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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 7 - Témoignages pour la séance du matin


SASKATOON, le jeudi 26 mars 1998

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, auquel a été renvoyé le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence, se réunit ce jour à 8 h 34 en vue d'examiner le projet de loi.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue ici ce matin. Le comité sénatorial est heureux d'être ici à Saskatoon. Nous avons jusqu'ici eu deux journées d'audiences, l'une à Brandon et l'autre à Regina, et nous avons entendu 50 témoins. Bien sûr, si le comité sénatorial est venu ici c'est pour entendre les agriculteurs, tout particulièrement des cultivateurs indépendants et des groupes représentant des agriculteurs.

Le premier témoin de la matinée est M. David Orchard, qui représente les Citizens Concerned About Free Trade.

M. David Orchard, président, Citizens Concerned About Free Trade: Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie le comité d'avoir accepté de se réunir une demi-heure plus tôt ce matin pour m'entendre. Je vous suis vraiment très reconnaissant.

Permettez-moi de vous expliquer un petit peu mes antécédents. J'ai une ferme à Borden, en Saskatchewan, c'est-à-dire à environ 45 milles de Saskatoon, et je suis l'auteur d'un livre intitulé: The Fight for Canada, qui traite des relations entre le Canada et les États-Unis ainsi que de l'ALE et de l'ALENA.

Je n'ai pas de copie de ma présentation, mais j'ai des photocopies d'un article que j'ai écrit et qui a paru dans le Globe and Mail. L'article traite de la Commission canadienne du blé et je serais très heureux de vous en distribuer des copies.

Notre organisation réunit environ 12 000 membres répartis dans tout le Canada. Bon nombre d'entre eux sont des agriculteurs des Prairies.

Récemment, comme vous le savez, la Commission canadienne du blé a subi un déluge d'attaques de la part d'organisations et de particuliers qui parlaient de «contrôle gouvernemental», de «monopole gouvernemental», de «socialisme» et de «communistique». On nous dit que ce n'est même plus une question de rentabilité; même si la CCB assure de meilleurs rendements aux cultivateurs, elle les prive de leur liberté.

Nombre des personnes qui font ces déclarations ne sont pas du tout agriculteurs; ce sont des courtiers ou des camionneurs qui y gagneraient si le monopole de la Commission canadienne du blé était rompu.

Quiconque attaque la CCB oublie en réalité le pourquoi de la création de celle-ci; les gens qui oublient leur histoire s'avèrent parfois être des personnes très dangereuses. J'aimerais vous rappeler un petit peu le pourquoi de la création de la Commission canadienne du blé.

Elle n'a pas vu le jour dans le contexte d'un complot communiste ou d'un complot gouvernemental visant l'oppression des agriculteurs. La commission a été créée parce que des agriculteurs se sont battus à cette fin, partout dans les Prairies, et ont marché dans les rues de Regina. Ils étaient plus de 1 000 et ils voulaient reprendre le contrôle de leur secteur d'activité. Voilà quel est le rôle de la CCB; voilà pourquoi elle a été créée à cette époque où le grain se vendait quelques cents le boisseau.

J'ai parlé de cela l'autre jour avec un de mes voisins. Il m'a dit qu'avant la création de la CCB, il assurait le transport de son grain par camion et que cela lui coûtait plus cher que ce qu'il obtenait pour le grain à l'époque. Nombre des personnes qui s'attaquent aujourd'hui à la CCB n'ont aucune mémoire, aucun souvenir historique de ces circonstances.

Parce que nous avons la Commission canadienne du blé, notre commerce du grain continue d'être à environ 70 p. 100 aux mains de Canadiens. En l'absence de la commission, notre commerce céréalier connaîtrait le même sort que celui de notre secteur automobile, de notre industrie gazière et pétrolière et de notre industrie cinématographique, qui sont tous contrôlés à plus de 90 p. 100 par des étrangers, principalement américains. Si la CCB était détruite ou supprimée, c'est exactement ce même sort qui serait réservé à notre commerce du grain. Les Louis Dreyfus, les Continental, les Cargill Grains envahiraient le secteur céréalier de notre pays. On parle donc ici d'une question de souveraineté. C'est là, pour moi, l'essentiel.

Cargill et la Winnipeg Grain Exchange souhaitent depuis des années se débarrasser de la Commission canadienne du blé. Après sa création, ils avaient envoyé des porte-parole partout dans les Prairies prononcer de retentissants discours disant que la commission était le produit d'un complot communiste et socialiste, ce dans le but de la faire supprimer, mais ils n'ont pas réussi à faire changer d'avis les agriculteurs, dont la majorité appuyaient, et appuient toujours aujourd'hui, la CCB.

La différence aujourd'hui, bien sûr, est que nous avons en place l'Accord de libre-échange canado-américain et l'ALENA, et cela a fourni de nouvelles munitions aux ennemis de la commission et nous voyons qu'ils s'y attaquent en plus grand nombre que jamais auparavant. Néanmoins, ils sont toujours très loin de représenter l'opinion majoritaire de la communauté agricole de l'Ouest du Canada. Il faut se rappeler que même s'ils ont réussi à faire beaucoup de bruit, ils ne représentent pas la majorité des agriculteurs.

Après l'adoption de l'Accord de libre-échange, ils ont pu amener, tout d'abord, le rapport sur la Commission canadienne du blé, puis le projet de loi C-72 et, maintenant, le projet de loi C-4. Le problème est que la Commission canadienne du blé n'est pas cassée; à notre avis, il n'y a nul besoin d'apporter des changements à la Commission canadienne du blé; l'institution fonctionne bien pour les céréaliculteurs. On entend beaucoup parler de démocratie; les gens disent qu'il nous faut élire les membres du conseil d'administration de la commission. Qui parle de tenir des élections pour combler les postes de membre du conseil d'administration chez Cargill Grain? Ils parlent de la nécessité d'assurer la transparence et du fait que la commission soit trop secrète. Eh bien, c'est là l'essence même du commerce du grain. Personne n'exige la transparence de la part de Cargill Grain.

Ces prétendus «combattants pour la liberté» ne manifestent pas devant les bureaux de Cargill Grain exigeant transparence et ouverture dans ses opérations, car ils n'obtiendront pas cela. Le résultat final de leur intervention sera la destruction de la commission et le transfert de notre commerce du grain à des intérêts américains.

Depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange, nous avons vu 6 000 entreprises canadiennes se faire accaparer par des sociétés américaines; nous constatons l'américanisation de notre pays d'un bout à l'autre. Le CN, le lien qui tenait ce pays ensemble, a été privatisé et appartient maintenant à 70 p. 100 à des intérêts américains. C'est ce qui se passera si la Commission canadienne du blé est détruite ou affaiblie et, selon nous, le projet de loi dont vous êtes saisis vient affaiblir la commission.

Il n'y a nul besoin d'apporter ces genres de changements. Nous avons déjà un comité consultatif élu. Si le gouvernement et le comité ici réuni le veulent, ils peuvent apporter des changements en vue de renforcer la CCB. Il y a à peine quelques années, il me semble, le sénateur Dan Hays a produit un rapport sur ce qui pouvait être fait pour renforcer la Commission canadienne du blé; il avait tout simplement recommandé que le comité consultatif se voie accorder davantage de pouvoirs. Le conseil devrait avoir un personnel et il devrait avoir le droit, en vertu de la loi, d'inspecter tous les dossiers de la CCB; voilà, en gros, tout ce qui est nécessaire. Donnez-lui tout simplement un peu plus de pouvoir. Les gens qui y siègent sont déjà élus par les agriculteurs à qui ils doivent rendre des comptes. Aucun changement d'importance n'est donc requis.

Nous aimerions que ce projet de loi soit rejeté, afin que l'on puisse revenir au statu quo. Si vous vouliez apporter quelques légères modifications en vue de renforcer le pouvoir du comité consultatif, alors ce serait bien. C'est tout ce qu'il faut. Toutes ces belles paroles sur la nécessité de faire en sorte que la Commission canadienne du blé soit plus démocratique, et cetera, ne sont qu'un prétexte pour détruire la CCB au bénéfice d'intervenants qui y ont des intérêts et qui aimeraient que le commerce du grain retourne aux mains de ceux qui le contrôlaient avant la création de la CCB.

Voilà, en gros, le message que nous voulions vous transmettre. Comme vous le savez, il y a dans la loi un article qui dit que la CCB doit agir d'une façon qui respecte l'ALENA et la FDA. Si vous transformez une société d'État en une entreprise mixte et si vous dites dans la loi que l'ALENA et que la FDA vont assurer la gestion de l'affaire et l'emporter sur la CCB, alors ce sera le début de la fin de celle-ci.

Nous aimerions que ce projet de loi soit coulé. Nous aimerions revenir à une situation dans le cadre de laquelle la CCB pourra continuer de faire son travail pour le compte des agriculteurs de la Saskatchewan et de tout l'ouest du pays.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Merci, monsieur le président. Vous nous dites qu'on ne devrait pas toucher à la Commission canadienne du blé, que tout fonctionne bien et que nous tentons d'affaiblir la Commission canadienne du blé. Ma question est la suivante: est-ce que vous croyez que l'on pourrait affaiblir la Commission canadienne du blé en accordant aux producteurs l'occasion d'élire la majorité des administrateurs de cette commission? Les producteurs seraient toujours en position de prendre les décisions touchant toutes leurs activités.

De quelle façon voyez-vous que cette approche pourrait affaiblir la Commission canadienne du blé?

[Traduction]

M. Orchard: Si je vous ai bien compris, à votre avis, le fait que le conseil d'administration soit élu viendra affaiblir la CCB.

Le sénateur Robichaud: Oui.

M. Orchard: Ce n'est pas juste l'aspect conseil d'administration élu, c'est le fait qu'il ne s'agisse plus d'une société d'État. Dès que vous faites de cette société d'État une entreprise mixte, alors tout d'un coup le gouvernement n'est plus tenu d'appuyer la CCB et il peut commencer à se retrancher par rapport à ses responsabilités envers elle.

Ils vont ensuite créer un fonds de réserve; la CCB financera cela elle-même; les agriculteurs toucheront moins en vue de la constitution de ce fonds, et cela pourrait miner la base de soutien de la CCB. Mais, ce qui est plus grave, tout d'un coup, le gouvernement ne serait plus tenu, en vertu de la loi, d'appuyer la Commission canadienne du blé. Il pourrait commencer à s'en détacher.

Puis on en arrive aux discussions au sujet de l'Organisation mondiale du commerce et de la nouvelle entente, l'AMI, ou Accord multilatéral sur l'investissement. Je reviens tout juste d'une tournée de conférences de quatre mois là-dessus, et en vertu de ces ententes, la Commission canadienne du blé sera encore plus minée et le gouvernement canadien s'en éloignera tout simplement étant donné qu'il ne s'agira plus d'une société d'État.

C'est ainsi que je vois les choses. Cela ne se limite pas à la simple question de l'élection du conseil d'administration. Il me semble qu'élire un conseil est une façon un peu inhabituelle de gérer une grosse entreprise, une entreprise qui vaut 6 milliards de dollars. Cela pourrait fonctionner, cela pourrait ne pas fonctionner, mais je ne pense pas que ce soit là le principal facteur qui vienne affaiblir la CCB. Ce qui va l'affaiblir, surtout, c'est la suppression de son statut de société d'État.

Le sénateur Hays: Vous avez fait état d'une étude qu'a faite le comité il y a quelque temps. Parmi les sénateurs qui sont présents ici aujourd'hui, je pense qu'il n'y a que le sénateur Gustafson et moi-même qui étions là à l'époque. Il était alors évident, et c'est encore plus évident aujourd'hui, que les choses changent dans le secteur céréalier et de façon générale. Nous avons signé l'Accord de libre-échange canado-américain et ensuite l'ALENA. Nous avons négocié l'Uruguay Round et nous avons apposé notre signature sur le document. Nous n'avons plus de Loi sur le transport du grain de l'Ouest qui puisse nous aider à transporter du grain à moindre coût et toutes ces choses vont bien évidemment avoir une incidence sur la façon dont fonctionne la commission.

À l'époque, notre idée était que si le comité consultatif jouait un rôle plus vaste, un peu plus à la manière d'un conseil d'administration, et que si la Commission canadienne du blé en tenait davantage compte, ce serait une façon positive de composer avec les circonstances changeantes entourant le commerce du grain.

Cependant, le gouvernement, dans sa sagesse, a déposé ce projet de loi et le sénateur Robichaud vous a posé une question à laquelle vous avez répondu. La Commission canadienne du blé va devoir changer de diverses façons et parce que les choses qui l'entourent changent si rapidement il nous faudra, il me semble, trouver le moyen de nous adapter à cet environnement en évolution rapide, et je ne suis pas tout à fait convaincu que ce soit une bonne idée de tout simplement couler le projet de loi.

Comment faire pour composer avec le changement si nous ne disposons d'aucun moyen de faire en sorte que l'organisation soit beaucoup plus redevable qu'elle ne l'est aujourd'hui à ceux qu'elle sert?

M. Orchard: Vous avez raison: il y a du changement dans l'air. Il y a beaucoup trop de changement dans l'air, comme beaucoup de gens vous le diront. On nous dit que la CCB et tout le reste sont tout simplement des voix du passé et qu'il est temps de s'en débarrasser.

Je me rappelle une déclaration très connue faite par un homme que je me plais à appeler un ami, M. Trudeau, qui a déclaré lors des discussions entourant l'Accord du lac Meech: Pythagore est un homme du passé, mais deux plus deux font toujours quatre». Et c'est précisément cela que je veux vous dire au sujet de la Commission canadienne du blé: elle a bien fonctionné; elle a fait en sorte que le commerce canadien du grain soit resté aux mains de Canadiens. Cela sera-t-il toujours le cas une fois qu'on y aura touché? En vérité, le projet de loi est une réaction de panique face à une bande de personnages très bruyants qui veulent détruire la Commission canadienne du blé. On les a toujours eus dans l'Ouest, mais la différence aujourd'hui est que le gouvernement les écoute. Ils ont réussi à traverser la frontière avec leurs camions et à attirer l'attention des médias et voici que tout d'un coup, en réponse à cela, il y a un projet de loi qui va changer, de façon fondamentale, la Commission canadienne du blé, et je pense que c'est là une erreur.

Le président: Il y a aujourd'hui beaucoup d'investissements dans le secteur céréalier au Canada et dans l'Ouest du Canada, surtout en Saskatchewan. Il y a de grosses usines qui sont en train de s'implanter au sud de Regina, à Yorkton, avec ConAgra, et dans les environs de Dafoe. Il y a ADM qui est en train d'acheter des actions dans la United Grain Growers; tout juste la semaine dernière, elle a acheté Pioneer Grain à Stoughton, et il s'agit là d'une usine très avancée. Il y a la société Dreyfus International, de France, qui annonce qu'elle va acheter trois terminaux en Saskatchewan. Cela représente beaucoup d'investissements.

Comme je l'ai demandé hier au ministre de l'Agriculture de la Saskatchewan, comment voyez-vous toutes ces choses, tous ces investissements, se passer, sans que les gouvernements fédéral et provinciaux ne réagissent aux changements qui s'en viennent? N'y a-t-il pas quelque chose de positif dans le fait que les gens voient suffisamment de perspectives d'avenir dans l'agriculture en Saskatchewan pour vouloir y investir de l'argent? D'autre part, cela en dit long sur le fait que nous produisons les meilleures céréales au monde, et n'y a-t-il pas là également quelque chose de positif?

M. Orchard: Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de positif dans le fait que les Américains s'emparent de notre industrie céréalière, ce qui est précisément ce qu'on est en train de voir. Ce n'est pas parce qu'ils ont confiance dans la Saskatchewan; s'ils veulent s'implanter ici c'est qu'ils voient qu'on est en train de détruire la Commission canadienne du blé. C'est là la position de Cargill Grain depuis le tout début.

Dans mon livre, que vous aurez tous, je l'espère, l'occasion de lire, je fais un peu l'historique de cela dans le contexte de l'Accord de libre-échange canado-américain. Du côté américain des négociations, il y avait un homme du nom de Daniel Amstutz, ancien PDG des Cargill Investor Services. Du côté canadien, celui qui conseillait le gouvernement canadien dans le cadre de ces négociations était M. Gilmour, de Cargill Grain Canada. Cargill Grain siégeait donc de part et d'autre dans le cadre de ces négociations.

Ils veulent enlever à la Commission canadienne du blé le pouvoir de contrôler le flux de grain transfrontalier. C'est ce qui se passe. Comme vous le savez, M. Mulroney siège aujourd'hui au conseil d'administration d'ADM et il a aidé cette société à mettre la main sur la United Grain Growers. Il n'y a donc rien de nouveau là-dedans. Le secteur céréalier américain a toujours voulu accaparer le secteur céréalier canadien, tout comme les États-Unis se sont emparés de notre secteur énergétique. La question est de savoir si nous voulons que cela arrive.

Je ne pense pas que nous puissions nous permettre de céder cela. Nous cédons déjà beaucoup trop de notre pays. Cela n'est pas un signe positif. Je pense qu'il nous faut maintenir en place la Commission canadienne du blé si nous voulons empêcher que cela arrive.

Le sénateur Whelan: Je suis certain que vous savez que l'industrie canadienne de fabrication de farines est aujourd'hui contrôlée à 80 p. 100 par une compagnie, la Archer Daniels Midland; près de 90 p. 100 de cette industrie appartiennent à deux ou trois compagnies, et d'après ce que j'ai compris, seuls environ 5 p. 100 de l'industrie reviennent à des indépendants ou à des propriétaires canadiens.

Hier, un agriculteur de la Saskatchewan nous a fait une présentation montrant le revenu véritable des agriculteurs, tenant compte des coûts de leurs intrants, y compris la machinerie, les engrais, les semences, le carburant et le matériel. Leur revenu est en fait en train de reculer alors que celui des compagnies céréalières augmente. Auriez-vous un commentaire à faire là-dessus?

M. Orchard: Dans le cadre de mon travail préparatoire pour mon article pour le Globe and Mail, j'ai discuté avec Gord Cummings qui, comme vous le savez, est PDG de l'Alberta Wheat Pool. Il a justement fait ressortir ce dont vous venez de parler. Il a dit que l'industrie canadienne de fabrication de farines est passée d'une situation où elle appartenait à des Canadiens pour être aujourd'hui presque entièrement contrôlée par des Américains. Je vais vous lire une citation de lui:

Entre le début et la fin, lorsqu'est survenue la première grosse transaction, entre le moment où une compagnie américaine a acheté un des moulins canadiens et le moment où la quasi-totalité de l'industrie de fabrication de farine au Canada a été accaparée par des intérêts étrangers, il s'est écoulé 15 mois.

Voilà à quelle vitesse ils ont bougé pour prendre le contrôle de nos meuneries. Ces géants pourraient avaler tous les pools pour leur petit déjeuner s'il n'y avait rien pour les arrêter. En l'absence du pouvoir de la commission du blé de les arrêter, c'est précisément cela qui va se passer et, bien sûr, les genres de profits dont on parle ici font penser à ce qu'ont vécu nos pères et nos grands-pères lorsqu'ils étaient complètement démunis face à la capacité des gros de manipuler les poids et les prix.

Le sénateur Whelan: Lorsque j'étais au Cabinet, je me plaisais à me battre contre Cargill, à l'obliger à respecter toutes nos règles et à lui refuser de mettre la main sur notre secteur de transformation de la volaille, et cetera. Nous avons fait cela avec l'Agence d'examen de l'investissement étranger et le Canada continuait malgré tout d'être l'un des pays du monde où il était le plus facile d'investir. Parlez aux investisseurs allemands ou à n'importe lequel des investisseurs et ils vous diront: «Lorsque l'on compare investir au Canada et investir dans certains des autres pays, avec les règles et les règlements qui sont en place, le Canada est l'un des plus faciles et l'un des meilleurs». Un investisseur m'a dit que sur une période de 15 années d'investissements au Canada, il n'a jamais perdu un cent.

Lorsqu'on parle de prises de contrôle, si j'ai bien compris, et peut-être que vous connaissez la réponse, personne ne pourrait prendre le contrôle de Cargill, vu la façon dont la société est constituée, n'est-ce pas?

M. Orchard: Non; il s'agit de la plus grosse société céréalière appartenant à des intérêts privés dans tout le monde.

Le sénateur Whelan: Pourrait-elle continuer de grossir? Comme je l'ai dit hier, j'ai travaillé avec trois secrétaires de l'Agriculture américains différents qui m'ont tous dit que les sociétés céréalières aux États-Unis sont si grosses qu'on ne peut rien leur faire.

M. Orchard: Ce n'est pas vrai, vous savez. Au Canada, nous vivons à côté de la seule superpuissance dans le monde, le pays le plus puissant que le monde ait jamais vu, et John A. MacDonald avait l'habitude de dire: «Si nous n'avons pas une frontière économique, nous n'aurons bientôt pas de frontière politique». Ce qu'il a dit en 1890 vaut toujours autant aujourd'hui.

Nous avons des restrictions économiques. Par exemple, il y a des restrictions en ce qui concerne la propriété étrangère de nos banques. Il y a une règle de 10 p. 100 applicable aux banques, règle qui a été établie par Walter Gordon lorsque la Citibank de New York est arrivée et a annoncé qu'elle allait racheter la Banque Toronto Dominion. C'est alors que l'on a adopté des règles disant: «Un instant, vous ne pouvez pas faire cela».

Si nous supprimons ces règles et si nous supprimons le pouvoir de la commission du blé, alors vous pouvez être certains qu'ils vont venir; ils vont venir et ils vont prendre le contrôle de notre industrie et nous aurons alors le plaisir de vendre à ces énormes sociétés américaines sur lesquelles nous n'exerçons absolument aucun pouvoir.

Le sénateur Whelan: Si le projet de loi est adopté, pensez-vous que les administrateurs devraient avoir le pouvoir d'élire un président-directeur général? Je pense que cela pourrait devenir très politique.

M. Orchard: C'est exact. C'est une question d'administration; je ne pense pas que ce soit l'élément clé. Il y a différentes choses qui pourraient être faites sur le plan régie, mais à mon avis, la clé est de rejeter le projet de loi. J'espère que vous en retarderez l'adoption et que vous le renverrez avec un délai suffisamment long pour que cette horreur meure.

Lorsque j'ai comparu au sujet de ce projet de loi devant le comité de la Chambre il y a plus d'un an, j'ai dit: «Laissez le projet de loi mourir au Feuilleton». Je vous renouvelle ma demande ici aujourd'hui. J'espère que vous poursuivrez votre bon travail.

Le sénateur Stratton: Savez-vous que la Saskatchewan Wheat Pool est en train de construire des élévateurs de l'autre côté de la frontière, dans le Dakota du Nord?

M. Orchard: Oui, je le sais, mais c'est à Sweetgrass, dans le Montana.

Le sénateur Stratton: Dans le Montana, excusez-moi. Savez-vous également que lors d'une réunion tenue les 5 et 6 mars par l'Ontario Wheat Producers' Marketing Board, les délégués ont voté en faveur de la vente hors-commission aux États-Unis par 90 voix contre dix?

M. Orchard: Je suis au courant.

Le sénateur Stratton: Étant donné ce genre de poussée de la part de Canadiens, l'on ne peut pas dire que c'est juste la commission du blé qui fait cela; ce n'est pas juste la commission du blé qui pousse pour que les agriculteurs aient davantage de liberté et davantage de contrôle. Ce sont les producteurs de blé de l'Ontario et le Saskatchewan Wheat Pool qui sont en fait en train de devenir des négociants internationaux pour vendre aux États-Unis.

M. Orchard: En fait, les producteurs n'ont en vérité pas encore voté en Ontario.

Le sénateur Stratton: Je comprends cela, mais il semble que c'est vers cela que l'on pousse.

M. Orchard: Il semble en effet que ce soit vers cela que l'on pousse.

Le sénateur Stratton: Il y avait 100 délégués, et 90 contre 10 ont voté pour.

M. Orchard: Je comprends cela. Tout ce que je dis est que les producteurs eux-mêmes n'ont pas encore parlé. En ce qui concerne la question d'assurer une plus grande liberté aux agriculteurs, bon sang, nous livrer aux mains de Louis Dreyfus et des autres, Continental et Cargill, est loin d'offrir davantage de liberté aux agriculteurs. C'est ce genre de propos déformés que l'on sert aux gens.

Le sénateur Stratton: Ma vraie question est sans doute la suivante: si les délégués, qui, en règle générale, représentent les cultivateurs, votent en faveur de la vente hors-commission par 90 voix contre 10, et si le Saskatchewan Wheat Pool construit des élévateurs aux États-Unis, allez-vous tout simplement ériger un mur et dire: «Non, vous ne pouvez pas faire cela»?

M. Orchard: Nous avons déjà en place la Commission canadienne du blé. C'est ce projet de loi qui parle de détruire ce mur. Je vous dis que vous ne pouvez pas le faire et la plupart des agriculteurs ne veulent pas de cela, et si vous le faites, nous allons être envahis par les Américains.

Il y a une raison pour laquelle le Saskatchewan Wheat Pool est en train de construire des élévateurs de l'autre côté de la frontière. Je ne suis pas en faveur de tous les éléments de sa stratégie, mais s'il fait cela, c'est qu'il veut essayer de livrer concurrence aux géants américains dans le nouveau contexte.

Voilà ce qui se passe et c'est de cela que parle Gord Cummings dans l'article que je vous ai donné. C'est une réaction; mais ils ne vont pas du tout être en mesure de tenir tête aux géants américains une fois que vous aurez détruit le mur qui nous protège à l'heure actuelle.

Le sénateur Taylor: J'ai un petit peu de mal avec votre déclaration voulant que le comité consultatif soit meilleur qu'un conseil d'administration élu. Vous avez convenu que le comité consultatif devrait être renforcé conformément à la recommandation de mon collègue il y a quelques années, soit qu'il ait accès à plus de ressources, de recherches, et cetera, ce qui sera certainement le cas si ces personnes sont élues. Je ne vous suis pas lorsque vous dites qu'un comité consultatif qui est élu, ce dont nous parlons en vérité ici, est plus faible qu'un comité consultatif dont les membres sont nommés par le gouvernement, surtout si vous croyez, comme c'est le cas, que le gouvernement du jour, au cours des dernières années, cède devant les pressions des Américains.

Pourquoi voudriez-vous qu'un gouvernement qui a régulièrement cédé aux Américains nomme les membres du conseil?

M. Orchard: Non, le comité consultatif est déjà élu, sénateur.

Le sénateur Taylor: Mais il continue d'être assujetti à un important contrôle gouvernemental tandis que si ses membres étaient élus par les agriculteurs, il jouirait de beaucoup plus d'autonomie.

M. Orchard: Je ne pense pas que votre projet de loi parle d'élire le comité consultatif; vous parlez de l'élection de la CCB elle-même. Ce que je dis c'est que nous avons déjà un comité consultatif élu et que tout ce qu'il vous faut faire c'est apporter quelques petites mises au point et lui donner du personnel. Il lui faut de l'argent pour recruter du personnel.

Le sénateur Taylor: En vertu de la loi sur les corporations, un conseil qui est élu a en règle générale beaucoup plus d'autorité qu'un comité consultatif. En d'autres termes, je pense que nous renforcerons le comité consultatif si nous modifions le système comme prévu, au lieu de le laisser tel quel.

M. Orchard: Mais là n'est pas la position du comité consultatif. Il me semble qu'il vous a dit...

Le sénateur Taylor: Vous n'êtes pas de cet avis. Votre position est claire. Je passe donc à la question supplémentaire. S'il y a élection, aimeriez-vous que ce soit un système d'élection par les délégués, ce qui est très semblable à ce qui est prévu pour le comité consultatif, ou bien aimeriez-vous qu'il y ait un vote direct dans chacune des régions?

M. Orchard: Dans un cas comme dans l'autre, vous ouvrez cela au commerce de grain privé.

Le sénateur Taylor: Oubliez le «dans un cas comme dans l'autre». Vous avez à choisir entre l'un ou l'autre.

M. Orchard: Alors je dirais aucun.

Le sénateur Taylor: Vous ne prendriez aucun. Vous espérez que les gens resteront chez eux. Vous savez ce qui arrive aux gens qui restent chez eux? Des gens qu'ils n'aiment pas s'occupent des affaires.

M. Orchard: Est-ce que Cargill Grain élit son conseil? Laisse-t-elle les agriculteurs y siéger et participer aux élections? Est-ce que c'est le cas de Louis Dreyfus?

Le sénateur Taylor: Leurs actionnaires élisent leur conseil.

M. Orchard: Et c'est l'institution la plus cachottière au monde.

J'aimerais vous renvoyer au livre de Dan Morgan, intitulé: Merchants of Grain, qui est l'un des meilleurs livres traitant du commerce des céréales et de la Commission canadienne du blé. J'espère que chacun d'entre vous aura l'occasion de lire cet ouvrage. Cela vous donnera une idée de la façon dont fonctionnent certaines de ces sociétés et, croyez-moi, elles ne se préoccupent pas de concepts comme la transparence, l'élection d'un conseil d'administration et la reddition de comptes à qui que ce soit, sauf au tout petit groupe de personnes qui en sont propriétaires et qui les contrôlent. C'est cette voie que nous emprunterons si nous enlevons à la commission du blé le pouvoir dont elle dispose.

Le sénateur Taylor: Voici ce qui se passerait ici: les gens qui contrôlent la commission, ce sont les agriculteurs, étant donné qu'ils sont les actionnaires de ces autres. Ne me comprenez pas mal. Je ne porte le flambeau ni pour Cargill, ni pour l'un quelconque des autres.

M. Orchard: C'est bien.

Le sénateur Taylor: Vous semblez penser que, s'ils sont Américains, ce sont de gros méchants. Nous avons quelques gros méchants de notre côté aussi.

M. Orchard: Nos gros méchants sont quelque peu plus petits que ceux qui se trouvent de l'autre côté de la frontière. Tout ce que je dis, sénateur Taylor, est que si ça n'est pas cassé, alors il ne faut pas y toucher.

Le président: Nous aimerions vous remercier, monsieur Orchard, d'être venu comparaître ce matin. Nous avons pris bonne note de vos déclarations et de l'article que vous nous avez remis.

M. Orchard: Merci, monsieur le président.

Le président: Honorables sénateurs, le témoin suivant est le professeur Hartley Furtan, de l'Université de la Saskatchewan.

Bienvenue au comité, professeur Furtan. Nous savons tous que l'Université de la Saskatchewan réserve une place d'honneur à l'agriculture et que Saskatoon se trouve au coeur du Canada agricole. Nous sommes donc très heureux de vous accueillir parmi nous aujourd'hui.

M. W.H. Furtan, professeur, département d'économie agricole, Université de la Saskatchewan: Monsieur le président, j'ai un texte que j'ai remis au greffier, et je vais vous le lire.

C'est un privilège et un honneur pour moi de comparaître devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture pour discuter du projet de loi C-4. Il n'est nul besoin de dire qu'il s'agit d'un projet de loi controversé, car dès le tout début, il a suscité de l'opposition. Le projet de loi est complexe et apporte de vastes changements à la Commission canadienne du blé. Il n'est pas possible de prévoir toutes les conséquences et toutes les ramifications qui en découleront, mais il est essentiel que l'on apporte certains changements à la Commission canadienne du blé. À cet égard, j'appuie le projet de loi tel qu'il est proposé.

Maintenant, un petit peu d'histoire. La Commission canadienne du blé détient le monopole de la commercialisation du blé et du blé dur d'exportation, du blé et du blé dur destinés au marché intérieur, de l'orge et de l'orge brassicole d'exportation produites dans les régions qui sont de son ressort. La Commission canadienne du blé compte à l'heure actuelle cinq commissaires qui rendent des comptes au ministre responsable de la Commission canadienne du blé qui, lui, rend des comptes à la Chambre des communes. Les agriculteurs n'ont pas directement de mot à dire quant aux activités de la commission, même s'ils en paient tous les frais d'exploitation.

Ce que j'aimerais vous dire surtout aujourd'hui est que j'appuie l'idée d'un conseil d'administration élu, car je crois que c'est là un élément essentiel de ce que devrait être la politique publique en ce qui concerne ce genre d'agence. Il existe un comité consultatif -- et je ne veux pas en minimiser l'importance -- qui est élu et qui donne des conseils, mais il ne s'agit que d'un comité consultatif, qui n'exerce aucun contrôle et qui n'a aucun pouvoir en matière de gestion.

On estime, se fondant sur les données compilées par la Commission canadienne du blé, que par le passé, celle-ci a obtenu un prix bonifié pour les céréaliculteurs. Pour le blé, nous l'avons évalué à environ 14 $ la tonne, et pour l'orge brassicole, à 44 $ la tonne. Il y a donc là des primes intéressantes. Je ne veux pas dire par là que la commission du blé obtient une prime dans tous les marchés, car ce n'est pas le cas, mais en moyenne, c'est ce qui s'est passé. Nos résultats ne sont pas uniques; ils ont été appuyés par d'autres travaux.

Par ailleurs, et je pense que ceci est important, nous estimons que le tarif de base imposé par la Commission canadienne du blé est inférieur à celui imposé par d'autres agences de commercialisation. La base est simplement la différence entre le prix du grain franco à bord et le prix que touche le céréaliculteur.

S'il y a bonification, c'est que le Canada produit un blé de qualité élevée qui est très recherché. Comme l'a dit le sénateur Gustafson, ce produit est connu partout dans le monde, et c'est bel et bien le cas. Il est également vrai que la Commission canadienne du blé n'a pas mis au point ces variétés; le blé et l'orge brassicole de qualité très élevée ont été mis au point par des chercheurs et par le système de réglementation, par exemple la Commission canadienne des grains, et les cultivateurs.

Il nous faut cependant nous rappeler que le blé est toujours vendu d'État à État; cela vaut pour 80 p. 100 des volumes. La clé, cependant, est qu'en l'absence d'un guichet de vente unique, les avantages qui ont été accumulés par les Canadiens seraient répercutés sur les consommateurs. C'est là le principal argument en ce qui concerne la façon dont fonctionne une monopole.

En d'autres termes, parce que nous avons un produit de qualité élevée et un guichet de vente unique, nous pouvons demander plus cher aux Japonais qu'aux Chinois, et c'est ainsi qu'interviennent les primes. Si nous avions un marché ouvert, nous imposerions le même prix à tous les consommateurs. C'est comme lorsque vous allez au magasin pour acheter de l'huile de canola. Même si sa qualité est peut-être supérieure à celle d'autres huiles, nous imposons le même prix à tous les consommateurs. C'est un marché concurrentiel.

Sur le marché international, du fait de l'existence de la commission du blé, on peut faire payer plus cher ceux qui sont prêts à payer plus cher.

En résumé, je pense que la Commission canadienne du blé a obtenu des primes sur le prix et qu'en l'absence de la CCB et de cet élément comptoir de vente unique, nous perdrions cela.

Vous vous demandez peut-être pourquoi, si la commission se débrouille si bien, les agriculteurs sont si nombreux à vouloir le changement. Eh bien, la majorité des producteurs veulent que soit maintenue la Commission canadienne du blé, mais ils ont des doutes quant à la façon dont les choses fonctionnent. C'est là l'avis de la majorité. La seule façon de corriger la situation est de prévoir que les cultivateurs aient directement leur mot à dire sur les activités de la Commission canadienne du blé.

Dans le cas de toute politique publique, les parties prenantes ont au moins deux rôles importants à jouer. Si nous prenons le projet de loi C-4, tout d'abord, les parties prenantes interviennent auprès des politiciens dans l'élaboration des objectifs visés par les politiques. Souvent, la politique se solde par une situation où les individus se voient refuser certaines libertés dans l'intérêt du bon fonctionnement de la politique. La Commission canadienne du blé relève justement de cette catégorie. Dans une telle situation, toutes les parties prenantes doivent être consultées. Cela peut résulter en un débat politique pouvant devenir une question électorale, mais ce n'est en règle générale pas le cas.

En ce qui concerne l'établissement d'objectifs opérationnels, c'est-à-dire la façon dont les choses fonctionnent jour après jour, les parties prenantes ont là aussi un rôle important à jouer dans le cas d'une institution fondée sur une politique publique, comme la Commission canadienne du blé. Les agriculteurs doivent avoir leur mot à dire sur la façon dont l'accès aux services est déterminé, dont les contingents sont fixés, dont fonctionne la politique d'attribution de wagons de la Commission canadienne du blé et dont les cadres supérieurs administrent l'institution. Ce sont toutes là d'importantes questions qui intéressent les parties prenantes et qui se trouvent à l'extérieur du cadre législatif, soit la Loi sur la Commission canadienne du blé, mais qui sont néanmoins très importantes pour les céréaliculteurs.

Dans les cas des grains de l'Ouest, toutes les activités en matière de manutention, de commercialisation et de transport du grain pourraient être déterminées par le marché, comme c'est le cas pour d'autres produits comme le charbon et la potasse. Dans ce scénario, les parties prenantes seraient les détenteurs des capitaux et leur réussite serait fonction des résultats obtenus sur le marché. La grosse différence interviendrait pour des questions comme par exemple l'équité sur le plan des livraisons et la façon donc cela serait traité.

Le marché n'offrirait pas à tous les céréaliculteurs le même accès au système de manutention, de commercialisation et de transport. Il vendrait plutôt un service à un prix qui établirait l'équilibre entre l'offre et la demande, ce qui est une autre façon de distribuer cette ressource rare.

Et le gouvernement et les agriculteurs ont des intérêts financiers dans la Commission canadienne du blé. Je pense que cela est important. Le gouvernement fédéral garantit le paiement initial versé aux agriculteurs lorsqu'ils livrent leur grain à un élévateur de la Commission canadienne du blé. Par le passé, ces garanties de prêt ont coûté de l'argent au gouvernement fédéral lorsque le prix final était inférieur au paiement initial. Même s'il ne s'est agi là que d'un coût relativement mineur, il est néanmoins important.

Le gouvernement fédéral offre également des garanties de crédit à la Commission canadienne du blé dans le cas d'importateurs qui sont considérés comme étant dignes. Cependant, la totalité des frais de fonctionnement de la Commission canadienne du blé sont payés par les agriculteurs à même les recettes de ventes de blé et d'orge.

Les agriculteurs semblent être en train de demander de participer lorsqu'ils demandent des preuves relativement aux résultats obtenus par la Commission canadienne du blé dans le cadre de son programme de vente. J'y ai fait un peu de travail. Étant donné la structure du marché international des grains et les exigences en matière de confidentialité commerciale, la Commission canadienne du blé n'a pas trouvé de mécanisme efficace pour communiquer ces renseignements. Il est difficile de donner aux agriculteurs un moyen permanent et efficace d'avoir leur mot à dire s'ils ne disposent pas de renseignements adéquats sur le rendement de la société.

Nombre des changements de politique au sein de la Commission canadienne du blé, comme par exemple la publication des «rendements attendus pour les périodes de mise en commun», et cetera, résultent directement des demandes de renseignements des producteurs. Bien que ces renseignements aident les agriculteurs à planifier leurs livraisons et à établir de meilleurs plans financiers, cela ne semble pas être suffisant pour obtenir le droit de se prononcer sur les opérations de la Commission canadienne du blé. L'actuelle préoccupation de nombre de cultivateurs est qu'ils n'ont aucun mot à dire directement, bien qu'ils soient tenus, en vertu de la loi, de livrer leur grain à la commission et d'utiliser les services de commercialisation de celle-ci. Cela pourrait déboucher sur une situation où les parties prenantes, qui, autrement, seraient de fervents défenseurs des objectifs et des activités de la CCB, voudraient se retirer du système. En fait, c'est ce que nous constatons. La question d'avoir «voix au chapitre» ou d'exercer un contrôle direct est, partant, essentielle au fonctionnement de la commission du blé.

Je pense qu'il serait utile d'examiner d'autres aspects de l'agriculture, comme par exemple la gestion de l'offre pour les produits laitiers et le poulet. Dans ces cas, les agriculteurs exercent beaucoup de contrôle sur la commercialisation et ont un accès direct, et il est très intéressant de constater que les agriculteurs qui font partie de tels systèmes les appuient énergiquement. L'une des raisons à cela, je pense, est que les agriculteurs peuvent se prononcer directement sur le fonctionnement de ces organisations.

De la même façon, si vous prenez des coopératives comme le Manitoba Pool, le Saskatchewan Pool et l'Alberta Pool, elles ont toutes un système complexe de délégation qui fournit et distribue des renseignements à la communauté agricole. Je pense que la Commission canadienne du blé a besoin d'un système de gestion contrôlé par les cultivateurs.

Au bout de quelque temps, les agriculteurs choisiront peut-être d'élire tous les membres du conseil d'administration, y compris le PDG, mais il faudra attendre assez longtemps pour voir cela, et si cela devait arriver, il faudrait alors négocier un nouvel arrangement avec le gouvernement fédéral car celui-ci ne voudrait pas prendre les risques financiers et n'avoir aucun mot à dire. Mais une telle décision n'est pas pour tout de suite. Je pense qu'il nous faut prendre le premier pas et mettre en place ce conseil d'administration élu.

La deuxième question dont j'aimerais traiter, sénateurs, est la notion des options de prix. J'ai déposé auprès du Sénat un rapport sur les primes obtenues par la Commission canadienne du blé. J'ai également déposé un rapport que nous avons produit sur les options de prix, la façon dont elles pourraient fonctionner et leurs avantages et inconvénients.

Cette deuxième question est celle de la flexibilité en ce qui concerne les options de prix mises à la disposition des agriculteurs en vertu du projet de loi C-4. Si l'on va autoriser les agriculteurs à contrôler leurs institutions de commercialisation, ils devraient avoir la marge de manoeuvre nécessaire pour apporter les changements qu'ils jugent appropriés. Le projet de loi C-4 autorise la Commission canadienne du blé à établir de nouvelles options de prix si elle estime que ces options seraient utiles. Nous en avons examiné certaines et avons constaté que, comme prévu, elles touchent les agriculteurs de façons très différentes.

L'un des changements survenus chez les cultivateurs est la diversité accrue de leurs activités. Certains agriculteurs pensent qu'ils pourraient utiliser des instruments financiers qui sont disponibles sur le marché mais qui ne leur sont à l'heure actuelle pas accessibles par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé, comme par exemple des options et des contrats à terme. Ce genre de flexibilité sur le plan des prix permettra au fil du temps de mettre ces options à la disposition des cultivateurs.

La multiplication des options en matière de prix n'est pas une panacée et la Commission canadienne du blé n'est pas tenue d'y recourir, mais elle a le choix d'utiliser celles qui seraient utiles aux agriculteurs tout en maintenant l'intégrité de l'avantage de vente qu'offre le guichet unique. Je pense que c'est là l'élément clé. Nous pouvons apporter des changements à la façon dont fonctionne la commission du blé, mais la clé est le maintien de cet avantage du comptoir de vente unique, car c'est grâce à cela que la bonification est possible.

Il y a d'autres changements prévus au projet de loi C-4 qui augmentent l'élément souplesse, mais je n'ai pas le temps de les énumérer ici.

En conclusion, sénateurs, les changements à la Loi sur la Commission canadienne du blé ne sont pas parfaits. Le gouvernement a choisi la bonne voie et devrait être encouragé à la poursuivre. Le secteur des grains vit une période de changement et nous ne pouvons pas prédire quelles pourraient être les ramifications d'une modification ou d'une autre. Il nous faut cependant entamer le processus et pousser plus loin.

Mesdames et messieurs les sénateurs, ma suggestion serait que vous recommandiez qu'il y ait un examen officiel des changements au bout de trois à cinq ans. Cela offrirait à tous les producteurs une autre possibilité de faire état de leurs besoins en matière de commercialisation, une fois qu'on sera mieux renseigné sur la façon dont évoluent les processus de la commercialisation, du transport et de la manutention du grain, pour ne citer que quelques exemples.

Le sénateur Andreychuk: Cela m'a fait plaisir que vous ayez consacré une partie de votre présentation à la question de la confidentialité au sein de la Commission canadienne du blé. Vous avez évoqué certaines des questions qui sont aujourd'hui sujettes à davantage de vérifications, et je pense que vous avez souligné, à juste titre, que la Commission canadienne du blé a travaillé pendant trop longtemps toutes portes fermées.

J'aimerais vous demander si vous pensez que les modifications proposées dans le projet de loi sont suffisantes pour rétablir la confiance des gens, ou bien sommes-nous allés trop loin?

Pour vous donner un peu de temps pour y réfléchir, permettez-moi de dire que je pense que la commission du blé aurait pu s'ouvrir un peu; il y a toutes sortes de choses, toutes sortes de renseignements qu'elle aurait pu fournir mais qu'elle a cachés, disant que cela devait demeurer confidentiel. Je pense qu'elle a trop souvent, lorsque cela n'était pas nécessaire, invoqué le principe du respect du caractère confidentiel. Vu que cela a sapé la confiance des gens, pensez-vous que les changements prévus au projet de loi C-4 sont suffisants pour rétablir cette confiance ou bien y a-t-il d'autres changements qui pourraient être ajoutés au projet de loi C-4 en vue de rétablir cette confiance?

M. Furtan: Merci, madame le sénateur. Je suis d'accord avec vous sur votre notion de base que la Commission canadienne du blé a peut-être travaillé de façon trop confidentielle. Je ne pense pas qu'elle ait su comment diffuser ces renseignements.

Je vais vous donner un rapide petit exemple. J'ai entendu de nombreux agriculteurs dire que la Commission canadienne du blé n'est pas vérifiée. Cela n'est pas vrai. Chaque année, le cabinet Deloitte and Touche vérifie ses comptes. Il existe un rapport de vérification. Le cabinet épluche ses livres, les vérifie. Je pense que la question est que les cultivateurs eux-mêmes doivent accéder à ces renseignements et les ramener à leur communauté.

Si nous lançons ce processus, cela pourrait fonctionner, mais nous ne savons pas comment les changements politiques qui s'annoncent pour notre secteur agricole, pour le secteur céréalier, vont fonctionner, et c'est pourquoi j'appuie l'idée d'un conseil d'administration élu, car c'est un début de contrôle exercé par les cultivateurs eux-mêmes. Je pense que la seule façon de rétablir la confiance de quelqu'un à l'égard de quelque chose est de lui accorder un droit de regard direct. C'est le bon point de départ. Il est tout simplement dommage que cela n'ait pas été entrepris plus tôt.

Le sénateur Andreychuk: Ma question suivante est celle de savoir si vous êtes au courant de la situation en Ontario?

M. Furtan: Oui, je le suis.

Le sénateur Andreychuk: Et les deux choses qui semblent fonctionner ensemble sont que les cultivateurs qui seront élus ne contrôleront toujours pas l'embauche et le renvoi du PDG, ce qui est une technique de gestion très peu habituelle. D'autre part, comment la confiance peut-elle être rétablie dans l'Ouest du Canada lorsqu'en Ontario les cultivateurs auront davantage de marge de manoeuvre?

M. Furtan: Je pense que la composition du conseil d'administration -- les cinq versus les dix, et le PDG -- relève d'une question de jugement politique sur le contrôle que le gouvernement pense devoir exercer en vue de protéger ses intérêts financiers, versus le contrôle que devraient exercer les cultivateurs. C'est là le point d'équilibre qu'a choisi le ministre. Quant à dire si c'est le bon ou le mauvais, je ne sais pas. Je pense que cela évoluera dans le temps. Je pense que c'est un point de départ. Personnellement, je me demande: «Pourquoi ne pas avoir un PDG nommé par le conseil d'administration?», mais j'imagine que c'est là l'équilibre qu'ils ont choisi.

En ce qui concerne l'office de l'Ontario, je pense qu'il est vrai que ce sont des cultivateurs qui en sont responsables et ils commencent à apporter des changements par le biais d'un délégué ou d'un groupe élu. C'est là la bonne façon d'apporter des changements à ce genre de politique publique. La leçon à tirer de l'expérience ontarienne, ou la question à poser est la suivante: est-ce la bonne chose pour l'Ouest? Je ne sais pas, mais ce devrait être des cultivateurs élus qui prennent cette décision.

Le sénateur Taylor: Vous dites que le transport, la manutention et la commercialisation du grain devraient être privatisés, en d'autres termes, les détenteurs des capitaux auraient plus de compétitivité et un meilleur processus. Vous avez également mentionné des options de prix pour les cultivateurs, et dans le projet de loi il est question du droit de changer les périodes de mise en commun. Cependant, un ou deux témoins nous ont dit hier que si l'on devait changer les périodes de mise en commun, cela imposerait un trop lourd fardeau à notre régime de transport; en d'autres termes, ce ne serait pas efficace.

Avez-vous fait du travail pour voir s'il serait possible de coordonner des périodes de mise en commun variables avec un système de livraison qui n'est déjà pas le plus efficient au monde?

M. Furtan: Pour répondre à votre première question, sénateur, lorsque j'ai parlé du transport et de la manutention, c'était pour dire que nous pourrions opter pour un système entièrement axé sur le marché. Mais le résultat serait alors différent, et c'est une question de politique publique qu'il vous faudra trancher.

Pour ce qui est du deuxième point, oui, cela figure dans le rapport sur les options de prix que j'ai déposé. Nous nous sommes en effet penchés sur la question du raccourcissement de la période de mise en commun et des avantages et des coûts que cela engendrerait, alors cela y figure donc.

Vous pourriez concevoir un système qui permettrait d'avoir de courtes périodes de mise en commun -- qui permettraient aux agriculteurs d'encaisser. Il y a à cela certains avantages et certains coûts, cependant, et il faudrait que le conseil d'administration élu soupèse tout cela pour voir si cela devrait ou non être prévu. L'on pourrait concevoir de tels systèmes, mais il y a là des coûts et des avantages.

Le sénateur Taylor: Et ce pourrait être compatible avec le système de transport?

M. Furtan: Oui.

Le sénateur Hays: Pourriez-vous nous parler un petit peu plus de la valeur, pour les producteurs, de la discrimination sur le plan des prix, et je veux parler ici de ce que des marchands de grain ou des sociétés commerciales tenteraient peut-être, avec ou sans succès, de faire.

Je vais vous poser une deuxième question au sujet du conseil et qui découle de la question du sénateur Andreychuk. Êtes-vous favorable à la nomination à titre amovible du président et de quatre membres du conseil d'administration, sur un total de 15, y compris le PDG, ou bien pensez-vous que le PDG devrait jouir d'un peu plus de sécurité en ce qui concerne son poste? Serait-ce là une bonne chose et serait-il bon que le ministre et que le conseil d'administration s'entendent sur la personne qui devrait exercer ces fonctions?

M. Furtan: Pour ce qui est de la question sur la discrimination en matière de prix, l'argument en faveur des monopoles est que les monopoles demandent toujours des prix supérieurs. Je pense que la plupart des gens s'entendraient là-dessus. La Commission canadienne du blé n'est pas une exception. Elle obtient un prix supérieur à cause de la discrimination sur le plan prix entre acheteurs. Les Japonais ont des revenus très élevés. Ils aiment la régularité de la qualité du grain qu'ils obtiennent de l'Ouest du Canada et ils sont prêts à payer pour être certains d'avoir chaque année la quantité voulue.

Vous pouvez aller dans un marché comme l'Indonésie -- l'Indonésie est loin d'avoir autant d'argent -- et les gens là-bas ne paieront pas autant car ils peuvent prendre du grain américain ou argentin. Si vous prenez le blé RPOC numéro un, les Japonais paieront plus cher que les Indonésiens.

Si vous avez un marché ouvert pour cela et si nous sommes dans la course, je veux vendre aux Japonais et vous aussi; nous tous voulons vendre aux Japonais. Ce qui se passe c'est que nous nous battrons entre nous jusqu'à soumissionner au prix indonésien. Peu importe pour nous qui est le consommateur. C'est ainsi que fonctionne un marché concurrentiel et c'est pourquoi dans tout régime concurrentiel, ce sont les consommateurs qui en bénéficient, car cette concurrence va ramener le prix au niveau de celui qu'est prêt à payer le client le moins riche, à condition que l'offre soit là.

L'avantage de la commission est que parce qu'il n'y a pas d'arbitrage entre l'Indonésie et le Japon, les Japonais paient des prix sensiblement supérieurs pour exactement le même grain, exactement le même jour, que les Indonésiens. C'est à cela qu'est attribuable la bonification, et c'est un élément fondamental du système de vente par guichet unique. Sans cela, le prix serait ramené au minimum.

Songez à la guerre commerciale que nous avons vécue de 1985 à 1993, et au cours de laquelle les Américains versaient des subventions en vertu de l'Export Enhancement Program pour stimuler l'exportation de blé sur certains marchés. Si vous regardez les données, vous verrez que la Commission canadienne du blé s'est retirée de ces marchés parce que le prix était trop bas. S'il y avait eu un marché concurrentiel, cela n'aurait eu aucune importance et ils auraient tout simplement répercuté ce prix sur les cultivateurs et on aurait gagné côté volume. L'exercice de discrimination en matière de prix débouche sur des prix supérieurs, mais il faut avoir un pouvoir de monopole pour faire cela.

En ce qui concerne la deuxième question, celle de l'élection du conseil d'administration et du PDG, encore une fois, je ne sais pas combien de pouvoirs le ministère des Finances pense devoir avoir pour intervenir et garantir ces prix initiaux. Je ne peux donc pas vous fournir de réponse claire à votre question car je ne dispose pas de ces renseignements, mais je pense qu'au fil du temps, les cultivateurs voudront exercer de plus en plus de contrôle sur le choix du PDG et il leur faudra décider s'ils sont ou non prêts à céder un peu du côté garantie des prix pour pouvoir exercer ce contrôle accru. Quoi qu'il en soit, je pense que c'est une décision qui évoluera dans le temps et ce que nous faisons maintenant c'est lancer le processus, et c'est là la chose à faire.

Le sénateur Stratton: Merci, professeur. C'est là l'une des meilleures explications du système de vente par guichet unique que j'aie entendues jusqu'ici.

Quant à la question du PDG, j'imagine que l'on parle vraiment de confiance à l'égard de la commission du blé, ce à quoi a fait allusion le sénateur Andreychuk. C'est pourquoi je pense que nous examinions le potentiel. Si le ministre et les membres élus du conseil d'administration s'entendaient sur le choix du PDG, alors cela suffirait déjà pour rehausser tout de suite le niveau de confiance des gens. Pensez-vous que cela soit possible?

M. Furtan: Je pense que plus les cultivateurs pourront exercer d'influence plus ils feront confiance au système et plus vite ils se sentiront confiants. Si le ministre est prêt à faire cela, je pense que cela pourrait rétablir un certain niveau de confiance.

Le sénateur Stratton: Vous dites que 80 p. 100 du grain est toujours vendu d'État à État, c'est bien cela?

M. Furtan: Oui, pour ce qui est du blé.

Le sénateur Stratton: Même dans le monde d'aujourd'hui, en dépit du fait que l'URSS ne soit plus...

M. Furtan: Oh, oui. Dans tous les cas où les Américains recourent au Export Enhancement Program, ils font appel à la Commodity Credit Corporation. Les États-Unis sont, en fait, un pays marchand. Tout ce qui sort de l'Europe est touché par le rétablissement des exportations; le gouvernement intervient. Le Canada intervient, l'Australie intervient. Il y a donc quatre gros exportateurs. Le seul pour lequel le gouvernement n'intervient parfois pas directement est les États-Unis, mais c'est le cas pour tous les autres.

Si vous prenez les principaux importateurs, soit l'Indonésie, le Japon, l'Iran, l'Afrique du Nord, il s'agit dans tous les cas d'États importateurs, alors c'est un État face à un autre... c'est toujours très largement du commerce d'État à État.

Le sénateur Fairbairn: L'une des questions que nous entendons évoquer avec force énergie ces derniers jours est celle du commerce transfrontalier avec les États-Unis, et il semble qu'il y ait un énorme désir de jouer sur les deux tableaux, de pouvoir avoir accès aux marchés du monde entier mais également de pouvoir prendre des décisions individuelles en ce qui concerne le commerce transfrontalier entre les États-Unis et les parties méridionales des provinces des Prairies.

Pourriez-vous nous dire quel serait l'effet ultime sur la valeur de ce commerce transfrontalier si la commission du blé devait être réorganisée de façon à autoriser cela?

M. Furtan: Si elle optait, en gros, pour un marché de type continental à l'intérieur duquel le cultivateur pourrait franchir les frontières?

Le sénateur Fairbairn: Oui.

M. Furtan: Je suppose que la première chose qui se produirait est qu'il y aurait un certain mouvement de blé dur sur le marché américain. Il faudrait ensuite se pencher sur le coût d'éléments comme, par exemple, le transport. Les frais de transport dans le Montana sont très élevés comparativement à ceux au Canada. Je pense qu'au fil du temps la capacité de la commission du blé de garantir l'approvisionnement serait diminuée et c'est là que cela ferait mal.

La Commission canadienne du blé, techniquement parlant, a ce que nous appellerions une position longue ouverte. Une fois que le cultivateur a récolté son grain, on a une idée de la qualité et de la quantité. Les plans de vente peuvent alors être mis en place et l'on sait combien veulent ces marchés. On peut alors partir négocier et essayer d'obtenir le prix le plus élevé possible, et il y a discrimination contre ces marchés.

Si cela était perdu, de telle sorte que la Commission canadienne du blé ne saurait plus très exactement combien de blé dur, de blé ou d'orge brassicole elle peut offrir aux marchés, alors elle ne pourrait pas aussi bien négocier car les acheteurs, techniquement, pourraient obtenir ce même grain d'une autre façon; ils pourraient aller aux États-Unis et l'obtenir par ce biais.

Alors au fil du temps, la bonification obtenue par la Commission canadienne du blé rétrécirait. C'est pourquoi la question des frontières est importante. Il est certain que le grain qui passerait par les États-Unis -- en tout cas c'est ce à quoi l'on pourrait s'attendre -- viendrait de régions situées très près des États-Unis. Certains de ces cultivateurs qui sont tout près des États-Unis pourraient négocier de meilleurs arrangements. Je ne dis pas le contraire. Mais, en moyenne, ce ne serait pas le cas des cultivateurs canadiens, car, bien évidemment, nous ne pouvons pas faire passer tout notre grain par là. Il nous faudrait toujours vendre notre grain autrement et, par le biais de ce processus, la commission du blé aurait perdu l'avantage dont elle jouit en tant que guichet de vente unique. Cela nuirait donc à l'industrie dans son ensemble, mais il est vrai que certains cultivateurs pourraient en bénéficier.

Le sénateur Whelan: Je suis préoccupé par ce que vous avez dit au sujet du grain et de sa classification. Un type du comité consultatif est venu nous dire que le propriétaire de l'un des plus gros moulins au monde, un homme d'Indonésie, n'achèterait jamais aux États-Unis. Si la commission du blé était démantelée, il achèterait son grain auprès de l'Australian Wheat Board, car il aime avoir un approvisionnement continu et une qualité élevée.

Il m'a semblé vous entendre dire qu'ils auraient dû offrir ce prix plus bas en Indonésie, qu'il faut s'aligner sur le plus bas prix avec du grain de faible qualité.

Ma dernière observation est la suivante: vous êtes professeur d'université et des milliards de dollars passent par l'université. Avez-vous un conseil d'administration élu qui régit ce que vous faites?

M. Furtan: Nous avons un mélange. Les membres du conseil d'administration sont nommés. Le gouvernement nomme certaines des personnes et nous avons des groupes représentatifs de parties prenantes qui en nomment de leur côté. Le Sénat, qui est élu par l'assemblée, nomme des gens.

Je pense que ce que vous essayez de dire c'est ceci: pourquoi ne pas avoir là un conseil d'administration élu et, dans un rapport antérieur, sénateur, j'ai établi des parallèles et j'ai laissé entendre que les universités connaissent le même problème. Elles n'écoutent pas suffisamment les parties prenantes, et la question est la même.

En ce qui concerne l'Indonésie, je voulais tout simplement dire que les Indonésiens ne paieront pas autant pour du blé canadien de qualité élevée que les Japonais.

Le sénateur Whelan: Mais pourquoi devrions-nous baisser notre prix pour eux?

M. Furtan: Parce que nous ne pouvons pas tout vendre aux Japonais. Nous vendons autant que nous pouvons aux Japonais pour obtenir auprès d'eux un rendement maximal, puis nous passons au marché suivant pour tenter d'obtenir le maximum là-bas, et ainsi de suite, tout cela avec la même qualité de grain. C'est ce que fait la commission du blé, et sans un monopole, ce ne serait pas possible.

Le sénateur Whelan: Non, je le sais.

M. Furtan: C'est pourquoi j'appuie le système de vente à guichet unique.

Le président: Merci, professeur Furtan. Nous vous sommes reconnaissants d'être venu comparaître ce matin et nous vous remercions de nous avoir si bien renseignés.

Le témoin suivant est Mervin Lloyd. Allez-y, je vous prie, monsieur Lloyd.

M. Mervin Lloyd, président, Concerned Farmers Saving the Wheat Board: Bonjour, mesdames et messieurs. Nous vous sommes reconnaissants de l'occasion qui nous est ici donnée de présenter nos vues aux sénateurs. Je vais maintenant céder la parole à Marvin White, ici présent, qui vous résumera notre mémoire écrit. George Siemens, assis à mes côtés, est ici pour nous aider à répondre à vos questions et pour veiller à ce que le jeune Marvin et le vieux Merv se débrouillent pour dire ce qu'ils comptent dire.

Une fois que Marvin aura lu sa brève introduction, ou en tout cas le résumé de notre mémoire, j'aimerais, à la demande d'un groupe d'agriculteurs, vous dire quelques mots, tout à la fin, au sujet de la frustration des cultivateurs.

M. Marvin White: Bonjour, mesdames et messieurs. J'aimerais, mois aussi, vous remercier de nous avoir donné l'occasion de comparaître ici devant vous. Nous siégeons devant vous en notre seule qualité de cultivateurs, alors nous vous demandons de garder cela à l'esprit pendant que nous essaierons de nous débrouiller dans tout cela.

Notre groupe, les Saskatchewan Concerned Farmers Saving the Wheat Board, est un groupe d'agriculteurs du centre-ouest de la Saskatchewan qui, nous pensons, représente la grande majorité des agriculteurs qui ne se font pas entendre relativement aux questions liées à la Commission canadienne du blé.

Nous nous sommes organisés au départ en juillet 1996, à une époque où il était devenu apparent que les défenseurs du système de vente à guichet unique et de la mise en commun des prix avaient besoin d'un moyen pour manifester leur appui à la Commission canadienne du blé.

Nous pensons que la Commission canadienne du blé a fait un travail très louable pour commercialiser notre grain sur le marché mondial. Plus important encore, nous estimons que le système de vente à guichet unique et que la mise en commun des prix par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé constituent le meilleur moyen de vendre nos céréales dans le futur.

En tant que cultivateurs, nous avons vécu des changements considérables et nous continuons de composer avec des changements dans tous les aspects de nos activités agricoles. C'est pourquoi nous reconnaissons que des changements doivent être apportés à la commission du blé.

Les changements proposés au projet de loi C-4 permettront essentiellement au conseil d'administration élu de gérer la Commission canadienne du blé d'une façon qui satisfasse voire même qui dépasse nos besoins et ceux de la quasi-totalité des producteurs de céréales dans les régions désignées.

Suite à de nombreuses années de discussions, d'études, d'audiences, de consultations et d'examens législatifs, nous pensons que le moment est venu de donner force de loi au projet de loi C-4 et de permettre aux cultivateurs, en partenariat avec la commission du blé, de s'occuper de produire et de vendre du blé, du blé dur et de l'orge. Il est apparent que, quoi que l'on fasse ou que l'on ne fasse pas, il ne sera jamais possible de plaire à tout le monde. Partant, le moment est selon nous venu de reconnaître que le projet de loi C-4 est un point de départ qui nous permettra à tous de progresser. Le règlement de cette question est important pour les cultivateurs, pour la commission du blé et pour tout le Canada.

Il y a plusieurs questions précises relatives au projet de loi C-4 dont nous allons traiter brièvement et nous pourrons peut-être y revenir de façon plus détaillée lors de la période de questions.

Nous appuyons le concept d'un conseil d'administration dont la majorité serait élue par des cultivateurs; cependant, nous pensons qu'il est très important que le processus d'élection soit tel qu'il garantisse l'équité aux cultivateurs. L'actuel processus d'élection pourrait être tel que les cultivateurs auraient des possibilités raisonnables d'apprendre à connaître les candidats et leurs opinions. Le processus devrait également prévoir des limites sur la capacité des non-cultivateurs d'influer sur le résultat des élections. Bien sûr, nous appuyons la position voulant que seuls des agriculteurs en bonne et due forme soient admissibles pour se porter candidats ou pour voter lorsqu'il s'agit de postes qui seront comblés par suite d'élections tenues parmi les agriculteurs.

Nous sommes également favorables aux clauses d'inclusion et d'exclusion contenues dans le projet de loi C-4. Étant donné que nous devons continuer de composer avec des changements dans tous les aspects de nos activités, il nous faudra peut-être avoir le droit d'apporter des changements à la façon dont nous commercialisons différents grains. Cette clause garantit aux agriculteurs -- et je pense que cela est important, qu'il s'agisse d'agriculteurs -- la capacité démocratique de déterminer quels grains seront à l'avenir commercialisés par la Commission canadienne du blé.

L'incertitude relative au fonds de réserve est telle qu'il est difficile pour nous de nous prononcer sur cette proposition contenue dans le projet de loi C-4. Cependant, nous sommes d'avis que si les cultivateurs vont contribuer au fonds, ils devraient s'attendre à en retirer des avantages. Par ailleurs, nous croyons que le fonds initial devrait être créé par le gouvernement du Canada, que ce soit en tout ou en partie. Une fois établi, le fonds de réserve ne devrait pas être utilisé pendant plusieurs voire de nombreuses années. Si le fonds est financé en tout ou en partie par le gouvernement, cela voudra dire que les cultivateurs d'aujourd'hui ne vont pas bénéficier aux cultivateurs de demain.

Nous croyons que si le gouvernement va conserver le pouvoir de nommer le tiers des membres du conseil d'administration et les cadres supérieurs de la commission du blé, alors le gouvernement du Canada devrait demeurer largement responsable de la couverture des risques liés aux augmentations du prix initial et aux frais d'exploitation.

Le dernier aspect du projet de loi C-4 sur lequel nous voulons nous prononcer est la souplesse accrue prévue relativement aux périodes de mise en commun et aux achats de grain. Nous convenons que le marché actuel exige et la souplesse et la capacité d'intervenir rapidement à l'occasion. En conséquence, nous appuyons l'idée d'offrir à la commission du blé la possibilité d'utiliser ces pouvoirs accrus pour viser ces petits marchés créneaux voire les marchés temporaires qui pourraient surgir et au Canada et à l'étranger.

Comme c'est le cas pour de nombreux autres aspects des changements proposés à la Commission canadienne du blé, nous sommes, en tant que groupe de cultivateurs, confiants qu'un conseil d'administration dûment élu prendra les bonnes décisions pour les cultivateurs. Nous croyons par ailleurs qu'une Commission canadienne du blé dirigée par un conseil d'administration élu par les cultivateurs fera beaucoup pour prouver à la grande majorité des agriculteurs que la vente par un comptoir unique et que la mise en commun des prix sont la meilleure et la seule façon de vendre le blé, le blé dur et l'orge du Canada. Je vous remercie encore de m'avoir donné l'occasion de comparaître ici devant vous.

M. Lloyd: Il me revient une tâche plutôt difficile. Nous avons tenu une réunion dans notre coin après avoir appris que nous allions avoir l'occasion de vous rencontrer. Lors de cette réunion, nous avons posé la question suivante aux gens: «Qu'aimeriez-vous que nous disions en votre nom? Si vous pouviez être là, que diriez-vous à ces gens?» En gros, la réponse a été: «Bon sang, comme nous sommes frustrés». Une personne bondissait pour raconter une histoire, puis il y en avait une autre, et une autre encore et les histoires pleuvaient de partout. On m'a demandé d'essayer de vous en raconter quelques-unes.

Je vais me limiter à deux domaines. Un sujet de frustration est le temps que demande le processus. Il y a longtemps, il y a des mois ou des années, les cultivateurs ont décidé qu'il était en effet temps que la Commission canadienne du blé change et se modernise; qu'il était temps de la mettre à jour et de faire en sorte qu'elle fonctionne mieux pour nous. N'oublions pas qu'elle travaille pour les cultivateurs; c'est là son objet.

Mais il semble que le processus demande longtemps et au fur et à mesure que cela s'étire, les ennemis de la commission s'y attaquent de tous côtés et tentent de la déchiqueter. Ils utilisent des formules et présentent comme étant des faits des choses tout à fait inimaginables et cela est extrêmement frustrant pour les cultivateurs. Nous ne disposons en réalité d'aucun moyen de défendre notre commission contre cela.

Une autre question parmi les nombreuses qui les frustrent est celle des gens qui prétendent ou qui déclarent parler pour le compte des cultivateurs. Ces derniers trouvent cela extrêmement frustrant.

Lorsque nous autres cultivateurs entendons ces gens-là parler, nous voyons un chapeau sur leur tête et celui-ci ne cesse de changer de couleur et de logo. Il représente tantôt une banque, tantôt une bourse de marchandise, tantôt une grosse société céréalière internationale. Il représente toutes sortes d'intérêts financiers et autres.

Nous voyons également des poches, des poches énormes, à côté des intervenants, poches qui s'étirent plus loin que leurs bras et qui traînent derrière eux, à l'extérieur de la porte et dans la rue, traversant le pays jusqu'à des villes comme Calgary, Vancouver, Toronto, Montréal, Ottawa et même au-delà de la frontière, jusqu'à des endroits comme Minneapolis, Chicago, New York, Washington, pour repartir de là dans toutes sortes d'autres directions.

En votre qualité de gens d'expérience, de politiciens chevronnés du Canada, nous sommes heureux que vous soyez ici et que vous soyez en mesure de reconnaître ce que nous nous reconnaissons si facilement. Nous osons espérer que vous jugerez bon à votre retour à Ottawa d'adopter le projet de loi C-4, de lui donner force de loi et de nous laisser poursuivre notre travail, soit la culture et la vente du meilleur blé, du meilleur blé dur et de la meilleure orge au monde.

Nous aurons alors une autre tâche pour vous. J'ai assisté l'autre jour à une réunion au cours de laquelle on a discuté de la rationalisation du système de manutention du grain. Les cultivateurs sont aujourd'hui terriblement frustrés et craintifs. La discussion au sujet de la commission du blé crée un écran qui cache une chose terrible. Toute notre infrastructure est en train d'être détruite et tournée sans dessus-dessous sans consultation aucune auprès de nous. Il faudrait peut-être que vous veniez nous aider à nous occuper de cela.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: Une petite question du président, si vous le voulez bien. N'y a-t-il pas beaucoup de frustration parce que les cultivateurs ne peuvent pas survivre avec du blé à 3 $?

M. Lloyd: Oui, c'est une partie du problème. Mais compte également pour une grosse partie du problème la façon dont la presse traite de la question. Nous autres cultivateurs avons l'impression qu'une grosse partie du processus démocratique du pays se déroule dans la presse au lieu de se dérouler là où il le faudrait.

Le sénateur Hays: J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet d'un processus juste ou d'un processus visant à assurer l'équité dans l'élection du conseil d'administration, tel que prévu dans la loi. Comme vous le savez, cela sera traité dans le détail dans des règlements, car le gouverneur en conseil est habilité à faire cela en vertu de la loi.

Je serais intéressé de savoir comment cela devrait selon vous se dérouler. Devrait-il s'agir d'un processus par voie de délégués ou bien d'une élection directe? Des zones géographiques doivent être déterminées en vertu de la loi. Devrait-il y avoir limitation des dépenses faites au titre de la campagne et transparence quant à la source des fonds? Veuillez, je vous prie, nous dire ce que vous en pensez.

M. George Siemens: En ce qui concerne l'élection des administrateurs, nous convenons que l'Ouest du pays est une grosse région géographique. Il sera très difficile pour les gens de partout dans la région de connaître les dix personnes qui les représentent. Au sein de notre organisation, nous pensons avoir le devoir et la responsabilité de tenir des réunions au cours desquelles les gens se présentent et expriment leurs opinions. Dans notre région, on tiendrait quatre ou cinq réunions du genre.

Notre région, celle du centre-ouest de la Saskatchewan, par exemple, est longue d'environ 200 milles et large de près de 100 milles, alors vous comprendrez qu'il est difficile de la parcourir pour expliquer aux cultivateurs pourquoi je veux siéger au conseil d'administration de la Commission canadienne du blé.

Nous pensons que c'est précisément pour cette raison qu'il faudrait imposer des limites quant au montant d'argent consacré à cela. Comme nous l'avons déjà dit, nous pensons que devraient être élus des agriculteurs en bonne et due forme, car ce sont eux qui vont payer et qui vont bénéficier du système. Mais je ne pense pas que nous ayons d'objection à ce que les cinq personnes proposées par le gouvernement siègent au conseil.

Je pense que les agriculteurs ont toujours accueilli les opinions sur notre secteur d'activité venant de personnes autres que des agriculteurs, car notre secteur ne se limite pas à la Saskatchewan, à l'Alberta ou au Manitoba; nous vendons un produit international. Il nous faut des gens qui aient différentes compétences pour nous aider, mais ce sera nous, la majorité, qui prendrons ces décisions.

Le sénateur Hays: En ce qui concerne les agriculteurs en bonne et due forme, est-ce que la définition à laquelle vous songez correspondrait aux détenteurs de carnets de livraison?

M. Siemens: Oui.

Le sénateur Fairbairn: J'aimerais dire en guise de préface que le sénateur Hays a plus ou moins posé la question que j'avais compté vous adresser, mais je vais néanmoins faire un bref commentaire.

Sauf le respect que je dois à tous les autres témoins que nous avons entendus, Marv est comme une bouffée d'air frais. Il n'est pas en train de dire que la pire solution possible serait que la majorité des membres du conseil soient élus ou que ces pauvres gars ou ces pauvres femmes qui vont être élus au conseil n'auront pas d'influence, qu'ils trembleront face au gouvernement. Marv est en train de dire que les cultivateurs qui pourraient être élus au conseil seraient des personnes qui parleraient au nom des cultivateurs et qui exprimeraient les avis de ceux-ci sur la meilleure façon de commercialiser leur grain.

Je viens de Lethbridge, en Alberta, qui est une ville entourée de cultivateurs et d'éleveurs. J'aurais bien du mal à m'imaginer un groupe de personnes plus vives et plus dynamiques et je m'attendrais à ce que cette campagne électorale soit l'une des plus inspirantes au pays sur le plan idées, flamme et désir de faire le travail.

Bravo à vous, Marv. La tenue d'une élection apportera à la Commission canadienne du blé des voix comme je sais qu'il en existe là-bas. Ces personnes parleront au nom des cultivateurs à l'intérieur de la salle, et non plus à l'extérieur.

M. Lloyd: Puis-je faire un bref commentaire? Vous pouvez être certains que si vous mettez en place ce processus pour nous, les cultivateurs éliront au conseil le bon genre de personnes et celles-ci se consacreront toutes à faire en sorte que la commission fonctionne au lieu de se défaire. Elles seront en mesure de parler au nom des cultivateurs avec qui elles resteront en contact et elles sauront ce que nous pensons car il s'agira de personnes qui seront en premier lieu agriculteurs.

M. Siemens: Monsieur le président, je pense, pour enchaîner là-dessus, qu'il nous faudra reconnaître que pour pouvoir communiquer avec les agriculteurs, étant donné la très vaste étendue dont il est question ici, il faudra prévoir des fonds pour que les gens puissent se promener et rencontrer les gens un peu partout dans la région. L'administrateur ne va pas tout simplement parler à deux ou trois personnes dans sa région puis se rendre à Winnipeg et tenir une réunion par mois ou autre. Il faudra qu'il sorte, qu'il aille rendre visite aux cultivateurs, alors ce sera plus qu'un travail de seulement deux ou trois jours par mois. Il faudra que la personne reste en contact avec ceux et celles qu'elle représente. Les choses changent de façon très dramatique sur les fermes. Ces jours-ci, les changements arrivent très vite. Je ne voudrais pas être trop brutal, mais je pense que bon nombre d'entre nous, agriculteurs, ne sont pas en mesure de tenir le rythme des changements qui surviennent. M. Lloyd a évoqué un changement lorsqu'il a parlé de la question du transport et de la manutention du grain. Il a bien fait de parler de ce problème, qui a déjà pris une certaine ampleur.

Le sénateur Whelan: Tout d'abord, j'aimerais me faire l'écho de ce qu'a dit le sénateur Fairbairn au sujet de votre présentation. En votre qualité de cultivateur, vous semblez vous inquiéter un petit peu de vos aptitudes, mais votre mémoire est l'un des meilleurs que nous ayons entendus.

Nous parlons d'élire des gens, et on a parlé tout à l'heure ici des offices de commercialisation du poulet et du travail qu'ils font dans le cadre du système de gestion de l'offre, et cetera. Tous les membres du conseil d'administration de la Commission canadienne du lait, qui s'inscrit dans l'un des plus anciens systèmes de gestion de l'offre, sont nommés par le gouvernement et il s'agit là d'un des systèmes les plus efficients. Je voulais tout simplement évoquer cela.

D'autre part, vous avez entendu le professeur ici présent parler de la commercialisation de notre grain, et j'ai eu quelques réserves lorsqu'il a dit que le grain de qualité élevée devrait être destiné à Singapour versus le grain de faible qualité. J'ai eu l'impression que les cultivateurs toucheraient moins.

J'ai voyagé un petit peu partout dans le monde et j'ai toujours apporté avec moi une petite bricole préparée par la commission du blé avec différents échantillons de grain. Vous pouvez la retourner et la déplier, et c'est comme si vous aviez deux choses différentes. Nos échantillons de grain étaient nettement supérieurs à ceux de la France, des États-Unis, de l'Argentine ou de l'Australie. Auriez-vous quelque chose à dire là-dessus?

M. Lloyd: Puis-je me limiter à réagir à la dernière partie seulement? Nous pensons que la Commission canadienne du blé fait un excellent travail de commercialisation de notre grain; nous lui faisons confiance et nous croyons en elle. Mais il y a quelque chose qui a changé ces derniers temps. Dans les années 60 et 70, la commission du blé avait l'habitude de résister un petit peu et d'essayer de forcer une augmentation des prix. Nous nous retrouvions avec des cours débordant de grain. La vieille grange, le poulailler et tout le reste étaient remplis parce qu'on essayait de maintenir un prix élevé et de ne vendre qu'aux marchés à prix fort.

À un moment donné, dans le courant des années 70, les cultivateurs ont réussi à faire passer le message que nous ne pourrions plus fonctionner de cette façon. Nous ne pouvions pas fonctionner avec un revenu nul; il nous fallait avoir de l'argent pour couvrir nos intrants et semer pour la campagne suivante. C'est pourquoi nous avons la commission du blé, qui est chargée de vendre tout notre grain, et pas juste une partie. Elle doit essayer de tirer le maximum de tous les marchés à prix élevé. J'ai entendu M. Furtan dire qu'il lui faut également accepter un petit peu moins à l'occasion, mais même là, elle en tire tout ce qu'elle peut. Il nous faut viser tous les marchés qu'il faut pour nous débarrasser de notre grain.

M. White: J'aimerais ajouter quelque chose ici. Je connais M. Furtan et ses opinions. Je pense que ce dont il voulait parler là c'était de la force d'un monopole. Si vous contrôler l'offre d'un produit donné, ce qui est le cas dans l'Ouest du Canada du blé et du blé dur de qualité élevée, vous pouvez exiger votre prix, mais seulement jusqu'au point où vos acheteurs commenceront à se rabattre sur autre chose. Ce n'est que sur certains marchés que vous pouvez ramasser de gros bénéfices ou une bonification, pour employer ce terme.

Je pense qu'il s'agit d'un rapport économique très très simple. Si vous démantelez le monopole de la Commission canadienne du blé -- si je peux citer ici un exemple -- comme cela a été fait avec SaskTel, et nous avons maintenant Sprint Canada et AT&T Canada... Qu'est-il advenu de nos tarifs pour les appels interurbains? Ils ont baissé. Le gouvernement américain a démantelé AT&T et qu'est-il arrivé à leurs tarifs pour l'interurbain? Ils ont reculé parce que le monopole ne pouvait plus obtenir son prix.

La seule personne qui bénéficie du démantèlement d'un monopole est l'acheteur. Dans le cas qui nous occupe ici, nous ne sommes pas l'acheteur, mais bien le vendeur, le fournisseur de grain. Alors pourquoi donc voudrais-je que tout un tas d'autres intermédiaires viennent ici se battre pour le même marché, vendant le même produit et se livrant concurrence entre eux? Idéalement, ce qu'il nous faut dans le monde -- et c'est un saut énorme -- c'est quelque chose d'équivalent à l'OPEP, mais qui s'occuperait de tout le blé dans le monde. Nous pourrions alors demander notre prix.

Le sénateur Whelan: C'était ma question suivante. Que pensez-vous des tactiques de l'OPEP qui amène des pénuries dans le marché pour pouvoir augmenter les prix?

M. White: Malheureusement, le problème avec la Commission canadienne du blé est que notre part du marché mondial en matière d'exportations est si petite que notre monopole avec la commission ne peut pas influer autant sur le prix qu'elle le pourrait si nous comptions, par exemple, pour 70 p. 100 du grain vendu dans le monde. Si c'était le cas, nous pourrions faire quelque chose.

M. Whelan: Mais, en réalité, vous avez l'Alberta et le Manitoba qui disent qu'ils veulent se retirer de la commission du blé. Êtes-vous en train de me dire que la Saskatchewan pourrait à elle seule, si les autres provinces se retirent, maintenir la commission du blé? J'ai présidé le comité chargé d'examiner la sécheresse, et le gros du blé cultivé en Saskatchewan pousse à moins de 100 milles de la frontière américaine.

M. Lloyd: Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que les cultivateurs de l'Alberta ou du Manitoba veulent se retirer de la Commission canadienne du blé. Cela n'est tout simplement pas vrai. Nous avons récemment tenu un vote sur une toute petite question, une question secondaire, notamment le marché de l'orge fourragère. Cela aurait peut-être été plus bénéfique pour certains en Alberta, comparativement au reste de la région. Mais quel a été le résultat du vote? Peut-être que le gouvernement de l'Alberta pense qu'il devrait se retirer, mais ce n'est pas le cas des cultivateurs albertains. Vous allez en entendre certains lorsque vous vous y rendrez, et je songe notamment à un groupe avec lequel nous nous sommes alignés. Vous serez surpris.

Le sénateur Whelan: Nous venons de les entendre au Manitoba.

M. White: Vous avez parlé de l'Alberta, et une grosse partie du problème ne concerne pas le blé, mais l'orge. Plus précisément, si vous prenez le prix qui est payé pour l'orge fourragère en Alberta, il est dans bien des cas, mais peut-être pas dans tous, supérieur au prix que paie la commission du blé. Vous parlez de deux questions différentes ici.

L'une des questions est que la commission du blé vend de l'orge fourragère partout dans le monde et au port pour beaucoup plus que ne paie l'Alberta Feed Lot. L'Alberta Feed Lot est concurrentiel à cause du fret mais non pas du prix de vente véritable. L'avantage de sa position et que nous n'avons pas à faire transporter le grain par CN ou CP jusqu'à la côte.

Je pense que certaines des choses qui sont proposées dans le projet de loi C-4 pourraient régler certains des problèmes particuliers à l'orge, comme par exemple les achats au comptant et autres choses du genre. Nous aurions peut-être pu éviter certaines choses comme tout le fiasco avec l'orge que nous avons vécu il y a quelques années. Nous aurions peut-être pu conserver le marché de l'orge au Japon que nous avons perdu.

Le sénateur Whelan: En ce qui concerne l'industrie des aliments pour animaux en Alberta, je peux vous dire que j'ai nourri des bovins pendant dix ans en Alberta parce que je n'aurais pas eu les moyens de les nourrir en Saskatchewan.

Le sénateur Andreychuk: J'aimerais, moi aussi, remercier nos invités pour leur exposé, mais je tiens également à ce qu'il figure au procès-verbal qu'en tant que membre du Sénat je respecte les opinions de tous les Canadiens qui ont comparu devant nous. Nous pouvons accorder un poids différent aux propos qui nous sont tenus; nous pouvons avoir nos propres opinions à leur sujet, mais je respecte le fait que dans notre pays les gens continuent de pouvoir venir et s'exprimer librement. Pour moi, toutes les présentations ont été utiles.

J'aimerais maintenant revenir sur un point que vous avez mentionné dans votre mémoire. Vous soulignez que vous aimez les arrangements flexibles en matière de périodes de mise en commun prévues dans le projet de loi C-4. Certains intervenants sont très inquiets à ce sujet. Par exemple, hier, le Saskatchewan Wheat Pool a dit craindre que cette souplesse mine l'effet d'un régime à comptoir de vente unique. J'aimerais savoir pourquoi vous pensez que cela viendrait renforcer le système de comptoir de vente unique.

M. Lloyd: Je vais laisser George répondre au gros de votre question, mais j'aimerais néanmoins faire un petit commentaire. Nous sommes confiants que les personnes que nous élirons disposeront des outils nécessaires pour prendre les décisions qui s'imposent. Beaucoup de gens tendent à oublier que le projet de loi contient des articles qui disent «peut» et d'autres articles qui disent «doit». Ce sont là des distinctions importantes à faire. Lorsqu'on lit «peut», cela veut dire que ce sera aux cultivateurs qu'il reviendra de décider; si ce serait à leur avantage, ils le feront, et dans le cas contraire, ils ne le feront pas. C'est pourquoi nous n'avons pas les mêmes craintes que certains.

M. Siemens: Je pense que la préoccupation que vous soulevez est très juste. Mais, d'un autre côté, nous convenons qu'il survient des moments dans le courant d'une période de 12 mois où un pays veut du grain tout de suite. Il y a des années, les pays achetaient trois mois à l'avance; aujourd'hui, ils n'achètent que ce dont ils ont besoin sur le moment. Si un pays se présente et veut de l'orge fourragère, par exemple, et s'il le veut livré dans les deux semaines, la commission du blé doit avoir la souplesse nécessaire pour aller à la ferme, si elle a acheté auprès d'elle ou si elle aimerait acheter auprès d'elle, pour y acheter l'orge directement. Je sais qu'il est bien connu que certaines ventes ont été perdues, et pour des prix bonifiés, parce que la commission n'avait pas la souplesse nécessaire pour faire cela.

Le sénateur Andreychuk: Certaines personnes qui croient beaucoup dans la commission du blé pensent que des changements s'imposent. Elles sont par exemple d'avis qu'il faudrait prévoir dans la loi un examen obligatoire au bout de trois ou cinq ans pour veiller à ce que ces changements s'opèrent, pour éviter qu'on ne continue d'attendre trop longtemps entre la décision et son exécution. C'est cette question du «doit» et du «peut». Il est très difficile de changer une loi, alors ce serait une bonne chose que cette loi prévoie des changements exécutoires. Appuieriez-vous quelque chose du genre dans la loi?

M. Siemens: Nous n'avons pas examiné cette question, monsieur le président, mais je suis pour ma part tout à fait en faveur de ce genre de théorie.

M. Lloyd: Moi aussi.

M. Siemens: Monsieur le président, j'aimerais tout simplement demander quelque chose au sujet de l'avant-dernière question qui traitait de l'orge fourragère et de l'Alberta. Je pense que dans de très très nombreux cas, l'industrie brassicole est première dans la queue pour obtenir le boisseau d'orge. Ce sont les parcs d'engraissement qui sont en deuxième place. Que cela laisse-t-il à la Commission canadienne du blé?

M. Lloyd: Cela la laisse en troisième place pour la marché international.

M. Siemens: Cela la laisse dans une position où elle prend ce qui n'a pas été vendu ni aux parcs d'engraissement ni à l'industrie brassicole. J'élève des bovins et je suis cultivateur. Dans de très nombreux cas, mais pas systématiquement, la commission du blé se retrouve avec ce dont ne veulent pas le secteur bovin et l'industrie brassicole.

Le sénateur Whelan: Et l'on pourrait dire que cela va augmenter, si l'on considère ce qui se passe.

M. Siemens: Oui, je suis d'accord.

Le président: Je tiens à vous remercier d'avoir comparu ce matin. Nous apprécions votre intervention. Je vous remercie.

J'invite maintenant Nettie Wiebe, du Syndicat national des cultivateurs, à prendre place à la table.

Mme Nettie Wiebe, présidente, Syndicat national des cultivateurs: Bonjour et merci beaucoup de cette occasion de traiter avec vous de ce que nous, au Syndicat des cultivateurs, avons toujours considéré comme une question très importante. Je suis accompagnée du secrétaire exécutif du Syndicat national des cultivateurs, M. Darrin Qualman, qui répondra également aux questions, le cas échéant, avec votre permission.

Nous vous avons remis le texte de notre mémoire. Je ne vais pas en faire lecture. Je vais simplement le survoler et j'essaierai de le faire de manière ordonnée car, comme vous le savez, nous sommes partisans d'une démarche ordonnée, en ce qui concerne la mise en marché comme du reste. Nous allons donc passer cela en revue de manière ordonnée et serons ravis ensuite de répondre à vos questions.

Notre mémoire commence par une brève description de la Commission canadienne du blé sur laquelle je ne vais pas m'attarder car vous connaissez tous maintenant très bien cette institution. Je signale simplement que c'est un organisme d'assez grande envergure puisqu'il vend chaque année pour environ 6,1 milliards de dollars de blé et d'orge, ce qui en fait une institution financière très importante.

La commission du blé repose, comme nous continuons à le dire, sur trois piliers -- cela non plus n'est pas pour vous une révélation -- à savoir la vente à comptoir unique, la mise en commun du prix et le partenariat financier avec le gouvernement.

Je voudrais faire ressortir un avantage très important de la vente à guichet unique, à savoir que la commission du blé ne fait pas que vendre le grain pour notre compte, elle le commercialise. Je pense que c'est là une distinction que beaucoup de gens passent trop sous silence, s'agissant de céréales et de la vente de céréales. Fixer un prix pour le grain n'est pas commercialiser le grain et le développement des marchés représente tout un pan d'activités auxquelles se livrent aussi tous nos concurrents.

J'ai reçu encore ce matin sur mon bureau un magazine du secteur céréalier français où l'on explique très bien que chacun des grands pays exportateurs de céréales possède quelque institution s'occupant de développer les débouchés pour son grain. Dans notre cas, c'est la Commission canadienne du blé, aux États-Unis c'est la U.S. Wheat Associates qui est financée partiellement par le gouvernement fédéral américain.

J'insiste là-dessus car si nous n'avons plus la Commission canadienne du blé, ce volet développement des débouchés devra néanmoins être assuré par quelqu'un. Je doute un peu que le gouvernement fédéral sauterait dans la brèche pour financer cela. C'est donc l'un des avantages que la commission du blé nous confère.

Bien entendu, cette vente à guichet unique nous fait bénéficier de quantité d'analyses et d'informations sur le marché, ainsi que d'économies d'échelle, et c'est un élément auquel nous devrions tous réfléchir car tous nos concurrents sur le marché international jouissent évidemment aussi d'économies d'échelle. Les Cargills et ConAgras de ce monde sont si compétitifs parce qu'ils sont d'envergure si grande et plus ils sont gros, et plus ils deviennent compétitifs: c'est là la définition même de l'économie d'échelle. La Commission canadienne du blé nous confère cet avantage. Nous, en tant que producteurs individuels, savons parfaitement que nous n'aurions pas cet avantage assis devant notre petit ordinateur dans notre cuisine ou notre bureau, selon le cas.

La Commission canadienne du blé, avec sa vente à guichet unique, bien évidemment, jouit de la prévisibilité de l'approvisionnement et nous pensons, comme cela a été amplement démontré, qu'elle a beaucoup fait pour établir notre réputation de fournisseur fiable d'un produit de qualité. Il ne faut pas sous-estimer l'élément qualité. Même lorsqu'on cultive un blé de haute qualité, il n'est pas commercialisé comme blé de haute qualité et vendu à un prix correspondant par magie.

Je veux aussi parler de l'avantage que représente la mise en commun des prix. L'élément clé de cela, pour nous les agriculteurs, est que cela atténue ou étale le risque pour nous. C'est une stratégie de gestion du risque très efficace et de faible coût. Dans l'économie moderne, on nous parle interminablement de gestion du risque. Ceci est une très, très bonne stratégie de gestion du risque.

Le troisième pilier est le partenariat financier avec le gouvernement. C'est là un aspect très important, bien qu'il soit relégué en quelque sorte à l'arrière-plan et pas très souvent mis clairement en évidence aux yeux des cultivateurs. C'est pour nous un avantage très important que la Commission canadienne du blé puisse aller emprunter sur le marché international aux taux consentis aux États, qui sont beaucoup plus favorables. Cela nous fait économiser beaucoup d'argent. Vous savez que la commission nous paie le prix initial immédiatement et que l'acheteur, bien entendu, dispose de plus de temps pour payer. Nous serions très réticents à renoncer à cela. Cela nous fait économiser davantage, environ 60 millions de dollars par an, que le fonctionnement de la commission ne coûte dans une année normale. C'est donc un plus énorme, un partenariat qui, je me hâte de l'ajouter ici, ne coûte rien aux contribuables. Il me semble que c'est ainsi que les États devraient fonctionner; c'est ainsi que, collectivement, nous devrions pouvoir nous appuyer les uns les autres sans que, en l'occurrence, il n'en coûte rien au gouvernement du Canada.

Je tiens à vous faire savoir que les agriculteurs appuient très largement la Commission canadienne du blé. Chaque fois que nous avons mis à l'épreuve cette affirmation, nous pouvons dire sans équivoque que le «nombre croissant de cultivateurs» mécontents de la commission du blé dont font état les médias n'existe pas. On lit cette affirmation depuis au moins une demi-douzaine d'années; chaque article de presse dit «un nombre croissant». Si c'était vrai, ce nombre aurait dû croître depuis le temps au-delà du nombre d'agriculteurs qui existent. En réalité, ce «nombre croissant» reste une minorité et la vaste majorité a démontré, par tous les moyens légaux, qu'elle est en faveur de la vente à guichet unique par la Commission canadienne du blé.

Je voudrais simplement passer en revue certaines des façons dont je pense que les agriculteurs l'ont démontré. Vous savez très bien que lors des audiences publiques, ceux qui prennent la parole le plus, et l'ensemble des avis et opinions exprimés, ne sont pas nécessairement représentatifs de la majorité. Nous faisons de notre mieux pour être représentatifs mais c'est, à bien des égards, un exercice aléatoire en ce sens que certaines personnes peuvent venir, d'autres ne le peuvent pas, certains ont peur de comparaître devant des sénateurs éminents et préfèrent s'abstenir. Je vous rappelle aussi, et je parle d'expérience, que nous sommes dans la saison du vêlage, une saison où beaucoup d'agriculteurs qui cultivent des céréales et élèvent du bétail sont debout toute la nuit et très occupés par une partie ou une autre de leur exploitation.

J'insiste là-dessus car, comme je l'ai dit, chaque fois que nous avons réellement pris le pouls de la collectivité des agriculteurs à ce sujet, la vaste majorité s'est prononcée en faveur de la Commission canadienne du blé. Cela a été démontré à divers moments. Le vote sur l'orge, je pense, en a été une démonstration absolument cruciale. En mai 1997, lorsqu'il y a eu le vote postal sur la question de savoir si l'orge devait être commercialisée sur le marché libre ou par la Commission canadienne du blé, près des deux tiers des votants ont opté pour la Commission canadienne du blé, avec un taux de participation surprenant de 75 p. 100 qui, pour un vote postal, témoigne d'un intérêt intense pour la question.

Je vous fais remarquer que, dans l'expérience canadienne, une majorité de 50,6 p. 100 dans un référendum emporte la décision. Nous le savons tous; 63 p. 100, c'est une victoire écrasante et c'est ce que nous avons obtenu dans le vote sur l'orge. Cela me paraît une démonstration très claire, sans équivoque possible, de la position des agriculteurs. Je signale que nous n'avons pas eu la ventilation par province. Mais, selon nos calculs, tant en Alberta qu'au Manitoba, la majorité des agriculteurs ont voté en faveur de la vente à guichet unique, à moins que les résultats de la Saskatchewan aient été tellement aberrants que même ceux d'entre nous qui vivons en Saskatchewan aurions du mal à croire à une si bonne nouvelle.

Il est tout à fait clair que, sur l'ensemble de la région des Prairies, l'adhésion à la commission a été démontrée. Nous avons eu toute une série de rassemblements au cours de l'été 1996; nous avons eu des élections au comité consultatif de la Commission canadienne du blé, où dix élus sur 11 étaient des partisans déclarés de la vente à guichet unique.

Le ministre responsable de la commission du blé a été inondé de lettres. Lors des travaux du Groupe d'experts chargé d'étudier la commercialisation du grain de l'Ouest, les auditoires ont appuyé la commission du blé à une majorité écrasante, parfois presque à l'unanimité.

Je pense simplement que cet élément-là du puzzle n'est pas un casse-tête: les agriculteurs sont partisans de la commission du blé. Cela ne nous surprend pas parce que nous, les agriculteurs, avons l'esprit très pratique et que nous fondons nos opinions sur un très bon raisonnement économique. Nous sommes tous capables, bien entendu, de nous lancer dans des discours idéologiques et d'invoquer les grandes valeurs; mais dans ce cas précis, si nous faisons un raisonnement économique, si nous regardons les facteurs économiques autour des tables de cuisine de la plupart des exploitations agricoles, nous voyons très bien l'intérêt économique et nous adoptons à ce sujet un point de vue très pratique.

Vous avez entendu ce matin, crois-je savoir, le professeur Furtan et je suppose qu'il a fait état des résultats de l'étude Kraft-Furtan, à savoir que la Commission canadienne du blé nous fait gagner beaucoup d'argent chaque année.

De même, le rapport sur l'orge rédigé en 1997 par Schmitz, Gray et Storey, des économistes respectés, indique clairement, sur la foi de chiffres réels, ce que nous savons intuitivement à la table de cuisine, à savoir que la commission nous fait gagner de l'argent -- ce qui est prévisible si l'on songe que c'est là un excellent organisme de commercialisation qui vend pour notre compte et nous distribue les profits.

C'est la grande différence entre ces autres très grosses sociétés de négoce qui, elles aussi, bien entendu, font beaucoup de commercialisation. Les Cargills de ce monde commercialisent beaucoup de grain mais leur but n'est pas de distribuer aux cultivateurs le profit réalisé sur le marché international. Or, c'est la mission première de la Commission canadienne du blé et cela fait toute la différence, car nous retirons ainsi le revenu maximal de ces ventes.

Je ne m'attarderai pas sur ces rapports car je suis sûre que vous les avez tous étudiés et que d'autres intervenants en ont fait état, mais je veux vous signaler un tableau à la page 8 qui me paraît très instructif. Il est tiré du rapport du Groupe d'experts chargé d'étudier la commercialisation du grain de l'Ouest, à la page 52 de ce rapport, et montre clairement que, aux yeux de nos clients internationaux -- et après tout, ce sont eux qui nous intéressent... Ce tableau est très instructif pour ce qui est de ce que nos clients pensent. Nos clients pensent que le Canada est au premier rang du point de vue de la qualité, de la propreté, de la régularité de la qualité, du soutien technique, de la fiabilité à long terme de l'approvisionnement, de l'exécution des contrats et des politiques de service à la clientèle. C'est un excellent bulletin de notes.

Savez-vous où nous avons une mauvaise note? Nous avons misérablement échoué, nous sommes arrivés au dernier rang, pour ce qui est du niveau des prix. Nos clients ont déclaré que nous sommes les plus gourmands en ce qui concerne le prix. C'est là que réside leur mécontentement. Ils aimeraient bien avoir ce grain de haute qualité à meilleur prix.

Je peux vous le dire, en tant que producteur de grain, je suis très heureuse qu'ils aient à payer plus cher car, bien entendu, c'est de l'argent dans ma poche.

Une autre raison faisant que les agriculteurs sont clairement en faveur de la Commission canadienne du blé est que celle-ci nous offre un système de livraison juste et équitable, ce qui n'est pas un facteur négligeable dans notre système actuel. Vous entendrez sans doute exprimer des préoccupations au sujet de notre système de transport tout au long de vos audiences. Notre système de transport est manifestement mis à rude épreuve et un système ordonné est essentiel si nous voulons acheminer ne serait-ce que la moitié de notre récolte jusqu'au port dans les délais voulus.

Un mécanisme de livraison juste et ordonné est l'un des atouts de la Commission canadienne du blé, avec ses appels de contrats, avec ses analyses de marché, avec son savoir-faire et sa connaissance de l'offre et de la demande, des moments où les livraisons doivent être faites et des clients auxquels le grain peut être vendu; c'est un élément très important de l'équation et cela fait une différence pour les agriculteurs.

Nous sommes frustrés à l'extrême lorsque nous voyons, par exemple, comme nous l'avons vu récemment dans notre région, une trentaine de wagons d'avoine immobilisés sur une voie de garage. Le grain est dans le système, il est chargé dans les wagons, mais le navire n'est pas arrivé. C'est un problème d'information sur le marché, un manque de renseignements. Je ne pense pas que notre système puisse se le permettre.

Le président: Si je puis le faire remarquer au témoin, nous aimerions entendre vos vues sur le projet de loi C-4.

Mme Wiebe: J'ai considéré important de replacer les choses en perspective. Nous avons de graves préoccupations sur certaines dispositions du projet de loi. Permettez-moi de passer en revue ce que nous approuvons et ce qui nous trouble.

Nous avons réclamé et beaucoup insisté pour avoir une clause d'inclusion. Nous serions très déçus si, avec cette refonte de la Commission canadienne du blé, nous n'avions pas un mécanisme viable, équilibré et juste permettant aux producteurs, par un vote majoritaire, d'inclure d'autres grains dans le champ de compétence de la commission. La manière dont ce mécanisme est structuré dans le projet de loi C-4 ne nous satisfait pas entièrement, en ce sens que nous aimerions que les organisations d'agriculteurs généralistes, dont certaines représentent des organisations de bénévoles, par exemple davantage de producteurs de canola, soient représentées à titre bénévole. Nous aimerions avoir notre mot à dire en ce qui concerne le déclenchement de ce mécanisme.

Mais, dans l'ensemble, nous voulons un mécanisme pour inclure d'autres grains. Je sais qu'il y a des pressions, je sais que d'aucuns sont inquiets à l'idée que les agriculteurs aient un plus grand pouvoir de décision.

Je peux vous l'assurer, les agriculteurs ont le sens démocratique. Nous demandons seulement un mécanisme, comme celui prévu, qui permette à la démocratie de fonctionner, mais nous aimerions la possibilité de vendre quelques autres grains par le biais de notre organe de commercialisation, si c'est le voeu de la majorité. Nous sommes fortement partisans d'une clause d'inclusion dans le projet de loi.

Les achats au comptant nous inquiètent; nous craignons qu'ils sapent la mise en commun. Nous craignons qu'ils sapent aussi l'équité tant appréciée dont fait preuve la commission. En d'autres termes, nous craignons que si des achats au comptant ont lieu et que si le grain est mis en commun pour un prix plus élevé, ceux d'entre nous qui resteront dans le compte de mise en commun se sentiront lésés parce que d'autres auront eu l'avantage de la commercialisation par la commission et d'un meilleur prix. Nous sommes donc préoccupés par les effets d'ensemble sous-jacents de cela.

Évidemment, notre inquiétude est aussi que le gouvernement, en cessant de garantir les prix initiaux ajustés, mette fin à ce partenariat financier très précieux que nous avons avec lui, au sein de la Commission canadienne du blé.

Voilà donc certains des éléments de ce projet de loi sur lesquels nous voulons attirer l'attention.

J'attire votre attention sur l'annexe A du mémoire, où nous faisons une petite analyse du double circuit de commercialisation. Vous entendrez peut-être toutes sortes de choses merveilleuses sur la possibilité d'avoir le beurre et l'argent du beurre. Méfiez-vous. C'est totalement infaisable, c'est le début de la fin de la commission du blé.

Je terminerai simplement en disant que nous avons un choix, non entre la liberté de commercialiser nous-mêmes notre grain et la Commission canadienne du blé, mais un choix entre une interdépendance équitablement construite, que la Commission canadienne du blé nous offre, et une dépendance complète à l'égard du négoce transnational. Voilà le choix pour nous, les agriculteurs. Nous choisissons une interdépendance équitablement construite plutôt que la dépendance à l'égard des gros négociants.

Le sénateur Andreychuk: À l'intention des sénateurs qui n'ont pas encore eu l'occasion d'entendre Nettie, elle fait des rapports tout aussi complets lorsqu'elle s'adresse à un groupe de dix femmes à Regina; elle est toujours très bien préparée. Je vous en remercie, cela nous facilite beaucoup la tâche.

Ai-je raison de penser que votre crainte au sujet de la mise en commun flexible est que cela ne diminue la commission du blé, que cela risque d'alimenter le moulin des détracteurs de la commission du blé qui espèrent un moindre contrôle de la part de celle-ci?

Mme Wiebe: Précisément. Cette flexibilité devra être payée à un prix qui s'avérera, en fin de compte, trop élevé.

Le sénateur Andreychuk: Ne pensez-vous pas que les membres élus du conseil, étant eux-mêmes des agriculteurs, sauront se garder contre cela, et atténuer ce risque?

Mme Wiebe: Bien sûr. Nous avons une très grande confiance dans les institutions démocratiques; le Syndicat des cultivateurs est lui-même une organisation démocratique. Mais à un moment donné des pressions énormes peuvent s'exercer, dans un tel cadre, en faveur de choses qui peuvent paraître faisables et avantageuses à court terme et qui, à long terme, auraient l'effet que j'ai mentionné, à savoir de saper l'assurance qu'ont les agriculteurs que la commission du blé les traite équitablement. C'est l'une de nos craintes.

Le sénateur Andreychuk: Je suis heureuse que vous ayez parlé du développement des débouchés car les stratégies de vente du blé dans le monde sont mal comprises de beaucoup de gens. Développer les débouchés représente plus que vendre une denrée; cela met en jeu les relations entre pays. L'élément déterminant n'est pas toujours le prix, il y a toutes sortes d'autres facteurs cachés.

Pensez-vous que le degré de confidentialité dont la commission du blé a joui jusqu'à maintenant a nui à la compréhension des mécanismes de commercialisation dans le monde et de tarification, car ces derniers constituent un système très complexe que les agriculteurs ne connaissent pas suffisamment?

Mme Wiebe: Il est complexe et, si vous en avez le temps, je vous invite à en discuter vous-même avec la Commission canadienne du blé. Elle applique des stratégies commerciales merveilleuses qui mettent en jeu des meuneries d'Angleterre et des fabricants de tortillas du Mexique; c'est très impressionnant.

Est-ce vraiment une affaire d'information? Oui, à certains égards. Les cultivateurs voient que les choses semblent bien fonctionner. Nous n'avons pas ainsi à passer notre temps à nous demander ce que désirent les Japonais, dans le moindre détail, et cetera.

Pour ce qui est de la reddition de comptes, ce n'est pas à cet égard que l'on peut invoquer cet argument. La reddition de comptes dont on vous a tant parlé tourne autour de la question de savoir qui peut voir les contrats privés, et nul dans ce cadre ne peut raisonnablement exiger que la Commission canadienne du blé dévoile ses clients et leurs affaires confidentielles à ses concurrents.

J'étais récemment à Albuquerque, au Nouveau Mexique, au Congrès national du National Farmers Union, où le président a attaqué à la tribune le sous-secrétaire d'État du ministère de l'Agriculture américain, en particulier sur cette question de la transparence, et lui a déclaré: «Si vous réclamez la transparence à la Commission canadienne du blé, alors vous devez exiger une transparence parallèle de la part des grandes sociétés transnationales qui font le négoce de notre grain. Laissez tranquille la Commission canadienne du blé, à moins qu'il y ait une transparence parallèle». Cette dernière se fera attendre pas mal de temps, je crois.

Le sénateur Taylor: Un fort pourcentage des partisans de la double commercialisation, si j'en juge d'après les lettres à ce sujet que j'ai reçues au cours des derniers jours, semblent situés à proximité de la frontière américaine et voient s'ouvrir occasionnellement des marchés ponctuels dans les deux Dakotas et au Montana. Sachant que ces producteurs ont peut-être une meute de banquiers à leurs trousses et pourraient gagner quelques cents de plus de l'autre côté de la frontière, avez-vous une solution à ce problème? Il est difficile de dire aux gens d'attendre et de mettre en commun leur production avec celle de tout le monde, alors que les perspectives sont meilleures ailleurs. C'est comme de leur dire qu'ils iront au paradis pourvu qu'ils patientent assez longtemps.

Avez-vous d'autres solutions à ces problèmes, autre que de leur opposer un refus catégorique?

Mme Wiebe: La commission, évidemment, offre quelques mécanismes qui permettent dans une certaine mesure d'atténuer cette pression financière, sous la forme de l'avance au comptant et du versement initial, et cetera. Ce n'est manifestement pas ce qu'ils veulent; ils veulent le prix américain. Ce que je ne cesse de répéter aux frontaliers -- et le prix américain n'est pas toujours supérieur, mais il arrive certainement qu'il le soit -- est que le prix américain n'est pas à notre portée. J'ai eu suffisamment de contacts avec les producteurs frontaliers américains du Montana et du Dakota du Nord et ils déclarent sans ambages: «Si vous pensez pouvoir venir chez nous inonder nos parcs d'engraissement et nos silos avec votre grain et toucher notre prix, vous faites une grave erreur. Nous aurons vite fait de fermer ce circuit».

Le sénateur Whelan: Ai-je bien saisi que vous faites aussi de l'élevage?

Mme Wiebe: Nous avons un petit troupeau de veaux à l'engraissement, oui.

Le sénateur Whelan: Et cela vous rapporte?

Mme Wiebe: C'est un renseignement confidentiel, mais je vous répondrai de façon vague -- sporadiquement, c'est possible. Cela nous arrive, sporadiquement.

Le sénateur Whelan: Comme vous le savez, je suis fervent partisan de la commercialisation ordonnée, et je sais que vous l'êtes aussi, et c'est pourquoi je suis surpris que vous participiez à un système de production qui est l'un des plus désordonnés de tous.

Mme Wiebe: Il est très désordonné. Chaotique. Nous le faisons pour des raisons agronomiques. Nous avons des sols légers, nous sommes obligés de faire du foin.

Le sénateur Whelan: Vous le faites à des fins de conservation?

Mme Wiebe: Précisément.

Le sénateur Whelan: Pensez-vous que le premier dirigeant, par exemple, qui est engagé ou nommé, devrait avoir une garantie d'emploi similaire à celle des professeurs d'université?

Mme Wiebe: Nous avons réfléchi à cela, à la nomination à titre amovible, et la situation actuelle, où les commissaires sont inamovibles, leur donne une plus grande indépendance et une plus grande marge de manoeuvre. Cela nous semble donc préférable.

Le sénateur Whelan: Nous avons entendu des témoignages au sujet de l'élection des membres du conseil consultatif et même le dirigeant des Western Wheat Growers, M. Maguire -- je pense que c'est l'organisation qu'il représente -- a été battu, mais il s'était présenté au conseil consultatif. Je m'inquiète pour les administrateurs. Les dix administrateurs représentant les agriculteurs travailleront-ils à temps plein? Comment feront-ils pour s'occuper de leur exploitation? Lorsque je suis devenu député, j'ai dû négliger mon exploitation et j'ai presque fait faillite.

Mme Wiebe: C'est une question difficile, évidemment. En tant qu'agriculteurs, nous voulons être représentés par les nôtres; nous voulons que notre optique soit représentée. S'il est un élément important ici, c'est de défendre notre perspective.

En revanche, vous avez raison, nous ne nous attendons pas à trouver des titulaires de doctorat et des agronomes. Nous comptons que le gouvernement, avec les cinq administrateurs qu'il nomme, désigne de tels experts.

Pour ce qui est du temps que cela nous enlève, oui, mais ceux d'entre nous qui travaillent dans les organisations agricoles savent qu'à certains moments de l'année nous nous occupons intensément de notre exploitation et travaillons beaucoup après minuit sur d'autres choses.

Le sénateur Whelan: Le président-directeur-général de la Commission canadienne du blé est responsable de plus de 6 milliards de dollars; c'est l'une des plus grosses entreprises du Canada. Combien cette personne ou les administrateurs devraient-ils être payés?

Mme Wiebe: Non. Nous avons effectué certaines comparaisons et je crois qu'il gagne un peu moins de la moitié du salaire du PDG du Saskatchewan Wheat Pool. Il touche un salaire très modeste jusqu'à présent. Les salaires sont prélevés sur le compte de mise en commun, et nous pensons donc que les dépenses resteront modestes, car c'est la coutume.

Le président: Je tiens à vous remercier d'avoir comparu ce matin au nom du Syndicat national des cultivateurs. Je pense que nous entendrons de nouveau des représentants du syndicat à Winnipeg.

Nos prochains témoins représentent les Canola Growers of Saskatchewan. Vous avez la parole.

M. Curtis Egert, président, Saskatchewan Canola Growers Association: Je suis le président de la Saskatchewan Canola Growers Association. Holly Rask est notre directrice générale. Ray Hilderman, qui est de Strasbourg, est membre du conseil d'administration.

Le président: Pouvez-vous nous dire, messieurs, où se trouve votre exploitation?

M. Egert: La mienne est à 80 milles au nord-ouest d'ici, dans une petite localité du nom de Cando, juste au sud de North Battleford.

M. Ray Hilderman: La mienne est à Strasbourg, qui est à environ 60 milles au nord de Regina. Je suis exclusivement céréaliculteur.

M. Egert: Je remercie le comité de faire l'effort d'écouter les vues des agriculteurs de l'Ouest du Canada au sujet du projet de loi C-4

La Saskatchewan Canola Growers Association est une organisation bénévole de producteurs qui s'impliquent dans les questions de politique et agronomiques auxquelles l'industrie du canola est confrontée en Saskatchewan. Nous voulons exprimer nos vues concernant le projet de loi C-4, le projet de loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé.

Nous sommes très préoccupés par le contenu du projet de loi car il esquisse quantité de perspectives négatives pour l'agriculture. Nous allons limiter notre propos au principal élément que nous jugeons inacceptable, à savoir la clause d'inclusion qui met en place un mécanisme permettant d'étendre le monopole de la Commission canadienne du blé au canola et à d'autres récoltes hors-commission.

Nous estimons que dans une ère où les producteurs réclament davantage de choix en matière de mise en marché et une période de libéralisation des échanges commerciaux, le passage à la vente à guichet unique est un pas dans la mauvaise direction.

Le canola est actuellement commercialisé dans un système de libre marché où l'acheteur et le vendeur se rencontrent quotidiennement pour déterminer le prix de la denrée à un moment donné. La détermination du prix et la gestion du risque sont opérées au moyen des transactions qui ont lieu sur le marché à terme de la Bourse de marchandises de Winnipeg.

La capacité des producteurs de mieux gérer leur situation financière est un avantage essentiel du marché libre. Ce dernier n'appelle pas un système de contingentement des livraisons, ce qui permet aux producteurs de mieux gérer leur trésorerie. En tirant parti des mécanismes de détermination du prix et de gestion du risque offerts par le marché libre et la Bourse de marchandises de Winnipeg, les producteurs peuvent choisir le plan de commercialisation qui est le mieux adapté à leur exploitation et à leur situation propre.

L'inclusion du canola sous la Commission canadienne du blé éliminerait la flexibilité commerciale dont jouissent aujourd'hui les producteurs, en les assujettissant à un monopole à guichet unique.

La SCGA ne décèle aucun appui chez les producteurs de canola à la vente à guichet unique du canola. Les groupes de producteurs de canola, notamment la Canadian Canola Growers Association, la Saskatchewan Canola Growers Association, la Manitoba Canola Growers Association et l'Alberta Canola Producers' commission sont intervenus auprès du Groupe d'experts chargé d'étudier la commercialisation du grain de l'Ouest pour faire connaître leur désir de conserver le marché libre. Le comité en a donné acte puisqu'il a conclu: «Le comité ne recommande pas de modification fondamentale des systèmes de commercialisation des autres céréales, oléagineux et cultures spécialisées».

Nos membres ont exprimé leurs préoccupations en transmettant quantité de déclarations d'opposition au projet de loi C-4 au ministre Goodale avant et pendant le débat parlementaire. Les producteurs nous ont également rappelé qu'ils ont voté sur cette question dans les années 70 et que les résultats faisaient clairement apparaître une opposition considérable à la commercialisation monopolistique du canola. Ce vote est intervenu à une époque où les producteurs étaient loin de posséder les options, les compétences et les connaissances en matière de commercialisation qu'ils ont aujourd'hui. Les agriculteurs, aujourd'hui moins que jamais, ne voient l'utilité de la vente à guichet unique du canola, considérant cette dernière plutôt comme un empiétement sur leur liberté commerciale.

De fait, les intervenants à tous les niveaux de l'industrie du canola ont exprimé leur désir de voir le canola rester sur le marché libre.

L'industrie du triturage du canola, qui a connu une expansion énorme au cours des dernières années et créé quantité de nouveaux emplois, est opposée à la clause d'inclusion car elle va retentir sur le climat des affaires dans le secteur. La SCGA craint que l'investissement dans les installations à valeur ajoutée et le développement de nouveaux débouchés, de même que la recherche sur les utilisations nouvelles du canola ne souffrent s'il existe un risque que la Commission canadienne du blé obtienne un jour le contrôle exclusif du canola. On semble gaspiller beaucoup de temps et d'énergie pour insérer la clause d'inclusion dans la loi, alors que ni les producteurs, ni les transformateurs ni même le Groupe d'experts chargé d'étudier la commercialisation du grain de l'Ouest mis sur pied par le gouvernement n'y sont favorables.

Dans une période de croissance rapide, le marché libre a bien servi l'industrie du canola, de par son aptitude à réagir aux signaux commerciaux, à conquérir de nouveaux débouchés, à promouvoir une bonne gestion financière et à développer l'industrie à valeur ajoutée. La seule mention de la possibilité ou d'un mécanisme pour englober le canola dans le monopole de la commission du blé fera planer l'incertitude sur le secteur. Même des rumeurs faisant état d'initiatives visant à englober le canola dans le monopole pourraient entraîner des fluctuations de cours pernicieuses sur les marchés.

Les relations commerciales avec des pays tels que les États-Unis et le Japon qui importent notre canola et nos produits dérivés seront sérieusement touchées si les dispositions prévoyant une prise de contrôle du canola par la Commission canadienne du blé sont inscrites dans la loi. Dans une ère de libre-échange mondial, le passage à la vente à guichet unique du canola avec garantie gouvernementale exposerait l'industrie aux critiques et aux soupçons déjà adressés au blé et à l'orge aux États-Unis. La SCGA refuse le risque de restrictions à l'exportation du canola comme celles imposées au blé par le passé. Les États-Unis sont devenus l'un de nos plus importants clients, achetant 10 p. 100 de nos exportations de graines, 51 p. 100 de nos exportations de farine et 76 p. 100 de nos exportations d'huile en 1995-1996.

Nos clients japonais ont clairement fait savoir qu'ils ne veulent pas traiter avec la Commission canadienne du blé pour leurs achats de canola; et la clause d'inclusion menace également la tentative canadienne de négocier des tarifs douaniers réduits pour nos exportations d'huile de canola au Japon en donnant à penser que nous ne désirons pas sérieusement libéraliser le commerce.

La SCGA est également très préoccupée par le libellé de la clause d'inclusion. Elle dit: «Une demande écrite... a été présentée au ministre par une association... représentant les producteurs de ce grain». La définition de qui peut prétendre être une association représentant les producteurs de canola est trop vague. Cela pourrait-il ouvrir la porte à des associations de producteurs généralistes, à des compagnies céréalières ou même à d'autres paliers de gouvernement qui pourraient prétendre représenter les producteurs? Un groupe déclare déjà ouvertement qu'il tentera de placer le canola dans le monopole de la Commission canadienne du blé dès que la clause d'inclusion sera promulguée.

En outre, lors d'un entretien personnel avec le ministre Goodale, Ray a demandé quels groupes seraient considérés comme associations de producteurs légitimes. Le ministre a répondu qu'il espérait que le nouveau conseil d'administration se prononcerait là-dessus lorsque la clause d'inclusion sera invoquée par un groupe. Ce degré d'incertitude chez celui-là même qui a introduit le projet de loi est assez effrayant. Il est terrifiant aux yeux des producteurs de canola qu'un conseil d'administration, chargé d'administrer une société jouissant du monopole sur le blé et l'orge, ait le pouvoir de décider d'étendre le monopole au canola.

La tenue d'un vote des producteurs selon des modalités fixées exclusivement par le ministre est également inacceptable, car nous ne connaissons pas les détails quant à l'admissibilité au vote, le libellé de la question et la majorité requise pour ajouter une denrée au monopole. Il faut prendre en compte le fait que plus de 80 p. 100 du canola est produit et commercialisé par moins de 20 p. 100 des producteurs. Cette lacune, jointe au manque de clarté sur qui peut demander l'inclusion, pourrait aboutir à ce que le canola soit englobé dans la Commission canadienne du blé contre le voeu des agriculteurs qui produisent et commercialisent la très grande partie du canola dans l'Ouest du Canada.

La SCGA perçoit également un manque d'équilibre entre la clause d'inclusion et la clause d'exclusion, puisque les associations de producteurs représentant les céréales relevant de la commission ne peuvent demander l'exclusion de ces dernières.

En résumé, la SCGA estime que la clause d'inclusion du projet de loi C-4 n'a pas l'appui des producteurs, est inéquitable, trop peu détaillée et déséquilibrée. Par conséquent, nous exhortons le Sénat à rayer la clause d'inclusion du projet de loi C-4. Ainsi, la SCGA n'aurait plus de raison de s'opposer au projet de loi.

Le président: La nervosité des producteurs de canola est-elle due au fait que celui-ci se vend à un prix très élevé alors que le blé et l'orge commercialisés par la commission du blé se vendent à très bas prix?

M. Egert: C'est peut-être un élément, mais il y a aussi toute la croissance de l'industrie. Le canola a connu une forte expansion dans un système de libre marché. Je crois que c'est la nature de ce système qui a amené cette croissance. Le système a également contribué à trouver de nouveaux débouchés et de nouvelles utilisations, de même qu'à mettre au point de nouvelles variétés. Le rendement de ce système pour les agriculteurs est à l'origine de cette croissance.

Au cours de la période 1990-1994, le canola a rivalisé avec le blé pour ce qui est des recettes des agriculteurs de l'Ouest du Canada. Le canola a connu une expansion spectaculaire avec le système actuel et les cultivateurs voient dans la clause d'inclusion une menace à tout ce système.

M. Ray Hilderman: Il est probable que beaucoup de producteurs de canola ne seraient pas agriculteurs aujourd'hui s'il n'y avait pas tout ce cadre propice à la commercialisation du canola et aux cultures spécialisées. Le cours des grains vendus par la commission n'a cessé d'être très bas. Actuellement, dans notre exploitation, nous cultivons surtout des céréales vendues par la commission car elles font partie de notre rotation. La flexibilité que nous donne l'absence de quota pour le canola et les mécanismes de tarification de celui-ci et des cultures spécialisées nous aident à survivre de façon autonome. Nous n'avons plus besoin que l'on nous tienne la main autant que dans les années 30. Nous sommes un peu plus capables de nous en sortir seuls. Nous cherchons à mieux nous instruire. On peut trouver aujourd'hui beaucoup plus de renseignements qu'auparavant. Les modes de communication ont changé et nous pouvons régler beaucoup de problèmes par nous-mêmes.

Le sénateur Andreychuk: Je félicite le président de son choix d'implantation de son exploitation. C'est dans cette région que mon père s'est établi et a cultivé la terre. Je comprends vos initiatives et votre besoin d'autonomie, car mon père m'a enseigné ce que signifient ces concepts.

Votre mémoire est très clair. Vous avez édifié ce système par vous-mêmes et vous craignez que toute intrusion lui porte préjudice.

Vous faites bien ressortir aussi dans votre mémoire le caractère vague de la clause d'inclusion, en ce sens qu'on laisse à la commission le soin de déterminer votre avenir, et cela suscite beaucoup d'inquiétude. Le projet de loi utilise les mots «une association», et je crains que n'importe qui puisse former une association de deux ou trois membres et causer beaucoup de perturbation. Leur projet n'aboutira peut-être pas mais cette perturbation pourrait retentir sur les prix et sur toute l'industrie.

Par ailleurs, dans l'article sur les définitions du projet de loi, on lit:

La commission peut, par arrêté, inclure dans la région désignée des parties de la province de la Colombie-Britannique -- à l'exception du district de Peace River -- et des parties de la province d'Ontario comprises dans la région de l'Ouest.

D'aucuns craignent qu'une association active dans une région désignée autre que la région traditionnelle de culture du canola puisse perturber l'équilibre. Avez-vous envisagé ce genre d'interprétation du projet de loi?

M. Egert: Je ne suis pas très familier de cette partie. Le canola est cultivé en Ontario et à Peace River et nous, par le biais de la Canadian Canola Growers Association, sommes en contact avec les producteurs de ces régions et ils partagent nos préoccupations à l'égard de la clause d'inclusion.

Pour ce qui est de l'action d'un groupe dans ces régions, oui, cela pourrait être un problème parce qu'on ne définit pas clairement ce qu'est un groupe ou qui serait englobé dans ces régions.

Le sénateur Andreychuk: On nous a dit, par exemple, que l'Ontario suit une voie légèrement différente pour ce qui est du blé que l'Ouest du Canada. On m'a fait remarquer que si cela est inscrit dans la loi, l'avenir de votre industrie pourrait être contrôlé par des producteurs de régions autres que l'Ouest. Cela pourrait être un facteur supplémentaire dans la stratégie d'ensemble des producteurs de canola.

M. Egert: Je suis d'accord parce que la Loi sur la Commission canadienne du blé, telle qu'elle a été promulguée par le Parlement, n'avait pas l'appui de la majorité des agriculteurs de l'Ouest du Canada. Il y avait une forte opposition de la part d'une coalition, dont nous sommes membres, à la clause d'inclusion du projet de loi. Les producteurs y étaient opposés, pourtant elle figure toujours dans le projet de loi.

Le sénateur Andreychuk: Quelles raisons vous a-t-on données pour sa présence, s'il y avait une opposition majoritaire dans votre secteur?

M. Egert: La raison semble être qu'il existe une majorité silencieuse en faveur du projet de loi.

Le sénateur Andreychuk: Une majorité silencieuse de producteurs de canola?

M. Egert: De producteurs en général. Je ne pense pas que le ministre ait le doigt sur le pouls des producteurs de canola de la Saskatchewan ou des producteurs de canola en général lorsqu'il formule cette hypothèse. Je pense qu'il a l'impression de s'être aliéné les deux camps et qu'il a un projet de loi acceptable par la majorité. Je pense qu'il se trompe en cela.

Le sénateur Sparrow: Monsieur Egert, avez-vous dit que vous êtes en faveur des autres dispositions du projet de loi hormis la clause d'inclusion?

M. Egert: Non, absolument pas. Nous, en tant qu'association représentant exclusivement des producteurs de canola, estimons ne pouvoir nous prononcer que sur un aspect qui intéresse directement le secteur du canola. J'ai dit que si la clause d'inclusion était supprimée, cela lèverait l'objection de notre association et que nous ne serions plus violemment opposés au projet de loi, mais nous n'en serions néanmoins pas partisans.

Le sénateur Sparrow: Dites-vous que vous rejetteriez le projet de loi dans son intégralité ou bien êtes-vous opposé à certaines dispositions particulières?

M. Egert: Si la clause d'inclusion subsistait, nous serions opposés à tout le projet de loi. Si elle était supprimée, nous ne serions plus opposés au projet de loi, en tant que représentants des producteurs de canola. Personnellement, je maintiendrais mon opposition car je perçois d'autres problèmes. Cependant, en tant qu'association, nous lèverions notre opposition.

Le sénateur Sparrow: Il apparaît, d'après les dires des témoins et les lettres et appels téléphoniques que nous recevons, que la clause d'inclusion est le sujet le plus controversé chez les producteurs dans leur ensemble. Même si la clause d'inclusion était supprimée, je pense que vous admettrez que le canola et d'autres produits pourraient néanmoins être englobés, mais il faudrait utiliser pour cela d'autres moyens et l'approbation du Parlement serait nécessaire. Votre position est néanmoins que, si la clause est supprimée, tant pis, au moins on élimine ce moyen facile d'englober d'autres denrées dans le projet de loi.

Même si la clause d'inclusion était supprimée, il pourrait néanmoins y avoir un vote des producteurs ou détenteurs de permis et le ministre pourrait y réagir en introduisant une modification de la loi qui devrait passer par le processus parlementaire. Vous comprenez bien que cela n'exclut pas totalement une inclusion future du canola ou d'autres produits?

M. Egert: Oui, je comprends bien. Nous voulons que le mécanisme soit enlevé du projet de loi pour une raison précise, le caractère vague de son libellé qui permet que des groupes ne représentant pas la majorité des producteurs de canola déterminent ce qui va se passer. L'approbation par la commission d'une inclusion est un problème à nos yeux parce que le conseil d'administration de la commission du blé est élu pour privilégier les intérêts de la Commission canadienne du blé et il serait dans l'intérêt de la Commission canadienne du blé d'avoir le monopole sur toutes les céréales. Par conséquent, nous ne pouvons considérer qu'ils représentent objectivement l'intérêt de l'industrie.

Cela transformera l'élection des administrateurs en débat politique dans les campagnes, où on lutte entre des positions idéologiques relatives à la commercialisation, au lieu d'être l'élection des personnes les plus capables de gérer une entreprise comme la Commission canadienne du blé.

Le sénateur Sparrow: Vous réclamez instamment la suppression de la clause d'inclusion, mais pourriez-vous formuler des suggestions d'amendement? Je suppose qu'on pourrait déjà enlever le mot «canola»; mais, à part cela, pourriez-vous proposer une clause d'inclusion qui serait acceptable ou bien exigez-vous sa suppression complète?

M. Egert: Notre association préférerait que le canola ne soit pas mentionné dans la Loi sur la Commission canadienne du blé. Nous préférerions qu'il fasse l'objet d'une législation future du gouvernement, en concertation avec les groupes de producteurs de canola. Je suppose que le temps nous dira quelle en est la valeur. Ceci nous enferme dans un mécanisme qui pourrait ne pas être adapté aux circonstances du jour. Par conséquent, nous nous opposons à la clause d'inclusion.

Le sénateur Taylor: Sans prétendre que vous êtes inutilement effrayé par l'interprétation de la clause d'inclusion, ne convenez-vous pas que le gouvernement doit prévoir quelque chose si, mettons, les producteurs d'avoine veulent intégrer la commission? Autrement dit, certaines organisations peuvent vouloir un guichet unique pour essayer de contrôler le prix. Est-ce que les lignes directrices ne lèvent pas vos craintes? Elles disent qu'une association de producteurs doit demander l'inclusion et qu'il faut une recommandation de la commission. Il faut également un vote favorable de la part des producteurs du grain concerné. Cela pourrait s'appliquer à l'avoine, au canola ou à n'importe quelle autre céréale. Tout cela doit être fait d'une manière que déterminera le ministre et il ne faut pas oublier qu'il souhaite probablement être réélu.

Ne vaut-il pas mieux avoir un ensemble de panneaux de signalisation que vous connaissez? Si vous enlevez entièrement cette disposition, Dieu sait ce qu'il arrivera. Le prochain ministre pourrait décider d'englober le canola sans même demander votre avis. Au moins, vous avez là quelque chose qui garantit que l'on demandera votre avis et que vous pourrez vous exprimer dans un vote.

M. Hilderman: Avec la clause d'inclusion actuelle, un processus est enclenché. Ce processus a déjà été enclenché précédemment -- comme dans le cas du vote sur l'orge -- et il est apparu qu'il ne fonctionnait pas bien, à mon avis.

Le ministre Goodale a créé un comité sur la commercialisation du grain pour recueillir les avis des producteurs sur la situation actuelle et sur leur désir pour l'avenir. Il a formulé une recommandation au ministre -- le double circuit de commercialisation pour l'orge. Il n'a pas apprécié cette recommandation, et il a donc organisé un vote qui ne posait pas la question que les producteurs souhaitaient. Qu'est-ce qui va empêcher que la même chose se reproduise? Le processus pourrait être déclenché par un groupe de producteurs qui ne sait même pas ce qu'est un producteur légitime; j'ai constaté que c'est le cas dans une conversation personnelle au moment du vote sur l'orge.

On laissera le conseil d'administration déterminer ce qu'est un groupe de producteurs. Ensuite, si une demande lui est adressée, il pourra demander un vote. La loi dit bien que le ministre décidera des modalités du vote. Par conséquent, le ministre contrôle totalement, jusqu'au moindre détail, ce qui va se passer. Les agriculteurs donnent leur avis, mais le ministre n'est pas réellement obligé d'en tenir compte; il ne l'a pas fait précédemment.

[Français]

Le sénateur Robichaud:Vous nous dites que l'inclusion de cet article dans le projet de loi C-4 pourrait causer de l'incertitude. Le sénateur Sparrow nous disait que même si l'on enlevait cet article, le processus pourrait être lancé quand même par un groupe qui voudrait envoyer une pétition au ministre pour qu'une commodité soit incluse. Ceci lancerait tout le débat sur une plus longue période de temps, et d'après moi, cela nous causerait beaucoup plus d'incertitude. Vous avez un mécanisme prédéterminé, qui peut se faire rapidement. Ainsi l'on pourrait limiter cette période d'incertitude plutôt que d'avoir quelqu'un qui retourne au ministre et aux associations et qui retourne à la Commission canadienne du blé pour se faire inclure dans le processus du grain qui est actuellement traité par la Commission canadienne du blé.

[Traduction]

M. Hilderman: Je vais tenter de répondre à cela. Comme je l'ai dit, j'ai un problème avec la crédibilité tant du ministre que de ce processus; comme je l'ai mentionné, il a mal fonctionné précédemment et je ne vois pas comment il fonctionnerait bien maintenant. Les choses ne sont pas claires avec cette clause d'inclusion; on ne précise pas ce qu'est un groupe de producteurs légitime. J'ai l'impression que cette clause d'inclusion est là pour décharger le ministre. Je ne sais pas comment dire les choses autrement; j'ai l'impression que le ministre se décharge.

Le sénateur Whelan: Je m'intéresse de longue date au canola. En 1972, j'ai passé du temps avec M. Downy dans les champs expérimentaux ici, à Saskatoon. Nous avons dépensé des millions de dollars pour la recherche sur le canola, mais beaucoup moins sur la lentille et cetera. Ce sont ces recherches qui ont permis le développement de ces cultures; nous voulions favoriser la diversification et offrir différentes formes de production à nos agriculteurs. Nous ne songions pas seulement à l'Ouest du Canada; comme vous le savez certainement, il y a dix millions d'acres dans la ceinture d'argile où l'on pourrait cultiver les variétés précoces de canola mises au point par les chercheurs. On en cultive dans la région de New Liskeard avec pas mal de succès, encore qu'il serait bon d'améliorer le drainage des sols.

On a tellement parlé de la clause d'inclusion. Si elle exigeait un vote représentatif des producteurs, vous cesseriez d'être inquiet, n'est-ce pas?

M. Hilderman: Comme Curtis l'a indiqué, nous avons déjà voté pour ne pas l'inclure, dans les années 70. Le comité sur la commercialisation du grain a lui aussi recommandé de ne pas modifier fondamentalement la façon dont le canola et les cultures spécialisées sont commercialisés.

Le sénateur Whelan: Il semblerait que vous avez peur d'un vote démocratique?

M. Egert: Ce n'est pas que nous ayons peur d'un vote démocratique. Le problème que nous voyons est que l'industrie est en pleine expansion avec le système actuel et le seul fait de poser la question sera facteur de division. Toutes sortes d'incertitudes surgiront et cela enclenchera un débat virulent dans l'Ouest du Canada. Nous craignons les répercussions sur le commerce et l'industrie à valeur ajoutée, qui est désireuse de multiplier les créations d'emplois dans l'Ouest du Canada. Cela fera planer un nuage d'incertitude sur toute l'industrie du canola.

Tout ce débat est quelque chose dont l'industrie du canola peut se passer. Elle s'en tire très bien avec le système actuel et nous voulons que l'expansion se poursuive. Notre système actuel donne aux producteurs que nous représentons toutes les options de tarification et de flux de trésorerie dont ils ont besoin et qu'ils souhaitent. Ce serait simplement préjudiciable.

Le sénateur Whelan: Vous avez dit, cependant, que les choses peuvent changer et les points de vue des producteurs aussi. Je sais par quoi il faut passer; en l'absence de clause d'inclusion ou de clause d'exclusion dans la loi, il faudrait passer par le Parlement pour modifier toute la loi. Je pense que ce serait contraire à une procédure véritablement démocratique.

M. Egert: Puis-je vous demander ce que vous considérez comme un vote démocratique?

Le sénateur Whelan: J'entends par là un vote de la majorité des producteurs.

M. Egert: Une majorité de producteurs. Si 100 personnes possèdent des actions d'une société et qu'une personne possède 49 p. 100 de ces actions, appelez-vous cela démocratique?

Le sénateur Whelan: Dans ce monde, le monde des compagnies pétrolières et autres, tout semblant de démocratie est une pure coïncidence, à mon avis.

Vous ne cessez d'évoquer le Japon. Je me souviens du Japon lorsque le prix du canola a grimpé à 11 $ le boisseau. Les Japonais sont venus me voir et j'ai dû en discuter avec les autres ministres; nous avions des contrats avec le Japon à l'époque, la commission du blé avait des contrats. J'ai dit: «Nous allons honorer nos contrats», et nous avons honoré nos contrats. Mais lorsque les cours ont chuté, le Japon a acheté du colza de moindre qualité en France, c'est-à-dire qu'il s'est montré moins honorable.

Le Japon m'inquiète. À l'Organisation mondiale du commerce, il dit: «Ne touchez pas à mon agriculture, ne touchez pas à ma pêche», et cetera. C'est un grand partisan des tarifs douaniers, mais il a peur de la CCB, ce qui est précisément ce dont vous parlez. A-t-il peur de la commission du blé parce qu'elle lui fera payer un prix plus élevé?

Je me souviens de l'époque où il avait un contrat pour du porc en Alberta, avec approvisionnement garanti. Lorsque le cours du porc a chuté, ils ont dit: «Oh, oh, ce n'est pas bon», et lorsque les prix ont augmenté de nouveau, ils n'ont pas trouvé à s'approvisionner en porc.

À mon avis, le Japon connaît le pouvoir commercial de la Commission canadienne du blé, sait qu'elle négocie dur, qu'elle vend à guichet unique et qu'elle va exiger un prix équitable.

Le président: Est-ce que 3 $ pour du blé est un prix équitable, sénateur?

Le sénateur Whelan: Mon coprésident là-bas -- je suis coprésident avec lui -- me lance toujours cette petite pointe. Mais s'il se souvient de ce que les agriculteurs lui ont dit hier, c'est le prix des engrais, du carburant, des machines et de tout le reste qui mange leur profit, pas le cours de 3 $. Je veux une réponse sur le Japon.

M. Egert: Quelle était déjà votre question?

Le sénateur Whelan: La question est: pensez-vous que le Japon a peur de la Commission canadienne du blé parce qu'elle est un négociant réellement avisé et qu'elle va exiger un prix équitable? Les Japonais achètent beaucoup de grain à la Commission canadienne du blé et ils savent comment elle travaille.

M. Egert: Je ne suis pas sûr qu'il craint de devoir payer plus cher sous l'égide de la CCB. Personnellement, je pense qu'il se soucie davantage des livraisons et des quantités, autrement dit d'obtenir à temps voulu le type précis de canola dont il a besoin, à des conditions négociées entre lui et les fournisseurs. Je pense que les Japonais apprécient le système actuel, tout comme les agriculteurs. Je pense que les deux préféreraient que les choses restent ainsi.

Le sénateur Fairbairn: Manifestement, ceci est l'une des pierres d'achoppement dans le projet de loi, et je comprends votre préoccupation et votre angoisse. D'après ce que l'on nous a dit, la clause d'inclusion est là pour équilibrer la clause d'exclusion.

Si je comprends bien, le but est que l'inclusion ne puisse être déclenchée que par les producteurs du produit considéré. Ce n'est manifestement pas clair. C'est ce qu'il me semble, et je crois que d'autres pensent comme moi. S'il y a confusion, il faut en supprimer la source.

M. Egert: Je conviens que c'est très peu clair. Pour en revenir à ce que je disais, cela suscite la préoccupation et l'incertitude dans toute l'industrie.

S'agissant du vote des producteurs -- j'ai mentionné le fait que plus de 80 p. 100 de notre canola est produit par 20 p. 100 des producteurs et c'est une réalité dont il faut tenir compte. Un vote de 50 p. 100 en faveur de l'inclusion du canola dans le monopole me contraindrait, personnellement, à vendre mon grain à la CCB. Nous ne sommes pas certains que cela serait juste pour l'industrie du canola.

Le sénateur Fairbairn: Je pense que la question de la pondération du pourcentage est très importante et votre remarque est très juste.

Le président: Je vous remercie d'avoir pris le temps de comparaître ce matin. Merci.

Nous allons maintenant passer à un groupe d'intervenants à titre personnel, M. Kurtenbach, M. Creighton, M. Tait, M. Watson et M. Leo Meyer. Je vous prie de vous nommer et de nous dire où se trouve votre exploitation. Chacun d'entre vous aura droit à cinq minutes, pour laisser du temps aux questions des sénateurs.

M. Leo Kurtenbach: Je vous remercie, monsieur le président. Je n'ai pas encore fait la connaissance de tous les sénateurs, bien que j'ai déjà rencontré le sénateur Sparrow ailleurs, de même que le sénateur Andreychuk. J'ai rencontré le sénateur Sparrow à Regina, au Rural Life Ministry.

Je me nomme Leo Kurtenbach et j'ai cultivé la terre toute ma vie à une cinquantaine de milles au nord-est d'ici, près de Cudworth.

M. Ron Watson: Je suis Ron Watson et mon exploitation est située près de Lancer, une petite localité dans le coin sud-ouest de la Saskatchewan.

M. Donald Tait: Je suis Don Tait. Je cultive la terre à Elrose, à une centaine de milles au sud-ouest de Saskatoon.

M. Daniel P. Creighton: Je suis Dan Creighton, je représente Canadian Farmers for Justice, et je ne cultive pas en ce moment.

M. Leo Meyer: Je me nomme Leo Meyer et mon exploitation est située à Grande Prairie, dans la région de Peace River de l'Alberta.

[Français]

Bonjour, honorables sénateurs. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de présenter mon mémoire sur la Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé.

[Traduction]

Je vous remercie de l'occasion de prendre la parole devant votre comité au sujet de la modification de la Loi sur la Commission canadienne du blé et le projet de loi C-4, au nom des producteurs d'avoine de l'Ouest du Canada.

Comme je l'ai dit, je me nomme Leo Meyer et je cultive la terre dans le nord-ouest de l'Alberta, près de Woking, qui est à environ 50 minutes au nord-ouest de Grande Prairie. Avec ma femme Cathy et nos six enfants, et l'aide de quelques ouvriers saisonniers et sous-traitants, je cultive du blé, de l'orge, de l'avoine, du seigle, de la triticale, des pois, du canola et des graines de graminées. Nous mettons l'accent sur la production de récoltes à identité préservée selon un processus viable et contrôlé et, dans toute la mesure du possible, de manière écologique.

Nous nous efforçons constamment d'intégrer plus avant notre exploitation de façon à mieux participer à la gestion logistique au-delà de l'exploitation. Nous assurons ainsi nous-mêmes le transport entre l'exploitation et le marché et nous nous intéressons activement à la commercialisation, en souscrivant constamment des contrats à terme. Nous avons accès dans notre exploitation aux nouvelles du monde, aux événements importants et aux dernières tendances des cours céréaliers grâce au réseau DTN et à l'Internet, de même qu'à des médias plus traditionnels. Nous suivons de près les informations et consacrons beaucoup de temps à nous tenir au courant des questions qui nous paraissent essentielles à la bonne gestion de notre exploitation agricole.

Pour assurer sa viabilité actuelle et future, l'agriculteur d'aujourd'hui doit disposer de toute la gamme des options de commercialisation afin de mettre à profit toutes les possibilités. La prochaine génération de céréaliculteurs devra avoir la possibilité de vendre son produit comme bon lui semble, comme n'importe quel autre entrepreneur dans une société ouverte. Si nous voulons que nos jeunes puissent se lancer dans la céréaliculture, il nous faut démonter toutes les barrières possibles. Cela suppose le démantèlement des activités spécifiques en matière de commercialisation du grain.

La plupart des céréaliculteurs d'aujourd'hui sont disposés et aptes à assumer davantage de responsabilités en matière de commercialisation du grain, comme ils le font déjà dans le cas du canola, du lin, de l'avoine, du seigle, de la triticale et d'autres céréales hors-commission et relevant de la commission.

Je suis ici pour représenter les producteurs d'avoine et je dois vous faire part de certaines de nos préoccupations concernant le projet de loi C-4. Les membres et mes collègues m'ont demandé de vous transmettre ces avis.

Nous aimerions la suppression des clauses d'inclusion et d'exclusion. L'avoine marche très bien aujourd'hui et nous ne voulons pas que des signaux ambigus soient adressés à notre industrie. Cela permettra davantage d'investissements de la part des transformateurs, davantage de recherches privées et sectorielles en biotechnologie, davantage de production à identité préservée et, en particulier, des options de commercialisation pour les producteurs d'avoine.

Depuis que l'avoine a cessé de relever de la commission en 1988, la qualité et le volume d'avoine se sont améliorés. Les producteurs d'avoine ne veulent pas réintégrer la tutelle de la CCB. Voilà notre principale préoccupation à l'égard de ce projet de loi.

Certaines de nos préoccupations viennent d'être formulées par nos collègues producteurs de canola et nous faisons nôtre leurs propos.

Nous avons beaucoup d'autres réserves sur ce projet de loi. Ces préoccupations ont déjà été exprimées par nos collègues des autres organisations favorables au libre marché. Nous les faisons nôtres et nous faisons partie d'une coalition opposée au projet de loi C-4 composée de 15 organisations différentes.

Sénateurs, nous devons mettre fin à ce constant débat interne et propre au Canada sur la manière dont nous commercialisons les céréales. Même la CCB reconnaît que des changements sont nécessaires pour assurer sa réussite sur le marché mondial à l'orée du nouveau millénaire. Le statu quo ne sert plus personne. Nous devons nous préoccuper de la place de notre pays dans le marché mondial actuel et futur. Agissons -- trouvons un consensus, donnons aux agriculteurs la liberté commerciale, et ensemble devenons un des meilleurs endroits du monde où produire des aliments pour une population mondiale croissante. Il y a plus à faire dans ce pays qu'à débattre constamment de la CCB et de son rôle. Pour ma part, je nourris cette confiance dans les Canadiens.

Sénateurs, au nom des producteurs d'avoine, de notre exploitation, de ma famille et de moi-même, je vous remercie de cette occasion de m'adresser à vous et que Dieu vous inspire les bonnes décisions.

M. Creighton: Je vous remercie. Mon intervention d'aujourd'hui porte sur les effets que le projet de loi C-4 exercera sur les questions que je vais soulever.

Premièrement, le projet de loi C-4, selon les termes de l'honorable Ralph Goodale, met en place ce qu'il a qualifié de «société mixte». Je n'avais jamais entendu ce terme, mais je pense que ce qu'il a conçu est tout à fait praticable.

Dès le moment où le projet de loi C-4 sera promulgué, la majorité élue des administrateurs aura concrètement la maîtrise du fonctionnement. Je le dis parce que dès l'instant où le projet de loi C-4 sera promulgué, il fera deux autres choses encore. Mais avant d'en traiter, je vais passer en revue les changements apportés à l'ancienne CCB.

Premièrement, la CCB cessera d'être une commission fédérale créée conformément à l'article 3 de la Loi sur la Commission canadienne du blé.

Deuxièmement, la CCB ne sera plus une société d'État établie conformément à l'article 4 de la Loi sur la Commission canadienne du blé. Si vous regardez de près la loi, l'ancienne CCB était à la fois une commission fédérale et une société d'État.

Troisièmement, la Commission canadienne du blé cessera d'être mandataire de Sa Majesté la Reine.

Quatrièmement, la CCB deviendra une société sans capital-actions non contrôlée par Sa Majesté, en ce sens que la majorité des administrateurs ne seront plus nommés par décret ou par le ministre. Je vous renvoie à l'article 4 de la Loi sur la concurrence qui définit une société contrôlée par l'État.

Le cinquième point de mon mémoire indique que la CCB, en vertu du projet de loi C-4, devient maintenant assujettie à la Loi sur la concurrence. Par conséquent, les dispositions sur les pratiques commerciales restrictives de la partie VIII, article 77, s'appliquent.

Le sixième paragraphe ajoute que toute prétention à des pouvoirs monopolistiques en matière de vente de blé ou d'orge deviendra assujettie à la Loi sur la concurrence, cette dernière étant conçue pour empêcher quiconque d'exercer un pouvoir absolu sur toute partie de l'économie canadienne.

Septièmement, le nom de la nouvelle société mixte devrait être modifié afin de manifester le fait qu'elle n'est plus une commission ou société fédérale. Le changement devrait également refléter le fait que, dès la promulgation du projet de loi, la Commission canadienne du blé sera assujettie aux dispositions de l'Accord sur le commerce mondial. Je considère d'ailleurs qu'elle y est déjà assujettie. L'Accord sur le commerce mondial a été adopté le 1er janvier 1995 et a une si grande préséance que le Canada a promulgué le projet de loi C-67 pour lui donner effet au Canada.

Lorsque le projet de loi C-4 est confronté à l'Accord sur le commerce mondial et à la Loi sur la concurrence, on constate que les changements suivants à la Loi sur la Commission canadienne du blé s'imposeront et j'en ai dressé la liste ainsi que celle d'amendements que je propose au projet de loi C-4.

Une suggestion consiste à simplement amender l'alinéa 46d) de la Loi sur la Commission canadienne du blé de manière à supprimer la partie exigeant que la différence entre le prix interne et externe au Canada soit versée à la CCB. Si tel était le cas, les doléances et préoccupations concernant la clause d'inclusion n'auraient plus lieu d'être, puisqu'il y aurait un choix.

Je considère que lorsque le projet de loi C-4 sera effectivement soumis à la règle de droit, ce sera un bon projet de loi. Mais il ne maintiendra plus les pouvoirs monopolistiques de la CCB. Tout ce qu'il fera, c'est établir une situation où un producteur pourrait obtenir une licence d'exportation lorsque cela est dans son intérêt. Mais le projet de loi et son règlement d'application pourraient limiter le producteur à l'exportation de son propre grain, à l'exclusion de celui d'autrui.

Si vous apportiez ces modifications, vous auriez éliminé tout le sujet de litige qui alimente depuis si longtemps la controverse sur la CCB. Ces changements satisferaient les deux camps, tout en préservant le pouvoir de la CCB de prendre sous son contrôle toutes les céréales qu'elle veut vendre.

Enfin, je vous soumets l'avis qu'il n'y a pas lieu de revenir en arrière pour considérer le projet de loi antérieur. Nous avons dépassé cela. Manifestement, la loi sans ces modifications présentait un problème. C'est pourquoi nous sommes ici. Voilà mon intervention.

M. Tait: Je voudrais tout d'abord vous remercier de votre invitation à comparaître devant votre comité et vous féliciter d'avoir pris le temps de faire cette tournée dans l'Ouest du Canada et d'écouter les avis des producteurs de l'Ouest sur le projet de loi C-4.

Je produis des céréales et des denrées spécialisées à Elrose et je cultive la terre depuis plus de 40 ans. Je voudrais dire tout d'abord que je suis en faveur du projet de loi et fervent partisan de la CCB. Le projet de loi est nécessaire pour doter la commission d'une plus grande flexibilité, afin qu'elle puisse mieux servir les producteurs à l'avenir.

Les principaux avantages du projet de loi résident dans le fait que les agriculteurs vont assumer le contrôle puisqu'il y aura dix administrateurs élus dans un conseil de 15 membres. Les producteurs auront une majorité des deux tiers au conseil. Les administrateurs auront les mêmes pouvoirs que dans une société privée et pourront contrôler le fonctionnement de la commission. Si les producteurs ne sont pas satisfaits, ils peuvent élire des administrateurs différents. Les administrateurs ne feront pas nécessairement tout ce que certains producteurs voudraient, pas plus que les gouvernements ne font tout ce que certains citoyens voudraient. Bonjour à la démocratie.

Le gouvernement nommera cinq administrateurs. La raison en est que les contribuables donnent des garanties financières à la commission. Ces garanties lui permettent d'emprunter au taux du gouvernement fédéral, soit une économie de plus de 80 millions de dollars par an pour les producteurs. Cette somme couvre plus que les frais administratifs annuels de la commission. Si les producteurs veulent conserver ces garanties, ils vont devoir s'accommoder de quelques administrateurs nommés par le gouvernement. J'en discutais avec un ancien administrateur d'UGG l'autre jour qui m'a dit que les résultats d'exploitation d'UGG se sont considérablement améliorés lorsque des administrateurs externes ont été nommés à son conseil; ces personnes apportaient une optique différente et des idées nouvelles.

Le conseil d'administration aura accès à toutes les données de la CCB et pourra décider quoi publier. Cela devrait satisfaire les producteurs qui veulent être mieux renseignés. Le conseil pourra choisir ses propres vérificateurs comptables.

Cette loi autorise des changements fondamentaux à la CCB, selon ce que le conseil décidera. La nouvelle loi autorisera les producteurs à introduire des innovations en matière de commercialisation que maints groupements agricoles ont demandées.

Si le projet de loi est si bon, pourquoi tant de personnes et de groupements y sont-ils opposés? Dans certains cas, ils le sont pour des raisons très différentes. Le Saskatchewan Wheat Pool n'aime pas la disposition qui permet à la commission de faire des achats au comptant. La principale raison en est que le Pool réalise de bons profits en achetant et vendant des céréales fourragères et ne veut pas être concurrencé par la commission dans ce domaine. Il est motivé par son intérêt propre.

Le Syndicat des cultivateurs est opposé car il considère tout changement de cette nature comme une affaiblissement de la commission, comme un coin enfoncé qui va détruire la vente à guichet unique et le principe de la mise en commun.

Il y a une coalition de divers groupements de producteurs et d'autres intérêts, notamment Western Wheat Growers, les producteurs de lin, les producteurs d'orge, les producteurs de canola et un certain nombre d'autres, opposés au projet de loi. Ils s'élèvent avec virulence contre la clause d'inclusion qui autoriserait la commission à organiser un vote des producteurs en vue d'inclure d'autres produits, tels que l'avoine, le lin, le seigle ou le canola, dans la sphère de compétence de la commission. Cela ne pourrait se faire qu'à la demande d'une organisation légitime de producteurs dont les membres sont exclusivement des producteurs de ce grain. De la même façon, sur demande présentée dans les règles, un vote pourrait être tenu en vue d'exclure des produits. La décision appartiendra aux producteurs. Encore une fois, bonjour à la démocratie.

Si ces dispositions sont si odieuses, alors peut-être le Sénat devrait-il modifier le projet de loi afin de les supprimer. Peut-être faudrait-il retenir la modification proposée par Ralph Goodale -- aucun ministre responsable de la CCB ne devrait tenter d'élargir ou de réduire le mandat actuel de la commission sans avoir organisé un vote démocratique parmi les producteurs concernés et sans avoir consulté le nouveau conseil d'administration de la commission du blé. N'oubliez pas que si vous faites cela, vous allez à l'encontre de l'esprit de la nouvelle loi, en enlevant des pouvoirs aux producteurs et en les restituant au ministre et au gouvernement.

N'oubliez pas non plus qu'il est indispensable d'avoir un mécanisme défini pour cela. Lorsque Charlie Mayer était ministre responsable de la commission, il a retranché l'avoine de la compétence de la commission par décret, sans aucune consultation. Ensuite, il a autorisé par décret la vente directe de l'orge aux États-Unis, sans qu'elle passe par la commission. La décision relative à l'orge a été contestée en justice par les pools et le tribunal a invalidé le décret. Nous ne voulons pas repasser par de telles péripéties. Quoi que le Sénat décide de faire, il faut établir un processus clairement défini.

D'aucuns préconisent également un double marché. La coalition et d'autres groupes exigent le double circuit de commercialisation -- autrement dit, les producteurs seraient libres de vendre leur grain par le biais de la commission ou de l'exporter aux États-Unis ou outre-mer. Ce n'est qu'un autre nom pour le marché libre. Si vous autorisez les producteurs à exporter le grain hors-commission, vous devrez permettre aux compagnies céréalières de s'approvisionner directement auprès des producteurs et à exporter le grain, puisque le transport direct du blé aux États-Unis par les producteurs ne représente qu'un marché limité. La CCB ne serait alors qu'une autre compagnie céréalière à l'intérieur du système -- sans silos ni terminaux d'exportation -- et ne serait pas assurée d'un approvisionnement suffisant pour tenir ses engagements. À mes yeux, cela n'aurait pas de sens.

Aux yeux des partisans, ce serait théoriquement le meilleur des deux mondes -- ce serait comme être marié et célibataire en même temps, ou avoir le beurre et l'argent du beurre. À mon sens, ce serait un désastre. Cette idée est avancée par ceux qui veulent un marché libre mais sans le prôner directement de crainte de s'aliéner les autres producteurs. Ces gens pensent que les producteurs qui ne souhaitent pas un marché libre vont se rallier à leur plan. Mais il ne s'agit là que du marché libre sous un autre nom. Le double marché ne peut tout simplement pas fonctionner et ce serait la fin de la commission du blé.

Les médias sont un peu crédules; ils sont en quête de sensationnel et manquent d'objectivité. Ils répètent sans cesse l'affirmation de certains politiciens à l'effet que les producteurs sont obligés de livrer tout le blé ou l'orge qu'ils produisent à la commission. Ils oublient que plus des deux tiers de l'orge produite sont vendus hors-commission et que le blé de grade trois ou inférieur peut être vendu hors-commission comme aliment du bétail.

Il y a également la frange extrémiste, qui englobe Farmers for Justice et le Canadian Farm Enterprise Network, soutenus et défendus par la National Citizens' Coalition, un regroupement de droite, le Prairie Centre for Agriculture et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Elle lance de folles accusations, invente des scénarios ridicules et organise des passages de frontière illégaux. Elle émet des communiqués de presse contenant quantité de demi-vérités et d'accusations aberrantes et les journalistes crédules en font leur miel. Elle saisit la justice pour prouver que la CCB piétine les droits et libertés; lorsqu'elle est déboutée, elle se lamente en disant que le système judiciaire est corrompu. Je ne veux pas que ces gens prétendent parler en mon nom.

Il est temps de trancher ce débat, d'adopter le projet de loi et d'élire des producteurs au conseil. Ce dernier aura la latitude de faire à peu près tout ce que les producteurs désirent et il sera démocratiquement élu par les producteurs eux-mêmes. Cela fait plus de trois ans que l'on discute de cela. Face à l'affirmation qu'il n'y a pas eu suffisamment de consultation, un producteur a lancé que la seule personne n'ayant pas été consultée est un citadin du centre-ville de Toronto -- et que même lui était probablement au courant puisque le Globe and Mail en aura certainement parlé.

Je joins un article du numéro du 19 mars du Western Producer. On y cite un expert de Dominion Bond Rating Service qui estime qu'il y a trop de compagnies céréalières et qu'il y aura des regroupements dans le secteur dans cinq à dix ans. Cela signifie qu'il y aura encore moins de compagnies céréalières et qu'elles seront beaucoup plus grosses qu'aujourd'hui. Je suis sûr qu'elles soigneront leurs intérêts plutôt que ceux des producteurs.

Je me souviens bien de l'époque où il y avait davantage de joueurs dans le système. Vous souvenez-vous de ces noms? Federal, Ogilvies, Searle, Canadian Consolidated, Western et beaucoup d'autres. Où sont-elles maintenant? Rachetées par d'autres compagnies. Qui restera dans quelques années? Cargill, le Saskatchewan Wheat Pool et une ou deux autres multinationales. À mes yeux, c'est là une raison de plus d'avoir une commission du blé forte pour concurrencer ces géants et protéger l'intérêt des producteurs.

Dans ce contexte je vous exhorte à adopter le projet de loi et à mettre le train en marche. J'espère que lorsque vous serez à Winnipeg, votre comité passera une journée à la commission du blé pour voir de première main comment elle fonctionne. Je suis sûr que cela vous serait très utile dans vos délibérations.

Je vous remercie de votre attention et serai ravi de répondre à vos questions.

M. Watson: Je veux d'abord remercier le comité de tenir ces audiences publiques sur le projet de loi C-4.

Je commencerai en disant que les agriculteurs se porteraient beaucoup mieux si le projet de loi C-4 était retiré. La majorité silencieuse s'est exprimée en faveur du retrait du projet de loi C-4 de diverses façons, notamment par le biais de l'élection du comité consultatif auprès de la Commission canadienne du blé. La majorité des 11 membres élus étaient de fervents partisans de la CCB -- et ce en dépit de toute la campagne médiatique organisée par les adversaires de la commission.

Les réunions Grain Days ont été organisées cet hiver dans toute la région couverte par la CCB. À la majorité de ces réunions, les agriculteurs ont adopté des résolutions demandant le retrait du projet de loi C-4. Je pense que ces réunions ont été très importantes.

Certaines des modifications les plus préoccupantes apportées à la commission du blé sont la perte du statut d'organisme d'État. L'élection des administrateurs fera de la commission du blé une entreprise mixte. La perte du statut de société d'État permettra au gouvernement de retirer progressivement le soutien financier et politique à la commission. L'absence de garantie de crédit gouvernemental gonflera le coût pour les agriculteurs, du fait des taux d'intérêt plus élevés. Cela a déjà été démontré par la suppression des garanties sur les ajustements aux paiements initiaux. Ayant participé aux discussions sur le tarif du Nid-de-Corbeau et le transport, je crains que cela arrive très rapidement.

Pour ce qui est des achats au comptant, l'achat de grain au comptant auprès des agriculteurs et compagnies céréalières ou même outre-mer entamerait la confiance des producteurs dans la mise en commun des prix. La mise en commun assure que tous les producteurs ont une part équitable des marchés à prix supérieur. Sans mise en commun, le guichet unique cessera d'être et la Commission canadienne du blé ne sera plus qu'une compagnie céréalière comme les autres.

Le projet de loi instaure un fonds de réserve pour couvrir les déficits des achats au comptant et garantir l'ajustement des versements initiaux. Pourquoi, en tant que producteur ne souhaitant pas le risque de l'achat au comptant, devrais-je payer jusqu'à 6 $ par tonne, selon l'estimation de M. Hehn. Si le gouvernement continuait à garantir les ajustements des versements initiaux -- et je crois savoir que le gouvernement n'a jamais perdu d'argent sur cette garantie -- un fonds de réserve ne serait pas nécessaire du tout.

Une clause d'inclusion dans le projet de loi serait une chose très positive. Les amendements introduits par le gouvernement en comité empêchant les organisations agricoles généralistes de déclencher le processus en rendraient le maniement très difficile. En outre, l'article 110 de l'ALENA, qui contraint d'indemniser les compagnies céréalières multinationales dans l'éventualité où la commission assumerait la vente d'autres céréales, empêcherait le Cabinet de promulguer la législation requise.

En conclusion, je souligne que je suis partisan du retrait intégral du projet de loi C-4. Je considère qu'il représente le début de la fin de la commission.

M. Kurtenbach: Permettez-moi d'indiquer d'emblée que, avec une grande majorité de mes voisins agriculteurs, je suis fervent partisan de la CCB et de sa structure. Les producteurs considèrent la Commission canadienne du blé comme l'organisme de commercialisation de céréales le mieux considéré et le plus prestigieux du monde et voient en elle leur courtier agissant dans leur intérêt. La commission du blé a permis que l'industrie céréalière canadienne reste à 70 p. 100 sous contrôle national, ce qui est très précieux dans une ère de prise de contrôle par des sociétés étrangères.

En ce qui concerne le projet de loi C-4, certaines de ses dispositions nous préoccupent. Nous estimons que les achats au comptant et les périodes variables de mise en commun nuiraient gravement à l'efficacité de la commission en tant que vendeur monopolistique de grain.

En outre, la création d'un fonds de réserve pour faciliter les achats au comptant et cetera tendrait à entamer la confiance des producteurs pour ce qui est du contrôle du coût de commercialisation de leur grain par la commission. Comme vous le savez, le coût pour les producteurs était d'environ 4 cents le boisseau, soit environ 1,46 $ par tonne lors de la campagne 1996-1997.

La création d'un fonds de réserve, exigeant une retenue sur les versements aux producteurs, est souhaitée par très peu. Ce sera une autre occasion pour les négociants privés et les compagnies céréalières transnationales de tirer à boulets rouges sur la CCB, dans le but de détruire le monopole de la commission.

La majorité des producteurs souhaitent le maintien du système de mise en commun par campagne agricole. Nous sommes disposés à partager les bénéfices et les pertes à l'intérieur d'une campagne car cette politique facilite la livraison et le transport ordonnés de notre grain à nos clients dans le monde et donne à tous les producteurs une possibilité égale d'accès aux marchés.

Nous formulons également de graves réserves contre la clause d'inclusion. Nous souhaitons un amendement établissant un mécanisme démocratique pour l'inclusion d'autres grains ou oléagineux dans le champ de compétence de la commission du blé. Le processus pourrait être enclenché par le conseil d'administration dès lors qu'il a l'assurance que les producteurs le souhaitent et nous souhaitons que le même processus démocratique s'applique à l'exclusion de toute céréale.

Tous les producteurs sont déjà pris dans un étau de coûts et de prix qui se referme de plus en plus. Le triplement des tarifs de fret, la fermeture de lignes ferroviaires et de silos imposent des coûts additionnels aux céréaliculteurs. Cela contribue plus avant à l'exode rural et à la disparition des exploitations familiales qui ont été le moteur du développement des Prairies au cours de ce siècle.

Nous avons de moins en moins de producteurs et ceux qui restent se livrent une concurrence féroce pour des revenus nets toujours plus réduits. Cela se traduit par un nombre de plus en plus petit de producteurs exploitant des superficies de plus en plus grandes et l'arrivée d'usines d'élevage de bétail à l'échelle industrielle.

Monsieur le président, j'ai une petite blague à vous raconter, si vous le permettez.

Cette situation est très bien illustrée par une blague qui court ces temps-ci dans les milieux agricoles. Apparemment, deux producteurs de céréales en quête d'un supplément de revenu ont trouvé à s'employer dans l'un de nos parcs nationaux. Un jour de congé, ils ont décidé de faire une randonnée dans la forêt; malheureusement, ils sont tombés sur un ours affamé en quête de déjeuner. Ils avaient beau courir aussi vite qu'ils pouvaient, ils ne parvenaient pas à distancer l'ours, si bien qu'à un moment donné l'un des agriculteurs s'est arrêté, a jeté par terre son sac à dos, enfilé une paire de chaussures de course; à son ami étonné qui lui disait: «Tu n'arriveras jamais à courir plus vite que cet ours», il a répondu: «Ce n'est pas nécessaire, il suffit que je courre plus vite que toi».

Les Prairies ont été construites par le mouvement coopératif et cette situation est assez triste. Quant à moi -- j'ai cultivé la terre pendant toute ma vie, pendant plus de 60 ans, et je n'aime pas voir ce qui se passe.

Je terminerai en disant que je souhaite que la commission conserve le système des avances comptant et des garanties des ajustements aux versements initiaux. En outre, nous avons besoin de la collaboration de la Commission canadienne du blé et du gouvernement pour préserver la réputation du Canada de fournisseur fiable de grain de qualité à nos clients. Merci beaucoup.

Le sénateur Hays: Les deux membres du panel qui ont parlé de l'inclusion/exclusion étaient M. Meyer et M. Kurtenbach. Je vais demander à M. Meyer de nous parler de l'avoine et de la manière dont la compétence de la commission a été décidée à son sujet. Pourriez-vous nous en parler? Je sais que les producteurs d'avoine que vous représentez sont heureux que l'avoine ne soit pas couverte par la commission, mais y a-t-il eu des votes, y a-t-il eu consultation? À supposer que le projet de loi C-4 soit adopté, il faudra instaurer des règles imposant au ministre de consulter la commission, la tenue de votes et cetera. Peut-être l'expérience faite avec l'avoine serait-elle instructive. Que s'est-il passé dans son cas?

M. Meyer: Cela tient beaucoup à l'utilisation de cette denrée aujourd'hui et son emploi par le passé. La plus grande partie de l'avoine est aujourd'hui transformée ici, au moins en partie, avant la vente sur le marché mondial. Voilà le premier facteur.

Il en est qui n'apprécient pas forcément ce type de système de commercialisation et qui estiment ne pas avoir accès aux renseignements commerciaux dont ils auraient besoin pour prendre de bonnes décisions. Mais ils peuvent cultiver quantité d'autres denrées.

Dans le secteur de l'avoine aujourd'hui, les producteurs sont satisfaits du système et ne veulent pas en changer, car ils s'y sont adaptés. Ils ont réalisé que, pour réussir dans l'avoine, il ne suffit pas de la cultiver et de s'inquiéter ensuite du marché; il faut commencer par réfléchir au marché avant de cultiver. Mais il n'y a pas que les débouchés eux-mêmes, il y a aussi la variété que l'on cultive. Il ne faut surtout pas produire le genre d'avoine que le marché ne veut pas, car vous ne pourrez peut-être pas vendre au prix dont vous avez besoin.

Pour ce qui est de la qualité, que je privilégie, nous voyons une situation très particulière dans l'orge, qui relève de la commission du blé, où tout le système est perturbé par la classification. Ce système n'est pas prêt à affronter les marchés d'aujourd'hui. Nous n'avons pas ce problème avec l'avoine, nous ne l'avons pas avec le canola, nous ne l'avons pas avec le lin, nous ne l'avons pas avec le seigle, nous ne l'avons pas avec la triticale. Nous l'avons avec les grains vendus par la commission.

Je ne dis pas que c'est la faute de la commission du blé, mais il y a toute une série d'intervenants en dehors de la commission du blé qui, dans certains cas, semblent exploiter cette dernière. Je songe en particulier aux normes de qualité et à ce qui se passe lorsqu'il s'agit d'exécuter des contrats individuels. Parfois, la commission du blé confie l'exécution à une compagnie céréalière accréditée. Vous savez, bien entendu, que les normes de qualité à l'exportation sont différentes des normes internes.

Le sénateur Hays: Lorsque l'avoine a été retranchée de la commission, les producteurs en ont été satisfaits; s'ils ne l'avaient pas été, ils auraient pu contester l'exclusion, comme l'ont fait les producteurs d'orge. J'aimerais savoir ce qui a précédé cette décision du ministre d'alors, si les associations ont été consultées, s'il y a eu des votes, quel était le processus.

M. Meyer: Je pense qu'il y a eu de fortes pressions de la part des transformateurs obligés d'effectuer de nouveaux investissements; afin de justifier ces derniers, il leur fallait savoir s'ils pourraient disposer d'un marché libre. Il faut le dire. Je cultive la terre en Alberta et je pense qu'il y a eu de fortes pressions venant de l'Alberta. Je parlerai brièvement de cet élément, bien qu'il ne fasse pas nécessairement partie de votre question.

Quelqu'un a dit ce matin qu'en Alberta il n'y a pas vraiment de vues arrêtées sur la commission du blé. Or, nous avons tenu un vote sur la commission du blé où une majorité des deux tiers a opté pour le libre choix de la méthode de commercialisation. Saskatoon est un milieu plutôt favorable au libre marché et il m'aurait été probablement plus facile de faire cette intervention à Edmonton ou Calgary. Mais nous avons besoin d'interagir les uns avec les autres et c'est certainement l'une des raisons de notre comparution ici.

Il serait faux de dire que le système actuel modifie le marché mondial sur le plan du cours de l'avoine ou maintient les prix à un niveau élevé. Certains des partisans de la CCB le prétendent, bien que les prix aient augmenté en 1988 lorsque l'avoine a été retranchée de la commission et ait fortement chuté un an après. Les prix ne sont pas dictés par des acteurs particuliers du marché, ils sont établis par le marché mondial et le marché mondial dicte le prix à tous, y compris à la CCB. Penser que le système de commercialisation en soi influe sur le prix que touchent les agriculteurs est une erreur. En réalité, les agriculteurs doivent s'adapter de façon à capturer toute valeur, à dégager des profits pour leur exploitation. Cela suppose des contrats de livraison ultérieurs et des contrats à terme, cela suppose des options et peut-être un certain nombre de choses qui ne leur sont pas familières aujourd'hui. Le passage à un système différent ne va pas nécessairement améliorer les profits des céréaliculteurs.

M. Kurtenbach: Je répondrai à votre question, sénateur Hays, sur l'historique de la décision de retrancher l'avoine de la commission. J'ai participé à une réunion dans la localité de Wakaw, à laquelle assistaient environ 250 agriculteurs. Nous avons voté pour le maintien de l'avoine sous l'égide de la commission à une majorité de 200 environ contre 12. J'ai été pas mal fâché que le gouvernement ait décidé de la retrancher néanmoins, en dépit d'une majorité aussi claire pour le maintien.

Le sénateur Hays: Y a-t-il eu des réunions comme celle-ci partout?

M. Kurtenbach: Il y en a eu pas mal.

M. Tait: Je ne fais pas d'avoine, mais je pense qu'il importe de réaliser qu'il n'y a pas eu de vote organisé parmi les producteurs lorsque l'avoine a été retranchée. Le ministre s'est contenté de prendre un décret. S'il n'existe pas de mécanisme bien arrêté, on retournera à la même situation.

Rien ne dit qu'un nouveau gouvernement et un nouveau ministre ne pourraient pas simplement décider de faire entrer le canola dans la commission et de prendre un décret à cet effet. Quoi que fasse le Sénat, il doit réaliser qu'il faut un mécanisme en règle pour cela et qu'il ne suffit pas de supprimer toutes ces dispositions sans rien pour les remplacer.

Le sénateur Sparrow: Existe-t-il des indications que les producteurs d'avoine s'en tirent mieux en dehors de la CCB? Ont-ils de meilleurs débouchés et obtiennent-ils de meilleurs prix pour leur produit? Ceux qui veulent inclure l'avoine dans la commission du blé le font-ils pour des raisons de principe ou pour des raisons économiques? La question s'adresse à qui veut répondre.

M. Kurtenbach: J'ai récemment demandé à mon élévateur local le prix de l'avoine. On m'a cité le prix de 1,46 $. Je me souviens très bien que lorsque l'avoine relevait de la CCB, le prix était supérieur à 2 $ le boisseau. Cela ne veut peut-être pas dire grand-chose, mais cela montre que le prix de l'avoine n'a pas augmenté spectaculairement, même si les transformateurs se montrent plus intéressés.

Le sénateur Hays: J'ai vendu de l'avoine à la commission du blé pour 90 cents. Le cours de l'avoine a énormément fluctué et on ne peut se fier à son prix à un moment donné.

M. Meyer: Si je puis aussi répondre à la question, monsieur le sénateur. Sans vouloir offenser personne, cela est précisément ce qu'il ne faut pas faire avec l'avoine aujourd'hui. Il ne faut pas demander le prix à la compagnie d'élévateur. Il faut avoir un contrat par avance ou à tout le moins suivre le marché. Vous ne pouvez pas produire de l'avoine, l'engranger et vous inquiéter du prix ensuite. Il faut évaluer d'abord le marché. Ce que fait réellement ce monsieur, c'est essayer de vendre l'avoine sur le marché qui paie le moins. Nous ne faisons plus cela. Nous essayons de cultiver un produit de qualité et ce produit de qualité appelle un prix déterminé par le marché.

Toutes sortes de recherches sont faites sur l'avoine; à l'avenir, on va extraire le gluten beta de l'avoine. Le gluten beta entrera dans la composition des shampooings, sera utilisé par l'industrie pharmaceutique. Nous avons deux projets dans l'Ouest du Canada où l'on ne va traiter que de l'avoine caractérisée. Il faudra produire pour ce marché à contrat et les prix seront sensiblement supérieurs à ceux de l'avoine courante que nous avons connus par le passé.

La moitié des producteurs produisent aujourd'hui un volume d'avoine sensiblement supérieur à celui du passé, simplement parce qu'ils se sont adaptés à un système de commercialisation différent, et c'est ce qu'il faut faire. Il faut s'adapter à un scénario de commercialisation d'un genre différent, cela ne fait aucun doute.

M. Watson: J'aimerais répondre sur la question de principe. D'aucuns pensent que les gens sont partisans de la CCB pour des raisons de principe; j'en suis partisan aussi, et rien n'est plus loin de la vérité. Je suis en faveur de la commission pour des raisons purement égoïstes. J'estime que je peux gagner davantage en collaborant avec mes amis et voisins -- en obtenant une puissance commerciale et en vendant mon grain de cette façon -- plutôt qu'en les concurrençant.

Le sénateur Hays: Je ne veux me substituer à personne, mais quelqu'un devrait demander à M. Creighton son avis juridique et l'ex-juge Andreychuk serait la personne appropriée.

Le sénateur Whelan: Je veux poser une question à M. Meyer, si c'est bien votre nom?

M. Meyer: Oui.

Le sénateur Whelan: Est-ce que votre membre du conseil consultatif est M. Macklin, du district de Peace River?

M. Meyer: Oui, le district 11.

Le sénateur Whelan: Il a été élu à une vaste majorité et il est fervent partisan de la Commission canadienne du blé.

M. Meyer: Oui.

Le sénateur Whelan: Je suppose que vous vous représentez vous-même, de même que les producteurs de la région?

M. Meyer: Oui.

Le sénateur Whelan: Êtes-vous d'avis différent de M. Macklin?

M. Meyer: Je ne suis pas membre du Syndicat national des cultivateurs, si c'est ce que vous me demandez.

Le sénateur Whelan: Ce n'est pas ce que je vous demande.

M. Meyer: J'appartiens à d'autres associations qui ont, je suppose, une position philosophique un peu différente; elles ont une opinion différente. Mais cela ne devrait pas être un problème, sénateur Whelan. Je représente ici l'avoine; je ne voulais pas faire une intervention philosophique et je ne crois pas l'avoir fait.

Le sénateur Whelan: Des questions ont été posées sur l'avoine et c'est à cela que je veux en venir. Si je vois M. Macklin, je lui demanderai si l'ancien ministre a seulement pris l'avis du comité consultatif au sujet de l'avoine. Je sais que son retranchement a pris beaucoup d'entre nous par surprise; il n'y a pas eu de débat préalable.

M. Meyer: Sauf votre respect, sénateur, c'était il y a dix ans. À l'époque, je m'occupais moins de ces questions qu'aujourd'hui, j'étais accaparé par mon exploitation. J'avoue que je n'ai pas eu l'occasion d'aller à une réunion où la question aurait été posée. Votre question, et elle a déjà été posée, porte sur le type de processus qui a conduit à la décision. Je ne pense pas avoir eu l'occasion de participer à une réunion publique à ce sujet.

Le sénateur Whelan: Je ne me souviens pas si c'est vous qui avez fait état de l'intervention des transformateurs auprès de la CCB. Il me semble que les transformateurs ont beaucoup de pouvoir, beaucoup d'influence.

M. Meyer: Sénateur, vous connaissez le jeu politique autour de l'agriculture beaucoup mieux que moi. Vous savez bien quel était le climat politique à l'époque. Je pense que c'était une décision politique, ce n'était pas une décision fondée sur les voeux des agriculteurs. Certains acteurs très puissants sont arrivés à la table et ont su amener ce gouvernement particulier à prendre cette décision. Je ne dis pas que la décision était mauvaise; je suis là, dix ans après, pour vous dire que la décision était bonne.

Le sénateur Whelan: Vous nous avez tous félicités d'être venus dans l'Ouest pour tenir des audiences sur ce projet de loi. Nous allons tous être comptés comme absents de la Chambre et c'est ce que vous allez lire dans les journaux.

Le sénateur Andreychuk: Je veux revenir sur l'aspect juridique. Monsieur Creighton, vous avez fait valoir quelques éléments très intéressants. Je ne sais pas si ma question s'adresse au président du comité ou à M. Creighton. Est-ce que ces éléments ont été abordés avec le ministre et le comité a-t-il soumis le projet de loi à des juristes?

Par ailleurs, la question agricole n'a pas encore été tranchée à l'Organisation mondiale du commerce. Vos propos sont très pertinents; nous ne savons pas où nous allons dans ce domaine et quelle sorte d'accords seront conclus. Vous pourriez peut-être nous dire comment vous en êtes venu à vous intéresser à cet aspect afin que nous puissions mieux vous situer -- comment vos opinions ont-elles été formées et avec qui?

M. Creighton: Le dialogue a été entamé il y a quelque temps, en fait. J'ai personnellement écrit des lettres à la CCB, à l'honorable Ralph Goodale et au ministère de la Justice et j'ai simplement demandé ce qui se passerait si un Américain venait au Canada en vertu de l'Accord sur le commerce mondial pour acheter du blé ou de l'orge dans les exploitations. Comme vous le savez, la Loi sur la Commission canadienne du blé stipule que la CCB achète tout le grain produit dans la région désignée, qu'il s'agisse de blé ou d'orge, «offert» à la commission. En d'autres termes, ce n'est pas son grain tant qu'il ne lui est pas offert. Par conséquent, si un producteur choisit de ne pas offrir son grain à la commission, et qu'un Américain vient au Canada pour acheter 1 000 boisseaux de blé dans une exploitation et se présente aux douanes, la question réellement n'est pas de savoir s'il a besoin ou non d'une licence. La question est de savoir s'il doit payer pour obtenir une licence?

Cette personne n'est pas un producteur canadien, n'est pas détenteur d'un livret, ne peut obtenir de livret et ne participe pas au compte de mise en commun. L'Accord sur le commerce mondial est applicable à l'agriculture, à ma connaissance, et il autorise une seule restriction au commerce, les tarifs douaniers. Il n'y a pas de tarif douanier sur le blé ou l'orge. Par conséquent, je fais valoir qu'un Américain peut venir chez nous acheter du blé ou de l'orge et il n'est pas tenu de payer la différence entre le prix intérieur et le prix extérieur.

Personne n'a répondu à ma question; ni M. Goodale, ni la CCB, ni le ministère de la Justice. Nous avons, en fait, dialogué avec l'USDA et avec M. Dan Glickman, le secrétaire à l'Agriculture, et ils sont d'accord avec ce que je dis. L'ACM autorise ses quelque 130 signataires à accéder à la production de chacun sous réserve seulement de la structure tarifaire, et l'accord est fondé sur la notion d'universalité. Si le scénario s'avère, qu'en résultera-t-il pour les producteurs canadiens? Si un Américain peut venir ici et faire avec le grain canadien ce qu'un producteur canadien ne peut pas faire, nous avons un problème.

Le sénateur Andreychuk: Vous fondez vos idées sur votre interprétation de ce que l'Organisation mondiale du commerce a fait jusqu'à présent. La plus grande partie du dialogue portait sur ce que l'Organisation mondiale du commerce pourrait faire, son orientation future et cetera -- la prochaine ronde de négociation intéressant de près l'agriculture. Pensez-vous que ce qui a déjà été mis en place sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce crée des problèmes?

M. Creighton: Disons les choses ainsi: je n'ai rien trouvé ou entendu qui contredise ce que je dis; si cela existe, j'aimerais le voir. Mais je n'ai simplement rien trouvé et j'ai fait des recherches poussées.

M. Tait: Je voudrais dire un mot sur les excréments de chevreuil dans l'orge. Je m'intéresse directement à cela car je suis représentant des producteurs au comité des normes de la Commission canadienne du grain. J'ai pris part à deux conférences téléphoniques à ce sujet au cours des dernières semaines et sur un resserrement de la réglementation.

Je suis préoccupé de voir que les adversaires de la CCB s'en servent comme d'une arme contre elle. Il y a un type pas loin de chez moi qui a écrit aux journaux pour dire que s'il y avait concurrence pour acheter son orge -- si les négociants privés pouvaient l'acheter, ils auraient réglé le problème et rien de tout cela ne serait arrivé. C'est de la foutaise; ce problème a surgi parce qu'une bonne partie du grain vient du nord de l'Alberta où l'orge a passé l'hiver dans les champs ou parce que le grain a été empilé dehors pendant l'hiver et que les chevreuils s'y sont mis. Cette orge a été achetée par les compagnies concurrentes dont il prétend qu'elles n'existent pas. Elle aurait pu être achetée par UGG, Pool, Cargill ou Patterson ou n'importe qui. Elles ont confié l'orge à la commission pour l'exportation.

L'un des problèmes est que la commission du grain n'a peut-être pas été aussi attentive qu'elle l'aurait dû et n'a pas décelé le problème avant la livraison au Japon. Mais il est simplement ridicule de blâmer la commission du blé pour cette affaire. Donner à entendre que la situation aurait été différente si le secteur privé s'en était chargé -- ce sont les sociétés privées qui l'ont achetée, ce sont les sociétés privées qui l'ont nettoyée dans les terminaux et y ont laissé les excréments. La commission du grain a maintenant renforcé les règles et les compagnies d'élévateur se sont vues enjoindre de ne rien acheter directement sur place; elles ne doivent rien accepter qui risque d'être contaminé.

Cela me gêne de voir que l'on utilise cela comme arme contre la commission du blé, alors qu'elle n'a littéralement rien eu à voir là-dedans.

Le sénateur Whelan: Nous avons reçu au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères M. Klassen, de l'OCEAP. Il nous a clairement dit que le Japon, notre deuxième plus grand partenaire commercial, a opposé un refus catégorique pour ce qui est de l'agriculture et de la pêche au Japon. Ce n'est pas universel; l'OMC compte 130 pays membres, mais une trentaine d'entre eux n'en tiennent aucun compte. Le Japon a opposé un refus catégorique -- il n'applique pas l'accord. On nous dit que c'est une règle mondiale. Ce n'est pas une règle mondiale lorsqu'un pays comme le Japon refuse de l'appliquer à l'agriculture.

La séance est levée.


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