Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 6 - Témoignages pour la séance de l'après-midi
REGINA, le mercredi 25 mars 1998
Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, auquel a été déféré le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 13 heures pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Mesdames et messieurs les sénateurs, nous entendrons maintenant le premier groupe de témoins de l'après-midi. J'invite les personnes suivantes à s'installer à la table: Kyle Korneychuk, Stuart Leis, Henry et Joyce Neufeld et Avery Sahl.
Veuillez vous installer dans les fauteuils des témoins. Comme précédemment, nous allons écouter vos exposés puis passer aux questions. Nous allons commencer par vous, monsieur Korneychuk.
M. Kyle Korneychuk: Bonjour, mesdames et messieurs. Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie du temps que vous mettez à ma disposition pour faire mon exposé. Comme le président l'a dit, je m'appelle Kyle Korneychuk. Mon épouse et moi-même ainsi que nos deux enfants possédons une ferme dans la région de Pelly, dans le nord-est de la Saskatchewan.
Avant de commencer mon exposé, j'aimerais qu'une chose soit bien claire: je suis en faveur de la commission canadienne du blé et j'appuie vigoureusement les principes de la vente à guichet unique et de l'organisation méthodique du marché. C'est simple: la commission canadienne du blé permet aux agriculteurs canadiens de l'Ouest de se serrer les coudes pour affronter les marchés mondiaux. Cette façon de faire me paraît préférable à la concurrence que se livreraient les agriculteurs canadiens sous l'angle des livraisons, du prix et de conquêtes des marchés d'exportation dans l'espoir d'obtenir un prix raisonnable.
Toutefois, il m'est impossible d'appuyer le projet de loi C-4 sous sa forme actuelle et faute de changements en profondeur, le Sénat devrait recommander le rejet du projet de loi.
Le gouvernement actuel a placé les agriculteurs et la commission dans une situation difficile. Essentiellement, il a autorisé la déréglementation du secteur, ce qui se traduira dans les faits par la consolidation de tous les pouvoirs entre les mains des sociétés multinationales. Le gouvernement a eu l'audace d'autoriser des Américains à acheter des lignes de chemin de fer au Canada; de même, des installations portuaires canadiennes sont passées aux mains des Américains. Tout cela s'est produit sans que les agriculteurs aient eu voix au chapitre. Aujourd'hui, la plus grande partie des mécanismes d'organisation méthodique du marché des céréales ont disparu et le gouvernement demande aux agriculteurs de réparer un système éviscéré par les politiques du gouvernement.
Si j'appuie la commission canadienne du blé, je me rends aussi compte qu'elle ne peut être un organisme de commercialisation efficace si elle est détachée du dossier des transports. Le meilleur produit au monde perd toute sa valeur si l'on n'arrive pas à le mettre en marché. C'est pourquoi j'estime que la commission canadienne du blé devrait jouir d'une grande maîtrise du secteur des transports, contrairement à la compartimentalisation de la commercialisation et des transports favorisée par le gouvernement fédéral.
Même si les ministres de l'Agriculture disent toujours tenir des consultations avec le secteur agroalimenatire, je ne suis pas certain que ceux-là comprennent les agriculteurs, ni même si l'on a tenu compte de leur point de vue. Je sais en tout cas que si j'avais consulté mon épouse de la même façon, notre association n'existerait plus depuis longtemps. Je veux dire par là que le processus de consultation a permis aux entreprises céréalières, qui n'appartiennent pas au milieu, de représenter les agriculteurs. On a mal à concevoir comment un courtier en grains qui gagne plus de 250 000 $ par année puisse représenter les agriculteurs. Il ne faut pas oublier que les entreprises céréalières canadiennes se sont radicalement transformées ces dernières années. L'époque où elles appartenaient intégralement à des agriculteurs est révolue. Les coopératives de céréales de l'Ouest canadien ne sont plus les institutions d'antan qui soutenaient l'exploitation agricole familiale. Leur priorité aujourd'hui est la rentabilité de l'entreprise. Elles ne se perçoivent plus comme des mandataires de la commission canadienne du blé; au contraire, elles passent des ententes avec des entreprises transnationales comme ADM et Cargill. Cela dépasse même peut-être l'imagination de penser qu'une seule entreprise céréalière songe aux intérêts de l'agriculteur lorsque l'on sait que leurs actions se transigent à la bourse ou appartiennent à des intérêts privés.
Les véritables innovateurs de la politique agricole en Saskatchewan se retrouvent au sein de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities. C'est elle qui exprime les voeux de la majorité des producteurs. Pourquoi? Même si les municipalités ne sont pas directement intéressées au secteur céréalier, ce sont elles qui paient la note de l'abandon des lignes de chemin de fer et de la fermeture des silos-élévateurs et qui en répercutent le coût sur les agriculteurs sous forme d'impôt majorée. De leur point de vue à elles et du point de vue de l'agriculteur, nous ne sommes pas en train de passer à un système efficace.
Les lenteurs de la réforme n'ont fait qu'accentuer les clivages entre les agriculteurs. L'exaspération des milieux agricoles est réelle mais je ne suis pas convaincu qu'on a raison d'en attribuer la cause à la commission canadienne du blé. Le vrai problème, c'est l'argent et qui l'empoche. La réalité, c'est que l'agriculteur ne touche pas suffisamment d'argent pour son produit.
Pendant que nos pouvoirs publics tergiversent et font l'apologie d'un mécanisme de fixation de prix non subventionnés et guidés par le marché, les Américains et les Européens continuent d'assister leurs agriculteurs. Et chacun s'attend ensuite à ce que la commission canadienne du blé soutienne cette concurrence et assure un rendement raisonnable aux agriculteurs. Cette stratégie ne peut aboutir qu'à l'élimination de la commission et à son remplacement par des courtiers céréaliers capables d'exploiter les agriculteurs à merci, ce qui nous ramènera 60 ans en arrière à un système que nos prédécesseurs ont combattu.
Bien sûr, il y a des agriculteurs qui vont critiquer la commission canadienne du blé. Mais si vous décortiquez leurs déclarations, vous verrez que la plupart de leurs reproches viennent du fait que les agriculteurs ne touchent pas un rendement raisonnable. Les changements que l'on veut apporter à la commission canadienne du blé m'apparaissent comme les premières étapes de la privatisation de la commission, prélude à sa disparition. En effet, la majorité des changements vont affaiblir la commission et diminuer le pouvoir réel de commercialisation des agriculteurs. Ce pouvoir passera entre les mains des courtiers céréaliers qui, au cas où vous ne le sauriez pas, négocient les céréales pour réaliser des bénéfices. N'oubliez pas que ces bénéfices viennent directement de la poche des agriculteurs.
Les données du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation de la Saskatchewan montrent qu'entre 1947 et 1996, les recettes monétaires agricoles n'ont cessé de croître; toutefois, le revenu net pour la même période suit une courbe à la baisse. Trop de gens s'intéressent semble-t-il aux recettes des agriculteurs.
À la fin de mon mémoire, vous verrez quatre graphiques que je vous encourage à examiner. Vous y trouverez des statistiques intéressantes. Depuis 1950, le nombre d'agriculteurs a baissé; il y en a moitié moins que par le passé. Malheureusement, le revenu net, lui, n'a pas augmenté; de fait, il a baissé. Prenez le cas d'une exploitation agricole familiale comme la mienne: notre revenu net est inférieur à 9 000 $ et doit suffire à quatre personnes.
Le vrai problème, ce n'est pas la commission canadienne du blé. Ce n'est qu'une pièce du puzzle. Le vrai problème, c'est que l'agriculteur se fait avoir. J'ai aussi une mise en garde à l'intention des membres du comité: Quand vous écoutez les témoins, posez-vous la question: «S'agit-il d'un agriculteur? Ce que le témoin propose va-t-il profiter aux agriculteurs ou à quelqu'un d'autre? Représente-t-il les intérêts des agriculteurs ou ceux d'un groupe financé par d'autres, qui n'ont en tête que leur marge bénéficiaire?» Comme les bénéfices se font sur le dos des agriculteurs, je vous demande de vous poser ces questions pour assurer la pérennité de l'exploitation agricole familiale, sans quoi, le prochain fléau social sera de savoir que faire des ex-agriculteurs et des membres de leurs familles.
Ne prenez pas la chose à la légère. Il y a presque un an jour pour jour, j'étais dans une autre salle de conférence devant le comité permanent de la Chambre des communes. Il y avait là un jeune comme moi qui avait un point de vue diamétralement opposé au sujet de la commission canadienne du blé. Cela m'a beaucoup découragé. Je me demandais comment deux personnes de situation économique relativement semblable pouvaient avoir des avis aussi divergents. Ce n'est que quatre mois plus tard, dans une foire commerciale, que j'ai revu le type, qui se présentait alors comme un courtier en marchandises. Je suis allé le voir et lui ai demandé comment il expliquait sa comparution devant le comité permanent. Il m'a répondu: «Oui, j'ai déjà été agriculteur, mais je suis courtier en marchandises depuis des années et les membres du comité n'ont pas besoin de tout savoir». Je pense donc que vous devez savoir qui expose son point de vue et quels sont ses motifs.
Je crois qu'il faudrait renoncer au projet de loi C-4 et le remplacer par un autre qui maintienne des garanties gouvernementales, maintienne le statut de société d'État, supprime les achats au comptant et facilite le vote des producteurs pour l'inclusion ou l'exclusion de grains sous le régime de la CCB. Je suis tout à fait dévoué à cette cause, mais je ne suis pas naïf et je vois bien que le climat politique actuel n'est pas celui d'un régime intéressé à promouvoir un secteur économique fermement contrôlé par les agriculteurs; il va plutôt dans le sens d'un secteur agricole institutionnel. Je ne suis pas certain que le Sénat parviendra à défaire le projet de loi, et sachant qu'en matière d'agriculture on a, au Canada, actuellement tendance à consulter et à faire des compromis selon le plus petit dénominateur commun, je présente certaines opinions qui, j'estime, doivent être considérées comme des amendements si l'on donne suite à l'étude du projet de loi.
J'ai quatre points à faire valoir sur le gouvernement d'entreprise et le statut d'organisme de la Couronne. D'abord, on pourrait tenir des élections pour choisir des administrateurs parmi les producteurs agricoles et mettre en place un bassin d'administrateurs potentiels. Toutefois, le ministre de l'Agriculture pourrait alors choisir à partir de ce bassin un nombre préétabli d'administrateurs producteurs qui siégeraient au conseil d'administration. On pourrait ainsi maintenir le statut d'organisme de la Couronne.
Seuls les producteurs authentiques devraient être autorisés à se présenter pour l'élection à ces postes, et c'est insulter les producteurs que de laisser entendre que des dirigeants de sociétés de chemins de fer, de sociétés céréalières ou du marché boursier puissent se présenter comme candidats pour se faire élire comme administrateurs.
Le gouvernement fédéral ne devrait pas pouvoir renverser des décisions du conseil d'administration. Si cette disposition subsiste, le conseil d'administration ne sera qu'un fantoche du gouvernement, qui s'occupera davantage de questions de politique partisane que de l'intérêt des producteurs.
Les administrateurs nommés par le gouvernement fédéral devraient occuper leur poste pour une période déterminée, afin qu'ils puissent servir au mieux les intérêts des producteurs, sans craindre des répercussions possibles.
Pour ce qui est des achats au comptant, je recommande qu'on les supprime ou qu'on leur applique des critères stricts. Cette question concerne essentiellement l'orge fourragère, et la structure devrait en tenir compte.
Pour ce qui est du fonds de réserve, il faudrait le supprimer et le remplacer par des garanties gouvernementales pour tous les prix. Si un fonds de réserve est autorisé, il devrait être financé par les producteurs qui font augmenter les coûts du fait de la vente au comptant. Il n'est que logique que ceux qui suscitent des coûts additionnels en multipliant les risques aient la responsabilité d'en assurer le paiement; il s'agirait essentiellement d'un système reposant sur le principe de l'utilisateur-payeur.
Le gouvernement fédéral devrait continuer de garantir le rajustement au prix initial. La garantie devrait demeurer. Si c'est le cas, il devient inutile d'établir un fonds de réserve grâce à des fonds recueillis auprès des producteurs. Selon l'évaluation de M. Hehn, ce fonds de réserve coûterait aux producteurs 6 $ de plus la tonne de grain, ce que nous n'aurions pas du tout à payer si nous avions un gouvernement vraiment dévoué à l'agriculture.
Pour ce qui est des périodes de mise en commun, je pense qu'elles doivent continuer d'être préétablies. Faire varier ces périodes nuirait aux producteurs de différents pools, et cela va à l'encontre du principe de la mise en commun des prix. Des indicateurs fiables des prix à venir indiqueraient aux producteurs quand adhérer ou non à des systèmes de mise en commun. Toute cette question concerne l'orge fourragère et devrait être repensée en fonction de celle-ci exclusivement.
J'en arrive à la disposition d'inclusion. Elle doit demeurer, mais doit être formulée pour permettre aux producteurs, et non pas aux groupes sectoriels, d'entreprendre d'ajouter des cultures à la commission canadienne du blé. Certains groupes sectoriels ne s'assurent pas que leur politique de développement est adoptée ni même appuyée par la majorité de leurs membres. La disposition d'inclusion exigerait simplement qu'un nombre minimum de producteurs demandent l'inclusion d'une certaine culture, et, à ce moment-là, on procéderait à une élection. On ferait de même pour un retrait.
Actuellement, les coûts de transport représentent plus de 25 p. 100 du total des rentrées de fonds liées aux cultures; une fois ajoutés les coûts des intrants et les coûts fixes, les producteurs ne tirent rien de leur investissement. Le CN vient de faire état de profits record. Son revenu net s'établit à 403 millions de dollars, avec en tête le secteur des grains, qui affiche une augmentation de 23 p. 100 de ses revenus, et on veut pourtant abandonner des voies ferrées et répercuter des coûts additionnels sur les producteurs. Si l'on compare cela au revenu d'investissement prévu de 15 p. 100 pour les sociétés céréalières, cela montre bien que les producteurs doivent avoir un peu plus de contrôle sur leur secteur. On peut le faire si la commission canadienne du blé est efficace et contrôlée dans l'intérêt des producteurs, et non pas au moyen du système proposé.
Je suis ici aujourd'hui pour vous demander d'examiner attentivement les conséquences de ce projet de loi et de prendre des décisions logiques et équitables, des décisions qui profiteront aux agriculteurs et, par conséquent, au pays tout entier. Je vous en prie, n'y voyez pas une question politique, n'apaisez pas les grandes sociétés de façon à ce qu'elles augmentent leurs bénéfices aux dépens des agriculteurs. Dans son libellé actuel, le projet de loi transmet des coûts inutiles aux agriculteurs et permet au gouvernement d'abdiquer sa responsabilité et la nécessité de rendre des comptes aux agriculteurs en donnant à ceux-ci l'impression qu'ils sont aux commandes, alors qu'en réalité ce sera toujours le gouvernement qui pourra contrôler les membres du conseil d'administration.
Le projet de loi à l'étude constitue un instrument global qui détruira le contrat social qui existe actuellement entre les agriculteurs et le Parlement du Canada. On remplacera ce contrat par un régime où le bureau du ministre et les commerçants en céréales posséderont une influence beaucoup plus directe, ce qui du point de vue des agriculteurs est un pas en arrière.
Le président: Merci, monsieur Korneychuk. Nous allons maintenant passer à M. Sahl.
M. Avery Sahl: Merci, monsieur le président, honorables sénateurs. Pour vous donner une idée de mes antécédents, j'exploite avec mon fils une ferme dans la région de Mossbank. Je suis un ancien vice-président du Saskatchewan Wheat Pool. J'ai siégé au comité consultatif pendant environ 16 ans, où j'ai été président pendant une grande partie de ce temps. J'ai pris la parole à de nombreuses occasions à l'Institut international des grains sur la façon dont les agriculteurs font partie du système. J'ai fait partie du comité de normalisation des grains, et je suppose que c'est pourquoi le ministre m'a demandé si je voulais siéger au groupe de commercialisation, ce que j'ai fait.
Je vous exhorte à adopter ce projet de loi, parce que les agriculteurs réclament quelque chose de ce genre depuis des années. Cela remonte au comité Steers que la commission avait elle-même créé. Les agriculteurs réclament une plus grande souplesse, ils veulent un conseil d'administration, ils veulent des achats au comptant ou des versements intérimaires plutôt rapides, mais le gouvernement n'a jamais donné suite à ces recommandations. La Commission elle-même a réclamé ces mêmes changements, et le gouvernement en place à l'époque n'a pas jugé bon de le faire. Donc, dans l'intérêt des agriculteurs, je vous propose d'adopter ce projet de loi.
Je me dois également de dire que nos clients, partout dans le monde, manifestent de l'inquiétude -- certains ont une relation de 40 ans avec la commission canadienne du blé et les agriculteurs -- et disent: «Que se passe-t-il au Canada? Nous avons eu cette relation permanente avec la commission canadienne du blé pendant des années, et maintenant nous entendons parler de tous ces changements au Canada.»
Le groupe de commercialisation a écrit à 70 clients, un peu partout dans le monde, pour leur demander ce qu'ils pensent de leurs relations avec la commission canadienne du blé et les agriculteurs canadiens. Nous avons envoyé dans ces pays un émissaire, M. Denny Stevens, qui était à la tête de l'Institut international du Canada pour le grain. Si vous voulez vérifier les résultats, ils sont présentés dans le rapport.
La seule plainte entendue, c'est que la commission canadienne du blé vend ses céréales trop cher. Toutes les autres réactions étaient extrêmement positives -- on obtient le genre de céréales que l'on demande, à temps, et si nous avons des difficultés à faire des mélanges avec nos propres céréales, la commission du grain, l'institut, et même la commission canadienne du blé nous aident, ce qui à leur avis est d'une valeur inestimable. Voilà ce que pensent nos clients de la commission canadienne du blé et de ses relations avec les agriculteurs.
Le meunier le plus important en Indonésie, à Jakarta, a fait un voyage spécial pour présenter ses opinions, en personne, au Comité de commercialisation. Il nous a dit: «Si je ne peux pas obtenir mes céréales de la commission canadienne du blé, je vais probablement m'adresser à la commission australienne.» Déjà, il achète la moitié de son stock de nous et l'autre moitié de la commission australienne. Quand nous lui avons demandé: «Pourquoi ne pas l'acheter des États-Unis ou d'un autre pays?» il a répondu: «Jamais plus.» Il a ajouté: «Lorsque je commande une cargaison de céréales, il faut qu'elles soient livrées à mon quai. Il ne faut pas que mon moulin s'arrête, il doit tourner 24 heures par jour, et je dois savoir ce qui est en route. Je ne peux pas me permettre de faire d'autres arrangements comme par le passé qui ont mal tourné.»
Nous avons reçu une délégation spéciale de Ceroil, China Oil, Food and Cereal Company, qui fait des affaires depuis plus de 40 ans avec la commission canadienne du blé. Nous avons été le premier pays à vendre à la Chine d'importants chargements de blé. Les membres de la délégation nous ont demandé: «Que se passe-t-il? Nous faisons des affaires depuis longtemps avec la commission, mais des problèmes se posent soudainement. On a accusé la commission canadienne du blé d'être malhonnête. Or, nous n'avons jamais eu cette impression, bien au contraire.»
Nous vous demandons aussi d'adopter ce projet de loi parce que nous voulons que le moral des employés de la commission puisse s'améliorer. Vous pouvez bien vous imaginer à quel point les employés de la commission sont démoralisés, étant donné les accusations qui ont été portées à l'égard d'un organisme qui jouissait jusqu'à maintenant d'une bonne réputation internationale. On a notamment accusé la commission d'être malhonnête et de vouloir cacher des choses.
J'aimerais aborder deux éléments du projet de loi qui donnent lieu à une certaine controverse.
Le premier a trait au fonds de réserve. Pouvez-vous me dire comment un organisme dont le chiffre d'affaires est de 6 milliards de dollars -- qui doit avancer des fonds aux agriculteurs et qui doit tenir compte de différentes options en ce qui touche les prix -- pourra se conformer à la loi s'il ne dispose pas d'un fonds de réserve? Certains parlent d'un fonds de 5 à 6 milliards de dollars. Cela n'a aucun sens. À mon avis, le gouvernement devrait constituer un fonds de réserve dont le montant serait raisonnable.
En outre, le fonds devrait être établi sur une base individuelle. Si certains agriculteurs connaissent des difficultés et doivent avoir recours au fonds, c'est eux qui devraient en assumer les frais, et non pas ceux qui souhaitent conserver le système de mise en commun. Je crois que c'est le ministre de la Saskatchewan qui y a fait allusion, et c'est une suggestion qui mérite d'être étudiée.
L'autre élément dont je veux vous parler est la disposition portant sur l'inclusion et sur l'exclusion. Lorsque je siégeais au comité consultatif, je représentais une région qui s'étend de Bengough, en Saskatchewan, jusqu'à la frontière de l'Alberta. On cultive beaucoup de seigle dans cette région, et beaucoup de producteurs de seigle réclamaient que la commission canadienne du blé commercialise le seigle. J'ai dû leur répondre que la commission n'était pas habilitée à commercialiser ce produit et que seul le gouvernement du Canada pouvait lui confier ce mandat. Je leur ai dit qu'ils devraient s'adresser au gouvernement.
Le seigle a finalement été inclus dans les produits cotés à la Bourse de Winnipeg, mais il ne l'est plus maintenant. Le produit n'est même plus commercialisé à la Bourse de Winnipeg. Ces gens ont été laissés pour compte. Je ne sais pas comment les producteurs de seigle commercialisent leur produit, mais c'est sans doute dans le cadre d'une entente avec une société céréalière. Voilà pour ce qui est de l'inclusion.
Parlons maintenant de l'exclusion.
À la grande surprise du comité consultatif et de la commission canadienne du blé, le ministre dont relève la commission a annoncé à Winnipeg que l'avoine cesserait d'être commercialisée par la commission canadienne du blé. La Commission a déjà vendu à terme de l'avoine sur le marché américain, qui était son seul marché à l'époque. Le marché comptait quatre acheteurs. Après l'annonce faite par la commission, tous les exploitants de silos -- élévateurs -- et je crois même tous les agriculteurs -- sont descendus aux États-Unis vendre leur avoine, pour laquelle ils ont obtenu toutes sortes de prix.
Ma soeur vit dans une petite ville en Iowa qui s'appelle St. Ansgar. Il y a une usine de mouture de l'avoine juste au nord de la ville. Je lui rendais visite environ deux mois après l'annonce faite par la commission et j'ai vu deux wagons-trémies du gouvernement du Canada sur les voies de l'usine. Je me suis présenté au propriétaire, et c'est la première fois que j'ai eu honte d'être Canadien, parce qu'il m'a pris à partie. Il m'a dit: «Qu'est-ce qui se passe chez vous? Je réponds tous les jours à des appels de sociétés céréalières et de producteurs céréaliers qui m'offrent de me vendre de l'avoine. Certains viennent même me l'offrir en personne.» Il a ajouté: «Je ne sais pas de quel type d'avoine il s'agit. Lorsque je veux acheter de l'avoine, je dois savoir de quel type d'avoine il s'agit et quand on peut me la livrer. Qu'est-ce que fait la commission?»
J'aimerais demander aux producteurs d'avoine ce qu'il est advenu de la prime que touchait la commission pour moudre l'avoine. Les dossiers indiquent que le déficit de la commission à ce titre était de 32,3 millions de dollars. La Commission s'était engagée par contrat à vendre de l'avoine et elle a dû résilier certains de ses contrats. Comme il a été impossible de modifier le prix de vente, le gouvernement a dû éponger un déficit de 32,3 millions de dollars. Le ministre aurait pu à tout le moins avoir la courtoisie de m'appeler, à titre de président, ou d'informer le comité consultatif du fait que la commission ne comptait plus vendre de l'avoine. Voilà ce qu'il est advenu.
Lorsque la même décision a été prise au sujet de l'orge, la prime pour l'orge de brasserie a disparu, et les prix de l'orge se sont effondrés de la même façon. Voilà donc ce qui s'est passé.
J'aimerais vous expliquer brièvement pourquoi le groupe de commercialisation a accepté que l'orge se vende sur le marché libre. La Commission et les agriculteurs ne savaient plus qui allait commercialiser l'orge. La Commission vendait des quantités importantes d'orge à l'Arabie saoudite, un gros marché de 5 millions de tonnes, et elle avait du mal à trouver suffisamment d'orge pour respecter ce contrat. Pourquoi? Parce que les producteurs stockaient l'orge pour faire monter les prix sur le marché intérieur. La Commission essayait donc de trouver suffisamment d'orge en avril pour respecter les conditions du contrat conclu avec l'Arabie saoudite, et elle n'en trouvait pas. Qu'est-il advenu le 15 juillet? Un demi-milliard de tonnes d'orge sont arrivées aux silos -- élévateurs, mais le marché qui existait en avril n'existait plus en juillet. Le contrat récemment conclu avec le Japon est un autre exemple semblable.
Le président: Nous allons maintenant donner la parole à Henry et Joyce Neufeld.
M. Henry Neufeld: Joyce et moi nous adonnons à l'agriculture dans le sud-ouest de la Saskatchewan. Comme on nous a demandé de ne pas parler pendant plus de cinq minutes, c'est ce que nous allons faire. Il s'agit d'un mémoire conjoint. Joyce va d'abord prendre la parole, et c'est moi qui poursuivrai.
Mme Joyce Neufeld: Je vous remercie. Je ne connais pas les comités aussi bien que M. Sahl, mais j'ai déjà conduit un tracteur et un cultivateur, j'ai transporté des engrais ainsi que des céréales, et j'ai même ramassé des roches. Je crois donc pouvoir dire être une véritable agricultrice.
Le temps qui nous est imparti ne nous permettra pas de vous faire part de toutes nos préoccupations au sujet du projet de loi, mais de quelques-unes seulement.
On peut débattre la question de savoir si la commission s'acquitte bien de ses responsabilités, mais je ne crois pas que la solution à cet égard soit l'élection des administrateurs. Nous n'appuyons pas la création d'un conseil d'administration dont les membres seraient en partie élus comme moyen de rendre la commission plus comptable aux agriculteurs. Selon ce point de vue, le conseil d'administration élu proposé dans le projet de loi C-4 peut être vu comme la pire des solutions possibles. L'objectif visé est de donner l'impression qu'il y a un contrôle qui s'exerce, et on imputera sûrement au conseil la responsabilité de tous les problèmes que la commission risque de connaître.
Le ministre, qui est habilité à choisir le président du conseil d'administration parmi les membres de ce conseil, qui ne seront pas tous élus par les agriculteurs, ainsi que le président de la commission, est celui qui conserve les véritables pouvoirs et qui peut exercer en coulisses des pressions sur la commission canadienne du blé. Je suis convaincue que le projet de loi C-4 aurait beaucoup plu au ministre Charlie Mayer pendant son règne de la terreur.
Élus ou nommés, les membres du conseil d'administration ne pourront faire que ce que leur permet la loi. L'article 4 du projet de loi énonce que les candidats aux postes de membres du conseil d'administration n'ont pas à posséder un carnet de permis de la commission canadienne du blé, ce qui signifie que des non-agriculteurs pourront présenter leur candidature. Je suis convaincue que les représentants des chemins de fer et les négociants en grains auront à coeur les intérêts des agriculteurs lorsqu'ils siégeront à la commission canadienne du blé.
Nous estimons que la structure actuelle, qui permet aux agriculteurs d'obliger le gouvernement à rendre des comptes au sujet de la commission canadienne du blé, est de beaucoup préférable. Nous recommanderions cependant que des pouvoirs additionnels soient accordés au comité consultatif de la commission élu par les producteurs. Dans la mesure où les membres de votre comité estiment en toute sincérité qu'un conseil élu sera davantage tenu de rendre des comptes qu'un conseil nommé, il y a lieu de se demander pourquoi nous comparaissons aujourd'hui devant un organisme composé de personnes qui ont été nommées. Voilà un aspect qu'on ne saurait passer sous silence.
Au sujet de la mise en commun qui, à l'heure actuelle, correspond à la campagne agricole, si la période de mise en commun est modifiée au gré des sociétés pour correspondre à une ou des périodes ne dépassant pas un an, il y a lieu de s'inquiéter. La période de mise en commun pourrait ainsi avoir n'importe quelle durée, dans la mesure où elle ne dépasse pas un an. Voilà qui, selon nous, inciterait les producteurs qui ont les reins solides à retenir leurs céréales en espérant un prix plus élevé dans une période de mise en commun ultérieure. Cependant, bon nombre d'agriculteurs seraient alors obligés de vendre au cours d'une période de mise en commun où les prix seraient faibles pour être en mesure de payer leurs comptes. Nous estimons que le problème des insuffisances doit être réglé par la limitation des contrats, et non pas par la limitation des périodes de mise en commun.
Au sujet de l'inclusion-exclusion, la disposition selon laquelle seuls les représentants de groupes de produits peuvent demander l'ajout ou le retranchement d'autres céréales de la liste visée par la commission est très nettement discriminatoire à l'égard d'agriculteurs qui choisissent d'être représentés par des organisations agricoles à caractère général. Une telle disposition élimine pratiquement les producteurs agricoles Keystone du Manitoba, les producteurs Wild Rose de l'Alberta, le Syndicat national des cultivateurs et la Fédération canadienne de l'agriculture. À titre de producteurs d'avoine et de seigle, et de membres d'une organisation agricole non spécialisée, nous sommes passablement irrités de ne pas avoir l'occasion de commercialiser nos céréales en bénéficiant des avantages du guichet de vente unique de la commission canadienne du blé. Nous sommes convaincus que bon nombre d'autres producteurs qui sont représentés par des organisations agricoles généralistes aimeraient avoir l'occasion de commercialiser d'autres céréales et oléagineux par le truchement de la commission canadienne du blé.
Au sujet des garanties gouvernementales, le fonds de réserve devra peut-être totaliser jusqu'à 10 p. 100 des revenus de la commission, ce qui donnerait 580 millions de dollars par rapport au revenu de 5,8 milliards de dollars de la commission pour 1995-1996. Voilà qui représenterait 5,45 $ la tonne de céréales par année pour cinq ans, et ce, pour chaque tonne vendue par le truchement de la commission canadienne du blé. La somme proviendrait directement des goussets des agriculteurs, et cela est tout à fait inacceptable.
Le projet de loi C-4 devait renforcer la commission canadienne du blé, mais, au contraire, il l'affaiblit et ouvre même la porte à sa destruction complète. La mesure aurait pour effet de détruire le système de mise en commun des prix, la vente par guichet unique, les garanties gouvernementales et le bon fonctionnement des marchés, soient les points forts de la commission.
M. Neufeld: Je crois qu'il convient que nous disions pourquoi nous sommes ici et pourquoi de tels changements sont proposés dans le cadre du projet de loi C-4.
Le ministre voudrait nous faire croire que les changements reflètent les opinions des agriculteurs de l'Ouest, dont on aurait pris le pouls à l'occasion des réunions du Groupe de travail sur la commercialisation des céréales de l'Ouest.
Ayant été au nombre des 300 agriculteurs qui ont participé à la réunion du groupe de travail tenue à Swift Current, en Saskatchewan, permettez-moi de remettre les pendules à l'heure. Aux termes de cette réunion, on a demandé un vote inscrit. Lorsqu'il a été question de savoir qui appuyait le monopole de vente à guichet unique actuel avec pouvoirs élargis pour la commission, cinq personnes seulement ont voté contre, deux se sont abstenues, et les autres ont voté pour. Un tel résultat est assez typique de toutes les réunions du Groupe de travail sur la commercialisation des céréales de l'Ouest tenues dans l'Ouest du pays. Je tiens à vous dire sans détour que le rapport du groupe de travail a complètement dénaturé la réalité de la réunion tenue à Swift Current. Le rapport officiel s'éloigne tellement de la vérité que je suis obligé de dire que les membres du groupe de travail qui étaient présents à Swift Current étaient endormis, ou encore que les réunions tenues dans l'Ouest du Canada n'ont été rien d'autre qu'une supercherie bien planifiée.
Lors de 12 réunions de la commission canadienne du blé tenues récemment dans l'Ouest du pays, les agriculteurs ont voté par des majorités écrasantes, soit de 10 contre un, pour le retrait du projet de loi C-4. Les producteurs d'orge notamment ont très nettement voté en faveur du maintien du monopole de vente par guichet unique de la commission. Il est donc très clair que les agriculteurs ne sont pas d'accord avec le projet de loi C-4, qui, comme je l'ai déjà dit, aurait pour effet de détruire la mise en commun des prix, la vente par guichet unique, les garanties gouvernementales et l'organisation méthodique du marché.
La mesure législative est nettement lacunaire et n'augmente en rien le contrôle exercé par les agriculteurs. Bien au contraire. Elle ne renforce pas non plus les pouvoirs de la commission. Nous vous demandons de faire retirer ce projet de loi et de l'éliminer complètement.
Le président: Merci. Monsieur Leis?
M. Stuart Leis: Je suis de Kamsack, où je pratique l'agriculture avec mon frère et mon père, sur une exploitation de quelque 4 200 acres où nous produisons des céréales et des oléagineux.
Il y a deux ans, presque jour pour jour, je suis venu à Regina faire un exposé devant le groupe d'experts en commercialisation du grain de M. Goodale. Moi-même et bon nombre d'autres agriculteurs avons passé deux jours ici à Regina, pour nous rendre compte assez rapidement qu'il ne s'agissait là de rien d'autre que d'une perte de temps et d'argent des contribuables. En fin de compte, il n'a accepté aucune de leurs recommandations. J'espère certainement que ce que nous sommes en train de faire en ce moment n'aboutira pas au même résultat.
Depuis les audiences du groupe d'experts de mars 1996, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. De nombreux agriculteurs ont été accusés d'avoir vendu des céréales au plus offrant et ont été poursuivis devant les tribunaux, à répétition dans certains cas. Bon nombre d'entre eux ont déjà été reconnus coupables et ont versé des amendes très considérables. Certains se sont reconnus coupables, négociant leur aveu pour bénéficier d'une amende réduite et pour mettre un terme à des procédures coûteuses, alors que, en réalité, ils étaient tout simplement coupables d'avoir vendu des céréales pour assurer la survie de leur entreprise agricole et pour nourrir leur famille. Par ailleurs, nous sommes encore nombreux à ne pas avoir comparu devant le tribunal.
Nous pouvons constater toute l'incohérence des tribunaux. Dave Sawatzky est acquitté, alors que, pour la même accusation, Andy McMechan se voit infliger une peine d'emprisonnement de 155 jours et un traitement qu'on ne réserverait même pas à un tueur en série. À cause de cela, il a perdu son entreprise agricole. Quel système de justice avons-nous donc? Quelle sorte de pays emprisonne des agriculteurs pour avoir tenté de gagner honnêtement leur vie?
L'un des grands enjeux, d'après moi et la plupart des agriculteurs, est celui du droit de propriété. À qui appartiennent les céréales? Lorsque nous allons semer notre blé au cours des prochains mois, à quel moment ce blé ne nous appartiendra-t-il plus? Est-ce que ce sera au moment où la semence quitte le semoir, lorsque la plantule sort du sol, ou peut-être lorsque nous récoltons le blé ou lorsque nous le vendons?
Si le procureur de la Couronne peut dire, comme il l'a fait dans l'affaire David Brian il y a un peu plus d'un mois, que nous n'avons aucun droit de propriété, alors pourquoi ne nous accorde-t-on pas une aide financière pour cultiver ce blé? S'il ne nous appartient pas, alors pourquoi devons-nous assumer tous les risques et tous les coûts, ou encore, autrement dit, puisque nous devons assumer tous les risques, pourquoi ne pouvons-nous pas le vendre au plus offrant?
L'écart de prix qui existe aujourd'hui entre le Canada et les États-Unis pour le blé -- et je parle ici dans la perspective de ma propre exploitation agricole -- est au moins de 10 $ la tonne. Tout dépend évidement de l'accord conclu entre les parties. En règle générale, l'écart a oscillé entre 35 $ et 40 $ la tonne ou plus.
Le monopole de la commission canadienne du blé a coûté nettement qu'un million de dollars à notre entreprise agricole depuis 1989. C'était la première année où nous tentions d'écouler du blé aux États-Unis à prime de 1,65 $ le boisseau environ, et la commission ne voulait pas nous vendre de permis d'exportation, puisqu'il n'y en avait tout simplement pas à l'époque. Ce dont il est question ici, c'est de nos économies de retraite.
L'idée que les Canadiens n'ont pas de droit de propriété me trouble énormément. Si le gouvernement peut exproprier nos céréales, il peut également exproprier nos autres biens -- je pense ici à nos terres et à nos maisons -- comme il l'a fait à des milliers de Canadiens d'origine japonaise il y a à peu près 50 ans de cela. Je me suis fait dire récemment que les Canadiens n'avaient même pas une Constitution valide et que personne n'était en mesure de produire un exemplaire signé de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. C'est peut-être pour cela, entre autres, que nous n'avons pas de droit de propriété. Le pétrin dans lequel nous nous trouvons est peut-être donc plus considérable que ce qu'il paraît à première vue.
Et maintenant, pour revenir brièvement à l'affaire David Brian, je me demande ce que faisait M. Chrétien à Winnipeg le jour avant que le juge ne rende sa décision. Se pourrait-il qu'il ait parlé au juge comme l'ont fait ces mandarins qui se sont déplacés par avion pour parler au juge lors du procès d'Andy McMechan?
Si j'ai bien compris, les producteurs de blé de l'Ontario pourront bientôt décider s'ils vendront eux-mêmes leur blé ou non sur le marché ou s'ils le vendront à l'Office de commercialisation du blé de l'Ontario avant le début de la campagne agricole. Comment peuvent-ils choisir entre deux méthodes de mise en marché, mais pas nous? Est-ce que ce n'est pas discriminatoire? Le Canada n'est-il pas encore un seul pays?
La dernière question dont je veux parler, et la plus importante, est le projet de loi C-4. Ce n'est pas ce que veulent les agriculteurs des Prairies. Nous ne voulons pas que le monopole de la commission canadienne du blé s'applique au canola, au lin et à l'avoine au même titre qu'au blé et à l'orge. Ces récoltes dont ne s'occupe pas la commission sont nos seules cultures vraiment rentables. Ce sont nos seules cultures commerciales.
On nous impose maintenant le projet de loi C-4, tout comme on l'a fait pour le projet de loi C-68 sur le contrôle des armes à feu. Nous n'en voulons pas. Le contrôle des armes à feu n'arrêtera pas le crime, et le contrôle du blé ne produira pas plus de recettes pour nous. Nous sommes en train de perdre nos libertés. Le gouvernement veut essayer de changer la commission du blé, mais peut-on me dire quelle loi ou quel pouvoir a autorisé le gouvernement à créer une commission de commercialisation du blé? Il me semble que les offices de commercialisation sont illégaux. Qui plus est, M. Goodale a publié un décret du conseil pour qu'il soit, comme il l'a dit lui-même, tout à fait clair qu'un permis d'exportation doit être présenté à l'agent principal des douanes, même si un tel décret du conseil est tout à fait illégal et impossible à appliquer.
Cela nuit énormément à la réputation du Canada. Il ressemble de plus en plus à Cuba et à la Chine. Attendez que d'autres Canadiens apprennent dans quel genre de pays nous vivons maintenant.
Au nom de notre exploitation agricole et de tous les agriculteurs sensés, logiques et partisans de la libre entreprise de l'Ouest du Canada, je prie les sénateurs de rejeter le projet de loi C-4 et, par la même occasion, de rejeter aussi le projet de loi C-68 et de prendre les mesures nécessaires pour créer immédiatement un office du blé volontaire. Qu'on laisse ceux qui préfèrent passer par la commission canadienne du blé le faire, mais n'y forcez pas ceux qui ne veulent pas procéder de cette façon. Cela finira par arriver, et vous le savez tous. Cessez de reporter l'inévitable.
Le président: Merci, monsieur Leis. M. Wigmore remplace M. Murray Bright. Allez-y, monsieur Wigmore.
M. Al Wigmore: Je suis un agriculteur de l'ouest de Regina, un agriculteur de la troisième génération. Nous produisons des pois, des lentilles, de la graine de canaris, des graines de tournesol et, s'il le faut, un peu de blé pour la rotation des cultures. Nous ne produisons pas de blé parce que ce n'est pas rentable. Si vous perdez de l'argent avec une culture, vous devez vous demander pourquoi persister.
Je peux expliquer la situation de façon très simple. Depuis que nous sommes petits, on nous enseigne qu'il est mal de mentir et de voler, mais nous sommes obligés de vendre à la commission canadienne du blé, et nous croyons que cela équivaut à un vol.
L'automne dernier, quand j'ai récolté mon seul champ de blé dur, on pouvait téléphoner pour savoir quel prix serait versé aux agriculteurs au silo. Tous les silos au sud de la frontière payaient 8 $ le boisseau pour le blé dur. Le prix à Moose Jaw, où je transportais mon blé ce jour-là, était de moins de 4 $ le boisseau. Cela représente un écart de 4 $. Nous obtiendrons plus tard un paiement final. Si nous avons de la chance, je recevrai 5 $, mais 3 $ le boisseau représente la différence entre payer ses factures et ne pas pouvoir les payer. La Commission du blé ne nous traite pas de façon équitable.
Le problème pour la commission du blé -- et nous appuyons le système de coopératives depuis des années -- vient du système du coût plus marge utilisé une fois que les céréales quittent la ferme. Quand vous déchargez votre camion à n'importe quel silo de l'ouest du Canada, il faut payer un tarif gouvernemental de 28c. le boisseau. Si vous déchargez votre camion à un silo où il y a de la concurrence, le tarif sera de 7c. le boisseau, soit le quart du taux.
À propos de l'entreposage du grain, le Canada est le seul pays du monde où l'agriculteur doit entreposer son grain. Nous ne pouvons pas livrer notre grain directement, car le système ne le permet pas. Alors, qui récolte les frais d'entreposage? Les négociants en grain. Nous entreposons le grain, et les négociants en perçoivent les frais d'entreposage. Un agriculteur ne peut pas acheter un silo même quand il va être démoli. Le Saskatchewan Wheat Pool refuse de vendre des silos aux agriculteurs, de crainte d'une éventuelle concurrence. Comme si un pauvre petit agriculteur pouvait concurrencer une multinationale. Le silo est donc démoli, alors qu'il pourrait très bien servir d'entrepôt pour les agriculteurs.
Notre système est hostile aux agriculteurs. On ne peut pas croire que même le vérificateur général pourrait constituer une menace pour la commission canadienne du blé, qu'on lui refuse l'accès aux livres de la commission. Comment notre vérificateur général pourrait-il être à ce point malhonnête qu'il détruirait la commission canadienne du blé en vérifiant ses livres? Nous trouvons cela incompréhensible.
Il est étrange qu'un agriculteur canadien, sa femme, ses enfants et ses grands-parents puissent faire une récolte en six semaines, ou encore en huit semaines lors d'une année maigre, et que pourtant notre chemin de fer géré par le gouvernement et le Canadien Pacifique ne parviennent pas au cours du reste de l'année à acheminer cette récolte vers les ports. Nous nous révélons plutôt efficaces, et pourtant c'est nous qui payons la facture.
Il est devenu si coûteux de transporter notre grain par chemin de fer que le transport par camion se révèle meilleur marché. Si j'achetais moi-même un camion et que je m'en servais pour transporter mon grain à Thunder Bay cela me reviendrait moins cher que si je le faisais transporter par chemin de fer. Comment donc adhérer à un système tellement rétrograde et inefficace qu'il n'est pas étonnant que nous ne puissions pas cultiver du blé de façon rentable.
L'agriculteur que je suis voudrait avoir la possibilité de vendre son blé et son orge à qui bon voudra l'acheter. Dans les faits, je suis forcé de le vendre à la commission canadienne du blé, qui refuse de signer un contrat honnête avec moi. La situation est telle actuellement qu'il nous faut signer avec la commission canadienne du blé un contrat exigeant que nous allions livrer notre grain, alors qu'il n'y a aucun engagement de la part de la commission de l'acheter et qu'aucun prix n'est fixé. Pour vendre mes petits pois, je peux les offrir à n'importe quel acheteur éventuel qui me proposera un prix, et, si je suis d'accord, et ce, au téléphone, le prix est fixé et la denrée doit être livrée dans un délai précis, et ce, suivant le marché conclu entre les deux parties.
La Commission canadienne du blé rouspète si elle n'obtient pas nos produits, mais elle refuse toute garantie. Nous devons donner l'assurance de notre produit, alors que la commission ne fixe pas de prix et ne nous dit pas quand nous pouvons livrer. Contrairement à ce que je peux faire avec les lentilles, l'alpiste et le tournesol.
L'année dernière, j'ai cultivé du tournesol pour la première fois. Comme il y a trois acheteurs au Manitoba, je leur ai téléphoné, et ils m'ont offert un prix. Quand il y a accord, les acheteurs prennent livraison, ou c'est le producteur qui livre. Une variété de tournesol que j'avais cultivée devait être livrée au Dakota du Nord, et mon client m'avait fixé une date précise de livraison. Ce fut fait, et j'ai été payé. Il n'y a pas eu de difficulté.
Ainsi, ceux qui prétendent que nous ne pouvons pas commercialiser notre grain, que seule la commission canadienne du blé peut le faire, ne savent pas de quoi ils parlent, car c'est aussi simple que cela. Les mêmes négociants en grain qui achètent les autres produits d'un agriculteur lui achèteront son blé et son orge si la commission canadienne du blé s'écarte. De deux choses l'une: soit la commission nous l'achète et en paie le prix, soit elle nous laisse le vendre. L'ennui, c'est que parfois il nous faut garder notre grain pendant plus d'une année après l'avoir récolté, et, une fois que la commission l'a acheté, nous sommes payés un an plus tard, ce qui est inacceptable.
J'aurais bien des choses à ajouter concernant la gestion pourrie de la commission canadienne du blé, qui s'est tout à fait déconsidérée aux yeux des agriculteurs.
Le sénateur Hays: Une question seulement sur l'aptitude des détenteurs de permis à siéger au conseil d'administration. Certes, il y a des gens d'autres secteurs qu'on ne s'attend pas à voir siéger au conseil, des gens des chemins de fer par exemple, mais je pense en l'occurrence à Lorne Hehn. Je ne sais pas s'il détient un permis ou non. En détient-il un? De toute façon, il y a sans doute des gens dont l'activité professionnelle dépend du grain et qu'un district pourrait vouloir pressentir. Quand je pense au poste de président du conseil, je me demande combien de temps ses responsabilités de président vont lui permettre de consacrer à l'agriculture. Deux témoins sont venus nous dire ici que les candidats souhaitant siéger au conseil d'administration devraient être des détenteurs de permis.
Le président: Monsieur Sahl?
M. Sahl: Eh bien, assurément, il faut que ceux parmi les producteurs qui seront élus au conseil détiennent un permis.
C'est le désaccord le plus total quant aux administrateurs qu'on envisage de nommer, mais presque tous les conseils d'administration du secteur privé choisissent des gens qui ont un certain niveau de compétence. On trouve même un agriculteur au conseil d'administration de la Banque Impériale. Bien des sociétés ont demandé à des gens venant des domaines les plus divers de siéger à leur conseil, qui s'en trouve ainsi enrichi.
Je m'inquiète peu des nominations que fera le gouvernement, car on sait fort bien que s'il nomme quelqu'un qui ne convient pas, qui n'apporte pas sa contribution au conseil d'administration, le gouvernement sera sévèrement critiqué. Je ne vois pas d'inconvénients à ce que le gouvernement nomme un universitaire de l'Université de la Saskatchewan, ou de celles de l'Alberta ou du Manitoba, qui serait spécialiste en économie agricole, ou qui serait très solide en commerce international. De telles nominations, à mon avis, fortifient un conseil.
M. Neufeld: J'avais cru comprendre que les modifications proposées dans le projet de loi C-4 visaient expressément à donner aux agriculteurs, et à personne d'autre, le contrôle de la commission canadienne du blé. Je me demande s'il n'est pas tout à fait contraire à l'objectif du projet de loi C-4 de nommer au conseil d'administration des gens qui ne seraient pas agriculteurs, qui représenteraient les intérêts d'une société, par exemple.
Le sénateur Hays: Quelques mots à ce propos. Les agriculteurs pourront élire leur représentant au conseil d'administration, mais suivant les dispositions du projet de loi, le président du conseil et quatre autres de ses membres seront nommés. Il est entendu que 10 administrateurs seront élus par les agriculteurs, je suppose suivant les districts, car la loi impose des exigences pour ce qui est de la représentation géographique. Si quelqu'un d'autre qu'un détenteur de permis était élu au conseil d'administration, ce serait parce que les agriculteurs l'auraient choisi.
M. Neufeld: Je redoute vraiment un conseil d'administration qui serait formé notamment d'administrateurs élus qui ne seraient pas agriculteurs. Certes, on peut penser que de grandes sociétés demanderaient à un agriculteur de se porter candidat, mais je ne suis vraiment pas convaincu que les intérêts des négociants correspondent à ceux des cultivateurs. Quant à moi, et quant à Joyce, je m'oppose catégoriquement à cela.
M. Korneychuk: Je voudrais ajouter quelque chose à ce qu'a dit M. Neufeld. Votre question est pertinente, sénateur, mais je parie que si Jean Charest ou le pape se portaient candidats, ils obtiendraient des votes. Ce projet de loi visait à donner aux agriculteurs une plus grande responsabilité, car, à la vérité, j'en ai assez que tout un chacun prenne des décisions et se dise lui-même agriculteur. Qu'on donne la chance aux agriculteurs.
Il est vrai que l'on peut prétendre qu'il faut pouvoir compter sur certaines compétences, mais l'ensemble des agriculteurs réunit une vaste expérience. Vous avez parlé de M. Hehn, mais d'où vient-il? À mon avis, c'est la responsabilité qui compte. Il y aura quand même cinq profanes, pour ainsi dire. Je ne vois pas pourquoi on ne réserverait pas 10 ou 11 postes d'administrateurs à des agriculteurs.
M. Leis: Je me demande quelle expertise confère un carnet de permis. Je ne vois pas du tout le rapport. Ou est-ce qu'un carnet de permis vous confère la qualité d'agriculteur? Nous cultivons plus de 4 000 acres, et cela fait cinq ou six ans que nous n'avons pas de carnet de permis. On n'a pas besoin de carnet de permis pour cultiver des quantités de boisseaux. Nous pourrions produire quatre ou dix fois plus de boisseaux ou cultiver deux fois ou dix fois plus d'acres et n'avoir toujours pas de carnet de permis, car vendre du grain est très facile, et je ne vois donc pas la nécessité d'une expertise quelconque. Je mets au défi pratiquement quiconque, acre pour acre, de produire plus que nous. Nous sommes donc des experts en agriculture, des experts en commercialisation. Je ne vois pas ce que posséder un carnet de permis donne comme expertise de plus.
M. Korneychuk: Dans le monde moderne, je crois que l'hypothèse veut que si vous détenez un carnet de permis vous devez être agriculteur. Je ne conteste pas certains de vos arguments, mais comment authentifiez-vous un agriculteur? Je crois que le carnet de permis est un simple critère. Ce n'est pas forcément le seul.
Le sénateur Taylor: Monsieur Korneychuk, vous nous avez présenté d'excellents tableaux sur les entrées et les sorties qui montrent que tout augmente, sauf le revenu net. Le prix des terres agricoles ne cesse d'augmenter depuis 10 ou 15 ans. Je me demande simplement, si les statistiques et la situation économique sont aussi sombres que vous les dépeignez -- et notre président, je crois, nous a dit hier qu'il avait vu quelque part que le taux de rendement sur investissement n'était que de 3 p. 100 -- ce qui explique l'augmentation du prix de ces terres agricoles.
M. Korneychuk: Je ne suis pas économiste, mais dans ma région nous constatons que beaucoup d'exploitations qui étaient jusqu'à présent familiales sont rachetées par des compagnies -- des compagnies de grain qui achètent ces terres ou qui les louent. Il y a aussi les autochtones -- ils ont acheté beaucoup de terres, ce qui a fait monter les prix.
Au niveau des exploitations familiales on ne peut pas vraiment parler de montée des prix dans notre région. La valeur augmente, mais il faut aussi considérer cela en fonction de valeurs relatives en dollars par année. À ce niveau, l'augmentation n'est pas spectaculaire.
M. Leis: J'ai une question que je pose pratiquement à tout le monde. Si la commission canadienne du blé est une agence d'une telle classe internationale, pourquoi voyons-nous des compagnies comme ConAgra et ADM offrir leurs services à nos agriculteurs pour exporter leur grain à des prix beaucoup plus avantageux pour eux?
Le sénateur Hays: Je ne pense pas pouvoir répondre, mais je suppose qu'ils ne le peuvent pas non plus. Je suppose qu'ils fonctionnent comme tous les autres intermédiaires au niveau de leurs opérations canadiennes pour le blé et l'orge.
M. Leis: Il semble qu'ils ne sont pas exactement comme les autres: ils sont très liés au marché américain et voient très bien qu'il y a de l'argent à y faire. Nous sommes payés pour ça, nous touchons une bonne prime pour le genre particulier de grain que nous cultivons et que nous vendons à une compagnie particulière qui l'expédie au-delà de la frontière. Malgré qu'ils aient quelques obstacles à franchir au niveau des permis d'exportation ils vendent nos produits à des prix beaucoup plus intéressants pour nous -- et s'agissant de mon exploitation, c'est tout ce qui m'importe -- que tout autre intermédiaire, comme par exemple la commission du blé.
Le sénateur Hays: Je ne sais pas; je suppose simplement, qu'il s'agisse du Saskatchewan Pool, de ConAgra, de Cargill ou de l'Alberta Wheat Pool, qu'ils fonctionnent dans le même environnement.
M. Leis: Pas le Saskatchewan Pool.
Le sénateur Hays: J'ai écouté avec attention votre exposé, qui ressemble à beaucoup d'autres, et j'aimerais savoir dans quelle mesure les prix offerts par la commission jouent un rôle au niveau de la réticence extrême manifestée par beaucoup à l'endroit de la commission.
Un des témoins, un peu plus tôt, a rappelé que nous venons de traverser une période de guerre des prix, pratiquement, de guerre commerciale des céréales provoquée par d'énormes subventions à la production et, par-dessus le marché, de subventions à l'exportation dans le cadre de la politique agricole commune de l'Union européenne, auxquelles les États-Unis ont réagi. Donc, pendant une ou deux générations, les Canadiens, grâce à leur système de transport et de commercialisation, se sont très bien défendus pour certains produits, mais dernièrement la situation s'est étendue sur le marché international. Essayer de comprendre le problème sans regarder au-delà de nos frontières n'est peut-être pas une bonne idée. Il y a peut-être des facteurs mondiaux qui jouent aussi.
M. Korneychuk: J'aimerais répondre à la question de M. Leis -- et vous voudrez peut-être réfléchir à ce que je vais dire. Nous sommes dans la même région et nous sommes en quelque sorte un peu concurrents.
Lorsque vous parlez de ConAgra, vous parlez d'une compagnie qui veut acheter nos grains, qui offre donc des primes pour nous y inciter, et il est indubitable que cela peut rapporter un peu plus d'argent. Leur intention est de perdre de 15 à 20 p. 100 la première année, de réduire cette perte la deuxième année et de faire des bénéfices la troisième. Il y aura donc des fluctuations de prix.
Cependant, ce qui est intéressant, c'est qu'ils n'achètent pas tous vos grains. Ils veulent choisir. M. Leis le montre très bien lorsqu'il dit «ma ferme». C'est important, parce que tout le monde s'intéresse à sa ferme. Mais je crois que ma femme et moi-même avons une vision un peu plus large; nous considérons le problème du point de vue de tout le monde. Quand on passe par la commission canadienne du blé, on n'a pas toujours le meilleur prix, je ne le conteste absolument pas, mais pour la majorité des agriculteurs c'est le meilleur prix qu'ils peuvent tirer de leur production. Il faut donc se demander si nous nous intéressons à la majorité des agriculteurs ou à une catégorie spécifique d'agriculteurs.
Si je le dis, c'est parce que je suis branché sur probablement autant de systèmes de DTN que lui et que j'ai battu la commission trois années sur 11, ce qui explique ma position. Que je puisse la battre trois années sur 11 est hypothétique. C'était en choisissant une journée, en vendant tout mon grain, sans me soucier d'une commercialisation ou d'une livraison ordonnée.
Je crois qu'il faut peser les deux. Le plus important n'est pas toujours le prix le plus élevé; c'est de pouvoir vendre tout le grain au meilleur prix.
M. Sahl: J'aimerais préciser certaines remarques qui ont été faites par les messieurs à ma droite. Tous mes parents vivent au Dakota du Nord, au Minnesota et en Illinois, et ils sont tous agriculteurs. Je les ai écoutés téléphoner un peu partout pour avoir des prix. Ils y passent toute la matinée. Ils appellent quelqu'un qui leur offre tel prix, mais il faut transporter tous les grains jusqu'au Mississippi, les livrer à Archer Daniels Midland, et quand ils arrivent avec leur grain on leur dit: «Désolé, mais c'était le prix de ce matin. Cet après-midi ce n'est plus le même. Ou bien vous rapportez vos grains, ou bien vous acceptez ce nouveau prix.» C'est une de ces entourloupes que la sacro-sainte libre entreprise américaine permet à nos amis de ConAgra et d'ADM.
Le président: Nous vendons aussi du canola et nous téléphonons à ADM à Velva, au Dakota du Nord, ou nous téléphonons à Pioneer ou nous téléphonons au Wheat Pool ou à n'importe qui qui nous donne le meilleur prix pour notre canola; ce n'est donc pas un gros problème. C'est un numéro gratuit, 1-800; ce n'est donc pas un gros problème.
M. Wigmore: On ne vous donne pas de prix si vous ne donnez pas de quantité. Dès lors que vous fournissez une quantité à la commission, elle la vendra et vous donnera le prix en question. C'est toujours ainsi que nous vendons les produits.
Le sénateur Whelan: Vous parliez plus tôt d'administrateurs nommés et d'administrateurs élus. Les commissaires qui siègent actuellement occupent leurs fonctions à temps plein. Combien d'agriculteurs, qui sont des gens d'affaires compétents, pourront siéger à temps plein à la commission? Leur faudra-t-il cesser d'être agriculteurs pour pouvoir être administrateurs à temps plein?
M. Sahl: Je sais, pour ma part, que passer une journée en comité consultatif vous empêche de passer la journée à votre ferme. Je ne crois pas que les administrateurs qui sont aussi agriculteurs puissent siéger à temps plein, mais je crois qu'ils peuvent certainement donner des conseils.
Le sénateur Whelan: Que diriez-vous d'un agriculteur à la retraite qui est aussi sénateur, qui représente peut-être une autre région du Canada, mais qui a beaucoup d'expérience dans l'agriculture? Pourrait-il siéger au conseil d'administration?
M. Sahl: Je n'aurais certainement rien à y redire, vous connaissant et connaissant vos antécédents.
Le sénateur Andreychuk: Monsieur Sahl, vous avez fait partie de la commission canadienne du blé. Dans quelle mesure avez-vous été consultés ou avez-vous participé aux stratégies de mise en marché du gouvernement canadien, et particulièrement en ce qui concerne les négociations commerciales? Avez-vous été consultés avant, pendant ou après?
M. Sahl: Je n'en sais rien, puisque je ne siégeais pas au comité consultatif au moment où les négociations commerciales ont démarré. Je sais par contre que l'on consulte les comités consultatifs actuels.
Le sénateur Andreychuk: Mais vous n'avez jamais été consultés au cours de votre mandat?
M. Sahl: Si, nous avons été consultés sur des tas de choses, puisque c'était les règles du jeu.
Le sénateur Andreychuk: Nous négocions en matière de commerce depuis très longtemps au Canada. Avez-vous jamais été officiellement consultés?
M. Sahl: Nous avons évidemment pris part aux discussions portant sur les programmes de subventions des États-Unis, sur les programmes de subventions du Marché commun européen et sur d'autres questions de ce genre. Les négociations commerciales dont je parlais ont commencé au Venezuela, et je n'y ai pas participé au moment où elles ont démarré.
Le président: Je remercie chacun d'entre vous d'avoir comparu aujourd'hui et d'avoir pris le temps voulu pour préparer un mémoire. Nous vous en remercions.
Je demanderais maintenant à M. Bill Rees, de la Organic Crop Improvement Association, de s'avancer à la table. Monsieur Rees, vous avez cinq minutes, après quoi nous pourrons vous poser des questions. Pouvez-vous nous dire où se trouve votre exploitation agricole?
M. Bill Rees, Organic Crop Improvement Association: Je m'appelle Bill Rees, et je fais de l'agriculture biologique. Ma ferme se trouve au sud-ouest de Stockholm, en Saskatchewan.
J'appartiens à la section 6 de l'OCIA, qui est située au nord-est du centre de la Saskatchewan et compte environ 43 membres. J'essaierai d'être bref, mais clair également, espérons-le. Mon exposé sera bref.
Je suis ici en mon nom propre. J'exploite une petite ferme d'environ 500 acres sur laquelle je fais pousser toutes sortes de céréales, soit l'orge, le blé, l'avoine, le lin et le seigle. Pour ce qui est des deux céréales qui nous intéressent, le blé et l'orge, les gens de ma région, dont moi-même, ont des difficultés avec la commission canadienne du blé, car lorsque nous choisissons d'exporter nos céréales vers les États-Unis ou en Europe, nous sommes obligés de racheter les céréales de la commission.
Nous avons discuté longuement de cette question lors des différentes réunions de notre section, et le 26 avril dernier celle-ci adoptait unanimement une résolution que je résumerai ainsi: «Que notre section adopte une politique fondée sur le principe du marché libre pour ce qui est des produits biologiques accrédités qui les exempte de la tutelle de la commission canadienne du blé.»
Quelques informations au sujet des différentes sections représentant nos producteurs biologiques: nous avons présenté nos doléances avec le même objectif en tête à l'époque où le groupe de commercialisation s'est rendu dans notre province et à l'époque de l'étude du projet de loi C-74, un peu plus tard. Vous noterez peut-être que le groupe de commercialisation avait recommandé notre exclusion à l'époque. En ce qui concerne nos témoignages au sujet du projet de loi C-74, nous nous étions rendus à quatre à Regina, et trois d'entre nous avaient exigé de façon absolue et très claire l'exemption. Le quatrième producteur agricole était quelque peu ambivalent: il y avait du pour et du contre dans son témoignage.
Pour notre part, nous estimons que la commission canadienne du blé est actuellement superflue, car elle ne commercialise aucun de nos produits. En fait, la commission est encombrante de bien des façons. Elle est onéreuse, et il est difficile d'appliquer les dispositions de rachat. La situation est également difficile du fait qu'il n'est pas toujours possible de savoir quels seront les coûts. Dans mon cas, plus particulièrement, je n'ai pas inclus l'orge et le blé dans mon régime de rotation. Je l'ai déjà fait à deux reprises, et l'été dernier j'ai vendu certaines céréales au Saskatchewan Wheat Pool, dont j'ai été très satisfait. Sinon, j'ai exclu ces céréales.
Ce que nous demandons, c'est peut-être un décret qui retirerait notre produit du champ de compétence de la commission canadienne du blé. Il faudrait que la mesure soit rédigée de façon prudente, car il existe des différences quant aux méthodes d'adhésion et de retrait, dans le cas de la commission canadienne du blé. Je crois savoir qu'une telle mesure est envisagée en Ontario. Si une telle mesure peut être adoptée, et qu'elle soit absolue, nous en serions tout à fait satisfaits.
Permettez-moi de faire une déclaration positive au sujet des produits biologiques. La plupart des bioagriculteurs ont des petites entreprises. Ils ne produisent pas seulement des céréales. À l'heure actuelle, ils produisent également du boeuf. Nous commençons à nous intéresser à l'élevage. L'une des plus grandes qualités de la bioagriculture, c'est qu'elle permet d'exploiter des unités plus petites et occupe davantage de familles dans les zones rurales de la province. La Saskatchewan a subi une révolution démographique totale au cours des 35 dernières années. Notre population est maintenant à 20 p. 100 rurale et à 80 p. 100 urbaine.
Je pourrais sans doute vous parler encore longtemps, mais j'ai expliqué les points qui m'ont intéressé particulièrement.
La dernière chose, c'est que certains doutes ont été exprimés auparavant quant à l'intégrité et à la sécurité de notre industrie, si l'on veut, dans la mesure où d'autres produits, des produits non biologiques, pourraient pénétrer notre industrie et provoquer des problèmes. C'est une possibilité, mais je dois dire qu'elle est minime. L'intégrité de l'industrie est absolue. Des certificats doivent accompagner toutes les transactions, et ceux qui octroient ces certificats, les gens de l'OCIA, un groupe international, sont très consciencieux.
Pour ce qui est de notre section, elle est homologuée par l'OCIA, et j'ai toute confiance dans son intégrité. C'est un groupe de gens responsables, et cela ne va pas changer.
Le président: J'ai une petite question à poser. Lorsque vous expédiez vos produits dans des contenants, dans des sacs ou autrement, qui paie le fret, vous ou l'acheteur?
M. Rees: Je vends toutes mes céréales directement de ma ferme.
Le président: Ce sont les acheteurs qui paient le fret?
M. Rees: C'est exact.
Le sénateur Stratton: Deux questions. La Commission canadienne du blé ne commercialise aucun de vos produits?
M. Rees: Non, aucun.
Le sénateur Stratton: Mais elle veut en avoir le contrôle?
M. Rees: Il semble que ce soit le cas. La Commission a eu suffisamment de temps pour prendre d'autres mesures, et comme elle ne l'a pas fait, je dois supposer que c'est bien le cas.
Le sénateur Stratton: Vous avez exclu les denrées assujetties au contrôle de la commission canadienne du blé de votre exploitation, sauf à des fins de rotation. Cette décision se fonde-t-elle sur des arguments de principe, d'économie, ou les deux?
M. Rees: C'est une décision d'ordre économique. J'aimerais bien cultiver du blé cette année, puisque cela correspondrait à mon calendrier de rotation, mais puisque la plupart des céréales traditionnelles, surtout le blé, sont vendues à nos voisins du Sud, cela présente un risque supplémentaire de transporter ma production alors que la plupart de mes marchés sont aux États-Unis. La plupart de mes clients sont des meuniers. Vendre du blé sans connaître tous les frais supplémentaires, cela présente trop de risques, et c'est pourquoi j'ai choisi de ne pas le faire.
Le sénateur Hays: Vous êtes le deuxième bioagriculteur que nous entendons aujourd'hui, et nous en avons entendu un autre hier. Vous représentez l'Organic Crop Improvement Association. Ce matin, nous avons entendu un représentant de la Saskatchewan Organic Growers. Hier, nous avons entendu des témoins venant d'un autre groupe. Quel lien y a-t-il entre tout cela? Y a-t-il une organisation principale, ou existe-t-il divers organismes qui représentent les bioagriculteurs selon les denrées qu'ils produisent?
M. Rees: Je vous remercie de poser cette question. En Saskatchewan, nous avons créé un organisme, la Saskatchewan Organic Directorate. Nous avons tenu plusieurs réunions au cours de l'année dernière, et nous nous sommes rencontrés une dernière fois le 8 avril, à Saskatoon. La direction de cet organisme est composée d'agents que nous avons nommés, et chaque section a un représentant au sein de l'organisation. Celle-ci a été dotée d'un mandat. Ces initiatives sont à la fois directes et très encourageantes.
Dans mon exposé, j'ai parlé de la commission canadienne du blé, et c'est pourquoi je n'ai pas l'intention d'en reparler dans mes remarques préliminaires. Toutefois, je suis le deuxième président de la Saskatchewan Organic Directorate, et notre principale préoccupation est de servir les producteurs.
Nos postes sont temporaires. Cela signifie que nous sommes nommés pour une période d'un an. Si nous n'arrivons pas à convaincre les producteurs de notre industrie que notre travail leur est profitable ou si nous ne leur offrons pas le leadership dont ils ont besoin, nous sommes remplacés. Cette idée me plaît.
Le sénateur Hays: À titre de bioagriculteurs, vous produisez des denrées très spéciales -- sans doute en petit volume -- qui nécessitent une approche de commercialisation particulière. Il semble que la commission canadienne du blé ne veut pas participer à ces efforts et que vous ne le souhaitez pas non plus. Pourriez-vous m'en dire davantage à ce sujet?
Je vais poser également ma dernière question, qui porte sur l'avenir de votre type d'agriculture. Vous avez dit que la bioagriculture nécessite davantage de main-d'oeuvre et offre davantage d'emplois aux agriculteurs. J'aimerais que vous m'en disiez davantage à ce sujet également.
M. Rees: Votre première question portait davantage sur les marchés, n'est-ce pas?
Le sénateur Hays: La Commission canadienne du blé ne semble pas vouloir commercialiser les céréales biologiques, l'orge et le blé. Je me trompe peut-être, mais j'aimerais savoir si c'est bien le cas. Je ne crois pas qu'elle s'intéresse à ce marché, compte tenu du volume de production et des méthodes de commercialisation spéciales que ces denrées exigent.
Mon autre question porte davantage sur l'évolution de votre industrie, quant aux emplois dans le secteur agricole. À notre époque, il semble que nous soyons engagés dans la voie contraire.
M. Rees: La Commission canadienne du blé n'a jamais commercialisé nos produits. Elle n'a jamais laissé entendre non plus qu'elle a l'intention de le faire dans l'avenir.
Le Saskatchewan Wheat Pool, qui travaille probablement en étroite collaboration avec la commission, a pris une mesure positive en permettant à l'un de ses silos, à Ernfold, de recevoir nos produits. Il permettra peut-être à trois autres silos de la province de recevoir nos céréales.
Pour répondre plus précisément à votre question, non, je ne crois pas que la commission veuille vraiment commercialiser nos céréales. Il serait sans doute avantageux pour elle de trouver des marchés pour les gens qui font partie du Pool, mais pour nous la commission est un embarras que rien ne justifie. Nous ne demandons rien; nous ne voulons ni contribution ni subvention. Tout ce que nous voulons, c'est une exemption.
Vous avez posé une question sur notre industrie et son volume de production. Pour ma part, j'exploite 500 acres, et tout ce que je veux faire, c'est m'en occuper. Cela demande beaucoup de travail, et il est très important de savoir quand les choses vont être faites. Cela dépend bien sûr du genre de travail que vous voulez faire. Si vous voulez faire un travail exemplaire, il faut bien sûr vous impliquer davantage. La plupart des bioagriculteurs avec qui je communique, sinon tous, sont tout particulièrement inspirés lorsqu'il s'agit de produire des aliments propres dans un environnement propre.
Le sénateur Taylor: Je crois comprendre qu'en cas de rachat un prix de mise en commun est utilisé. C'est le fondement de l'argument selon lequel les rachats ne sont pas une si mauvaise chose après tout.
La mise en commun existe-t-elle sur le marché? Vous avez dit qu'ils ne vendaient pas de grain; alors quelle sorte de prix obtenez-vous si vous passez par ce processus de rachat? Est-ce simplement le même montant que vous obtiendriez si vos produits n'étaient pas biologiques?
M. Rees: Il est difficile de répondre à une telle question, parce que tellement de variables entrent en jeu dans les dispositions de rachat. On ne sait jamais précisément quel sera le prix. Bien qu'on nous dise que ce sera le même que la cote du jour à Chicago, ce n'est pas toujours le cas. Très souvent, on constate que le prix est différent.
Le sénateur Taylor: Ce n'est pas seulement Archer Daniels Midland qui change son prix?
M. Rees: En effet. C'est trop incertain pour qu'on puisse s'y fier.
Le sénateur Taylor: En fonction de la mise en commun, vous êtes censés recevoir encore de l'argent plus tard, si je comprends bien. N'obtenez-vous pas un second prix, une seconde somme d'argent, si vous vendez de cette manière?
M. Rees: Oui, lorsqu'on passe par le Saskatchewan Wheat Pool. J'ai mentionné tantôt que j'avais vendu mon blé au Saskatchewan Wheat Pool. J'ai en effet reçu un paiement final, mais c'était le paiement courant pour un grain classique. Ce n'était pas un paiement qui reflétait le fait qu'il s'agissait d'un produit biologique.
Le sénateur Taylor: J'ai de la difficulté à saisir tout cela, parce que je n'arrive pas à comprendre pourquoi la commission canadienne du blé le veut, si c'est aussi inoffensif que vous le dites. La seule chose qui me vient à l'esprit est que la commission du blé y voit une échappatoire qu'on pourrait utiliser pour effectuer beaucoup d'autres ventes.
Sur une ferme biologique, vous produirez beaucoup plus de choses que du blé et de l'orge. Quel pourcentage de la production biologique d'une ferme de la Saskatchewan sera constitué de blé et d'orge? Est-ce que ce sont les principales céréales qu'un agriculteur biologique produit, ou produisez-vous aussi de l'avoine et d'autres céréales?
M. Rees: Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne sais pas quel serait le pourcentage.
Le sénateur Taylor: Quel est-il sur votre propre ferme?
M. Rees: J'espère pouvoir produire du blé cette année. L'an dernier, j'avais seulement 75 acres, mais cette année je pourrais produire environ 150 acres de blé. Je ne peux pas répondre à cette question, car je pense qu'il y a un problème en ce qui concerne le volume et la superficie de production, en ce qui concerne le rachat.
Le sénateur Fairbairn: En examinant le projet de loi dans son libellé actuel, en particulier la disposition d'exclusion, ne penseriez-vous pas que si vos producteurs biologiques exprimaient vigoureusement leur volonté, cela pourrait avoir l'effet que vous désirez? C'est-à-dire que vous seriez exemptés de faire passer vos produits par la commission du blé?
M. Rees: Oui, nous y tenons beaucoup.
Le sénateur Fairbairn: Bien. Le témoignage d'un autre producteur ce matin m'a amenée à jeter un autre coup d'oeil sur la loi. Je pense que le libellé actuel de l'article en question pourrait vous permettre d'être optimistes face à l'avenir.
M. Rees: Oh oui, je vois, étant donné le libellé du projet de loi. Si je comprends bien, cela pourrait en effet être une possibilité. En le lisant, cependant, j'ai trouvé que c'était un peu shakespearien, avec toutes sortes de petites variantes, ou déviations, par exemple.
Le sénateur Fairbairn: Je répète cependant que si la majorité du conseil d'administration était composée d'agriculteurs élus, vous auriez la possibilité de faire valoir vos arguments de façon très vigoureuse. Comme les producteurs, vos producteurs, auront en fin de compte la possibilité de voter, je pense qu'il y a davantage lieu d'être optimiste qu'on pourrait le penser maintenant.
M. Rees: Ces représentants, ces administrateurs, seront des producteurs qui pratiquent l'agriculture classique. Ils ne représenteront pas naturellement l'industrie des produits biologiques.
Le sénateur Fairbairn: Non, mais ils seront des agriculteurs élus qui représenteront les intérêts des agriculteurs de l'Ouest du Canada. Si vous faisiez valoir vigoureusement vos arguments, je pense que vous pourriez fort bien être justifiés d'être optimistes.
M. Rees: Très bien. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, nous avons rencontré les membres du groupe de commercialisation, nous les avons rencontrés au sujet du C-74, et nous venons de le faire au sujet du C-4. Si une chose comme celle que vous suggérez se révèle nécessaire dans l'avenir, nous le ferons également.
Le sénateur Whelan: J'ai seulement une question à poser. Avez-vous des statistiques montrant les avantages que représentent les aliments biologiques pour la santé, de combien d'années allongent-ils notre espérance de vie, combien de maladies nous empêchent-ils de contracter, dans quelle mesure améliorent-ils notre immunité face à la grippe, aux rhumes et autres maladies de cette nature? Avez-vous des données qui montrent vraiment l'avantage des produits biologiques?
M. Rees: Je peux seulement dire qu'il existe énormément d'intérêt pour de tels produits. L'industrie est en expansion partout dans le monde. Elle a commencé à s'implanter en Europe, et ici, de même que dans le reste de l'Amérique du Nord, elle connaît une expansion d'environ 20 p. 100 par année.
Tous les produits sont destinés à la consommation; c'est-à-dire que les meuniers achètent nos produits et les transforment en aliments. Ces produits semblent susciter de l'enthousiasme. Les membres de la génération du baby-boom veulent s'occuper de leur santé. Ils semblent se tourner vers nous, et, parce qu'ils aiment les aliments biologiques, nous en produirons.
Le sénateur Whelan: Je me souviens d'avoir vu des statistiques montrant que si nous essayions tous de survivre en consommant seulement des produits biologiques, nous ne pourrions pas le faire. Nous devons utiliser des engrais, des produits de désherbage, et d'autres produits de cette nature, sinon on souffrirait d'inanition sur une grande échelle. Les gens estiment que les aliments biologiques sont meilleurs pour eux, cependant, et ils préféreront tout ce qui est mieux pour eux.
M. Rees: On entend dire beaucoup de choses négatives en ce qui concerne l'industrie des produits biologiques. À entendre M. Avery, des États-Unis, que je soupçonne d'être parrainé par le Département américain de l'agriculture, il peut vous donner 1 001 raisons pour justifier l'abandon de cette industrie, sa disparition complète.
De plus, le Département de l'agriculture des États-Unis est en train de prendre des décisions qui vont faire baisser la qualité des produits, de sorte qu'ils feront presque partie de l'industrie régulière. Les membres de l'OCIA et d'autres groupes certificateurs en sont vraiment bouleversés et vont lutter férocement contre de telles mesures.
Au Canada, il y a beaucoup de choses qui se passent relativement aux normes canadiennes. Pour l'instant, je pense que ces normes sont acceptées. Il reste encore du travail à faire, cependant -- principalement dans le domaine de l'accréditation.
Le président: Monsieur Rees, je tiens à vous remercier d'avoir comparu aujourd'hui et d'avoir pris le temps de nous présenter un mémoire.
Le président: Nous entendrons maintenant le représentant du Saskatchewan Wheat Pool, M. Marvin Shauf, et ceux qui l'accompagnent. Marvin, bienvenue à notre séance d'aujourd'hui. Auriez-vous l'obligeance de présenter les personnes qui vous accompagnent?
M. Marvin Shauf, vice-président, conseil d'administration, Saskatchewan Wheat Pool: Merci beaucoup. Je suis accompagné de Mitchell Demyen et de Dan Schmeiser, qui travaillent tous deux à la Division de la recherche sur les questions de politique et d'économie au Saskatchewan Wheat Pool.
Le président: Merci. Vous présenterez d'abord un exposé, et nous passerons ensuite aux questions.
M. Shauf: Je m'appelle Marvin Shauf, et je suis agriculteur dans la région sud-est de la Saskatchewan, près de Stoughton. Je suis également vice-président du conseil d'administration du Saskatchewan Wheat Pool.
Au nom des 74 000 membres du syndicat, nous sommes heureux de profiter de cette occasion pour faire part au comité de notre point de vue. Le Saskatchewan Wheat Pool exploite quelque 325 silos primaires en Saskatchewan et dans certaines parties du Manitoba, de même que des silos terminus à Thunder Bay et à Vancouver.
Plus de 30 p. 100 des grains, oléagineux et cultures spéciales livrés aux silos primaires dans les Prairies passent par nos installations. Dans l'intérêt de la diversification, nous participons à une foule d'activités, y compris la mouture du blé et de l'avoine, la production et la commercialisation de produits de boulangerie, le maltage de l'orge, la trituration des oléagineux et la transformation. Nous fournissons aussi des services de commercialisation du bétail et du porc, et nous participons à leur production directe et à leur transformation.
Par le fonctionnement de ses rouages démocratiques, le Saskatchewan Wheat Pool détermine et défend diverses positions sur les dossiers qui revêtent de l'importance pour nos membres. Notre position en matière de commercialisation du grain, et en particulier sur la commission canadienne du blé, est le fondement sur lequel repose notre organisation.
Le Pool est fermement en faveur de la commercialisation ordonnée du grain de l'Ouest par l'entremise de la commission canadienne du blé. Nous sommes convaincus que son succès et sa force découlent de trois grands principes: le guichet unique de vente, les prix groupés, ainsi que les garanties et le crédit offerts par le gouvernement. Toute modification apportée au projet de loi C-4 devra maintenir et renforcer ces principes.
Nous souscrivons aux objectifs énoncés par le gouvernement fédéral. J'entends par là que nous devons miser sur les atouts connus de notre système actuel de commercialisation tout en modernisant son mode de fonctionnement interne et en l'obligeant à rendre davantage de comptes. Le système doit aussi être plus sensible à l'évolution des besoins et des perspectives des producteurs; la commission canadienne du blé doit être plus souple et plus rapide dans le versement des fonds pour réduire au minimum les complications qui apparaîtront dans le commerce international. Nous estimons toutefois qu'il faut apporter des modifications si l'on tient à ce que les objectifs du gouvernement soient atteints dans leur totalité.
Nous préférerions que des changements soient apportés au texte de loi. Toutefois, il serait possible de nous donner satisfaction dans le texte du règlement. Il serait malheureux que le projet de loi C-4 soit indûment retardé, ce qui empêcherait de procéder prochainement à l'élection des membres du conseil d'administration, qui devrait se tenir, espérons-nous, à l'automne.
Nos recommandations se regroupent dans les catégories suivantes: modifications du mode de fonctionnement de la commission canadienne du blé et renforcement des trois principes.
La question du mode de fonctionnement de la commission est une question délicate pour les producteurs de grain des Prairies. La Commission est en effet leur agent de commercialisation, et son mandat est de maximiser les bénéfices qui leur reviennent. Ses décisions doivent donc refléter les besoins et les voeux de cette clientèle agricole. Elle devrait donc être entièrement comptable devant elle. Le gouvernement a décidé que les deux tiers des administrateurs seraient élus par les producteurs, ce qui contribue à créer cette nécessaire obligation de rendre des comptes. Toutefois, le texte de loi laisse toujours à désirer en ce qui concerne le choix du président du conseil et du président -- directeur général, ainsi que l'inclusion de ce dernier dans le conseil d'administration. Le Saskatchewan Wheat Pool voudrait donc formuler des recommandations au sujet du conseil.
Tout d'abord, son président ne devrait pas être membre du conseil d'administration. De plus, le conseil d'administration devrait avoir le pouvoir aussi bien de nommer que de destituer le titulaire.
Deuxièmement, tous les administrateurs devraient initialement être élus au même moment, lors d'élections qui devraient se tenir avant la fin de 1998. Dans l'avenir, la moitié du conseil seulement devrait avoir à se représenter au même moment.
Par ailleurs, les dispositions de la loi qui autorisent la commission à effectuer des versements aux producteurs pour compenser le coût de l'entreposage à la ferme ou à délivrer des certificats négociables cadrent avec les trois principes. D'autres, en revanche, comme la suppression de la garantie fédérale pour les ajustements au paiement initial et pour les achats au comptant, ne cadrent pas avec ces principes et ont un effet négatif. La création d'un fonds de réserve nuira aussi bien aux perceptions du producteur qu'à sur ses rentrées.
Il est vrai que la loi prévoit des garanties fédérales pour les emprunts de la commission canadienne du blé ainsi que la vente de grains à crédit. Toutefois, le projet de loi supprime également la garantie fédérale pour les ajustements du paiement initial. À notre connaissance, un compte de mise en commun n'a jamais été déficitaire par suite d'un versement d'ajustements. Cette garantie ne représente donc virtuellement aucun risque financier pour le gouvernement.
Pour cette raison, le Saskatchewan Wheat Pool n'appuie pas la suppression de la garantie fédérale pour les ajustements du paiement initial. De plus, des ajustements plus opportuns pourraient être effectués si l'on éliminait la nécessité d'obtenir l'approbation du Cabinet et en exigeant seulement l'approbation du ministre responsable de la commission et celle du ministre des Finances.
Le Saskatchewan Wheat Pool s'inquiète beaucoup des dispositions de la loi qui permettront à la commission de faire des achats au comptant en traitant directement avec l'agriculteur. Nous estimons que l'existence en parallèle d'un marché au comptant tous azimuts et de recettes groupées à la commission ne pourra durer et aboutira à la destruction du système de mise en commun. De plus, il sera impossible pour les entreprises céréalières de gérer deux systèmes de prix différents, puisque cela les placerait en situation de conflit d'intérêts au moment de l'achat des grains des producteurs. De plus, cela pourrait troubler l'écoulement ordonné du grain et miner l'efficacité du système de manutention du grain. Nous estimons que la création des certificats négociables dans le projet de loi fera en grande partie disparaître la nécessité des achats au comptant. Le Saskatchewan Wheat Pool n'est donc pas en faveur du concept des achats de grain au comptant par la commission canadienne du blé.
Le Saskatchewan Wheat Pool n'est pas très à l'aise avec l'idée de créer plusieurs périodes de mise en commun pendant la campagne agricole. Si on porte cette idée jusqu'à l'extrême, elle pourrait aboutir à l'établissement de prix au comptant réguliers par d'autres moyens. Le fait de n'avoir que deux ou trois périodes de mise en commun pourrait favoriser la spéculation et créer de l'incertitude autour de l'offre, ce qui nuirait à la vente par guichet unique et à l'écoulement de la production vers le système. Nous estimons donc que des dispositions relatives à de multiples périodes de mise en commun pendant la campagne agricole ne devraient pas être utilisées d'une façon qui compromette le principe de la mise en commun.
Le Saskatchewan Wheat Pool est fermement contre la création du fonds de réserve proposé dans le projet de loi C-4. Nous ne pensons pas que ce fonds est nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement ou pour renforcer les trois principes de la commercialisation de la commission canadienne du blé.
Le Saskatchewan Wheat Pool a déjà exprimé ses réserves concernant la possibilité pour la commission de faire des achats au comptant. Le fonds de réserve servirait de filet de sécurité à ces opérations. Nous ne pensons pas qu'il est de l'intérêt des agriculteurs que les recettes de la commission servent à financer un fonds qui pourrait à terme détruire un des principes de ce système de commercialisation.
Nous avons déjà dit que la garantie des ajustements pour les paiements initiaux ou les prix initiaux représente peu de risque pour le gouvernement et a donc peu de chance d'occasionner des dépenses. Toutefois, si ces garanties sont remplacées par un fonds de réserve, elles représenteront une véritable dépense pour les agriculteurs, surtout s'ils sont contraints de renoncer à une partie des rentrées de fonds provenant de la commission canadienne du blé pour créer ce fonds. Les agriculteurs sont déjà aux prises avec les réductions budgétaires et les mesures de récupération des coûts du gouvernement.
Nous croyons comprendre que le fonds de réserve pourra à l'occasion être déficitaire, si bien qu'il ne devrait pas être nécessaire d'accumuler des fonds pour les garanties relatives au paiement d'ajustement. Nous recommandons que les mentions au fonds de réserve dans le projet de loi C-4 soient supprimées. Si le gouvernement rejette cette recommandation, nous estimons fermement que le règlement devrait plafonner les sommes qui peuvent s'accumuler dans le fonds. À notre avis, cette somme ne devrait pas dépasser 30 millions de dollars.
Le Saskatchewan Wheat Pool reconnaît que le gouvernement a jugé nécessaire d'inclure une disposition qui permet l'inclusion ou l'exclusion d'une culture de la compétence de la commission canadienne du blé. Nous reconnaissons l'effort fait pour empêcher les demandes injustifiées de vote des producteurs sur l'inclusion de nouvelles cultures.
En vertu du projet de loi, il faudrait que le vote ait été recommandé par le conseil d'administration à la demande d'une organisation représentant les producteurs de la denrée. Cette dernière condition, toutefois, pourrait conduire à des affrontements juridiques sur la question de savoir lequel, de tel ou tel groupe, représente les producteurs. Pour clarifier la situation, le Saskatchewan Wheat Pool propose que les producteurs désireux d'ajouter ou de soustraire une culture à la compétence de la commission devraient être tenus de présenter une pétition signée par au moins 10 p. 100 des producteurs qui inscrivent cette denrée dans leur carnet de permis. La Commission tiendrait ensuite un plébiscite auprès de tous les producteurs de cette denrée pour statuer sur cet ajout ou cette suppression.
Nous reconnaissons que les dispositions relatives à l'inclusion ou à l'exclusion est une source d'inquiétude, aussi bien pour ceux qui sont en faveur d'un guichet unique pour la commission que ceux qui sont contre. En réaction, le ministre a proposé d'autres amendements à cet article. À notre avis, ces amendements exigeraient de l'actuel et du futur ministre qu'il consulte le conseil d'administration et qu'il obtienne l'appui des producteurs au moyen d'un vote avant de déposer un texte de loi qui ajoute ou soustrait une culture. Le Saskatchewan Wheat Pool est d'accord en principe pour qu'une telle disposition soit proposée.
Pour terminer, je tiens de nouveau à exprimer mon appréciation au gouvernement pour les efforts destinés à améliorer l'efficacité et la responsabilité de la commission. Le Saskatchewan Wheat Pool est généralement en faveur du projet de loi C-4 et estime que les changements que nous avons recommandés en feraient un texte plus solide et plus efficace. Nous espérons que le comité sénatorial accordera une attention sérieuse à nos préoccupations relatives aux achats au comptant et au fonds de réserve et que vous adopterez nos recommandations.
Nous sommes convaincus que les suggestions que nous avons présentées permettront de faire en sorte que la commission canadienne du blé soit effectivement dirigée par les producteurs et continue de bien les servir dans l'avenir. À notre connaissance, beaucoup de producteurs ont changé d'avis à propos du projet de loi et de l'élection des administrateurs. Des changements au mode de fonctionnement de la commission ont reçu et continuent de recevoir de nombreux appuis de la part des producteurs des Prairies. Selon nous, la réalisation du voeu des producteurs, c'est-à-dire l'élection du conseil d'administration de la commission, ne devrait pas être retardée indûment.
Le sénateur Taylor: Vous avez dit que les producteurs avaient changé d'avis à propos du projet de loi. Plus tôt, il a été suggéré que les circonscriptions électorales des membres du conseil d'administration soient les mêmes que pour le comité consultatif -- même s'il faudrait tenir compte du fait qu'il y a un membre de plus au comité consultatif. Qu'en pensez-vous?
M. Shauf: Le nombre d'administrateurs est différent et il faudra apporter les changements dont vous parlez.
Le sénateur Taylor: Il y a une différence de un, oui.
M. Shauf: Il y a un certain nombre d'autres critères qui doivent être examinés pour délimiter ces circonscriptions. Il peut s'agir des habitudes de culture, de particularités géographiques; dans chaque zone de production, les sujets de préoccupation sont différents. Il faudra en tenir compte.
Le sénateur Taylor: À la page 5, vous dites que les ventes au comptant menacent le système. Or, vous dites que les certificats négociables élimineraient la nécessité des achats au comptant. Pourquoi quelqu'un accepterait-il un achat au comptant alors qu'il pourrait avoir un certificat négociable? Le certificat présente des avantages, ce qui n'est pas le cas du paiement au comptant. Autrement dit, votre crainte n'est-elle pas sans fondement? Le certificat ne va-t-il pas toujours remplacer la vente au comptant?
M. Shauf: L'achat au comptant, je crois, crée des problèmes différents de ceux des certificats négociables.
Le certificat négociable, c'est quelque chose que le producteur aurait et qu'il pourrait vendre. Il pourrait obtenir son prix, obtenir son argent comptant.
Le problème de l'achat au comptant, je crois, c'est que cela peut placer les entreprises céréalières en conflit avec elles-mêmes. C'est-à-dire que pour acheter de l'orge, la principale question serait de savoir si l'orge fourragère doit alimenter le marché intérieur ou le marché étranger. Dans un cas comme celui-là, la compagnie céréalière serait en concurrence directe avec la commission canadienne du blé.
Le sénateur Taylor: Ce n'est pas ce que vous dites en haut de la page 5 et c'est là-dessus que portait ma question.
M. Shauf: En haut de la page 5, nous disons que les ventes au comptant créent des problèmes et que les certificats négociables élimineraient la nécessité de ces achats au comptant. Je dis que les ventes ou les achats au comptant par les compagnies céréalières les placent en situation de conflit avec la commission canadienne du blé, dont elles sont les agents. Le même problème ne se pose pas dans le cas des certificats négociables.
Le sénateur Taylor: Je ne vous suis pas, mais continuez.
Le sénateur Eugene Francis Whelan (vice-président), occupe le fauteuil.
Le vice-président: Merci, sénateur Taylor. Sénateur Hays.
Le sénateur Hays: Merci, monsieur le président. Je comprends votre position à propos du fonds de réserve. Vous estimez qu'il n'y a pas lieu de créer un fonds, mais si cela doit se faire, vous suggérez de le plafonner.
S'il n'y avait pas de fonds de réserve, seriez-vous contre l'idée de déductions après-coup pour couvrir la perte résultant d'une erreur au moment du paiement initial ou ajusté?
M. Shauf: Serions-nous contre l'idée que les producteurs remboursent un paiement en trop provenant de la commission? Vous parlez donc d'argent que le producteur aurait déjà reçu et qu'il rembourserait?
Le sénateur Hays: J'imagine que c'est une bonne réponse. Cela pourrait être un risque que prend le Pool, en ce sens que le pool ne regroupe que la denrée ou la catégorie de grain pour laquelle le paiement en trop a été fait, oui.
Le risque encouru par l'imputation préalable d'une perte possible porterait, j'imagine, sur toutes les catégories de grain, si cette perte s'est déjà produite par le passé. Si le paiement était perçu avant que la perte se produise, on pourrait le traiter de la même façon après que la perte se soit produite: cela pourrait être un remboursement du paiement en trop au pool en question.
Ma question est la suivante: le gouvernement selon vous devrait-il subir le risque, un point c'est tout? Y a-t-il des cas selon vous où il pourrait y avoir un moyen de récupérer le paiement en trop, soit en le prélevant sur l'ensemble, comme c'est le cas du fonds de réserve, mais après la perte, soit en le prélevant sur le pool qui a reçu le paiement en trop?
M. Shauf: Si j'ai bien compris, le remboursement d'une perte au compte du pool serait constitué à partir d'un paiement inférieur versé aux producteurs la campagne suivante.
Le sénateur Hays: Est-ce que c'est acceptable? Le problème du gouvernement, je crois, c'est d'être exposé à des risques illimités, sans prise en charge quelconque, soit au moyen d'un fonds de réserve ou d'un paiement futur. Si on ne le prend pas en charge au moyen d'un fonds de réserve, êtes-vous contre son imputation après-coup?
M. Shauf: Non, nous ne sommes pas contre l'imputation après-coup; les comptes de mise en commun seraient fermés à la fin de la campagne et, la campagne suivante, c'est un paiement moindre qui serait versé pour ces denrées.
La loi prévoit que le fonds puisse être déficitaire et le déficit serait imputé aux producteurs.
Le sénateur Hays: Je suis curieux à propos de votre propre conseil d'administration. J'imagine que ses membres sont élus à partir de circonscriptions, directement ou par l'intermédiaire de délégués. Beaucoup nous ont dit qu'il est difficile pour un conseil de prendre à la fois des décisions d'affaires et des décisions politiques. Qu'en pensez-vous, d'après votre expérience à vous?
M. Shauf: Notre conseil est élu. Il y a 16 circonscriptions dans la province, représentées par 123 délégués. Chaque circonscription élit un administrateur au conseil.
Le sénateur Hays: D'entre leurs rangs?
M. Shauf: Oui. Notre conseil d'administration est régi de cette façon depuis près de 75 ans. Je dirais que le Saskatchewan Wheat Pool a fonctionné très efficacement pendant toute cette période, avec des agriculteurs au conseil d'administration.
Le sénateur Hays: Avez-vous déjà songé à tenir des élections directes, c'est-à-dire sans délégué? L'idée a-t-elle déjà été débattue et rejetée?
M. Shauf: Je ne me souviens pas qu'il y ait jamais eu un débat. Je pense que notre système marche très bien et je n'ai pas entendu de propositions sérieuses pour le changer.
Le sénateur Andreychuk: J'aimerais revenir sur certains points de votre mémoire. Vous n'êtes pas en faveur de la nomination du président par le gouvernement.
M. Shauf: En effet.
Le sénateur Andreychuk: Un des témoins a dit qu'il s'agissait d'un système de poids et de contrepoids devant permettre au gouvernement de contrebalancer le conseil si celui-ci, pour quelque raison que ce soit, ne prenait pas la bonne décision. C'est une des raisons invoquées pour justifier cette disposition. Voyez-vous un autre avantage au fait que le président-directeur général soit nommé?
M. Shauf: Je crois que le gouvernement peut nommer cinq administrateurs au conseil et que cela, dans une grande mesure, le protège des risques possibles.
Pour fonctionner efficacement, un conseil d'administration doit pouvoir désigner le président-directeur général de l'organisme et ce dernier doit savoir qu'il a des comptes à rendre au conseil d'administration.
Le sénateur Andreychuk: C'est une simple question de gestion?
M. Shauf: C'est une simple structure de gestion d'entreprise ordinaire.
Le sénateur Andreychuk: Vous avez dit qu'il serait avantageux de ne pas retarder les élections. Vous avez aussi dit que des changements sont nécessaires, certains indispensables.
Si le projet de loi est adopté tel quel, sans amendement, à quoi la situation ressemblera-t-elle dans cinq ans à votre avis? La Commission canadienne du blé aura-t-elle la même compétence pour agir au nom des agriculteurs, ou les faiblesses que vous avez indiquées pourraient-elles compromettre ou détruire le concept de la commercialisation unique?
M. Shauf: La question n'est pas facile. Il n'est jamais facile de dire ce qu'il y a dans une boule de cristal.
Je dirai simplement que nos amendements auront pour effet de permettre à la CCB de mieux s'acquitter de son mandat envers les producteurs. Je crois aussi qu'on rendra ainsi la commission plus forte, qu'on la rendra plus durable, et qu'elle sera ainsi plus efficace à l'avenir.
Le sénateur Andreychuk: Nous avons entendu plusieurs personnes et organisations qui avaient de nombreuses réserves à l'égard du projet de loi C-4. Il semble y avoir deux camps. Le premier préfère consolider la CCB et la rendre davantage exclusive; peut-être encore plus exclusive que ne le voudrait ce projet de loi. L'autre camp veut plus d'indépendance par rapport à cet organisme; ou bien un système double, ou un système permettant la non-participation.
Vous vivez en Saskatchewan et vous comprenez les agriculteurs. Si ce projet de loi est adopté sans amendement, ne risque-t-on pas d'exacerber cette polarisation, ou croyez-vous que le débat va s'éteindre après l'adoption du projet de loi?
M. Shauf: Il y aura toujours débat sur la commission canadienne du blé, et sur son efficacité. À mon avis, ce que le projet de loi améliore, cependant, c'est la reddition de comptes aux producteurs de la part de ceux qui dirigent la CCB. On permet ainsi aux producteurs d'influencer ceux qui impriment l'orientation de la commission. Je pense que cela devrait, en toute probabilité, susciter davantage de satisfaction à l'égard de la commission canadienne du blé.
Le sénateur Andreychuk: Que ferait le Saskatchewan Wheat Pool pour l'élection des administrateurs? Offririez-vous des services d'information, est-ce que vous évalueriez directement les candidats? Resteriez-vous à l'écart, ou prendriez-vous part à l'élection pour vous assurer que le candidat heureux fasse valoir certaines perspectives de votre entité?
M. Shauf: Il appartiendrait surtout à nos membres de déterminer le rôle du Saskatchewan Wheat Pool dans le processus électoral. J'imagine que nous voudrons probablement faire connaître les candidats à nos membres. Tout le reste est conjecture.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Merci, monsieur le président. À la première page de votre mémoire, vous dites que vous avez 74 000 membres-propriétaires. Ceci est très impressionnant. J'aimerais que vous me traciez un profil de vos membres afin que je sois mieux éclairé.
[Traduction]
M. Shauf: Nous avons des membres dans d'autres provinces aussi, mais essentiellement, nos membres sont des producteurs agricoles de la Saskatchewan. Ils gèrent toutes sortes d'exploitations agricoles.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Je comprends que votre association est composée de petits, moyens et grands opérateurs. Donc, vous couvrez tout le spectrum des producteurs?
[Traduction]
M. Shauf: Oui.
Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.
Le sénateur Whelan: La première fois que j'ai assisté à une rencontre, il y avait 44 députés de la Chambre des communes à une séance du comité à Regina. Je me suis risqué à dire au Saskatchewan Wheat Pool que son système d'élévateurs était peut-être légèrement dépassé, et que dans des endroits comme Moose Jaw et Saskatoon, le pool devrait prendre en charge des élévateurs du gouvernement. J'ai failli me faire lyncher. Mais dans le sud-ouest de l'Ontario, nous avions de gros silos en ciment avec revêtement d'amiante, le tout bâti en acier et en ciment et équipé de renettoyeurs.
Nos audiences, ainsi que ma propre observation au sein de votre organisation, m'ont permis de constater que vous êtes engagés dans un programme très avancé de modernisation et de consolidation de vos élévateurs à grain. Est-ce exact?
M. Shauf: Oui.
Le sénateur Whelan: On nous a dit aujourd'hui qu'un grand nombre de nouvelles entreprises vont s'installer en Saskatchewan. Ces mesures vous permettront-elles de les concurrencer?
M. Shauf: Je pense que le système que nous mettons au point nous permettra justement de faire concurrence, d'offrir des services. Il y a beaucoup de changements qui surviennent en raison de la déréglementation, et il y a plusieurs facteurs qui impulsent ces changements.
Le sénateur Whelan: Je suis d'accord avec vous sur un tas de choses dans votre mémoire; celui-ci m'a beaucoup plus. Cependant, je ne suis pas sûr d'être pour l'idée que le président soit élu par la commission. Si le gouvernement conserve la responsabilité de financer et de protéger les opérations de la CCB, je pense qu'il devrait avoir son mot à dire dans la désignation du premier dirigeant.
M. Shauf: Je pense que le gouvernement a son mot à dire du fait qu'il peut nommer cinq administrateurs. De plus, si l'on veut que le conseil d'administration fonctionne comme il faut, il doit avoir le pouvoir d'engager et de congédier le PDG.
Le sénateur Whelan: À la page 4, vous dites que «le Saskatchewan Wheat Pool est contre la suppression de la garantie fédérale sur les ajustements au prix initial». Vous dites en outre «que l'on pourrait apporter des ajustements plus opportuns si l'on cessait d'exiger l'approbation du Cabinet et si l'on exigeait simplement l'approbation du ministre responsable de la commission canadienne du blé et du ministre des Finances».
J'ai siégé au Cabinet pendant près de 11 ans, et je ne suis pas du tout d'accord là-dessus. Selon mon expérience, on ne peut pas demander à deux personnes de prendre une décision qui engagerait tout le Cabinet et le Parlement.
M. Shauf: Ce que nous proposons, c'est un processus accéléré qui permettrait aux producteurs d'apporter des changements.
Le sénateur Whelan: Il y a des fois où je me dis que le processus accéléré risque d'être un processus mal connu, ou peu connu du public, même au sein de l'administration publique. J'ai de vives réserves à ce sujet.
Vous dites que l'idée d'avoir plusieurs périodes de mises en commun au cours de l'année vous gêne, et je suis d'accord avec vous à ce sujet.
Vos homologues de l'Alberta et du Manitoba appuient-ils votre mémoire? En avez-vous discuté avec eux, ou est-ce que le Saskatchewan Wheat Pool a fait cavalier seul ici?
M. Shauf: Nous avons fait cavalier seul. Nous avons eu des discussions à ce sujet avec nos deux homologues, mais il y a quelques passages où le Alberta Pool en particulier n'approuverait pas nos recommandations.
Le sénateur Stratton: Je crois savoir que vous construisez un élévateur hors du pays; est-ce exact?
M. Shauf: Oui, c'est exact. Nous construisons deux ou trois élévateurs à l'extérieur du pays.
Le sénateur Stratton: Juste de l'autre côté de la frontière?
M. Shauf: Oui, juste de l'autre côté de la frontière, dans le Dakota du Nord.
Le sénateur Stratton: Pouvez-vous me dire pourquoi?
M. Shauf: Cette installation recevra des grains d'un partenaire avec lequel nous travaillerons aux États-Unis, et ce ne sera pas du grain de la commission canadienne du blé. Il y a beaucoup de grain qui entre aux États-Unis par cet endroit, et cette installation recevra surtout de l'avoine.
Le sénateur Stratton: De toute évidence, vous êtes résolument convaincus du fait que le libre-échange sera permis à la frontière, et que les États-Unis n'imposeront pas de limite sur les quantités de grain que vous exporterez.
M. Shauf: Nous sommes résolument convaincus du fait que le gouvernement américain n'imposera pas de barrières tarifaires pour les grains entrant aux États-Unis. Nous sommes parfaitement convaincus du fait qu'à long terme, le Canada exportera beaucoup de grain aux États-Unis. Cependant, nous n'excluons pas la possibilité qu'il y aura aussi des moments où le grain entrant aux États-Unis se butera à des obstacles.
Sur le plan politique, le grain entrant aux États-Unis par train pose moins de problèmes que le grain entrant par camion, et c'est là un facteur important.
Le sénateur Stratton: Je comprends. La Commission canadienne du blé exportera alors de plus en plus de grain aux États-Unis?
M. Shauf: La CCB exportera probablement plus de grain aux États-Unis. Ce marché est appelé à croître. La CCB transige presque exclusivement avec les consommateurs ultimes aux États-Unis, au lieu de confier son grain au système de distribution américain. C'est une grande différence là aussi.
Le sénateur Stratton: Vous ne craignez donc nullement la concurrence des grains ne relevant pas pour le moment de la commission canadienne du blé? Est-ce que vous persisteriez à bâtir ces élévateurs si vous craigniez que ces grains soient ajoutés aux listes de la CCB?
M. Shauf: Pardonnez-moi, je n'ai pas compris.
Le sénateur Stratton: Vous dites que vous bâtissez ces élévateurs pour des grains qui ne sont pas visés pour le moment par la CCB. Auriez-vous des objections si la commission, en invoquant la disposition de l'inclusion et de l'exclusion, décidait de gérer ces grains?
M. Shauf: Je ne crois pas que cela causerait de problème pour nous si la commission canadienne du blé décidait de contrôler davantage de grains. Nous avons collaboré avec la CCB, et nous continuons de le faire, pour donner à nos grains l'accès aux marchés. Peu importe où se trouvent ces marchés. Si la CCB s'occupe d'un grain, nous travaillons avec elle. Si la CCB ne s'en occupe pas, alors nous le mettons en marché nous-mêmes directement.
Que la CCB s'occupe d'un grain ou non, je pense qu'il existe un marché aux États-Unis, et je pense que nous allons travailler sur ces marchés. Nous croyons cependant que l'agriculteur obtient les meilleurs rendements en collaborant avec le système de la commission canadienne du blé.
Le sénateur Stratton: Si vous pouvez faire ça par la mise en commun, si certains de ces grains sont ajoutés aux listes de la CCB et que vous pouvez toujours vendre vos grains ou les engranger dans des élévateurs du Dakota du Nord, pourquoi un agriculteur agissant seul ne peut-il pas en faire autant?
M. Shauf: Il s'agit entre autres de savoir si vous croyez dans la vente au guichet unique.
Le sénateur Stratton: Je sais, mais ce qui est bon pour vous doit être bon pour le voisin?
M. Shauf: Il s'agit essentiellement de savoir si des particuliers peuvent avoir accès aux marchés haut de gamme, ou si c'est un groupe plus fort qui aura accès à ces marchés. Il s'agit de savoir si les marchés haut de gamme seront mis en commun avec tous les marchés, si tous les participants au système de mise en commun obtiennent un prix pondéré, ou si l'on va exclure ces marchés haut de gamme.
Le sénateur Stratton: Les grains que vous mettez en marché maintenant, ceux qui ne figurent pas sur la liste -- est-ce que vous ne les mettez pas en marché pour obtenir les meilleurs prix pour votre pool, pour l'agriculteur de la Saskatchewan?
M. Shauf: On perd des avantages importants si l'on ne conserve pas la vigilance du guichet unique de la commission canadienne du blé.
Si vous permettez au grain de traverser la frontière et d'être séparé à l'étranger, vous n'êtes plus en mesure d'obtenir les meilleurs prix du marché parce que vous avez maintenant un concurrent qui risque d'avoir le même produit que vous et qui vous fera concurrence sur le marché mondial.
Le président: Je n'ai qu'une question supplémentaire à ce sujet. Si moi, l'agriculteur, je rachète mon grain de la CCB à l'élévateur, on m'impose des frais supplémentaires. Je viens de confirmer cela parce que nous avions besoin de semences de blé dur, et pour le blé dur numéro 1 sans protéine à 4,74 $, le prix de rachat de la commission canadienne du blé pour moi est de 7,17 $. Est-ce que votre entreprise, qui possède un élévateur, paie le même prix de rachat que moi?
M. Shauf: Je ne peux pas donner de réponse exacte ici, mais j'imagine que oui. Si je comprends bien, il s'agit du prix que demande la CCB, et ce prix sera le même pour vous que pour moi.
Le président: En tant qu'agriculteur, quand je rachète, je dois absorber les frais de transport et de manutention, ainsi que d'autres frais. C'est pourquoi on me demande 7,17 $.
Quand il y avait des camions par centaines qui allaient dans le sud, le Saskatchewan Wheat Pool expédiait beaucoup plus de grains de Moose Jaw que les agriculteurs isolés. En tant qu'agriculteur agissant seul, je devrais racheter ce grain. Étiez-vous obligés de faire cela.
M. Shauf: Est-ce que c'était du grain de la CCB qu'on transportait?
Le président: Il s'agissait de blé dur.
M. Shauf: Eh bien, si c'était du grain de la CCB qu'on exportait, le Saskatchewan Wheat Pool est un exportateur accrédité; nous faisons cela pour le compte de la commission canadienne du blé. Je ne suis pas tout à fait sûr du rapport qui existe, mais je sais que les profits de ce marché haut de gamme retourneraient à la CCB.
Le président: Si vous deviez payer le même prix qu'un fermier, vous ne gagneriez pas un sou à envoyer votre grain là-bas. C'est ce qui est arrivé sur notre ferme à nous. Nous nous sommes adressés à la CCB, nous avons obtenu un permis pour agir légalement, et on nous a dit que pour les profits, il fallait envoyer un chèque à la CCB et que nous recevrions le reste de l'argent du pool.
M. Shauf: J'ai vu personnellement des chèques pour des grains qui avaient été exportés aux États-Unis -- dans certains cas, illégalement. Je sais pertinemment que ces gens, à la fin de l'année, avaient moins d'argent dans leurs poches que s'ils avaient vendu leurs grains légalement en passant par la CCB.
Le sénateur Taylor: Nous avons été surpris, hier et aujourd'hui, par le nombre de bioagriculteurs qui veulent soustraire leur blé et leur orge à l'autorité de la CCB étant donné que leur produit est unique et en petit volume, ce qui rendrait le processus de rachat cher et inutile. Ils veulent vendre leur grain comme on vend le lin ou l'avoine. Qu'en pensez-vous, en votre qualité de représentant du Saskatchewan Wheat Pool, qui est un très, très gros acheteur? Êtes-vous d'accord pour que leur produit, soit le blé et l'orge biologique destinés à la consommation humaine, soit soustrait à l'autorité de la commission?
M. Shauf: Je connais personnellement plusieurs bioagriculteurs qui passent par la CCB et qui en sont très satisfaits. Ils peuvent ainsi prendre pied sur le marché américain et profiter également des rendements de la mise en commun en passant par la CCB.
Le sénateur Taylor: Ils devraient donc être heureux?
M. Shauf: Je pense qu'il y a moyen pour eux de collaborer avec la CCB et d'atteindre leurs objectifs.
Le sénateur Andreychuk: Une petite précision qui s'adresse au sénateur Stratton et au sénateur Gustafson.
Vous dites que la principale raison pour laquelle vous ne voulez pas qu'un agriculteur se retire de la CCB et vende seul, c'est parce qu'il serait un concurrent pour vous étant donné que vous offririez tous deux la même qualité élevée. Est-ce que l'unique raison d'être de la CCB tient au fait qu'elle ne pourra pas soutenir la concurrence? La Commission canadienne du blé n'aurait-elle pas, par nature, l'avantage de la quantité?
M. Shauf: De toute évidence, la commission canadienne du blé a l'avantage de la quantité. Mais l'avantage que le Canada a, c'est la qualité. La qualité est un facteur suffisamment important pour donner accès au marché haut de gamme.
Si vous permettez à quelqu'un d'autre de mettre au point le même produit que vous avez, vous perdez un avantage. Si on veut la vente au guichet unique, c'est pour éviter que des gens ne vous fassent concurrence sur le marché avec votre propre produit.
Le sénateur Andreychuk: Mais le produit est le produit de l'agriculteur?
M. Shauf: Oui.
Le sénateur Andreychuk: Traditionnellement, si je comprends bien, la commission canadienne du blé était censée être un agent?
M. Shauf: Oui.
Le sénateur Andreychuk: J'essaie de comprendre vos raisons. Je croyais qu'il y avait toutes sortes de bonnes raisons pour conserver la CCB; pas seulement la qualité et le fait qu'elle ne peut pas soutenir la concurrence.
Chose certaine, l'agriculteur continuera d'offrir la qualité voulue, et la commission canadienne du blé garderait pour elle la majorité des producteurs. Vous semblez dire que si le système s'ouvre, tous les agriculteurs vont quitter la commission canadienne du blé, qui perdrait alors l'avantage de la quantité et ne serait plus aussi bien placée pour négocier.
Vous ne pouvez donc pas dire que les agriculteurs veulent conserver la commission canadienne du blé si vous dites en même temps que, si on leur en donnait la possibilité, ils partiraient tous. Je sais bien que si on leur en donne la possibilité, certains partiraient, mais ils ne le feraient pas tous. J'imagine que la majorité resteraient, et que la CBC conserverait son avantage concurrentiel.
J'essaie seulement de comprendre la logique de tout cela. Vous ai-je mal interprété?
M. Shauf: La première chose, c'est la qualité. Les États-Unis constituent un marché haut de gamme, et il y a plusieurs marchés haut de gamme dans le monde, dont celui des États-Unis. Les États-Unis consomment nos produits en grandes quantités.
Je vais maintenant parler du rôle de la CCB comme agent de l'agriculteur, et c'est exactement ce qu'elle fait. Les gens disent qu'ils sont obligés de vendre à la CCB. Personne ne vend à la CCB; quiconque a du blé à mettre en marché vend par l'intermédiaire de la CCB. C'est la CCB qui met le blé en marché pour le compte des agriculteurs, et les profits reviennent aux agriculteurs.
Le prix que l'on peut aller chercher sur le marché est par conséquent une partie très importante de la mise en commun et du prix de la mise en commun. Il faut mettre ensemble les prix élevés et les prix moins élevés sur le marché.
Si on enlève les marchés les plus intéressants de cette mise en commun, alors on n'a plus un compte de mise en commun intéressant. Si la commission canadienne du blé n'est pas le seul distributeur aux États-Unis, on a éliminé un marché intéressant. Est-ce qu'il y a quelque chose que je ne comprends pas?
Le sénateur Andreychuk: Ce que vous dites alors, c'est que si vous avez des droits exclusifs, vous êtes alors dans une meilleure position pour la vente.
M. Shauf: Exactement.
Le sénateur Andreychuk: Ce que je voulais dire, c'est que si vous êtes le gros canon dans cette situation, et qu'il y a quelques intervenants mineurs, vous risquez de perdre votre avantage concurrentiel. Vous ne perdrez pas grand-chose cependant si vous représentez la majorité. Êtes-vous en train d'essayer de dire que quelque chose d'autre se produit?
M. Shauf: Je suis allé en Chine où là-bas ils se sont vantés d'acheter de l'orge fourragère canadienne par l'intermédiaire des États-Unis afin que nous sachions qu'ils n'étaient pas obligés de payer plus que le prix mondial. Cela m'a montré jusqu'à quel point il était important de maintenir un guichet unique.
Le sénateur Andreychuk: Vous croyez qu'un nombre suffisant d'agriculteurs choisiraient de ne pas participer et que cette exclusivité serait perdue?
M. Shauf: Les États-Unis sont un marché de choix pour le grain canadien, de sorte que sur le plan économique, il est intéressant d'aller aux États-Unis.
Le sénateur Andreychuk: Si cela se produisait, si les agriculteurs se retiraient du programme, alors il faudrait remettre en question le rôle de la commission du blé. N'a-t-elle pas joué le rôle qu'elle devait jouer, n'a-t-elle pas attiré et gardé une majorité d'agriculteurs?
M. Shauf: Elle attire la majorité des agriculteurs et elle maintien les meilleurs prix en même temps que les autres prix internationaux. Elle met tous ces prix dans un compte de mise en commun et les renvoie aux producteurs.
M. Dan Schmeiser, Division de la recherche, Saskatchewan Wheat Pool: Je ne veux pas revenir constamment sur cette question, mais à titre d'éclaircissement, je ne pense pas que nous puissions vendre la totalité de ces 20 millions de tonnes de blé aux États-Unis. C'est un marché haut de gamme, mais pour vendre toute notre récolte, nous devons vendre sur tous les marchés, non pas seulement aux États-Unis.
On a beaucoup parlé de la qualité, et la qualité a son prix; on peut le laisser de côté si on se fait concurrence à soi-même. Le guichet unique vous donne également un pouvoir sur le marché, cependant, car nous vendons 20 p. 100 du blé mondial et il y a un avantage que l'on peut tirer de ce marché, comme l'a démontré l'étude Kraft, Furtan, Tyrchniewicz.
Nous avons également vu que l'orge se vendait à un prix plus élevé à cause de ce guichet unique. Collectivement, les producteurs en profitent parce qu'ils reçoivent davantage d'argent qu'ils n'en recevraient s'ils devaient se faire mutuellement concurrence.
Le sénateur Sparrow: Vous avez mentionné, Marvin, que vous étiez allé en Chine. Était-ce avec la commission canadienne du blé?
M. Shauf: Non.
Le sénateur Sparrow: Vous avez dit qu'ils ont parlé du prix de l'orge et de leur capacité à l'acheter. Voulez-vous dire que les États-Unis demandaient le même prix que nous?
M. Shauf: Non. Ils voulaient tout simplement qu'il soit clair pour nous que dès que l'orge canadienne est vendue aux États-Unis, notre propre produit nous fait concurrence.
Le sénateur Sparrow: Qu'est-ce qu'ils voulaient dire par là?
M. Shauf: Ce qu'ils voulaient dire, c'est que vous pouvez perdre cet avantage sur le marché en n'établissant pas de différences entre vos produits et en ne maintenant pas un guichet unique.
Le sénateur Sparrow: À cause d'une orge différente, ou meilleure, ou quoi?
M. Shauf: Ils avaient l'orge du Canada qu'ils voulaient avoir et ils n'étaient pas obligés de payer plus cher pour ce produit car dès qu'il est à l'extérieur du Canada, il doit faire concurrence aux autres produits sur le marché mondial.
Le sénateur Sparrow: Je ne comprends toujours pas. Si des Américains en ont acheté et qu'il s'agissait d'une orge de qualité supérieure, ils l'ont sans doute vendue à un prix supérieur, n'est-ce pas?
Je veux surtout souligner le secret qui prévaut au sein même de la commission. On y parle constamment de concurrence, mais on prétend ne pouvoir divulguer quelque information que ce soit; elle ne peut divulguer la rémunération de ses administrateurs ou de ses employés, ni les coûts connexes, etc, pour des raisons de concurrence. Il me semble que le prix de l'orge et du blé est bien connu sur le marché, n'est-ce pas?
J'ai vendu du canola au Mexique, et toutes les entreprises m'ont indiqué quel prix elles me demanderaient pour le transporter jusque là-bas. On n'a rien caché du syndicat du blé, de Cargills, de qui que ce soit d'autre. Est-ce que ces renseignements ne sont pas connus?
M. Shauf: J'en doute. Je doute fort que les gens sachent que du grain est vendu au Mexique. Je ne connais aucune société qui est prête à rendre publiques les données relatives à ses opérations. Tout le monde en parle, mais je n'ai vu personne d'autre rendre publics ces renseignements sur la mise en marché. Les entreprises rendront public le prix auquel elles sont prêtes à acheter un produit, mais personne ne révèle le prix auquel ce produit est vendu au public.
Le sénateur Sparrow: Moi, je vous dis qu'on m'a donné ces renseignements.
M. Shauf: On vous a donné ces renseignements?
Le sénateur Sparrow: Oui, toutes les entreprises l'on fait. Je serai heureux de vous les communiquer, y compris les prix, si cela vous intéresse.
M. Shauf: C'était dans le cadre d'une transaction commerciale?
Le sénateur Sparrow: Oui.
M. Shauf: Dans ce cas-là, c'est différent. Je ne crois pas qu'on aurait été prêt à donner ces prix à qui que ce soit d'autre.
Le sénateur Sparrow: On ne nous a pas obligés à garder le secret.
M. Shauf: Dans le cadre d'une transaction commerciale, il ne s'agit pas simplement de divulguer des informations.
Le sénateur Whelan: Ne participez-vous pas à un programme de silos à grain en Pologne en collaboration avec la Banque européenne de développement?
M. Shauf: Oui.
Le président: Je vous remercie d'être venus témoigner; nous vous savons gré du mémoire que vous nous avez présenté.
J'invite maintenant Gene Davis, le directeur et président de la section des grains, du Organic Special Products Group, à bien vouloir prendre place.
M. Gene Davis, directeur et président de la section des grains, Organic Special Products Group: Je m'appelle Gene Davis, et je suis un producteur certifié de grain organique de North Portal, dans le sud-est de la Saskatchewan. J'y ai cultivé la terre presque toute ma vie.
Je vous présente aujourd'hui des copies de mémoires que nous avons remis à la commission mixte canado-américaine sur les grains. J'ai aussi des copies du mémoire que nous avons remis au Comité d'examen de la commercialisation des grains de l'Ouest au nom de l'OSPG, l'Organic Special Products Group, et la réponse de ce comité concernant les produits organiques. Ces deux mémoires ont été présentés au nom d'un ensemble considérable de producteurs de produits organiques et non pas de quelques-uns seulement.
Vous trouverez aussi des copies d'une lettre de suivi adressée à l'honorable Ralph Goodale, ainsi que des exemplaires de sa réponse. En conclusion, j'ai aussi quelques lettres que j'ai rédigées concernant le vote sur l'orge; elles se passent d'explication. Je les ai rédigées en mon nom personnel, sans solliciter l'appui des cultivateurs de produits organiques.
Le premier document est le mémoire qui décrit la position que nous avons adoptée devant la commission mixte canado-américaine sur les grains à Winnipeg en mars 1995. J'explique ce que sont les grains organiques, comment ils sont cultivés, comment ils sont retracés et comment ils sont certifiés. Nous avons reçu une réponse d'un paragraphe, dont nous avons été satisfaits:
L'agriculture organique et les ventes des produits organiques sont en hausse dans le secteur du grain. Ce genre d'agriculture met l'accent sur l'absence de produits chimiques ou leur utilisation en faibles quantités pour améliorer la qualité ou le rendement des cultures. À mesure que les cultivateurs de produits organiques prennent de l'importance, le Canada et les États-Unis devraient prendre des mesures pour s'assurer que cette activité est reconnue dans l'élaboration de politiques et de programmes.
Cette suggestion remonte en 1995.
Ceci fait partie du mémoire que nous avons présenté au comité d'examen de la commercialisation des grains de l'Ouest; il s'agit du premier de nos mémoires. Il décrit l'Organic Special Products Group, et comprend un exemplaire d'une lettre que nous avions envoyée à l'honorable Ralph Goodale, ministre de l'Agriculture, le 15 février 1996. Il y a aussi une lettre que j'ai reçue de M. Earl Geddes en réponse à ma lettre; je crois qu'à l'époque, il s'occupait des produits organiques à la CCB, mais je ne sais quel poste il occupait précisément. Je vous remets cette lettre pour votre gouverne.
Le reste des documents comprend des informations sur notre position, et il y a des exemplaires pour tous. Nous ne pouvons les passer tous en revue, nous n'avons pas le temps, mais j'espère que vous en tiendrez compte.
Je vous ai aussi remis un exemplaire de la recommandation sur les grains organiques du Comité d'examen de la commercialisation des grains de l'Ouest:
Les blés biologiques devraient être réglementés mais ne devraient pas relever de la commission canadienne du blé; ils devraient être commercialisés selon le choix de chaque producteur, sous la supervision de la commission canadienne des grains. La commercialisation serait assurée par le secteur privé et la participation à la CCB serait facultative. Les associations de bioagriculteurs et le gouvernement fédéral devraient poursuivre leurs efforts en vue d'établir un programme reconnu de certification.
Je crois que ce programme est maintenant presque parachevé.
J'ai ici une lettre de l'honorable Ralph Goodale en réponse à cette lettre, en date du 21 janvier 1996. Si vous voulez bien la lire, vous verrez qu'elle se passe d'explication. Voici le dernier paragraphe:
L'importance du secteur canadien des aliments biologiques ne fait aucun doute. Je tiens à vous assurer que nous déployons tous les efforts pour explorer toutes les options de commercialisation des grains biologiques qui existent afin de maximiser la profitabilité pour les cultivateurs de grains biologiques.
Encore une fois, je vous remercie d'avoir attiré mon attention sur vos préoccupations.
Les deux derniers documents sont des lettres que j'ai écrites en mon nom personnel, plus ou moins comme suivi au vote sur l'orge. L'exclusion de la double commercialisation était l'aspect le plus litigieux.
Enfin, vous trouverez une lettre que j'ai envoyée au Western Producer, mais que ce journal a décidé de ne pas publier.
Si vous avez des questions, je serai ravi d'y répondre.
Le sénateur Andreychuk: Je remarque que la lettre que M. Goodale vous a envoyée est en date de juin 1996. N'y a-t-il pas eu d'autre correspondance depuis?
M. Davis: Très peu.
Le sénateur Andreychuk: Le projet de loi et la dernière lettre sont les deux seuls autres documents?
M. Davis: On m'a aussi envoyé une lettre de suivi dans laquelle on me disait essentiellement de ne pas préjuger des recommandations du comité. J'ai ensuite reçu une lettre décrivant les suggestions du comité mais, depuis, rien d'autre ne s'est passé.
Le sénateur Taylor: À moins qu'il y ait un bras de fer bureaucratique, je ne vois pas pourquoi la commission du blé voudrait vous inclure, à moins qu'elle ne croie qu'il y ait des fuites.
Le témoin précédent, de la CCB, a tourné autour du pot et nous a finalement dit qu'il connaissait des bioagriculteurs qui étaient satisfaits. Je ne sais trop ce que sa réponse signifie.
La CCB a un chiffre d'affaires d'environ 6 milliards de dollars. De quoi s'inquiète-t-elle? Le savez-vous?
M. Davis: C'est un secteur en pleine croissance.
Le sénateur Taylor: Avez-vous entendu des rumeurs provenant d'Iran, de Chine ou des États-Unis selon lesquelles, d'une façon ou d'une autre, du blé de culture biologique aurait été importé au pays à l'insu de la commission?
M. Davis: Je sais que le Saskatchewan Wheat Pool aimerait bien vendre du blé de culture biologique. Il aimerait bien s'approprier ce marché.
Le sénateur Taylor: Que fait-il en ce sens?
M. Davis: J'ignore quels sont leurs intentions ou leurs projets, mais je sais qu'ils ont exprimé ce souhait à nos réunions.
En ce qui concerne les fuites, le système biologique est un système dans le cadre duquel on doit rendre des comptes de la première à la dernière étape, de la production jusqu'à la consommation. Certains ont peut-être du mal à le comprendre, mais le système de certification ne diffère pas beaucoup du système qui existe pour la certification des semences dont on doit assurer la pureté variétale. La variété doit bien être celle qu'on prétend.
Le sénateur Taylor: La CCB s'occupe-t-elle des semences certifiées?
M. Davis: Je sais qu'on peut vendre les semences certifiées à l'extérieur du réseau de la CCB. J'ignore toutefois si elle en vendra elle-même.
Il faut comprendre que les gens paient un prix supérieur pour des biens biologiques. Dans certains cas, c'est un prix très élevé. Ils veulent savoir d'où viennent les produits. Ils tiennent à ce que nous n'utilisions, dans nos méthodes de production, aucun fumigant, insecticide ou herbicide, et nous le garantissons. Ils veulent tout savoir également sur nos méthodes de manutention et de traitement et sur tous les processus de notre système de production.
C'est un système axé sur le produit. Les grains biologiques sont transportés par conteneur, dans des sacs prévus spécialement à cette fin. Le grain biologique est maintenant expédié comme cargaison de navire.
Le sénateur Taylor: Vous voulez donc vendre votre grain comme tout autre grain qui ne relève pas de la CCB, sans devoir le racheter, mais vous devez aussi vous assurer qu'il reste biologique et pur jusqu'à ce qu'il arrive à la minoterie ou à destination.
M. Davis: C'est exact, et même jusqu'à la table du consommateur.
Le sénateur Taylor: Pour autant que vous sachiez, il pourrait se retrouver dans un camion sale ayant transporté du blé non biologique. Est-ce que cela vous ennuierait?
M. Davis: Oui. Le conducteur doit attester de la propreté de son conteneur, et l'expéditeur doit aussi garantir la propreté de son conteneur. Il existe un processus de triage permettant d'assurer l'intégrité du produit dans tout le système.
Le sénateur Taylor: La CCB est-elle prête à donner de telles garanties?
M. Davis: Non, pas du tout. Elle est prête à nous permettre de vendre notre blé biologique par son entremise et de le racheter, c'est tout.
Le sénateur Stratton: Le représentant de l'Organic Crop Improvement Association, Bill Rees, ne savait pas que la commission canadienne du blé était intéressée à commercialiser votre produit.
M. Davis: Excusez-moi, ce n'est pas la CCB qui veut commercialiser les grains biologiques, mais bien le Saskatchewan Wheat Pool.
Le sénateur Stratton: La CCB s'est-elle dit intéressée à commercialiser votre produit?
M. Davis: Non, on nous a dit: «Vendez-le-nous, puis, rachetez-le du silo de votre choix».
Le sénateur Stratton: La CCB veut-elle contrôler votre produit parce que c'est un secteur en pleine croissance?
M. Davis: Elle contrôle déjà notre produit. Lorsque vous cultivez du blé ou de l'orge dans une région désignée, comme la région des Prairies, vous n'avez qu'un seul droit, à savoir le droit d'obtenir un carnet de permis, et rien d'autre. Vous pouvez cultiver le grain, mais vous n'en êtes pas le propriétaire.
Le sénateur Stratton: La Commission refuserait-elle de céder ce contrôle?
M. Davis: Oui.
Le sénateur Stratton: Tout simplement parce que votre secteur est en croissance?
M. Davis: Ce n'est peut-être pas aussi simple que cela. Je ne peux présumer des raisons de la commission, sauf qu'elle contrôle déjà ce produit et, de toute façon, aucun paramètre n'interdit à la commission de contrôler ce produit.
Le sénateur Stratton: Croyez-vous que les syndicats ou la CCB pourraient vous imposer des peines si vous ne vous joignez pas à eux?
M. Davis: Des peines de leur part?
Le sénateur Stratton: Oui. Quel prix paieraient-ils s'ils vous permettaient de commercialiser librement votre produit?
M. Davis: Je suppose qu'ils perdraient le prix de notre rachat, 1 $, 1,50 $ ou 2 $ le boisseau, selon la période de l'année d'exploitation, le prix que nous payons pour racheter notre produit.
Le sénateur Stratton: Rien d'autre?
M. Davis: Non.
Le sénateur Stratton: Ai-je raison de dire que vous n'avez aucun problème à vendre votre produit?
M. Davis: Je n'ai pas de problème parce que j'ai choisi de ne pas cultiver d'orge ou de blé.
Le sénateur Stratton: Vous produisez hors commission?
M. Davis: J'ai déjà cultivé de l'orge et du blé. La dernière fois que j'ai cultivé du blé, je l'ai vendu comme blé fourrager parce que j'en retirais ainsi 4,20 $ le boisseau. Le blé protéique numéro 1 se vendait 3,80 $, alors je l'ai vendu comme blé fourrager à un silo Pioneer.
Le président: Si vous obteniez le prix du marché pour du blé avec lequel on pourrait faire du pain biologique, quel serait ce prix?
M. Davis: Un de mes voisins a du blé numéro 1 de force roux de printemps et on lui a offert 7,25 $US le boisseau. Il a rejeté l'offre en raison de toute la paperasse et des tracasseries administratives que cela impliquait. Il ignore ce qu'il fera de ce blé. Pour l'instant, son prix de rachat est d'environ 2 $ le boisseau.
Le sénateur Sparrow: Mais la commission lui donnerait un permis pour vendre ce blé, n'est-ce pas? Il peut le vendre, le racheter et le revendre.
M. Davis: La Commission contrôle tout cela. Elle prétend accorder des permis à tous ceux qui en veulent, mais certains fermiers n'en ont pas obtenus.
Le sénateur Sparrow: Un permis pour quoi?
M. Davis: Pour racheter leur produit et le revendre sur un marché particulier.
Le sénateur Sparrow: Vous devez préciser le marché américain où vous voulez revendre votre produit et la commission vous accorde alors un permis d'exportation, n'est-ce pas?
M. Davis: Le rachat est lié à un marché particulier.
Le sénateur Sparrow: Vous devez livrer le produit avant de pouvoir le racheter.
M. Davis: C'est exact.
Le sénateur Sparrow: Mais vous n'avez aucune garantie quant à la façon dont ce produit a été manipulé?
M. Davis: Vous n'avez pas à le décharger. Vous vous rendez au silo de votre choix, que ce soit un silo Cargill, Pioneer, ou du Saskatchewan Wheat Pool, on pèse votre cargaison et on vous remet un chèque. Ensuite, vous le rachetez au prix de rachat, comptant ou par chèque certifié, vous quittez la bascule et le grain vous appartient.
À ma connaissance, on doit obtenir son permis de la commission canadienne du blé. Je connais mal le système, parce que j'ai choisi de ne pas en faire partie, mais je crois que c'est à peu près ainsi que ça fonctionne.
Le président: Vous rachetez donc votre grain de la commission.
M. Davis: C'est exact.
Le président: Je viens de vérifier en ce qui a trait aux semences. Vous rachetez le grain, non pas de Pioneer ou de qui que ce soit d'autre, mais de la commission. Vous payez la commission.
M. Davis: Oui, et des frais sont versés à l'entreprise céréalière.
Le président: Vous payez les frais de manutention?
M. Davis: Oui.
Le sénateur Sparrow: Il en va de même pour les semences. Le producteur doit les vendre à la commission pour ensuite les racheter, n'est-ce pas?
M. Davis: Non.
Le sénateur Sparrow: N'est-ce pas ce que vous avez dit?
Le président: Non, seulement si vous voulez acheter des semences de la commission qui avait déjà été vendues au silo. C'est une exception. Pour les semences, vous n'avez pas à passer par la commission canadienne du blé.
Le sénateur Whelan: Mangez-vous parfois au restaurant?
M. Davis: Oui, comme tout le monde, monsieur.
Le sénateur Whelan: Comment êtes-vous sûr que vous mangez des aliments biologiques?
M. Davis: Rien ne me le garantit. Notre marché est très petit. Lorsque je sais qu'il existe un restaurant qui sert des aliments biologiques, c'est là que je vais.
Le sénateur Whelan: Je ne suis pas contre les aliments biologiques. Après la dernière guerre, l'espérance de vie était en moyenne de 47 ans, je crois; elle est maintenant de 76 ans. En dépit de toutes les saletés que nous mangeons, notre espérance de vie augmente.
M. Davis: Nous n'affirmons pas, sur une base scientifique, que les aliments biologiques sont bons pour la santé.
Nous avons des clients qui recherchent nos aliments biologiques parce qu'ils trouvent qu'ils ont meilleur goût. Ils les recherchent parce qu'ils savent que lorsqu'ils arrivent au quai, ils ne sont pas fumigés. Ils savent que nous inspectons et nettoyons les conteneurs avant que le grain y soit chargé ou transporté. Ils savent que nos installations de traitement et de nettoyage sont inspectées par une tierce partie indépendante qui leur décerne un certificat. Voilà les normes que nous assurons et garantissons au consommateur et à l'acheteur.
La gérance biologique et la formation biologique du sol font également partie de notre système de production. Il faut activement améliorer le contenu biologique du sol.
Le sénateur Taylor: Dans la lettre que M. Ralph Goodale a envoyée à M. Gene Davis le 24 juin au sujet de la commercialisation du grain à l'extérieur de la commission du blé, il dit, à la fin du deuxième paragraphe:
On s'attend à ce que le Comité d'examen aborde ce sujet et un certain nombre d'autres options concernant les céréales biologiques dans le rapport qu'il présentera dans un proche avenir.
Je sais que cela remonte à trois ans seulement, mais le rapport en question a-t-il été publié et, dans l'affirmative, que renfermait-il?
M. Davis: Le rapport du comité d'examen de la commercialisation du grain de l'Ouest a dit que nous devrions fonctionner en marge de la commission canadienne du blé. Vous en avez un exemplaire ici, monsieur.
Le sénateur Taylor: Je vous crois sur parole.
M. Davis: Il n'y a rien de précis dans le projet de loi C-4 qui réponde à nos préoccupations au sujet du coût lié au temps et aux efforts consacrés à cette pratique.
Le président: Monsieur Davis, je vous remercie d'avoir aidé notre comité. Nous avons votre mémoire, ainsi que les documents que vous avez remis à chacun des membres du comité.
J'invite maintenant M. Bill Farley, représentant du groupe Flax Growers of Western Canada, à comparaître. Messieurs, veuillez vous présenter et nous dire où sont situées vos exploitations agricoles et ainsi de suite.
M. Bill Farley, directeur et ex-président, Flax Growers of Western Canada: Bonjour. Mon exploitation agricole est située dans la région de Regina, à Grand Coulee. Je suis accompagné aujourd'hui de Garvin Hanley, président du Flax Council of Canada.
Tout d'abord, je tiens à remercier les membres du comité sénatorial d'être venus nous rencontrer dans l'Ouest. Nous apprécions l'occasion qui nous ait donné de présenter notre position.
Flax Growers of Western Canada est un groupe de producteurs financés volontairement par les producteurs de graines de lin de l'Ouest du Canada. Nos activités englobent la recherche, l'expansion des marchés et la commercialisation de la graine de lin. Les universités, les organismes provinciaux et Agriculture Canada nous consultent au sujet des activités liées à la graine de lin. Nous avons déjà participé à des missions commerciales à l'étranger avec le gouvernement du Canada et le secteur privé.
Flax Growers of Western Canada s'oppose à ce que la commission canadienne du blé soit le seul organisme de commercialisation de la graine de lin. Par conséquent, nous sommes contre le paragraphe 47(1) du projet de loi C-4, la clause d'inclusion.
Permettez-moi de vous faire un petit historique de la graine de lin dans le contexte de la commission canadienne du blé. En 1942, le gouvernement du Canada a confié la commercialisation de la graine de lin à la commission canadienne du blé. En raison de la Loi sur les mesures de guerre, la graine de lin était considérée comme une matière première essentielle à des fins militaires. Le prix versé aux liniculteurs a été fixé à 3,23 $ à partir de Thunder Bay.
À cette époque, les États-Unis ne pratiquaient pas le contrôle du prix de la graine de lin. Le prix était beaucoup plus élevé, soit 7 $ le boisseau. Selon une lettre datant de 1946 dont j'ai pu prendre connaissance, le prix de la graine de lin s'établissait à 7,25 $ le boisseau à Minneapolis. Les agriculteurs canadiens ont subi des pertes considérables à la suite de cette décision du gouvernement. Nous fondant sur une superficie approximative de 7,5 millions d'acres, nous avons calculé que les pertes absorbées par les liniculteurs de l'Ouest du Canada se chiffraient dans les 270 millions de dollars.
De 1947 à 1986, la commission canadienne du blé a imposé des quotas d'expédition et de transport de la graine de lin. Chaque fois que la commission canadienne du blé augmentait ces quotas pour la graine de lin, le prix du marché baissait. Étant donné que l'acheteur savait que les producteurs étaient tenus de livrer leur récolte, le prix baissait ou la base s'élargissait. Les producteurs de graine de lin ne pouvaient livrer leur récolte contre un prix favorable en raison de ces contraintes.
Il y a eu des iniquités à l'égard des quotas. Les producteurs ont reçu des quotas inférieurs de trois à cinq boisseaux l'acre alors que les triturateurs recevaient des quotas de 25 boisseaux l'acre. Ces derniers payaient habituellement un prix moindre que les principaux élévateurs pour la graine de lin. À d'autres moments où les prix étaient très attrayants, en raison des quotas, les producteurs ne pouvaient livrer la marchandise à ce prix. Le mécontentement était considérable et les pertes financières plus grandes encore. Nous estimons à environ 258 millions de dollars la valeur des pertes subies au cours de cette période.
Les quotas pour la graine de lin étaient établis de la façon suivante. La Commission canadienne du blé fixait une augmentation des quotas à la suite d'un sondage auprès de chaque propriétaire d'élévateurs membre de l'Association des propriétaires d'élévateurs. On leur demandait d'envisager une augmentation, et qu'un seul grand acheteur de graine de lin soit contre l'augmentation, et c'en était fait. Il n'y avait pas d'augmentation.
Les entreprises qui voulaient expédier de la graine de lin devait se la procurer auprès d'autres entreprises à prix fort au lieu de l'acheter des liniculteurs. Il semblait y avoir collusion, voire versement de pots-de-vin, entre la commission canadienne du blé et les principales compagnies acheteuses de graine de lin.
Certaines sociétés céréalières ont communiqué avec nous et nous avons envoyé une lettre à M. John Bertrand, directeur des pratiques commerciales déloyales au ministère de la Consommation et des Affaires des sociétés, pour lui indiquer les failles de la méthode de sondage et une collusion possible entre la commission canadienne du blé et certaines entreprises céréalières. À la suite de notre plainte, M. Bertrand a fait enquête et, dans sa réponse à notre lettre, il nous a dit que nous avions raison, mais que la commission canadienne du blé ne relevait pas de la Loi sur les pratiques déloyales.
Cependant, l'enquête a altéré nos rapports avec la commission canadienne du blé. À la suite des efforts du président Garvin Hanley, à ma gauche, et de l'Association des cultivateurs de canola, et de discussions avec la commission, les quotas ont été rehaussés et fixés à intervalles plus réguliers. En 1986, les quotas ont été éliminés. Aujourd'hui, les liniculteurs vendent leurs récoltes librement dans l'Ouest à de nombreuses sociétés, grandes et petites.
Vous comprendrez facilement notre ressentiment à l'égard de la commission canadienne du blé et les raisons pour lesquelles nous ne souhaitons pas avoir d'autres rapports avec cet organisme.
La graine de lin donne lieu à une petite récolte comparativement au blé et à l'orge. Elle est habituellement vendue en petites commandes de 1 000 à 10 000 tonnes métriques. Ces commandes sont envoyées par navire-cargo dans de petits compartiments. Cependant, des marchés très considérables sont en train de se développer. En effet, on achemine la graine de lin par camion des fermes aux triturateurs de graines dans la région de Fargo et de Minneapolis aux États-Unis. Il n'est pas nécessaire pour cela d'avoir un permis d'exportation que rachète la commission canadienne du blé.
En 1996-1997, quelque 85 900 tonnes, ou 3 385 000 boisseaux ont été acheminés vers les États-Unis par les producteurs; l'année d'avant, 46 200 tonnes avaient été expédiées de cette façon. Au cours de la nouvelle campagne agricole, du 1er août au 30 novembre -- vous pouvez constater une hausse -- 36 400 tonnes métriques ont été acheminées de cette façon. Ces expéditions prendront fin si la graine de lin relève de la commission canadienne du blé. Sans compter que les producteurs seront fort mécontents de ces occasions d'affaires perdues, au point de faire paraître insignifiant en comparaison le problème actuel concernant les cultivateurs de blé et d'orge.
En raison des avantages pour la santé que représente la consommation de graine de lin, une toute nouvelle industrie a pris naissance. Ce marché a été établi par plusieurs petites entreprises et cultivateurs particuliers. Maintenant, de nombreuses usines de nettoyage du grain nettoient la graine de lin en fonction de normes de pureté plus élevées pour le marché de l'alimentation et de la nutriceutique. D'après les représentants du Flax Council of Canada, ce volet de l'industrie croît à un rythme de 15 à 20 p. 100 par année. Bien qu'il soit difficile de chiffrer au total le potentiel de ce marché, les observateurs estiment que plus de 1 000 conteneurs ont été envoyés l'année dernière à des destinations à l'étranger. Chose certaine, si la commission canadienne du blé avait le contrôle de la commercialisation de la graine de lin, cette industrie en pleine croissance en souffrirait.
La graine de lin linolénique, à partir de laquelle on produit une huile de cuisson, est maintenant bien connue dans l'Ouest du Canada. Les droits de commercialisation appartiennent à l'Union des producteurs de grain. La récolte s'étalait sur 300 000 acres l'année dernière dans l'Ouest du Canada. Si la commission canadienne du blé avait la mainmise sur la commercialisation de la graine de lin, l'Union des producteurs de grain perdrait ses droits de commercialisation unique. Ces producteurs ont travaillé d'arrache-pied pour établir des pratiques d'agronomie et développer des marchés pour leur huile et leur moulée. Je suis sûr qu'ils déménageraient ailleurs pour produire cette nouvelle récolte et encore une fois, cela se traduirait par une perte pour les cultivateurs de l'Ouest du Canada.
L'année dernière, 2 060 000 acres ont été consacrées à la graine de lin dans l'ouest du Canada. En fait, on trouve cette culture dans toutes les provinces, sauf le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve. Aucun contrôle n'est exercé sur la commercialisation de la graine de lin dans ces régions. Seront-elles incluses à la suite de cette clause?
La culture de la graine de lin pourrait se faire sur 2,4 millions d'acres dans l'Ouest du Canada cette année. Les perspectives de marché sont très intéressantes. Si la commission canadienne du blé assumait le contrôle de la commercialisation de la graine de lin, le nombre d'acres consacrées à cette culture baisserait sensiblement, et nous serions certainement obligés de réviser nos exploitations de production de graine de lin, exploitations qui existent depuis 45 ans.
La graine de lin se vend selon plusieurs méthodes: au comptant, prix à terme, livraison de la production et fixation du prix ultérieurement; entente sur un prix de base et vente à n'importe quel moment avant l'expiration du contrat, achat d'un contrat à terme normalisé et livraison de la marchandise selon ce contrat.
La fixation du prix de la graine de lin se fait de façon transparente. On sait ce qu'on recevra, et il n'est pas nécessaire d'attendre 18 mois pour savoir si on a pris la bonne décision.
Le fait d'inclure la graine de lin sous le régime de la commission canadienne du blé entraînerait la suppression du marché des contrats à terme pour la graine de lin à la Bourse des marchandises de Winnipeg, le seul mécanisme de fixation préalable des prix dans le monde entier.
Il n'était pas fait mention de la graine de lin dans le projet de loi C-72, qui a précédé le C-4. Aux termes du projet de loi C-4, nous avons découvert au moment de la récolte de cet automne la clause d'inclusion proposée par l'honorable Ralph Goodale. Les représentants de Flax Growers of Western Canada n'ont pas été consultés par M. Goodale ou par quiconque de son ministère au sujet de cette disposition. Il semblerait que M. Goodale estime que notre organisme n'est pas en mesure de prendre des décisions quant à la commercialisation de la graine de lin.
À l'occasion de l'assemblée annuelle de Flax Growers of Western Canada en 1993, la résolution suivante a été proposée:
Attendu que certaines recommandations émanant du groupe d'examen de la réglementation fédérale disent que, comme il s'agit d'une récolte hors commission, tous les quotas d'expédition de graine de lin devraient être supprimés, il est résolu que Flax Growers of Western Canada appuie ce changement; il est en outre résolu que Flax Growers of Western Canada recommande que le lin ne soit plus assujetti à la Loi sur la commission canadienne du blé.
Cette résolution a été envoyée à l'honorable Ralph Goodale et nous attendons toujours une réponse.
Nous pouvons vous garantir que s'il devait y avoir un vote sur la commercialisation de la graine de lin sous l'égide de la commission canadienne du blé, le gouvernement du Canada et la commission canadienne du blé seraient mis dans l'embarras à la suite d'une défaite retentissante.
Si l'article 47.1 est adopté par le gouvernement du Canada, Flax Growers of Western Canada se ralliera aux nombreux producteurs et autres organismes pour livrer bataille à la poignée de personnes qui souhaitent maintenir le contrôle monopolistique de la commission canadienne du blé. Nous appuierons les membres du conseil d'administration qui ne sont pas favorables à la commission canadienne du blé.
Cependant, notre organisme préférerait ne pas se livrer à ce genre d'exercice, et c'est pourquoi nous demandons au comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts d'appuyer le retrait de l'article 47.1, la clause d'inclusion du projet de loi C-4. Je vous remercie de votre attention.
Le président: Monsieur Hanley, voulez-vous faire un exposé?
M. Garvin Hanley, président, Flax Council of Canada: Non.
Le sénateur Sparrow: Combien de membres compte votre organisme?
M. Farley: Quelques centaines.
Le sénateur Sparrow: Si ces quelques centaines de membres étaient appelés à voter sur l'inclusion, cette proposition serait battue à plate couture, n'est-ce pas?
M. Farley: J'en suis convaincu.
Le sénateur Sparrow: Dans ce cas, pourquoi craignez-vous que l'inclusion soit autorisée dans la Loi sur la commission canadienne du blé?
M. Farley: À cet égard, nous pensons que si la graine de lin est assujettie à la commission canadienne du blé, le système de commercialisation refléterait l'établissement des prix, nous nous retrouverions avec des divisions parmi les cultivateurs, et il ne nous semble pas nécessaire de subir cela. Les choses vont bien maintenant. Dans le projet de loi précédent, le C-72, il n'était pas question des liniculteurs; pourquoi en est-il question maintenant?
Le sénateur Sparrow: Se pourrait-il qu'on ait provoqué un vote sans l'approbation de votre association ou de vos agriculteurs?
M. Farley: Nul ne le sait. Il pourrait s'agir d'une autre association constituée uniquement à cette fin.
Le sénateur Sparrow: De sorte que des gens qui cultivent -- par exemple -- du lin une fois tous les cinq ans pourraient constituer une organisation et en demander l'inclusion?
M. Farley: Ce serait fort possible.
Le sénateur Sparrow: Les liniculteurs ont toute mon admiration, car le lin est une culture difficile.
Le sénateur Whelan: Elle n'est pas non plus facile pour le multiculteur: il vous faut une lame bien acérée.
M. Farley: Vous avez tout à fait raison, monsieur Whelan.
Le sénateur Fairbairn: Merci de votre exposé. Je comprends fort bien que vous ayez des inquiétudes pour votre produit.
Je ne sais pas du tout comment nous résoudrons ce problème. Je voulais simplement vous mentionner qu'aux termes de la clause d'inclusion, à savoir l'article 47.1, telle que je la comprends, ni le gouvernement ni la commission canadienne du blé ne pourraient déclencher une inclusion. Seuls les céréaliculteurs pourraient le faire, ce qui ne risque certainement pas d'arriver, je crois, dans votre cas. Ce serait sous forme de demande écrite émanant d'une organisation dûment autorisée à représenter les liniculteurs, et uniquement eux, et la décision ne pourrait être prise que par vote. Or, d'après votre témoignage, vos producteurs manifesteraient clairement qu'ils sont contre.
Aussi, bien que la mention du terme «inclure» vous préoccupe, d'après le processus mis en place ce sont les producteurs qui sont à la barre; cela ne pourrait donc pas se produire, et je ne pense pas qu'un groupe artificiellement constitué, ou non légitime, puisse être reconnu comme étant légitime.
Je vous communique là mes propres réflexions: il me semble que vous vous trouvez dans une position très forte, et cela ne pourrait se produire que si, pour quelque raison inexplicable, les liniculteurs eux-mêmes décidaient qu'ils y trouvent leur avantage.
M. Farley: Ce qui me cause le plus d'inquiétude, c'est le fait que soit mentionnée la graine de lin.
Le sénateur Fairbairn: La graine de lin n'est pas du tout mentionnée.
M. Farley: Si, elle l'est, dans la clause d'inclusion, et c'est ce qui est inquiétant.
Le sénateur Fairbairn: Je veux bien.
M. Farley: Elle est mentionnée comme candidat éventuel.
Le sénateur Fairbairn: «Éventuel».
M. Farley: C'est ce qui nous inquiète. Pourquoi créer de toute pièce une difficulté, sans aucune justification?
Nous ne sommes pas intervenus pour les projets de loi C-4 et C-72, pensant que les producteurs de blé et d'orge peuvent prendre leurs propres décisions. Or nous voilà, sans bonne raison, mis en cause, et pourquoi? Nous n'en voulons pas; c'est un point de friction, c'est une clause qui pourrait avoir des incidences sur les décisions concernant les triturateurs, ou une plus grande valeur ajoutée à la graine de lin dans l'Ouest.
Je considère également que M. Goodale aurait dû entreprendre des consultations avec d'autres groupes. Il pensait probablement que cette clause passerait inaperçue, sans aucun retour de bâton.
Le président: Monsieur Farley, savez-vous si des groupes représentant des cultures spéciales, le canola, par exemple, la moutarde, les oléagineux ou autres demandent l'inclusion?
M. Farley: Je ne le crois pas. Les producteurs de canola certainement pas: leur association déclarera sans doute son opposition à la clause d'inclusion.
M. Hanley: Permettez-moi une autre observation: en tant qu'industrie, nous nous sommes sentis tenus à l'égard: on aurait bien pu nous consulter! Nous voudrions donc faire observer que nous n'apprécions pas ce manque de consultation. Nous ne serions peut-être pas entrés dans un débat de politique, mais nous aurions probablement fait savoir à M. Goodale qu'à nos yeux cette clause était tout à fait inutile.
Nous ne savons pas qui a bien pu avoir l'idée d'inclure la graine de lin, ou d'ailleurs les autres cultures.
Nous sommes pleinement satisfaits du mode de commercialisation du secteur canadien du lin. Le mieux étant l'ennemi du bien, nous ne voulons pas être inclus et nous n'avons pas apprécié d'être ignorés.
L'autre question porte sur la clientèle: c'est irritant pour nous, mais il ne faut jamais oublier que le client est roi.
Le sénateur Fairbairn: Vous pensez créer une incertitude auprès des clients?
M. Hanley: Tout ce que nos clients entendent, c'est que nous commercialisons la graine de lin par le truchement de la commission canadienne du blé. Nous nous sommes évertués à leur faire comprendre que ce n'est pas exactement ainsi que les choses se passent: nous sommes les plus grands exportateurs du monde, mais si nous cédons du terrain, l'Argentine ne sera que trop heureuse de prendre notre place.
Le sénateur Fairbairn: Je vous comprends fort bien.
Le sénateur Whelan: Permettez-moi un commentaire: je ne connais pas votre association, mais j'ai beaucoup lu sur les produits biologiques, les aliments de santé, etc. Or le lin figure parmi l'un des meilleurs d'entre eux: est-ce ainsi que vous le présentez?
M. Farley: Certainement. Le Flax Council of Canada et notre organisation, Flax Growers, et à présent la Flax Development Commission de la Saskatchewan, s'efforcent d'élargir le marché.
Sur ce sujet je vais donner la parole à Garvin, mais j'ai assisté la semaine dernière à une réunion de la Flax Development Commission, et nous avons passé un contrat avec la faculté de médecine de l'Université de la Saskatchewan pour étudier le STG de la graine de lin, que l'on pourrait utiliser pour maîtriser le diabète. C'est donc là le genre de recherches qui ont été entreprises, et vous avez tout à fait raison, monsieur.
Garvin et le Flax Council of Canada ont beaucoup travaillé sur cette question.
M. Hanley: Ce qui est partiellement à l'origine de l'augmentation des surfaces cultivées, de l'amélioration des prix et d'une stabilisation de la production et de la commercialisation, c'est que nous assistons à une expansion de nombreux marchés restreints, non seulement pour les produits de santé, mais également pour les fourrages; il faudra compter plusieurs années de recherche pour prouver nos théories sur certaines des applications possibles. Mais celles-ci se multiplient, et cela deviendra probablement l'un des plus vastes marchés pour le Canada.
Le sénateur Whelan: Il est beaucoup question de démocratie dans les discussions et exposés à ce comité. Mais quelle sera dans l'avenir la demande pour les liniculteurs ou les producteurs de canola? Si la clause d'inclusion est conservée, il faudrait que les producteurs votent. Vous n'allez quand même pas me dire que la démocratie vous inquiète?
M. Farley: Je suis d'accord avec vous, mais la démocratie n'aurait rien à perdre si le ministre responsable de la commission canadienne du blé procédait à un peu plus de consultations.
Le sénateur Whelan: Je suis d'accord. Quand j'étais ministre, je ne lésinais pas sur les consultations.
M. Farley: Je suis d'accord, et j'ai eu affaire à l'époque à vous, monsieur.
Le sénateur Whelan: Oui, je me souviens.
Le sénateur Stratton: À mon avis, c'est simplement la tyrannie de la majorité, et vous êtes en position très minoritaire, ce qui est la cause de votre problème. Du simple fait qu'il existe une clause d'inclusion et une clause d'exclusion vous êtes implicitement sur cette liste, que cela vous plaise ou non. Je vois donc là le vrai problème.
D'après ce que nous avons entendu d'autres gens -- mais je voudrais que cela soit dit pour le compte rendu -- aucun représentant du gouvernement ne vous a donc expliqué pour quelle raison cette clause d'inclusion-exclusion existe? Avez-vous reçu une explication?
M. Farley: À ce jour nous n'avons reçu aucune information, que ce soit de la commission canadienne du blé ou du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, concernant ce projet de loi. Nous n'avons pas été avisés de modifications aux termes de la clause d'inclusion. On nous a laissés dans l'ignorance.
Certes, nous sommes une petite organisation, mais nous n'en méritons pas moins d'être consultés. Comme je le disais, nous n'étions pas opposés au projet de loi C-72, qui n'avait pas d'incidence pour nous. Nous laissions donc aux producteurs d'orge et de blé ainsi qu'aux autres organisations concernées le soin de défendre leur point de vue, mais quand on en vient à la graine de lin, il est irritant de ne pas être consulté.
Le sénateur Chalifoux: Aux termes de la Loi sur la commission canadienne du blé, la définition de «grains» inclut le lin, n'est-ce pas?
M. Farley: C'est exact.
Le sénateur Chalifoux: C'est contre cela que vous vous élevez, n'est-ce pas?
M. Farley: Voilà des années que nous demandons que les mots «graine de lin» soient retirés de la Loi sur la commission canadienne du blé, mais jusqu'à vendredi dernier nul n'a soulevé cette question, parce que depuis 1986 la graine de lin n'a fait que gagner du terrain, et nous sommes tous relativement satisfaits.
Le sénateur Chalifoux: Est-ce que cela signifie donc que ce que nous avons ici, à l'article 47.1, est l'inclusion et l'exclusion?
M. Farley: C'est exact.
Le sénateur Chalifoux: Quand vous dites qu'une demande écrite a été adressée au ministre par une association dont les membres sont des céréaliculteurs, c'est contre cela que vous vous élevez parce que les grains, tels que définis dans la loi, incluent le lin?
M. Farley: C'est exact.
Le sénateur Andreychuk: N'y a-t-il qu'une association au Canada?
M. Farley: À ma connaissance, il n'y a qu'une association de producteurs de graine de lin au Canada, bien qu'un peu partout on cultive le lin.
Le sénateur Andreychuk: Tous les producteurs connus de ce produit font-ils donc partie d'une seule association?
M. Farley: Notre organisation ne regroupe que ceux qui veulent y appartenir, c'est-à-dire seulement un petit nombre de producteurs de lin.
Le sénateur Andreychuk: Il y en a donc d'autres que ne font pas partie de votre association?
M. Farley: C'est exact.
Je voudrais vous remercier, monsieur le président, d'avoir bien voulu m'entendre aujourd'hui. Au cours des dernières semaines vous avez considérablement contribué à augmenter la crédibilité du Sénat, à mon avis, et je vous en remercie.
Le président: Je vous remercie.
Nous allons entendre les derniers témoins pour la journée, à savoir MM. Hickie, Thompson, Burton, Geisam et Laird.
Je vais demander à chacun d'entre vous de se présenter, de nous dire dans quelle région se trouve son exploitation et quelles en sont les cultures.
M. Edward Sagan: Je suis de Melville, en Saskatchewan. Je suis inscrit comme producteur de semences. Les membres de ma famille sont céréaliculteurs, et nous avons une petite usine de conditionnement de semences.
M. George Hickie: Je suis de Waldron, en Saskatchewan. J'ai une exploitation d'élevage de bestiaux et de culture de céréales.
M. Douglas Thompson: Je viens de Congress, tout près d'Assiniboia, en Saskatchewan, et dans l'exploitation familiale nous cultivons les lentilles, les pois et le canola.
M. John Burton: Je suis de Regina, en Saskatchewan. Mon exploitation se trouve à Fort Qu'Appelle. Je pratique l'agrologie, et je suis un ancien député.
M. Bryce Geisam: J'habite Regina. Ma femme et moi avons une exploitation agricole à 35 milles au sud-est de Regina, conjointement avec notre fils, notre fille et notre gendre.
M. Elmer Laird: Monsieur le président, je suis un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale. Voilà 52 ans que j'ai un carnet de livraison de la commission canadienne du blé, et 30 ans que je pratique les cultures biologiques. Il y a 20 ans déjà que je passe par la commission canadienne du blé pour vendre et racheter les produits.
Le président: Je vous remercie, messieurs. Je vais donner d'abord la parole à M. Hickie.
M. Hickie: Merci de prendre le temps de m'écouter. Je voudrais vous exprimer mes préoccupations concernant la commission canadienne du blé et le projet de loi C-4.
Mes fils et moi exploitons à Waldron, en Saskatchewan, une propriété de 2 000 acres, où nous faisons de l'élevage et cultivons les céréales. Nous emblavons environ 1 200 acres par an, et nous avons environ 120 vaches pour la reproduction. D'après les calculs que j'ai faits au cours des années, le fait de passer par la commission canadienne du blé pour vendre mon blé a été avantageux pour moi.
Permettez-moi de vous donner un exemple. En 1992, nous avons connu un grand gel. Tout notre blé a été classé blé fourragé. Le prix initial établi par la commission canadienne du blé était de 1,58 $ le boisseau; le prix du marché était de 1,88 $, et il n'a pas été nécessaire de fixer des contingents pour vendre ce blé sur le marché libre. Un grand nombre de mes amis agriculteurs qui avaient absolument besoin d'argent ont vendu leur blé fourragé à ce prix sur le marché libre. J'ai vendu tout mon blé à la commission canadienne du blé et j'ai touché des paiements de rajustement, des paiements provisoires et des paiements finaux. En bout de ligne, j'ai obtenu 2,65 $ le boisseau pour mon blé, c'est-à-dire de 50 à 70c. de plus le boisseau que ce qu'ont obtenu mes voisins désespérés.
Je suis convaincu que les trois économistes universitaires de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Alberta avaient raison de dire que, d'après leur étude, les producteurs de blé des Prairies touchaient 13 $ de plus la tonne pour leur blé en le vendant à la commission canadienne du blé que ce qu'ils auraient obtenu pour ce même blé sur le marché libre, et cela sur une période de dix ans.
Je comprends le principe de la commercialisation ordonnée, de la rémunération égale pour un produit de qualité égale, et de l'égalité des possibilités d'approvisionnement. C'est d'ailleurs la façon dont fonctionnait le système avant les changements récents qui y ont été apportés.
Le fait de commercialiser nos céréales par l'intermédiaire de la commission canadienne du blé fait en sorte que le système de transport et de manutention du grain est plus efficace. La Commission peut également assurer un produit uniforme, ce qui n'est pas le cas dans le système américain. N'importe quel meunier américain vous le confirmera. Le grand avantage, c'est que c'est moi qui touche le profit que la commission canadienne du blé fait sur mes céréales.
Je ne trouve pas grand-chose de bon au projet de loi C-4. À mon avis, il affaiblira la commission canadienne du blé au lieu de la renforcer. Les frais de fonctionnement de la commission augmenteront également. Les inégalités et la spéculation feront partie intégrante de la commission. Tout cela ne donnera pas lieu à une augmentation des recettes, mais seulement à une redistribution de celles-ci; certains toucheront davantage et d'autres moins, ce qui créera plus d'injustice et d'inégalité. Si c'est ce que nous voulons, nous pouvons déjà vendre sur le marché libre la plupart des céréales que nous cultivons sur les prairies, soit l'avoine, le canola, les lentilles, la moutarde, le seigle, l'orge, les pois, et le triticale.
La disposition sur l'inclusion, sous sa forme actuelle, ne signifie presque rien. Elle défavorise ceux d'entre nous qui font partie d'un organisme agricole général, ceux d'entre nous qui pensent que les agriculteurs devraient se serrer les coudes au lieu de s'entre-déchirer.
Ceux qui tiennent à tout prix à détruire la commission canadienne du blé allèguent que la liberté de choix est un droit qu'ils tiennent de Dieu. Pour ma part, je ne tiens pas du tout à la liberté de choix si cela signifie que je toucherai moins et que plus d'injustice, plus d'inégalité et plus d'inefficacité en résulteront. Le seul facteur qui importe vraiment et dont on devrait tenir compte est celui-ci: que veulent la majorité des producteurs de céréales? Ce que les producteurs de grain des Prairies ont voulu jusqu'ici, c'est le maintien de la commission canadienne du blé. Nous avons remporté le vote récent sur l'orge par une majorité de près des deux tiers. Nous avons dans le passé remporté presque toutes les élections au conseil consultatif. Quelqu'un a-t-il vraiment des doutes quant à ce que les agriculteurs veulent?
Il n'est pas juste qu'une minorité impose sa volonté à une majorité. Il est vrai que les producteurs de céréales des Prairies connaissent de graves difficultés économiques, que des milliers d'entre eux ont fait faillite au cours des deux dernières décennies et qu'on peut s'attendre à ce que des milliers d'autres subissent le même sort au cours des dix prochaines années. Le coût des intrants est supérieur au revenu tiré des ventes de céréales.
Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Pour chaque acre cultivée, les sociétés de produits chimiques touchent entre 50 et 60 $ et les chemins de fer entre 30 et 50 $. Ajoutez à cela le coût du carburant, de la machinerie, des réparations et des taxes et vous comprendrez pourquoi tant d'agriculteurs sont mécontents. Nos problèmes financiers ne sont pas attribuables à la commission canadienne du blé.
En terminant, j'attire respectueusement votre attention sur la page 3 du mémoire, où vous trouverez un graphique à bâtons qui explique clairement pourquoi les agriculteurs connaissent des difficultés économiques aussi graves. Bon nombre d'entre eux ne survivront pas. Vous constaterez qu'au cours de la dernière décennie les exportations agroalimentaires canadiennes sont passées de 10 milliards de dollars à 20 milliards de dollars par année. C'est surtout attribuable à la grande augmentation de la production. Par ailleurs, au cours de la même période, le revenu agricole net a diminué chaque année.
Autrement dit, chacun d'entre nous doit déployer des efforts beaucoup plus grands et dépenser beaucoup plus d'argent pour cultiver le sol aujourd'hui que nous ne le faisions il y a dix ans, mais notre revenu net a diminué. En fait, notre revenu a diminué du tiers par rapport à ce qu'il était il y a dix ans, alors que notre production a doublé.
Les modifications que propose le projet de loi C-4 au mode de fonctionnement de la commission canadienne du blé ne résoudront en rien les graves problèmes économiques que connaissent les agriculteurs. Je vous remercie beaucoup de votre attention.
Le président: Je vous remercie, monsieur Hickie.
Monsieur Thompson.
M. Thompson: Honorables sénateurs, j'aimerais vous remercier de tenir des audiences sur le projet de loi C-4 dans la région agricole de Regina.
Je suis un jeune agriculteur qui, me dit-on, appartient à la nouvelle génération. Dans ma famille, nous sommes agriculteurs depuis quatre générations, et trois générations le sont toujours. J'ai obtenu un baccalauréat en sciences agricoles de l'Université de la Saskatchewan. J'ai aussi acquis une formation dans d'autres domaines. J'ai aussi été moissonneur contractuel de grain au Canada et aux États-Unis, j'ai exploité ma propre entreprise de camionnage au Canada et aux États-Unis et j'ai cogéré la ferme familiale de 7 500 acres. Je suis actuellement administrateur de la Western Canadian Wheat Growers Association. Je connais bien les marchés et je commercialise moi-même mes produits. Je vous demande de prendre au sérieux mes préoccupations et de permettre à l'agriculture d'entrer dans le XXIe siècle.
Que peut-on reprocher au projet de loi C-4? Les producteurs progressistes de l'Ouest canadien se sont prononcés contre le projet de loi, qui crée deux catégories d'agriculteurs: les agriculteurs de l'Ouest, qui sont régis par un monopole, et les agriculteurs de l'Est, qui peuvent décider de l'être ou non. Dans le cadre d'une entente qui a été approuvée par l'Ontario Wheat Producers' Marketing Board, les agriculteurs de l'Ontario peuvent choisir chaque année d'appartenir ou non au système de commercialisation. Ce choix ne m'est pas donné.
La disposition sur l'inclusion causera de l'incertitude sur les marchés, ce qui compromettra les investissements à valeur ajoutée. Cette incertitude découragera les entrepreneurs d'investir dans le domaine céréalier. Cette disposition aura une grande incidence sur l'élection des administrateurs. Le vote portera sur la position du candidat quant à la culture qui doit être incluse ou exclue du système de commercialisation, et non pas sur ses qualifications. Cela politisera grandement les élections.
Le projet de loi C-4 fait de la commission canadienne du blé un organisme qui relève encore plus directement du gouvernement. Ce ne sont pas les producteurs qui détermineront le mode de fonctionnement de la commission canadienne du blé; c'est le gouvernement, et non pas la commission, qui nomme le président-directeur général. En outre, la commission canadienne du blé doit faire approuver ses plans de fonctionnement et ses plans financiers par le gouvernement. Le gouvernement nomme cinq administrateurs à titre amovible. Le projet de loi permet au gouvernement de donner à la commission canadienne du blé des directives précises que ses administrateurs sont tenus de suivre. Le projet de loi comporte des lacunes.
Premièrement, il ne m'accorde aucun choix pour ce qui est de la commercialisation; deuxièmement, il compromet les investissements à valeur ajoutée; et, troisièmement, il confère au gouvernement fédéral plus de contrôle sur la commission canadienne du blé.
Voici mes recommandations. Je souhaite pouvoir décider si je veux commercialiser moi-même ma récolte. Ce n'est pas une demande déraisonnable. Si les agriculteurs de l'Ontario peuvent le faire, pourquoi pas moi? Si le projet de loi prévoyait cette possibilité, je ne trouverais rien d'autre à y redire, parce que je pourrais moi-même m'occuper de la commercialisation de ma récolte.
Il importe qu'on supprime les articles portant sur l'inclusion et sur l'exclusion, dans l'intérêt des producteurs qui ont recours aux services de la commission canadienne du blé. Les administrateurs de la commission seraient ainsi en mesure de remplir leurs fonctions et de cesser de débattre la question de la commercialisation. Je crois qu'il faudrait prévoir des votes pondérés à la commission canadienne du blé, soit un vote par producteur, plus un autre vote par 100 tonnes de produits cultivés. En effet, les principaux intervenants de l'industrie devraient exercer une influence plus grande. Il serait souhaitable que la décision d'ajouter ou de retirer une culture de la liste des cultures commercialisées par la commission canadienne du blé soit approuvée à une majorité des deux tiers.
L'orge devrait être exclue du monopole de la commission canadienne du blé. Les sociétés céréalières privées commercialisent déjà la majeure partie de l'orge sur le marché intérieur ou sur les marchés d'exportation par l'intermédiaire d'accords de rachat. La Commission canadienne du blé est un intermédiaire inutile qui devrait être supprimé. Le blé dur est un autre produit qui devrait être exclu du monopole.
Il est nécessaire de mettre en oeuvre des outils de gestion du risque pour que je puisse vendre à un prix fixe une partie de ma récolte pour l'année qui vient. La solution touchant les prix proposée par la Western Canadian Wheat Growers répondrait à ce besoin.
Tous les membres du conseil d'administration devraient être élus par les agriculteurs et devraient pouvoir eux-mêmes choisir leur président-directeur général. Si le problème a trait aux garanties financières fédérales, il suffit de les ramener au niveau exigé par l'Ontario Wheat Producers Marketing Board.
Enfin, on devrait enlever à la commission canadienne du blé le pouvoir de délivrer des permis d'exportation ou de conclure des ententes de rachat et le confier à un ministère.
En conclusion, ce projet de loi compromet la possibilité que mon exploitation agricole passe à mes héritiers. Je vous prie d'user de vos pouvoirs pour obtenir une modification à la loi qui irait dans le sens des recommandations que je vous ai faites. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Thompson.
Monsieur Burton.
M. Burton: Monsieur le président et mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter mes vues au comité.
Le principe de la commercialisation ordonnée sur lequel repose la commission canadienne du blé est valide et a bien servi l'économie de l'Ouest canadien. Toute mesure visant à compromettre la capacité de la commission canadienne du blé de représenter les intérêts des agriculteurs de l'Ouest sera préjudiciable aux agriculteurs et à l'ensemble de l'économie. Au fil des ans, la commission a perdu de plus en plus de pouvoirs. Bien qu'on prétende que l'objet du projet de loi C-4 est de renforcer les pouvoirs de la commission, c'est en fait le contraire qui va se produire.
Une minorité de producteurs s'opposent à grands cris au projet de loi C-4 parce qu'ils s'opposent au principe fondamental de la commercialisation ordonnée. D'après ces producteurs, la CCB s'est vu confier le mandat de commercialiser le blé en septembre 1943 parce que le pays était en guerre, et non pas parce que les agriculteurs le réclamaient. Je me rappelle cette époque.
Mon père a été élu à la Chambre des communes par une grande majorité des électeurs de Humboldt, en Saskatchewan, lors d'une élection complémentaire tenue le 9 août 1943. Il a remporté pour son parti, le CCF à l'époque, un siège qui appartenait aux libéraux. Il a fait campagne pour que la commission canadienne du blé se voie confier le mandat de gérer l'ensemble du système des céréales. Le gouvernement libéral fédéral de l'époque confiait ce mandat à la commission un mois plus tard. Il n'aurait pas pu le faire s'il n'avait pas joui de l'appui de l'ensemble des agriculteurs, appui sur lequel la CCB peut toujours compter aujourd'hui.
Il y a presque un an exactement, j'ai présenté un mémoire au comité permanent de la Chambre des communes à Regina sur le même projet de loi, ou presque. Un exemplaire de ce mémoire est joint à mon exposé. Je n'ai pas changé le point de vue que j'y exprimais.
Depuis ce temps, on a rendu publics les résultats du plébiscite sur l'orge. Une grande majorité d'agriculteurs se sont prononcés pour le maintien de la CCB malgré toute la propagande faite contre la commission et malgré le fait que le ministre ait voulu piper les dés.
L'an dernier la question du transport des céréales a suscité beaucoup d'inquiétudes. Les sociétés ferroviaires ont montré à ce moment et depuis lors qu'elles considèrent les céréales comme n'importe quel autre produit et qu'elles ne tiendront pas compte du bien-être des collectivités agricoles. La CCB devrait avoir les pouvoirs voulus pour gérer le transport des céréales.
Je propose l'abandon du projet de loi C-4 sous sa forme actuelle. Le système actuel, malgré ses lacunes, est préférable à ce qui est proposé dans le projet de loi C-4. Les changements proposés au mode de fonctionnement de la commission ne régleront aucun problème réel ou perçu comme tel. La Commission a été bien gérée. On ne peut cependant contester le fait qu'il y ait eu des problèmes de communication et d'interaction avec les milieux agricoles; pendant longtemps, la commission n'a pas accordé l'attention voulue à ces questions et s'en est remise à d'autres à cet égard. Le conseil d'administration ou un autre organisme, comme le comité consultatif actuel, doit pourvoir répondre aux besoins et répliquer aussi aux critiques dont fait l'objet la CCB. Des dispositions comme celles portant sur les achats au comptant, le fonds de réserve et la nomination du président auront toutes un effet négatif.
Si le comité estime qu'il doit cependant approuver le projet de loi, je l'incite à y apporter sans tarder des améliorations importantes. Il ne faudrait pas oublier que l'objectif réel de bon nombre des détracteurs de la CCB est de la détruire. Outre les modifications que j'ai proposées, j'incite le comité à recommander le maintien de la disposition sur l'inclusion, mais je propose de permettre aux agriculteurs de pouvoir réclamer des changements. On devrait aussi conférer à la commission des pouvoirs adéquats sur les questions de transport, et la nomination du président devrait être approuvée tant par le ministre que par le conseil d'administration.
Il convient de se préoccuper avant tout de la survie à long terme de l'agriculture dans l'Ouest canadien. La feuille de route de la CCB est impressionnante. La façon de faire taire ses détracteurs n'est pas de faire des concessions sur les questions de principe. L'objectif fondamental doit être de s'assurer que la structure de la CCB est solide et qu'elle dispose des pouvoirs voulus pour remplir son mandat à long terme. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie. Je donne maintenant la parole à M. Geisam.
M. Geisam: Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant le comité.
Je remercie maintenant aussi la commission canadienne du blé. Si je ne m'abuse, les agriculteurs cherchent désespérément à s'adonner à la culture de produits qui ne relèvent pas de la commission canadienne du blé. C'est peut-être la raison pour laquelle on cultive dans l'Ouest les pois, les lentilles, les haricots, les épices et toute une gamme de produits qui sont aussi transformés dans les Prairies. J'insiste sur le fait que ce sont des agriculteurs qui ont pris cette initiative, et non pas le gouvernement, la commission canadienne du blé, les coopératives et les sociétés de mise en commun.
La Commission canadienne du blé est un monstre. C'est un animal hors contrôle qui ne doit rendre de comptes à personne, qui ne fait face à aucune concurrence, qui n'a pas de responsabilités claires, qui est à l'abri de toute poursuite, qui n'est assujetti à aucune véritable mesure de contrôle et qui n'a pas à suivre les directives des agriculteurs qu'il est censé servir. Cet animal, dont s'occupent M. Goodale et ses collaborateurs, protège les intérêts de certains groupes, crée des dissensions parmi les agriculteurs et est une source de grande controverse, etc.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-4 est une véritable honte. Le monopole, la commission canadienne du blé, peut se comparer à la paysannerie du XIVe siècle et Ralph Goodale et d'autres sont des usurpateurs.
Honorables sénateurs, j'aime mon pays, mais je crains le gouvernement. Oui, je crains vraiment le gouvernement. J'aime cependant mon pays. Au pays même comme à l'étranger, certains font grand cas des droits civils, de la tolérance, de la compassion et du respect des droits de la personne, etc., mais ici ils proposent d'emprisonner les agriculteurs qui veulent vendre eux-mêmes les céréales qu'ils produisent.
Messieurs, comment appeler des gens qui agissent ainsi ou un gouvernement qui se comporte de cette façon? Mesdames et messieurs, parlons un instant de l'élite qui berne la population, de l'élite qui usurpe le pouvoir et qui s'en sert avec arrogance, des tyrans qui n'en font qu'à leur guise et des hypocrites qui ne font qu'exprimer des voeux pieux. Si c'est légal, messieurs, le pauvre agriculteur de l'Ouest veut le savoir, et si ce ne l'est pas, on fera en sorte que ce le soit.
Mesdames et messieurs, j'ai été élevé au Canada et j'ai appris à l'école que le choix dans une démocratie repose sur l'individualisme. Repose-t-il plutôt sur le collectivisme? Sur la liberté ou la coercition?
Cette controverse est totalement inutile. Il suffit de revenir au common law et au droit inhérent qu'ont tous les gens, y compris les agriculteurs, de faire ce qu'ils veulent avec ce qui leur appartient.
Mesdames et messieurs, je vais lire une citation. Il se trouve qu'en Alberta récemment la question des droits des victimes de stérilisation a été abordée récemment dans un journal de l'Alberta. Je vais vous citer Edmond O'Neill, président de la Criminal Trial Lawyers Association. Il dit:
Ce fut une violation majeure.
La Charte des droits est la loi suprême du Canada. Elle place les gens au-dessus de l'État et stipule que leurs droits ne peuvent être violés par un simple coup de crayon comme c'est le cas dans un régime dictatorial répressif.
Mesdames et messieurs, je suis né individuellement, je suis né par choix, je ne suis pas né collectivement, par la force.
Le président: Merci.
Je vais maintenant inviter le dernier témoin, M. Laird, à faire son exposé.
M. Laird: J'aimerais vous présenter mon collègue et ami de longue date, Henry Lorenzen, qui est en train d'aider un membre du personnel à distribuer du pain. Il travaille pour nous comme consultant depuis très longtemps. Il est architecte environnemental, et lorsque vous prendrez votre retraite, si vous voulez une maison avec chauffage solaire et toutes ces choses, c'est votre homme.
Pour revenir au pain, je vous ai apporté le pain fait avec le meilleur blé du monde, soit le blé roux vitreux de printemps, un blé biologique numéro 1 certifié. Nous sommes fiers d'offrir aux membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts 10 pains faits à partir de la meilleure qualité de blé du monde, moulu par meule.
Ce blé roux vitreux de printemps biologique certifié provient de la ferme Schmidt, qui se trouve à Fox Valley, une région de la Saskatchewan qui est reconnue depuis longtemps comme étant une région où le blé a un contenu élevé en protéines. Le contenu en protéines de ce pain est de 16, et on vise à atteindre un indice supérieur à 30. Le blé a été moulu par meule, et le pain cuit aujourd'hui spécialement pour le comité sénatorial par Debbie Donnelly, boulangère et propriétaire de Flour Pot Bakery, située au 2334 de la rue Cornwall.
La mouture par meule préserve tous les éléments nutritifs dans la céréale et empêche le germe de blé de rancir. Avec 60 livres de blé on obtient 60 livres de farine, et c'est la meilleure méthode pour moudre le blé. Nous espérons que les sénateurs aimeront ce pain et qu'ils le partageront avec leur famille et leurs amis. Nous avons également inclus des échantillons de blé et de farine. En fait, ce pain maintient sa qualité élevée pendant longtemps, comme le pain que nos mères cuisaient; il devrait se garder jusqu'à ce que vous rentriez chez vous vendredi soir, si vous ne l'avez pas déjà tout mangé.
Je dois vous mettre en garde cependant, car si vous goûtez à ce pain, vous ne pourrez plus vous en passer. Personnellement, je ne peux plus m'en passer; je ne mange que ce pain, à moins que je ne puisse pas en trouver. En fait, ce pain ressemble beaucoup à celui que ceux de ma génération mangeaient lorsqu'ils étaient enfants, avant l'ère de l'agriculture chimique. Les agriculteurs biologiques certifiés sont conscients de la qualité, la plupart des Canadiens sont conscients de la qualité, et nos clients partout dans le monde sont conscients de la qualité et l'exigent.
La Commission canadienne du blé reçoit des commandes de pain biologique depuis plus de 10 ans. Il y a deux conférences qui se sont tenues à Saskatoon sur la commercialisation de ce produit, et la chose qui nous empêche de le faire, c'est l'absence d'un programme national de certification.
La question est la suivante: comment pouvons-nous faire en sorte que les députés et les sénateurs d'Ottawa reconnaissent la qualité des aliments biologiques certifiés en vue d'élaborer une politique agricole utile pour les ventes et de maintenir la santé et le bien-être de tous les Canadiens et de nos clients à l'étranger?
Jusqu'à présent Ottawa refuse de reconnaître l'importance des aliments biologiques certifiés et d'un environnement propre pour maintenir la santé et le bien-être des Canadiens et de nos clients partout dans le monde, a refusé de servir des aliments biologiques certifiés dans les restaurants de la Chambre des communes -- ce qui est terrible. Vous n'avez pas cette possibilité, et c'est pourquoi je vous offre cette possibilité; je vous demande de le comprendre.
Par ailleurs, jusqu'à présent Ottawa n'appuie que la recherche agricole chimique et les services-conseils aux agriculteurs canadiens, et c'est la même chose pour les provinces; Ottawa refuse d'offrir un programme de certification nationale que les agriculteurs biologiques réclament depuis au moins 10 ans; refuse de fournir une viande de boeuf sans hormones comme le demandent les Européens; dépense des sommes énormes pour la recherche en génie génétique pour produire des aliments que nos clients européens ne veulent pas; et refuse de reconnaître que l'agriculture chimique pollue à la fois le sol et les approvisionnements en eau souterraine.
Dans le fonds pour le millénaire, on ne mentionne nulle part des fonds assignés pour l'agriculture biologique. Le Danemark et la Hollande produisent de nouveaux diplômés en agriculture biologique depuis au moins 10 ans; en fait, le budget ne le mentionne jamais.
Nous sommes présentement en pleine crise économique, et notre système de santé est en crise également. Les sociétés transnationales de médicaments et de produits chimiques sont rapidement en train de prendre le contrôle de nos exploitations agricoles. Elles vendent d'importants volumes de produits chimiques agricoles qui polluent nos eaux, nos aliments et notre atmosphère et qui nous rendent malades, puis elles nous vendent les médicaments pour essayer de guérir ces maladies.
La Commission canadienne du blé: si vous commercialisez un produit, le plus important, c'est de connaître la qualité du produit que vous commercialisez. La question que j'aimerais poser maintenant, monsieur le président, est la suivante: est-ce que le comité sénatorial reconnaît le blé roux vitreux de printemps biologique certifié numéro 1 comme étant le meilleur blé au Canada sur le plan de la qualité, ou est-ce que le comité fait partie du groupe de lobbying d'Ottawa pour les produits chimiques?
Le président: J'ai une question à vous poser. Quelle est la valeur en cent du blé contenu dans ces pains?
M. Laird: Pour répondre à votre question, monsieur le président, à la dernière page vous trouvez les prix des produits biologiques. Pour le blé roux vitreux de printemps numéro 1, c'est 15 p. 100 et plus. Le prix moyen sur le marché biologique est de 9,06 $. Or, je pense qu'il y a 24 onces de blé dans un pain, de sorte que si quelqu'un a une calculatrice, vous pouvez facilement faire le total.
Il y a une autre chose que j'aimerais souligner. À la page 7, il y a un tableau qui donne les prix du blé conventionnel, et non pas du blé biologique. En 1934, les agriculteurs recevaient 25 cents le boisseau à Davidson. Sur le marché libre, il recevait entre 19 et 29 cents Mon père était l'un de ceux qui livraient le blé à ce prix. Si l'on tient compte de l'indice des prix à la consommation, cela représente 3,13 $ aujourd'hui.
Le président: À peu près ce que nous recevons.
M. Laird: En 1935, lorsque la commission canadienne du blé a été créée, le prix est passé à 52,5 cents, ce qui représente au prix d'aujourd'hui 6,34 $ le boisseau. Aujourd'hui cependant, le blé qui est vendu au silo-élévateur de Davidson vaut 2,75 $ le boisseau. Lorsque vous retournerez à Ottawa, vous pourrez dire aux gens que nous sommes ici en pleine dépression, comme dans les années 30. C'est un message très important que vous devrez transmettre.
Merci, monsieur le président. J'aurais beaucoup d'autres choses à dire, mais je sais que tout mon temps est écoulé.
Le président: Au nom de tous les sénateurs, je vous remercie pour le pain.
M. Laird: Si nous étions d'une culture différente, vous pourriez peut-être avoir une deuxième femme; vous devriez alors essayer d'en trouver une qui peut cuire un pain comme celui-ci.
Le sénateur Whelan: M. Laird, de Davidson, en Saskatchewan, je suis d'accord avec certaines choses que vous avez dites; vous nous avez présenté un bon exposé.
Ma femme fait son propre pain, mais elle vient de la Yougoslavie.
Ce genre de séance comporte de nombreux avantages. Les opinions au sujet de la commission canadienne du blé varient autour de cette table. Nous avons un jeune homme instruit qui vient d'Assiniboia, et il y a un autre homme instruit qui est assis à côté de lui, qui vient de Regina, et qui est phytotechnicien. Nous avons des agriculteurs qui ne sont pas d'accord, et qui ne l'affirment pas violemment, mais très fermement.
Certaines des choses que M. Geisam a dites sont assez osées, car dans un pays démocratique comme le nôtre, et je suis allé dans de nombreux pays... Vous utilisez des mots assez violents, comme ceux qui suivent, pour décrire la commission canadienne du blé: «La Commission canadienne du blé est un monstre, un animal hors contrôle qui ne doit rendre de comptes à personne, qui ne fait face à aucune concurrence, qui n'a pas de responsabilités claires, qui est à l'abri de toute poursuite...» C'est l'une des institutions les plus démocratiques du monde, le Parlement canadien, l'un des parlements les plus démocratiques du monde, qui a donné son pouvoir à la commission canadienne du blé. J'ai été député de ce Parlement, non pas lorsque la commission canadienne du blé a été créée, mais j'étais là lorsque les rapports ont été déposés et pour la période des questions. Je n'ai jamais été responsable de la commission du blé lorsque j'étais ministre de l'Agriculture, mais j'ai du mal à accepter que vous décriviez la commission en ces mots.
Lorsque vous dites que des gens sont poursuivis en justice pour 100 millions de dollars, pour 600 millions de dollars, parce qu'ils n'ont pas suivi la bonne procédure, bien que vous ne le disiez pas dans votre exposé, vous semblez fermer les yeux et dire que c'est le genre de personnes avec qui vous voulez traiter, alors que personne n'a jamais dit ce que vous avez déclaré au sujet de la commission du blé, c'est-à-dire qu'elle est corrompue, qu'elle est malhonnête et qu'elle travaille à l'avantage de tous, sauf des agriculteurs de l'Ouest canadien, et, à un moment donné, des agriculteurs de l'Est du Canada. Je trouve cela difficile à accepter, car je connais les administrateurs de la commission canadienne du blé, les gens qui dirigent la commission, et je sais que cette organisation est très respectée partout dans le monde.
C'est un fait que nous avons construit notre pays grâce au partage et à une législation démocratique. Comme je l'ai dit, c'est le Parlement du Canada qui leur a donné ce pouvoir.
Je pourrais continuer et vous donner des exemples d'articles de journaux que j'ai découpés: «Les nations pétrolières vont réduire la production», «Le pacte du pétrole aide le marché boursier de Toronto à atteindre un niveau record.» Des journaux comme le Globe and Mail ou le Toronto Star ne condamnent pas les pays parce qu'ils réduisent la production pétrolière.
Que pouvez-vous bien avoir à dire à ce sujet? L'OPEP est l'une des organisations les plus corrompues du monde, et pourtant nous nous laissons guider par elle. Pouvez-vous trouver de l'information au sujet des sociétés pétrolières, de leurs coûts, et cetera? Pouvez-vous trouver quoi que ce soit au sujet des grandes sociétés céréalières, de leurs marges, de leur système de tarification, et cetera? Non, car aucune société dans le monde ne vous donnerait ces renseignements. Voilà ce que j'avais à dire.
Au jeune homme d'Assiniboia, j'étais là lorsque nous avons accepté de subventionner l'éducation, et l'éducation est l'un des secteurs les plus subventionnés au Canada.
M. Geisam: Je vous respecte, honorable sénateur Whelan, mais puis-je vous poser une simple question? Étiez-vous là-bas, dans l'Est du Canada, lorsque certaines personnes de cette province et le premier ministre de l'époque ont éliminé de la Constitution, du tissu même de notre pays, le droit démocratique le plus important pour lequel nos ancêtres sont venus ici, c'est-à-dire le droit de la propriété?
Le sénateur Whelan: Je crois que ce droit est toujours bien ancré dans la Constitution.
M. Geisam: Le problème en ce qui concerne la commission canadienne du blé est simple, et on vous l'a expliqué ici aujourd'hui à plusieurs reprises. Pourquoi est-ce que quelqu'un ne peut pas commercialiser son propre produit? Pourquoi est-ce qu'on écrase les particuliers? Si nous vivons dans une démocratie, pourquoi pousse-t-on les particuliers au pied du mur, pourquoi est-ce qu'ils sont emprisonnés pour avoir fait pousser leur propre blé sur la ferme?
Si la commission canadienne du blé voulait venir chercher des carottes dans mon jardin, elle pourrait dire que je dois d'abord m'adresser à la commission avant de pouvoir décider si je veux les donner, les manger, ou même les laisser pourrir.
Le sénateur Whelan: Vous exagérez, et vous le savez. Le fait est que la loi est la loi du pays et qu'il faut la respecter jusqu'à ce qu'elle soit modifiée.
La Commission du blé a été établie parce que le système de commercialisation était très mauvais, très pourri et très injuste. Ce ne sont pas les libéraux qui ont établi cette Commission, ce sont les conservateurs, car même eux ont reconnu qu'il existait une iniquité.
Comme je l'ai dit, nous avons construit notre pays grâce à la compassion, au partage et à la collaboration d'un océan à l'autre, et nous avons construit le meilleur pays du monde. Essayez donc de trouver un meilleur pays, un pays plus libre dans le monde.
M. Geisam: Honorable sénateur, je ne veux pas parler des libéraux et des conservateurs ou autres. Je vous pose une question au sujet de la démocratie et des particuliers.
Notre démocratie se fonde-t-elle sur le collectivisme ou l'individualisme? Est-ce la liberté ou la coercition qui a fondé notre pays? Voilà la question qu'il faut se poser.
Je vous demande à vous et à tous les Canadiens, spécialement aux sénateurs, de nous laisser aller jusqu'au fond du problème. Toute cette discussion au sujet de ces autres petites choses n'est qu'une habile diversion, un écran de fumée. Laissez-nous revenir à ce qu'est vraiment la démocratie.
Le sénateur Whelan: Notre pays a été fondé d'une façon des plus démocratiques, plus que presque tout autre pays dans le monde. Pas une seule goutte de sang n'a été versée lorsque nous avons fondé notre pays, et nous accueillons des gens d'un peu partout dans le monde. Nous avons peut-être commis des erreurs, mais je vous mets au défi de comparer ces erreurs à celles de n'importe quel autre dans le monde.
Le sénateur Stratton: Sénateur Whelan, je pense que vous devez respecter l'opinion des gens. Vous êtes assis ici et vous dites à ces gens qu'ils se trompent. Je ne crois pas que nous ayons le droit de faire cela. Ils nous font part de leurs préoccupations, et je pense que nous devons respecter cela.
Le sénateur Whelan: Sénateur, je les respecte. Je défends tout simplement mon pays, le pays que j'aime, et que j'ai aidé à construire avec des millions d'autres personnes. La Commission du blé fait partie de mon pays, et ce n'est pas un monstre; la commission n'est pas arrogante.
Le président: Je pense que nous devons nous rendre compte qu'il y a ici deux points de vue différents.
Je pense que les sénateurs seront d'accord pour dire qu'il y a un thème qui est ressorti assez clairement de ces deux jours d'audience. Il y a ceux qui croient qu'ils devraient avoir le choix de commercialiser leurs produits directement ou de passer par la commission canadienne du blé. Il y en a d'autres qui croient que si les gens ont ce choix, ce sera la destruction de la commission du blé. Voilà, je pense, les deux points de vue qui ont été exprimés.
Notre comité sénatorial est certainement ici pour entendre ce que vous avez à dire. Nous comprenons le point de vue de chaque personne qui a comparu devant notre comité aujourd'hui. Il ne fait aucun doute que vous y avez mis tout votre coeur. Vous êtes fermement convaincus de ce que vous dites, et c'est très canadien, et c'est très bien. En tant que sénateurs, nous sommes là pour vous écouter et entendre ce que vous avez à dire, vous, les agriculteurs.
Je veux remercier tout particulièrement les agriculteurs qui sont venus témoigner à titre personnel et les groupes d'agriculteurs également, particulièrement l'agriculteur et sa femme qui ont comparu aujourd'hui et qui ont une exploitation familiale. Je pense que nous avons tous vraiment apprécié leurs témoignages, ainsi que le vôtre. Merci. Monsieur Hickie?
M. Hickie: J'aimerais répondre à la question du sénateur Gustafson concernant la valeur du blé contenu dans ce pain.
Je l'ai regardé de nouveau, et, comme il s'agit d'un assez petit pain, je dirais qu'il y a pour environ 4 cents et demi de blé dans ce pain, pas plus.
Le président: Naturellement, c'est une question intéressante. Il semble que les agriculteurs n'ont pas un rendement équitable pour le produit qu'ils cultivent, si on regarde le produit qui est manufacturé et le prix que nous payons pour acheter ce produit dans les magasins. Cela ne fait aucun doute. Merci. Voilà qui termine notre séance. Nous considérerons que notre comité en a terminé pour aujourd'hui.
La séance est levée.