituée. Si elle a besoin de cinq commissaires à temps plein, cela veut peut-être dire que cet organisme a besoin d'une direction active. C'est peut-être une excellente chose que des représentants des agriculteurs siègent à ces conseils mais ce qu'il faut connaître, c'est peut-être la commercialisation.

J'ai déjà travaillé dans le secteur de la volaille. Après avoir travaillé dans ce domaine pendant six mois, j'ai été nommé président d'un office de commercialisation qui était administré par les producteurs. Il y avait tellement de luttes internes que cela était inquiétant. J'ai découvert très rapidement que l'aspect commercialisation n'a pas toujours grand-chose à voir avec l'élevage des volailles.

C'est la même chose ici. Je sais que votre organisme est un ardent partisan de la participation des producteurs mais ce n'est pas forcément une bonne chose. J'aimerais que l'on me démontre qu'un conseil exclusivement contrôlé par les producteurs est préférable aux cinq commissaires qui ont fait de l'excellent travail, comme vous l'avez mentionné.

M. Wilkinson: Les commissaires s'occupent de beaucoup de choses en plus d'administrer la commission. Ils partent en mission commerciale, ce qui prend, je crois, une bonne partie de leur temps. Les commissaires sont constamment en voyage, dans tous les pays, à la recherche de nouveaux marchés, ils essaient également de régler les questions que pose l'accès aux marchés, les questions tarifaires et de nombreux autres aspects. La plupart des commissaires, et le commissaire en chef en particulier, s'occupent très peu du fonctionnement quotidien de la commission mais plutôt des problèmes.

Il est possible que certains administrateurs décident de s'occuper de ces tâches mais ils seront plus nombreux. Il est évident que certains secteurs de l'administration pourront exercer les tâches qu'exécutent actuellement les commissaires grâce à leurs connaissances en matière de commercialisation. Je pense que la répartition des tâches se fera progressivement.

La question de ce que l'on veut dire par administrateur à temps plein est une question intéressante et difficile à trancher. Les présidents de certaines associations provinciales de commercialisation peuvent être qualifiés de présidents à temps plein selon certains critères et de présidents à temps partiel selon d'autres.

Je n'essaie pas d'éviter votre question. C'est une question très difficile. Il faut souligner que ce conseil ne sera pas très bureaucratique. Ce sera un conseil composé d'administrateurs à temps partiel qui fixeront les orientations et il y aura une structure administrative chargée des activités courantes de la Commission canadienne du blé.

Je ne pense pas que cela fasse problème. On en arrivera à un équilibre. Il est difficile de prédire ce qui va se passer, comme vous l'avez mentionné. Vous avez parlé d'une situation qui exigeait que l'on change de façon de faire mais il est possible, une fois la situation modifiée, de revenir à un arrangement de travail différent.

Le sénateur Stratton: Il semble qu'on ait créé le fonds de réserve pour répondre aux pressions exercées par l'OMC et l'ALENA pour que l'on réduise les subventions gouvernementales. Compte tenu de cela, et du fait que le conseil comprendra dix administrateurs élus et cinq nommés, les garanties gouvernementales combinées à un fonds de réserve pourraient-elles représenter la solution? Autrement dit, les producteurs verseraient un certain montant et le gouvernement accorderait une garantie jusqu'à une certaine hauteur, les sommes fournies par les producteurs étant plafonnées. Pensez-vous que cela pourrait apaiser l'animosité qui existe actuellement?

M. Wilkinson: Franchement, les États-Unis se trompent sur l'ampleur de l'appui qu'accorde le gouvernement à la Commission canadienne du blé. Tous ceux qui ont suivi les changements qui se sont produits depuis une dizaine d'années ont constaté que c'est un organisme de commercialisation qui est devenu de plus en plus transparent, au point où il est plus transparent que la plupart des autres entreprises étatiques qui existent à l'étranger.

Cela n'est pas encore conforme à l'objectif officiel des États-Unis. Je voyage beaucoup et je crois que nous n'arriverons jamais à satisfaire les Américains tant que nous n'aurons pas un système comparable au leur. Et même dans ce cas, ils ne seront pas contents, si c'est vous qui emportez la vente qu'ils voulaient faire. Ils affirment que, si nous avons choisi ce système, c'est parce qu'il offre des avantages cachés. Il y a une chose que disent souvent les dirigeants agricoles américains. Il y a beaucoup de gens qui m'ont dit: «N'essayer pas de nous expliquer comment cela fonctionne. Nous préférons ne pas le savoir ce qui nous permet de dire ce que nous voulons au sujet de la Commission du blé, sans avoir à tenir compte des faits.»

Le gouvernement est intervenu à deux reprises seulement depuis la création de la commission, je crois; dans les deux cas, les prix avaient chuté de façon considérable. En fait, s'il n'y avait pas eu la garantie initiale, le gouvernement fédéral aurait dû intervenir parce qu'il faut une réduction de plus de 30 p. 100 des prix calculée de façon conservatrice sur une période de 12 mois. Ce genre de chute des prix sur les ventes brutes veut dire que les agriculteurs n'avaient plus de revenu net. Il aurait fallu verser un soutien à ces personnes de toute façon. C'est un faux problème.

Le gouvernement revient sur sa promesse d'appuyer la stabilisation des revenus au Canada. Cela va dans le sens de la réduction des programmes de soutien des revenus agricoles, qui est passé de 2,5 milliards de dollars à 660 millions de dollars au cours de cette période. C'est une autre réduction du soutien accordé par le gouvernement, d'après moi, que l'on justifie par les exigences du commerce international. Je n'ai reçu aucune indication de la part de nos membres qui démontrent que cela soit justifié.

Le sénateur Stratton: Le gouvernement dira que c'est à cause de l'ALENA, de l'ALE ou de l'OMC.

M. Wilkinson: Le gouvernement ne dit pas la vérité lorsqu'il affirme cela.

Le sénateur Stratton: Je comprends. Cela étant, estimez-vous que l'on pourrait en arriver à un compromis en réduisant la garantie du gouvernement et avec un fonds de réserve alimenté par les producteurs, avec un plafond?

M. Wilkinson: Non, parce que je ne pense pas que cela résoudrait quoi que ce soit. Tout d'abord, s'il est bien vrai qu'il ne s'agit pas là d'un appui déguisé accordé aux producteurs par le gouvernement, rien ne nous oblige alors faire un compromis pour satisfaire des objections qui ne sont pas sincères. Deuxièmement, cela nous engage sur un terrain glissant, la réduction de l'appui du gouvernement. Cela ne plaira pas aux États-Unis. Franchement, même si cela était supprimé, les États-Unis n'aimeraient toujours pas ce projet de loi. Nous pouvons en être certains, compte tenu de leur attitude passée et des décisions qu'ils ont prises à l'égard de tout ce qui n'est pas américain.

Le sénateur Stratton: Ils ne renoncent pas. Ils n'abandonnent jamais.

M. Wilkinson: Rien ne nous permet de le penser. C'est pourquoi il va nous falloir faire preuve de beaucoup de fermeté de notre côté pour demander les structures dont nous avons besoin pour nos producteurs et notre situation commerciale. Nous ne pensons pas qu'il serait souhaitable que le Canada adopte leur modèle. En fait, nous pensons que la petite taille de notre marché et les autres éléments réduiraient nos marges commerciales. Ils ont droit d'avoir leur opinion; nous avons le droit d'avoir la nôtre. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour être transparents et ouverts. Je ne pense pas que nous devrions essayer de faire tout ce qu'ils demandent en vidant ce projet de toute substance parce que nous estimons qu'il est avantageux de concentrer la commercialisation.

Le sénateur Rossiter: Pensez-vous qu'il serait bon de prévoir un autre poste d'administrateur-agriculteur élu pour faire passer ce chiffre à 11?

M. Wilkinson: Nous ne voulons pas que l'on réduise le nombre des producteurs. Si l'on conserve le même nombre d'administrateurs, oui, nous voudrions que ce poste soit occupé par un producteur. Nous sommes d'accord avec le gouvernement lorsqu'il dit qu'il convient d'assurer la stabilité de l'action de la Commission mais je crois qu'avec le temps, on pourra constater que les producteurs peuvent gérer leurs propres affaires avec l'aide d'une bonne administration.

Le sénateur Fairbairn: Si j'ai bien compris, l'inquiétude que suscite chez vous la nomination du président par le gouvernement n'est aucunement apaisée par l'engagement que pourrait prendre celui-ci de consulter le conseil; par le pouvoir que possèdent les administrateurs, après la nomination du président, d'en évaluer la performance et, si nécessaire, de recommander son congédiement, par le pouvoir du conseil de fixer la rémunération du président. Cela ne vous convainc pas, je pense?

M. Wilkinson: Ce sont là des mesures qui vont finalement permettre de confier au conseil le pouvoir de nommer et de congédier le directeur général. Nous n'avons jamais compris pourquoi le gouvernement insistait tant pour nommer le directeur général. Il existe des façons de régler cette question, qui en est une de transition. C'est une très grosse entreprise et certains services du gouvernement craignent qu'il soit dangereux de passer trop rapidement à un conseil d'administration intégralement élu. D'où la nomination de près de 40 p. 100 des administrateurs par le gouvernement et le contrôle exercé sur le président directeur général.

L'expérience que j'ai acquise en tant que dirigeant agricole en Ontario m'indique que la plupart des offices de commercialisation, dont certains ont des pouvoirs comparables à la commission, semblent fonctionner de façon raisonnablement bien avec un conseil d'administration élu qui nomme le directeur général et le président. Si le gouvernement souhaite conserver ces pouvoirs, nous estimons qu'il devrait au moins préserver certains éléments comme la garantie du prix initial de façon à faciliter la transition.

Notre organisme pense que le gouvernement est trop protecteur et que cela n'est pas justifié. Le conseil devrait au moins avoir le pouvoir de congédier unilatéralement le directeur général, s'il n'est pas satisfait de ses services, sans avoir à obtenir l'approbation du ministre. C'est un compromis partiel qui représente pour nous un minimum.

Le sénateur Fairbairn: Du point de vue du gouvernement, cela représente une modification importante de la Commission du blé qui va dans le bon sens. Vous avez peut-être raison de dire qu'il s'agit là d'une période transitoire. Il faut tout de même reconnaître que le gouvernement a fait des concessions pour ce qui est des pouvoirs exercés par le conseil d'administration à l'endroit du président.

M. Wilkinson: Ce sont des changements heureux mais nous estimons qu'avec le système actuel, la question de savoir qui commande en fait n'est toujours pas résolue. Si vous ou moi étions des administrateurs, nous aimerions sentir que nous pouvons commander au directeur général, ce qui serait le cas si nous avions le pouvoir de l'embaucher et de le congédier. Je serais surpris qu'il existe des administrateurs qui ne souhaiteraient pas avoir ce pouvoir.

C'est la façon dont un conseil devrait, d'après nous, fonctionner; c'est au conseil d'administration d'exercer ce contrôle. Plus tôt nous aurons cela, mieux cela sera. Au minimum, nous souhaitons que le conseil ait le pouvoir de congédier le directeur général dans le cas où on en arriverait à une impasse.

Le sénateur Fairbairn: Pendant votre intervention, nous avons parlé du fonds de réserve comme si sa seule justification était les considérations commerciales internationales. Le projet de loi mentionne d'autres considérations, la souplesse que cela introduit dans la loi, si le conseil d'administration le décide, pour ce qui est de la façon dont les agriculteurs vont être payés. L'autre argument, qu'il soit accepté ou non, est que cette souplesse supplémentaire entraîne un risque plus grand qu'atténuerait le fonds de réserve qui jouerait alors un rôle d'assurance contre ce risque.

Ce sont les arguments qui ont été présentés pour justifier le fonds de réserve, à part l'argument extérieur voulant que cela s'explique uniquement par les exigences du commerce international.

M. Wilkinson: Oui. Nous pensons qu'un fonds qui serait utilisé pour acheter des grains à l'extérieur des syndicats de producteurs serait alimenté par le capital d'exploitation ou la marge de crédit que la commission accumulerait avec le temps, en fonction de l'ampleur des activités qu'elle veut exercer dans le domaine et que ce fonds de réserve ne serait pas le moyen approprié pour accumuler ce genre de capitaux.

Il s'agit de savoir si la création d'un fonds de réserve destiné à compenser les coûts permettrait de mieux absorber les fluctuations du système de prix initial, parce que ces fluctuations risquent d'être plus marquées, et c'est, je crois, ce que vous essayez de faire remarquer, si la commission décide d'étendre ses opérations dans ce domaine.

Il y a des commissions provinciales qui ont le pouvoir d'offrir un prix initial garanti. Elles négocient avec le gouvernement. Ces commissions n'ont pas le droit de déterminer elles-mêmes le prix qu'elles souhaitent fixer sur une période de 12 mois. On croit souvent que les agriculteurs vont fixer automatiquement le prix du blé à 400 $ la tonne et qu'ils vont donc fixer le prix initial garanti à 300 $ parce qu'ils siègent à la commission. L'expérience démontre toutefois que ce n'est pas ce qui s'est produit, dans la situation où ils auraient pu le faire. Les personnes qui s'occupent d'agriculture et qui voient l'avantage que constitue la présence d'une commission sont habituellement plus conservatrices, dans un sens apolitique, lorsqu'il s'agit de compromettre les pouvoirs de la commission à l'avenir. Ils connaissent les avantages qu'ils en retirent. J'ai fait partie de nombreuses commissions qui étaient toutes très réticentes à laisser le prix initial atteindre un niveau trop élevé parce qu'elles ne voulaient simplement pas être amenées à utiliser les garanties. Cela les place en effet dans une situation difficile envers le gouvernement et envers leurs partenaires commerciaux.

Il ne faut pas oublier que les décisions commerciales ont des répercussions beaucoup plus fortes sur les producteurs que sur les députés, les sénateurs ou les présidents de la FCA.

Là encore, j'estime que c'est une mesure trop protectrice qui n'est pas justifiée. Le prix initial aurait été fixé après négociation en se basant sur les prévisions, les tendances et les ventes. Voilà ce que cela est vraiment. Le gouvernement se décharge de ses responsabilités lorsque la situation est difficile et impose aux producteurs le fardeau de récupérer les coûts. Voilà l'unique utilité de ce mécanisme, d'après moi.

Le président: La Fédération canadienne de l'agriculture a toujours appuyé les offices de commercialisation et les mécanismes de mise en marché ordonnée, de façon générale. Je suis sûr que vous savez que dans l'Ouest en particulier, là où la Commission du blé exerce ses pouvoirs, il y a eu de nombreux changements. Je vais vous en donner un exemple.

En Saskatchewan, il n'y a que 72 agriculteurs qui élèvent des poulets. Leurs contingents ne sont pas très élevés. Le gouvernement NPD de la Saskatchewan a demandé à ces producteurs s'ils regrettaient de ne pouvoir vendre leurs produits à l'étranger. Les frais de transport ont évolué, ce qui va faciliter l'acheminement des blés produits dans les Prairies et va amener une utilisation différente des grains fourragers. De nombreux membres du gouvernement NPD reconnaissent qu'ils n'ont pas les moyens de profiter de l'économie mondiale, en particulier de l'économie asiatique.

M. Wilkinson: Je pensais que vous alliez dire qu'ils n'avaient pas les moyens de le faire parce qu'ils n'avaient pas réussi à réduire les pouvoirs des conseils d'administration composés d'agriculteurs élus.

Le président: Non. En fait, ces 70 agriculteurs veulent protéger leur marché. Il y a des changements en cours qui se sont déjà fait sentir dans l'Ouest et dans les Prairies. On demande aux agriculteurs de cultiver des produits à valeur ajoutée, de s'intéresser à d'autres produits et d'améliorer leur revenu. Nous parlons d'élevage de porc. Nous parlons de parcs d'engraissement. Certains se demandent s'il y aura suffisamment de boeufs pour répondre aux besoins des fermes d'engraissement, et le reste, ce qui pose la question de l'orge.

Êtes-vous très au fait de ces questions?

M. Wilkinson: Je voyage un peu dans l'Ouest. Ce n'est pas parce que je viens du nord de l'Ontario que la FCA ne sait pas ce qui se passe dans l'ouest.

Le président: Cette région connaît des changements importants. Avant votre arrivée ce matin, nous avons passé en revue tous les changements que connaissait le secteur des grains et les différents acteurs. Il va falloir effectuer des changements, non pas pour le plaisir, mais pour que les agriculteurs aient la possibilité de s'adapter à la mondialisation de l'économie, même à l'économie nord-américaine.

Dans le cas du marché du lait en Colombie-Britannique, les producteurs ont 3,5 p. 100 du quota avec 14 p. 100 de la population. Ils s'inquiètent de la possibilité que l'on importe du lait des États-Unis. Ils se posent beaucoup de questions là-bas.

M. Wilkinson: Cela s'explique en partie par le projet de loi que vous étudiez et en partie, par la question plus large de l'évolution que va connaître l'agriculture et l'agroalimentaire dans les années qui viennent. Comme vous l'avez dit, la suppression des subventions du Nid-de-Corbeau, du soutien au transport des provendes, et un certain nombre d'autres questions ont obligé les producteurs à s'adapter très rapidement à des changements majeurs. Ces changements ont sérieusement réduit la marge bénéficiaire de leurs activités. Tous les agriculteurs s'efforcent de rentabiliser leur exploitation, lorsque cela est possible, et de rationaliser leur principale production. Vous savez que lorsque l'on supprime ce genre de soutien au transport, combiné à la suppression de lignes de chemin de fer et à toute une série d'autres questions, cela influence beaucoup l'avenir.

Pour ce qui est du projet de loi, nous estimons que cette mesure, par exemple, aura un effet positif parce qu'elle répond mieux aux problèmes nouveaux qu'il faut résoudre en passant rapidement à un conseil d'administration élu, et en lui confiant le plus de pouvoirs possibles pour que ceux qui vivent dans la région dirigent cette commission. Ce sont eux qui prendront les décisions relatives à la structure de la commercialisation et non pas un ministre membre d'un parti politique de l'Est. Toutes ces mesures sont, d'après nous, excellentes.

Je sais que vous savez que traditionnellement, on a attribué les contingents en fixant une production qui reflète la population pour éviter de donner un avantage concurrentiel et inéquitable à certaines régions du pays qui sont en mesure de produire à moindre frais et d'envoyer leurs produits dans les Maritimes et d'autres régions et d'ainsi concurrencer la production locale. C'était le but, la répartition par province.

Ces règles ne sont plus appliquées aussi strictement. Nous sommes en train de modifier beaucoup de choses. On s'intéresse à de nombreux produits d'exportation dont l'offre est gérée. En outre, on procède également à une redistribution des quotas pour les transférer d'une région à une autre. Je dirais que notre secteur a subi davantage de changements que n'importe quel autre secteur industriel.

Il n'y a en fait pas très longtemps que nous avons signé l'accord du GATT, compte tenu de la restructuration massive qu'a connue l'agriculture. N'oublions pas que l'objectif essentiel de notre organisation est de veiller à ce que ces changements aient pour effet de renforcer l'agriculture et non pas de l'affaiblir. Si nous élevons des poulets sans aucune réglementation du marché, cela va détruire la structure actuelle, et nous ne progresserons pas. Personne ne veut se battre contre des moulins, contre leurs usines de traitement et la façon dont ils font des affaires. Nous pensons pouvoir mettre sur pied un meilleur système au Canada.

Je suis partisan de confier ces décisions à la Commission de commercialisation du poulet, aux producteurs de poulet élus, et à une commission du blé élue. Nous voulons que ce projet de loi soit rapidement adopté avec quelques amendements pour que les administrateurs élus puissent commencer à prendre ces décisions.

Je n'ai pas essayé d'éviter de répondre à l'autre question.

Le président: Les provinces ne peuvent-elles pas se retirer? La Saskatchewan pourrait-elle dire: «Nous allons nous retirer de la Commission de commercialisation du poulet»?

M. Wilkinson: Tout le monde peut se retirer. La Colombie-Britannique a, l'histoire le démontre, décidé à plusieurs reprises de se retirer d'un organisme de gestion de l'offre concernant certains produits. Mais s'il y a trop de provinces qui se retirent, la structure nationale disparaît nécessairement.

Lorsque j'ai commencé à exploiter ma ferme, mon père m'a dit qu'il est parfois préférable d'assumer sa perte au départ. Vendre du grain à un prix inférieur à celui du marché et créer ainsi un marché où il faut vendre le poulet à un prix inférieur au coût de production n'est pas une chose très intelligente. Il faut être plus créatif.

Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que les choses doivent avancer rapidement. Il faudrait toutefois ne pas uniformiser les règles du jeu en compromettant la prospérité des secteurs profitables. Il serait préférable de procéder d'une autre façon et d'essayer de résoudre les problèmes que connaissent les secteurs non profitables, de les renforcer pour qu'ils fassent eux aussi des bénéfices et laisser le reste évoluer progressivement.

Lorsque les prix mondiaux sont élevés, les partisans de la gestion de l'offre disent qu'on ne peut pas agir de cette façon. Il faut limiter la production au marché intérieur. Il n'est pas juste de dire qu'ils veulent seulement protéger leur marché. En fait, ils ont décidé de ne pas quitter cet organisme et d'essayer de régler ces questions de façon interne dans le but de résoudre cela. Je crois qu'il va y avoir un bouleversement considérable de l'offre et de la demande dans les années qui viennent parce qu'il va falloir réagir à ces pressions.

Le président: Pour ce qui est des priorités américaines en matière commerciale, le président Clinton a déclaré dans un point de presse que si le Canada n'ouvrait pas ses portes aux produits de l'industrie avicole et de l'industrie laitière, les États-Unis exerceraient des pressions sur le secteur du boeuf et des grains. Cela semble viser le Canada de l'Ouest et il y a beaucoup d'agriculteurs de l'Ouest qui pensent que l'Est est en train de vendre l'Ouest.

M. Wilkinson: Excusez-moi mais cela indique simplement que Clinton connaît très mal les accords commerciaux qu'il a signés. Lorsqu'il a été élu président, nous avons demandé à notre premier ministre d'avoir un entretien avec lui à Vancouver ou à Seattle, où se tenait la réunion du G-7. Le très honorable Jean Chrétien nous a déclaré par la suite qu'il avait essayé d'avoir un entretien avec le président, mais que celui-ci n'était pas au courant de ce qui se passait vraiment dans le secteur du commerce. Je crois que cette déclaration le prouve.

Ils sont protectionnistes. Ils ont complètement détruit l'industrie de la betterave à sucre au Manitoba. Ils ont réussi à exclure ce sujet des discussions tenues au cours de la dernière ronde. Nous pourrions les battre à plate couture dans le secteur de la betterave, ce ne serait pas difficile, mais ils ont un marché très protégé. Ils ont également un marché très protégé pour l'arachide.

Leur système de protection du lait dans le secteur laitier est plus poussé que le nôtre. En fait, notre marché leur est complètement ouvert.

Ils ne savent pas de quoi ils parlent dans un certain nombre de secteurs. D'un côté, ils ne peuvent dire qu'il faut un système négocié, basé sur des règles mondiales et de l'autre, dès que cette conversation est terminée, menacer de nous empêcher de vendre du blé, du boeuf et du porc chez eux parce que nous sommes trop compétitifs. Ce sont justes des déclarations à saveur politique qui cherchent à apaiser les protectionnistes de l'extrême droite qu'il doit se concilier à l'heure actuelle. Si nous nous trouvions dans la situation qui est la sienne aujourd'hui, nous dirions peut-être tous des choses pour essayer de nous faire des amis. Cependant, cela ne constitue pas une politique commerciale et nous ne devrions pas accorder trop d'importance à ces déclarations.

Le président: Vous devez tout de même reconnaître que c'est ça la réalité.

M. Wilkinson: Nous n'avons jamais fait de concession.

Le président: Et si les Américains bloquaient la viande de boeuf?

M. Wilkinson: Vous pourriez leur donner la gestion de l'offre et ils agiraient encore de cette façon. Vous le savez.

Le président: Je voulais vous dire que s'ils prenaient des mesures restrictives dans le secteur du blé et du boeuf...

M. Wilkinson: Nous soumettrions la question à un groupe spécial.

Le président: ... le prix du boeuf, par exemple, chuterait en une semaine parce que c'est là que nous envoyons notre viande de boeuf.

M. Wilkinson: Je sais mais ils agissent comme ceux qui font du racket dans les cours d'école. Vous savez bien comment cela se passe. Il y en a qui viennent vous voir, qui vous bousculent et qui vous disent: «Donne-moi ton argent». Vous pouvez être sûrs que si vous leur donnez votre argent, ils vous en demanderont encore le lendemain.

Pour moi, il y a des règles. Le secteur du boeuf n'est pas subventionné. Nous avons obtenu un accès à leur marché après des négociations. Cela serait difficile pendant un certain temps mais d'un autre côté, ils ont accès au marché de l'Est du Canada et ils expédient des quantités massives de viande de boeuf, marché qui leur serait interdit le lendemain du jour où ils fermeraient celui de l'Ouest. Nous ne voulons pas que les déclarations officielles évoluent dans cette direction.

Ce ne sont pas des déclarations qui surprennent dans la bouche d'un sénateur. Il est par contre triste qu'un président se laisse aller à faire ce genre de déclaration parce que ses conseillers devraient lui offrir d'autres conseils mais nous ne pouvons pas plier devant ces menaces sinon nous ne produirions rien.

Le président: Il faut tout de même tenir compte de la réalité. Les producteurs de grains de l'Ouest du Canada produisent beaucoup plus que les Canadiens peuvent consommer. Nous sommes un pays exportateur. La Commission du blé n'est pas une commission de commercialisation, c'est un organisme de vente, un organisme de mise en marché.

M. Wilkinson: D'accord.

Le président: Ce n'est pas une commission de commercialisation comparable aux commissions de mise en marché du lait et du poulet.

M. Wilkinson: D'accord.

Le président: C'est la même chose pour le boeuf. Nous vendons sur le marché international.

M. Wilkinson: Voulez-vous dire que, chaque fois qu'on traverse la frontière, nous devrions unilatéralement abandonner le marché dès que le président parle de la réciprocité d'accès avec les États-Unis? C'est ce que je comprends.

Le président: Je vous demande en tant que président de la Fédération de l'agriculture, si vous savez ce qu'on pense dans l'Ouest.

M. Wilkinson: Oui, je le sais.

Le président: C'est ce que reflète la situation politique à Ottawa de nos jours.

M. Wilkinson: Je sais très bien ce que ressentent les producteurs de l'Ouest.

Le président: Le fait est que les agriculteurs estiment qu'on les a abandonnés.

M. Wilkinson: Le fait est qu'on ne les a pas abandonnés. Il faut sérier les questions. Réduire les pouvoirs d'une commission pour se lancer sur le marché de l'exportation à court terme est une réaction irréfléchie aux problèmes difficiles que connaît le secteur des grains. C'est à nous d'examiner soigneusement les orientations que nous voulons prendre et d'agir rapidement pour y parvenir. Le seul fait de supprimer une commission et de passer à l'exportation pour le poulet ne va pas nécessairement résoudre le problème de revenu que connaissent les producteurs de grains et les autres exploitations familiales des Prairies.

Le choix de nouvelles orientations suscite un vif débat. Je crois que le gouvernement fédéral doit mettre en place des filets de sécurité et prévoir des programmes d'adaptation pour amortir les changements qu'il faut faire rapidement. Je ne pense pas que les réactions irréfléchies donnent de bons résultats.

Je viens de passer deux mois dans l'Ouest pendant lesquels j'ai assisté à toutes les assemblées annuelles. La moitié de notre conseil d'administration vient d'organismes agricoles et d'organismes de coopératives agricoles des Prairies. Nous sommes tenus au courant de ce qui se passe là-bas. La situation dans laquelle se trouve cette partie du pays est, je crois, aussi grave que celle des producteurs de pommes de terre dans les Maritimes, en Ontario, et que les questions commerciales que soulèvent nos échanges avec le Mexique. Il faut régler les problèmes sectoriels à mesure qu'ils se posent. Le lâchage d'un secteur pour en sauver un autre est un jeu de dupes. Tout le monde y perd.

Le président: Que veulent dire les changements qu'a connus la Commission ontarienne du blé ces deux dernières semaines?

M. Wilkinson: Cela veut dire que les conseils élus agissent parfois plus rapidement que les autres et je ne dis cela à la légère.

Le président: Qu'est-ce que cela veut dire pour nos exportations vers les États-Unis?

M. Wilkinson: Il est toujours dangereux de comparer. On me demande souvent: «Pourquoi est-ce que la Commission ontarienne peut faire ceci alors que nous ne le pouvons pas?»

Franchement, je ne pense pas que l'on puisse comparer ces marchés. Sur le marché ontarien du blé de meunerie, nous avons déjà eu un système de double prix pour le blé et la Commission ontarienne a exporté du blé tendre vers 15 à 20 pays. Après la signature de l'ALENA, cette commission n'a pratiquement vendu qu'aux minoteries américaines. Cela a touché le marché continental, ce qui ne veut pas dire uniquement la situation du blé dans l'ouest. Si nous avions essayé de vendre une telle quantité de blé aux États-Unis, la réaction que nous avons connue il y a quelques années se serait fait sentir immédiatement.

Il y a la volonté d'explorer de nouveaux marchés. Lorsque l'on vise 30 ou 40 pays, il faut une autre structure. Je ne prétends pas être spécialiste de la mise en marché mais il faut une autre structure pour le faire si on veut développer et préserver à long terme des marchés internationaux.

Je pense que la mise en place d'un conseil élu est une bonne mesure parce que c'est le conseil qui déterminera la façon dont il souhaite répondre aux demandes des producteurs des Prairies. Ce sont eux qui sont les mieux placés pour en juger.

Le président: Là encore, c'est un bon argument. Par contre, le producteur de l'Ouest qui essaie de vendre son blé à 3 $ le boisseau et qui sait que son homologue en Ontario peut le vendre directement sur le marché américain, est obligé de se poser des questions sur l'équité du système et il n'a pas tort de le faire.

M. Wilkinson: Je ne pense pas que l'écart de prix que mentionne les partisans d'un conseil aux pouvoirs réduits soit exact. L'on mentionne souvent le prix initial non pas le prix final. On abandonne vite les faits pour faire des déclarations générales sur les avantages comparés d'un système de mise en marché ordonné et de la liberté totale d'accès aux marchés.

Nous avons déjà voté dans le passé au sujet de l'élection des administrateurs et je crois que c'est le genre de structure de commercialisation que nous devrions avoir. Nous sommes tous capables de compter les votes. Nous savons qui ils sont. Nous savons que cela ne pourra pas satisfaire ceux qui veulent d'autres changements. Nous recommandons que l'on mette en place rapidement un conseil d'administration élu, dont la majorité serait des producteurs qui pourraient alors contrôler leur destinée. Cela nous paraît être la meilleure façon de répondre à ces demandes de changements.

Chaque marché est différent et exige une structure de commercialisation différente. La Commission ontarienne du blé n'a jamais partagé de marché avec la Commission canadienne du blé, elle n'a jamais vendu les mêmes quantités et n'a jamais figuré dans l'équation.

Le blé d'hiver tendre de l'Ontario est un produit tout à fait différent du blé cultivé dans les Prairies. Tous ceux qui ont étudié la question le savent. On s'en sert souvent comme exemple.

Je ne tiens pas à en dire davantage. Notre mémoire vous indique ce que nous pensons des modifications à apporter à la Commission canadienne du blé.

Le président: Pour les fins de l'argument, je vous dirais que je me trouvais avez Mike Wilson et Bill McKnight à une réunion du GATT, à laquelle assistait M. Dunkel. Le gouvernement conservateur, et on ne penserait pas qu'un gouvernement conservateur puisse demander ce genre de choses, nous avait donné comme instruction de protéger à tout prix le chapitre 11. Nous nous sommes essayés en face de M. Dunkel et il nous a dit: «D'un côté, vous voulez un marché ouvert et de l'autre un marché protégé -- décidez-vous.»

Cela n'a pas changé parce que l'Ontario a 103 sièges et le Québec 85. L'ouest du Canada n'a pas autant de sièges que ça et le gouvernement libéral n'agira pas différemment.

M. Wilkinson: Il n'y a pas un seul pays où il n'y ait pas quelque produit agricole qui soit sensible aux importations ou même aux exportations. Si vous parlez aux Australiens, vous allez voir comment fonctionne le secteur du sucre et du porc chez eux. Essayez d'exporter de la viande de porc en Australie et vous verrez si leur frontière est vraiment ouverte.

C'est le genre de question que les gens aiment poser aux Canadiens. Ils disent: «Vous voulez ceci et vous voulez cela, vous êtes schizophrène.» Je dirais non, ce n'est pas schizophrène, c'est sophistiqué. C'est la réalité. C'est la même chose pour les autres secteurs. Parlons de l'automobile ou du textile, si vous voulez. Nous avons des produits sensibles qui vont devenir compétitifs sur le plan international à un autre rythme que les autres et le commerce consiste à défendre ces intérêts. C'est une des réalités de la vie. Les intérêts des autres sont différents. C'est à nous d'en tenir compte dans nos politiques commerciales et de les mettre en oeuvre aussi rapidement que possible. Je ne pense pas que cela soit contradictoire.

Pendant des années, la grande question a été la suppression des subventions au transport, ce qui a complètement transformé l'économie des trois provinces de l'Ouest qui font de l'exportation.

Le président: Nous avons dû réduire notre prix d'un tiers.

M. Wilkinson: Je le sais.

Le président: Cela vient de toucher les agriculteurs.

M. Wilkinson: Je le comprends et la situation sera difficile en attendant que l'on trouve de nouveaux marchés, que l'on développe la transformation et la valeur ajoutée. Les choses changent rapidement mais je suis vraiment convaincu que ce n'est pas le projet de loi sur la Commission du blé qui va permettre de résoudre tout cela.

Le président: Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.

La séance est levée.


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