Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 6 - Témoignages pour la séance du matin


REGINA, le mercredi 25 mars 1998

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, à qui a été renvoyé le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 h 03 afin d'examiner le projet de loi.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Je suis heureux d'accueillir les sénateurs dans la ville reine des Plaines et dans la province de la Saskatchewan.

Le comité de l'agriculture souhaite, bien entendu, entendre les vues des différents groupes agricoles ainsi que des producteurs individuels sur le projet de loi C-4, comme nous l'avons fait hier, à Brandon.

Nos premiers témoins ce matin sont MM. Neal Hardy et Jim Hallick, de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities. Je vous demanderais de bien vouloir vous présenter.

Je demanderai aux sénateurs de se présenter d'abord, de nous dire d'où ils sont et le reste. Voulez-vous commencer, sénateur Hays?

Le sénateur Hays: Je vous remercie, monsieur le président. Dan Hays, je suis de l'Alberta et j'ai une ferme près de Longview.

Le sénateur Fairbairn: Joyce Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta, qui est entourée de terres agricoles et de pâturages. Nous tirons notre force de la communauté agricole.

Le sénateur Whelan: Sénateur Whelan, du profond sud-ouest, où on pratique tout ce qu'il y a comme activité agricole au Canada, et je suis heureux d'être de retour à Regina. J'ai eu pendant 10 ans un bureau sur la rue Broad, pas très loin d'ici. J'étais le seul ministre -- il vaut mieux que je sois circonspect -- à avoir un bureau politique dans l'Ouest du Canada.

Le président: Len Gustafson, Macoun.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Je m'appelle Fernand Robichaud et je viens du sud-est du Nouveau-Brunswick, dans les Maritimes.

[Traduction]

Le sénateur Chalifoux: Thelma Chalifoux, sénateur du nord de l'Alberta. Je vis dans le bois.

Le sénateur Taylor: Nick Taylor, aussi du nord de l'Alberta. Je vis moi aussi dans le bois et je cultive l'avoine et la luzerne.

Le sénateur Stratton: Terry Stratton. Je vis tout juste au sud de Winnipeg, et je n'ai absolument rien à voir avec l'exploitation agricole.

Le sénateur Sparrow: Herb Sparrow, de North Battleford.

M. Jim Hallick, directeur, Saskatchewan Association of Rural Municipalities: Je suis Jim Hallick, directeur de la SARM pour la Division 4, et je vis à Sturgis, en Saskatchewan, une région agricole mixte.

M. Neal Hardy, vice-président, Saskatchewan Association of Rural Municipalities: Neal Hardy. Je suis vice-président de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities. J'ai une ferme dans le nord-est de la province, dans la région appelée Baie d'Hudson. Je vis dans le bois, et je termine mon troisième mandat comme vice-président de la SARM.

Le président: Messieurs, je vous demande de bien vouloir commencer. Nous avons une demi-heure, jusqu'à 9 h 30.

M. Hardy: Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de venir ici ce matin présenter au Sénat notre position sur le projet de loi C-4. Je tiens à remercier tous les sénateurs qui sont venus en Saskatchewan entendre nos vues sur les modifications qu'il faudrait apporter au projet de loi C-4. Nous vous les présenterons dans le court exposé que nous vous ferons, puis nous serons prêts à répondre aux questions. Je crois que les questions seront sans doute plus importantes que l'exposé.

Nous vous avons remis un mémoire, que je passerai brièvement en revue, puis nous entreprendrons la discussion.

La SARM représente la totalité des 298 municipalités rurales de la province, par l'entremise de leurs administrations locales, de même que les intérêts de 210 000 contribuables ruraux pour les questions municipales et agricoles. Nous les représentons de bien des façons et, de plus en plus, nous servons notamment de porte-parole sur les questions agricoles.

Les questions agricoles sont très importantes pour notre organisation parce que la majorité de nos membres sont des agriculteurs. C'est sur eux que repose notre assiette fiscale. Le prix des céréales et la possibilité de les amener au marché sont un élément du mandat de la SARM.

Il y a quelques aspects du projet de loi C-4 qui nous préoccupent, et je voudrais vous en parler.

Nous sommes notamment préoccupés par le mode de sélection du président. Quelle que soit l'organisation, c'est le poste de président et de premier dirigeant qui est le plus important. Normalement, c'est le président qui choisit et qui embauche le premier dirigeant. Or, aux termes du projet de loi C-4, le premier dirigeant sera nommé par le Cabinet, c'est-à-dire par le ministre, et il devra donc rendre des comptes, non pas au conseil d'administration ou à ceux qui ont élu les membres du conseil d'administration et que le conseil représente, mais bien au gouvernement du jour.

Je tiens à bien expliquer pourquoi nous sommes si fermement d'avis que le premier dirigeant devrait, à tout le moins, relever du conseil d'administration. C'est lui qui s'occupe du fonctionnement quotidien et, en temps normal, il reçoit ses instructions uniquement du conseil d'administration. S'il ne suivait pas ses instructions, le conseil pourrait décider de le remplacer. La structure ressemblerait à celle de l'Office de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario, où ce sont les membres élus du conseil d'administration qui choisissent le directeur général.

Il n'en serait pas ainsi aux termes du projet de loi C-4. C'est le ministre qui choisirait le premier dirigeant, puis le conseil fixerait la rémunération à lui verser, cette rémunération devant, d'après le projet de loi, être raisonnable. Chose plus importante encore, le premier dirigeant rendrait des comptes au ministre. Quand quelqu'un rend des comptes au ministre, les producteurs n'ont plus de prise sur lui. Il me semble que cette emprise des producteurs doit être assurée afin que la commission canadienne du blé puisse survivre à long terme. C'est une des raisons pour lesquelles nous faisons cette recommandation, que nous avons d'ailleurs communiquée à M. Goodale. J'ose espérer que le Sénat envisagera sérieusement l'opportunité de veiller à ce que le premier dirigeant soit embauché, et relevé de ses fonctions le cas échéant, par le conseil d'administration, ou à tout le moins de faire une recommandation en ce sens. C'est là quelque chose de très important pour toute organisation, notamment une organisation à laquelle participent des producteurs.

La durée proposée du mandat ne nous pose aucun problème. Nous estimons toutefois qu'on ne devrait pas fixer de limite au nombre de mandats. Nous sommes d'avis que ce devrait être aux producteurs de décider du nombre de mandats qui peuvent être accordés à chaque administrateur.

Il est très important que le projet de loi soit adopté le plus rapidement possible, que nous tenions nos élections et que nous apportions les modifications voulues pour assurer le bon fonctionnement de la commission.

En ce qui concerne les élections, nous avons parlé de cette question avec le ministre et nous approuvons le scrutin en fonction de districts électoraux. Nous croyons aussi qu'il est bien que les mandats des administrateurs soient étalés. Seuls les détenteurs de permis devraient être autorisés à voter. Les candidats devraient aussi être des détenteurs de permis.

Nous avons beaucoup de mal à accepter que certains des administrateurs soient nommés. Nous estimons que les administrateurs qui seront nommés devront répondre aux mêmes critères que les administrateurs élus. Nous sommes d'avis qu'il y a parmi nos producteurs de l'Ouest canadien, tout comme de l'Ontario, suffisamment de personnes compétentes qui peuvent faire un aussi bon travail que n'importe qui.

Nous avions quelques inquiétudes au sujet des périodes de mise en commun. S'il y a trop de ces périodes et que chacun essaie de livrer son grain avant la fermeture d'une période en particulier, la commission n'aura peut-être pas l'approvisionnement à long terme dont elle a besoin. Elle ne pourra pas accepter tout le grain qui lui sera offert si chacun tente de livrer son grain au même moment dans l'espoir de profiter de la meilleure période de mise en commun, de sorte que les silos déborderaient. Nous pensons qu'il vaudrait peut-être mieux qu'il y ait une seule période de mise en commun, mais qu'elle soit plus courte. S'il n'y avait qu'une seule période, chaque agriculteur aurait ainsi des chances plus égales d'obtenir le meilleur rendement possible.

Nous ne considérons pas qu'il est nécessaire d'avoir un fonds de réserve. Nous estimons que le gouvernement fédéral a une responsabilité à l'égard des producteurs de l'Ouest canadien. Aux termes du projet de loi tel qu'il est énoncé, le fonds de réserve serait constitué à même le revenu des producteurs. Le gouvernement fédéral devrait avoir une certaine responsabilité pour ce qui est de donner des assurances, notamment de garantir des prêts. Le gouvernement fédéral retire un bénéfice direct et indirect du commerce de notre grain dont la valeur s'élève à 7 milliards de dollars. Nous nous opposons vigoureusement à la création d'un fonds de réserve, car nous estimons qu'il s'agit là d'une responsabilité du gouvernement fédéral.

Les temps ont changé, et nous estimons que la commission canadienne du blé doit changer aussi. Il faut modifier en profondeur la structure de gestion de la commission canadienne du blé et incorporer à la Loi sur la commission canadienne du blé des dispositions habilitantes afin que la commission puisse continuer à exercer son activité et à être acceptée des agriculteurs des Prairies.

S'il est modifié pour permettre que le premier dirigeant soit nommé par le conseil d'administration et tenu de rendre des comptes au conseil et pour que les dispositions concernant le fonds de réserve soient réexaminées, le projet de loi C-4 pourra transformer la commission canadienne du blé et lui permettre de continuer à être un instrument efficace pendant les années à venir.

La Commission doit être entièrement comptable devant les producteurs, sinon son avenir sera compromis. Certains estiment qu'elle n'a pas sa raison d'être. Si nous n'apportons pas des changements pour que ces gens-là puissent y jouer un rôle, la commission n'est peut-être pas vouée à l'échec, mais son avenir sera certainement compromis.

Le sénateur Stratton: Je m'intéresse tout particulièrement au fonds de réserve, en partie parce que je crois savoir que le montant des dettes contractées par divers gouvernements dans le monde auprès de la commission est assez considérable et qu'il est garanti par le gouvernement canadien. Je crois que si le gouvernement tient à ce fonds de réserve, c'est pour étaler un peu le risque.

S'il devait y avoir un fonds de réserve, accepteriez-vous un compromis selon lequel le montant des contributions des producteurs serait plafonné?

M. Hallick: D'après ce que nous comprenons, le fonds de réserve servirait à couvrir, non pas les créances, mais uniquement les versements intérimaires et les ajustements de fin de campagne. Nous sommes d'avis que le gouvernement devrait continuer à couvrir les créances par d'autres sources de financement, si bien que l'incidence sur le fonds de réserve serait négligeable.

Plafonner le montant des contributions nous rassurerait certainement, mais le fait que le fonds de réserve viendrait prendre plus d'argent dans les poches des producteurs nous cause toujours un sérieux problème. Dans ma région, par exemple, j'obtiens sans doute un peu plus d'une tonne l'acre en moyenne, et il m'en coûte 55 $ pour chaque tonne que j'expédie à l'ouest et 77 $ pour celle que j'expédie à l'est. Il serait très onéreux d'avoir à contribuer à un fonds de réserve.

J'estime que le gouvernement fédéral a pris des engagements à cet égard et qu'il devrait les respecter. Nous ne pensons pas que le fonds de réserve ait sa raison d'être.

Nous pouvons nous servir de la commission du blé de l'Ontario comme exemple. Les producteurs qui font affaire avec la commission de l'Ontario sont plus autonomes que nous ne le serions aux termes du projet de loi, et je ne crois pas que cela cause de problème au gouvernement ontarien.

Le sénateur Stratton: Vous n'avez pas parlé d'inclusion-exclusion.

M. Hallick: Non, nous n'en avons pas parlé. Nous sommes d'avis que la disposition à cet égard suscite beaucoup de controverse inutile dans l'Ouest canadien, et nous pensons qu'elle pourrait être supprimée parce qu'elle ne constitue pas un élément critique du projet de loi.

Le sénateur Stratton: Vous croyez que c'est le conseil d'administration plutôt que le gouvernement canadien qui devrait s'occuper de la mise en marché de tout produit additionnel?

M. Hallick: C'est ce que souhaiteraient les producteurs, et quand on est responsable devant ses membres, on fait ce que les membres nous demandent de faire.

Le sénateur Sparrow: Vous dites qu'il faudrait retourner par la voie législative?

M. Hallick: Si la loi habilitante ne prévoit rien à cet égard, il faudrait passer par la voie législative pour apporter ce changement, mais il faudrait que l'initiative vienne, non pas d'en haut, mais d'en bas.

Le sénateur Sparrow: C'est-à-dire du producteur au conseil au gouvernement?

M. Hallick: Exact.

Le sénateur Sparrow: Le gouvernement aurait quand même son mot à dire. Il me semble qu'il y a trois paliers de décision: le producteur, le conseil et le ministre. Êtes-vous du même avis?

M. Hardy: Oui, il y aurait les trois paliers: le producteur passerait par le conseil qui passerait ensuite par le gouvernement pour demander que la loi soit modifiée afin que la commission puisse intervenir.

Le sénateur Fairbairn: Dans ce cheminement allant du producteur au conseil au gouvernement, les producteurs directement touchés auraient-ils un vote selon vous?

M. Hallick: Absolument. Il faudrait que les producteurs de la denrée en question aient un vote assez considérable.

Le sénateur Fairbairn: Considérable?

M. Hallick: Les deux tiers sans doute.

Le sénateur Taylor: En ce qui a trait à l'emprise du conseil sur le premier dirigeant, je constate qu'on se préoccupe du fait que ce dernier soit nommé par le gouverneur en conseil, mais le fait est que c'est le conseil, qui serait dominé par des agriculteurs aux deux tiers, qui fixe la rémunération. N'avons-nous pas ainsi un système à deux clés, où une partie peut nommer le premier dirigeant, mais si l'autre n'approuve pas la nomination, elle peut ramener la rémunération à 1 $. Ce compromis ne vous permet-il pas d'obtenir ce que vous voulez, à savoir un premier dirigeant qui soit acceptable aux représentants des producteurs qui dirigent le conseil et acceptable aussi au gouvernement, parce que les contribuables canadiens financent la marge de crédit qui souvent peut atteindre 6 milliards de dollars. Chacun ainsi pourrait contremander la décision de l'autre, et il faudrait qu'ils s'entendent?

M. Hallick: Cela nous cause certaines difficultés. S'il s'agit d'une société, pourquoi ne pas la gérer en tant que société au lieu de chercher à exercer son autorité de façon détournée? Il s'agit là d'un point crucial pour les producteurs. La moindre perte d'autorité, même perçue, mettrait la commission dans de sérieuses difficultés. Nous avons déjà un comité consultatif élu. Nous n'avons pas besoin de deux.

Le sénateur Taylor: Question complémentaire. Il faudrait peut-être faire mieux comprendre aux producteurs que leur autorité leur vient du fait qu'ils fixent la rémunération du premier dirigeant.

M. Hardy: Notre préoccupation tient au fait que le projet de loi précise que le premier dirigeant doit recevoir une rémunération raisonnable et être indemnisé de ses frais et tout le reste.

Le conseil a beau fixer la rémunération, mais il aura peut-être beaucoup de mal à faire annuler une rémunération. Il y a plus que ça cependant. Ce sont les producteurs, par l'entremise de leur conseil élu, qui devraient pouvoir choisir la personne qui, à leur avis, peut le mieux les représenter comme président, comme principal responsable de la commercialisation de leurs produits. C'est le président qui dirige la commission canadienne du blé.

Vous n'ignorez pas que le conseil ne peut guère être efficace quand le premier dirigeant doit d'abord rendre des comptes au ministre avant d'en rendre au conseil. Cet état de choses nuit vraiment à la capacité du conseil à gérer ses activités comme le ferait une société et à représenter les producteurs comme il devrait le faire. Nous perdons cette occasion de gérer la commission canadienne du blé comme conseil dirigé par des producteurs. C'est notre produit que vous vendez, c'est nous. Je suis conscient des garanties données par le gouvernement, mais le gouvernement donne souvent des garanties et il le fait pour bien des raisons. Je crois qu'il est important que le premier dirigeant soit choisi, embauché et renvoyé au besoin par le conseil d'administration.

M. Hallick: Nous sommes aussi préoccupés par le fait que le premier dirigeant siège au conseil en tant que membre à part entière. Il y a très peu de sociétés où les choses se passent ainsi et, avec la connaissance qu'il a du fonctionnement quotidien de la commission, le premier dirigeant a un avantage énorme par rapport aux autres administrateurs et peut exercer beaucoup d'influence et avoir une autorité considérable.

Le sénateur Sparrow: Il me semble, sénateur Taylor, que le projet de loi prévoit le versement d'une rémunération acceptable et qu'il n'y a pas de disposition qui permette au conseil de faire autrement. S'il tentait de faire autrement, il serait aussitôt poursuivi devant les tribunaux, si bien qu'il ne lui serait pas loisible d'abaisser la rémunération afin de s'attaquer au président ou de tenter de le rappeler à l'ordre. Il n'existe pas de disposition en ce sens, n'est-ce pas?

M. Hallick: C'est de cette façon que nous voyons les choses.

Le sénateur Taylor: Reste à voir si c'est toujours le cas. De nos jours, lorsque vous renvoyez quelqu'un, qu'il s'agisse d'un directeur de bureau ou d'un préposé à l'entretien, cela cause toujours des problèmes et il faut avoir un bon avocat.

M. Hallick: C'est notre cas à l'heure actuelle, en Saskatchewan.

Le sénateur Hays: J'ai des questions à poser au sujet du conseil d'administration, mais auparavant, j'aimerais avoir une précision. Si les dispositions sur l'exclusion et l'inclusion étaient éliminées du projet de loi, il ne serait plus nécessaire, à votre avis, de tenir de vote. En réponse à une question du sénateur Fairbairn, vous avez dit que le vote serait nécessaire et vous avez également mentionné un certain seuil. Je voudrais simplement m'assurer que vous êtes satisfaits de ce que la loi ne comporte aucune disposition à ce sujet.

M. Hardy: Pour nous, ce n'est pas un grand problème. Certains groupes estiment qu'il faudrait abolir tout simplement la commission canadienne du blé. En ajoutant des dispositions sur l'inclusion et l'exclusion, vous ne faites qu'empirer la situation, et en éliminant ces dispositions, il est possible au moins de savoir quelles céréales sont visées, sans en inclure ou en exclure d'autres.

Le sénateur Hays: Devrait-il y avoir une disposition au sujet du président du conseil?

M. Hallick: Il existe déjà de telles dispositions pour qu'un président soit nommé. Ce président est nommé par le conseil. Le problème, c'est le premier dirigeant.

Le sénateur Hays: Vous ne croyez pas que le conseil devrait être dirigé par le premier dirigeant, mais plutôt que ce poste devrait être considéré comme un poste distinct de la direction?

M. Hardy: D'après la mesure proposée, c'est le conseil qui choisit le président du conseil. Nous sommes d'accord avec cela. Nous croyons toutefois que le président ou premier dirigeant devrait également être choisi ou nommé par le conseil.

Le sénateur Hays: J'aimerais connaître votre opinion sur la méthode d'élection. Il s'agirait d'une élection directe par les districts, plutôt qu'une élection par des délégués. Un certain nombre des témoins qui ont comparu devant notre comité se sont dits inquiets de la polarisation parmi les producteurs, que vous avez mentionnée tout à l'heure. C'est de cette façon qu'ils expliquent le fait que le gouvernement prend les décisions dans des domaines importants comme la double commercialisation. Les producteurs ne veulent pas que le conseil soit chargé de ces décisions car ils estiment qu'il ne pourrait être efficace si, en plus de voir au bon fonctionnement de la commission, il se voit imposer un travail politique.

M. Hallick: L'adoption d'un régime par délégation ne constitue qu'un autre intermédiaire entre les producteurs et le conseil élu. Nous faisons confiance au processus démocratique. Si ce processus fonctionne suffisamment bien pour le Parlement du Canada, il devrait suffire aussi à la commission canadienne du blé.

M. Hardy: Nous ne croyons pas qu'un tel régime permettrait à tous les producteurs d'être sur un même pied, pour ce qui est de décider qui les représentera. C'est pourquoi nous préférons qu'il y ait des districts électoraux et que la représentation se fonde sur le carnet de permis.

Le sénateur Whelan: On a fait certaines observations au sujet des producteurs de blé de l'Ontario. J'ai été l'un des directeurs fondateurs de cette organisation, et lorsque nous tenions des réunions, la salle était pleine. Je me demande un peu ce qui se passe dans ce cas-ci et comment les administrateurs seront élus.

Même si les salles sont pleines aux réunions, seul un petit pourcentage des producteurs sont présents et comme certaines des directives de l'Office de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario ont changé, il y aura deux systèmes de vente, et cetera. J'ai des doutes quant à la façon dont vous élirez vos administrateurs. Il faut que le régime soit défini de façon à ce que chaque producteur ait une voix. Pour ma part, je préférerais un vote par correspondance.

M. Hallick: C'est ce que nous avions proposé, dans notre première soumission au ministre. Nous préconisions l'envoi des bulletins de vote par la poste ou encore des élections tenues dans les bureaux des municipalités rurales, là où les producteurs payent leurs impôts. Il est certain, en tout cas, que chaque producteur doit avoir une voix.

Le sénateur Whelan: C'est l'une des plus grandes entreprises au Canada -- six milliards de dollars par année. Les directeurs y sont nommés depuis des années, et aucun d'eux n'a eu d'ennuis, aucun d'eux n'a été accusé de corruption. J'ai des doutes quant à la nécessité de tenir un scrutin. J'ai vu comment les choses se passaient dans d'autres organismes. À peine ceux-ci mis sur pied, les membres se battaient entre eux pour savoir qui serait président, vice-président, et cetera. Certains de ces organismes auraient disparu si les ministres des gouvernements provinciaux ne s'en étaient pas mêlés.

C'est pourquoi je ne vois pas très bien comment vous pourrez tenir un scrutin et nommer un président-directeur général. Il est écrit en toutes lettres dans le projet de loi que certains administrateurs ne seront là qu'à temps partiel. Une administration à temps partiel suffira-t-elle à une entreprise de six milliards de dollars? On peut lire au paragraphe 3.02(3):

[...] les administrateurs -- à l'exception du président-directeur général -- exercent leurs fonctions à temps partiel.

M. Hardy: C'est ce qui nous préoccupe. Si le président-directeur général est nommé et qu'il occupe son poste à plein temps, c'est lui qui dirigera toute la commission, et nos représentants élus, puisqu'ils ne seront là qu'à temps partiel, auront davantage pour rôle de conseiller le président que de vraiment administrer les opérations de la commission.

Le PDG fait rapport de ses activités au ministre, et le reste du conseil, à temps partiel, joue davantage un rôle de conseiller que d'administrateur des opérations de la commission canadienne du blé. Nous ne croyons pas que cela soit la bonne solution, si vous souhaitez conserver la commission canadienne du blé.

Parmi les agriculteurs, il y en a de très brillants et de très dynamiques pour qui le temps est venu de changer les choses. Si rien n'est fait, ils passeront à l'action. Nous devons être réalistes et apporter des changements en profondeur. Parmi ces changements, il faudrait que le PDG soit nommé par le conseil d'administration.

Le sénateur Whelan: Mais depuis que la commission canadienne du blé a été créée, ils ont toujours été nommés, je le répète, et la commission a été l'une des entreprises les mieux dirigées au Canada. J'ai donc certains doutes pour ce qui est de dire qu'il ne devrait pas y avoir de nominations.

Le sénateur Stratton: C'est une question d'opinion, sénateur.

Le sénateur Whelan: Le système de nomination a très bien servi les intérêts des agriculteurs de l'Ouest canadien.

M. Hallick: Mais il faut voir ce qu'en disent aujourd'hui ces commettants et quel est leur degré de confiance. Il doit bien y avoir une raison à la crise majeure à laquelle nous sommes confrontés.

Le sénateur Whelan: Je ne voudrais pas donner l'impression que je m'oppose à un scrutin parce que je suis sénateur. J'ai occupé pendant 39 ans un poste de représentant élu, y compris au sein de nombreux organismes d'agriculteurs.

Le sénateur Stratton: Ce que vous dites, en fait, s'il n'y a qu'un permis par personne, c'est que trois partenaires propriétaires d'une entreprise de 13 000 acres auraient une voix, tout comme le propriétaire unique d'une ferme de 900 acres.

Le sénateur Sparrow: D'après ce que vous lisez dans le projet de loi, y aurait-il plusieurs périodes de mise en commun? N'y aurait-il pas là un risque de déclencher le recours au fonds de prévoyance? Si la mise en commun est effectuée pendant la première moitié de l'année, puisque les prix coulent à pic, il faudra bien avoir recours au fonds de prévoyance.

M. Hallick: C'est l'une de nos préoccupations. S'il y a trois ou quatre périodes de mise en commun au cours de l'année, autant vendre la marchandise au marché, puisque cela revient au même. Ce qui nous inquiète, dans la mise en commun, ce sont les retards à la fin des périodes.

Par exemple, il arrive que la période de mise en commun se termine le 31 juillet et que nous ne recevions notre dernier paiement que le 1er janvier. C'est un problème. Ou bien nous perdons des intérêts, ou bien nous en payons. C'est la même chose pour les versements intérimaires. L'an dernier, le prix du blé dur a beaucoup augmenté, et nous avons dû attendre trois ou quatre mois avant de recevoir un versement intérimaire. Nous avons eu certaines difficultés à justifier ce retard. Je suis certain que la comptabilité pourrait se faire plus rapidement.

Le sénateur Sparrow: Vous proposez donc qu'il n'y ait qu'une seule période de mise en commun?

M. Hallick: Oui.

Le sénateur Sparrow: D'accord. Vous avez parlé de crise importante, et je ne crois pas qu'il s'agisse d'une exagération. Il pourrait y avoir une crise importante, du moins dans le secteur agricole. La rapidité est-elle essentielle dans le cas de ce projet de loi?

La disposition prévoit qu'un scrutin soit tenu d'ici le 31 décembre. Est-ce réaliste? Quand le projet de loi devra-t-il être adopté pour pouvoir respecter cette date limite du 31 décembre?

M. Hallick: Nous estimons qu'il faut agir rapidement. Une fois le nouveau conseil d'administration en place, il y aurait une période d'orientation assez longue pour informer les membres du conseil, et il ne faudrait pas dépasser cette date limite si l'on veut que le conseil soit en place pour la prochaine campagne agricole.

Le sénateur Sparrow: Si la crise que vous avez mentionnée existe déjà, peut-être qu'un délai d'un an serait plus utile que nuisible. La Commission canadienne du blé a assez bien fonctionné au cours des années, vous en conviendrez. Il faut y apporter des changements, certes, mais n'agissons-nous pas un peu à la hâte?

M. Hardy: Il faut que le conseil soit en place pour la prochaine campagne agricole, pas celle de 1998, mais celle de 1999. Le scrutin demande du temps, et il faudra laisser aux nouveaux membres le temps de s'orienter et de s'informer. C'est pourquoi je crois que la Chambre devra adopter le projet de loi aussi rapidement que possible afin que le conseil puisse être mis sur pied.

La rapidité est essentielle, tout comme l'est aussi le changement.

Le sénateur Sparrow: Le changement est également essentiel. Ce qui inquiète bon nombre d'agriculteurs, du moins ceux que je rencontre, c'est que la commission canadienne du blé s'est toujours montrée si cachottière dans son travail que les agriculteurs, que la commission est censée représenter, n'ont pas l'impression de l'être. Ils estiment que la commission est un agent du gouvernement et que c'est au gouvernement qu'elle doit rendre des comptes, pas aux agriculteurs.

Comment pourrait-on inclure dans le projet de loi des dispositions permettant d'avoir accès à l'information? L'accès à l'information est-il une question qui vous intéresse?

M. Hallick: Je ferai une brève observation à ce sujet. Nous comprenons tous les aspects commerciaux de l'entreprise et nous savons que certains renseignements sont confidentiels. Mais le secteur agricole se sentirait rassuré s'il avait la garantie que le conseil doit rendre compte de toutes ses activités et tenir compte des vues des agriculteurs. Les agriculteurs ne réclament pas de déshabillage public, mais ils seraient au moins rassurés de savoir que le conseil d'administration est satisfait des opérations, ce qui n'est actuellement le cas ni du comité consultatif, ni de qui que ce soit.

Vous avez mentionné un délai d'un an; je ne crois pas que cela puisse faire taire les grondements, au contraire. Il y a urgence d'adopter ce projet de loi.

M. Hardy: Monsieur le président, je tiens à remercier le comité de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue. Nous l'apprécions beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Hardy.

J'invite maintenant l'honorable Eric Upshall, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation de la province de la Saskatchewan, à venir témoigner.

Pourriez-vous nous présenter vos adjoints, s'il vous plaît, monsieur le ministre?

L'honorable Eric Upshall, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, gouvernement de la Saskatchewan: Bien sûr, monsieur le président. Je suis accompagné ce matin de M. Ernie Spencer, sous-ministre adjoint au ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, et de M. Jim Stalwick, gestionnaire de la Direction de la politique du ministère.

Bonjour, honorables sénateurs. Pour commencer, permettez-moi de dire que nous apprécions votre visite, car il s'agit d'une question importante dont on discute depuis longtemps et dont on discutera encore longtemps dans l'avenir, je le suppose.

Je vais prendre environ 10 minutes pour vous donner un bref aperçu de notre position, après quoi nous pourrons avoir une période de questions et réponses des plus productives.

La plupart des agriculteurs de la Saskatchewan veulent une commission canadienne du blé solide et efficace qui agisse à leur compte, à titre d'agent, pour la vente de blé, de blé dur et d'orge tant sur le marché canadien que sur les marchés d'exportation. L'existence de la commission canadienne du blé présente des avantages qui ont été bien décrits dans quelques études. D'après l'étude réalisée par Kraft, Furtan et Tychniewicz, la commission canadienne du blé rapporte environ 375 millions de dollars par année aux agriculteurs. Le rapport portait sur la période de 1980 à 1994. On y faisait remarquer que même durant les années de fluctuation, que les prix aient été élevés ou bas, la commission a permis aux producteurs de réaliser des gains, car elle permettait d'obtenir des prix maximums sur différents marchés.

Dans leur étude, Schmitz, Gray, Schmitz et Storey ont constaté que la commission canadienne du blé rapportait aux producteurs d'orge des bénéfices annuels moyens de 72 millions de dollars.

La Saskatchewan souhaite que la commission canadienne du blé soit renforcée et dotée des outils nécessaires à une commercialisation efficace. Grâce aux modifications qu'il prévoit, le projet de loi C-4 apporte bon nombre des changements nécessaires à la loi, mais pas tous, pour donner à la commission les outils supplémentaires dont elle a besoin pour commercialiser les céréales. Dans ses témoignages précédents portant sur les amendements, le gouvernement de la Saskatchewan a signalé qu'un certain nombre de modifications additionnelles permettraient, à son avis, d'améliorer les outils dont dispose la commission pour vendre les céréales tout en lui permettant de s'appuyer sur les mêmes principes fondamentaux.

Dans notre mémoire, nous réclamons un certain nombre d'améliorations, dont j'indiquerai les points saillants:

que le président soit choisi par le conseil d'administration;

que la disposition sur l'inclusion soit précisée de façon à être applicable -- il faudrait pour cela éliminer l'article qui permet à une association de producteurs d'avoir recours à la disposition sur l'inclusion;

que le conseil puisse disposer d'un fonds de capital et d'emprunt de façon à être concurrentiel sur les marchés internationaux;

que le projet de loi comprenne des paramètres quant à la façon d'utiliser un régime d'achat au comptant;

que la période de mise en commun continue de correspondre à la campagne agricole;

que le fonds de réserve soit transformé en fonds d'actions individuelles pour les producteurs;

que les producteurs puissent obtenir un paiement final au moyen de prêts ou d'avances de fonds.

Nous demandons au comité du Sénat d'examiner chacun de ces éléments de notre témoignage précédent. Nous sommes prêts à appuyer les amendements qui pourraient être apportés au projet de loi C-4 pour traiter ces questions, mais à la condition que cela ne retarde pas indûment les modifications à la loi. D'autres dispositions du projet de loi C-4 confèrent à la commission des pouvoirs dont elle a besoin le plus tôt possible. Le conseil d'administration démocratiquement élu qui sera le fruit de ces modifications aura besoin de ces outils pour diriger la commission. Nous devons compter sur ce conseil élu pour servir les intérêts des agriculteurs. Je pourrai en dire davantage à ce sujet lorsque nous passerons aux questions.

Pour leur part, les agriculteurs ont pu faire connaître leur opinion sur les modifications à la Loi sur la commission canadienne du blé par le truchement du Groupe de travail sur la commercialisation du grain de l'Ouest et au moyen de deux séries d'audiences du comité permanent de la Chambre des communes. En fait, aucune question agricole n'a été autant discutée que celle-là au cours des dernières années. Nous estimons avoir tous les renseignements dont nous avons besoin pour décider du projet de loi C-4; tous ont eu l'occasion de se prononcer; il est maintenant temps de prendre les décisions.

Les organismes d'agriculteurs et les agriculteurs eux-mêmes appuient en majorité l'existence d'une commission canadienne du blé qui servira efficacement les producteurs. Vous entendrez sans doute un son de cloche différent de certains groupes ou de certains particuliers qui veulent défendre leurs propres intérêts, mais leur opinion ne représente pas celle de la majorité. La plupart des agriculteurs de la Saskatchewan veulent une commission qui aille chercher pour eux les meilleurs prix sur les marchés mondiaux. C'est pourquoi il est essentiel pour la commission que ces modifications soient adoptées.

La Saskatchewan a présenté deux mémoires au comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Dans ces mémoires, nous exprimions clairement notre opinion sur la commission et nous décrivions les changements que nous proposons. Nous demandons à votre comité d'examiner ce que nous avons proposé dans ces deux mémoires.

Pour ce qui est des dispositions sur l'exclusion et l'inclusion, la loi est une mesure habilitante; on y décrit de façon générale les pouvoirs et les attributions de la commission pour ce qui est de commercialiser efficacement les céréales des producteurs. Nous avons appuyé l'idée de permettre à la commission de commercialiser d'autres types de grains, si c'est ce que veulent les agriculteurs. Dans le premier mémoire que nous avons présenté au Comité de l'agriculture et de l'agroalimentaire, nous avons réclamé une disposition permettant à la commission de commercialiser d'autres types de grains de façon volontaire et avec le plein statut d'agent.

Nous continuons d'appuyer l'idée de conférer à la commission la capacité de commercialiser d'autres grains à la demande des producteurs. Une loi qui comporte une disposition d'inclusion dans un régime d'agence centralisée est bien sûr une loi habilitante. Il y a une marche à suivre et à respecter pour que la commission puisse commercialiser une céréale ou cesser de le faire. En éliminant la disposition sur l'inclusion, toutefois, on interdirait toute tentative d'ajouter d'autres types de céréales au mandat de la commission. Il ne serait ni sage ni équilibré de refuser à l'industrie la possibilité d'ajouter d'autres grains alors que la loi permet d'en éliminer.

Nous préférerions que les processus d'inclusion et d'exclusion soient parallèles. Nous souhaiterions que la disposition d'inclusion soit modifiée afin que son libellé soit le même que celui de la disposition sur l'exclusion, c'est-à-dire que l'inclusion ou l'exclusion dépendent de la décision du conseil d'administration de la commission canadienne du blé et d'un scrutin des producteurs.

Permettez-moi d'aborder un instant la question de la double commercialisation. Certains témoins viendront peut-être devant vous pour réclamer la liberté de choisir la double commercialisation. Mais la liberté de choix, et j'insiste sur ce point, doit également s'appliquer à la possibilité de choisir la commission comme agent de vente, et ce choix inclut, par définition, des pouvoirs de commercialisation obligatoires.

Si la commission peut commercialiser les grains et obtenir des bénéfices pour les producteurs des Prairies, c'est qu'elle a le pouvoir d'être obligatoirement le seul agent de vente. Dans un régime de double commercialisation, la commission ne pourrait plus obtenir de tels bénéfices et ne saurait survivre. Le choix n'est pas d'avoir et la double commercialisation et la commission canadienne du blé; il consiste à choisir entre la double commercialisation et la commission canadienne du blé.

Que se produirait-il dans un régime de double commercialisation? Permettez-moi de vous en donner une petite idée. Premièrement, il n'y aurait plus de prime. Puisque de nombreuses entreprises canadiennes essayeront de vendre leur grain sur les marchés d'exportation, il faudra bien accepter l'offre de celle qui peut fournir le produit au plus bas prix. La Commission canadienne du blé ne pourra plus aller chercher des primes sur les marchés qui sont prêts à payer davantage pour obtenir un produit de meilleure qualité.

Il n'y aurait plus d'approvisionnement dans la mesure où il ne serait pas possible d'assurer un approvisionnement en grain, sur lequel reposaient les transactions à long terme les plus profitables de la commission. Il serait facile aux commerçants du secteur privé de s'assurer que la commission ne puisse obtenir de grain; il leur suffirait de fixer un prix légèrement inférieur à celui des prévisions de la commission.

Ce serait également la fin de la mise en commun. Un affaiblissement du marché amènerait peut-être la commission à accaparer tous les grains, ce qui réduirait les rendements des mises en commun et pourrait créer un problème important en matière de déficit. Si les prix augmentaient, la commission obtiendrait très peu de grain parce que les producteurs essayeraient d'obtenir eux-mêmes les prix du marché, qui seraient peut-être supérieurs au prix initial de la commission.

Il n'y aurait plus de normes de qualité. Puisqu'il n'y aurait plus d'agent unique, il ne serait plus possible de choisir les marchés qui sont prêts à payer un prix supérieur pour des produits de meilleure qualité. Si les mises en commun ne rapportent plus de prime, les producteurs seront moins enclins à produire des grains de qualité, et il sera très difficile de conserver au Canada un système de contrôle de la qualité.

Les services offerts aux producteurs dépendraient de la concurrence. La Commission n'a pas de système de ramassage au silo au Canada, non plus que des terminaux ou des installations de chargement dans les ports; il lui serait donc très difficile de faire concurrence aux entreprises qui disposent de telles installations. Ces entreprises s'assureraient de traiter d'abord leur grain, puis ceux de la commission.

Il n'y aurait plus de partenariat avec les gouvernements. Les entreprises privées de commerce des grains exigeraient l'élimination de tout avantage apparent, entre autres les garanties financières offertes par le gouvernement, afin qu'il y ait une «réelle» concurrence. Pour les producteurs de grain des Prairies, les garanties financières du gouvernement représentent 80 millions de dollars.

Enfin, il n'y aurait plus d'équité. Si le système de la commission canadienne du blé fonctionne, c'est parce qu'il est équitable. La livraison ou le paiement comporte des périodes d'attente, mais cette attente est égale pour tous. Le régime de double commercialisation se fondera en fin de compte sur la satisfaction quant au prix courant. La Commission perdra son intégrité, car elle ne pourra plus distribuer de façon équitable l'accès au marché.

La double commercialisation n'est en fait qu'une façon détournée d'éliminer la commission canadienne du blé et de revenir à un régime de libre commercialisation.

Il y aura une période de transition. Le projet de loi C-4 transformera la commission canadienne du blé, qui, composée actuellement de commissaires et d'un comité consultatif de producteurs, sera désormais formée d'un conseil d'administration et d'un président et dotée d'une structure de gestion connexe -- on pourra dire qu'il s'agit d'une démocratisation du conseil.

Nous souhaitons que soit mis en place un processus pour aider le nouveau conseil à prendre la relève, un processus qui permette un transfert bien géré des connaissances de l'entreprise. L'expérience et la compétence des commissaires actuels seront précieuses, car elles permettront d'assurer la continuité et de conserver la confiance des agriculteurs et des clients. Nous proposons que les commissaires actuels continuent à participer aux travaux du conseil d'administration ou de la gestion. Le conseil consultatif actuel a acquis une bonne compréhension du domaine, et il faudrait que le nouveau conseil puisse en profiter.

Pour conclure, même si le projet de loi C-4 a ses lacunes, il est essentiel qu'il soit adopté aussitôt que possible par le Parlement fédéral. La Commission a été affaiblie du fait que les gouvernements fédéraux antérieurs ne lui ont pas donné les outils dont elle avait besoin pour régler les problèmes du marché de l'orge et ceux des nouveaux besoins des agriculteurs. La Commission a également été ébranlée par les attaques idéologiques qui ont été portées contre elle. Il faut lui permettre de se concentrer sur l'établissement de relations avec les producteurs et la commercialisation efficace des grains des Prairies.

Le comité devrait examiner les modifications que le gouvernement de la Saskatchewan a proposées l'an dernier à l'égard du projet de loi C-4. Mais il doit également s'assurer que le projet de loi soit adopté rapidement afin que la commission puisse être dotée de tous les outils dont elle a besoin pour commercialiser les grains.

D'après les amendements proposés, les agriculteurs éliront la majorité des administrateurs. Je suis certain que ces représentants élus seront en mesure de bien défendre les intérêts des agriculteurs.

Merci, honorables sénateurs. Je suis prêt à répondre de mon mieux à vos questions.

Le président: Permettez-moi de poser une question, avant de laisser la parole au sénateur Fairbairn.

Honorable ministre, ce n'est qu'une hypothèse, mais si l'Alberta ou le Manitoba décidaient d'exercer leur droit de retrait parce qu'ils estiment que la commission canadienne du blé n'offre pas suffisamment de choix à leurs agriculteurs, la commission pourrait-elle survivre?

M. Upshall: Vous posez une très bonne question. La Commission ne survivrait sans doute pas, mais il pourrait y avoir encore un semblant de commission. Permettez-moi de vous en expliquer les raisons.

Le retrait, qu'il soit décidé par la province ou par le producteur, entraînerait automatiquement la perte de la prime sur la partie ou le volume du grain qui ferait l'objet de ce retrait, et ce, parce que la commission deviendrait alors un concurrent en commercialisant les autres grains de la même région.

Une fois que le grain est entré dans le système, et supposons que le cheminement peut se faire avant la fin de l'année, la commission peut profiter du fait qu'elle est le seul agent de commercialisation du grain qui reste pour obtenir les primes. On peut donc se demander à quoi correspondrait ce retrait, quel en serait le but. S'agirait-il d'un gain personnel? D'un gain politique? Ce dont il faut tenir compte, c'est le gain pour la région.

Nous sommes en concurrence avec les États-Unis, l'Europe et l'Australie. Si nous ne commençons pas ou ne continuons pas à chercher d'autres marchés, comme le fait la commission, à servir l'intérêt économique de toute notre région -- c'est-à-dire de tous les agriculteurs de notre région -- c'est la région qui en souffrira. Le retrait irait à l'encontre de l'intérêt de la région.

Le président: Monsieur le ministre, comment interprétez-vous les dispositions sur l'achat au comptant dans le projet de loi?

M. Upshall: Nous avons sonné l'alarme en ce qui concerne les achats au comptant. Je pense que c'est nécessaire dans le cas de l'orge.

Vous vous rappellerez que c'était, je pense, à l'automne 1996, lorsque l'on devait expédier un achat au Japon, que la commission n'a pu obtenir les céréales parce que le prix courant augmentait. Si nous avions pu alors acheter ces céréales au comptant, la commission aurait pu se les procurer immédiatement et les expédier. C'est ce que la commission a réussi à faire, mais après un travail acharné, mais il n'en demeure pas moins que nous aurions pu être forcés de réduire le chargement, ce qui aurait signifié que les acheteurs auraient cessé de nous considérer d'un oeil aussi favorable.

Deuxièmement, je tiens à souligner que nous ne sommes pas convaincus de la nécessité des achats de blé au comptant, mais puisque le projet de loi le prévoit, les administrateurs élus doivent posséder ce pouvoir. Il s'agit d'une loi habilitante, et donc, je le répète, si le conseil d'administration devient plus démocratique, nous devons lui donner les pouvoirs nécessaires. Si nous ligotons trop les administrateurs, à quoi sert-il de les élire?

Adoptons la loi habilitante. Nous reconnaissons qu'il y a quelques faiblesses, mais nous sommes persuadés que les habitants de la région peuvent élire des personnes compétentes, des personnes qui peuvent apprendre, si elles ne le savent pas déjà, comment diriger cette organisation. Donnons-leur une certaine latitude.

Le sénateur Fairbairn: Dans votre mémoire, vous mentionnez les améliorations que vous avez déjà demandées, notamment la transformation du fonds de réserve en fonds d'actions pour les producteurs. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet?

M. Upshall: La difficulté, c'est que nous ne savons pas encore à combien se chiffre le fonds de réserve. Permettez-moi de vous résumer certaines de nos préoccupations à ce sujet.

Si des fonds de réserve sont retirés du fonds commun, c'est-à-dire l'argent des producteurs, il faut que cela soit fait de façon équitable. Si vous permettiez les prix à terme, vous pourriez vous retrouver dans une situation où ceux qui s'en prévalent provoquent un déficit et sont subventionnés par les autres producteurs qui ont mis leur argent en commun.

Si vous avez un compte individuel, le dépôt initial, les capitaux de démarrage, quelle que soit leur provenance, seraient attribués individuellement. Si je n'utilise pas ma réserve parce que je n'ai pas demandé le prix à terme, que je n'ai pas perdu, alors j'aurais droit à cet argent, alors que quelqu'un d'autre qui invoquerait le prix à terme tous les ans provoquerait un déficit chaque année. En d'autres mots, si c'est un compte individuel, il revient aux producteurs de faire plus attention dans leurs opérations de couverture et de s'assurer qu'ils savent ce qu'ils font.

Les risques existent. Il est impossible de concevoir un système où les risques de l'un sont réduits parce que les autres font partie du même compte commun.

Le sénateur Fairbairn: Dans votre mémoire, vous dites à quel point les commissaires actuels sont importants; vous dites qu'il faut prévoir une période de transition au cours de laquelle leur connaissance du fonctionnement de la commission canadienne du blé pourrait servir au nouveau groupe élu, le groupe majoritaire au conseil d'administration. Qu'envisagez-vous au juste? Voulez-vous inclure quelque chose dans le projet de loi, ou demandez-vous de prévoir une étape intermédiaire? Qu'aviez-vous en tête au juste pour concrétiser ce rôle d'appui que vous jugez si important?

M. Upshall: Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de l'inclure dans le projet de loi. Cette partie de mon exposé relève sans doute du bon sens. Faut-il le prévoir dans le règlement? Probablement, afin d'assurer une certaine uniformité. Le règlement inclurait, je pense, la période de transition d'une élection à l'autre et le roulement au sein du conseil. Je ne rédige pas le règlement ici, mais vous comprenez ce que je veux dire. Et je vais vous expliquer pourquoi.

Il y a maintenant trois commissaires qui voyagent dans le monde entier. J'ai moi-même voyagé beaucoup, et je présume que bon nombre d'entre vous en ont fait autant, pour établir des relations d'affaires. La priorité absolue est la création de bonnes relations et du respect mutuel. C'est ce que nous avons à l'heure actuelle avec les commissaires. Il nous faut conserver cela si nous créons un nouveau système ou si le conseil d'administration les remplace; j'ignore comment la situation évoluera, mais il faut conserver ce respect et cette confiance. C'est important pour nous, car les commissaires sont en première ligne.

La deuxième ligne est celle du comité consultatif qui dispense des conseils aux commissaires. Je sais que si j'étais élu à la commission comme producteur, j'aimerais pouvoir compter sur ces conseils. Je crois en savoir pas mal sur la commission, mais j'en sais très peu si je compare mes connaissances à toutes celles qui existent. Chacun d'entre nous n'a que des connaissances limitées par rapport à l'ensemble des connaissances, et les commissaires le savent, tout comme les administrateurs.

Il faut donc assurer une bonne transition, une transition sans heurt, pour assurer la crédibilité de l'organisation sur les marchés mondiaux.

Le sénateur Fairbairn: Combien de temps durerait cette transition? Diriez-vous un an ou plus d'un an, combien de temps?

M. Upshall: Ai-je entendu trois ans? Nous pourrions commencer là. La seule façon de juger, c'est d'attendre la réaction du consommateur. Si après un an le consommateur est satisfait, ça va; si on vous dit que les administrateurs élus et ceux qui les conseillent ont un rendement satisfaisant, vous pouvez alors prendre votre décision. Si vous, comme vendeur, n'êtes toujours pas à l'aise après un an, vous devriez peut-être attendre encore un peu. Je ne saurais vous dire combien de temps devrait durer cette transition; j'estime seulement que vous devrez en juger selon l'évolution du processus de démocratisation.

Le sénateur Fairbairn: Nous avons entendu bien des opinions sur la façon dont on devrait tenir l'élection des administrateurs, que ce soit par district électoral ou par le biais de délégués. Qu'en pensez-vous?

M. Upshall: Eh bien, je comprends l'intention, les limites qui ont été établies. Je pense qu'un système d'élection par quartier serait préférable à une élection par la population en général, parce que, ainsi, chaque région serait représentée. Il faut limiter les dépenses afin que l'argent n'influe pas indûment sur le résultat final. Je pense qu'on aura ainsi une commission qui sera responsable.

Je ne sais si j'ai répondu à votre question. Je préfère un système d'élection par quartier, ou par district, selon lequel ceux qui nous représenteront seront élus dans notre région. Quoi qu'il en soit, d'après mes employés, c'est une bonne chose, et ce qui compte, c'est que les producteurs prennent la commission en charge. C'est ça, la clé.

Le sénateur Stratton: Soyez le bienvenu, monsieur le ministre. Merci d'être là. J'ai bien aimé vos remarques sur le fonds de réserve. Comme vous, j'estime qu'on devrait prévoir des comptes et des risques particuliers pour les éventualités, mais c'est la première fois que j'en entends parler, et cela m'apparaît comme une excellente idée.

En ce qui concerne la double commercialisation en marché ou le droit de retrait, à Brandon, hier, un nombre assez impressionnant de gens a réclamé le droit de retrait. Nous avons entendu un agriculteur du sud-ouest du Manitoba qui, pour l'année d'exploitation actuelle, n'aura aucune récolte pour la CCB. Il se lancera délibérément dans d'autres cultures de façon à ce que ses produits ne soient pas mis en marché par la CCB, de façon à ne pas avoir affaire à la CCB.

Selon notre attaché de recherche, l'Ontario Wheat Producers' Marketing Board permet depuis le 5 ou 6 mars les ventes ou la mise en marché aux États-Unis sans passer par la commission. Apparemment, il ne s'agit pas d'un système de double commercialisation, mais les producteurs peuvent vendre leur blé sans passer par la commission, mais seulement aux États-Unis.

Ce qui nous préoccupe, c'est que, si les agriculteurs sont prêts à risquer la prison pour pouvoir vendre aux États-Unis sans passer par la commission, comment pourrons-nous contrer la pression qui s'exerce maintenant malgré le monopole que détient la commission?

M. Upshall: J'ai parlé de la question avec bien des gens aux États-Unis, et je dois dire dès le départ que les Américains commencent à changer un peu d'attitude à ce sujet et que certains accepteraient qu'on se débarrasse de la commission. Il s'agit de savoir ce que les États-Unis accepteraient pour les ventes sur le marché américain.

La question que j'ai posée à l'ambassadeur des États-Unis était celle-ci: «Préférez-vous faire affaire avec une seule agence dans l'Ouest du Canada pour pouvoir ensuite discuter avec le gouvernement fédéral des volumes d'exportation aux États-Unis, ou préférez-vous faire affaire avec 120 000 producteurs?» Nous savons ce qui arrivera si de plus en plus de producteurs expédient aux États-Unis à titre individuel. À mesure que le volume augmentera, les producteurs américains vont exercer plus de pressions pour qu'on ferme les frontières. Les États-Unis sont l'un de nos principaux partenaires commerciaux. Cette demande entraînera une réaction, qui entraînera à son tour une autre réaction, et cela n'aidera pas du tout au commerce.

Le sénateur Stratton: Quand on voit à quel point ces gens sont décidés, ils le sont vraiment, et quand on voit l'Ontario Wheat Producers' Marketing Board agir de cette façon, il faut se demander pourquoi l'Alberta, le Manitoba ou une autre province ne formerait pas son propre office de commercialisation pour faire ce que l'Ontario a fait. D'après moi, c'est le début de la fin, et c'est ce qui m'inquiète vraiment.

Aucun des producteurs à qui nous avons parlé hier ne voulait se débarrasser de la commission; ils voulaient simplement avoir la possibilité d'être autonomes. Ils ne voulaient pas se débarrasser de la commission, parce qu'ils reconnaissent son utilité. Bien entendu, si la commission venait à disparaître, certains producteurs ne s'en plaindraient pas, mais ils n'essayent pas de propos délibéré de s'en débarrasser maintenant. Certains voudraient pouvoir agir de façon indépendante, mais ils croient encore à l'utilité de la commission.

Il est inquiétant de voir de telles choses se passer en Ontario, parce que, comme l'a dit notre président, il faut se demander quelle sera la prochaine province à suivre cet exemple. Ce qu'il faut savoir, c'est si nous pouvons permettre que cela se passe tout en protégeant la commission et en assurant sa survie à long terme. C'est la question que je me pose.

M. Upshall: Pour protéger la commission à long terme, il faut maintenir le monopole de commercialisation dans la région. Sinon, on érodera la possibilité d'attirer les meilleurs prix possible.

Les changements proposés pour l'Ontario ne s'appliqueront qu'aux exportations, je pense.

Le sénateur Stratton: Seulement aux États-Unis.

M. Upshall: Oui, seulement aux États-Unis. Cependant, dans la région de l'Ouest, où le produit est différent en grande partie, si l'on commence à permettre des exceptions, cela empêchera la commission d'obtenir les meilleurs prix, et elle devra se contenter du prix de base.

C'est l'un des principes fondamentaux du commerce: le prix est toujours le facteur le plus important. Le prix du produit est le prix ordinaire, à moins qu'on ne puisse obtenir un meilleur prix, et la commission peut le faire grâce aux outils à sa disposition.

Le sénateur Whelan: Je suis d'accord avec ce que vous dites au sujet de la commission du blé, c'est-à-dire qu'elle a fait un excellent travail et qu'elle joue un rôle important, mais je m'inquiète de l'agitation qui existe dans les secteurs des céréales, des lentilles, des graines oléagineuses et ailleurs à cause de ce qui s'est passé. Certains m'ont dit que les amendements affaibliront la commission canadienne du blé et permettront aux compagnies du secteur privé, comme Archer Daniels Midland, d'exploiter les agriculteurs canadiens. D'après vous, y a-t-il des indications que cela pourrait se produire?

J'ai rencontré les secrétaires d'État à l'agriculture des États-Unis, et ils m'ont dit que ces compagnies céréalières étaient trop grosses pour qu'on puisse avoir la moindre influence sur elles. Je crains qu'elles ne nous absorbent.

Archer Daniels Midland vient d'être condamnée à une amende de 100 millions de dollars. Le gouvernement fédéral poursuit cette compagnie pour un montant de 600 millions de dollars. Je crains que les compagnies de ce genre ne causent des problèmes et n'exigent une modification de notre système de commercialisation. Est-ce qu'elles interviennent déjà en ce sens dans les régions rurales du Canada de l'Ouest? Avez-vous des preuves à cet effet?

M. Upshall: Très peu de preuves. L'une de ces compagnies, je crois que c'est Cargill, est intervenue publiquement pour demander à participer au vote sur l'orge.

Je ne suis pas prêt à leur jeter la pierre. Elles sont en affaires pour servir les intérêts de leurs actionnaires. Si on leur permet de s'établir dans l'Ouest canadien, elles le feront, et c'est bien normal, puisqu'elles sont en affaires pour rapporter de l'argent à leurs actionnaires et à leurs propriétaires, dans le cas de Cargill.

Il nous incombe de déterminer si ce système est le meilleur pour les producteurs de la région et du pays. Si c'est le meilleur, on peut l'ouvrir à tous. Personnellement, je ne pense pas que ce soit le meilleur, pour les raisons que j'ai indiquées.

La question fondamentale est la suivante: est-ce que les droits de l'individu, si tonitruant qu'il puisse être, l'emportent sur les droits de tous les producteurs de la région? Voilà le thème de la discussion. Est-ce que mon droit individuel de me retrouver sur la paille si je le veux l'emporte sur les droits de tous les producteurs de la région? À mon avis, non. Je pense que la région et toutes les personnes qui la composent collectivement ont le droit d'obtenir un prix plus élevé, et l'individu passe en second; c'est bien ce que les tribunaux ont dit.

Le président: La réalité, c'est que ConAgra est en train de construire une usine au sud de Regina; elle pourrait avoir 15 établissements dans l'Ouest canadien. Archer Daniels Midland achète une bonne partie de la production des United Grain Growers, qui viennent d'acheter une usine à Stoughton. La compagnie française Diffuse Canada a annoncé qu'elle construisait trois usines en Saskatchewan.

Cela indique deux choses. Tout d'abord, c'est une marque de confiance envers les producteurs et l'industrie; par ailleurs, c'est une porte d'accès aux marchés mondiaux. Pour moi, cette tendance n'est donc pas entièrement négative. Je tiens compte de ce qu'a dit le sénateur Whelan, mais je me demande si cette évolution est véritablement si néfaste. Tout semble indiquer que pour ces compagnies l'agriculture de l'Ouest canadien présente un potentiel extraordinaire.

M. Upshall: Cela pourrait signifier autre chose, à savoir que pour cette compagnie la région représente la possibilité d'augmenter sa marge bénéficiaire, et nous allons devoir affronter les individus et les quelques groupes qui veulent éliminer la commission, ce qui leur permettrait d'augmenter leur marge bénéficiaire. Voilà un autre aspect de la situation.

Ces compagnies considèrent la région comme une possibilité de croissance. J'ai rencontré des représentants de la plupart d'entre elles et je les ai accueillis ici, mais c'est à nous de décider si nous allons les laisser accaparer cette marge bénéficiaire supplémentaire ou si nous allons la conserver en tant que prime pour les producteurs.

Le sénateur Andreychuk: Merci, monsieur le ministre, d'avoir participé à notre séance de comité et d'avoir préservé la longue tradition saskatchewannaise de participation des ministres provinciaux aux travaux du Sénat fédéral.

Tout est une question d'ambiance, et les opinions et attitudes ne sont pas toujours fondées sur les faits; en tout cas, elles peuvent s'enraciner, fructifier, prendre l'apparence des faits, se concrétiser, en quelque sorte.

Si je vous comprends bien, vous dites que l'adoption de ce projet de loi va diminuer l'activité de certains producteurs agricoles, ou bien, comme d'autres le prétendent, qu'elle va se traduire par une grande fébrilité et par des difficultés constantes.

M. Upshall: L'adoption de ce projet de loi va renvoyer la balle dans le camp de ceux qui sont élus pour gérer la commission. Il faut souhaiter que les outils que leur confère la loi soient ceux dont ils ont besoin pour restaurer la confiance des sceptiques.

Peut-on espérer la fin du débat sur la possibilité de se retirer de la commission? Non. C'est un débat de principe; c'est malheureusement plus une question de principe qu'une question d'argent. Néanmoins, il s'agit là d'une loi habilitante, qui permettra aux représentants élus par les producteurs de représenter ces derniers et de prouver au monde entier qu'ils sont prêts à relever le défi.

C'est pour cela qu'il ne faut pas se laisser passer les menottes, et qu'il ne faut pas accepter uniquement la clause d'exclusion. On exprime ici une opinion de principe. En revanche, si l'on avait uniquement une clause d'inclusion, on exprimerait une autre opinion de principe. Il faut que les deux puissent cohabiter.

La Commission doit pouvoir se servir de l'inclusion et de l'exclusion pour choisir la meilleure solution pour les agriculteurs; il s'agit d'une activité de six milliards de dollars, dont les actionnaires sont les 120 000 producteurs qui envoient leur blé à la commission. Il faut qu'elle fasse ses preuves, mais, pour ce faire, donnons-lui les outils dont elle n'a jamais disposé jusqu'à maintenant.

Certains prétendent qu'il ne faut rien faire, mais, à mon avis, ce serait priver la commission de la souplesse dont elle a besoin. Ce serait aussi préjudiciable pour la commission que le passage à un système de double commercialisation. Si nous voulons un système plus démocratique, donnons à la commission les outils qu'il lui faut pour satisfaire nos besoins. S'ils ne sont pas satisfaits, nous aurons la possibilité d'élire d'autres représentants, ou de concevoir de nouveaux outils.

Le sénateur Andreychuk: Revenons un peu en arrière pour parler des principes qui prévalaient à l'époque où j'ai grandi dans cette province; on disait que la commission canadienne du blé était là pour servir les intérêts des agriculteurs. Elle ne leur a jamais rien imposé. Elle tenait compte de ce que les agriculteurs pouvaient faire pour le reste du Canada. Je pense que le principe est resté le même. La différence se situe au niveau des modalités.

Comment pouvez-vous dire qu'elle va être gérée démocratiquement et qu'elle pourra maintenir un dialogue indispensable avec tous les agriculteurs, si elle ne peut pas choisir directement son président-directeur général?

Comme vous le savez, monsieur le ministre -- et j'aurai la même franchise que vous -- pensez-vous que vous seriez en mesure de gérer efficacement si quelqu'un d'autre que vous choisissait votre sous-ministre et tous les professionnels qui vous entourent?

M. Upshall: Là, je suis bien d'accord avec vous.

Le sénateur Andreychuk: Bien. Voilà ce que je voulais dire publiquement. Mais pourquoi est-ce que ce message n'a pas été transmis au ministre et aux fonctionnaires qui ont rédigé ce projet de loi, s'ils tiennent tellement à un processus démocratique et à la consécration de ces droits au profit des agriculteurs?

M. Upshall: C'est à eux qu'il faut le demander.

Le sénateur Andreychuk: Moi je vous demande si vous avez interrogé le ministre.

M. Upshall: Au gouvernement, comme vous le savez, nous avons tendance à prendre les choses en main, puisque si nous ne le faisons pas, on nous en fera quand même le reproche. Nous avons donc proposé une solution.

Que la commission puisse choisir son PDG, et le gouvernement aura un droit de veto. Si le PDG n'agit pas dans l'intérêt du pays, il pourra être destitué, malgré son mandat de quatre ans. Le gouvernement pourra, dans certains cas, exercer son droit de veto. C'est ce que nous avons dit dans notre première ou dans notre deuxième intervention auprès de la commission.

Il faut donc donner des pouvoirs à ceux qui sont élus à la commission, mais il faut aussi que le gouvernement puisse intervenir, grâce à un droit de veto, si les choses tournent mal.

Le sénateur Andreychuk: Vous ne pensez donc pas que la commission démocratiquement élue se comportera de façon raisonnable, mais qu'un ministre démocratiquement élu agira de façon plus responsable.

M. Upshall: Pas du tout.

Les membres démocratiquement élus de la commission sont habilités à gérer la commission canadienne du blé. Si, de l'avis du gouvernement, une décision prise par la commission ne sert pas les intérêts de la région, le gouvernement doit pouvoir intervenir pour prévenir toute catastrophe au niveau régional ou au plan économique; il ne doit pas agir directement, mais il lui faut un pouvoir de surveillance.

Je suis sûr que la commission élue fera un excellent travail. Est-ce qu'il risque de se passer un jour quelque chose? Je ne sais pas. Je dis simplement que lorsqu'on élabore un système, il faut le doter de mesures de sécurité.

Le président: Monsieur le ministre, je vous remercie de votre comparution. Vous pouvez faire une dernière déclaration, si vous le souhaitez.

M. Upshall: Je dirai ceci: merci beaucoup d'avoir tenu ces importantes audiences dans l'ensemble du pays.

Après bien des débats, je pense qu'on en vient à une conclusion, et qu'on passe à une nouvelle étape dans la vie de la commission canadienne du blé; il me semble important que les choses continuent. Écoutez les différentes opinions et faites vos recommandations, mais il ne faudrait pas que le débat s'éternise. S'il faut démocratiser la commission, faisons-le immédiatement.

Le président: Nos témoins suivants représentent la Saskatchewan Organic Growers. Nous accueillons M. Dorwart et M. Krueger.

Allez-y, messieurs.

M. Ray Dorwart, président, Saskatchewan Organic Growers: Je suis de Lampman, en Saskatchewan, et Erwin Krueger est d'Estevan, en Saskatchewan.

Je voudrais remercier le comité sénatorial de nous permettre de présenter un bref aperçu de l'agriculture biologique et de dire pourquoi il est important que nous puissions fonctionner sans que la commission canadienne du blé nous en empêche.

Je suis actuellement président de la Saskatchewan Organic Growers, section no 1. Nous sommes accrédités auprès de l'OCIA, qui est un organisme international d'accréditation reconnu dans le monde entier. Notre section jouit d'un très grand respect sur le marché européen, grâce à la qualité de nos céréales et aux contrôles très sévères auxquels nous sommes soumis en matière de culture et de manutention.

Il est pratiquement impossible, pour la commission canadienne du blé, de veiller à l'intégrité des différentes céréales vendues dans tous les pays, y compris dans le nôtre. Tous nos produits sont méticuleusement enregistrés avant toute manutention. À tout moment, aujourd'hui ou demain, on peut remonter jusqu'à l'origine d'un produit, de l'étagère du détaillant au transporteur, puis au transformateur et au producteur initial; on saura dans quel bac il a été entreposé, dans quel champ et en quelle année il a poussé. Les dossiers indiquent comment chaque produit biologique a été cultivé, ils signalent la rotation des cultures précédentes ainsi que les fumiers écologiques éventuellement utilisés lors des labours.

Des inspecteurs se rendent dans chaque exploitation agricole pour inspecter le matériel, la manutention, l'entreposage, l'état des champs et de l'exploitation, et ils veillent à ce que chaque producteur soit en mesure d'appliquer les bonnes procédures de culture, de manutention et d'entreposage des produits, tout en veillant à leur intégrité. Il existe des lignes directrices sur les zones tampon qui nous séparent des routes et des exploitations voisines qui peuvent utiliser des méthodes de culture conventionnelles. Les inspecteurs vérifient également les registres pour voir si les producteurs prennent toutes les mesures prévues dans tous les domaines. Si certaines mesures n'ont pas été prises, le producteur perd son accréditation.

Nous sommes une organisation de base et nous entendons le rester. Jusqu'à maintenant, nous avons réussi à damer le pion à ceux qui ne voyaient dans l'agriculture biologique qu'une mode passagère, mais notre système risque de s'effondrer si nous sommes contraints de passer sous les ordres de la commission canadienne du blé.

Nous savons que nous contribuons de façon importante à protéger l'environnement dont nos petits-enfants pourront bénéficier, et nous en sommes fiers. C'est là notre toute première priorité, mais notre production doit avoir une valeur économique pour que nous puissions continuer à fonctionner de la sorte.

Nous mettons deux ans à cultiver ce que l'agriculteur conventionnel produit en une seule année. Nous faisons tout cela sans financement ou aide du gouvernement. Nous ne constituons pas un fardeau pour les contribuables. Tout homme politique serait élu et tout entrepreneur serait reconnu comme un leader dans sa catégorie s'ils étaient en mesure de fonctionner à partir de leurs propres ressources, de produire des produits de première qualité sans nuire à l'environnement, et sans qu'il en coûte un sou aux contribuables du Canada. Les Canadiens et le ministre de l'Agriculture connaissent-ils les vrais avantages du secteur de l'agriculture biologique?

Je le répète, nous ne voulons pas d'aide. Nous voulons tout simplement être laissés libres de fonctionner sans que nos produits fassent l'objet de mesures de contrôle, comme c'était le cas lorsque nous nous sommes lancés dans l'agriculture biologique, alors que la commission ne s'occupait pas de nous.

Nous ne voulons pas du tout laisser entendre que la commission canadienne du blé doit être abolie. Je crois savoir qu'un système de double commercialisation sera appliqué en Ontario, si ce n'est pas déjà le cas, et qu'un tel système peut certainement être valable également pour le secteur de l'agriculture biologique.

Les producteurs de produits biologiques se comparent dans une large mesure aux producteurs de semences. Or, ces derniers ne relèvent pas de la commission canadienne du blé. Dans la mesure où il y a une différence, c'est que notre réglementation est beaucoup plus rigoureuse, ce qui justifie d'autant plus notre exclusion du monopole de la commission, le droit que nous revendiquons de vendre nos céréales de façon individuelle et indépendante ainsi que le droit de retrait.

La majorité de nos membres ont désormais cessé de cultiver des céréales assujetties à la commission canadienne du blé, étant donné que les rachats sont trop coûteux pour eux. Pour l'orge, certains débouchés ont été perdus, et des transactions ont été conclues à perte. Or, bon nombre des cultures contrôlées sont tout à fait essentielles pour nos rotations et elles ont toutes un rôle important à jouer pour ce qui est de la fertilité du sol, de l'action phytosanitaire, de la lutte aux parasites et insectes nuisibles, et cetera.

Il y a deux ans, on a constitué un groupe de travail gouvernemental chargé d'enquêter auprès des producteurs, des transformateurs et des agents de commercialisation de l'Ouest du Canada et d'effectuer des recommandations fondées sur ses constatations. Or, selon les avis des experts du groupe, il était dans l'intérêt de tous les producteurs agrobiologiques de ne pas être assujettis au contrôle de la commission canadienne du blé. J'espère bien que les discussions que vous aurez sur cette question vous convaincront également de la même chose. En effet, il nous serait impossible de fonctionner en relevant de la commission canadienne du blé.

Permettez-moi également de citer un procès-verbal du 19 novembre 1992, où il était convenu à l'unanimité que les ventes de céréales biologiques ne devaient pas relever de la commission canadienne du blé.

Je vous remercie sincèrement de votre attention et de votre patience, et j'espère avoir été en mesure de vous fournir des éclaircissements sur cette question très délicate. Je vais m'efforcer de répondre à vos questions.

Le président: Monsieur Krueger, souhaitez-vous faire une déclaration?

M. Erwin Krueger, secrétaire-trésorier, Saskatchewan Organic Growers: Non, je suis ici tout simplement pour épauler Ray. Si je suis en mesure de l'aider à répondre à certaines questions, je le ferai. Autrement, je n'ai rien à ajouter.

Le sénateur Taylor: La Commission commercialise de grandes quantités de céréales. Quel serait le pourcentage des céréales biologiques? À peu près 1 p. 100 ou 10 p. 100?

M. Dorwart: Je n'ai pas les chiffres, mais je suppose que ce serait environ 1 p. 100.

Le sénateur Taylor: Le fait pour vous de devenir autonomes ne ferait certainement pas des vagues à l'échelle planétaire, n'est-ce pas?

M. Dorwart: Nous sommes en croissance, et la demande semble dépasser notre capacité de production; il s'agit encore d'un processus assez lent, puisqu'il faut sensibiliser les gens et les former.

Le sénateur Taylor: Vous ne croyez donc pas que des agriculteurs qui exploitent 15 000 acres vont tout à coup se convertir à l'agriculture biologique pour profiter d'une échappatoire pour vendre leurs produits?

M. Dorwart: Non, l'agriculture biologique diffère grandement de l'agriculture classique, et la plupart des agriculteurs pratiquent l'agriculture de la même façon depuis des années. Ceux qui se convertissent à l'agriculture biologique sont obligés de ne rien cultiver, ou presque, au cours des quelques premières années. Dans le cas de cultures fortement infestées par les mauvaises herbes, le nettoyage est long à effectuer, et la transition risquerait d'acculer à la faillite bon nombre de ceux qui s'y hasarderaient. Pour que quelqu'un adopte l'agriculture biologique, il doit vraiment y croire et le faire de façon progressive.

Le sénateur Stratton: En réalité, il s'agit d'un marché à créneaux.

Le sénateur Hays: Je crois que les produits biologiques ont beaucoup de potentiel. Ils ont beaucoup d'avenir. Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet de l'époque où les cultures biologiques n'étaient pas visées par la réglementation de la commission et nous expliquer comment il se fait que la commission a changé d'idée?

M. Dorwart: Au départ, il s'agissait d'un petit groupe de personnes qui cherchaient des réponses à leurs besoins, qui voulaient être en santé et qui voulaient se sentir bien dans leur peau.

À ma connaissance, la commission canadienne du blé n'était intéressée en aucune manière, puisque les ventes de céréales biologiques n'allaient représenter vraisemblablement qu'une fraction d'un point de pourcentage.

Or, depuis la dernière année environ, les producteurs de produits biologiques ont commencé à recevoir des lettres de la commission, où elle prend bonne note de l'augmentation des chiffres de vente, de la qualité et de l'importance des produits cultivés, tout en prenant bien soin de signaler que l'intéressé n'a jamais cessé d'être assujetti à la réglementation de la commission et que le moment est maintenant venu de passer à la caisse.

Le sénateur Hays: Y avait-il des critères, à l'époque, pour définir en quoi consistait une culture biologique? Il y aurait peut-être là une solution au rapport entre les producteurs biologiques et la commission, qui accorderait à ceux-ci la souplesse voulue en matière de commercialisation. Peut-être y aurait-il moyen de retenir un critère que la commission accepterait?

M. Dorwart: En effet, un critère a toujours existé. Les producteurs de produits biologiques doivent respecter les critères de l'absence de pesticides et d'herbicides durant un minimum de trois ans. Notre section exige quatre ans. C'est pourquoi nous sommes un peu mieux reconnus en Europe, du fait que nos exigences sont plus élevées et que notre qualité est tout aussi bonne, sinon meilleure.

Le sénateur Hays: Et, si je comprends bien, vous avez approché les responsables de la commission en faisant valoir que votre produit respectait le critère que vous vous êtes imposé, à savoir qu'il provient d'une terre où aucun pesticide et aucun herbicide n'a été appliqué durant trois ans, et qu'il vous fallait pouvoir commercialiser le produit d'une façon qui n'était pas conforme aux dispositions de la commission en matière de rachat ou à certaines autres de ces dispositions. Et on vous a répondu que la chose n'était pas possible. Est-ce bien ce qui s'est passé?

M. Dorwart: Non, personne n'a approché la commission canadienne du blé, je crois. Elle ne s'est tout simplement pas intéressée à nous au début, puisque la production était peu importante.

Le sénateur Hays: Se pourrait-il que les représentants de la commission sentent tout simplement le besoin d'une entente plus officielle?

M. Dorwart: Ce n'est pas ce qu'ils ont dit. Ils ont tout simplement déclaré que le mode de production n'avait pas d'importance. Ces gens-là se rendent compte maintenant que l'agriculture biologique concerne un plus grand nombre de personnes et ils estiment que nous devrions vendre les céréales et les racheter par la suite. Ils veulent tout simplement leur part du gâteau maintenant.

Le sénateur Hays: Avez-vous tenté d'effectuer des rachats auprès de la commission?

M. Dorwart: Je ne l'ai pas fait personnellement. J'ai fait un certain nombre d'appels téléphoniques et j'ai tenté d'obtenir des renseignements sur les modalités de rachat. Cependant, même au début de l'automne, le prix de rachat du blé dur était presque de 3 $, alors que le prix conventionnel du blé dur n'était que légèrement supérieur à 3 $, si je ne m'abuse.

Le sénateur Hays: Mais le prix est pas mal plus élevé dans le cas des céréales biologiques, n'est-ce pas?

M. Dorwart: En effet. Certains des membres de notre organisation ont subi des pertes sur des transactions visant l'orge à cause du rachat. On leur a dit par téléphone qu'ils allaient obtenir tel montant et, par la suite, au moment de conclure la transaction, on leur a offert un montant moindre. Le prix de rachat change d'un jour à l'autre. Le prix de demain ne sera pas le même que celui d'aujourd'hui. On n'a donc jamais l'assurance d'un rachat à prix ferme. Voilà qui oblige certaines personnes à prendre des risques et certains agriculteurs ont d'ailleurs perdu de l'argent en vendant et en rachetant de l'orge.

Le sénateur Hays: Vous avez déclaré que vous ne vouliez plus accepter de financement ou d'«aide». Est-ce bien pertinent? C'est peut-être une bonne chose, selon la nature de vos activités, mais pourquoi une telle déclaration? S'agit-il d'un critère de l'agriculture biologique?

M. Dorwart: Non, ce n'en est pas un. Cependant, nous estimons, chacun d'entre nous, que nous agissons de la bonne manière et nous ne voulons pas d'aide. Nos déficits augmentent d'année en année et nous ne voulons pas que cela cause un problème.

On discute de cela tous les jours au restaurant. Certaines personnes tirent le diable par la queue et ne refuseraient jamais une aide financière. À cet égard, notre secteur semble être à part des autres. Comme producteurs, nous ne voulons pas d'aide.

Le sénateur Andreychuk: J'aimerais savoir quelle taille il faut avoir pour intéresser la commission. Est-ce fondé sur la superficie? Vous avez parlé des producteurs de produits biologiques, mais certaines personnes cultivent des céréales biologiques pour leur propre consommation et pour certaines organisations, à ma connaissance. Votre association englobe-t-elle ces personnes, ou, autrement dit, comment définissez-vous l'agriculteur qui pourrait être assujetti à la réglementation de la commission?

M. Dorwart: Toute personne qui vend des céréales qui relèvent de la commission est assujettie à ses règles, quelle que soit la taille de son exploitation. Les céréales cultivées pour autoconsommation ne causent pas problème. Cependant, je ne pourrais pas vendre 10 boisseaux de céréales à Erwin que ce soit pour l'ensemencement ou pour autre chose. Même s'il voulait les utiliser pour faire du pain, ce serait illégal.

Le sénateur Whelan: Je voulais tout d'abord savoir si certaines de vos semences sont des produits du génie génétique et de la biotechnologie moderne comme le canola résistant au Roundup?

M. Dorwart: Non, nous nous efforçons d'utiliser nos propres semences. Nous n'utiliserions certainement pas un tel produit. D'après certains articles que j'ai pu lire, le Roundup est entièrement neutralisé lorsqu'il atteint le sol. Or, ce n'est effectivement pas le cas.

Le sénateur Whelan: Comme d'autres l'ont fait ce matin, vous avez parlé des activités des producteurs d'hiver de l'Ontario. Avez-vous pris connaissance de leur cheminement?

M. Dorwart: Non, je savais auparavant qu'ils ne relevaient pas d'un office de commercialisation du blé et j'entends maintenant dire qu'ils viennent tout juste de décider par vote de se doter d'un système de commercialisation à deux volets qui leur permet de vendre aux États-Unis. Je n'en sais pas grand-chose et je m'en excuse.

Le sénateur Whelan: Même s'ils vendent aux États-Unis, ils doivent toujours obtenir un permis de la commission canadienne du blé. Cependant, je vous invite à vous rendre compte à quel point la gestion de cette commission est peu démocratique. On noyaute les assemblées, et cetera.

Voilà ce qui m'inquiète. Il y a plus de 20 000 producteurs de blé en Ontario, mais il n'y en a même pas 1 000 qui savent ce que fait la commission.

M. Dorwart: Je n'étais pas au courant. Merci de me l'avoir dit.

Le sénateur Stratton: Nous allons vous fournir une copie du communiqué de presse. L'Ontario Wheat Producers' Marketing Board vient tout juste d'en publier un à ce sujet et j'ai demandé au recherchiste d'en fournir une copie à ces messieurs, pour qu'ils soient au courant de ce qui se passe.

Le sénateur Whelan: Très bien. Ce que je veux dire, sénateur Stratton, c'est qu'ils devraient être au courant de tout ce qui est arrivé, comment ils ont noyauté les assemblées, et cetera, de la façon la plus antidémocratique qui se puisse imaginer.

M. Dorwart: J'en conviens.

Le sénateur Stratton: Ce n'est qu'un début.

Le sénateur Fairbairn: Dans votre mémoire, fort intéressant du reste, vous donnez tout à fait l'impression que vous ne devriez pas relever de la commission canadienne du blé.

Je viens de prendre connaissance du texte de loi. Tel qu'il est, il comporte une clause d'exclusion. Ne pourrait-elle pas s'appliquer à vos produits?

M. Dorwart: Je ne me souviens pas du libellé, mais s'agit-il d'une exclusion expresse à l'intention des agriculteurs biologiques?

Le sénateur Fairbairn: Non, mais si je peux en faire la lecture, monsieur le président, il est dit que:

[...] sur la recommandation du ministre, le gouverneur en conseil peut, par règlement, soustraire tout type, toute catégorie ou tout grade de blé, ou le blé produit dans telle région du Canada, à l'application de la présente partie [...]

Il s'agit ici expressément de blé et d'orge, mais je pense que les producteurs biologiques pourraient aussi se prévaloir de ce mécanisme.

M. Dorwart: C'est ce que nous demandons, être soustraits. J'ai fait parvenir plusieurs lettres à M. Goodale, et je n'ai pas moi-même reçu de réponse personnelle, mais le monsieur qui vient cet après-midi, lui, en a reçu une. Tout ce que nous voulons, c'est la chance de rester en activité.

Le sénateur Sparrow: Y a-t-il quelque part un organisme gouvernemental, une commission du blé ou tout autre organisme phytosanitaire où il y a une définition de produit biologique ou de producteur biologique au Canada? Vous avez parlé d'un organisme international, mais il ne semble n'y avoir aucune définition de produit ou de producteur biologique.

M. Dorwart: Je ne suis pas certain de comprendre la question. Il y a plusieurs organismes certificateurs, pas seulement un. Nous étudions chacun d'eux pour voir lequel correspond le mieux à nos besoins. Vous dites que dans la Loi sur la commission canadienne du blé, il y a une disposition?

Le sénateur Sparrow: Rien dans la Loi sur la commission canadienne du blé ne définit ce qu'est un produit ou un producteur biologique. En vertu de la loi fédérale sur la santé et les aliments, il n'y a pas de définition de produit biologique. En vertu de cette loi, on ne peut pas vendre un produit biologique enregistré auprès des autorités fédérales de la santé et des aliments.

Je pense qu'il faudra des définitions, sans quoi n'importe qui peut dire à la commission canadienne du blé qu'il a produit du blé biologique. J'ai raison?

M. Dorwart: N'importe qui peut se déclarer producteur biologique aujourd'hui, mais un organisme reconnu n'accorderait pas sa certification à n'importe qui.

Le sénateur Sparrow: Mais il n'y a pas d'organisme de certification canadien. Vous parlez d'un organisme international, mais y a-t-il quelque chose en droit canadien?

M. Dorwart: Le Conseil consultatif de la production biologique (CCCPB) prépare actuellement des normes. Elles devraient être communiquées au Parlement prochainement.

Le sénateur Sparrow: Si vous vendiez du blé biologique à la commission canadienne du blé, seriez-vous obligé de livrer le produit? La Commission pourrait-elle vous garantir qu'une fois votre blé livré vous pourriez le récupérer? Est-ce que c'est prévu?

M. Dorwart: Non, cela n'est prévu nulle part, à ma connaissance. Dès que le blé tombe dans la trémie, on a perdu la maîtrise de l'intégrité du produit. La trémie et les installations de rechargement devraient être inspectées chaque fois, parce que le produit pourrait être contaminé par une autre culture.

Le sénateur Sparrow: Il faudrait donc certifier le producteur biologique et son produit et prévoir les endroits où le produit pourrait être vendu et racheté, si nécessaire, sans quitter la ferme?

M. Dorwart: Oui, c'est cela qui est difficile. La plus grande partie de la production est suivie d'un maillon à l'autre de la chaîne et il n'y a pas de dérogation.

Le sénateur Sparrow: L'intégrité du produit est-elle menacée?

M. Dorwart: Oui, tout à fait. Au nom de notre section, nous vous remercions tous d'être venus jusqu'ici. Je suis certain que quantité d'autres choses vous appellent ailleurs. Cela fait plaisir d'être entendu.

Le président: J'invite maintenant à comparaître le groupe Western Canadian Wheat Growers, représenté par M. Larry Maguire, président, et Alanna Koch, directrice générale.

M. Larry Maguire, président, Western Canadian Wheat Growers Association: Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs d'avoir pris la peine de tenir ces audiences dans les Prairies et en particulier ici à Regina, pour ainsi dire la capitale du blé et le berceau de la Western Canadian Wheat Growers, qui a établi ici son siège.

Mesdames et messieurs les sénateurs, l'impression générale, c'est que le comité ne se prononcera que sur la clause d'inclusion ou d'exclusion et qu'il entérinera l'amendement Goodale. Nous n'arrivons pas à croire que le rôle constitutionnel du Sénat sera subverti aussi facilement et nous sommes convaincus que le comité arrivera lui-même à ses conclusions.

Le comité doit savoir que le projet de loi C-4 rencontre l'opposition de la quasi-totalité des exploitations et du secteur agricole de l'Ouest du pays. J'en ai noté une vingtaine pour vous dans notre mémoire, que vous avez entre les mains et que je vais me contenter de résumer. J'ai aussi noté un ou deux partisans du projet de loi.

Il faut se rappeler que ce sont les agriculteurs désireux d'exercer un choix dans la façon de commercialiser leurs céréales qui sont à l'origine du mouvement de réforme de la commission canadienne du blé. C'est d'ailleurs ce qu'avait recommandé le Groupe spécial de commercialisation du grain de l'Ouest, mais le gouvernement a choisi de ne pas en tenir compte. Le projet de loi C-4 est un pas en arrière; c'est une reculade qui nous enlève ce choix.

J'attire votre attention sur le préambule de notre mémoire où il est question d'un événement très important survenu en Ontario. Cela se trouve au bas de la page 1. Je lis:

Depuis la dernière fois que nous avons exprimé notre avis au gouvernement, lors des séances du comité permanent de la Chambre des communes de l'agriculture et de l'agroalimentaire, un événement survenu en Ontario a changé du tout au tout le débat autour du projet de loi C-4. Nous parlons de la décision prise par l'Office de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario lors de la conférence des délégués tenue les 5 et 6 mars 1998 entérinant par 90 voix pour et 10 voix contre l'«option officielle de commercialisation hors Commission» a l'intention des producteurs de blé de l'Ontario.

Cette décision a rendu absolument intolérable la position des producteurs de blé de l'Ouest. Il est inconcevable que perdure au Canada une situation où des professionnels du même secteur soient contraints d'exercer leurs activités dans des conditions aussi radicalement différentes.

À la suite de la décision que les producteurs de blé de l'Ontario ont prise grâce à leur régime d'administration interne, il y a maintenant deux classes de producteurs de blé au Canada: les producteurs de l'Ontario, qui peuvent choisir le mode de commercialisation de leurs récoltes, et les producteurs de l'Ouest, qui sont à la merci d'un monopole. En toute justice, cette situation ne peut pas durer.

Vu ce revirement de la situation, la Western Canadian Wheat Growers Association tient à formuler sa principale recommandation concernant le projet de loi C-4:

Il est recommandé que le projet de loi C-4 soit modifié pour offrir aux producteurs de blé de l'Ouest une option de commercialisation hors Commission identique en tout point à celle offerte aux producteurs de l'Ontario.

Si le gouvernement fédéral souhaite mettre fin à la controverse et à la désobéissance civile à laquelle un grand nombre d'agriculteurs se sentent contraints pour faire valoir leurs droits, c'est ce qu'il doit faire.

En revanche, si le gouvernement force l'adoption du projet de loi C-4 au Parlement sans apporter cette modification, les conséquences politiques seront graves. Le gouvernement a maintenant l'occasion d'offrir aux producteurs de l'Ouest une option de commercialisation, comme l'a recommandée le Groupe spécial de commercialisation des grains de l'Ouest, et le comité a l'occasion de formuler cette recommandation.

L'autre partie du mémoire sur laquelle je veux attirer votre attention commence à la page 6, où il est dit que le projet ontarien ne peut pas être mis en oeuvre en conformité avec le projet de loi C-4. Je lis:

Le ministre responsable de la commission canadienne du blé a déjà soutenu que les dispositions du projet de loi C-4 permettront au nouveau conseil d'administration d'offrir aux producteurs de blé de l'Ouest la même option officielle de commercialisation hors Commission, qui a été adoptée en Ontario. Même si cela est possible en théorie, cela nous paraît impossible du point de vue pratique, pour les raisons suivantes:

1. La CCB n'a pas pour mandat de protéger les agriculteurs de l'Ouest. Rien dans le texte de loi ne changera quoi que ce soit à cette situation [et certains tribunaux se sont prononcés là-dessus].

2. Le projet de loi oblige les administrateurs à agir au mieux des intérêts de la commission, et non au mieux des intérêts des agriculteurs. Il est peu probable que le nouveau conseil d'administration estime que mettre fin au monopole de la commission serve au mieux ses intérêts, même si cela servait au mieux les intérêts des agriculteurs.

3. Les administrateurs nommés et le PDG nommé par le gouvernement obéiront aux consignes du gouvernement, et non aux voeux des agriculteurs. Ce qui est arrivé au projet de loi C-4 montre très bien que le gouvernement actuel appuie vigoureusement le statu quo et va à l'encontre des intérêts des agriculteurs qui souhaitent une réforme. Même si la totalité des agriculteurs élus voulaient adopter la formule ontarienne, ils ne pourraient pas le faire.

4. Chose plus importante encore, la conséquence la plus probable de l'option exercée par les producteurs sera une scission au sein du conseil d'administration. Dans la pratique, le fait de transformer la salle du conseil de la commission canadienne du blé en arène du débat pour et contre la commercialisation centralisée garantit qu'il n'y aura pas de changement. La conséquence la plus probable du projet de loi C-4, c'est la paralysie du conseil d'administration.

L'association des producteurs de blé a déclaré à plusieurs reprises que la politique de commercialisation doit être débattue dans l'arène politique, et non au conseil de la commission canadienne du blé. Il est donc faux de dire que les agriculteurs pourront déterminer la politique de commercialisation et donc adopter la formule ontarienne.

Je vais maintenant parler d'autres parties du mémoire. Dans nos communications précédentes avec le gouvernement, nous avions certaines recommandations, qui ne tiennent toujours que si le gouvernement fédéral s'acharne à ne pas tenir compte de l'avis des groupes de producteurs de l'Ouest du pays et continue de malmener le processus démocratique. Je vais toutefois les passer en revue brièvement.

Si le gouvernement refuse de réparer l'injustice commise par la décision en Ontario et propose toujours sur la place publique le projet de loi C-4 comme réforme de la commission canadienne du blé, nous faisons la recommandation suivante:

Que la poursuite de l'examen du projet de loi C-4 soit retardée jusqu'à ce que le juge Willard Estey ait terminé son étude du transport des céréales. Cette recommandation repose sur la possibilité que l'étude actuelle aboutisse à des recommandations de changements aux attributions de la commission canadienne du blé en matière de transport et à des modifications de la Loi sur la commission canadienne du blé. Modifier la Loi sur la commission canadienne du blé après l'âpre controverse du projet de loi C-4 sera politiquement impossible, ce qui risque de compromettre la mise en oeuvre des recommandations du juge Estey.

Si évidemment le gouvernement va de l'avant, il faudra se pencher sur les clauses d'inclusion et d'exclusion, qui sont l'élément le plus destructeur du projet de loi. Nous recommandons ce qui suit:

Que les clauses d'inclusion et d'exclusion du projet de loi soient éliminées et que l'article 25 du projet de loi, qui abroge l'alinéa 46 b) de l'actuelle Loi sur la commission canadienne du blé, soit lui aussi éliminé.

Le but de cette recommandation est de conserver les dispositions relatives à l'exclusion et à l'inclusion d'une culture telles quelles dans la Loi sur la commission canadienne du blé.

Nos autres recommandations portent sur l'amendement Goodale et les autres recommandations qui, avant la décision prise en Ontario, auraient pu selon nous rendre le texte du projet de loi C-4 acceptable aux agriculteurs de l'Ouest. Nous ne croyons plus que ce soit le cas. L'injustice est trop flagrante pour que les agriculteurs de l'Ouest puissent accepter le projet de loi.

Les autres recommandations qui figurent dans ce mémoire vous sont soumises au cas où le gouvernement persisterait aveuglément à adopter le projet de loi C-4. Elles permettraient de niveler les contrastes les plus flagrants qui existent entre les producteurs de blé de l'Ouest et ceux de l'Est.

Sénateurs, nous répondrons volontiers aux questions que vous voudrez bien nous poser.

Le sénateur Stratton: Nous avons entre les mains un communiqué de l'Office de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario qui a déclaré son retrait de la commission canadienne du blé lors de sa séance des 5 et 6 mars dernier. Je ne me rendais pas compte que le vote avait été aussi décisif, 90 pour et 10 contre.

Quoi qu'il en soit, l'honorable Eric Upshall, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire de la Saskatchewan, a déclaré sans équivoque que malgré le fait que des gens étaient mis en prison et malgré cette résolution de l'Office de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario, la commission canadienne du blé devrait tenir bon et continuer d'exiger que les producteurs vendent leur blé par l'intermédiaire de son comptoir unique, sans possibilité de retrait.

Je lui ai fait remarquer qu'il y avait un désir de se dégager de l'emprise de la commission du blé. Des producteurs s'adonnent à certaines cultures tout simplement dans ce but-là. La volonté de se retirer est si ferme que les gens sont prêts à aller en prison.

Cela dit, les membres du comité siégeant ici représentent un point de vue et vous représentez l'autre. Il faut reconnaître à l'évidence que nous sommes en présence de deux solitudes et c'est pourquoi je vous demande si vous entrevoyez un moyen de concilier l'une et l'autre, non pas sur-le-champ, mais avec le temps, à la satisfaction des deux parties, même si cela ne peut pas se faire totalement, car il vous faudra mettre de l'eau dans votre vin. Comment, avec un peu de temps, pourrait-on y parvenir pour empêcher les effroyables difficultés qui surgiront si ce projet de loi est adopté?

M. Maguire: Pour ce qui est des choix, il faudra demander au ministre Upshall si les porcs valent mieux que le blé. Il essaie de créer un régime de commercialisation double. Nous le félicitons d'avoir pris cette initiative. Je ne plaisante pas.

Effectivement, il y aurait selon nous des mécanismes qui permettraient de régler la situation. Il y a des années que nous présentons des recommandations dans ce sens. Nos membres adhèrent de plein gré à notre organisation qui est la plus importante au Canada, et, depuis des années, nous présentons des solutions responsables pour régler nombre de ces questions. Tout a commencé parce que les agriculteurs souhaitaient disposer de plus de choix et, en même temps, il faut tenir compte du point de vue de ceux qui veulent conserver le monopole. Par conséquent, nous disons que l'on ne peut plus tolérer qu'une région du pays se donne la possibilité de vendre le même produit que nous sur le marché libre. Nous voulons avoir le choix d'en faire autant.

Dans d'autres pays, on a fait la même chose. En Australie, la commission nationale du blé a pris un virage vers la privatisation. Les agriculteurs australiens peuvent vendre leur blé à la commission australienne suivant neuf modalités différentes. Il y a des différences géographiques mais ce genre de mécanismes pourraient très bien servir ici.

L'automne dernier, nous avons présenté trois recommandations au comité permanent. Nous avons proposé que l'on retire la clause d'inclusion; deuxièmement, nous avons proposé que la commission ne s'occupe plus de la commercialisation de l'orge car elle n'achète plus beaucoup d'orge fourragère et cela se reflète sur le prix des autres variétés d'orge. Troisièmement, nous avons proposé un compromis de taille, à savoir la possibilité que les agriculteurs vendent 25 p. 100 de leur production eux-mêmes, en fixant le prix d'après celui du marché à terme. La référence serait les marchés de Chicago, de Minneapolis ou de Kansas City, car le blé de meunerie ne fait pas partie des denrées négociées à la bourse de Winnipeg. Ainsi, l'agriculteur pourrait vendre cette denrée sur le marché ouvert s'il le souhaite, liquider sa production sur le marché à terme et, le moment venu, livrer à la commission canadienne du blé la totalité de son blé.

Le plus important pour la commission canadienne du blé est de disposer de la totalité du blé à vendre. C'est une idée des bureaucrates d'Ottawa qui s'est propagée aux provinces et à la commission elle-même. La Commission souhaite uniformiser le prix du grain offert aux agriculteurs, mais cette façon de faire ne tient pas vraiment compte des forces du marché. Il n'y a aucune souplesse possible quand on fixe un prix uniforme, quand le prix est déterminé, quand on l'annonce en disant que c'est à prendre ou à laisser.

Notre organisation souhaite que les choix de gestion soient plus nombreux. Nos adhérents doivent pouvoir profiter de ces marchés, le marché à terme et le marché des options, et il leur faut pouvoir signer des contrats à livraison différée. Déjà, pour l'automne prochain, nous avons signé ce genre de contrats pour l'avoine. Nous en avons réservé une petite quantité sur une base limitée -- juste ce qui nous satisfait -- pour livraison l'automne prochain. De nos jours, les agriculteurs disposent de ce genre d'outils qui n'existaient pas du temps de mon père, voire il y a cinq ou dix ans.

Ainsi, pour répondre à votre question, oui, il existe des solutions. Mais les choses piétinent tellement depuis le début des années 90. C'est à ce moment-là que la tendance a commencé à se profiler et elle s'est accentuée avec la modification soudaine de la subvention du Nid-de-Corbeau qui a donné lieu à de grands bouleversements dans l'Ouest canadien, des bouleversements si importants qu'on a du mal à s'imaginer les changements qui se produisent dans les exploitations agricoles de nos jours. Les agriculteurs souhaitent plus que jamais être en mesure de gérer leur propre risque, et ce beaucoup mieux qu'auparavant.

Ainsi, nos adhérents nous disent qu'ils doivent avoir ce choix. Les délibérations de votre comité ont commencé après le débat à la Chambre et entre-temps, la décision ontarienne est intervenue. Voilà pourquoi nous vous demandons de recommander au gouvernement fédéral d'envisager la possibilité d'un retrait de la commission canadienne du blé comme l'Ontario l'a fait. Si le gouvernement fédéral retenait cette recommandation, le reste de nos recommandations n'auraient plus lieu d'être.

Le sénateur Stratton: Je tiens à signaler qu'hier nous avons entendu un exposé sur les prix à terme, ce que l'on appelle en fait l'article Archibald.

M. Maguire: Oui, M. Archibald a abordé ce sujet hier à Brandon. Nous aussi, nous vous présentons plus ou moins la même chose. Nous l'avons présenté à Ottawa, dans les provinces et à la commission canadienne du blé, et les réactions sont encourageantes.

Le sénateur Stratton: À la bonne heure. Si la commission canadienne du blé ne retient pas cette recommandation et si l'Office de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario dispose de cette possibilité de désistement pour ses exportations vers les États-Unis -- et je suppose que ma question est tendancieuse, mais je la pose néanmoins -- , les provinces du Manitoba et de l'Alberta sont-elles susceptibles d'emboîter le pas à l'Ontario? Qu'est-ce qui empêcherait une autre province d'en faire autant?

M. Maguire: Pour l'instant, le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta sont tenues au monopole.

Le sénateur Stratton: Mais leurs gouvernements ne pourraient-ils pas prétendre en faire autant à l'instar de l'Ontario?

M. Maguire: Oui. L'Alberta a déjà cette prétention et le Manitoba s'est prononcé contre la clause d'inclusion dans le projet de loi. Pour d'autres denrées, la Saskatchewan offre un grand nombre de choix de commercialisation possibles.

Mme Alanna Koch, directrice exécutive, Western Canadian Wheat Growers Association: Pour la gouverne du sénateur Stratton, l'Alberta a effectivement essayé de mettre en place le système ontarien pour permettre précisément aux agriculteurs albertains de contourner le monopole.

On a tenu un plébiscite en Alberta et une majorité écrasante d'agriculteurs albertains ont demandé de pouvoir choisir de se retirer du monopole. Dans ce plébiscite, on a employé une formulation tout à fait positive et on a agi dans le plus grand respect des règles. Manifestement, les agriculteurs albertains souhaitent être libérés de l'emprise du monopole.

Le gouvernement de l'Alberta, après avoir élaboré une politique et un programme, a présenté un renvoi à la Cour d'appel de l'Alberta pour s'assurer qu'en tant que province, l'Alberta pouvait se retirer de l'emprise du monopole de la commission canadienne du blé. Actuellement, l'affaire est toujours devant les tribunaux. La Commission canadienne du blé et le gouvernement du Canada ont, à deux reprises, retardé les procédures d'audition de ce renvoi à la Cour d'appel de l'Alberta. On a l'impression que la commission canadienne du blé et le gouvernement du Canada redoutent ce recours aux tribunaux.

Ce n'est certainement pas parce que le gouvernement de l'Alberta n'a pas essayé. Tout au contraire.

Le sénateur Hays: Vous avez dit que la situation est meilleure pour l'Office de commercialisation du blé de l'Ontario, étant donné leur décision. Or, en Ontario, la décision correspondait à la recommandation de l'Office. On a fait appel à l'Office pour modifier la situation dans une région de commercialisation et le principal objectif du projet de loi C-4 est de mettre en place une commission qui pourrait en faire tout autant, malgré les difficultés, et nous le reconnaissons tous. J'aimerais entendre votre réaction, monsieur Maguire?

M. Maguire: Je tiens à préciser dans un premier temps qu'il s'agit d'une loi habilitante.

Dans l'Ouest, nous avons perdu beaucoup de temps à débattre de ces choix. Le débat s'est engagé au début des années 90; il y a eu une décision unanime du groupe spécial en 1996; et nous voilà maintenant en 1998, et rien n'a encore été mis en place dans l'Ouest. D'autres vont de l'avant et tentent de mettre en place les changements, mais nous n'avons pas la même procédure démocratique qu'en Ontario.

N'oubliez pas que le président-directeur général continuera d'être nommé par le gouvernement ainsi que quatre autres administrateurs. J'ai énoncé quatre ou cinq des raisons pour lesquelles nous croyons que même si le projet de loi C-4 est adopté et appliqué, nous ne croyons pas que notre processus aboutira rapidement à de véritables choix.

Ainsi, si nous devons attendre qu'aboutissent les pourparlers techniques au sein de l'Organisation mondiale du commerce, nous craignons que l'Ouest ne rate de belles occasions de développement économique et notamment l'implantation de meuneries et d'usines de transformation dont nous avons besoin maintenant. Certaines entreprises viennent s'établir mais, comme nous l'avons dit déjà, il y a au moins huit meuneries pour le blé qui s'ouvrent au Dakota du Nord et au Manitoba et, croyez-le ou non, une usine pour le blé dur en Illinois. On n'y cultive même pas de blé, mais la meunerie sera plus proche des débouchés. Je comprends la raison d'être de ce choix.

Le sénateur Hays: Vous avez rappelé que la direction et la conduite des affaires de la commission seront assurées par un conseil d'administration investi, à ces fins, de tous les pouvoirs conférés à la commission. Ce qui vous inquiète, c'est que le conseil d'administration ne sera pas en mesure de traiter efficacement ce que vous appelez les questions politiques de choix. Pouvez-vous nous préciser votre pensée?

Ils seront investis des pouvoirs de la commission et c'est une importante commission. Pour faire une analogie avec le marché boursier, cela met en présence des actionnaires et un conseil d'administration. Que diriez-vous si le libellé du projet de loi était éclairci? On pourrait dire que le conseil d'administration a les pouvoirs et les attributions énoncés ici mais que le conseil doit aussi prendre des décisions qui correspondent aux meilleurs intérêts du district que représente le conseil. Auriez-vous moins de réserves si l'on ajoutait des précisions au texte et pourriez-vous alors devenir partisan de la commission canadienne de blé?

M. Maguire: Je comprends exactement ce que vous essayez de dire, sénateur Hays. Si la loi disait très clairement -- et c'est l'une des choses que nous réclamons -- que le conseil d'administration élu serait responsable envers les cultivateurs de la région, cela aiderait certainement à préciser les choses.

Le sénateur Hays: Je pense pour ma part que c'est déjà le cas puisqu'il ne s'agit pas d'une personne morale ordinaire. Ce ne serait pas le cas à moins que le conseil d'administration décide de privatiser la commission à l'avenir, ce qui nécessiterait un décret et l'approbation de toutes les parties prenantes. Mais comme cela surviendrait après l'adoption du projet de loi C-4, il me semble que même sans les précisions dont nous venons de parler, les administrateurs élus auraient à rendre compte à ceux qui les auraient élus. Ce ne serait pas une relation semblable à celle entre les membres d'un conseil d'administration et les actionnaires d'une grande entreprise classique. Mais vous préféreriez que le libellé soit éclairci.

Monsieur le président, je sais que le temps file et je vois le sénateur Whelan au fauteuil. Cela vous empêche sans doute de poser des questions, mais je reviendrai à celle-ci plus tard si le temps nous le permet.

Le sénateur Eugene Whelan (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président: Le sénateur Whelan d'abord, suivi du sénateur Taylor.

Le sénateur Hays: Je crois que M. Maguire souhaitait répondre.

M. Maguire: Ce qu'il m'apparaît important de souligner, c'est que si nous avions ce qu'a déjà l'Ontario, nous ne serions pas ici aujourd'hui, et eux n'ont pas cinq administrateurs nommés à leur conseil d'administration. Tous les administrateurs sont élus et responsables, et ils embauchent et congédient leur propre PDG et, malgré cela, le gouvernement fédéral garantit leur prix initial.

Le vice-président: À une certaine époque, ils ont été élus de façon très démocratique en Ontario. Je me souviens tout le mal que nous nous sommes donné pour obtenir qu'ils soient élus et nous pouvions compter sur le soutien d'environ 90 p. 100 des producteurs.

Si vous lisez attentivement le projet de loi, vous verrez que ces dispositions n'entrent pas en vigueur cette année. Elles n'entreront en vigueur qu'en 1999, de sorte qu'ils n'ont pas encore ce qu'on leur a accordé d'après vous. Les délégués ont rejeté l'option qu'ils avaient d'en discuter avec les producteurs, ce qui indique leur appui pour la mise en commun et la commission. Ils comprennent que les nouveaux mécanismes de commercialisation proposés ne seront pas mis en place du jour au lendemain si l'on veut assurer un fonctionnement harmonieux avec l'Office de commercialisation actuel.

L'office n'existera peut-être même plus l'an prochain. Sur les quelque 20 000 producteurs, 1 000 seulement ont assisté à la réunion. Ils tiennent pour acquis que tout ira comme sur des roulettes. Tout ce que je dis c'est que rien n'est encore fait. Cela pourrait ne pas se faire.

Permettez-moi de dire ceci. J'ai voulu assister à la réunion en ma qualité d'administrateur d'origine. Je n'ai pas pu. Pourquoi craignaient-ils ce vieux cultivateur à la retraite et sénateur qui s'y connaît quand même un peu?

Dans ce pays, 80 p. 100 du secteur meunier est contrôlé par une seule entreprise, Archer Daniels Midland. Avec un tel contrôle, on ne peut guère parler d'un système de libre commercialisation. C'est incroyable.

M. Maguire: Vous devriez peut-être formuler une recommandation à l'intention du programme fédéral anticoalition.

J'aimerais bien savoir pourquoi le scrutin que proposait de tenir la commission de commercialisation des produits agricoles de l'Ontario, qui aurait exigé un monopole des deux tiers en Ontario, a été annulé dix jours avant que les bulletins de vote ne soient envoyés aux agriculteurs. Les agriculteurs à la base souhaitaient ce scrutin. Je ne connais pas la réponse.

Le vice-président: La décision a été prise au gouvernement de l'Ontario et vous devriez donc leur adresser vos questions. Quelqu'un à la commission de commercialisation des produits agricoles de l'Ontario a décidé que ce scrutin serait annulé. Il y a eu une discussion sur les principes démocratiques.

M. Maguire: Vous devez vous adresser aux membres de la commission de commercialisation des produits agricoles de l'Ontario. Vous avez absolument raison.

Le sénateur Taylor: Je suis intrigué par votre comparaison avec l'Ontario. Depuis quelques jours, j'essaie de comprendre exactement ce qui s'est passé et j'obtiens encore des rapports contradictoires.

J'en conclus que cette possibilité de retrait facultatif ne s'applique qu'aux exportations vers les États-Unis et j'aimerais savoir si votre organisation serait prête à accepter cela si c'est la seule façon de faire accepter la proposition.

M. Maguire: Nous disons souhaiter exactement ce qu'ils ont.

Le sénateur Taylor: Tout ce qu'ils ont, c'est le droit d'exporter aux États-Unis.

M. Maguire: Comme l'a signalé le sénateur Whelan, ils ne l'ont pas encore. Cela reste à confirmer par le conseil d'administration et, au 30 novembre, ils devront indiquer s'ils sont en mesure de vendre toute leur récolte et s'ils souhaitent le faire.

C'est un retrait facultatif qui s'appliquerait à la récolte tout entière devant être écoulée sur le marché américain en 1999. La récolte de blé d'hiver semé à l'automne de 1998 est celle qu'ils pourront vendre l'an prochain; il ne s'agit pas du blé qui n'est pas encore récolté. Pour 1999, le 30 juin est la date à retenir pour les récoltes de printemps.

Le sénateur Taylor: S'agirait-il uniquement des cultures exportées?

M. Maguire: Oui. Toutefois, il faudrait qu'ils s'engagent à exporter la totalité de leur récolte de blé.

Le sénateur Taylor: J'imagine qu'il leur faudrait obtenir un permis d'exportation de l'Office ontarien. Est-ce que cela vous irait?

M. Maguire: C'est inexact. À l'heure actuelle, les agriculteurs de l'Ontario peuvent vendre leur blé aux États-Unis mais ils doivent obtenir l'autorisation de l'Office de commercialisation du blé de l'Ontario, et, en leur nom, l'office demanderait à la commission canadienne du blé d'émettre un permis d'exportation. La Commission canadienne du blé est la seule entité au Canada à pouvoir émettre un permis d'exportation. Les cultivateurs de l'Ontario devront continuer d'obtenir un permis d'exportation de la commission canadienne du blé mais ils n'auront plus à le demander par l'entremise de l'Office de commercialisation du blé de l'Ontario.

Le sénateur Taylor: Est-ce que cela vous satisferait?

M. Maguire: Depuis des années nous réclamons les mêmes privilèges de rachat qu'ont les producteurs de l'Ontario. Ils ne sont tenus à aucun régime de rachat et leurs demandes sont approuvées d'office, et nous réclamons la même possibilité de vendre dans un autre marché.

Mme Koch: En réponse à la question du sénateur Taylor, qui demandait si nous serions satisfaits du programme ontarien, eh bien, c'est ce que nous sommes prêts à accepter maintenant. C'est certainement ce que réclame la Wheat Growers' Association.

Le sénateur Taylor: Vous prendrez un hamburger aujourd'hui mais vous voulez le bifteck demain.

M. Maguire: Nous voulons nous retrouver dans la même situation que les autres.

Mme Koch: C'est ça. Cela tient de la notion d'un marché continental. Les cultivateurs de l'Ouest veulent certainement pouvoir choisir et ils veulent pouvoir vendre leurs récoltes. Si le modèle ontarien doit être notre point de départ, c'est certainement un bon début.

Le sénateur Sparrow: D'abord, l'Office de commercialisation du blé de l'Ontario n'a pas accordé pareille chose. Un seul vote a eu lieu et c'était à une réunion de délégués et le conseil d'administration ne prendra pas de décision avant sa réunion du mois d'avril. La recommandation qu'on leur fera c'est d'autoriser un retrait facultatif d'un an. Sans aller jusqu'à mettre en place un double système de commercialisation, nous dites-vous que vous seriez satisfaits de la possibilité de retrait pour un producteur, et quelle serait la durée maximale du retrait après quoi le producteur ne pourrait plus revenir à l'office?

M. Maguire: Ce n'est qu'un début.

Les producteurs de l'Ontario peuvent se retirer pour un an et c'est ce que nous demandons dans notre mémoire. Beaucoup de nos membres ont même dit qu'ils opteraient pour un retrait permanent s'ils en avaient la chance, mais ce n'est pas ce que nous préconisons.

Le sénateur Sparrow: Vous recommandez donc un retrait d'un an?

M. Maguire: À l'heure actuelle, oui. Nous disons en fait que la commercialisation d'un même produit doit se faire selon les règles en vigueur ailleurs au Canada.

Le sénateur Sparrow: Savez-vous que l'Office de commercialisation du blé de l'Ontario n'a pas fixé cette condition?

M. Maguire: Oui, bien que d'après nos sources, cette recommandation sera ratifiée lors de la réunion de l'office. Ils estiment que c'est là un énorme compromis: de vendre leur blé en Ontario afin de pouvoir profiter des autres avantages qu'offre l'Office ontarien.

Le sénateur Sparrow: J'aimerais poser une question complémentaire à la précédente. Les producteurs seraient obligés de s'engager pour la totalité de leur production. S'ils ne vendaient pas toute leur production, garderaient-ils le reliquat du produit en entrepôt afin de le vendre pendant la campagne agricole suivante?

M. Maguire: Il se peut qu'ils s'engagent pour des volumes donnés, puisque cela se fait au moment des semis. Au moment des semis, ils s'engagent à vendre tel ou tel volume. La proposition a été faite à la commission canadienne de blé vers 1989. Si je me souviens bien de l'époque où je siégeais au Comité consultatif de la commission canadienne du blé, la proposition a été mise de l'avant dans les années 70 par l'un des commissaires. C'est une idée qui ne date pas d'hier.

Nous soutenons que notre secteur doit obtenir le droit de choisir et qu'une décision doit être prise sur le retrait facultatif.

S'agissant du retrait facultatif, nous croyons savoir que la décision sera fonction des emblavures. Le producteur ne peut pas connaître le volume auquel s'appliquerait le retrait facultatif avant le moment de la récolte mais doit prendre sa décision au moment des semis.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

Le président: Monsieur Maguire, pourriez-vous nous faire un court résumé de votre exposé?

M. Maguire: Comme vous l'avez sans doute senti, nous mettons davantage l'accent sur le choix que nous ne le faisions auparavant. Nous avons déjà tenté d'en arriver à un compromis; le débat sur la subvention du Nid-de-Corbeau a duré des décennies. Il s'en trouvait pour croire que tout changement à cette subvention détruirait tous les petits villages de l'Ouest et c'est exactement le contraire qui s'est produit.

Le choc a été brutal puisque cela s'est fait du jour au lendemain. C'est aussi un fait que le gouvernement a privatisé le CN. Comme vous le savez sans doute, l'abandon de la subvention du Nid-de-Corbeau a été un changement énorme et soudain et, pourtant, nous devons pouvoir gérer nos propres risques. Voilà pourquoi nous défendons si fermement cette position et c'est pour cela que nous avons longuement réfléchi à notre position sur les divers éléments du projet de loi C-4.

Il s'en trouve pour dire que dans trois ou cinq ans nous aurons quoiqu'il arrive le choix quant à la commercialisation de notre blé, et je comprends bien ce qu'ils disent. Le débat dure depuis dix ans. Nous devrions tirer les leçons des débats que nous avons eus dans l'Ouest. Dans le passé, nous avons tenté de mettre en place des mécanismes qui donneraient le choix à ceux qui le veulent tout en permettant à la commission de vendre la production de ceux qui veulent vendre par son entremise. Or, il est maintenant évident que d'autres régions ou d'autres provinces accordent à leurs producteurs beaucoup plus de choix que nous n'en avons dans l'Ouest.

Le coût des intrants augmente et les cultivateurs doivent à titre individuel être libres de choisir ce qui leur convient le mieux. Les témoins précédents ont réclamé le droit de prendre leurs propres décisions sans autant d'ingérence de la part du gouvernement grâce aux mécanismes des sociétés de crédit agricole. Ils ne veulent surtout pas devoir compter sur des subventions qui seraient versées par la commission canadienne du blé: cela sonnerait rapidement le glas de la CCB. Le ministre Vanclief est à revoir les mécanismes de soutien du revenu agricole et nous participons aux consultations puisque nous croyons que c'est dans le cadre de programmes pareils qu'il faut accorder des subventions.

Nous devons pouvoir choisir dans l'Ouest. Tous les choix que nous avions énumérés à l'intention du comité de l'agriculture et de l'agroalimentaire en septembre dernier sont maintenant périmés en raison d'événements intervenus depuis que votre comité a annoncé qu'il se rendrait dans l'Ouest canadien pour entendre nos témoignages.

Le sénateur Stratton: Si nous voulons adopter une position bien réfléchie dans ce dossier, nous devons savoir s'il y aura une réunion du conseil d'administration de l'Office de commercialisation du blé de l'Ontario en avril et où elle aura lieu. Les résultats de cette rencontre auront une importance critique pour nos délibérations; nous devons savoir ce que décidera le conseil d'administration de l'Office de commercialisation du blé de l'Ontario en ce qui a trait au marché du blé dans cette province.

Le président: C'est juste. D'abord, nous demanderons à nos témoins de se présenter et de nous dire ce qu'ils cultivent et dans quelle région.

M. Norman Baker: Merci, monsieur le président. Je m'appelle Norman Baker. Je suis né dans une ferme située au sud de Regina où j'ai grandi et où j'ai acquis l'intérêt que je voue depuis à l'agriculture. Je suis ravi de pouvoir vous parler aujourd'hui du projet de loi C-4.

L'une des choses que je voulais signaler, c'est que le projet de loi C-4 représente la façon dont la commission canadienne du blé devrait fonctionner selon Ralph Goodale et non pas selon les cultivateurs eux-mêmes. Contrairement à ce que dit Ralph Goodale, ce texte a des incidences sur les cultivateurs.

Toutes ces questions sont extrêmement importantes, mais l'élément le plus fondamental qu'on trouve dans le projet de loi C-4, c'est qu'il bat en brèche les droits et libertés du cultivateur. C'est cela le véritable problème, et toutes les autres questions sont secondaires. Rien ne justifie que le Canada ait des lois aussi léonines. Le projet de loi C-4 s'en prend directement aux droits de propriété, aux droits individuels et aux droits à l'égalité. Il s'en prend directement aux libertés civiles, ainsi qu'aux libertés fondamentales de tous les Canadiens. Il s'agit d'un abus de pouvoir tyrannique et injuste. J'ai servi pendant la Deuxième Guerre mondiale et à ce moment-là, s'il le fallait, notre devoir était de donner notre vie pour protéger ces libertés. Et encore aujourd'hui, je préférerais mourir pour les protéger que d'être contraint au silence par l'intimidation.

Mesdames et messieurs, je vous exhorte de bien réfléchir à la question des droits et des libertés individuels. Il s'agira sans aucun doute d'un des problèmes les plus fondamentaux dont vous aurez à vous saisir. Il vous appartient de déterminer si les Canadiens seront libres ou s'ils vont être régis par la force.

Je vous exhorte de ne laisser personne vous pousser à prendre une décision à la hâte. D'après ce que j'ai pu entendre ici, je sais qu'il y a des gens qui vous poussent précisément à le faire, mais ne cédez pas.

Si vous étudiez avec tout le sérieux nécessaire cette mesure législative léonine, si vous lui accordez le temps et l'attention voulus, je suis persuadé que vous réussirez à la faire changer pour la mieux aligner sur les principes supérieurs d'une société libre et démocratique. Qu'il me soit permis de vous rappeler que c'est là votre responsabilité première, celle de faire en sorte que les droits et les libertés de tous les Canadiens soient protégés.

Le président: Merci. Nous entendrons les questions plus tard. Pouvez-vous décliner votre nom et la raison sociale de votre exploitation?

M. Don Baron: Je m'appelle Don Baron. Monsieur le président, je vous remercie de me permettre ainsi de prendre la parole devant vous. Comme certains d'entre vous le savent peut-être, je ne suis pas moi-même cultivateur. Notre exploitation agricole familiale était située dans la vallée de l'Outaouais. J'ai passé le plus clair de ma vie professionnelle comme journaliste: j'étais le rédacteur en chef du Country Guide pendant plusieurs années, et j'ai également assumé quelques autres fonctions.

Monsieur le président, merci de m'avoir invité à comparaître devant vous ce matin. Votre comité fait face à une tâche cruciale. Nous savons tous que la quête de la liberté est ce qui anime notre civilisation occidentale depuis plusieurs siècles déjà, mais la réalité est qu'au Canada, nous avons dépouillé les céréaliculteurs des Prairies de leur liberté de cultiver et de vendre leurs récoltes comme bon leur semble, ce qui nous a coûté à tous des milliards et des milliards de dollars.

Ces libertés doivent être rétablies, monsieur le président, et pourtant le projet de loi C-4 va précisément dans la mauvaise direction. La tâche qui vous appelle ne saurait être moindre que celle de décider du sort de la liberté individuelle dans l'industrie céréalière d'aujourd'hui.

Que nous dit l'histoire? Il y a un siècle, les premiers colons se sont acharnés à ouvrir ces terres vierges et, déjà en 1910, les quantités de céréales acheminées directement par les producteurs par la bourse des grains de Winnipeg étaient supérieures à ce qui passait par la bourse des grains de Chicago pourtant vieille déjà d'un demi-siècle. Winnipeg était devenu une ville de pionniers florissante, une ville qui comptait disait-on 19 millionnaires, deux seulement de moins que Toronto. Les Prairies étaient alors considérées comme la caverne d'Ali Baba du monde et elles étaient devenues le moteur même de l'économie du Canada.

Regardons maintenant ce que les Canadiens ont fait. Souvenons-nous des journées de cauchemar de la crise céréalière des années 70: des silos qui débordaient, des montagnes de céréales s'accumulant dans les champs. À Vancouver, English Bay était saturée par les cargos en attente de chargement alors que les cultivateurs à court d'argent se trouvaient contraints de revivre les jours d'antan où il leur fallait y aller au troc et amener eux-mêmes leur blé chez les courtiers pour obtenir en échange du matériel agricole, des véhicules et des fournitures. Notre plus riche grenier, mesdames et messieurs, faisait peau de chagrin autour de nous alors que c'est nous qui aurions dû montrer l'exemple en donnant à manger au reste du monde. Comment avons-nous pu en arriver là? Laissez-moi vous raconter une anecdote.

Mac Runciman, le président de l'Union des producteurs de grain était monté en ligne pour trouver les causes de l'échec du système. Il a finalement déclaré que notre système de manutention était un échec parce qu'il avait 20 ans de retard sur celui des Américains, que notre réseau ferroviaire n'était guère plus efficace que ce qui existait dans les années 30 lorsqu'on transportait le blé dans des charrettes à chevaux. La réalité était que le secteur céréalier des Prairies était dans le collimateur de la politique et que souvent le marché lui-même était négligé. Mais le pire de tout, c'est que les institutions politiques résistaient avec l'énergie du désespoir à tout changement.

Plusieurs initiatives furent alors prises. Le Conseil des grains du Canada fut créé et, dans son rapport de 1973, il corrobora le diagnostic de Runciman. En parlant d'une industrie littéralement enchaînée et incapable de répondre aux attentes des marchés. Mais ce rapport fut ignoré.

Une des initiatives a pourtant produit de gros dividendes. Les producteurs et les négociants commencèrent à s'intéresser à une nouvelle culture jusque-là obscure, le colza, qu'on appelle maintenant canola, un produit qui pouvait être vendu sans passer par l'entreprise du monopole des politiciens, sans être entravé par ses restrictions. Fonctionnant ainsi dans un environnement libre de toute contrainte, les producteurs et les négociants firent du canola la production magique du Canada, une production dont la valeur allait bientôt rivaliser avec celle du blé. Ils ont ainsi appris une leçon que nous n'osons pas oublier: si les producteurs et les négociants ont toute liberté d'action, rien n'est à leur épreuve.

Lorsque j'ai commencé à écrire mon nouvel ouvrage sur le pillage du blé, je savais qu'une question seulement avait de l'importance. Qu'est-ce qui a fait que les Canadiens laissent ainsi s'effriter cet énorme potentiel céréalier? En cherchant la réponse, j'ai découvert des choses qui m'ont littéralement fait disjoncter.

Paul Earl était un jeune professionnel du secteur céréalier qui avait décidé de poursuivre ses études supérieures. Dans sa thèse de doctorat, il a relaté une histoire qui devrait être dite à tous les Canadiens: comment, au début du siècle, les pasteurs protestants avaient réussi à s'attaquer aux États-Unis au problème de la pauvreté en milieu urbain. Ils avaient conclu qu'ils avaient découvert une nouvelle vérité universelle, et ils se sont mis à clamer: «abolissons le capitalisme», en prétendant que le capitalisme et le libre marché étaient à l'origine de toute la misère du monde.

Ce qu'ils disaient ainsi a fini par être baptisé du nom d'évangile social. Ils ont certes été tournés en dérision aux États-Unis mais au Canada, ces mêmes pasteurs furent accueillis à bras ouverts. Nous pouvons maintenant constater que ces prédicateurs, en montant à l'assaut du capitalisme et du libre marché, avaient oublié une vérité première, que le libre marché et la concurrence sont les fondements mêmes de la liberté individuelle et de la production de la richesse. Il n'empêche que ces «prédicateurs sociaux» ont conduit le débat public qui a fait de l'industrie et du pays ce que nous connaissons.

Vous connaissez tous Andy McMechan, qui a passé cinq mois et demi en prison parce qu'il avait vendu le blé qu'il avait lui-même produit aux États-Unis. Monsieur le président, nous devons tous nous demander si nous voulons maintenant d'un pays où l'on dit aux jeunes gens: «Si vous travaillez dur, si vous faites preuve d'imagination, si vous produisez ainsi de la richesse qui rejaillira sur vos familles, vos collectivités et le pays tout entier, nous allons vous jeter en prison».

Sur un ton plus positif, de nouveaux développements comme le libre-échange et l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau, entre autres, ont fini par rendre aux producteurs céréaliers, aux compagnies et aux chemins de fer une partie de leur liberté perdue. Permettez-moi toutefois de répéter que le projet de loi C-4 va dans la mauvaise direction. Ce projet de loi fera de la commission du blé un instrument plus politique encore, un instrument qui condamnera les producteurs à devoir pendant bien des années encore mener une interminable lutte politique.

Mesdames et messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous dire que cela fait trop longtemps que nous refusons aux producteurs la liberté dont ils ont besoin pour assurer l'épanouissement de cette caverne aux trésors que sont les Prairies, et tous nous en payons le prix. Je vous exhorte de ne pas abandonner le Canada cette fois-ci.

Le président: Je vous remercie. Monsieur Herb Axten?

M. Herb Axten: Je m'appelle Herb Axten. Ma ferme se trouve à une quinzaine de kilomètres au nord de la frontière canado-américaine, c'est-à-dire environ 150 kilomètres au sud de Regina. Il s'agit d'une exploitation agricole mixte qui est dans notre famille depuis trois générations. Nous sommes situés à une quarantaine de kilomètres de la gare de la Burlington Northern Railroad, à Plentywood au Montana, une gare qui peut accommoder des convois ferroviaires de 104 wagons et qui dispose de toutes les installations nécessaires. J'ai mis ici quelques notes sur papier, si vous me le permettez, je vais vous les lire.

Merci de me permettre de venir m'opposer au projet de loi C-4. Si je m'y oppose, c'est que le projet de loi ne me donnera pas plus de marge de manoeuvre pour la vente du blé et de l'orge. En effet, la liberté de mettre en marché n'est possible que grâce à la concurrence et à un bien meilleur état de recettes que nous ne l'a permis jusqu'à maintenant le système actuel.

D'aucuns affirmeront que la coopérative de vente à guichet unique est la seule option pour le blé et l'orge. Je ne suis pas d'accord. Notre entreprise agricole a perdu plus de 800 000 $ en vente de blé dur seulement, et ce depuis 1990, sans parler de la vente de blé de printemps et d'orge. On pourrait longuement interpréter les chiffres de vente de part et d'autre du 49e parallèle, mais en bout de piste, la seule personne à qui je dois rendre des comptes, c'est justement mon comptable. Et chaque fois qu'il me demande pourquoi je perds 100 000 $ par année, je lui réponds que c'est à cause de Ralph Goodale.

La semaine dernière, j'ai conclu un contrat de vente de ma récolte de lin de cette année avec une compagnie céréalière américaine. Après maints appels téléphoniques à toutes les grandes compagnies céréalières canadiennes, force m'a été de constater que cette compagnie américaine m'offrait mieux que toutes celles à qui j'avais parlé, soit un dollar de plus le boisseau. On pourrait dire la même chose des lentilles, des pois, du canola et de l'avoine. Ce n'est pas que je tienne absolument à expédier mon grain aux États-Unis, mais je veux en avoir la possibilité au besoin.

Comment se fait-il qu'il y ait des centaines d'agriculteurs qui soient prêts à payer des milliers de dollars d'amendes, voire à aller en prison, pour pouvoir vendre leurs céréales aux États-Unis? Ce n'est certainement pas parce qu'il s'agit de criminels endurcis qui ne respectent pas notre système judiciaire. C'est parce qu'ils croient fermement que ces grains leur appartiennent et n'appartiennent pas au gouvernement fédéral. Il faut beaucoup de courage pour faire face à la fureur des douaniers canadiens et à celle des gendarmes de la GRC qui peuvent saisir vos camions n'importe quand et vous menacer de lourdes amendes et d'emprisonnement. Le panneau que j'ai érigé sur la route 6 près de ma ferme dit ceci: «Bienvenue au Canada, le seul pays du monde libre qui emprisonne ses agriculteurs pour avoir voulu vendre leurs propres céréales».

Comment les agriculteurs de l'ouest du Canada peuvent-ils rester indifférents au fait que le gouvernement peut légitimement prendre les céréales des agriculteurs et les vendre à rabais? On a l'impression que la commission canadienne du blé a emprunté le mot d'ordre d'une des grandes compagnies à chaîne du Canada qui est de vendre à rabais.

L'ouest du Canada compte quelque 110 000 détenteurs de carnets de permis parmi lesquels 20 p. 100 produisent 80 p. 100 des céréales. Je suis l'un de ces 22 000 agriculteurs-producteurs, et je me demande pourquoi Ralph Goodale s'intéresse à ce point à la façon dont nous voulons commercialiser nos céréales. Est-ce parce que le gouvernement nous écrème de centaines de millions de dollars chaque année à même la vente de nos céréales? Quelle autre raison aurait-il de s'y intéresser? Pourquoi ne s'intéresse-t-il pas à 22 000 chauffeurs d'autobus, à 22 000 enseignants ou à 22 000 fonctionnaires? C'est parce que la loi donne au gouvernement le droit de voler notre grain.

Notre exploitation agricole ne survivra que si le marché des céréales se déréglemente encore plus. Notre fils obtiendra son diplôme du Collège de l'agriculture au printemps prochain. Nous devons prendre des décisions graves quant à l'avenir de notre ferme. Cette ferme est suffisamment grande pour pouvoir théoriquement employer trois manoeuvres à temps plein et faire vivre trois familles, mais l'affaiblissement des prix des céréales ne permet de faire vivre qu'une famille et demie.

Lors d'une réunion qui s'est tenue il y a deux ans à Weyburn, au cours des audiences du groupe de la commercialisation des grains, j'ai parlé de tout cela à Brian White, agent d'information à la commission canadienne du blé. Il m'a répondu que «si je n'étais pas satisfait du système actuel, je devrais peut-être déménager». À l'époque, cette réponse d'un fonctionnaire m'encourageant à quitter mon propre pays m'avait fait sortir de mes gonds, mais je songe aujourd'hui sérieusement à le faire. J'hésite encore à vendre une ferme qui remonte à trois générations, mais nous devrons peut-être déménager et nous installer dans l'ouest du Montana, où nous pourrons vivre convenablement en continuant à faire le métier que nous aimons.

Pourquoi des familles rurales besogneuses ne pourraient-elles pas vivre convenablement dans leur propre pays, et pourquoi les jeunes Canadiens ne pourraient-ils pas choisir l'agriculture comme métier?

Je vous exhorte de modifier le projet de loi de façon à donner aux agriculteurs de l'Ouest du Canada plus de choix dans la mise en marché.

Le président: Merci, monsieur Axten. Puis-je demander maintenant au témoin suivant de s'identifier et de nous dire où se trouve son exploitation agricole?

M. Rod Flaman: Je m'appelle Rod Flaman, et j'ai pris en main en 1982 la ferme familiale à Edenwold à 35 milles au nord-est de Regina.

Notre terre est petite si on la compare aux autres, car nous possédons à peine 900 acres de terrain, et nous en louons à peu près autant. Nous avons opté pour le système de culture continue pour utiliser au maximum notre terre et nos machines et pour empêcher l'érosion éolienne qui pourrait survenir sur notre terre faite de sable limoneux.

À cause de cette culture continue, nous dépendons énormément de la rotation des cultures afin d'éviter les maladies et autres problèmes des prédateurs. Nous essayons de faire alterner la culture des céréales et la culture des oléagineux et des légumineuses à graines. Nos grands choix de cultures céréalières incluent le blé, l'orge, l'avoine et le seigle. Ces deux dernières constituent les plus petits marchés, dont les prix peuvent être très fluctuants. La production à l'excès de ces cultures peut facilement faire chuter les prix, et nous sommes donc obligés de semer tous les ans la moitié de notre terre avec du blé et de l'orge.

Si nous choisissons la culture de grande qualité du blé de force roux de printemps et d'orge de malterie, deux graines qui conviennent à notre culture, nous n'avons d'autre choix que de les commercialiser par le truchement de la commission canadienne du blé.

Je comparerais volontiers la commission canadienne du blé à un couteau: un couteau peut en effet être un instrument très utile entre les mains d'un chirurgien, mais peut se transformer en arme entre les mains d'un voleur. La Commission canadienne du blé affirme souvent qu'elle exige et reçoit le prix mondial le plus élevé pour notre grain. Si c'est vraiment le cas, pourquoi l'agriculteur canadien ne reçoit-il pas également le prix mondial le plus élevé à la ferme?

Je crois que la commission canadienne du blé est utilisée comme une arme contre l'agriculteur des Prairies et sert à lui confisquer ses céréales et à l'assujettir à un système de collecte et de transport des céréales non compétitif.

Cela fait deux ans que je suis le prix du blé et de l'orge aux États-Unis, et j'ai constaté que nous aurions pu à chaque fois recevoir un prix plus élevé aux États-Unis pour toutes nos variétés et catégories d'orge et de blé que celui qu'a bien voulu nous accorder la commission canadienne du blé. J'ai demandé à celle-ci la permission de vendre mon grain aux États-Unis, et on m'a répondu que pour ce faire, je devrais d'abord obtenir un permis d'exportation de la commission canadienne du blé. Il s'agirait d'une loi qui est mise en vigueur uniformément partout au Canada, et le permis est accordé gratuitement par la commission, dans la mesure où l'agriculteur se conforme à certaines conditions. Or, ce sont les conditions qui ne sont pas appliquées uniformément dans toutes les régions du Canada.

Si vous vivez au Québec ou en Nouvelle-Écosse, aucune d'entre elles ne s'applique. Ici, dans les Prairies, afin de pouvoir obtenir un permis d'exportation gratuit de la commission canadienne du blé, on vous oblige à acheter votre grain de la commission. Autrement dit, vous ne pouvez pas obtenir de permis pour exporter votre propre grain, et vous êtes condamné à obtenir un permis en vue d'exporter le grain acheté à la commission, même s'il s'agit de votre propre grain.

Ce n'est pas ce que j'appelle une réglementation, mais plutôt une interdiction de faire du commerce. Qu'on m'accorde un permis d'exportation au même prix que celui que l'on demande à l'agriculteur québécois et qu'on me laisse chercher mes propres marchés; qu'on me laisse concurrencer directement la commission canadienne du blé. Si celle-ci est aussi efficace qu'elle le prétend, la majorité des agriculteurs continueront à l'appuyer, et nous profiterons tous d'un système de manutention et de transport des céréales beaucoup plus concurrentiel.

Cette discrimination à l'égard des agriculteurs des Prairies met ces derniers en colère et les exaspère. La Commission canadienne du blé a été obligée d'admettre devant les tribunaux il y a quelques mois qu'elle n'avait pas pour mandat le bien-être des agriculteurs. Elle a dû également admettre qu'elle n'avait pas pour mandat non plus d'obtenir des prix raisonnables au nom des agriculteurs des Prairies. Ces déclarations qui incriminaient la commission, de même que le secret que garde obstinément cette dernière autour de ses opérations, ne font que miner toute confiance que pouvaient avoir les agriculteurs des Prairies dans la commission.

Pourquoi n'a-t-on pas proposé des modifications à la commission canadienne du blé de façon à l'obliger à assumer une certaine responsabilité dans le bien-être des agriculteurs dont elle met en marché les céréales? Pourquoi ne veut-on pas lever le voile du secret qui masque la seule institution canadienne à ne pas être soumise à la Loi sur l'accès à l'information? Cette loi ne menace pas plus la commission canadienne du blé qu'elle ne menace l'Agence de commercialisation du poisson d'eau douce, l'Agence de contrôle de l'énergie atomique, ou même la Banque du Canada. C'est la loi qui établit ce qui doit être tenu secret et l'information qui peut être rendue publique.

Aucune défense de la commission ne peut tenir le coup devant les faits. La Saskatchewan est sans doute la province canadienne la plus riche en ressources. Depuis que l'on a accordé des pouvoirs à la commission en 1943, la population de la province s'est stabilisée à un million de personnes. Cela n'est pas un problème en soi, mais notre population vieillit, et nombre de nos jeunes gens élevés dans la province nous quittent pour de meilleurs cieux en Colombie-Britannique ou pour les champs de pétrole albertains.

Pourquoi notre province n'a-t-elle pas sa propre industrie de préparation des pâtes? Pourquoi la plupart des minoteries de la Saskatchewan ont-elles dû fermer? Le Dakota du Nord compte 14 usines de préparation des pâtes qui broient le blé canadien et volent des emplois aux Canadiens, puisqu'il n'y en a aucune en Saskatchewan. Comment pouvons-nous rester compétitifs quand on nous enlève le droit d'acheter nos matières premières sur une base concurrentielle.

Regardez le succès qu'a connu l'industrie de trituration du canola dans les Prairies. Voilà une culture qui existait à peine il y a 20 ans et qui maintenant concurrence le blé en termes de revenu brut pour les agriculteurs des Prairies. Le broyage du canola est une activité à valeur ajoutée pour près de la moitié de la production des Prairies et fournit des emplois ici même.

On pourrait dire la même chose d'autres cultures ne relevant pas de la commission. On trouve dans nombre de localités de la Saskatchewan de nouvelles entreprises qui s'adonnent au nettoyage et au traitement des lentilles, des pois, des graines à des canaris et d'autres cultures spéciales. Ces entreprises créent des emplois et de la richesse localement, et réussissent à commercialiser leurs produits partout dans le monde grâce à des outils innovateurs et d'autres technologies telles que les télécopieurs et l'Internet. Quel contraste avec le blé et l'orge qui, à toutes fins utiles, ne représentent aucune valeur ajoutée à l'industrie agricole et qui n'éveillent nullement le goût d'entreprise chez nos jeunes.

Les temps sont durs pour un gouvernement qui assiste à la régionalisation des partis politiques fédéraux. Or, la commission canadienne du blé a tout pour effriter notre pays ou pour le renforcer. Tout dépend si le couteau est utilisé par le chirurgien ou par le voleur.

Merci de m'avoir écouté et de prendre notre sort à coeur. J'espère que vous transmettrez notre message avec coeur à votre retour à Ottawa.

Le président: Merci, monsieur Flaman. Passons à M. Halyk.

M. Michael Halyk: Merci, monsieur le président. Je m'appelle Michael Halyk et j'habite la région de Melville où je fais pousser des céréales, des oléagineux, des légumineuses à graines, des plantes à fourrage et des semences contrôlées, tout en élevant du bétail. Je suis un agriculteur de la cinquième génération et mes ancêtres sont arrivés au Canada vers la fin du XIXe siècle en provenance de l'Ukraine. Nous avons exploité des terres agricoles dans la région de Melville-Birmingham depuis leur arrivée; nous y avons élevé nos familles et nous sommes intégrés dans les localités.

Je suis fier de prendre la parole devant vous et je vous remercie de m'en donner la possibilité. J'ai été pendant 20 ans conseiller élu auprès de la commission canadienne du blé, et c'est à ce titre que je suis resté complètement indépendant des organisations agricoles. Pendant ces 20 années, j'ai acquis une mine de connaissances.

J'ai passé toute ma vie adulte à m'occuper d'agriculture fondamentale et de la formation des politiques en matière d'agriculture. Or, la discussion actuelle qui entoure la commercialisation des céréales ne ressemble à aucune autre politique proposée depuis les 60 dernières années. Étant donné l'importance de l'enjeu et la participation directe de tant de particuliers et de groupes, il ne faut pas se surprendre que le débat soit si long et parfois aussi si passionné. Il convient parfaitement que ce projet de loi-ci soit examiné avec soin, avant d'être adopté rapidement et de façon définitive par la Chambre haute du Canada, le Sénat.

Il y a beaucoup de choses dans le projet de loi dont je voudrais parler. Je voudrais toutefois me concentrer aujourd'hui sur l'importante question du changement apporté au fonctionnement de la commission canadienne du blé.

Si vous comprenez bien l'histoire du Canada, ce dont je ne doute pas, vous savez qu'il a toujours été difficile d'avoir un processus suscitant la participation et l'engagement des agriculteurs envers la commission canadienne du blé. Au cours des 40 premières années de la commission, les choses ont été facilitées par le fait que le gros de la manipulation des céréales était fait à des élévateurs dont les agriculteurs avaient la propriété et le contrôle. La plupart de ces sociétés avaient déjà essayé le marketing à grande échelle, avec des échecs retentissants, et savaient que leur propre avenir était directement associé à la santé et à la solidité de la commission canadienne du blé.

À cause de toute l'activité de ces sociétés céréalières et des fortes organisations agricoles, dans les années 40, le gouvernement a créé pour la commission canadienne du blé un comité consultatif composé de membres désignés. Les sociétés et les organisations ont évolué vers l'autonomie et, en 1974, l'honorable Otto Lang a décidé que les membres du comité consultatif seraient désormais élus par tous les détenteurs de carnets de livraison. Fait à noter, les organisations agricoles qui s'opposaient en 1974 à la décision de M. Lang sont les mêmes qui s'opposent aujourd'hui au projet de loi C-4.

Lorsque nous parlons du fonctionnement de la commission canadienne du blé, il faut reconnaître la portée et l'importance du sens que cela peut avoir. La modification de ce fonctionnement doit se faire aussi le plus efficacement possible, afin que les politiciens ne s'en mêlent pas et que cela reste plutôt entre les mains du milieu agricole.

Le changement organisationnel n'est pas simplement le mot à la mode des années 90, quand on parle de la CCB. En faisant quelques recherches et lectures, j'ai constaté qu'on en parlait déjà dans le rapport de 1970-1971 sur la commercialisation des céréales, résultant de travaux dirigés par le docteur Menzies, qui disait que le gouvernement devait accroître le contrôle par les agriculteurs et créer un climat propice à la modernisation de la gestion. De nouveau, en 1989-1990, dans le rapport Steers du comité d'examen, on a recommandé fortement qu'une nouvelle structure administrative soit créée, accroissant le contrôle par le milieu agricole.

Je vous signale que le mandat de cette étude ne se rapportait pas au fonctionnement mais plutôt aux défis et possibilités qui s'offraient à la commission canadienne du blé à partir des années 90. J'ai annexé une copie de ce rapport pour que vous puissiez le lire.

Nous devons nous poser de très importantes questions. Les agriculteurs veulent-ils diriger la commission canadienne du blé? Il faudra répondre à cette question avant d'aller de l'avant avec une proposition relative au fonctionnement. Vous constaterez, si ce n'est déjà fait, que les agriculteurs de l'Ouest sont frustrés et se sentent incapables de diriger le marketing céréalier comme ils le voudraient. J'ai trouvé intéressant que dans un récent sondage sur le marketing des céréales, effectué par mon député d'ici, en Saskatchewan, M. Ron Osika, un libéral de l'opposition, on signalait la confusion qui règne dans l'esprit des agriculteurs au sujet de la commercialisation. On insistait toutefois aussi sur le fait que les agriculteurs veulent pouvoir élire le conseil d'administration de la commission canadienne du blé et souhaitent que celle-ci ait davantage de souplesse dans son mandat pour pouvoir fixer des prix différentiels et vendre un plus grand nombre de produits agricoles qu'elle ne le fait maintenant. Je vous ai fourni les résultats du sondage à l'annexe 2.

Comment changer pour le mieux le fonctionnement de la commission? Tout d'abord, je recommande que les 11 districts d'où proviennent les membres du comité consultatif soient conservés et que leurs limites soient conservées pour l'élection des 11 administrateurs. Le gouvernement pourrait tout de même nommer quatre membres du conseil d'administration qui en compterait 15.

Je recommande d'augmenter le nombre des administrateurs du milieu agricole simplement pour que la zone dont chacun a la responsabilité soit de taille raisonnable, afin qu'il ou elle puisse honnêtement représenter ses commettants. Chaque administrateur aura tout de même à représenter environ 11 000 agriculteurs, dans des districts englobant jusqu'à trois ou quatre comtés fédéraux.

Deuxièmement, je recommande que le président de la commission canadienne du blé soit embauché par le conseil d'administration et qu'il en relève. J'ai eu l'occasion de faire partie de diverses commissions et de conseils d'administration. Je peux vous assurer que ceux qui fonctionnaient le mieux avaient ce genre de chaîne de commandement.

Troisièmement, je recommande que les administrateurs soient nommés pour un mandat fixe. Si les administrateurs veulent demeurer indépendants du gouvernement, sans ingérence de celui-ci, ils ne peuvent être simplement nommés à titre amovible.

Quatrièmement, une recommandation qui peut paraître s'écarter de la question organisationnelle, mais vous verrez que ce n'est pas le cas. Je recommande qu'on garantisse aux agriculteurs de l'Ouest qu'ils pourront à l'avenir, sans que le gouvernement s'en mêle, ajouter des céréales et d'autres produits à la responsabilité de la commission canadienne du blé, ou en retirer. En fait, je dis que les agriculteurs doivent savoir qu'ils ont un outil qui leur permettra, à l'avenir, de modifier la commission canadienne du blé comme ils le souhaitent, sans avoir à traverser un champ de mines politiques. En outre, il faut s'assurer que ce processus permettra au conseil d'administration de continuer de fonctionner, plutôt que d'y semer la division pour des questions d'inclusion ou d'exclusion de céréales ou d'oléagineux.

Ma dernière recommandation porte sur une question dont on ne parle pas dans le projet de loi C-4, pas plus que dans son prédécesseur, le projet de loi C-72: la rémunération des futurs administrateurs. Je crois que dans le projet de loi, on dit que le conseil d'administration décidera de sa propre rémunération. Comme le projet de loi C-4 comporte déjà des questions controversées, je crois qu'il s'agit là d'une grave erreur. En fait, l'un des gros problèmes du conseil consultatif actuel, c'est que la loi qui nous régit restreint de beaucoup nos possibilités de rémunération pour le travail que nous abattons. Depuis près de dix ans, le comité actuel a demandé au ministre et à ses prédécesseurs de régler ce problème. On nous répond habituellement qu'un projet de loi est en cours de rédaction, et qu'il est par conséquent difficile de changer la loi actuelle. Malheureusement, le comité consultatif aurait pu et aurait dû faire de grandes choses, pour régler les problèmes que nous avons maintenant dans l'Ouest, mais pour toutes sortes de raisons, et notamment à cause de problèmes de rémunération, certaines études et travaux n'ont pu être accomplis.

Je vous fournis à l'annexe 3 un T-4 vous montrant ma rémunération pour 1997 à titre de membre du comité consultatif de la commission canadienne du blé. Je ne le fais pas pour me plaindre, mais beaucoup d'entre vous seront étonnés et déçus de voir la faible rémunération qui nous est consentie pour l'énorme tâche et les nombreuses heures de travail que nous consacrons à la CCB.

Comme je l'ai dit plus tôt en deux mots, si nous apportons des changements, faisons-le bien. Je recommande que le Sénat, un groupe compétent et impartial, procède immédiatement à une étude qui recommande au ministre responsable de la CCB, M. Ralph Goodale, des indemnisations et des rémunérations pour tous les membres du conseil d'administration de la CCB, dès leur entrée en poste. Je pense que ce serait un premier pas pour atténuer l'hostilité et la colère qui pourraient être dirigées vers le premier conseil d'administration de la commission canadienne du blé.

Je répondrai volontiers à vos questions.

Je suis fier d'être ici en mon nom personnel, en toute impartialité, pour vous présenter mon modeste point de vue sur l'organisation de la CCB. Je ne suis pas ici pour prêcher, d'autres s'en chargeront sans doute.

Je suis d'avis qu'une Commission du blé vigoureuse et saine, qui permette aux producteurs de vendre sur les marchés internationaux par le biais d'un monopole législatif, servira non seulement ma génération d'agriculteurs mais, je l'espère, celle de mes enfants.

Encore une fois, je vous remercie de votre temps et j'espère prendre connaissance sous peu du rapport du comité.

Le président: Merci. Nous allons maintenant entendre M. Fred Harrison.

M. Fred Harrison: Honorables sénateurs, monsieur le président, j'ai été agriculteur toute ma vie dans la région de Rocanville et de Moosomin. Je produis des grains et des oléagineux et j'élève du bétail.

Je suis accompagné d'un ami de Welwyn, M. Alvey Clark, qui voudrait dire quelques mots.

M. Alvey Clark: Comme Fred vient de le dire, je suis un agriculteur de la région de Welwyn et je cultive du canola, du blé, du lin et des pois.

Larry Maguire, qui s'était présenté à titre de représentant de notre région à la commission du blé, a été battu à plate couture par Bill Nicholson. On reprochait surtout à M. Maguire de ne pas appuyer nos vues au sujet de la commission du blé.

M. Harrison: Monsieur le président, il me semble que toute cette question a trait aux grandes sociétés qui créent des monopoles alors que nous, les agriculteurs, serions censés nous débrouiller seuls. Est-ce logique? Je ne suis pas d'accord pour que nous faisions cavaliers seuls dans le domaine de la commercialisation. Après de nombreuses années d'effort, nous avons élaboré un système de commercialisation satisfaisant et voilà que deux personnes peuvent arriver et le balayer du revers de la main pour satisfaire leur propre cupidité, je suppose.

L'abrogation de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest a créé une dynamique sociale, politique et économique qui débouche sur un marché continental du transport et de l'expédition du grain où les principales compagnies ferroviaires seront dominées par deux entreprises continentales et où les sociétés de transport transnationales absorberont ce qui restera des coopératives d'élévateurs canadiennes. La Commission du blé risque de ne plus être pertinente dans cette nouvelle configuration continentale du secteur. Vous savez sans doute que maintenant ADM est une entreprise en participation avec UGG.

La transnationalisation du système de commercialisation du grain a des conséquences sérieuses pour la viabilité du service portuaire, ferroviaire et d'élévateurs dans l'Ouest du Canada. Ces sociétés chercheront à faire des économies en exportant les produits canadiens par le biais de leurs installations d'exportation américaines, qui sont actuellement sous-utilisées.

Depuis l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau, le gouvernement tente de ralentir l'issue logique de la restructuration qu'il a amorcée. À mon avis, le gouvernement a déjà décidé de déréglementer le secteur mais il s'inquiète des répercussions politiques d'une transition trop rapide. Le projet de loi C-4 est une mesure transitoire vers l'inévitable déréglementation intégrale du volet commercialisation lorsque le climat politique sera favorable.

Les changements que le projet de loi C-4 propose d'apporter au pouvoir opérationnel de la commission canadienne du blé permet les achats au comptant de blé et d'orge. La mise en oeuvre de cette option compromettra les trois piliers de la commercialisation telle qu'elle se fait sous l'égide de la commission: la vente à guichet unique, la mise en commun des prix et les garanties gouvernementales. Il faut rejeter cette option.

Cette idée de permettre à la commission canadienne du blé de faire des achats auprès de l'exploitant agricole présente un problème. La Commission du blé ne possède pas d'installations de manutention du grain et, par conséquent, cette pratique risque de créer des conflits avec les sociétés céréalières qui, à l'heure actuelle, sont les agents de la commission.

Quant à l'idée de mettre un terme au régime de groupement des comptes et de débourser les fonds à n'importe quel moment, elle engendrerait des coûts d'administration accrus et compromettrait sérieusement le principe de la mise en commun. Il s'ensuivrait davantage d'insatisfaction, de contestations et de critiques à l'endroit de la commission. En outre, une telle initiative aurait pour effet de monter les agriculteurs les uns contre les autres.

Quant à l'idée d'avoir des certificats de producteur négociables, elle soulève le spectre d'un marché distinct de certificats de producteur, ce qui ne manquerait pas également de faire augmenter les frais d'administration. Cette idée dépasse l'entendement.

La création d'un fonds de réserve pour couvrir les déficits liés aux paiements provisoires ou aux pertes au titre des paiements au comptant serait financée par un autre prélèvement sur leur grain, ce que déteste les agriculteurs. Selon eux, c'est le premier pas vers le retrait de la garantie du gouvernement. La garantie qu'offre le gouvernement à la commission canadienne du blé est un atout inestimable pour les opérations et la sécurité de la commission.

Le projet de loi met un terme au rôle de la commission à titre de société de la Couronne. Résultat, la garantie d'emprunt dont jouit à l'heure actuelle la commission à titre d'organisme de Sa Majesté, prendra fin. Cette garantie a été très importante pour la commission car elle lui a permis d'épargner de 60 à 80 millions de dollars par an et d'emprunter sur les marchés internationaux pour financer ses opérations. Ces économies couvrent amplement les frais d'administration de la commission. Le reste est versé dans les comptes communs et distribué aux agriculteurs.

Le projet de loi C-4 maintient la structure de la commission, mais il mine le principe d'une commercialisation ordonnée. Il n'y aura aucune reddition de compte aux agriculteurs. Le gouvernement conservera tous les pouvoirs en matières financières et nommera le président. Un fonds de réserve servira à absorber les pertes de la commission sur le marché libre. Ce fonds exige des agriculteurs qu'ils assurent et subventionnent les opérations spéculatives de la commission, même s'ils n'ont pas accès au marché libre. Quant à la proposition conférant à la commission le pouvoir d'acheter du grain sur le marché au comptant, elle porte préjudice aux mécanismes du prix commun, qui assure la justice et l'équité. Les efforts que l'on fait dans le projet de loi C-4 pour résoudre des querelles idéologiques de longue date entre agriculteurs ne manqueront pas d'échouer.

Après les séances du comité tenues à Washington et à Winnipeg en 1995, vous avez recommandé le maintien de la structure actuelle de la commission. Vous aviez constaté que l'on pourrait améliorer les pouvoirs du comité consultatif de la commission du blé. En outre, vous aviez proposé que pour le choix des commissaires, le comité consultatif soumette des noms au ministre qui se chargerait des nominations. Selon les membres du comité, cette façon de procéder aurait garanti un certain contrôle démocratique des personnes nommées.

Le projet de loi modifie le système de la double commercialisation. Le ministre actuellement responsable de la commission du blé a déclaré qu'une commission facultative n'était pas une option.

Voilà ce que j'avais à dire au sujet du projet de loi C-4. J'ai décrit ce qui m'apparaît être des failles dans l'armure de la commission canadienne du blé. Si un porc réussit à pousser son museau dans l'entrebâillement d'une porte de grange et pousse suffisamment fort pour en sortir, tous les autres cochons sortiront. Il en va de même pour la commission canadienne du blé. Le sénateur Whelan a parlé de la société ADM qui est propriétaire à 80 p. 100 du secteur de la minoterie au Canada. Et si c'était l'un des porcs qui partait?

À la dernière page de mon mémoire, je reprends un article paru dans The Western Producer, où l'on cite des propos attribués à l'ex-commissaire de la commission canadienne du blé, W.C. McNamara:

Il faut découvrir la source des rumeurs et l'objectif visé par les détracteurs de la commission.

À mon avis, cette attaque est menée par une petite minorité nantie de libre-échangistes à tout crin qui ont fait de la critique de la commission canadienne du blé une religion.

En annexe, j'illustre mon propos en montrant l'appui que les céréaliculteurs de l'Ouest reçoivent des grandes entreprises et des sociétés ferroviaires du pays.

Le sénateur Sparrow: Une clause de retrait, qui permettrait à un producteur de se retirer pendant un certain temps, ne résoudrait-elle pas le problème?

M. Baker: À mon avis, ce serait effectivement une solution. Je souscris aux droits et libertés de l'individu. À titre d'anciens combattants de la dernière guerre, j'ai lutté pour protéger la liberté fondamentale et les libertés civiles et individuelles. Je vois une analogie entre ce qui se passe maintenant et ce pourquoi je me suis battu il y a 60 ans. Je pense qu'il est criminel qu'au Canada nous soyons insultés par un projet de loi de cette nature après que nous ayons perdu 40 000 hommes pour protéger notre liberté fondamentale et les libertés civiles et individuelles.

Le sénateur Sparrow: Merci. Monsieur Baron, pourriez-vous répondre à la même question, je vous prie?

M. Baron: La liberté est essentielle. Nos ancêtres sont venus ici en quête de liberté. Les cultivateurs devraient avoir le choix de vendre eux-mêmes leurs récoltes ou de passer par la commission canadienne du blé ou un autre organisme. C'est le principe de la liberté de choix qui compte.

Le sénateur Sparrow: Il n'est pas nécessaire, selon vous, qu'il y ait deux systèmes de commercialisation mais au moins une possibilité de non-participation, n'est-ce pas?

M. Baron: Oui, le choix.

Le sénateur Sparrow: Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait ajouter quelque chose?

M. Halyk: La non-participation c'est bien beau, mais dans la pratique, qu'est-ce que cela donne?

J'ai été brièvement en contact avec les services d'assurance-récolte de la province. Ils avaient des programmes qui permettaient la non-participation. Toutes les exploitations agricoles ne sont pas gérées par une seule personne. Elles le sont parfois par un groupe de personnes. Est-il possible qu'un membre du groupe ne soit pas participant alors qu'un autre l'est? Qui prendra la décision? Est-ce que nous voulons un état policier?

À condition que la loi soit suffisamment souple, un conseil d'administration pourra toujours autoriser certains à commercialiser eux-mêmes leurs propres produits.

Quant à la procédure de rachat dont on parle tant, ce que les gens oublient de mentionner, c'est que même si l'accès à cette procédure leur coûte quelque chose, leur grain continuera toujours à figurer dans le compte de la coopérative et ils continueront à percevoir tous les paiements. La plupart du temps, ces paiements dépasseront largement toute somme qu'ils devront avancer.

M. Axten: Si cette option était offerte directement par le gouvernement sans autre forme de négociation, je suppose que j'accepterais immédiatement. J'accepterais avant que l'encre du contrat soit sèche.

Cependant, d'autres options sont offertes aux producteurs. Soyons clair, je ne veux pas vendre mon grain aux États-Unis.

En 1975, un certain nombre d'entre nous se sont associés pour construire un silo à Weyburn en Saskatchewan pour profiter des meilleures possibilités de commercialisation et de transport. Le gouvernement de l'époque l'a considéré comme une plaisanterie. Le ministre responsable de la voirie en Saskatchewan a dit qu'il taxerait tous les camions assurant la liaison avec ce silo. Or, c'est pourtant ce que nous voulons: pouvoir construire des silos partout où nous le souhaitons. Aujourd'hui, on ne parle que de problèmes de transport, d'abandon de lignes de chemin de fer, et cetera.

Si Ralph Goodale m'envoyait demain une lettre où il me disait: «Garçon, vous avez le feu vert», j'aurais disparu avant que l'encre ne soit sèche.

Le sénateur Stratton: Vous aimeriez pouvoir ne pas participer. Quelles sont les autres options?

M. Axten: En 1996, j'étais membre du Western Grain Marketing Panel. Lors de nos audiences, un certain nombre de questions ont été débattues puis nous avons fait des recommandations. Pour certains d'entre nous, ces recommandations n'allaient pas assez loin, mais je crois que dans notre majorité nous étions d'accord pour dire que c'était un pas dans la bonne direction.

Cependant, lorsque le député de Wascana a vu nos recommandations, sa réaction a été simple: «Cela ne va pas! Vous dites n'importe quoi!» Nous avons repris notre travail à zéro. Nous l'avons informé de ce que voulaient les agriculteurs, mais il continue à faire la sourde oreille.

M. Harrison: Pour moi, la commission canadienne du blé est le partenaire qui assure la commercialisation de nos produits et il faut donc que tout le monde participe à ce système car en cas de double système, il ne faudra pas attendre longtemps pour que les États-Unis ferment la frontière. C'est ce qu'ils ont fait il y a déjà quelques années. Ce sont les Américains qui fixent les prix sur le marché mondial. Si nous inondons le marché américain, le prix sur le marché mondial chutera.

Il y a une autre chose dont je veux parler, et c'est de liberté. Il y a deux ans, on nous a laissé voter pour la commercialisation de l'orge et une majorité écrasante d'agriculteurs ont voté en faveur d'un maintien de l'orge sous la tutelle de la commission canadienne du blé. Qu'est-ce que nous voulons de plus comme liberté? Est-ce que nous voulons avoir la liberté de faire ce que bon nous semble? Est-ce que nous voulons avoir la liberté de conduire à gauche quand tout le monde conduit à droite? C'est ça la liberté que nous voulons?

Le sénateur Taylor: Au lieu de demander au gouvernement de légiférer pour permettre la non-participation, compte tenu de ce qu'a fait la commission de l'Ontario, est-ce que chacun de vous, monsieur Flaman et monsieur Harrison, serait disposé à confier aux membres du conseil d'administration que vous allez élire la décision de permettre ou non la non-participation? En d'autres mots, devrions-nous exclure le gouvernement, redonner le choix aux agriculteurs et vous laisser élire les administrateurs? Seriez-vous prêts à faire confiance au conseil d'administration en le laissant prendre cette décision?

M. Flaman: Il faut peut-être retourner en arrière et demander est-ce que le conseil rendra des comptes aux agriculteurs ou disposera-t-il de l'entière liberté de faire ce qu'il veut?

Le sénateur Taylor: Supposez qu'il dispose de cette liberté.

M. Flaman: Si les membres du conseil d'administration disposent de cette liberté et s'ils représentent vraiment les désirs des agriculteurs, je leur ferais probablement confiance. Il est évident, je pense, que la majorité des agriculteurs veut cette liberté, cette souplesse.

M. Harrison: J'ajouterai qu'il suffit de songer au vote sur l'orge. Si les agriculteurs avaient voulu d'un régime double, ils auraient rejeté le régime actuel. À mon avis, un régime double n'est pas la solution. C'est un peu comme un homme qui voudrait avoir une épouse et une petite amie en plus. Il est fort peu probable qu'elles soient compatibles, et tous ensemble au lit, il y aurait sûrement conflit. Ce n'est pas compatible, il faut l'un ou l'autre.

Le sénateur Whelan: Si j'en avais le temps, je ferais à ce vieil éditeur là-bas, Don Baron, ce qu'il me faisait constamment. Il a parlé des variétés autrefois négligées, le canola et la lentille. C'est le gouvernement qui a créé ces variétés après avoir consacré des millions de dollars à la recherche. Je me souviens que M. Downey m'avait montré ses travaux sur la navette et le canola. Le gouvernement s'est ingéré à un point tel que nous avons fait venir un Américain à qui nous avons versé 750 000 $ -- une somme considérable à l'époque -- pour qu'il fasse des recherches sur la lentille. Ce n'est pas la commission qui l'a fait, mais le ministre qui avait confiance dans la commission.

Avons-nous oublié toutes les raisons de la création de la commission? La Commission doit-elle son origine à un libéral gauchisant, à un socialiste rouge? Non. À un conservateur, R.B. Bennett. Il a créé la commission à cause du régime injuste de commercialisation qui existait alors.

Je ne sais pas si on peut se fier entièrement pour une commercialisation équitable à Archer Daniels & Midland. Il suffit de voir ce qui s'est produit à Windsor en Ontario lorsqu'ils ont dit à l'Office de commercialisation du soja: «Nous ne voulons plus vous parler», pour voir à quel point la démocratie peut se détraquer. Voilà ce que je voulais dire.

M. Baron: Je n'ai jamais dit que le gouvernement avait accordé un trop grand appui ou une aide financière trop généreuse aux producteurs, aux agriculteurs. Je considère que l'argent investi l'a été extrêmement bien.

La question, à mon avis, sénateur Whelan, c'est qu'il nous faut tirer parti de cette industrie et peupler les Prairies. Comme Rod l'a mentionné il y a quelques instants, il y a 60 ans, il y avait près d'un million d'habitants en Saskatchewan. Aujourd'hui, il y a presque un million d'habitants en Saskatchewan. Or, il s'agit d'une des régions les plus riches en ressources au monde. Ce qu'il nous en a coûté de l'ignorer et d'y mêler la politique est ahurissant. Je pense que nous sommes sur le point de faire un grand pas en avant, mais la Saskatchewan devrait être le chef de file au Canada, et non pas le petit dernier comme nous le sommes depuis si longtemps.

Le sénateur Whelan: Comme vous le savez, de nombreux visiteurs viennent dans l'Ouest du Canada pour voir comment nos agriculteurs produisent dans le pays le plus froid au monde. Environ 55 p. 100 de notre production provient d'une région plus au nord que ce que l'on retrouve dans tout autre pays. Nos producteurs voulaient le meilleur régime, le meilleur régime de commercialisation au monde. Chacun voulait un régime où les producteurs traitaient avec un agent et non dix. Les agriculteurs connaissaient le prix et aucune commission ou autre paiement n'était versé à qui que ce soit d'autre.

À ce propos, la commission canadienne des grains a également été fondée par R.B. Bennett. Nous produisions alors les meilleures céréales du monde. À l'époque où j'ai été votre ministre, je ne voyageais jamais sans emporter les petits sachets d'échantillons préparés par la commission canadienne du blé, pour en donner la démonstration: c'était un grade bien supérieur à tout ce qui était produit aux États-Unis.

Je me souviens avoir eu affaire à un Américain du nom de Maguire, pas celui qui est ici, mais originaire du Nebraska. Les Américains, à l'époque, accompagnaient leurs chargements de blé tout au long du transport jusqu'à Amsterdam, parce que leurs clients se plaignaient que le blé qu'ils recevaient n'était pas celui qui sortait des entreprises agricoles, mais que les sociétés céréalières le mélangeaient avec diverses pailles et poussières pour en gonfler le volume. Le blé du Nebraska, quand il était livré, n'était plus de première qualité, et les clients faisaient souvent des comparaisons avec le blé canadien.

Ce n'est pas vous dire que la commission canadienne du blé soit parfaite, mais si l'on se remémore tout ce qui s'est passé dans d'autres régions du monde, quand on se souvient du rôle qu'elle a joué pour créer un marché juste et équitable, je crois qu'elle mérite nos louanges.

Vous êtes plus près de la frontière américaine. Les céréaliculteurs ontariens qui sont montés sur la brèche sont ceux qui ont les semi-remorques, les poids lourds auxquels il faut quelques heures pour franchir la frontière et arriver en Ohio ou au Michigan; ce sont ceux qui sont le plus loin de la frontière et qui n'ont donc pas cette facilité qui me préoccupent.

Nous avons mis en place un système remarquable, l'un des meilleurs du monde en ce sens que les agriculteurs ont chacun le droit de cultiver ce qui leur convient, et de passer des contrats. J'en aurais si long à dire là-dessus que vous pourriez m'engager comme journaliste.

Le président: Merci de cette homélie, sénateur Whelan.

À notre époque, l'agriculture -- cela ne fait aucun doute -- subit de profonds changements: des débouchés s'offrent à elle, mais des problèmes se posent, dont des modifications aux prix de transport, ce qui n'est pas sans difficultés pour les agriculteurs de la Saskatchewan. Pensez-vous que ce projet de loi résout de façon satisfaisante des problèmes tels que celui de la valeur ajoutée, de la capacité de production, du libre choix des céréales cultivées, et cetera? Dans la négative, des problèmes reviendront sur le tapis d'ici deux ou trois ans.

Nos propres exploitations sont en mutation: comment pourrait-on livrer le blé à 3 $ le boisseau, alors qu'il en coûte 5 $ de le produire? Certaines céréales, par exemple le Colza Canola, ont sauvé des entreprises agricoles. Voilà selon moi ce qui explique que ce projet de loi suscite tant d'anxiété. Pourriez-vous répondre à ce commentaire?

M. Flaman: Je suis né dans l'entreprise agricole familiale, et je n'ai pas eu voix au chapitre lorsque le système actuel a été mis en place. Ce système permet certainement d'acheminer les céréales à un acheteur d'Amsterdam et je n'en nie nullement le succès, remarquable. Ce n'est toutefois pas l'intérêt de l'acheteur d'Amsterdam qui me tient à coeur, mais la viabilité de mon entreprise agricole, de cette province et la possibilité de permettre à mes enfants de rester dans l'entreprise familiale pour y gagner leur vie.

À l'instar de Herb Axten, je songe sérieusement à vendre mon exploitation et à quitter non seulement le Canada, mais à quitter ce continent.

Le président: Mais c'est une autre question que je vous posais: ce projet de loi offre-t-il des solutions à ces changements?

Le sénateur Whelan: Est-ce que vous me permettez d'y répondre? La proportion de notre production de lentilles, d'oléagineux et de blé que nous exportons est la plus élevée de tous les pays. Pour assurer notre capacité de concurrence, il est essentiel que notre blé soit de première qualité, et nous y sommes parvenus. C'est la raison pour laquelle nous en avons obtenu parfois un prix plus élevé. Ce fait est essentiel pour votre entreprise ou exploitation agricole.

M. Flaman: Peu importe le système que nous utilisons pour commercialiser le grain, la qualité du grain que je cultive restera la même. Je continuerai à cultiver du grain de qualité supérieure car c'est dans mon meilleur intérêt de le faire pour obtenir le meilleur rendement. Je n'ai pas l'intention d'abaisser les normes de ma production.

M. Axten: Le projet de loi ne prévoit aucune disposition qui réponde à la question que vous venez de poser. Le projet de loi est totalement régressif pour l'agriculture dans l'Ouest du Canada.

Je voudrais revenir sur ce qu'a dit le sénateur Whelan au sujet de la qualité du blé de force roux du printemps et du blé ambré dur de l'Ouest du Canada. Je conviens que nous cultivons un grain de la meilleure qualité au monde, mais je veux aussi récolter l'argent qu'il vaut. Le blé de force roux du printemps cultivé au sud du 49e parallèle et transporté à Columbia Grain à Plentywood, au Montana, se vend aujourd'hui 3,50 $ US. Cette somme est intégralement remise à l'agriculteur, sans prélèvement. Le grain que j'achemine au terminal de Weyburn Inland se vendra probablement 3,50 $ Canadiens. Cela représente une différence de 1,40 $ en raison du taux de change.

M. Harrison: L'enjeu, c'est la liberté de vendre son produit. Prenons l'exemple du colza canola. En 1973-1974, l'écart entre le prix le plus élevé et le plus bas était 160 $ la tonne. Environ 45 p. 100 des produits primaires ont été expédiés au moment de la récolte ou avant le 1er novembre car pour un intrant différé, il fallait payer l'intérêt après le 1er novembre ou la fin d'octobre. Les agriculteurs ont donc livré leurs produits sur le marché, indépendamment du prix. Quiconque pouvait se permettre d'attendre au mois de juin suivant gagnait 10 $ le boisseau. C'est la même chose dans les Prairies. On parle de liberté, mais nous nous entre-déchirons pour nos propres grains personnels.

Pourquoi ConAgra et ADM viennent-elles ici? Ces sociétés s'attendent à la disparition de la commission du blé. Elles ne pourraient faire de l'argent sous le régime de la commission du blé. Elles pourraient récolter uniquement des frais de manutention. Leurs dirigeants prévoient que les gens seront mécontents du double marché et qu'ils n'auront de cesse tant que la commission du blé aura disparu.

M. Halyk: Il convient de se rappeler que les agriculteurs de l'Ouest ont été victimes de 1985 à 1995 d'une guerre commerciale internationale qui a décimé la production de blé. Cette guerre commerciale ne visait pas les oléagineux ou les légumineuses, mais bien le blé. Nous étions des spectateurs innocents, mais nous n'en avons pas moins été décimés.

Nous avons été témoin d'un léger redressement des prix depuis 1995, mais nous avons aussi vu des remises importantes pour le transport. Voilà pourquoi le blé est à 3 $ à l'élévateur. Cela n'a rien à voir avec le régime de commercialisation de la commission canadienne du blé, mais tout à voir avec la situation mondiale.

Retarder le projet de loi et laisser entendre qu'un futur conseil d'administration pourra changer la situation du tout au tout -- améliorer les prix et réduire les coûts -- , c'est une fausseté totale. C'est une illusion que certains essaient de créer.

Nous avons devant nous de sérieux problèmes tant au niveau du transport que du commerce mondial. Nous devons aller de l'avant et travailler à régler ces questions importantes. Je pense surtout au transport et aux négociations internationales qui sont à la veille de reprendre.

Le président: Merci d'avoir comparu, messieurs. Ce fut une matinée fort intéressante.

Le sénateur Sparrow: Puis-je poser une dernière question? Je voudrais savoir si dans vos exploitations agricoles vous pratiquez tous les méthodes de préservation du sol?

M. Axten: Absolument.

Le président: Merci, messieurs.

La séance est levée.


Haut de page