Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 5 - Témoignages pour la séance du matin


BRANDON, le mardi 24 mars 1998

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, auquel on a renvoyé le projet de loi C-4, Loi modifiant la loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 h 07 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Léonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Avant d'inviter les témoins à prendre place à la table, j'ai quelques annonces à faire.

À l'arrière, vous trouverez des écouteurs pour la traduction. Comme vous le savez, le comité du Sénat est ici pour entendre des témoignages, particulièrement d'agriculteurs qui s'expriment en leur nom et de groupements d'agriculteurs, à propos du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé. Nous allons d'abord inviter à la table quatre ou cinq témoins, qui disposeront chacun de cinq minutes pour présenter leur exposé. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs. On accordera environ une heure à chaque groupe. Nous nous efforcerons d'être aussi rigoureux que possible pour donner à tous la possibilité de témoigner.

Je demande aux premiers témoins, à partir de ma gauche, de se présenter, de nous dire où se trouve leur exploitation agricole, etc.

M. Larry Maguire: Bonjour. Mon exploitation se trouve à Elgin, au Manitoba, à 45 milles au sud-ouest de Brandon.

M. Delory Nestibo: Bonjour. Mon exploitation se trouve à Waskada, au Manitoba, à 80 milles au sud-ouest de Brandon.

M. Grant Maddess: Bonjour. Mon exploitation se trouve à Deloraine, à environ 65 milles au sud-ouest de Brandon.

M. John Husband: Bonjour, monsieur le président. Ma femme et moi avons une exploitation biologique à Wawota, en Saskatchewan.

Le président: Je demanderai maintenant aux sénateurs de bien vouloir se présenter, à commencer par le sénateur Spivak.

Le sénateur Spivak: Je m'appelle Mira Spivak. Je viens de Winnipeg. J'ai grandi et cultivé la terre dans la région de Stony Mountain -- croyez-moi, les terres qu'on y retrouve n'ont rien de comparable avec les terres agricoles que vous avez ici à Brandon. C'est l'Interlac manitobain, où les pierres et les mauvaises herbes abondent.

Le sénateur Stratton: Je m'appelle Terry Stratton. Je suis originaire du sud de Winnipeg. Je ne suis pas agriculteur.

Le sénateur Fairbairn: Je m'appelle Joyce Fairbairn. Je viens de Lethbridge, en Alberta, dans le coin sud-ouest. La ville est entourée d'exploitations agricoles.

Le sénateur Taylor: Je m'appelle Nick Taylor, et je viens de Redwater, dans le nord de l'Alberta. Je vis sur une ferme sans but lucratif, que je fais subventionner par le Sénat, et je suis très intéressé par ce que vous avez à dire.

Le président: Je m'appelle Len Gustafson, agriculteur toujours actif de Macoun, en Saskatchewan.

Le sénateur Hays: Je m'appelle Dan Hays et je viens de l'Alberta, où je cultive la terre, près de Landry Lake.

Le sénateur Chalifoux: Je m'appelle Thelma Chalifoux. Je viens du nord de l'Alberta, près de Morinville, et je vis en pleine nature.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Je m'appelle Fernand Robichaud et je viens du Sud-Est du Nouveau-Brunswick, dans les Maritimes.

[Traduction]

Le président: Nous entendrons maintenant notre premier témoin, M. Larry Maguire. Vous avez cinq minutes.

M. Larry Maguire: Je tiens d'abord à vous souhaiter la bienvenue à Brandon et à vous remercier d'avoir fait de la ville du blé le premier arrêt des audiences du Sénat. Aujourd'hui, je m'adresse à vous à titre de particulier qui, ce printemps, sèmera en prévision de la 29e récolte de notre famille, c'est-à-dire des céréales, des fèves oléagineuses et des légumineuses à graines. Tout ce temps, les pratiques culturales liées à nos activités agricoles, tout comme les technologies de l'information et les modes de communication, ont fait l'objet d'un grand nombre de transformations radicales. La recherche explique en grande partie la survie de l'agriculture telle que nous la connaissons aujourd'hui. Les mécanismes auxquels la Commission canadienne du blé a recours pour tenter de répondre aux besoins des agriculteurs ont changé. Je sais. J'ai siégé pendant huit ans au comité consultatif de la Commission canadienne du blé, mais le fait est qu'il s'agit toujours d'un monopole et que les agriculteurs n'ont toujours aucun choix le moment venu de vendre leurs céréales.

Savez-vous ce que c'est que de travailler la terre pendant près de 30 ans et de ne pouvoir vendre son blé et son orge qu'à un seul acheteur? Comme je l'ai dit, de nombreux autres aspects de notre activité agricole ont changé. L'amorce de tout ce processus s'explique par le fait que les agriculteurs veulent plus de choix, le moment venu de vendre leurs produits, et pas moins.

Certes, le gouvernement a déployé des efforts louables pour aider les agriculteurs. Le gouvernement a signé l'accord du GATT. Notre industrie en a profité. Il a privatisé le CN Rail, et je doute que nos voisins américains ont été très heureux qu'il s'agisse toujours d'une société d'État lorsque, il y a un mois, ils ont tenté d'acheter le Illinois Central. Donner aux agriculteurs la possibilité de vendre par eux-mêmes une partie de leur blé et de leur orge ne met certainement pas en péril la sécurité nationale.

J'ai parlé du changement. Nulle part le changement n'est-il plus rapide qu'ici, à Brandon, et dans l'ouest du Manitoba. Voilà pourquoi j'ai tenu à comparaître ce matin devant vous, à titre personnel.

Avec la disparition de la Subvention du Nid-de-Corbeau, notre industrie tente tant bien que mal de s'adapter. Les agriculteurs ne continueront pas de payer 1,25 $ le boisseau pour le transport et la manutention du blé de force roux de printemps et l'orge fourragère. Dans le secteur, nos frais de transport sont passés de 10 $ la tonne à exactement 37 $ pour le blé de force roux de printemps et à plus de 40 $ pour l'orge fourragère. Et on ne parle ici que du transport.

Un plus grand nombre d'entreprises à valeur ajoutée sont ainsi créées, de sorte que je me crois autorisé à vous souhaiter la bienvenue dans la zone où les tarifs sont les plus élevés non seulement dans l'Ouest canadien, mais bien aussi dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. La plupart de nos grains seront utilisés au pays et expédiés aux États-Unis, à des fins de transformation ultérieure. Des meuneries y sont déjà établies. Au cours des quatre ou cinq prochaines années, le Manitoba et l'Alberta seront en proie à une pénurie d'aliments pour animaux, et, d'ici là, il est probable qu'aucun grain ne sera expédié outre-mer à partir du Manitoba. Remarquez que j'ai dit «outre-mer». Car notre grain se déplacera à coup sûr dans l'axe Nord-Sud.

Tout cela pour vous expliquer pourquoi les agriculteurs tiennent à avoir des choix le moment venu de commercialiser leur blé et leur orge et pourquoi il est si impératif que des modifications soient apportées au projet de loi C-4. Nous débattons de ce projet de loi et de tout le processus de changement depuis de nombreuses, nombreuses années; en fait, il s'agit de décennies. C'est toutefois parce que les agriculteurs ont revendiqué plus de choix à l'époque des travaux du Groupe de commercialisation du grain, en 1996, que l'enjeu a déclenché une crise.

Depuis, on a toutefois déposé le projet de loi C-76, puis le projet de loi C-4. On a proposé un certain nombre de solutions symboliques, si vous me passez l'expression. Je suis l'un de ceux qui, en octobre dernier, ont témoigné devant le comité permanent de l'agriculture, à Ottawa, mais un événement extraordinaire survenu en Ontario a relégué dans l'ombre toutes ces recommandations. J'aborderai dans un instant quelques-unes des solutions proposées. Mais il ne fait aucun doute que la nouvelle solution en marge de l'Office de commercialisation que les producteurs de blé de l'Ontario se sont votée il y a une semaine ou deux constitue à n'en pas douter une initiative de premier plan dont on a le plus grand besoin ici, dans l'Ouest canadien. On doit profiter du retour du projet de loi devant la Chambre pour y intégrer une mesure de la sorte. Sinon, l'industrie du blé et de l'orge sera, dans le secteur agricole canadien, confrontée à une politique de deux poids deux mesures. Si on ne règle pas le problème, les agriculteurs de l'Ouest canadien n'auront pas la possibilité de vendre une partie de l'orge et du blé qu'ils ont eux-mêmes fait pousser.

Les agriculteurs de l'Ontario se sont donné à eux-mêmes la possibilité de vendre leur blé aux États-Unis. Je ne sais pas si vous avez été mis au courant de la disposition dans son ensemble, mais il ne fait aucun doute qu'on n'aura pas la même possibilité ici, dans l'Ouest canadien.

Je veux maintenant aborder deux ou trois dispositions du projet de loi qui, à mon avis, doivent impérativement être modifiées. Bien entendu, on doit modifier la clause d'inclusion. On ne la retrouvait pas dans le projet de loi C-72. Elle a fait son apparition au stade de la troisième lecture, tout juste avant la dissolution du Parlement qui a précédé l'élection. On doit la retirer du projet de loi C-4. Le ministre a reconnu l'existence de cette modification à la toute dernière minute, après l'imposition du bâillon; le gouvernement admet donc que la disposition doit être supprimée. Je vous suggère de recommander qu'elle le soit.

Si on choisit de laisser la disposition dans le projet de loi, nous devons étudier la possibilité d'un vote pondéré, comme c'est le cas en Australie. Là-bas, les agriculteurs ont doit à un vote pour les 33 premières tonnes qu'ils livrent; jusqu'à 500 tonnes, ils ont droit à un autre vote et encore à un autre vote pour chaque tranche de 500 tonnes additionnelles. Nous devons étudier la possibilité d'adopter, comme l'a fait la Commission de commercialisation des produits agricoles de l'Ontario un vote à la majorité des deux tiers pour décider de l'inclusion ou du maintien de récoltes et d'autres produits visés par la gestion de l'offre en Ontario dans le mandat de la Commission.

Deuxièmement, l'orge devrait être entièrement soustrait à l'emprise de la Commission canadienne du blé. Je n'ai pas toujours été de cet avis. Toutefois, le ministre lui-même a demandé la tenue d'un vote, en février dernier -- c'était il y a 13 mois -- , et le résultat a été de 63 contre 37. Même si, dans ce vote, on a tenu compte du malt, 37 p. 100 des agriculteurs ont dit ne pas vouloir que la Commission canadienne du blé s'occupe de l'orge. Si, dans l'ensemble du Canada, on appliquait des règles analogues à celles qui régissent les recommandations de la Commission de commercialisation des produits agricoles de l'Ontario, selon lesquelles il faut une majorité des deux tiers pour qu'une récolte demeure visée par elle, nous pourrions déjà, dans l'Ouest canadien, vendre notre orge en vertu d'un système ouvert.

Le troisième mécanisme qui, à mon avis, doit faire l'objet d'un examen est celui que j'ai contribué à concevoir par l'intermédiaire d'une autre association. Il s'agit d'un mécanisme de compromis en vertu duquel 25 p. 100 de la récolte d'un agriculteur pourraient être utilisés comme couverture dans une bourse de marchandises en bonne et due forme, afin de permettre à ce dernier de gérer ses propres risques, ce qui est l'une des principales raisons qui expliquent que nous souhaitons aujourd'hui avoir une marge de manoeuvre dans nos exploitations. Voilà pourquoi nous n'exerçons plus le même genre de contrôle sur le coût des intrants et des frais de transport. Nous devons être en mesure de gérer nos risques, et nous devons pouvoir le faire avant la récolte et lorsque les prix augmentent. Un tel mécanisme permettra aux agriculteurs de procéder à de telles opérations de couverture, et la Commission conservera son monopole sur les exportations de produits.

Je peux mettre plus de renseignements à votre disposition, et je le ferai à l'occasion de la séance de demain, à Regina. Cette fois, c'est la Commission qui fixerait les niveaux de base. Les agriculteurs pourraient profiter des prix en vigueur, et c'est là le principal volet du mécanisme. Il ne répond pas à 100 p. 100 à mes désirs, mais il s'agit incontestablement d'un pas dans la bonne direction.

Il y a d'autres problèmes dans le projet de loi, particulièrement en ce qui a trait à l'administration -- le fait que le président du conseil et quatre administrateurs soient nommés. En Ontario, le conseil est entièrement composé d'administrateurs élus. Je ne vois pas pourquoi on n'en ferait pas autant dans l'Ouest canadien. En Ontario, les agriculteurs bénéficient toujours de prix initiaux garantis. Dans l'Ouest canadien, on nous dit que ces nominations sont nécessaires pour garantir les prix initiaux. Je ne vois pas non plus comment les prix initiaux garantis sont avantageux pour l'Ouest canadien comme ils ont pu l'être à une certaine époque. En fait, il arrive qu'ils aient une influence superflue sur les prix à certaines époques de l'année. Il ne faut pas en conclure que le gouvernement n'aurait plus la possibilité de garantir le crédit à l'exportation pour les ventes effectuées à nos clients d'outre-mer. Bien entendu, le présent plan opérationnel devrait être présenté au gouvernement, et le conseil d'administration nouvellement élu a des comptes à rendre à la Commission, et non aux agriculteurs. Nous pensons que cet aspect aussi de notre fonctionnement devrait être modifié.

Le président: Monsieur Maguire, je vais vous demander de conclure en une minute, s'il vous plaît.

M. Maguire: C'est tout ce que j'ai à dire. À mon avis, telles sont les dispositions qui doivent être modifiées. Pour devenir un texte de loi de nature à aider les agriculteurs de l'Ouest canadien, le projet de loi C-4 devra subir beaucoup de modifications, beaucoup de modifications positives.

Permettez-moi d'insister une fois de plus sur l'enjeu qui a préséance sur tous les autres: pourquoi les agriculteurs d'une région du Canada sont-ils en mesure de commercialiser leurs produits dans un marché tout à fait libre, tandis que la majorité des producteurs de blé de l'Ouest canadien -- ce qui correspond de toute évidence à la majorité des producteurs de blé du Canada -- ne bénéficient pas de la même possibilité? On doit mettre les mêmes mécanismes à notre disposition. En fait, en 1993, les producteurs d'orge du Canada ont eux aussi, pendant une période de quarante jours, bénéficié d'un accès au marché libre.

M. Husband: Merci de l'occasion que vous me donnez de me prononcer sur le projet de loi. Comme je l'ai indiqué plus tôt, notre exploitation est biologique. Notre exploitation, reconnue comme biologique depuis 1990, assure notre subsistance. Nous cultivons une grande diversité d'espèces, que nous commercialisons de diverses façons, y compris la signature de contrats à terme. En général, nous parvenons à obtenir d'excellents prix qui assurent notre rentabilité.

La Commission canadienne du blé ne commercialise pas de céréales biologiques. Pourtant, nous sommes contraints de lui vendre nos produits, puis de les racheter. C'est elle qui fixe arbitrairement les prix de rachat. Imprévisibles, ces derniers sont souvent élevés, et aucun service n'est offert. À l'occasion, nous avons été incapables de vendre des produits biologiques, étant donné que la Commission du blé aurait pris tous nos profits.

Dans un système biologique, les rotations jouent un rôle extrêmement important. L'orge et le blé, qui conviennent bien aux Prairies, représentent d'importantes cultures biologiques. Ces céréales sont en demande. Pourtant, nous évitons dans toute la mesure du possible de produire de l'orge et du blé, à cause de la Commission du blé.

De façon plus générale, la Commission du blé et l'industrie biologique sont incompatibles. Les principes de la culture biologique, qui sont universels, mettent l'accent sur la propriété et l'indépendance des agriculteurs, tandis que la Commission met l'accent sur la propriété et le contrôle du gouvernement. Habituellement, les céréales biologiques sont vendues en petits lots individuels, toujours en expéditions séparées, en vertu d'un strict contrôle de vérification biologique. Par opposition, les activités de commercialisation de la Commission du blé portent sur d'importants volumes de produits génériques mis en commun. Les principes qui sous-tendent la culture biologique mettent l'accent sur les marchés intérieurs, tandis que la Commission met l'accent sur les exportations, réservant les grades inférieurs pour les consommateurs canadiens et exportant les grades supérieurs, selon son habitude.

Le projet de loi C-4 ne renferme pas les modifications nécessaires. Il est de toute évidence inacceptable pour un pourcentage élevé d'agriculteurs. Il n'oblige pas la Commission du blé à rendre des comptes aux producteurs ni à agir dans leur intérêt. Il continuera de semer la division et l'agitation parmi les producteurs. Il est incompatible avec l'environnement commercial mondial actuel.

Le projet de loi C-4 contrevient également à l'engagement contracté par le Canada dans les accords des Nations Unies, de trois façons particulières. Premièrement, le fait d'obliger des personnes à confier des biens privés à une régie publique en contrepartie d'un dédommagement fixé de façon arbitraire va à l'encontre de l'article 17 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui précise que nul ne peut être privé arbitrairement de sa propriété.

Deuxièmement, la Commission du blé exerce une discrimination contre les agriculteurs des Prairies en contravention de l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui précise que la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de fortune ou de toute autre situation.

Troisièmement, la Loi sur la Commission canadienne du blé, en définissant une région désignée, fait d'une partie du Canada une fiducie territoriale et confie au Parlement la responsabilité d'une partie très importante de ce territoire sur le plan économique. Il s'agit d'une forme d'impérialisme, qui va à l'encontre des pactes de l'ONU, qui précisent que tous les peuples ont le droit à l'autodétermination, qu'ils peuvent tous, pour leurs propres fins, exploiter librement leurs richesses et leurs ressources naturelles et, enfin, que nul ne peut être privé de ses propres moyens de subsistance. Il importe de comprendre que ces pactes ont été signés et ratifiés par le Canada. Les parties sont liées par ces obligations.

Les producteurs doivent avoir la possibilité de se retirer. Pour y parvenir, il suffit d'apporter une modification très mineure. Plutôt que d'abroger l'alinéa 46b) de la loi, comme le prévoit l'article 25 du projet de loi C-4, on devrait modifier l'alinéa comme suit: Le gouvernement en conseil peut, par règlement, définir les modalités d'exclusion des producteurs qui choisissent de ne pas vendre à la Commission canadienne du blé en application de l'alinéa 32(1)a) et qui bénéficient dès lors du même statut que les producteurs se trouvant à l'extérieur de la région désignée. On élimine ainsi les éléments de confiscation et de discrimination, tandis que la loi demeure foncièrement intacte.

Sénateurs, le projet de loi C-4 devrait apporter à la Loi sur la Commission canadienne du blé des modifications avisées et viables bénéficiant du soutien des intéressés. Le refus du gouvernement de donner aux agriculteurs le droit à l'autodétermination crée un climat de ressentiment intense et résolu. La Commission n'est pas viable dans un tel climat de mauvaise volonté.

M. Nestibo: Je cultive des céréales, des fèves oléagineuses et des légumineuses à graines à Waskada, au Manitoba, à environ 80 milles au Sud-Ouest d'ici. Je tiens à porter à votre attention mes préoccupations et celles de milliers d'autres agriculteurs de l'Ouest canadien propos du monopole qu'exerce la Commission canadienne du blé sur la commercialisation du blé et de l'orge et des modifications qu'il convient d'apporter au projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé.

Ma femme Jan et moi cultivons la terre depuis 22 ans. Nous avons trois fils qui aimeraient beaucoup faire leur vie dans l'industrie agricole. Nous sommes bénévoles à la coopérative locale d'approvisionnements agricoles; nous agissons également comme bénévoles pour le compte de l'organisme connu sous le nom de Silos-élévateurs du pool du Manitoba. Au cours des dernières années, j'ai, à l'instar d'autres agriculteurs travaillant en collaboration, construit d'importantes exploitations de naissage-engraissage pour créer des emplois et augmenter la valeur de l'orge fourragère produite au niveau local. Je me suis également associé à d'autres agriculteurs pour décortiquer et transformer les récoltes de tournesol du sud-ouest du Manitoba.

Au niveau local, on retrouve de nombreux transformateurs d'autres produits tels que les pois et les lentilles, mais, dans le secteur des céréales visées par la Commission canadienne du blé, il n'y a pas d'industrie à valeur ajoutée. Sur le plan financier, il n'est tout simplement pas réaliste de transformer et d'exporter ces céréales, la Commission canadienne du blé obligeant les agriculteurs à racheter à des prix déraisonnables l'orge et le blé qu'ils ont eux-mêmes fait pousser. Cette procédure de rachat a tout simplement pour effet de faire disparaître les profits. N'êtes-vous pas d'accord pour dire que, sur le plan des industries à valeur ajoutée, l'Ouest canadien accuse du retard?

De nombreux agriculteurs de l'Ouest canadien possèdent aujourd'hui l'information, les connaissances et le raffinement nécessaires pour commercialiser l'orge et le blé qu'ils font pousser, tout comme ils ont commercialisé des récoltes non régies par la Commission, par exemple le canola, l'avoine, l'orge fourragère, les pois, les lentilles, le tournesol, le lin et le seigle, en plus d'y ajouter de la valeur et de créer des emplois. Je vous le demande, sénateurs, pourquoi pas l'orge brassicole et le blé?

Je n'arrive pas à imaginer que les fondateurs du mouvement coopératif dans l'Ouest canadien aient pu un jour imaginer que des agriculteurs seraient arrêtés, inculpés de crimes, traînés devant le système judiciaire et jetés en prison, les menottes au poing et les fers au pied, simplement pour avoir souhaité vendre l'orge et le blé qu'ils ont fait pousser en marge du monopole. Je pense que l'histoire portera un jugement sévère sur le mouvement coopératif de l'Ouest canadien en raison du lourd monopole exercé par le gouvernement sur les exportations de blé et d'orge. Le monopole de la Commission canadienne du blé ne se justifie plus depuis très longtemps.

Ce que le gouvernement fédéral a fait à l'économie de l'Ouest canadien par l'entremise de la Commission canadienne du blé constitue, à mon avis, une tragédie. Il est temps que vous vous mettiez à l'écoute des Canadiens de l'Ouest à l'esprit progressif et visionnaire, plutôt qu'à celle des partisans du statu quo socialiste engoncés dans des mentalités qui ont fait leur temps. Sénateurs, le monde qui nous entoure est vaste. Très vaste.

L'ex-ministre de l'Agriculture et l'actuel ministre responsable de la Commission canadienne du blé, Ralph Goodale, a perdu le respect des agriculteurs en raison de son refus de donner suite aux demandes de changement du régime de commercialisation des céréales. À cet égard, le rapport du Groupe de commercialisation du grain, remis au ministre il y a environ deux ans, constitue un exemple de premier plan. M. Goodale a affirmé que le groupe allait désamorcer le débat animé concernant la commercialisation du grain dans l'Ouest canadien. La plupart des agriculteurs auraient pu s'accommoder du rapport. Ce dernier avait été rédigé par neuf spécialistes éminents et chevronnés qui connaissaient à fond l'industrie agricole, et M. Goodale en a fait totalement fi et l'a rejeté.

M. Goodale a tout à fait berné les agriculteurs en affirmant qu'une céréale soustraite au monopole ne pourrait jamais y être réintégrée en raison des accords commerciaux internationaux. Puis, le projet de loi C-4 est venu, et on y retrouve une disposition d'inclusion invraisemblable et tout à fait inacceptable qui assujettit de nouvelles céréales au monopole de la Commission canadienne du blé. Cette clause d'inclusion doit être abrogée immédiatement.

De toute évidence, M. Goodale trompe effrontément les agriculteurs depuis des années; on ne peut donc compter sur lui, et il devrait démissionner de son poste pour laisser à une personne intègre le soin de s'occuper du problème de la Commission canadienne du blé et du texte de loi qui la régit. L'incapacité de M. Goodale de faire un compromis sur cette question entraînera la disparition complète et définitive de la Commission canadienne du blé. Chaque jour, un nombre plus grand d'agriculteurs rejette la lourde approche de la Commission canadienne du blé.

Ce dont le texte de loi a besoin, c'est d'une disposition de retrait de un an dont pourraient se prévaloir les agriculteurs qui jugent le système actuel inacceptable. Le mécanisme s'apparenterait à celui dont bénéficient les agriculteurs de l'Ontario. En annexe du document qui vous a été distribué, vous trouverez les détails concernant l'Office de commercialisation du blé de l'Ontario. Bientôt, les agriculteurs ontariens auront la possibilité de vendre la totalité de leur blé et de leur orge à l'Office ou sur le marché libre. L'inclusion dans le texte de loi d'une disposition de retrait de un an mettra un terme à la controverse qui entoure le monopole de la Commission canadienne du blé. Étant donné le régime contractuel qui régit actuellement les céréales, la disposition de retrait constitue le moyen le plus simple et le plus efficace de mettre un terme à la conformité forcée avec le monopole.

Comme vous le savez, sénateurs, on a, l'hiver dernier, tenu un vote pour déterminer les préférences des agriculteurs de l'Ouest canadien relativement à la commercialisation de l'orge. M. Goodale, qui a l'habitude de faire les choses en catimini, a effectué en secret un sondage auprès des agriculteurs pour déterminer leurs préférences à ce sujet. Ce sondage secret lui a révélé que les agriculteurs étaient favorables à une Commission canadienne du blé à participation volontaire dans une proportion de 55 p. 100. Il a donc décidé de ne pas nous donner cette option sur le bulletin de vote. Il a trafiqué la question de manière à obtenir un vote en faveur du monopole; ainsi, les agriculteurs n'ont pas eu la possibilité de se prononcer sur les bonnes options.

Nous, résidents de l'Ouest canadien, n'apprécions guère d'être traités comme des citoyens de deuxième classe. Dans une société libre et démocratique, nous avons le droit d'exprimer nos opinions, bonnes ou mauvaises. Sur le bulletin de vote, on aurait dû inscrire une troisième option, à savoir la possibilité de se retirer ou de participer volontairement à la Commission canadienne du blé. On ne devrait pas permettre aux politiciens ni aux administrateurs de la Commission canadienne du blé de trafiquer la question pour assurer le triomphe de leur opinion biaisée.

Dans le nouveau texte de loi, on doit retrouver une modification définissant comment la question sera posée et toutes les options au sujet desquelles les agriculteurs seront appelés à se prononcer.

Voilà qui met un terme à mon exposé. Je tiens à vous remercier d'être venus à Brandon et d'être à l'écoute des préoccupations des agriculteurs.

M. Maddess: En ma qualité de producteur de céréales du sud-ouest du Manitoba, je suis rassuré, honorables sénateurs, de voir que vous consultez les personnes qui seront radicalement touchées par le projet de loi C-4. Comme on l'a dit, l'insatisfaction à propos du projet de loi est quasi unanime, et je ne fais pas exception à la règle. Aujourd'hui, nous composons avec de nombreux utilisateurs finaux qui ont besoin de variétés précises de grains à des moments précis. La Commission canadienne du blé a beaucoup de mal à coordonner la livraison et la manutention de ces grains parce qu'elle a été conçue pour assurer l'approvisionnement en ce que j'appellerai, faute d'un meilleur terme, grains génériques, par exemple un grade donné de blé dur, mais pas un grade donné de blé dur en même temps qu'une variété précise. Dans mon exploitation, je vends du blé dur à contrat depuis quelques années.

Lorsque, chaque année, je m'enquiers de la possibilité de conclure de tels contrats, on me répond habituellement: «Avant de conclure des contrats avec les agriculteurs, la société travaille avec la Commission canadienne du blé pour répondre à ses besoins.» Ces tracasseries bureaucratiques entraînent des coûts supplémentaires pour les consommateurs, en plus d'engendrer de la frustration; quant aux agriculteurs, la planification de leurs récoltes s'en trouve perturbée.

S'il existait un régime de double commercialisation, le consommateur pourrait transiger directement avec l'agriculteur, ce qui permettrait de réaliser des économies et d'éliminer la frustration de part et d'autre. Depuis la disparition de la Subvention du Nid-de-Corbeau, on ne cesse de nous conseiller à nous, agriculteurs, d'ajouter de la valeur aux grains que nous produisons, les frais de transport étant trop élevés. On a fait la promotion de l'élevage du bétail comme moyen de tirer profit de la valeur ajoutée et de réduire les volumes de production destinés à l'exportation. Je suis favorable à cette idée. Pour diversifier mes activités dans l'élevage du bétail, j'investis dans une porcherie à investisseurs multiples. On peut acheter les céréales destinées à l'alimentation du bétail sans passer par la Commission canadienne du blé.

Dans notre région du sud-ouest du Manitoba, nous ne produisons pas du grain en grande quantité, mais nous produisons du grain de grande qualité.

La construction d'une fabrique de pâtes alimentaires dans le nord-ouest du Dakota du Nord fait actuellement l'objet d'une étude de faisabilité. Les promoteurs du projet étudient des sites à proximité de la frontière canadienne parce qu'ils souhaitent créer des débouchés dans une région qui a très peu à offrir aux jeunes qui intègrent le marché du travail. L'usine, si elle voit le jour, sera une coopérative ou une coopérative fermée de la nouvelle génération. Or, les promoteurs ont établi on ne peut plus clairement qu'ils souhaitent la participation des agriculteurs canadiens pour assurer la viabilité de l'usine à cet endroit, et qu'ils en ont besoin.

L'agriculteur qui investit dans l'usine a l'obligation d'y livrer une certaine quantité de blé dur. Comme le blé dur est l'une des cultures céréalières que nous devons produire à des fins de rotation, l'idée d'investir dans une entreprise de la sorte m'intéresse au plus haut point. Il y a cependant des problèmes. Premièrement, le fait d'investir dans une coopérative fermée dans un autre pays; deuxièmement, le moyen d'honorer l'obligation touchant la livraison, condition préalable à tout investissement. À l'heure actuelle, je serais tenu de vendre mon blé dur à la Commission canadienne du blé, puis de le racheter à la Commission à un prix jugé respectable ou responsable pour un particulier et, enfin, de verser un droit administratif à une société céréalière autorisée pour les formalités administratives. Tout cela parce que je ne suis pas autorisé à livrer moi-même mon blé dur à l'usine de pâtes. Voilà un excellent moyen d'encourager la production à valeur ajoutée.

L'ironie, c'est que, si j'élève du bétail aux fins de la production à valeur ajoutée, je peux tirer du grain de ma réserve, le moudre, le donner à mes animaux, abattre les animaux sous la supervision des autorités sanitaires fédérales et vendre la viande à qui bon me semble, mais je ne suis pas autorisé à vendre mon blé dur à mon usine de pâtes sans passer par la Commission canadienne du blé. Comment cela se justifie-t-il? Le projet de loi C-4 ne fait rien pour corriger ce problème.

La disposition d'inclusion qu'on retrouve dans le projet de loi me préoccupe aussi au plus haut point parce que les sociétés qui ne bénéficient pas d'une source d'approvisionnement sûre se montreront très réticentes à l'idée d'investir dans des usines de grande envergure.

Voilà donc seulement quelques-unes de mes préoccupations à propos du projet de loi C-4, que le ministre Goodale, à mon avis, tente d'utiliser pour montrer aux agriculteurs qu'il a à coeur d'obliger la Commission canadienne du blé à rendre plus de comptes, quand, en réalité, cette dernière continuera d'avoir des comptes à rendre non pas aux agriculteurs, mais bien plutôt au gouvernement fédéral.

Le président: Je vous remercie, Messieurs, de vos exposés. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.

Le sénateur Taylor: Monsieur Maguire -- mais ma question s'adresse aussi bien aux autres témoins -- , j'éprouve un peu de difficulté à comprendre que la Commission du blé ne vend que des céréales destinées à la consommation humaine, à l'exclusion de celles qui ne le sont pas. Pourtant, vous avez mentionné que le Manitoba s'était tourné vers la valeur ajoutée. Naturellement, cette diversification semble axée sur la consommation non humaine -- en d'autres termes les aliments pour animaux -- on a beau les aimer, ils ne sont pas des humains -- , quel que soit ce que vous produisez.

Quelle est la pertinence de la Commission du blé si, en réalité, elle ne s'occupe pas du marché des aliments pour animaux? Pour vous diversifier, vous devez vous tourner vers les aliments pour animaux, de sorte qu'on se demande où la Commission du blé s'insère dans l'équation totale?

M. Maguire: C'est une très bonne question, et votre analyse est juste. Je pense qu'elle va devenir moins pertinente à l'avenir en ce qui a trait, comme je l'ai dit, aux agriculteurs du Manitoba qui exportent leurs récoltes. La production se déplacera dans l'axe Nord-Sud, ou sera utilisée ici, à l'extérieur.

Comme nous l'avons vu dans le marché de l'orge jusqu'ici, il y a toujours, en vertu du programme actuel auquel la Commission participe -- et utilisons l'orge comme exemple -- une interférence dans le mécanisme d'établissement des prix, ou une influence sur ce mécanisme, ou encore le prix que les agriculteurs obtiennent au pays, parce que nous ne savons pas si des produits seront vendus outre-mer ou non. À ces prix -- et je vais vous donner un exemple. Sur nos exploitations, le rendement estimatif prévu pour l'année prochaine est de 1 $ le boisseau d'orge, si on tient compte de l'estimation de rendement la plus faible qui vient tout juste de paraître.

Dans nos exploitations, nous voulons obtenir plus d'information chaque jour sur l'établissement des prix, mais nous pouvons obtenir cette information grâce aux satellites, à des mécanismes accessibles dans les bureaux de nos exploitations. Nous avons accès aux marchés de contrats à terme et à tous les marchés qu'on retrouve en Amérique du Nord. Dans nos exploitations, nous sommes chaque jour au courant de l'état du marché intérieur.

Au moment de l'annonce, le prix intérieur de l'orge était supérieur de deux fois et quart. Même s'il est possible qu'on n'y ait pas recours, il s'agit d'une interférence dans le mécanisme d'établissement des prix dans nos exploitations.

Le sénateur Taylor: Monsieur Maddess, vous vous êtes insurgé contre l'idée qu'une tierce partie puisse vous dire où vous pouvez mettre en marché votre grain biologique. Comment définit-on le grain biologique? Suffit-il que vous proclamiez que votre grain est biologique, ou est-il déclaré tel par une tierce partie?

M. Maddess: Il existe un certain nombre d'organismes de certification. Dans l'Ouest canadien, il existe un groupe appelé l'Organic Crop Improvement Association (OCIA). L'OCIA est un organisme de certification probablement présent dans une trentaine de pays, principalement en Amérique du Nord. Il existe des sections locales. En Saskatchewan, l'OCIA compte huit sections locales. J'appartiens à la section no 1, qui correspond au Sud-Est. Nous avons un comité de certification. Nous dépêchons un inspecteur dûment qualifié dans le domaine, habituellement en juillet, et il procède à une analyse approfondie de l'exploitation. Il fait alors une recommandation au comité. Ce dernier décide si la certification est appropriée et, le cas échéant, l'organisme international l'approuve.

Le sénateur Spivak: J'ai toujours été mystifiée par le fait que le prix du blé peut diminuer, tandis que les coûts des intrants ne baissent jamais. Ma question est la suivante: pour faire face à ce problème, la solution consiste bien entendu à se diversifier et à ajouter de la valeur, et cetera, mais le marché du blé dur et des céréales n'est-il pas toujours florissant?

Ma question est la suivante: comment les modifications apportées à la Commission du blé influeront-ils sur les coûts des intrants, qui sont élevés? Dans un deuxième temps, j'aimerais savoir quelle sera la rentabilité du blé à l'avenir, étant donné que la demande dont il fait l'objet est toujours forte? Serait-ce une bonne chose que de renoncer à ce marché de par nos efforts de diversification?

M. Maguire: Je vous remercie de ces questions. Dans le contexte des modifications que nous étudions, nous aimerions certes penser qu'il nous sera possible d'abaisser les coûts des intrants, mais nous devons composer avec bon nombre d'entre eux. Ils sont le produit d'un mécanisme concurrentiel. En tant qu'agriculteurs, ce que nous voulons, c'est la capacité de gérer le risque parce que les coûts des intrants et les valeurs foncières de chacun -- c'est-à-dire les taux hypothécaires et les taux d'intérêt -- sont différents. Chacun sait ce dont il a besoin pour aboutir à des prix qui lui permettront de faire ses frais. À l'avenir, la culture du blé dur et du blé de force roux de printemps pourra même se révéler plus rentable.

Vous avez absolument raison: nous continuerons de faire pousser du blé dur et du blé de force roux de grande qualité, mais peut-être pas seulement ici, au Manitoba. Le blé dur et le blé de force roux de printemps à rendement et à teneur en protéines élevée poussent traditionnellement dans le bassin sud de la rivière Saskatchewan, l'ancien triangle de Palliser, et ils continueront d'y pousser. Ils continueront aussi d'être exportés, comme nous l'avons vu, en droite ligne, de Moose Jaw à Minneapolis. Le chemin de fer va dans cette direction. À l'avenir, on en transformera davantage aux États-Unis. Tout dépend aussi, cependant, des pratiques culturales de nos voisins américains, des superficies visées par le programme de retrait obligatoire des terres en culture et de la rapidité avec laquelle ils éliminent leurs lois agricoles sur sept ans. Un certain nombre de ces genres de facteurs auront à coup sûr une influence. Cette année, les superficies ensemencées seront réduites aux États-Unis; cette année également, les superficies ensemencées en blé de force roux de printemps seront également réduites dans l'Ouest canadien.

Le transport compte aujourd'hui parmi les coûts que nous devons assumer, et il s'agit d'un coût majeur. En fait, c'est aujourd'hui le coût le plus élevé que nous ayons à assumer. Si, par conséquent, nous avons accès à certaines de ces meuneries de Minneapolis, les agriculteurs du Manitoba et du sud du Manitoba en particulier -- en fait, je devrais dire de tout le Manitoba puisque la vallée de la rivière Swan n'est qu'à 240 milles de la frontière américaine -- et bon nombre d'autres secteurs des Prairies considérés comme proches. Ce sont là des marchés rentables pour les produits de qualité que nous cultivons.

Comme les autres témoins vous l'ont indiqué -- je suis moi-même associé à une porcherie -- le paysage, ici, se transforme rapidement. Outre ces récoltes, nous nous tournerons vers d'autres variétés de grains à rendement élevé qui seront cultivés ici, au Manitoba, pour servir d'aliments aux animaux.

Le sénateur Stratton: Avec votre permission, j'aimerais revenir au principe fondamental de la Commission du blé elle-même. De toute évidence, vous aimeriez bénéficier d'une liberté de choix. Le problème, toutefois, a toujours été le suivant: la liberté de choix, à supposer qu'on vous l'accorde, remet en question l'avenir de la Commission elle-même. Or, le dénouement probable est que le besoin de la Commission diminuera au fil du temps, au fur et à mesure que s'affirmera l'autonomie de la région dans la production à valeur ajoutée.

Si vous deviez vous prononcer par vote sur l'avenir de la Commission, aimeriez-vous qu'il s'agisse d'un vote à majorité simple ou d'un vote à la majorité des deux tiers?

M. Husband: Je crois à la liberté de choix. Si, par exemple 15 agriculteurs du sud-ouest du Manitoba construisent une grande porcherie, ou que la moitié des agriculteurs de l'Ouest canadien souhaitent se regrouper et embaucher quelqu'un, par exemple la Commission canadienne du blé, pour commercialiser leur grain, ils devraient, à mon avis, en avoir la possibilité.

Nous ne revendiquerons pas l'élimination de la Commission canadienne du blé dans aucun de ces votes. Ce que nous voulons, c'est une disposition de retrait à l'intention de ceux qui sont incapables de demeurer régis par le monopole, la conformité forcée. Si un groupe constitué en coopérative souhaite continuer à retenir les services de quelqu'un pour commercialiser ses produits, je pense qu'il devrait en avoir la possibilité.

La Commission canadienne du blé a un monopole sur l'achat de céréales au Canada; elle n'a pas de monopole au Japon ni en Chine. Dans le marché mondial, il existe de nombreux autres négociants. Les seules personnes contraintes de vendre à la Commission canadienne du blé sont les agriculteurs du Canada.

Le sénateur Stratton: Je vais répéter ma question. Si vous aviez à vous prononcer par vote sur l'avenir de la Commission, devrait-il s'agir d'un vote à la majorité simple ou un vote à la majorité des deux tiers?

M. Husband: Eh bien, il s'agit d'une question délicate. De nombreux agriculteurs de ma connaissance estiment qu'on ne devrait pas avoir à voter sur la liberté ou l'absence de liberté que les Canadiens devraient avoir. Nombreux sont ceux qui estiment qu'on devrait pouvoir se retirer de la Commission canadienne du blé, en vertu d'une disposition de retrait déclaré pour une durée de un an, un peu comme c'est le cas en Ontario, et qu'il ne devrait pas y avoir de vote de quelque nature que ce soit. Si on adoptait une disposition de retrait de la sorte, on n'aurait pas à voter ni à entrer dans ces jeux sur les chiffres.

Certains sont cependant d'avis que, pour qu'on contraigne les agriculteurs à respecter le monopole de la Commission canadienne du blé, il faudrait s'appuyer sur un vote des deux tiers. Il est plutôt difficile de contraindre 49 p. 100 des personnes appelées à voter à faire quelque chose qu'elles ne veulent pas faire. On aura affaire à une industrie stable, en proie à la dissension et aux querelles constantes, comme celles qu'on retrouve aujourd'hui dans l'Ouest canadien.

M. Maguire: J'aimerais aussi répondre à la question. Je pense que la règle devrait être la même partout au Canada. Nous aimerions que l'ajout et le maintien d'un produit soient assujettis à un vote des deux tiers. C'est la règle qui s'applique aujourd'hui à la Commission de commercialisation des produits agricoles de l'Ontario.

Le sénateur Hays: J'aimerais obtenir une classification de M. Nestibo. Dans votre mémoire, vous affirmez que les agriculteurs régis par l'Office de commercialisation du blé de l'Ontario ont la possibilité de vendre leur blé à l'Office ou de le vendre en totalité sur le marché libre. Le texte tiré des documents de l'Office qu'on retrouve à la fin de votre mémoire précise qu'un producteur doit déclarer par écrit son intention de commercialiser ces produits en marge de l'Office et que cette commercialisation ne vaut que pour les États-Unis. Je veux simplement clarifier les choses.

M. Maguire: Oui.

Le sénateur Hays: En même temps, j'aimerais vous demander, à vous ou à l'un des autres témoins, de confirmer si, à votre avis, l'Office ontarien constitue un précédent valable pour la Commission canadienne du blé.

Ma deuxième question est la suivante: si on tient pour acquis que le projet de loi sera adopté et que des élections seront tenues -- je comprends les objections visant les cinq membres du conseil nommés -- comment, à votre avis, se déroulera l'élection des membres du conseil, ou de 10 d'entre eux tout au moins, du point de vue du climat de la campagne? Y jouerez-vous un rôle?

M. Husband: L'Office ontarien ne donne qu'aux agriculteurs qu'il régit la possibilité d'effectuer des ventes à l'exportation. Les agriculteurs qui se retirent ne peuvent vendre dans le marché intérieur de l'Ontario. Essentiellement, une telle situation est inapplicable dans l'Ouest canadien parce que, comme Grant l'a dit, un groupe d'agriculteurs souhaitant créer une coopérative pour transformer leur blé dur devraient, en vertu du modèle ontarien, aller aux États-Unis -- le croirez-vous -- et créer leur propre usine; tous les agriculteurs devraient se retirer et livrer leur grain à la coopérative des États-Unis. À mes yeux, c'est absolument ridicule. Pourquoi ne pourrait-on pas aménager une usine au Canada, créer des emplois et stimuler l'activité économique et l'activité dans l'industrie de la construction ici, au Canada?

Il est absurde de penser qu'un agriculteur devrait se retirer de la Commission canadienne du blé, qu'il ne serait pas autorisé à vendre son produit à une meunerie intérieure et qu'il devrait créer son usine à l'extérieur du Canada. C'est un aspect des dispositions législatives ontariennes avec lequel je suis tout à fait en désaccord.

Le président: Vous n'avez pas répondu à la deuxième question.

M. Husband: Pouvez-vous la répéter?

Le sénateur Hays: Eh bien, elle a trait au processus. Si, dans un proche avenir, le projet de loi est adopté, on procédera à l'élection de 10 administrateurs ou plus, selon le libellé final auquel on aboutira. Bien entendu, l'initiative a notamment pour but d'associer les agriculteurs, à la base, aux décisions importantes qui seront prises concernant le changement. Comment le processus devrait-il se dérouler? Avez-vous des commentaires à propos du rôle que vous y jouerez?

M. Maguire: Dans l'état actuel du projet de loi, il faut se réjouir du fait que certains agriculteurs seront élus au conseil d'administration de la Commission du blé. Je ne comprends pas pourquoi on n'est pas en mesure de réserver ces postes à des agriculteurs, bien que certains de nos membres aient des inquiétudes à ce sujet, en particulier dans le secteur de la transformation.

À mon avis, on se retrouvera avec des candidats qui sont pour ou contre le monopole, et ces personnes seront davantage intéressées par l'aspect politique de la question que par la gestion d'une société d'une valeur de 6 milliards de dollars. Il est ridicule que les décisions politiques ne soient pas prises à la Chambre des communes par les ministres, plutôt que par le conseil d'administration. Ce dernier devrait avoir pour rôle de gérer les affaires de la Commission canadienne du blé dans l'intérêt des agriculteurs. Ce n'est pas ainsi que le projet de loi est libellé aujourd'hui.

M. Nestibo: Je suis d'accord avec Larry. Comme il l'a dit, la Commission canadienne du blé est une société d'une valeur de 6 milliards de dollars. On doit y retrouver des personnes qui savent gérer l'argent et commercialiser le grain. On ne doit pas y retrouver des personnes ayant des visées politiques.

Le sénateur Fairbairn: L'impression que je dégage des commentaires que vous avez formulés ce matin est que la disposition d'inclusion ne vous sourit guère. Comme vous le savez -- je pense que vous y avez fait référence, monsieur Maguire --, M. Goodale a fait une suggestion qui n'a pas fait partie de la décision finale prise à la Chambre des communes. Et même si cette suggestion ne fait pas partie du texte de loi, on en discute aujourd'hui. Le comité est très intéressé à entendre des réactions telles que les vôtres.

Vous avez formulé un commentaire, cependant, que j'aimerais que vous explicitiez, à titre d'information. Si la disposition demeure dans le projet de loi, il faudrait, avez-vous dit, que les votes soient pondérés. Je pense que vous avez cité l'exemple de l'Australie, n'est-ce pas? Pourriez-vous m'expliquer la situation plus en détail?

M. Maguire: Bien sûr. La situation est la suivante: lorsqu'on vend du grain en Australie, où que ce soit, on a droit à un vote pour les 33 premières tonnes, à un autre lorsqu'on franchit la barre des 500 tonnes métriques, et à un autre enfin pour chaque tranche de 500 tonnes métriques additionnelles. Il existe aussi des actions de catégorie A et de catégorie B. On s'est engagé sur la voie de la privatisation de l'Australian Wheat Board.

Lorsqu'on observe la transformation des commissions qu'on retrouve dans le monde -- et c'est de modifications dont il est question ici, et non, comme on l'a dit plus tôt, de l'élimination de la Commission -- , nous voulons trouver des mécanismes qui permettront de répondre aux besoins des agriculteurs des Prairies, lesquels tiennent à pouvoir choisir des mécanismes qui donneront à ceux qui le veulent la possibilité de continuer d'utiliser la Commission, comme c'est le cas dans d'autres secteurs.

Le sénateur Fairbairn: Depuis combien de temps la mesure est-elle en place en Australie? A-t-on des données à ce sujet? Quels ont été les résultats?

M. Maguire: La mesure s'inscrit dans le cadre du mécanisme de privatisation de l'Australian Wheat Board, en cours au moment où on se parle.

Le sénateur Fairbairn: Au moment où on se parle. Mais on ne l'a pas encore utilisé?

M. Maguire: Je ne crois pas.

Le sénateur Taylor: En ce qui concerne la procédure de rachat et le fait que vous perdez au change -- et je constate que la plupart des plaintes semblent provenir des environs de la frontière -- je suppose que le rachat est rendu non rentable en raison de la mise en commun des livraisons, de l'extrémité nord de la Saskatchewan jusqu'à la frontière. Comment réagissez-vous au fait que certains agriculteurs se trouvent près de la frontière et peuvent exploiter ces marchés libres, et cetera? Que faites-vous de vos frères du nord de l'Alaska, de la Saskatchewan et du Manitoba, qui ne sont pas aussi enthousiastes que vous à l'idée de rejoindre le marché américain? Pensez-vous même à eux? Ils mettent beaucoup de temps pour se rendre à Edmonton ou à Swan River, sans parler du marché américain.

Que feriez-vous pour eux?

M. Husband: Si vous faites allusion à la double commercialisation, au marché libre, il y aurait ce qu'on appelle l'arbitrage. Le prix en vigueur aux États-Unis, à partir du prix international aux États-Unis ou du prix mondial, entrerait en arbitrage avec le prix canadien. Nombreux sont ceux qui croient que, en présence d'un double marché, tout le monde se précipitera aux États-Unis, mais ce n'est pas ce qui va se produire. Le système canadien ne va pas s'écrouler et se déplacer vers le pôle nord. Nous pouvons soutenir la concurrence.

Nous pouvons battre les Américains sur les fronts de la valeur ajoutée et du transport, mais nos entreprises privées doivent pour ce faire avoir la possibilité de fonctionner dans un marché libre. Elles ne peuvent avoir les mains liées par le monopole de la Commission canadienne du blé. Le seul écart entre le prix canadien et le prix mondial dont on pourrait bénéficier aux États-Unis aurait trait à l'expédition. C'est exactement ainsi que les choses devraient être.

Le sénateur Hays: J'aimerais poser une simple question de suivi. Je songe à la réponse que vous avez donnée, selon laquelle la Commission devrait se préoccuper non pas de ce qu'on appelle des décisions politiques, mais bien plutôt -- je suppose -- des questions commerciales. Dans mon esprit, j'essaie d'établir une distinction entre les décisions politiques et les décisions commerciales. Vous n'avez pas utilisé le mot «commercial» et vous avez plutôt fait référence à ce qui reste après la politique. J'ai beaucoup de mal à comprendre. Peut-être pouvez-vous m'aider. Comme les politiciens ne se sont pas montrés sensibles aux besoins de bon nombre de personnes, dont certaines sont ici présentes, a-t-on raison, à votre avis, de laisser aux membres de ce groupe le soin de régler les problèmes dits politiques? Ne vaudrait-il pas mieux que la Commission intervienne dans les dossiers de cette nature? J'aimerais beaucoup que vous alliez un peu plus loin sur ce terrain.

M. Maguire: Si nous disposions de structures apparentées à celles qu'on retrouve en Ontario, permettez-moi de vous dire que je ne serais pas ici aujourd'hui pour présenter un exposé. Je doute que nous serions aussi nombreux puisque cette question ne ferait pas l'objet d'un débat.

La Commission, à l'heure actuelle, est une société d'État. En vertu du mécanisme remanié proposé dans le projet de loi C-4, cinq administrateurs seraient toujours nommés par le gouvernement, l'un d'entre eux étant, bien entendu, le président du conseil. Par conséquent, le gouvernement exercera toujours une grande influence sur les activités de la Commission canadienne du blé. Le conseil d'administration, et en particulier, les agriculteurs qui siégeront à ce nouveau conseil d'administration, se réunira, j'imagine, six, huit ou dix fois l'an, peut-être même chaque mois, mais il ne sera pas mêlé directement aux activités quotidiennes qu'on connaît aujourd'hui.

Si j'en juge d'après mon expérience au comité consultatif de la Commission canadienne du blé -- j'étudiais les chiffres concernant l'expédition, ce qui me permettait de voir l'état du transport, et de constater l'opportunité des livraisons, la qualité du grain au pays, ainsi que d'établir des liens avec le prix du grain dans différents marchés de différentes régions du monde, selon la qualité présente -- je pense que le conseil d'administration de la Commission du blé, composé d'agriculteurs élus, serait très intéressé par ces questions.

Comment allons-nous former un conseil ayant pour mandat d'agir dans l'intérêt de la Commission? Cette dernière bénéficie actuellement d'un monopole. Il est dans son intérêt, à ses yeux, de garder son monopole. Le moment venu de décider s'il convient ou non de nous donner un choix ou de nous permettre de voter dans certains de ces autres secteurs, pourquoi, dans ce cas, nous accorderait-elle un tel droit? Nous avons besoin d'une position de repli, c'est-à-dire nous adresser au ministre pour obtenir de lui qu'il prenne ces décisions. Dans l'intérêt du pays, nous devrions certes pouvoir faire beaucoup au niveau parlementaire et laisser à la Commission canadienne du blé le soin de s'occuper des ventes et des activités quotidiennes ainsi que de transiger directement avec les acheteurs, sans avoir à se demander si, demain, elle vendra ou non du canola, ou si elle sera également en mesure de vendre de l'orge. Voilà ma réponse.

Le président: Au nom du comité, je remercie les témoins de leur comparution et des renseignements détaillés qu'ils nous ont fournis ce matin.

Avant d'appeler le prochain groupe de témoins, j'ai eu l'inélégance de ne pas reconnaître M. Borotsik, député de Brandon, qui s'est joint à nous ce matin. Je salue également M. Glen McKinnon, ex-député de la région.

Je demande aux témoins suivants, M. Sims, M. Sambrook, M. Radcliffe, M. Bell et M. Davison de se présenter eux-mêmes. Monsieur Sims, peut-être pourriez-vous commencer.

M. Neil Bell: Bonjour. Mon exploitation est à Killarney, au Manitoba, qui se trouve à environ 60 milles au Sud-Est d'ici.

M. Bill Davison: Bonjour. Je cultive la terre avec mon fils à Kenton, au Manitoba, soit à environ 45 milles au Nord-Ouest d'ici.

M. Bernie Sambrook: Bonjour. Je cultive la terre avec mon épouse et mon père à Medora, dans le sud-ouest du Manitoba.

M. Curtis Sims: Bonjour. Mon exploitation se trouve à MacGregor. Soit dit en passant, je suis un représentant des producteurs agricoles qui s'occupe de questions liées au transport dans divers comités au Canada.

M. Lorne Radcliffe: Bonjour, monsieur le président. Je vis et cultive la terre à Cardale avec ma femme, mon frère et son épouse.

Le président: Monsieur Sims, peut-être pourriez-vous commencer.

Je vous demanderais de limiter vos exposés à cinq minutes, et par la suite, nous passerons aux questions.

M. Sims: Je tiens à vous féliciter d'accorder de l'importance à cette question, surtout dans le contexte actuel, où le gouvernement en place tient à faire adopter un projet de loi, même si les personnes directement concernées ne sont pas représentées dans ce gouvernement et, de fait, s'opposent au projet de loi. L'intervention du Sénat est des plus appropriées.

Le sénateur Taylor: C'est comme ça que l'appareil politique fonctionne.

M. Sims: Mon mémoire est intitulé «Perte de droits des Canadiens sous le projet de loi C-4». Il existe, en immobilier, un adage selon lequel «si vous ne pouvez le vendre, vous n'en êtes pas propriétaire». À titre de producteur de blé ou d'orge, il est clair que je ne peux vendre mon grain comme je l'entends. Il est donc évident que je n'en suis pas réellement propriétaire. C'est paradoxal: un agriculteur engage une foule de dépenses liées à sa ferme et tente d'assurer le bien-être de sa famille et, en fin de compte, il ne possède pas réellement le gain qu'il cultive. Aucun autre secteur de l'économie canadienne ne tolérerait une telle situation. De fait, le gouvernement actuel a fait des pieds et des mains pour favoriser l'entrepreneuriat, l'économie de marché, le commerce d'exportation par les sociétés privées, les accords de libre-échange, et ainsi de suite. Et pourtant, avec le projet de loi C-4 et son prédécesseur, on retourne au collectivisme et aux entreprises d'État, ce qui est aux antipodes de ce que le gouvernement cherche à faire. Ces deux théories économiques sont incompatibles: elles ne peuvent toutes deux être bonnes.

Qu'est-ce que la Commission canadienne du blé? C'est, qu'on le veuille ou non, le gouvernement qui vend notre grain pour nous. Et je dis ça pour plusieurs raisons. Dans le cadre d'une récente action judiciaire, le gouvernement a clamé haut et fort que la Commission canadienne du blé n'est aucunement tenue d'offrir un prix ou, à plus forte raison, un bon prix, aux agriculteurs. Il a obtenu gain de cause. Autrement dit, la Commission canadienne du blé peut exproprier le grain des agriculteurs sans pour autant assumer une responsabilité à l'égard du prix. C'est, par définition, de la «confiscation».

Sous le régime du projet de loi C-4, le pouvoir du gouvernement est encore plus solide. Le gouvernement nommera le président. Le gouvernement nommera cinq administrateurs. Ces administrateurs de paille doivent agir dans le meilleur intérêt non pas des agriculteurs, mais bien de la Commission canadienne du blé. C'est ce que dit le projet de loi. Cela signifie qu'en principe, ils doivent maintenir le statu quo. Un administrateur qui déroge à la ligne de pensée du gouvernement pourrait être renvoyé par le ministre.

Seul le gouvernement peut imposer des amendes et des peines d'emprisonnement. Des centaines d'agriculteurs ont dû verser des amendes, parfois très lourdes; certains ont même été emprisonnés et enchaînés pour avoir défié le régime de la Commission canadienne du blé. Ne vous y trompez pas: ce projet de loi est un geste délibéré pour priver les agriculteurs de leurs droits de propriété. L'État impose sa volonté, c'est la vieille idéologie collectiviste qui, partout dans le monde, et ici même au Canada, est considéré comme un échec total.

Il suffit d'envisager le fonctionnement du régime de confiscation. Pour commencer, l'existence d'un conflit d'intérêts inhérent est évidente. Si la Commission canadienne du blé devait permettre aux agriculteurs et à d'autres parties -- titulaires d'un permis -- d'exporter, elle réduirait directement le volume de grain sous sa compétence et susciterait indirectement des doutes quant à ses capacités, ce qui minerait son pouvoir et son prestige. Pourtant, la Commission canadienne du blé jouit d'un pouvoir total, absolu et final, malgré le conflit d'intérêt que cela suppose. Une telle situation serait inacceptable partout ailleurs au Canada.

Il n'existe aucun mécanisme d'appel, et l'on n'offre ni renseignements ni justification: la Commission répond par un oui ou par un non, ou propose un prix ridicule, ce qui revient à dire «non». Le projet de loi C-4 ne contribue aucunement à établir un régime plus normal ou plus transparent s'assortissant de mécanismes judiciaires normaux de protection ou d'appel. De fait, nous disposons de preuves documentaires touchant les prix de rachat qui laissent croire, au mieux, à l'incompétence et, plus probablement, à l'occasionnelle manipulation délibérée.

Je suis les prix des États-Unis -- autrement dit du «monde» -- depuis un certain temps. Nous avons déjà exporté aux États-Unis afin de toucher un meilleur prix, une fois les coûts payés. Afin d'éviter de prolonger inutilement la discussion, laissez-moi tout simplement déclarer qu'à la lumière de tous les renseignements dont je dispose, il est clair que la Commission canadienne du blé n'obtient pas un prix supérieur: de fait, son prix est généralement plus bas.

Permettez-moi maintenant de faire une légère digression sur un point important. Même le ministère du Commerce international, à Ottawa, n'a pas compris ce point au début. Si on devait éliminer le monopole de la Commission canadienne du blé, on n'assisterait pas à un grand exode du grain canadien vers le Sud. On adopterait tout simplement les prix américains, qui ont cours partout dans le monde. On ne remarquerait pas de changement considérable au chapitre du transport du grain, si ce n'est que la situation entraînerait une croissance graduelle des activités de transformation à valeur ajoutée au pays.

Je dois dire que certaines composantes du régime actuel me plaisent, et je suis heureux qu'on reconnaisse leur mérite. Certains agriculteurs aiment vraiment la tranquillité d'esprit qu'offre un régime de mise en commun des prix, ce qui leur évite d'avoir à prendre toutes les décisions eux-mêmes. Par conséquent, on devrait laisser la Commission canadienne du blé agir comme une société d'État qui offrirait ses services de commercialisation à ceux qui sont intéressés. Ceux qui ne souhaitent pas passer par la Commission peuvent exprimer leur point de vue en passant aux actes.

Néanmoins, le projet de loi C-4 offre certains avantages, notamment la capacité de la Commission canadienne du blé d'agir plus librement en ce qui concerne l'établissement des prix et les accords d'achat: autrement dit, elle peut agir davantage comme une société commerciale privée. Il ne serait certainement pas équitable d'ouvrir le marché à la concurrence et de soumettre la Commission canadienne du blé aux exigences de l'ancienne loi. Pourquoi a-t-elle si peur d'un éventuel régime concurrentiel?

Je n'aborderai pas la question de la mise en commun des prix dans un contexte de marché libre, c'est-à-dire l'établissement d'une commission à participation volontaire. Les producteurs qui traitent avec la Commission canadienne du blé pourraient continuer à mettre les prix en commun. La différence, c'est que l'ensemble des producteurs ne seraient pas forcés d'y participer.

Toute démocratie digne de ce nom doit respecter deux principes moraux fondamentaux. Au Canada, nous avons toujours protégé les droits individuels et les droits des minorités au moyen de dispositions constitutionnelles et législatives. Pourtant, la Commission canadienne du blé prive, systématiquement et délibérément, les cultivateurs de blé et d'orge de ces droits. Supposons qu'une mince majorité d'agriculteurs souhaitent l'établissement d'un monopole par la Commission du blé: est-ce que cela signifie que le régime est équitable? Dans l'Allemagne nazie, ne l'oublions pas, 90 p. 100 de la population voulait la mort des autres 10 p. 100. Avaient-ils raison simplement parce qu'ils étaient majoritaires? Bien sûr que non. Assurez-vous que les principes établis dans le projet de loi sont valables.

Dans le même ordre d'idée, j'aimerais comparer deux événements contradictoires. Malgré les principes adoptés par notre pays en ce qui concerne les droits individuels, de nombreux agriculteurs se sont vu imposer des amendes importantes pour avoir vendu leur propre grain, certains ont même été emprisonnés et enchaînés. Parallèlement, la Commission canadienne du blé, le ministre Goodale et les tenants de la Commission insistent constamment et vigoureusement pour dire que la Commission canadienne du blé est rentable pour eux -- du moins, c'est ce qu'ils pensent -- ce qui voudrait dire que cette répression est justifiée. En démocratie, ne l'oublions pas, nous sommes tous responsables de nos lois et des répercussions de l'application de ces lois sur nos citoyens. Il n'y a qu'une façon logique de lier ces deux éléments: ils vendent leur allégeance au plus offrant.

Si je tiens un discours très direct, ce n'est ni pour provoquer quiconque, ni par plaisir de choquer, mais bien pour inciter les tenants de la Commission canadienne du blé et le présent comité à prendre le temps d'examiner les valeurs fondamentales que la plupart d'entre nous, à titre de Canadiens, appuyons, et de déterminer si le point de vue des tenants de la Commission respecte ces valeurs.

Pour conclure, j'aimerais ajouter que tous les autres secteurs de notre économie se fondent sur l'initiative individuelle, ce qui peut parfois prendre la forme d'un groupe ou d'une association à participation volontaire. Le PNB augmente chaque année. Ce n'est pas un jeu à somme nulle, et ça ne le serait pas non plus pour la commercialisation du blé et de l'orge si on évoluait dans un marché libre, soumis uniquement au règlement de la Commission canadienne des grains. Nous -- les agriculteurs -- et l'économie qui nous entoure pouvons tous améliorer notre situation sur les plans financier et moral.

M. Sambrook: En ce qui a trait à ma position quant à la Commission canadienne du blé, je ne suis pas en faveur de la collectivisation forcée, et je ne le serai jamais. Or, c'est justement ce que fait la Commission. On a toujours élevé la Commission canadienne du blé au rang de grande institution coopérative du Canada. La collectivisation forcée et la coopération volontaires ne sont pas assimilables. De fait, ces deux notions s'opposent. Et pourtant, la Commission canadienne du blé a réussi à survivre toutes ces années parce qu'elle a été capable de faire croire aux citoyens que ces notions désignent la même réalité. Le geste le plus répréhensible de la Commission du blé, c'est d'avoir délibérément perpétué ce mythe.

Pour ce qui est de ma ferme, je favorise les cultures qui ne relèvent pas de la compétence de la Commission, mais puisque je ne peux les cultiver qu'en rotation, je dois continuer de cultiver des céréales. Ma ferme est située dans une région où la culture est axée non pas sur la quantité, mais bien sur la qualité, et les céréales, qui correspondent parfaitement à la vocation agricole de ma région, figurent malheureusement parmi les cultures sur lesquelles la Commission canadienne du blé exerce un monopole. J'ai tenté de cultiver du blé fourrager afin d'échapper à la Commission, mais j'ai dû abandonner ces variétés en raison de maladies. En général, il n'est pas rentable de cultiver de l'avoine et de l'orge fourrager dans ma région, plus sèche. Par conséquent, malgré mon dédain pour ses pouvoirs monopolistiques, je dois, pour des raisons purement agronomiques, cultiver des grains relevant de la compétence de la Commission canadienne du blé.

En 1996, j'ai présenté un exposé devant le Groupe de commercialisation du grain dans le cadre duquel j'ai proposé la création d'une disposition de retrait de la Commission canadienne du blé. J'aimerais demander, encore une fois, que le Sénat envisage la possibilité de proposer une modification du projet de loi C-4 qui offrirait une telle possibilité.

Tout récemment, les délégués de l'Office de commercialisation du blé de l'Ontario Wheat Board ont voté à 90 p. 100 en faveur de l'adoption d'un régime de retrait pour les agriculteurs en Ontario. Ce changement proposé découlait de consultations, menées auprès de toutes les parties intéressées, dans le cadre desquelles on a conclu que les agriculteurs devraient avoir la possibilité d'assurer eux-mêmes la commercialisation de leur grain. Pourquoi n'offrirait-on pas la même option aux producteurs de blé des Prairies? Pourquoi devrions-nous continuer de subir la discrimination de la Commission du blé d'Ottawa et d'être forcés de lui remettre notre grain?

Une modification du projet de loi C-4 prévoyant l'établissement d'une solution de rechange à la commercialisation par la Commission permettrait aux agriculteurs des Prairies qui le désirent de vendre eux-mêmes leur grain. On offrirait aux agriculteurs, probablement avant le semis, l'occasion de choisir entre l'option de retrait ou l'option de participation à la Commission canadienne du blé. L'agriculteur qui a fait son choix n'aurait pas la possibilité de changer d'idée. Une telle modification ferait plaisir non seulement aux agriculteurs qui souhaitent avoir le choix, mais aussi à ceux qui veulent continuer de mettre leur grain en commun, car cette option continuerait d'être disponible. C'est une façon constructive et souple de régler cette question très politique. Bien sûr, l'adoption d'une telle modification marquerait la fin de l'achat à comptoir unique, mais cela n'entraînerait pas nécessairement la mort de la Commission canadienne du blé. Qui plus est, si les agriculteurs devaient abandonner la Commission en masse, cela montrerait probablement qu'elle n'a pas de raison d'être.

Tout ce que je demande, c'est qu'on me laisse la possibilité de prendre mes propres décisions en ce qui concerne la commercialisation de mon grain. Je ne souhaite aucunement empêcher les autres de mettre leur grain en commun et de traiter avec la Commission du blé. Je ne crois pas avoir le droit de me mêler de la façon dont les autres choisissent d'exercer leurs activités. Tout ce que je demande, c'est qu'on respecte mes choix et qu'on n'essaie pas de me forcer à agir contre ma volonté.

Quant à la reddition de comptes, il y a lieu de se poser la question suivante: en quoi l'élection d'agriculteurs à titre d'administrateurs de la Commission rendrait-elle cette commission plus responsable envers les agriculteurs qu'à l'heure actuelle? Les agriculteurs continueront d'être tenus par la loi de céder leur grain à la Commission, quels que soient les résultats obtenus par cette nouvelle commission. Ces nouveaux administrateurs sont tenus par la loi de veiller aux intérêts non pas des agriculteurs, mais bien de la Commission. Lorsque le projet de loi C-4 aura été adopté, leur devoir visera non pas les agriculteurs, mais uniquement le gouvernement. Par conséquent, si une personne est habilitée à agir au mieux des intérêts de l'organisme monopolistique, il est improbable que cette personne recommande le retrait du pouvoir pour l'organisme; pour vraiment agir au mieux des intérêts de la Commission, il est évident qu'une personne ne peut que recommander l'accroissement des pouvoirs de la Commission.

Si M. Goodale cherche réellement à favoriser la reddition de comptes, et si le projet de loi a été conçu à cette fin, je dois dire clairement à votre comité que c'est un échec. L'industrie ne peut rendre des comptes aux agriculteurs que si ces derniers ont l'occasion de se soustraire à l'emprise de la Commission du blé et de vendre eux-mêmes leur grain.

Pour ce qui est de la souplesse, j'aimerais simplement déclarer que de nombreux agriculteurs, moi y compris, ne sont pas intéressés à se voir offrir de meilleures conditions de détention. Ce que nous voulons, c'est la liberté. Toutes les modifications qui pourraient être proposées, si bien intentionnées qu'elles soient, ne peuvent venir près de corriger la situation qui règne actuellement dans les Prairies. Il n'y a qu'une façon de répondre à notre besoin de liberté sur le marché, et c'est notre libération de ce régime collectif imposé.

M. Goodale a toujours dit qu'un conseil d'administration partiellement élu et partiellement nommé réglerait tous les problèmes de notre industrie, et que les nouveaux administrateurs élus seraient en mesure de façonner l'industrie selon les besoins des agriculteurs. En réalité, on aurait tendance à penser autrement. Ce qu'on envisage ici, c'est la création d'une nouvelle catégorie de «béni-oui-oui» pour le ministre. Nous devons nous rendre à l'évidence que ce conseil d'administration ne peut être composé que de ça.

Même si, selon moi, il va de soi qu'on doit éliminer la disposition d'inclusion, je dois dire que la question de la disposition d'inclusion n'est rien d'autre qu'une habile diversion. C'est la question du monopole qui est cruciale, et cette situation litigieuse et très politique ne peut que s'intensifier et diviser davantage les agriculteurs tant que le gouvernement ne réglera pas la question du monopole.

Je tiens à remercier le Sénat, en particulier les sénateurs qui sont membres du comité et qui se sont donné la peine de venir dans les Prairies et de parler avec ceux qui seront touchés par ce projet de loi. Je suis certain que vous entendrez de nombreux points de vue différents à l'égard de cette question et de ce projet de loi.

Je vous ai présenté une proposition sensée, axée sur la libre entreprise, qui se fonde sur mon désir d'être libre de chercher la richesse et le bonheur et sur la croyance selon laquelle, si les autres sont libres de faire la même chose, notre société ne s'en portera que mieux. Certains, j'en suis sûr, parleront uniquement du maintien d'un système qui impose leurs préférences à tous les autres; ils chercheront à protéger un régime désuet qui n'a plus sa place à l'ère de l'information et qui ne tient pas compte des nouvelles réalités touchant la mondialisation des marchés. D'autres choisiront de ménager la chèvre et le chou et d'appuyer ces changements superficiels, faisant valoir qu'on commence au moins à changer notre régime désuet, ce qui permettra aux agriculteurs de s'adapter. Toutefois, compte tenu de la vitesse à laquelle notre industrie évolue, cette nouvelle commission canadienne du blé sera toujours trop lente pour réagir et offrir des changements valables aux agriculteurs. Je ne suis pas disposé à attendre si longtemps.

M. Radcliffe: Je n'appuie pas le groupe qui s'identifie sous le nom de «coalition contre le projet de loi C-4». Ce groupe fait office d'aile politique pour la Bourse de marchandises de Winnipeg -- en faveur du marché libre. Les membres du comité connaissent bien l'énoncé de principes de la coalition. Cela dit, je tiens à déclarer que j'appuie les dernières propositions présentées à votre comité par le comité consultatif de la Commission canadienne du blé.

D'un côté, le fonds de réserve proposé a pour avantage de réduire une part du risque pour notre gouvernement fédéral et de le placer sur les épaules des producteurs. Cela devrait plaire aux critiques qui croient, à tort, que la Commission canadienne du blé est un organe du gouvernement canadien. Toutefois, je vous suggérerais d'examiner la dernière ronde de subventions aux prix en France et de déterminer leur effet sur le prix de l'orge sur les marchés mondiaux.

Par le passé, la Commission canadienne du blé payait ses dépenses internes de fonctionnement avec les fonds accumulés à la suite d'emprunt de fonds de fonctionnement, et notre gouvernement garantissait ces emprunts. La capacité d'emprunt a été demandée par la Commission canadienne du blé dans son mémoire initial à l'intention du Groupe de commercialisation du grain. Tout récemment, la Commission canadienne du blé avait vendu une cargaison importante d'orge à l'étranger et a découvert, au moment de livrer la marchandise, qu'on avait accaparé le marché de l'orge. L'approvisionnement était très serré. Je crois que certains joueurs, sur le marché libre, avaient prévu que cela se produirait tôt ou tard, et leurs efforts pour prendre de court la Commission canadienne du blé ont occasionné des pertes pour la Commission et pour les producteurs d'orge de l'Ouest.

Même si le projet de loi C-4 conservait ses dispositions relatives au fonds de réserve, on y recourrait rarement; de plus, à mon avis, le fonds de réserve ne constitue pas une menace importante pour la mise en commun.

J'estime que la disposition d'inclusion du projet de loi C-4 est avantageuse et devrait être maintenue. Les tenants du marché libre -- où l'on est «libre» de s'approprier le bien des autres -- sont les plus récents et les plus bruyants opposants de cette notion. Ce qu'ils veulent, c'est acheter mon canola à prix modique, et je m'oppose fortement à une telle pratique. Par le passé, on a vu le prix du Canada subir une chute de 72 dollars la tonne en 72 heures. Les principaux dirigeants du marché libre ont travaillé ensemble, 24 heures sur 24, pour trouver une solution. Ils ont décidé de suspendre les échanges. Ils ont changé les règles du jeu afin de corriger le fiasco.

Dans une lettre publiée dans le courrier du lecteur d'un journal, j'ai dit au premier ministre Filmon que le marché libre est aussi imprévisible qu'un yo-yo attaché à un élastique de bungy. Cela montre toute l'importance que j'accorde à cette disposition. Je crois que des milliers de personnes de la majorité silencieuse, qui ont très fortement appuyé cette cause par le passé, partagent mon point de vue.

L'importante manifestation tenue à Winnipeg il y a environ deux ans était une réaction directe au rapport du groupe, qui faisait fi de l'orge. Quelqu'un a même dit qu'on avait «jeté le bébé avec l'eau du bain». Cette manifestation soutenait la notion de comptoir unique. Même si on l'a organisée au pied levé, des centaines de personnes de Winnipeg se sont présentées. De fait, des milliers de personnes de l'Ouest canadien se sont ralliées en faveur de la vente à comptoir unique.

Je me dois de continuer d'appuyer le meilleur organisme de commercialisation du monde, qui fait l'envie d'un grand nombre de producteurs du Dakota du Nord.

Je vous remercie sincèrement de m'avoir laissé exprimer mon point de vue.

M. Bell: Au nom de mon épouse et de mon fils, qui exploitent la ferme avec moi, je souhaite vous remercier de l'occasion qui m'est offerte de présenter mon point de vue concernant le projet de loi C-4 et les répercussions du projet de loi sur nos activités.

Je dois, tout d'abord, vous expliquer comment le monopole de la Commission canadienne du blé influe sur le secteur du grain dans les Prairies. Le statut de monopole de la Commission canadienne du blé dissuade la transformation à valeur ajoutée. Les investisseurs refusent de verser du capital dans un environnement où la Commission canadienne du blé est l'unique fournisseur de la matière première. Il suffit de constater le contraste entre les secteurs de la transformation et des grains ne relevant pas de la Commission, qui se portent très bien, et la faiblesse de l'investissement destiné à la transformation à valeur ajoutée des grains relevant de la Commission dans les Prairies. Ces investissements semblent s'être déplacés au Sud du 49e parallèle, où les usines de pâtes alimentaires et les meuneries sont prospères.

La Commission canadienne du blé n'est pas comptable aux agriculteurs. Le comité consultatif, comme son nom l'indique, ne peut que dispenser des conseils. Il n'exerce aucun contrôle sur la Commission canadienne du blé. Ni la Loi sur la Commission canadienne du blé ni le projet de loi C-4 ne prévoient que la Commission canadienne du blé doit veiller aux intérêts des agriculteurs. De plus, puisque la Commission se soustrait à la Loi sur l'accès à l'information, et à la surveillance du vérificateur général, elle n'a de compte à rendre ni aux agriculteurs, ni à personne d'autre.

Enfin, le statut de monopole de la Commission canadienne du blé élimine toute possibilité de reddition de comptes. Dans un contexte de double commercialisation, tous les intervenants seraient forcés de faire concurrence et de chercher à être rentables.

Le monopole de la Commission canadienne du blé prive les agriculteurs des droits dont tous les autres Canadiens jouissent en ce qui concerne la commercialisation et les droits de propriété. À cet égard, je me dois de vous le demander: pourquoi? Qui s'enrichit à nos dépens? Pourquoi notre gouvernement critique-t-il la violation des droits de la personne dans d'autres pays et fait-il fi des injustices ici même?

Les politiques d'établissement des prix de la Commission canadienne du blé éliminent les signaux grâce auxquels je peux réagir aux mouvements du marché.

La Commission canadienne du blé ne m'offre pas d'option de commercialisation qui me permettent de répondre à mes besoins d'encaisse.

Dans un contexte de mondialisation et de libéralisation des marchés, que le gouvernement actuel approuve, la Commission canadienne du blé constitue de plus en plus un obstacle au commerce. En créant la possibilité que d'autres céréales soient, en vertu de la disposition d'inclusion, ajoutées à la compétence de la Commission, le projet de loi C-4 augmente d'autant plus les problèmes des producteurs. Cela crée une incertitude inutile dans l'ensemble du secteur des céréales ne relevant pas de la Commission. Nos clients japonais nous disent qu'ils veulent que le canola continue d'être vendu sur le marché libre. Les premiers ministres Klein, de l'Alberta, et Filmon, du Manitoba, s'opposent tous deux à la disposition d'inclusion.

J'estime que la planification médiocre, les occasions de commercialisation perdues et la résistance au changement qui découlent du monopole de la Commission coûtent à l'économie de l'Ouest des millions de dollars. On enregistre de telles pertes parce qu'il n'y a pas de régime de récompenses et de punitions, c'est-à-dire des récompenses pour un rendement efficace et des punitions pour un rendement médiocre. Même s'ils cèdent tout contrôle à l'égard du grain lorsque le grain arrive au silo-élévateur ou au train, les producteurs subissent néanmoins les risques jusqu'à ce que le produit se rende au client, peu importe qui commet l'erreur.

Le projet de loi C-4 omet de corriger les défauts du monopole de la Commission canadienne du blé dont je vous ai entretenus. Le dépôt du projet de loi C-4 montre que le ministre responsable de la Commission canadienne du blé a fait fi des préoccupations des membres du Groupe de commercialisation du grain, qu'il a lui-même choisis.

Tout au long du processus de consultation, le ministre Goodale a refusé d'écouter les agriculteurs des Prairies et a fait fi des intérêts de l'Ouest pour n'en faire qu'à sa tête. Je crois que le projet de loi C-4 minera notre capacité de faire concurrence dans l'environnement commercial mondial de l'avenir, ainsi que ma capacité d'exploiter efficacement une entreprise céréalière ou une ferme.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de protéger l'avenir de l'Ouest canadien en rejetant le projet de loi C-4, et j'incite le gouvernement canadien à établir le cadre législatif dont nous avons tant besoins au chapitre de la commercialisation, c'est-à-dire un régime de double commercialisation pour l'orge et le blé.

M. Davison: Mon exposé ne consistera pas à présenter les avantages et les désavantages de la Commission du blé. Je crois qu'on l'a déjà fait d'une manière très appropriée très adéquate et très passionnée. J'ai l'impression que vous continuerez d'entendre des exposés très passionnés au cours de la semaine qui suivra.

Je tiens à profiter de l'occasion qui m'est offerte pour dire que je crois qu'on s'attache à des détails, alors qu'on devrait adopter une vue d'ensemble, c'est-à-dire s'attacher à l'Ouest du Canada. De fait, la Commission canadienne du blé concerne l'Ouest du Canada.

J'ai un neveu qui exploite une ferme dans le Dakota du Nord. Je lui rends visite périodiquement. Je ne crois pas que sa production ou sa capacité d'exploitation agricole soit supérieure à celle d'un agriculteur du Manitoba ou de la Saskatchewan. Je ne suis pas en mesure de déterminer si c'est la Commission canadienne du blé qui nous a permis de constamment surclasser les États-Unis. C'est peut-être lié à notre forme de gouvernement.

Je crois qu'on prive les agriculteurs de l'Ouest canadien de leurs droits, qu'il y ait ou non une commission du blé. Ce matin, un certain nombre de personnes ont exprimé cette opinion. Notre perte de statut est extrême. À une certaine époque, le Manitoba et la Saskatchewan représentaient environ un septième de la population canadienne. Aujourd'hui, ces provinces ne comptent que pour un quinzième de la population, ce qui représente une baisse d'environ 50 p. 100.

De plus, notre capacité d'influer sur la prise de décisions au pays s'est amoindrie. Le déplacement de la population des régions rurales aux régions urbaines s'est accrue grandement, et nous nous retrouvons avec environ le quart de la représentation au Parlement que nous avions autrefois. Je ne sais pas comment corriger ce problème. J'espère néanmoins qu'un organisme dont les membres sont élus démocratiquement, qu'il s'agisse d'une commission du blé, d'un office de commercialisation ou d'une confédération de producteurs de grain responsable, peu importe le nom qu'on y donne, pourrait répondre à ce besoin.

En venant dans l'Ouest, le comité s'est jeté dans la fosse aux lions. Je vous félicite d'avoir eu le courage de le faire. C'est une question difficile. Les Canadiens de l'Ouest ont beaucoup de problèmes.

J'ai assisté, il y a quelques semaines, à une rencontre, à Yorkton, regroupant 25 agriculteurs mécontents. Ces agriculteurs représentent non pas le sud du Manitoba, mais bien le nord, et ils sont très mécontents d'avoir perdu le réseau ferroviaire du nord de la province. Ils estiment qu'on mine gravement leurs activités. Les réponses que leur donne le Canadien National sont relativement absurdes: on ne peut assimiler la distance à la rentabilité, et on doit être rentable. Si la rentabilité est importante, il y a tout de même d'autres considérations. Prenons l'exemple de l'escalier d'une maison. Une glissoire ou un escalier mécanique serait plus efficace, mais est-ce qu'on va éliminer l'escalier parce qu'il n'est pas efficace? Bien sûr que non. Est-ce qu'on va arracher les trottoirs parce qu'ils ne sont pas rentables? Non. Je m'excuse, je dévie du sujet. Je voulais seulement signaler que certains agriculteurs sont très fâchés. C'est chose rare, car les agriculteurs sont généralement conciliants.

Pourquoi y a-t-il un tel dépeuplement dans l'Ouest canadien? La raison est évidente: les prix sont bas. Les fermes cultivent la terre selon une méthode géométrique, passant d'une section à deux sections, de deux à quatre, de quatre à huit et de huit à 16, et elles le font parce que les agriculteurs doivent assurer leur subsistance, et si vous avez une moyenne de deux sections, c'est ce que vous devez acheter.

Les seuls à vraiment tirer avantage de prix bas et d'une production élevée sont les sociétés ferroviaires, les exploitants de silos-élévateurs et ceux qui vendent les produits dont nous avons besoin pour assurer l'exploitation de nos fermes. Je ne sais pas comment nous allons réussir à régler ce problème -- à réduire nos coûts.

Voici une anecdote qui montre à quel point les prix que nous touchons actuellement pour nos produits sont absurdes. J'ai parlé à une personne qui achetait du grain en 1934, et il m'a dit qu'il payait en moyenne 37 cents le boisseau de blé, probablement pour du blé dur de printemps de catégorie 1. Mon père m'a dit qu'à l'époque il payait ses hommes environ 10 cents l'heure. Aujourd'hui, les gens se plaignent de toucher 10 $ l'heure. C'est cent fois plus. Maintenant, qu'arriverait-il si on multipliait le prix du grain en 1934 par cent? On obtiendrait un prix de 37 $ le boisseau. Maintenant, examinons la situation actuelle. Tout le monde paie des impôts. Certains paient jusqu'à 50 p. 100 de leur revenu en impôt. Alors réduisons le montant de moitié. En général, les agriculteurs ne touchent pas suffisamment d'argent pour payer beaucoup d'impôt, sauf les taxes cachées. Coupons le prix en deux, et disons que le grain vaut 16,50 $ le boisseau. On toucherait alors à peu près la même chose que pendant les années trente. Malheureusement, personne ne le sait, sauf ceux qui voient les fermes et les villages abandonnés, les églises qui s'effondrent, et les chemins détruits par le nombre élevé de camions qui les empruntent parce que le réseau ferroviaire doit être rentable.

Je ne sais pas, peut-être -- et je dis bien «peut-être» -- qu'un conseil d'administration élu pourrait fonctionner. Et je ne parle pas d'un conseil d'administration nommé avec un président qui n'est responsable qu'envers le conseil.

J'aimerais seulement signaler le point suivant: la plupart d'entre nous investissons dans les fonds communs de placement pour nos REER, car nous n'avons ni les compétences ni le temps de suivre les marchés boursiers. Nous laissons la gestion de ces fonds à des gestionnaires financiers, et nous les payons 800 000 $ par année parce qu'ils font du si bon travail. Mesdames, messieurs, la Commission canadienne du blé le fait pour nous, et nous ne leur donnons pas 800 000 $ par année.

Le sénateur Hays: Les exposés que nous a présentés ce groupe de témoins sont plus variés que ceux du dernier groupe. Je crois comprendre que certains des membres de ce groupe estiment qu'un conseil élu, comprenant 10 membres sur 15 ou quelque chose comme ça, pourrait être acceptable, mais que ce n'est pas l'avis d'autres membres. La prochaine question s'adresse justement à ces derniers, dont l'un a qualifié la Commission de «Commission du blé d'Ottawa». Pourriez-vous nous dire pourquoi le conseil ne serait pas efficace, puisqu'il serait à tout le moins élu par des agriculteurs? Pourquoi ne serait-il pas efficace, d'un point de vue politique?

M. Sambrook: Je crois que je devrais être libre de faire certaines choses dans notre société. Je ne devrais pas devoir me préoccuper exagérément du fait que mon voisin aime ou n'aime pas ce que je fais. La liberté d'expression pourrait en être un exemple. La liberté de religion en serait un autre. Le droit de possession et de jouissance d'un bien en est encore un autre.

Je ne vois pas pourquoi je devrais prendre mes décisions en fonction de ce que pense un comité de pairs ni pourquoi je devrais leur confier le soin d'administrer mon entreprise. Vont-ils me dire que je ne peux cultiver de canola cette année, ou que je devrais conduire un tracteur John Deere plutôt qu'un tracteur Ford parce qu'ils en ont décidé ainsi? J'estime que leur décision ne devrait pas restreindre ma liberté. Il s'agit d'un droit. Le Canada appuie cette position. Dans mon mémoire, je mentionne que le Canada célèbre cette année le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. L'un de ces droits est le droit de posséder un bien et d'en avoir la jouissance; le droit de ne pas en être privé. Pourtant, j'ai été privé de mes droits à cette jouissance par la Commission canadienne du blé. Je n'ai pas le droit d'en jouir comme bon me semble.

Par conséquent, je ne crois pas que la Commission canadienne du blé soit la solution. La solution, c'est que les politiciens prennent une décision concernant ce monopole.

Ça ne me dérange pas que des administrateurs supervisent les affaires de la Commission. Et en ce qui concerne l'établissement d'une politique prônant l'adoption ou le rejet d'une culture, là, je ne suis pas d'accord.

M. Sims: Fondamentalement, qu'ils soient élus ou nommés ne fait pas tellement de différence, sauf dans les petits détails, parce que fondamentalement, le statu quo est préservé. Ce serait là leur travail, comme le définit le projet de loi C-4. Le président est nommé, et cinq membres sont nommés. Même les membres élus siégeront fondamentalement selon le bon vouloir du gouvernement. Ils doivent appuyer le statu quo, appuyer la Commission du blé, c'est-à-dire, comme on pourrait l'interpréter, l'appuyer telle qu'elle est actuellement.

Un optimiste dirait peut-être que certaines des opérations journalières et relations avec les agriculteurs pourraient s'améliorer, mais les préceptes fondamentaux sont toujours erronés. L'élection de producteurs ne réglera en rien le problème. J'ai bien peur que nous finissions par politiser encore plus la question et nous polariser encore davantage. Et nous n'avons pas besoin de cela.

En tant qu'agriculteur qui ne participe que très peu à des groupes agricoles, j'aimerais que nos efforts dans la communauté agricole visent à bâtir un monde nouveau et meilleur pour nos enfants et pour nous et non pas à nous engager dans tout un tas de débats politiques secondaires. On y dépense beaucoup d'énergie, en pure perte. Si nous fonctionnons seulement de façon volontaire, dans un milieu de concurrence, les gens pourront oeuvrer pour le bien de tous plutôt que de nous engager dans toutes ces situations politiques.

M. Radcliffe: Je peux appuyer l'élection d'administrateurs. Cependant, je serais en faveur d'un régime où chaque administrateur serait responsable d'un district particulier et d'un régime de délégués au sein d'un même district, de façon à ce que l'administrateur du district en question soit élu parmi un groupe de délégués. Ainsi, on tiendrait compte dans une certaine mesure de l'avis des gens de la base.

Le sénateur Hays: Monsieur Sims, vous avez parlé dans votre exposé d'un concept que je ne comprends pas très bien. C'est-à-dire que si nous commençons à exporter beaucoup de grains vers les États-Unis, nous pourrions éprouver des problèmes comme ceux que nous avons déjà eus avec le congrès américain, et particulièrement avec les membres du congrès qui représentent les états frontaliers, ce qui nous compliquerait la vie. Vous avez dit que cela ne se produirait pas, que nous n'allions pas exporter plus de grains, mais plutôt que nous établirions un barème de prix différent simplement pour qu'il n'y ait pas de monopole. Pouvez-vous préciser votre pensée?

M. Sims: Oui. Les gens disent qu'il y aurait un grand mouvement vers les États-Unis en raison de la différence de prix et du fait que vous pouvez utiliser vos DTN ou quoi que ce soit d'autre. Certes, le prix au Dakota du Nord a toujours été meilleur. Compte tenu de cela, nous pourrions présumer que tous les camions se dirigeraient vers nos voisins du Sud. Cependant, cette hypothèse présente deux lacunes.

L'une a trait à l'arbitrage, et plus précisément, au fait que leurs prix seraient appliqués ici. Le prix de l'avoine est le même, transport en moins, que vous soyez à Minneapolis ou au Manitoba. Vous pouvez en dire autant des autres grains et denrées. Il y aurait un effet d'égalisation des prix. Quelques expéditions, et le tour serait joué.

L'autre lacune, c'est que le grain se rendra dans les marchés où on en a besoin. Il y a une raison très pratique d'importer notre blé, selon certaines combinaisons ou mélanges, aux États-Unis, mais la quantité dont ils ont besoin est limitée. Eux aussi peuvent cultiver du blé. C'est la raison pour laquelle je ne pense pas que cela se produira.

Sur le plan du transport, j'estime que le même phénomène jouerait. Seuls les prix changeraient. Notre réseau de transport pourrait devoir ajuster quelque peu sa structure de prix. Franchement, à bien des égards, les coûts sont trop élevés, et nous pourrions en parler durant un bon bout de temps. Je ne pense pas voir une modification fondamentale à cet égard. Je ne pense pas qu'un cultivateur de Swan River devra transporter son grain par camion jusque dans le Dakota du Nord. Les camions ne prendront pas la place des trains. Les agriculteurs continueront d'utiliser le transport ferroviaire, et la plus grande part du grain continuera d'être transportée de la même façon qu'actuellement. Le prix sera différent et, en fait, la séparation, les distinctions et la préservation de l'identité ne feront qu'augmenter. Nous verrons moins l'établissement de prix moyens, de qualités moyennes, et ainsi de suite. Nous pouvons faire certaines choses bien précises pour améliorer notre sort comme agriculteurs et faire en sorte que toute l'économie s'en ressente.

Le sénateur Stratton: Monsieur Radcliffe, vous avez dit appuyer le fonds de réserve décrit dans le projet de loi.

M. Radcliffe: Oui, j'appuie cette disposition, parce qu'elle ferait en sorte que la Commission du blé serait moins vue comme un prolongement actif du gouvernement fédéral et qu'elle supposerait une plus grande participation de la part des producteurs. On suggère l'établissement d'une redevance, mais je ne pense pas que nous ayons à nous inquiéter du coût. Nous avons déjà absorbé des coûts auparavant. Ce n'est rien de plus qu'une taxe cachée.

Le sénateur Stratton: C'est précisément là que je veux en venir. Si vous avez un fonds de réserve auquel participent uniquement les agriculteurs, il s'agit d'une addition aux coûts d'intrants. Selon vous, devrait-il y avoir une limite maximale pour le fonds de réserve?

M. Radcliffe: A-t-on déjà laissé entendre qu'il n'y en aurait pas?

Le sénateur Stratton: Non, mais je crains que la limite fixée ne soit très élevée, de sorte que vos coûts d'intrants demeureraient une contribution à ce fonds de réserve durant un bon moment.

M. Radcliffe: Bien sûr, si la Commission canadienne du blé avait un conseil d'administration élu, ses membres auraient un certain respect pour cette dépense particulière, puisqu'ils voudraient être réélus.

Le sénateur Stratton: Vous seriez d'accord pour qu'on mette une limite au fonds de réserve, n'est-ce-pas?

M. Radcliffe: Oui, tout à fait.

Le sénateur Stratton: Monsieur Sambrook, vous nous avez vraiment donné l'impression d'être un défenseur du libre-échange, ce que je peux comprendre. M. Goodale a-t-il expliqué pourquoi l'Ontario avait la possibilité de se retirer, mais pas les cultivateurs de grains de l'Ouest?

M. Sambrook: M. Goodale a toujours dit qu'il est impossible de faire appliquer un système à participation volontaire, peu importe la façon dont il est conçu. On a estimé que cela mettrait automatiquement un terme aux activités de la Commission canadienne du blé. Il ne m'a jamais bien dit personnellement quoi que ce soit qui puisse me permettre de comprendre pourquoi il en serait ainsi. Je n'en ai aucune idée. Je pense qu'il s'agit d'une proposition tout à fait logique, qui fonctionnerait aussi bien dans les Prairies qu'en Ontario. Bien sûr, les situations sont différentes, et les concepts sont les mêmes. Les souhaits des agriculteurs sont les mêmes. Je pense qu'on peut le faire ici, dans les Prairies.

Le sénateur Stratton: J'ai bien peur que, encore une fois, nous ne privilégions l'Est au détriment de l'Ouest. Nous donnons à l'Est le choix de se retirer, mais pas à l'Ouest. En définitive, c'est le pays tout entier qui devra en payer le prix. Selon moi, nous devrions être uniformes. Qu'en pensez-vous?

M. Sambrook: Oui, je suis d'accord.

M. Sims: Peut-être que, dans ce cas précis, l'Est nous mènera vers le progrès, pour faire changement.

M. Bell: En ce qui concerne la question de l'opposition Est-Ouest, il y a déjà eu une division, une division en matière de politique, parce que même si les producteurs de l'Ontario devaient obtenir des permis d'exportation pour mettre leur blé en marché, ils n'étaient pas obligés de les payer. À ma connaissance, aucune disposition de rachat des exportations n'a été imposée aux producteurs ontariens, ce qui est différent de ce qui se passe dans les Prairies.

Le sénateur Taylor: M. Davison a décrit la façon dont les choses se dégradent à un train d'enfer. Comme vous le savez, il y a vraiment un libre marché, et il concerne le prix des terres agricoles. Le prix des terres agricoles continue d'augmenter, et cela fait augmenter les intérêts que les agriculteurs doivent verser aux banquiers s'ils veulent acheter plus de terres. C'est probablement là le coût unique le plus important que doivent verses les agriculteurs. Pourquoi le prix des terres agricoles augmente-t-il? Les agriculteurs ont-ils des tendances suicidaires?

M. Davison: Ils n'ont pas de tendances suicidaires, c'est une simple question de survie. Bien des agriculteurs sont forcés de payer, quel qu'en soit le prix, dans l'espoir de pouvoir continuer. Je ne sais pas si vous savez cela, mais au Manitoba, les hutterites ont récemment acheté une portion de terre entre Neepawa et Minnedosa, pour laquelle ils ont versé 1 700 $ l'acre. Sur une ferme située cinq milles à l'Est, une entreprise a elle aussi acheté une portion de terre, sur laquelle on cultive des pommes de terre, et elle a payé 3 000 $ l'acre. Votre question est bien formulée. La situation pourrait très bien dénoter que l'avenir, c'est maintenant. Il semble qu'il peut être un peu trop tard pour réserver l'Ouest aux gens de l'Ouest; on s'apprête maintenant à le laisser aux mains des entreprises.

À la télévision ce matin, j'ai vu un homme qui disait qu'à Terre-Neuve les chalutiers ont pris le poisson des pêcheurs. Ici, j'espère que nous saurons en quelque sorte garder des terres pour les agriculteurs.

Le sénateur Taylor: Monsieur Sambrook, vous avez parlé de la liberté de choisir la clause dérogatoire. C'était le point central de votre argument. Comme vous le savez, les agriculteurs sont fort bien traités par les commissions de la volaille et des produits laitiers. Comment pensez-vous que les organisations coopératives menées par les producteurs, comme la Commission du blé, survivront si les gens qui pensent comme vous leur disent d'aller au diable parce qu'ils veulent être libres d'agir comme bon leur semble?

M. Sambrook: Le scénario n'est pas le même pour les commissions de mise en marché des produits laitiers, du poulet et autres. Elles sont toutes au Canada. Elles exercent véritablement une gestion sur l'approvisionnement. Ces systèmes de gestion de l'approvisionnement peuvent littéralement dicter le prix alors que la Commission canadienne du blé ne le peut pas. Elles n'ont pas un monopole sur le marché mondial. Elles possèdent peut-être 20 p. 100 de la part du marché mondial.

Quant à savoir comment la Commission du blé survivrait si tout le monde qui partage mon opinion le faisait savoir, je me contenterai de poser simplement la question suivante: s'il y a tant d'agriculteurs qui, comme moi, fuiraient la Commission s'ils en avaient l'occasion, n'est-ce pas là un signe dont il faudrait tenir compte?

Le président: J'ai demandé à nos recherchistes d'examiner quel rendement sur investissement touchaient les agriculteurs de tout le Canada. Les dernières statistiques à ce sujet ont été compilées en 1994, et elles laissent voir qu'il y a un rendement sur investissement de 3 p. 100. Il n'y a pas beaucoup de monde qui vivrait avec ça, à part les agriculteurs.

Quoi qu'il en soit, c'est une bonne chose que je sois le président ici, sinon, je pourrais bien me pencher sur toute cette question.

Le sénateur Stratton: Les agriculteurs de l'Ontario ont-ils le droit de se retirer?

Le sénateur Taylor: Seulement pour les fournisseurs américains. Leur volume est insignifiant. M. Sambrook produit probablement autant que tout le marché d'exportation de l'Ontario.

Le sénateur Stratton: Je veux bien l'admettre, mais c'est tout de même contraire au principe selon lequel si un groupe a un droit, un groupe semblable dans une autre partie du pays devrait l'avoir aussi.

Le sénateur Spivak: La définition de «producteur» me préoccupe. Techniquement, une banque qui détient l'hypothèque pourrait être assimilée à un producteur. Croyez-vous qu'il faudrait changer le libellé de façon que seuls les vrais producteurs aient le droit de voter?

M. Sims: Si l'on se fie à ce qu'on peut lire dans la presse, à tout le moins, le projet de loi C-4 ne réglemente pas qui peut voter à l'élection.

Le sénateur Spivak: C'est pour ça que je vous le demande.

M. Sims: Par la presse, un commentaire a été attribué aux spéculations du gouvernement, concernant le fait que la liste de ceux qui seraient appelés à voter comprendrait les titulaires d'un carnet de permis de la Commission du blé. Bien des agriculteurs qui cultivent beaucoup de grains ne sont pas titulaires d'un permis de la Commission du blé. Nous allons avoir de graves problèmes si cela reste ainsi.

Il y a autre chose qu'il ne faut pas oublier: c'est qu'au sein de l'industrie du grain, il y a bien des agriculteurs dont le principal gagne-pain consiste à exploiter un parc d'engraissement ou à élever des porcs, ou encore, peut-être, à cultiver des pommes de terre. Un agriculteur peut cultiver un ou deux champs de blé, comme activité accessoire, mais il peut consacrer l'essentiel de son argent et de son énergie à la culture de la pomme de terre. De plus, bien des gens font très peu de culture, mais ils se consacrent d'abord et avant tout à un emploi à l'extérieur de la ferme. Ils sont, pour ainsi dire, des agriculteurs amateurs. Bien des gens cultivent techniquement du grain. Leur vote devrait-il avoir la même valeur que celui d'une personne qui se consacre entièrement à la production du grain et qui en fait son gagne-pain? Leur vote devrait-il être égal, même si l'essentiel de leurs intérêts repose, comme c'est le cas pour les entreprises dont vous avez parlé, dans d'autres entreprises lucratives?

Le sénateur Spivak: Comme on dit, «le mieux est l'ennemi du bien». Je pense qu'il s'agit d'une disposition très importante qui déterminera la façon dont la loi sera réellement appliquée.

L'un d'entre vous a-t-il des suggestions quant à la façon dont le règlement pourrait être adapté pour que seuls les véritables producteurs puissent voter?

M. Bell: Vous avez raison. Il est vraiment important de savoir qui pourra voter. Par exemple, en ce qui concerne le vote relatif à l'orge où, soit dit en passant, on ne posait pas la bonne question, les intérêts monopolistiques ont dicté les règles du jeu. Ma femme, mon fils et moi-même exploitons notre propre entreprise agricole. Nous possédons un carnet de permis, comme bon nombre de mes voisins. Je crois que les statistiques montrent que ce sont les plus grandes fermes dans l'Ouest canadien qui sont des entreprises agricoles. Comme M. Sims l'a fait remarquer, leur enjeu est beaucoup plus important dans l'industrie du grain que nombre des fermes plus petites. Des trois personnes de notre entreprise, seulement une a pu voter, parce que nous ne détenons qu'un carnet de permis. On nous a promis que nous pourrions déléguer une personne pour voter, à condition d'avoir produit de l'orge au cours des cinq dernières années. Nous avons pu déléguer une personne pour voter.

Le sénateur Spivak: Monsieur Davison, vous avez parlé des agriculteurs du Nord. Il me semble que ceux du Sud peuvent avoir une opinion différente des véritables problèmes auxquels feront face les agriculteurs. Ces problèmes peuvent avoir principalement trait aux frais de transport.

Mon autre question est d'ordre plus général. Il se pourrait que personne ne puisse y répondre. Pourquoi toutes les minoteries se déplacent-elles vers les États-Unis, et pas ici? Est-ce en raison de la Commission du blé et de la façon dont elle est exploitée?

M. Davison: Je tenterai de répondre à votre première question, mais je ne connais pas la réponse à la deuxième.

Les agriculteurs du Nord aimeraient bien expédier leurs grains via Churchill. Ils éprouvent des difficultés à le faire, parce que le Canadien National transporte le grain jusqu'à The Pas, et, à partir de là, Omnitrax le transporte vers le Nord. Leurs besoins sont différents.

Nous avons entendu dire que les entrepreneurs agricoles peuvent être propriétaires de fermes plus grandes. À ce titre, ils ont leurs propres intérêts et leurs propres besoins. Les besoins des agriculteurs du Nord, qui cultivent entre 500 et 1 500 acres, sont quelque peu différents. Pour l'instant, ils ne tentent pas de se lancer dans l'élevage du porc. Ils continueront de vivre du grain. Selon toute probabilité, ils poursuivront leurs activités agricoles traditionnelles.

Cela fait surgir la question de la valeur ajoutée, quelque chose que nous devrions surveiller de très près. Si je cultive du grain et que je l'expédie, le prix que je recevrai sera, disons, le prix de la Commission du blé. Si je cultive du grain et que je m'en sers pour nourrir mon bétail, je peux être capable d'augmenter la valeur ajoutée, mais je prendrai cette décision en fonction de l'argent que je peux faire. Si je cultive du grain et que je le vends à un parc d'engraissement d'un gros éleveur de porcs, il pourra consentir à me verser 5 $ la tonne de plus que ce que je pourrais obtenir, mes frais de transport y compris, et il me faudrait alors décider si 5 $ la tonne est un montant suffisant pour que je parle de valeur ajoutée «importante». Peut-être est-ce là quelque chose dont nous devrions tenir compte.

Le président: Messieurs, merci de vos exposés.

Je convoquerai maintenant MM. Kevin Archibald, Chris Tait, Glenn Pizzey et Don Bromley.

M. Kevin Archibald: Tout d'abord, quel est le problème du projet de loi C-4? Selon nous, c'est qu'il donne simplement l'illusion de confier le contrôle aux agriculteurs. Lorsque le gouvernement nomme encore 5 des 15 membres du conseil d'administration, outre le président, on ne saurait dire que la reddition de comptes et les directives proviennent des agriculteurs.

Il y a un autre problème: la disposition d'inclusion, qui laisse planer un lourd nuage d'incertitude sur les investissements pour toute l'industrie de transformation secondaire ou à valeur ajoutée, et il est essentiel de le dissiper.

Nous avons perdu les subventions au transport du grain dans l'Ouest, et nous payons désormais l'intégralité des frais de transport dans les Prairies. Les agriculteurs ont réellement besoin qu'on facilite leurs activités de transformation. La dernière chose dont nous avons besoin, c'est de décourager tout investissement dans ces installations. Aucun investisseur ne va risquer des millions de dollars dans une affaire tout à fait incertaine.

Pour les agriculteurs de l'Ouest, la plus grosse lacune du projet de loi C-4, c'est qu'il néglige de s'attacher à la nécessité d'élargir les choix relatifs à la mise en marché.

Sur le plan des affaires, les agriculteurs de l'Ouest vivent dans un monde rempli de risques, mais le régime d'adhésion obligatoire à une coopérative agricole de la Commission canadienne du blé ne répond en rien aux besoins des agriculteurs pour ce qui touche la gestion du risque. Pour nous, la plus importe lacune sous-jacente du projet de loi C-4, c'est qu'il n'offre pas le genre de choix pour la gestion du risque, le choix de mise en marché, que demandent les agriculteurs.

Je crois fermement que l'orge devrait être complètement et immédiatement soustrait au monopole. L'orge n'a pas sa place dans le régime de la Commission canadienne du blé. Ce régime n'ajoute absolument aucune valeur à la mise en marché de l'orge. Je ne fais pas là un commentaire sur le vote qui a eu lieu il y a quelques années. Les référendums ne sont vraiment pas une bonne façon de déterminer comment devrait fonctionner un régime de mise en marché. Les opinions peuvent changer du jour au lendemain. En fait, je pense que le dernier recensement a révélé que l'âge moyen des agriculteurs de l'Ouest canadien est d'environ 58 ans. Nous allons bientôt remettre de façon massive les rênes à la prochaine génération. Allons-nous devoir voter toutes les fois où il y a changement de génération pour voir quel régime de mise en marché sied à la nouvelle?

En ce qui concerne les progrès technologiques, comme nous utilisons Internet de plus en plus pour la mise en marché des récoltes -- et que tout évolue très rapidement --, aurons-nous un vote chaque année, tous les deux ans, tous les cinq ans? Ces référendums coûtent cher et provoquent beaucoup de division.

Le projet de loi C-4 pourrait contenir un autre changement positif: l'élimination de la disposition d'inclusion, mais la rétention de la disposition d'exclusion. Certaines données portent à croire que les agriculteurs veulent élargir leur choix au chapitre de la mise en marché. Des agriculteurs ont été jetés en prison pour avoir tenté d'obtenir ces choix par la voie de l'appareil judiciaire. Il y a les efforts de puissants groupes de pression comme la Western Canadian Wheat Growers Association. Lorsqu'il a déposé son rapport en 1996, le Western Grain Marketing Panel a constaté que le régime actuel permettait d'obtenir d'heureux résultats pour les récoltes soumises au libre marché. Le panel a recommandé quelques très importants changements de notre régime de mise en marché du blé et de l'orge. Les recommandations qu'il a formulées visaient toutes à retirer, partiellement ou complètement, certaines cultures du régime.

Le travail du panel est très important. Il sonde tous les clients. J'estime que son travail devrait faire l'objet de beaucoup d'attention ici. Si je dis que l'on devrait conserver la disposition d'exclusion, c'est qu'il y aura une nouvelle série de pourparlers avec l'Organisation mondiale du commerce en 1999. Le maintien de la disposition d'exclusion permettrait aux partenaires commerciaux du Canada de savoir -- de la bonne façon -- que nous nous dirigeons vers un commerce plus libéralisé. L'ajout de la disposition d'inclusion donne un mauvais signe. Plus important encore, les agriculteurs risquent de voir diminuer leurs choix pour la mise en marché à un moment où ils auraient certes besoin d'en avoir davantage.

Je crois que le système de régie proposé par le gouvernement dans ce projet de loi devrait être changé et que tous les administrateurs devraient être élus.

L'Ouest canadien est très vaste. C'est une bien piètre représentation que d'avoir dix administrateurs élus par les producteurs de la région. Ces gens vont devoir être responsables de très vastes superficies de terre. Personnellement, je ne pense pas que dix administrateurs suffiront. S'il y en avait 15, ce serait à peine assez. Peut-être qu'un régime de délégation serait utile. Je n'en parle pas dans mon mémoire, mais je crois fermement que tous les administrateurs devraient être élus pour qu'on ait à tout le moins un semblant de reddition de comptes

La Commission canadienne du blé devrait étudier certaines options, qu'elle soit placée en situation de monopole ou de concurrence.

L'une d'entre elles consisterait à établir le prix au préalable ou à offrir une option de paiement au comptant.

L'adhésion obligatoire à une coopérative agricole a d'importantes répercussions sur les agriculteurs de l'Ouest. Lorsqu'on vous donne un prix initial, puis un prix rajusté et que vous n'obtenez pas tout l'argent des produits que vous vendez jusqu'à ce qu'on vous verse le paiement final quelque 18 mois plus tard, il vous est impossible d'avoir l'argent voulu pour produire du blé dans notre pays. Toutes les fois où vous faites une dépense, le fournisseur attend son paiement dans les 30 jours qui suivent l'émission de la facture. Lorsqu'un agriculteur obtient un prix de départ, il équivaut à 70 ou 75 p. 100 du prix final prévu. Il lui est impossible d'assumer la différence et de faire vivre sa famille ou d'espérer agrandir son entreprise ou mettre de l'argent de côté pour l'avenir.

Une option de prix au comptant permettrait à un agriculteur, même avec le régime établi par la Commission du blé, d'établir un contrat en fonction des prévisions actuelles du marché, de livrer le grain à la Commission et de faire en sorte que celle-ci comble la différence au nom de l'agriculteur ou lui permette de le faire lui-même. Quel que soit le mécanisme utilisé, l'agriculteur connaîtrait le prix, il s'agirait d'un montant intégral au comptant. Si la Commission canadienne du blé conserve le monopole, elle aura encore du blé à mettre en marché. Plus important encore, cela permettrait de répondre aux préoccupations des agriculteurs du Nord qui n'ont pas accès au marché américain.

Essentiellement, cette option de prix permet aux agriculteurs d'obtenir un genre de prix au comptant sur place, peu importe l'endroit où ils se situent dans les Prairies, très semblable à ce que les agriculteurs du Dakota du Nord reçoivent.

C'est de là que viennent les frictions. Les agriculteurs du Dakota du Nord ont accès à un régime qui leur permet d'obtenir leur argent tout de suite. Ils ont la possibilité de bloquer leur prix s'ils le veulent, mais le prix qu'ils obtiennent au comptant sur place est, en moyenne, beaucoup plus élevé que ce que la Commission canadienne du blé offre. C'est tout simplement une fonction du marché.

L'option de prix permettrait de régler ce problème. C'est faisable. J'ai eu des réunions avec des représentants de la Western Canadian Wheat Growers Association et de la Commission canadienne du blé à ce sujet, ainsi qu'avec des représentants d'Agriculture Canada, et tous ont exprimé un certain intérêt. Je pense qu'on devrait intégrer cette mesure au projet de loi.

Si je dis ça, c'est parce que le conseil d'administration lorsqu'il sera élu, sera toujours de nature politique. Le débat sur la mise en marché que nous avons avec quelques témoins ici, débat qui court depuis au moins dix ans, sera maintenant porté à la salle du conseil de la Commission canadienne du blé, et il est fort peu probable qu'une option comme celle-là soit étudiée. Les administrateurs auraient probablement à voter à l'unanimité, ou à la quasi-unanimité, pour que quelque chose comme ça soit adopté. Les chances pour que cela arrive sont très très faibles.

Il s'agit d'un régime qui permettrait de soulager nombre des pressions que nous ressentons aujourd'hui. Ça permettrait aux agriculteurs de commencer à se rendre compte de ce que ce choix signifie. C'est une méthode pour leur montrer et pour montrer au reste du monde que la double commercialisation peut fonctionner.

La dernière modification positive que j'aimerais suggérer pour le projet de loi C-4 consisterait à permettre à un producteur de recourir à une autre solution qu'à la Commission, à condition de le déclarer, comme c'est le cas en Ontario. Mais plutôt que de reproduire ce qui se passe en Ontario, où l'exportation vers les États-Unis est la solution de rechange, j'estime qu'il est plus important que la solution de rechange à la Commission concerne aussi le marché intérieur. Qu'elle soit résolument axée sur les États-Unis, mais aussi sur le marché intérieur de façon que les très importantes industries à valeur ajoutée dont nous avons tant besoin dans l'ouest du Canada puissent obtenir l'approvisionnement et la qualité dont elles ont besoin des agriculteurs, de façon individuelle.

M. Glenn Pizzey: J'aborde ce sujet aujourd'hui selon la perspective d'un agriculteur actif et d'un transformateur de notre production agricole. J'ai de l'expérience non seulement au chapitre de la culture du produit, mais aussi de sa transformation et de son expédition, sous forme finie, vers les tablettes de l'épicerie.

Ma famille exploite une ferme dans l'ouest du Manitoba depuis plus de cent ans. Au cours des dix à quinze dernières années, nous avons commencé à transformer, à moudre et à cuire nos produits à base de grain.

Cette nouvelle sphère de notre entreprise est touchée par deux réalités mondiales incontournables. Tout d'abord, la croissance du commerce mondial de denrées agricoles en vrac a été nulle depuis 1980. La quasi-totalité de la croissance qu'a connue l'industrie a touché les produits finis. Je pense que l'augmentation a été de l'ordre du triple. Tout donne à croire que cette tendance, loin de cesser, deviendra encore plus prononcée dans l'avenir. Je pense qu'il est très important de ne pas l'oublier dans le cours de nos discussions. Quiconque veut cultiver dans notre pays devra aussi transformer.

Ce projet de loi me préoccupe pour deux raisons. La première, c'est qu'il préconise la poursuite du monopole de la Commission canadienne du blé. La deuxième concerne la disposition d'inclusion.

Si l'on se fie à ce qui s'est déjà produit, la poursuite du monopole de la Commission canadienne du blé pour la vente du blé et de l'orge continuera d'avoir des répercussions négatives et de nuire à la mise sur pied de toute activité de transformation digne de ce nom pour ses grains dans l'Ouest canadien.

En 1990, lorsque notre entreprise, Pizzey's Milling, a été fondée et a commencé à transformer du blé et du lin pour l'industrie de la boulangerie, 90 p. 100 du grain utilisé dans notre moulin était du blé, grain régi par la Commission. Aujourd'hui, nous ne transformons plus de grain de la Commission. Ce changement d'orientation n'avait rien à voir avec les marchés à qui nous vendions notre produit ni avec le potentiel que nous pouvions voir pour le blé ou pour l'orge dans les nombreux nouveaux produits que nous étions si emballés de mettre au point. Il n'y avait qu'une seule raison à tout cela: les répercussions du monopole de la Commission canadienne du blé.

Je préciserai certains des effets pratiques qu'a eus ce monopole sur une entreprise comme la nôtre.

Tout d'abord, il y a eu les répercussions du rachat. Avant de pouvoir commencer à transformer notre blé ou notre orge, il nous fallait passer par le système de rachat de la Commission. Cela signifiait que je devais charger le grain que je pouvais avoir entreposé tout près de mon usine et le transporter vers un silo-élévateur, à 15 milles de là. Une fois rendu là, je devais vendre mon grain à la Commission et le racheter à un prix nettement plus élevé, puis verser un droit d'administration à l'entreprise de grain, même si le produit n'était même pas déchargé de mon camion.

Le monopole pose un autre problème: nous n'avons qu'un accès restreint à notre grain. Nous avons à plusieurs occasions vécu des situations où aucun quota ni appel de contrat n'avaient été établis pour le genre particulier de blé que nous voulions transformer. Mais nous ne pouvions le vendre à la Commission du blé, de sorte que nous ne pouvions le racheter; nous ne pouvions obtenir notre permis d'exportation, alors nous ne pouvions moudre ce grain. Si nous ne voulions pas désobéir à la loi, nous ne pouvions rien faire.

La troisième question concerne des prix discriminatoires. Le système monopolistique permet à la Commission du blé de s'adonner à des pratiques discriminatoires de fixation des prix, pratiques qui ont un effet extrêmement néfaste sur le secteur de la transformation au pays. Je me souviens d'une fois où, rendu au silo élévateur pour faire un rachat, j'ai sursauté en voyant le prix offert. Il était inférieur à ce que nous avions payé auparavant, à un moment où les marchés mondiaux du blé étaient à la hausse. J'ai demandé à l'agent de vérifier le prix nouveau, de s'assurer que les gens de la Commission savaient que la céréale était destinée à la mouture et non pas à l'exportation sous forme brute. En fait, ayant constaté leur erreur, ils sont revenus demander 25 cents supplémentaires par boisseau de blé, en plus du prix que j'aurais payé si je ne faisais qu'exporter du blé non transformé. Cela m'indique que, en tant que transformateur, je ne suis pas le bienvenu au Manitoba et que j'aurais, en ce cas, gagné 25 cents le boisseau à aller installer mon usine ailleurs.

La quatrième question que je voulais aborder touche aux tracas logistiques que cela entraîne en général. En plus des difficultés d'ordre logistique, le temps qu'il faut pour obtenir les permis d'exportation et pour établir les prix de rachat est devenu inacceptable à nos yeux, au point où nous ne pouvons plus répondre aux exigences de nos clients en temps opportun.

Ensuite, il y a l'article d'inclusion qui me préoccupe. Globalement, nous sommes heureux de l'essor qu'a connu notre entreprise de mouture. Depuis huit ans, nous avons connu quatre expansions et nous sommes passés d'une simple cuisine de chaumière où nous faisions cuire quelques pains à une installation moderne de production qui fait 10 000 pieds carrés. Du point de vue du marché, jadis, nos ventes allaient à une poignée de marchés d'agriculteurs locaux; aujourd'hui, 90 p.100 de nos affaires se font à l'étranger.

Ce que j'ai espoir que vous reteniez après mon départ, c'est que, sous un régime du type de la Commission, cela ne saurait se faire, cela ne se fera pas.

Nous avons été extrêmement chanceux de pouvoir passer au lin, qui ne relève pas de la Commission. L'inclusion de lin dans le régime de la Commission signifierait la ruine de notre entreprise et laisserait sans avenir notre famille et nos employés, sans oublier qu'elle éliminerait les retombées que nous créons.

Notre usine emploie dix personnes à temps plein. Il y a à peine un mois, une entreprise de transport par camion dans l'ouest du Manitoba a acheté une semi-remorque neuve et parle déjà de la possibilité d'en acquérir une autre pour s'occuper exclusivement de notre marchandise -- voilà un exemple du genre de retombées qu'il peut y avoir, en plus des emplois que nous créons.

Je défie quiconque de me montrer, à moi ou à quelqu'un d'autre, en quoi cette activité dans l'industrie canadienne du lin a pour effet d'appauvrir le pays; le législateur envisage justement ici d'instaurer un mécanisme qui fait entrer le lin dans le carcan monopolistique de la Commission. Non seulement cette mesure signifierait la fin de notre entreprise, mais aussi elle mettrait en péril la possibilité qu'aurait toute autre entreprise céréalière axée sur les exportations de se faire une place dans le secteur de la transformation dans l'Ouest du Canada.

En résumé, je dirais que le monopole et les dispositions d'inclusion dans le projet de loi doivent être écartés. L'Ouest du Canada recèle des possibilités énormes dans le secteur de la transformation des aliments, mais c'est un secteur qui ne peut se développer et exister ou prospérer dans une structure monopolistique.

Je suis tout à fait convaincu que la Commission et un régime de remplacement pourraient coexister; de fait, les deux se compléteraient très bien. Je crois aussi que nous avons suffisamment d'esprits lucides et innovateurs au pays pour mettre au point une structure appropriée pour que cela se fasse.

M. Don Bromley: Je cultive des céréales, des oléagineux et des légumineuses à grain dans la région de Brandon. Mes vues s'apparentent à celles de la plupart des producteurs dans ma région comme ailleurs.

Le projet de loi C-4 permet au producteur d'avoir son mot à dire dans les opérations de la Commission canadienne du blé, tout en préservant la capacité qu'a le gouvernement fédéral de s'acquitter de ses obligations en matière de garanties financières. Il permet aussi de conserver le monopole de la Commission du blé sur les marchés du blé et de l'orge destinée à l'alimentation humaine, que ce soit au Canada ou pour l'exportation.

Le projet de loi donne à la Commission canadienne du blé la marge de manoeuvre nécessaire pour s'adapter à une industrie céréalière en mutation et pour ménager un compromis à ceux qui favorisent le statu quo et à ceux qui souhaitent la disparition entière et totale de la Commission.

S'il doit y avoir un processus d'exclusion de grains du mandat de la Commission canadienne du blé, alors, pour équilibrer les choses, il faut aussi qu'il y ait inclusion. La démarche décrite dans le projet de loi C-4 empêcherait des groupes d'intérêts et des groupements minoritaires de producteurs de bafouer la volonté de la majorité. La possibilité d'intégrer la denrée dans le mandat de la Commission inciterait probablement les entreprises céréalières à traiter un peu mieux avec les producteurs.

Tout de même, le débat sur l'article d'inclusion nous a écartés d'autres questions à l'étude. Pour se donner une commission forte et flexible, il est très important d'élire les bons administrateurs. Chaque circonscription électorale devrait être divisée en 10 ou 15 circonscriptions secondaires. Les producteurs de chacune des circonscriptions secondaires choisiraient un représentant autorisé à choisir en leur nom l'administrateur du district.

Les agriculteurs connaissent bien cette façon de procéder, car plusieurs organisations fonctionnent déjà ainsi dans l'Ouest du Canada. Si bien des producteurs ne connaissent pas l'administrateur provincial, la plupart connaissent le délégué local. Cela permettrait de créer un «groupe de discussion» tout fait qui renseignerait l'administrateur sur la politique et représenterait une voie de communication directe entre le producteur et l'administrateur.

L'élection par délégué interposé permettrait de s'assurer que l'administrateur bénéficie d'une majorité claire de 51 p.100 pour gagner. La formule servirait aussi à réduire la rhétorique et la publicité associées à une campagne électorale. Il serait alors difficile pour les groupes d'intérêts constitués de tierces parties d'influer sur les résultats de l'élection. Les électeurs et les candidats à un poste de délégué devraient oeuvrer dans le secteur agricole primaire et détenir un carnet de permis de la CCB. Les candidats à un poste d'administration devraient recueillir la signature de 50 producteurs sur leur déclaration de candidature pour le district où leur candidature est proposée. Les candidats ne doivent pas se trouver dans une situation de conflit d'intérêts susceptible de ternir la réputation de la Commission canadienne du blé. Les mandats à la Commission doivent être décalés, de manière à assurer une certaine continuité. Pour un certain temps, il serait acceptable que le président de la Commission soit nommé par le ministre, mais il est très important que le président soit responsable envers le conseil d'administration. La décision de créer un fonds de réserve devrait appartenir au nouveau conseil d'administration. Toutefois, le gouvernement fédéral ne doit pas y trouver un prétexte pour retirer les garanties de prêts et les garanties sur le prix initial. Une source possible serait le revenu annuel en intérêts, c'est-à-dire les profits des pays qui ne remboursent pas le principal, mais qui versent leurs paiements d'intérêts.

La querelle quant à l'avenir de la CCB ne disparaîtra pas. Avec l'établissement d'une commission élue pas les producteurs, le débat se fera dans la salle du conseil, ce qui aura pour effet d'éliminer pour une bonne part la rhétorique, le tapage médiatique et les histoires de peurs que nous connaissons aujourd'hui.

L'Ouest du Canada doit disposer d'une organisation solide et progressive de commercialisation du grain afin de protéger les intérêts des producteurs céréaliers des Prairies et de nous faire entrer dans le prochain millénaire.

M. Chris Tait: Je suis un jeune agriculteur. Je souhaite que nous tirions les leçons voulues de l'histoire, plutôt que de répéter nos erreurs. Je souhaite que nous formulions notre politique agricole en fonction de la volonté de la majorité et des intérêts des Canadiens, et non pas des intérêts d'une minorité, ou encore des intérêts du secteur international du commerce de grains du Canada.

La Commission canadienne du blé représente, pour ma ferme et ma collectivité, le bon sens et la stabilité financière. Je me soucie du fait que certains de ceux qui veulent modifier la Commission canadienne du blé s'y opposent en fait par principe, qu'ils veulent la voir disparaître. Le rapport Kraft, Furtan, Tyrchniewicz a montré que la vente à comptoir unique de la Commission canadienne du blé permet aux agriculteurs de gagner en moyenne 265 $ millions par année. Une étude ultérieure a prouvé que la commercialisation de l'orge dont se charge la Commission canadienne du blé a fait augmenter le rendement des producteurs de 72 $ millions par année. Toute analyse sérieuse doit reposer d'abord sur les faits. Le fait est que la Commission canadienne du blé rapporte aux agriculteurs sous sa forme actuelle; or, la majorité des agriculteurs est d'accord avec cette forme.

La disposition d'inclusion proposée à l'article 47.1 expose un procédé où les producteurs peuvent décider démocratiquement d'ajouter un grain au mandat de la Commission canadienne du blé. Cela me paraît être une modification utile. Certains groupes, notamment la National Citizens Coalition et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, s'opposent avec véhémence à l'article d'inclusion. Les raisons qu'invoquent ces intérêts non agricoles pour intervenir dans le débat devraient faire réfléchir le comité. Les raisons pour lesquelles ces groupes s'opposent avec tant de vigueur à la démocratie devraient aussi faire réfléchir le comité.

Il faudrait renforcer la disposition d'inclusion en l'appliquant aux organisations agricoles à vocation générale. Alors, ce ne serait plus seulement les groupements de producteurs particuliers qui pourraient invoquer l'article.

Quant à la fixation commune des prix, elle est menacée dans le projet de loi C-4. Les agriculteurs ont livré un dur combat pour établir les prix communs et en bénéficier. L'article 39.1 du projet de loi donnerait à la Commission canadienne du blé la capacité de s'approvisionner auprès de n'importe quelle entreprise, pour n'importe quelle raison, à n'importe quel moment, à n'importe quel prix. Voilà une solution très dangereuse à un problème qui n'est pas très fréquent.

Si la Commission canadienne du blé achète de l'orge, par exemple, et que le prix de vente finit par être supérieur au prix qu'elle a consenti aux agriculteurs, ceux-ci auraient raison d'être vexés. L'article 39.1 devrait être supprimé du projet de loi.

Le projet de loi C-4 met en péril les rajustements du prix initial qu'autorise le partenariat de la Commission canadienne du blé et du gouvernement pour ce qui touche les garanties visant les prix, les emprunts, les opérations et les ventes à crédit qui ont permis aux agriculteurs d'économiser 60 $ millions par année. Le projet de loi C-4 a pour effet d'éliminer la garantie fédérale à l'égard des rajustements sur le prix initial.

Dans une telle situation, la Commission canadienne du blé aurait intérêt à fixer le prix initial le plus élevé possible, pour éviter la nécessité de faire des rajustements à la hausse pour lesquels elle serait responsable. Le gouvernement, quant à lui, voudra que le prix initial dont il est responsable soit le plus bas possible. Les rajustements des paiements initiaux n'ont jamais donné lieu à un déficit dans l'histoire de la Commission canadienne du blé.

Le fonds de réserve, que les agriculteurs doivent garnir eux-mêmes, est peut-être la première étape d'une démarche qui vise à mettre fin aux garanties que le gouvernement consent sur les emprunts et sur le prix initial. De même, le fonds sera établi à même l'argent des agriculteurs. La garantie gouvernementale sur les rajustements devrait être maintenue. De même, aucun fonds de réserve ne devrait être créé.

Le projet de loi C-4 modifierait la Loi pour que la Commission canadienne du blé ne soit ni un mandataire de Sa Majesté ni une société d'État. Cela met ainsi en péril la garantie gouvernementale sur les emprunts, les prix de la Commission canadienne du blé et les coûts de fonctionnement de la Commission canadienne du blé. S'il faut modifier la structure du conseil d'administration qui est proposée pour que l'organisme demeure une société d'État, alors modifions-la. La Loi devrait être modifiée de manière que la Commission canadienne du blé demeure mandataire de Sa Majesté.

Quant aux périodes de mise en commun, le projet de loi C-4 propose une modification de l'article 31 de la Loi sur la Commission canadienne du blé de manière à prévoir des périodes plus courtes. Si cela était appliqué aux périodes trimestrielles dans le cas de l'orge, l'effet serait néfaste. Par exemple, les prix ont tendance à augmenter à mesure que progresse la campagne agricole. Si les périodes sont trimestrielles, les producteurs auraient davantage intérêt à retenir l'orge pour la vendre plus tard, peut-être à un prix plus élevé. De ce fait, la Commission canadienne du blé aurait de la difficulté à assurer un approvisionnement ordonné en temps opportun. Les modifications visant à créer des périodes de mise en commun plus courtes devraient être supprimées.

Ce sont les familles d'agriculteurs au Canada qui devraient y concevoir la politique agricole. La minorité d'agriculteurs qui souhaite détruire les structures de commercialisation dans le milieu agricole devrait être traitée comme telle -- c'est-à-dire comme une minorité. Ce n'est pas la règle de la minorité qui prévaut à la Chambre des communes ou au Sénat. Nulle part au Canada ne devrait-on appliquer la règle de la minorité.

Ce serait une grande erreur de céder à ceux qui veulent affaiblir la Commission canadienne du blé en adoptant des dispositions législatives qui mettent en péril la fixation commune des prix, les rajustements du prix initial, les garanties, la qualité de société d'État et le principe de la fixation commune des prix.

Le sénateur Taylor: Pour ce qui touche M. Archibald -- tout au long de votre exposé, vous évitez complètement la question des garanties gouvernementales. Bien sûr, c'est probablement la raison principale pour laquelle le gouvernement tient à nommer cinq des 15 administrateurs. Avez-vous oublié la garantie, ou encore croyez-vous qu'elle ne vaut rien? Le gouvernement a-t-il raison de garantir les ventes de la Commission canadienne du blé?

M. Archibald: À mon avis, la garantie gouvernementale devrait demeurer, mais avec un conseil d'administration élu. Les autorités pourraient garder un certain contrôle sur la garantie, un peu comme le gouvernement garantit les prix initiaux dans le cas de l'Ontario.

En Ontario, le gouvernement garantit les prix initiaux de l'Office de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario. Pour eux, le prix offert est un prix initial. Si les responsables gouvernementaux de la politique estiment que le prix n'est pas raisonnable, ils retirent la garantie. La même approche pourrait s'appliquer dans l'Ouest du Canada. Un conseil élu pourrait regarder le prix initial offert tous les ans. Si le prix n'a pas de sens, on retire la garantie. Cela fait assumer pleinement le risque à la Commission du blé. Voilà, à mon avis, la bonne façon de procéder. C'est une caractéristique importante qui, selon moi, devrait être conservée.

Le sénateur Taylor: Monsieur Bromley, vous dites que c'est toujours le gouvernement qui nomme le président de la Commission. Selon la lecture que j'en fais, c'est peut-être le gouvernement qui le nomme, mais c'est la majorité au conseil, que contrôle les agriculteurs, qui fixe le salaire. Il y a donc là un véritable équilibre. Le saviez-vous? Le gouvernement peut engager le président de la Commission, mais, sans salaire, ce dernier n'est pas susceptible de rester là longtemps. Les agriculteurs contrôlent l'argent.

M. Bromley: Cela donnerait au conseil d'administration un certain contrôle en ce qui concerne le président de la Commission. Là où je voulais en venir, c'est que le premier président de la Commission serait nommé par le ministre, pour qu'il y ait une certaine continuité entre la situation telle qu'elle est actuellement et la nouvelle façon de procéder. Je crois qu'il y aura tout un chambardement, de sorte qu'une certaine forme de continuité est nécessaire pour protéger tous les intérêts en jeu.

Le sénateur Hays: MM. Alexander et Tait ont un point de vue commun. Du moins, c'est comme cela que je l'interprète. Je crois que M. Archibald a dit qu'un scrutin est une piètre façon de décider de la commercialisation d'un produit. Mais, vous deux, vous abordez cela d'un point de vue un peu différent. Pourquoi est-ce une piètre façon de décider de la commercialisation d'un produit?

M. Archibald: Les conditions évoluent, et le vote concernant l'orge est le meilleur exemple que je puisse citer. Cela soulève la question suivante: «Croyez-vous, oui ou non, au rôle de la Commission canadienne du blé comme comptoir de vente unique?» Or, 37 p.100 des répondants étaient en faveur du marché libre, ce qui est notable. Par contre, si ces scrutins avaient été tenus au moment où les prix initiaux ont été annoncés à l'automne 1997, il ne fait aucun doute que, par une majorité écrasante, on aurait décidé de retirer l'orge du mandat de la Commission canadienne du blé. Le scrutin n'a eu lieu que quelques mois plus tard.

Les générations évoluent, les techniques évoluent. Même l'évolution du marché peut avoir une incidence sur le vote des producteurs. Disons que le marché du canola s'effondre demain, pour une raison ou une autre. Les producteurs s'enragent. Cela touche directement leurs revenus. Si un scrutin est tenu à ce moment précis, les gens votent pour que le canola fasse partie du mandat de la Commission canadienne du blé. À l'inverse, aux moments où le marché est fort, les gens sont heureux du marché libre. Les votes ne font que refléter l'opinion à un moment très précis. Il y a une certaine émotion qui entre en jeu. À mon avis, cela n'est pas du tout la façon de régler ce débat. Cela devrait être une décision politique qui est prise grâce à un bon leadership et après une consultation. Le scrutin n'est pas une façon d'y arriver.

M. Tait: L'interprétation que donne la Western Canadian Wheat Growers Association de la démocratie m'intrigue. Après avoir perdu le plébiscite sur l'orge de manière tout à fait décisive, on rétorque que 37 p.100 constitue une minorité notable. J'imagine que, s'ils tiennent un scrutin au sein de leurs propres organisations et que 37 p. 100 des gens votent en faveur d'un candidat, ils tiendront cela pour une minorité notable et qu'ils formuleront leurs politiques en conséquence. C'est une démarche qui me laisse un peu perplexe.

Toutes les tribunes démocratiques nous ont permis de voir que les agriculteurs sont assez constants là-dessus. Il y a eu les élections consultatives. Nous avons eu les consultations sur la Commission du blé, où 11 des 12 ont appuyé la vente à comptoir unique de la Commission canadienne du blé. Nous avons eu le plébiscite sur l'orge. Que faut-il encore? Je crois que toute tentative visant à établir une tribune démocratique où les agriculteurs peuvent décider des structures de commercialisation de leurs produits est une très bonne chose.

Le sénateur Hays: Je trouve cela notable que vous n'ayez pas fait figurer parmi vos réserves l'élection d'un conseil d'administration. Monsieur Pizzey, tous nous ont dit que le rachat aurait un effet dévastateur. Y a-t-il quelque chose que la Commission canadienne du blé devrait faire ou qu'elle pourrait faire aisément pour régler le problème à vos yeux?

M. Pizzey: Il me semble que l'on pourrait en faire beaucoup du point de vue administratif. Par exemple, pourquoi n'ai-je pas à signaler mon usage du blé sur une période de 12 mois, tout comme je le fais pour mon impôt sur le revenu ou ma TPS? Tout cela est sujet à vérification. Ces autres formules semblent avoir bien servi le pays. Nous avons suggéré cela à la Commission, mais, apparemment, il ne s'est rien fait. Je crois qu'il y a des solutions de rechange, mais voilà celles qui simplifieraient la bureaucratie. Par ailleurs, il y aura toujours des papiers à remplir. Pour bien des marchés que nous négocions partout dans le monde, il faut donner aux clients un prix. Il y a très peu de temps pour déterminer ce prix. Le seul côté incertain de tout cela aura pour effet, dans bien des cas, de tuer le contrat.

En fin de compte, nous devons trimer très dur pour que cela fonctionne. Le fait est que nous avons commencé, en 1990, jeunes et optimistes. Nous allions travailler à l'intérieur du système. Nous allions faire bouger les choses. Pour être franc, cela ne marche pas. Nous avons essayé toutes les façons possibles. De notre point de vue, dans la région du monde où nous nous trouvons, on ne peut faire fonctionner une entreprise de transformation à valeur ajoutée avec la présence de la Commission du blé.

Le sénateur Fairbairn: Ne serait-ce pas un projet de loi de transition, qui permettra d'avoir un jour un conseil où tous les membres sont élus? On commence par les deux tiers. N'est-ce pas possible qu'il pourrait s'agir ici de l'une des élections les plus vigoureuses, les plus dynamiques, les plus imprévisibles que l'on ait connues au pays? C'est un dossier où les agriculteurs ont des idées très fortes. N'est-il pas possible que nous ayons une majorité activiste et très représentative des deux tiers au conseil; n'est-il pas possible que cela donne une commission du blé très ouverte et très active avec des représentants élus par les agriculteurs et l'intégration directe du point de vue des agriculteurs?

M. Pizzey: Globalement, il s'agit d'une partie très, très petite du problème auquel nous faisons face.

M. Archibald: Les agriculteurs à qui je parle ont tellement perdu foi en l'affaire que nombre d'entre eux, malheureusement, ne participeront pas à une élection.

M. Bromley: Je suis en faveur d'un système de délégués. Le débat s'est polarisé. À mes yeux, ce système est une façon de faire échec à cette polarisation.

M. Tait: Ce qui me préoccupe en ce qui concerne le conseil élu sous la forme présentée dans le projet de loi, c'est que cela enlève le statut de société d'État à la Commission canadienne du blé. Nous n'avons pas grand-chose à gagner si l'organisme perd son statut de société d'État.

Le sénateur Taylor: Si le marché libre fonctionne bien, vous aurez un bon prix pour votre grain. Vous êtes producteur. Sinon, il y aurait un afflux de transformateurs ici.

M. Pizzey: Ma réponse, comme celle de tout autre transformateur, c'est que nous plions bagage, car il nous faut toujours transformer le produit et lui faire traverser la frontière. Si nous pouvons le faire à meilleur marché, nous resterions probablement ici.

Le sénateur Taylor: Pourquoi le producteur devrait-il fournir un produit à meilleur marché au transformateur, simplement parce que ce dernier est Canadien?

M. Pizzey: Non, nous parlons d'un prix concurrentiel, du même prix. Le producteur doit vraiment penser à courte vue pour croire qu'il trouverait son compte à escroquer le transformateur local, car celui-ci pliera simplement bagage.

M. Archibald: Beaucoup de problèmes auxquels font face les transformateurs comme M. Pizzey ne sont pas forcément liés au prix. Il y a aussi le fait de ne pas pouvoir traiter directement avec un client qui a besoin d'un produit. La Commission canadienne du blé n'est qu'une étape de plus sur un chemin difficile.

Le sénateur Spivak: Au début du mandat du présent gouvernement, nous avons décidé de regarder l'avenir de l'agriculture. Les deux dossiers principaux concernaient l'exode rural et la diversification. Sans doute l'objectif qui consiste à maintenir l'économie rurale et à maintenir la population rurale est-il d'une grande importance?

M. Tait: L'exode rural me préoccupe, moi aussi. Je crois que la transformation locale pourrait être merveilleuse. Là où j'habite moi-même, l'effet dissuasif sur la transformation locale et l'incitation à l'exode rural tiennent à la baisse des revenus nets. Il est bien louable de parler d'industrie et de développement. Ne détruisons pas la Commission canadienne du blé du même coup.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Ma question fait suite aux commentaires du sénateur Spivak. Est-ce qu'il ne serait pas possible, à un moment donné, d'apporter des changements qui permettraient à cette industrie de la transformation et de la valeur rajoutée de se développer, de prospérer dans la région, étant donné toutes les ressources que nous avons? Cela aiderait à résoudre le problème de dépopulation où les gens s'en vont ailleurs pour travailler, pour se trouver de l'emploi et pour vivre.

On ne semble pas trouver le remède qui pourrait corriger cette situation du manque d'emploi. Si il y a une dépopulation c'est parce que les gens s'en vont vers les centres où ils peuvent travailler et vivre convenablement.

Est-ce qu'il n'aurait pas possibilité, à un moment donné, de faire ces ajustements, sans détruire tout le système que nous avons en place?

[Traduction]

M. Pizzey: Il n'est pas nécessaire de détruire la Commission canadienne du blé. Je crois que l'industrie de la transformation et la Commission du blé ne peuvent coexister. Ce qu'il faut faire, c'est retirer son monopole à la Commission et mettre du temps et de l'énergie à faire fonctionner les deux systèmes.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Est-ce que je pourrais avoir une réaction de monsieur Tait aux propos que nous venons de discuter?

[Traduction]

M. Tait: Il faudrait qu'on me présente des éléments de preuve convaincants pour démontrer que la Commission canadienne du blé nuit de quelque façon que ce soit à la valeur ajoutée. Or, je n'en ai jamais vu. Ce dont nous sommes souvent témoins au Canada, c'est que le secteur de la transformation se développe là où se trouvent les marchés, et il n'y a pas de grand marché ici par rapport à un endroit comme Toronto. C'est la réalité du pays. L'autre réalité, c'est que la majorité de ce que nous produisons est exportée. En guise de conclusion, je dirais qu'il nous faut prendre conscience du fait qu'il s'agit ici d'un projet de loi pour les agriculteurs. Je crois que les agriculteurs sont souvent laissés pour compte dans les débats politiques. Nous formons une petite majorité; politiquement, nous ne sommes pas influents. Je ne crois pas que nous devions concevoir au Canada une politique agricole pour les transformateurs. L'industrie de la transformation, pour la plus grande part, demeure très rentable. L'industrie agricole, le revenu net des ménages agricoles décline depuis quelques années. Soucions-nous d'abord des agriculteurs.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Je suis tenté de vous dire qu'en aucun temps les agriculteurs et les fermiers ont été négligés ou que des décisions ont été prises sans considérer l'impact sur ces gens. Je crois que la communauté agricole s'est toujours bien faite entendre et qu'à l'avenir elle va continuer à le faire. Je ne crois pas qu'un gouvernement prendrait des décisions sans consulter la communauté agricole.

[Traduction]

Le président: Je tiens à vous remercier d'être venus comparaître devant le comité.

La séance est levée.


Haut de page